H II 1 – Citoyenneté et démocratie à Athènes, du Ve au IVe siècle avant Jésus-Christ. Entre les Ve et IVe siècles avant Jésus Christ, les cités grecques sont toutes dirigées par leurs citoyens. Cependant, la cité d’Athènes se distingue des autres en accordant le même pouvoir à tous les citoyens, c’est naissance de la démocratie. En quoi la vision athénienne de la citoyenneté a donné naissance à la démocratie ? Après avoir déterminé qui est citoyen à Athènes aux Ve et IVe siècles, nous montrerons que la vision athénienne de la citoyenneté explique la mise en place de la démocratie. Enfin, nous verrons que cette démocratie est contestée en interne comme en externe. I. Etre citoyen à Athènes. Pour être citoyen à Athènes, il faut respecter un certain nombre de critères afin de pouvoir accéder aux droits et devoirs du citoyen. Ces critères en font une citoyenneté très sélective. A. Qui est citoyen ? Dans la cité athénienne, tous les habitants ne sont pas citoyens. Les critères pour devenir citoyen ont évolué au cours du temps pour devenir de plus en plus restrictif. En 508, Clisthène procède à une réforme politique. A cette date, le citoyen doit être un homme libre de plus de 18 ans, de père citoyen et inscrit sur les listes de son dème. Dès lors, tout citoyen dispose d’un nom tripartite avec son nom personnel, celui de son père et celui de son dème. A partir de 451 et de la loi de Périclès, le citoyen doit, en plus, être fils d’une mère elle-même fille de citoyen. Si le futur citoyen répond à tous ces critères, il doit suivre l’éphébie pour devenir définitivement citoyen. Lors de la première année de ce service militaire obligatoire, le futur citoyen reçoit une formation militaire de base qui lui sera utile pour exercer un de ses devoirs essentiels, celui de défendre la cité. Lors de la seconde année, les éphèbes se déplacent de garnison en garnison à l’intérieur de l’Attique afin de découvrir l’ensemble de la cité qu’ils vont défendre et diriger par la suite. Donc, à 20 ans, s’il a rempli tous les critères nécessaires, l’éphèbe devient enfin citoyen et va pouvoir bénéficier des droits et des devoirs du citoyen. B. Les droits et les devoirs du citoyen. Etre citoyen à Athènes c’est disposer, comme dans tout régime politique, de droits et de devoirs qui lui sont propres. Tout d’abord, le citoyen dispose : de droits politiques : seul le citoyen peut voter, participer aux élections et exercer des charges publiques (politiques, religieuses ou militaires) ; de droits judiciaires : seul le citoyen peut bénéficier de la protection de la justice et porter plainte par lui-même. Il bénéficie de l’égalité devant la loi (isonomie). Enfin, il ne peut être soumis à la torture ou être vendu comme esclave ; de droits civils : seul le citoyen a le droit de posséder une terre ou une maison et de les transmettre en héritage. Lui seul peut contracter un mariage avec une fille de citoyen athénien. Enfin, seul le citoyen peut recevoir du blé et des aides financières de la cité pour aller au théâtre, par exemple. En contrepartie, le citoyen a des devoirs importants, dont celui de défendre la cité, de 18 à 60 ans. Depuis les réformes de Solon, les plus riches servent comme cavaliers et la plupart des citoyens sont des hoplites. Les plus pauvres des citoyens, ne pouvant financer leur armement, sont rameurs sur les navires de guerre : les trières. Les plus riches des citoyens doivent aussi faire preuve de générosité en finançant directement les dépenses publiques les plus lourdes, par le biais des liturgies, c’est-à-dire par la prise en charge des services publics impliquant de fortes dépenses. Parmi les plus coûteuses, la triérarchie consiste à financer et à entretenir l’équipage d’une trière pendant un an, et la chorégie qui consiste à financer un chœur pour les représentations lors des concours de théâtre. La religion est présente dans tous