FICHE DE LECTURE Cornélius CASTORIADIS : « La montée de l’insignifiance » -les carrefours du labyrinthe-4 1. L’AUTEUR : Economiste à l’OCDE, directeur d’étude à l’EHESS, psychanalyste, C.CASTORIADIS (1922-97) fut cofondateur et animateur du groupe et de la revue « Socialisme ou barbarie ». Il a publié plusieurs ouvrages dont « L’institution imaginaire de la société » en 1975 et six volumes des « Carrefours du labyrinthe » dont est issu le présent ouvrage. 2. Présentation de l’ouvrage : Dans « La montée de l’insignifiance », C.CASTORIADIS s’interroge, nous interroge sur la perte de sens de nos sociétés modernes du monde occidental qui s’est installée progressivement depuis plus d’un siècle. Il essaye de mettre en lumières des hypothèses quant aux causes et aux mécanismes éventuels qui nous ont amené à cette situation, aussi bien sur un plan historico-politique que philosophique et scientifique et quelles perspectives peuvent se dessiner pour que nos sociétés dites modernes trouvent une issue à ce déclin. 3. Développement : Dans la première partie, l’auteur tente, en partant du constat qu’il fait de l’état de notre système économique et des classes dirigeantes qui le composent, d’apporter des éléments d’analyse, tels que les facteurs historiques et politiques, et leur influence non négligeable sur les consciences depuis un siècle. Tout d’abord, il fait le constat que les pouvoirs politiques n’ont plus le niveau de compétence requis pour faire face à un système économique devenu très puissant et mondial, ayant été dépassés par des évènements forts (crises financières, conflits) qu’ils n’ont pas su anticiper. Il s’interroge également sur les vraies motivations de ces classes dirigeantes à accéder au pouvoir : par soucis d’évolution personnelle ou pour réellement changer les choses ? Il met en doute les compétences des dirigeants politiques en leur accordant des capacités indiscutables à accéder au pouvoir sans réelles motivations à assumer les responsabilités qu’on attend d’eux. Il appuie ainsi le trait sur le fait que nos institutions sont devenues de simples bureaucraties sans message fort, sans idéologie construite et sensée. La question se pose alors de savoir quelle est l’origine de cette perte d’idéologie : est-ce que l’éducation actuelle n’en serait pas tout simplement la cause ? Eclatement des rôles au sein des familles, programmes scolaires tournés de plus en plus dans le seul but d’obtenir un diplôme, perte d’autorité du corps enseignant ne seraient-ils pas la cause principale d’une démotivation générale ? Ainsi nous aurions perdu toute idéologie forte, la culture n’étant plus l’essence même de nos savoirs, de notre identité, qui ne représenterait de nos jours qu’un ensemble de signes propres à donner l’illusion qu’il existe encore une culture. Notre seul but alors est de vivre pour profiter de plaisirs vains (loisirs). Or, une société ne se définit pas seulement par le groupe qu’elle constitue, mais véritablement par les volontés de se construire ensemble, vers un avenir qui ait véritablement un sens, partant d’une histoire commune, de traditions et de cultures partagées et qui donne sens à nos vies. En bref, comment pouvons nous encore être acteurs du monde que nous construisons ensemble en ne nous contentant juste de vivre de consommation et de loisirs ? On n’en serait arrivé qu’à subir notre environnement, embarqués dans une course folle où notre identité ne dépend plus de l’image forte que la société nous renvoyait jadis. La déconsidération générale de notre propre histoire, la certitude que nous sommes les « rois » de ce monde nous aurait quelque peu endormit et fait oublier que d’autres parties du monde vivent des moments forts qui ne sont pas sans influence sur nous. Si ce déclin est palpable depuis les années 30, nous avons tout de même connus hormis la seconde guerre mondiale et la montée du nazisme aujourd’hui disparu et oublié, notre révolution culturelle, à savoir Mai 68. Cependant, même si certaines idées fortes perdurent encore de nos jours, nous aurions perdu toute l’énergie, tout l’élan communautaire qu’elle a engendré. Les mouvements de pensées fortes véhiculées à ce moment n’ont pas trouvé l’écho désiré au sein de la société toute entière, soucieuse de son bien-être matériel menacé alors par un groupuscule d’intellectuels initiateurs du mouvement. Voir même, certains principes, qui se voulaient lutter pour la liberté des individus, auraient juste servi à satisfaire l’hédonisme individuel de chacun. La faute peut-être à certains combats d’idéologie, mais aussi à la volonté de s’opposer à toutes les institutions et, de façon logique, à la volonté même de ne pas prendre le pouvoir à leur place, contestant l’idée du pouvoir pour lui-même