les aspects de la vie du citoyen : les réunions de l’Ecclésia et de la Boulè sont précédées de sacrifices et de prières ; les magistrats sont choisis par les dieux par tirage au sort ; lors des campagnes militaires des prêtres consultent régulièrement les dieux. Le citoyen doit donc participer à la vie 1/5 religieuse et avoir une attitude pieuse envers les dieux pour que ceux-ci protègent la cité. Plusieurs grandes fêtes de la cité rythment la vie athénienne. Elles sont l’occasion pour toute la communauté de se rassembler. Des processions, des concours sportifs et théâtraux se déroulent durant ces fêtes. Parmi elles, les grandes Panathénées ont un éclat particulier. Si tous les habitants de la cité sont conviés, les citoyens prennent la tête du cortège et ils bénéficient d’une partie de la viande sacrifiée à la déesse Athéna. Le non-respect de ces devoirs peut conduire à la perte, totale ou partielle, définitive ou temporaire, personnelle ou héréditaire, de la citoyenneté (atimie) suite à un procès pour lâcheté au combat, vol, dettes ou impiété (Socrate et Aristote) voire même à l’ostracisme (exil). Etre citoyen signifie bénéficier d’un certain nombre de droits mais aussi exercer certains devoirs. Qu’en estil des autres habitants de la cité qui ne respectent pas les critères de citoyenneté. C. Une citoyenneté très restrictive. Sur les 333 000 habitants de l’Attique vers -430, seuls 40 000 sont citoyens : les femmes et les enfants de citoyens (103 000), les métèques (40 000) et les esclaves (150 000) sont exclus de la vie politique. Les femmes athéniennes sont considérées comme des enfants. Elles vivent toujours sous la tutelle d’un homme (père, mari, frère, fils), elles ne peuvent ni hériter, ni disposer librement du fruit de leur travail. Leurs tâches sont essentiellement ménagères. Privées de droits politiques, elles sont pourtant considérées comme gardiennes des traditions et sont associées à la vie religieuse de la cité. Cette relative importance vient du fait qu’elles engendrent les futurs citoyens athéniens. Privés de liberté, les esclaves n’ont aucun droit. Ils sont considérés comme une marchandise que l’on peut vendre, louer ou transmettre par héritage. En cas de procès contre son maître, l’esclave appelé à témoigner est torturé. Ils sont utilisés dans tous les secteurs de la production, en fonction des activités de leurs maîtres. Ils déchargent ainsi le citoyen des tâches quotidiennes lui permettant ainsi de s’occuper de la vie politique. Ils sont protégés par la loi afin de ne pas perdre une force de travail. Dans certains cas rares, l’esclave peut être affranchi par son maître. Athènes accueille de nombreux étrangers, Grecs ou non-Grecs. S’ils ne sont que de passage, ils ne sont pas protégés par la justice traditionnelle mais par des tribunaux spéciaux aux procédures plus sévères. Par contre, s’ils restent un certain temps à Athènes (plus d’un mois), s’ils s’acquittent d’une taxe spéciale (metoïkon, 12 drachmes pour un homme, 6 drachmes pour une femme) et si un citoyen se porte garant d’eux, ils accèdent à un statut particulier, celui de métèque. Certes, ils ne participent pas à la vie politique mais ils participent à la défense de la cité, bénéficient de la protection des tribunaux athéniens. Ils participent aussi à la vie publique par l’intermédiaire des liturgies et à la vie religieuse de la cité. Hommes libres, ils sont artisans, commerçants ou changeurs et contribuent donc à la prospérité d’Athènes, ce qui explique ce statut particulier. Exceptionnellement, l’assemblée des citoyens peut accorder la citoyenneté aux métèques ayant bien servi Athènes. Seule une petite partie de la population athénienne remplit les critères pour être citoyen, les autres habitants en sont exclus. La citoyenneté offre des droits et des devoirs dont le plus important, car faisant la distinction entre un citoyen et un non-citoyen, est le droit de participer à la vie politique. II. Le rôle du citoyen dans la démocratie athénienne. La démocratie athénienne va se mettre en place progressivement. A son apogée, elle repose sur des institutions ouvertes à tous les citoyens. Parmi celles-ci, les magistratures sont les plus importantes. Cependant, l’exercice du pouvoir politique est parfois difficile pour certains citoyens. A. Athènes, une cité grecque pas comme les autres. La Grèce compte environ 750 Cités-Etats réparties dans tout le bassin méditerranéen. Chacune constitue un Etat autonome mais les Grecs ont le sentiment d’appartenir à la même communauté parlant la même langue, priant les mêmes dieux, se réunissant au cours des mêmes fêtes (panhelléniques) et différente de celle des Barbares, les non-Grecs. La Cité-Etat athénienne (polis) domine un territoire, l’Attique, de 2 600 km² qui comprend un territoire agricole (chora) avec des villages, un grand port, Le Pirée, et une ville capitale, Athènes (asty). Athènes se distingue des autres Cités-Etats grecques par son système politique, la démocratie, qui s’est mis en place progressivement. La majorité des cités grecques sont des oligarchies, où le pouvoir politique est exercé par une aristocratie de quelques personnes, ou des tyrannies, forme particulière de monarchie où la personne qui gouverne a pris le 2/5 pouvoir par la force. Athènes a d’abord été une oligarchie du VIIe siècle jusqu’à la réforme de Solon, en -594 qui a réparti les citoyens en quatre classes selon leurs revenus (censitaires) et non plus selon leur naissance. Certes, l’aristocratie conserve l’essentiel du pouvoir mais les autres citoyens obtiennent les mêmes droits civils et judiciaires ainsi qu’une partie des droits politiques (vote des lois, par exemple) en fonction de leur richesse. A partir de -560, Pisistrate impose une tyrannie. Ses fils lui succèdent en -527 et furent renversés en -508. A cette date, Clisthène met en place une réforme qui réparti les citoyens en dix tribus selon leur lieu de naissance et non plus selon leurs revenus. Désormais, tous les citoyens disposent de droits politiques identiques même si, dans la pratique, les plus riches conservent l’essentiel du pouvoir. Au cours du temps, au fur et à mesures des événements politiques et des réformes, l’obtention progressive de l’isonomie a permis à tous les citoyens de participer aux institutions athéniennes. B. Des institutions accessibles à tous les citoyens. L’ensemble des citoyens formant le demos peut participer à l’Ecclésia, une assemblée souveraine qui se réunit 10 fois par an au Ve siècle et 40 fois au IVe siècle avant J. -C., sur la colline de la Pnyx pouvant accueillir environ 8 000 personnes mais seul un quorum de 6 000 citoyens est nécessaire. Cette assemblée a en charge le vote, à mains levées, des lois, de la paix et de la guerre ainsi que de l’ostracisme. Chaque citoyen peut proposer une loi et participer aux discussions. L’assemblée décide aussi de la construction des temples et du calendrier religieux. Les lois évoquées à l’Ecclésia sont préparés par un conseil restreint, la Boulè, composé de 500 citoyens de plus de 30 ans, les bouleutes, tirés au sort par l’Ecclésia à raison de 50 par tribus. La fonction de bouleute est renouvelable une seule fois. Ce conseil se réunit tous les jours (environ 200 par an) sauf lors des fêtes religieuses. En raison de son caractère permanent, la Boulè participe aussi à la gestion des affaires de la cité par le contrôle qu’elle exerce sur les magistrats (reddition de comptes) et par le biais de commissions spécialisées recrutées en son sein (contrôle des constructions navales, par exemple). Enfin, le conseil joue un rôle dans la politique étrangère d’Athènes et dans ses relations avec les cités alliées en collaboration avec les stratèges. Pour renforcer la permanence du pouvoir, les 50 bouleutes de chaque tribu assurent, sous le nom de prytanes, une présence continue d’un mois (35 à 36 jours) sur l’Agora dans le prytanée ou tholos. Ils y prennent leurs repas aux frais de la cité et un tiers d’entre eux y passe la nuit. Les prytanes convoquent l’Ecclésia et la Boulè, dont ils forment le bureau. Ils fixent l’ordre du jour des séances et reçoivent les ambassades. Ce sont également des citoyens de plus de 30 ans qui composent l’Héliée, le tribunal populaire d’Athènes, situé près de l’Agora. Les 6 000 héliastes (600 par tribus) tirés au sort par l’Ecclésia pour un an jouent un rôle essentiel de contrôle politique. En effet, tout citoyen peut saisir la justice contre un mauvais magistrat (eisangélie), pour contester la légalité d’une décision prise en assemblée (graphè para nomôn) ou pour une affaire privée. Pour chaque procès, le jury est tiré au sort parmi les héliastes. Les sentences sont adoptées à bulletins secrets et sont sans appel. A côté de ces institutions démocratiques, persiste le conseil de l’Aréopage qui est le vestige de l’ancien conseil aristocratique qui gouvernait la cité. A partir de Solon (-594), il se compose des anciens archontes et ce jusqu’à leur mort (environ 150 aréopagites). L’Aréopage contrôle le gouvernement de la cité après les Guerres Médiques jusqu’à la création de la Boulè puis la réforme d’Ephialte (-462) qui le privent de la plupart de ses pouvoirs politiques et judiciaires répartis entre l’Ecclesia, la Boulè et l’Héliée. Il ne prend plus en charge que les procès religieux, les affaires d’incendie, d’empoisonnement et de meurtre volontaire d’un citoyen avec préméditation. Cependant, ce conseil vénérable garde un grand prestige qui fait de lui la plus haute autorité morale de la cité. Ces différentes institutions permettent d’assurer une part importante du gouvernement de la cité mais la faible permanence de ces institutions nécessite l’existence d’autres fonctions politiques, les magistratures. C. Des magistratures prestigieuses mais étroitement encadrées. Environ 700 magistrats disposent d’un plus grand pouvoir dans la mesure où ils gèrent des affaires particulières comme les fêtes, les marchés ou la guerre. La plupart du temps, chaque fonction est occupée par 10 magistrats tirés au sort ou élus pour un an, donc un par tribu clisthénienne. Afin de limiter leur pouvoir, leur charge est exercée collectivement et ils doivent rendre compte, en sortie de charge, de leur action à la Boulè. Les stratèges et les archontes sont les plus importants. Les stratèges dirigent l’armée et la politique étrangère d’Athènes. Les archontes sont en charge de la présidence des tribunaux et de la religion civique. Tirés au sort, les archontes perdent leur prestige au début du Ve siècle au profit des stratèges, élus et rééligibles, même si le tirage au sort est perçu comme un choix divin. 3/5 Si la plupart des charges sont ouvertes à tous, en réalité seuls les plus riches peuvent consacrer leur temps aux affaires de la cité et occuper des fonctions prestigieuses : la stratégie est réservée à la première classe censitaire, l’archontat aux trois premières classes. En effet, les magistrats, qui doivent avoir plus de 30 ans, ne sont pas rémunérés. De plus, les magistratures électives, comme la stratégie, nécessitent des compétences particulières, fruit d’une éducation que seules les riches familles peuvent offrir. L’exercice des magistratures et plus largement la participation à la vie politique nécessite du temps libre, ce dont ne dispose pas tous les citoyens. La cité a donc dû trouver des solutions pour garantir l’accès de tous les citoyens à la vie politique. D. Garantir à tous l’accès au pouvoir. Depuis Clisthène, l’égalité est un des principes fondateurs de la démocratie athénienne, que ce soit l’égalité devant la loi, l’isonomie, ou l’égalité de parole à l’Ecclésia, l’isègoria. Il est pourtant difficile de parler réellement de démocratie avant les réformes du Ve siècle, qui permettent aux citoyens d’obtenir l’isokrateia, l’égalité des pouvoirs. En effet, sous Périclès, la création du misthos, vers -450 permet aux citoyens siégeant à l’Héliée de recevoir une indemnité en échange de leur participation aux procès. Cette indemnité est étendue à la présence à la Boulè, à l’Ecclésia et à certaines magistratures permanentes vers -400. Au IVe siècle, pour lequel certains montants sont connus avec certitude grâce à Aristote, le misthos pour l’Ecclésia est de 6 oboles pour les séances ordinaires et de 9 oboles pour la séance principale de chaque prytanie ; celui pour la Boulè est de 5 oboles pour les bouleutes et de 6 oboles pour les prytanes ; en fin celui des héliastes est de 3 oboles. 6 oboles, soit 1 drachme, représentent le salaire journalier d’un ouvrier. Cette réforme reflète la conception de la démocratie pour Périclès, celle d’une cité apportant des avantages matériels aux citoyens, en particulier ceux qui vivent dans le centre urbain. La démocratie a mis environ deux siècles pour se mettre en place. A son apogée, elle repose sur un certain nombre d’institutions ouvertes à tous les citoyens grâce au soutien financier de la cité. D’autres cités grecques ont adopté un régime démocratique mais Athènes offre une grande richesse de sources, preuve de la richesse du débat public athénien. III. Une démocratie contestée à l’intérieur comme à l’extérieur. La démocratie indique un régime politique où la souveraineté est aux mains du peuple mais aussi où la liberté d’expression est fondamentale. Cependant, malgré une remise en question permanente, la démocratie athénienne va progressivement s’affaiblir puis disparaître. A. Une démocratie en constante discussion. Le discours prend toute sa place dans un système démocratique. Il permet les débats qui reflètent la diversité des opinions. Ces débats ont lieu évidemment à l’intérieur des institutions mais aussi au théâtre et dans l’enseignement des philosophes. Le théâtre constitue une institution civique à part entière : les représentations sont financées par l’Etat ou par de riches citoyens, les acteurs et le chœur sont choisis parmi les citoyens ou les fils de citoyens et des indemnités sont versées aux citoyens les plus pauvres pour qu’ils assistent aux représentations. Les pièces de théâtre comme celles d’Aristophane permettent de critiquer certaines dérives (incompétences des magistrats ou des juges, lenteur des institutions…). L’engouement du demos pour les concours de comédies et de tragédies (le principal théâtre d’Athènes, celui de Dionysos, comprenait 17 000 places) reflète son attachement à la démocratie. Les philosophes proposent d’autres formes d’organisation politique. Platon divise la société idéale entre ceux qui la défendent et ceux qui gouvernent dans l’intérêt de tous. Ce n’est ni la naissance, ni la fortune qui donnent le droit de prendre les décisions mais l’éducation. Les travailleurs, accaparés par leurs activités, se trouvent donc exclus de la vie politique. Aristote, quant à lui, envisage une cité où les décisions sont placées entre les mains des citoyens les plus âgés, libérés de toute obligation militaire. Les philosophes critiquent le principe de démocratie qui est trop soumise à la volonté du « petit peuple » et donc exposé aux sophistes. C’est l’usage qu’ils font de l’art oratoire qui distingue les philosophes des sophistes. Ces derniers recherchent la persuasion du demos, s’il le faut au détriment de la vérité. Pour les philosophes, les sophistes et leurs élèves démagogues, issus des riches familles athéniennes, cherchent à manipuler l’Assemblée et doivent être exclus des cités idéales. En effet, une véritable élite politique s’est progressivement mise en place. Des grands orateurs (Périclès, Démosthène) ou des spécialistes financiers (Eubule ou Lycurgue) ont graduellement 4/5 accaparés le pouvoir par l’intermédiaire des magistratures électives, comme la stratégie. Ainsi, Périclès est resté au pouvoir de 461 à 429. Les Athéniens ont conscience de la fragilité du régime démocratique contesté par une partie de l’élite et n’hésitent pas à employer les moyens de défense dont ils disposent. Ils multiplient ainsi les procès contre les auteurs de lois considérées comme illégitimes. De même, l’ostracisme, créé en -488, permet au demos de protéger Athènes contre un retour de la tyrannie en exilant des citoyens pour dix ans par un vote de l’Ecclesia. La démocratie implique la liberté de parole et donc celle de critiquer le système démocratique. Cette remise en cause de la démocratie lui permet de se perfectionner mais l’expose aussi à un affaiblissement progressif. B. L’affaiblissement progressif de la démocratie. Si la démocratie, malgré ces limites s’applique à Athènes. Les Athéniens ne favorisent pas son éclosion dans les autres cités grecques. Ainsi, après les guerres médiques, Athènes a organisé une alliance, la ligue de Délos, avec d’autres cités grecques pour se défendre contre l’empire perse. Progressivement, Athènes a pris le contrôle de cette alliance – transfert du trésor de Délos à Athènes, installation de garnisons athéniennes dans les cités alliées – transformant l’alliance en un empire basé sur la mer, en Thalassocratie, et les cités alliées en sujets. Toute désobéissance était sévèrement réprimée. Cet empire va s’effondrer après la défaite d’Athènes lors de la guerre du Péloponnèse (431 à 404). Cette défaite va renforcer la remise en cause de la démocratie. Une partie de l’élite souhaite un retour à la « démocratie des ancêtres » qui réservait les charges publiques aux plus riches. A deux reprises, en -411 et en -404, à l’occasion de deux coups d’Etat, les anti-démocrates réduisent le corps civique à 3 000 citoyens et concentrent le pouvoir entre les mains d’un petit nombre (suppression du misthos). Cependant, l’exclusion d’une grande partie du demos conduit à des troubles, et finalement, grâce à l’appui de l’armée civique, au retour de la démocratie à la fin du IVe siècle. Le rétablissement de la démocratie s’accompagne d’une intolérance croissante vis-à-vis de toute critique de ce système. Socrate est ainsi condamné à mort et les auteurs de comédies abandonnent la critique de la démocratie pour des sujets mythologiques. Dans le même temps, la démocratie directe se voit limiter par la création de la fonction de nomothète (législateur), magistrat tiré au sort et qui peut voter des lois indépendamment de l’Ecclésia, et par le renforcement des prérogatives de l’Héliée qui prend en charge, désormais, les procès politiques et le contrôle des magistrats. Le IVe siècle est marqué par l’émergence d’une nouvelle puissance grecque, le royaume de Macédoine. En -338, Philippe II bat les Grecs des cités, à Chéronée, et leur impose sa tutelle, mais leur régime politique n’est pas remis en cause. C’est après la mort de son fils et successeur, Alexandre le Grand (356-323) qu’Athènes se révolte. Battue en 322, elle doit renoncer à son régime politique : nombre de citoyens divisé par deux, installation d’une garnison macédonienne au Pirée. C’est donc une intervention extérieure au monde des cités qui remplace durablement la démocratie par une oligarchie. Etre citoyen à Athènes, c’est appartenir à une élite politique qui représente à peine 12% de la population. Comme toute élite, les citoyens bénéficient de privilèges plus ou moins positifs, en particulier la participation pour tous à la vie politique. Le régime démocratique athénien permet au peuple d’exercer la souveraineté dans la cité. Mais, certaines contradictions ou faiblesses vont conduire à sa disparition. La citoyenneté athénienne constitue-t-elle le seul modèle de citoyenneté dans l’Antiquité ? 5/5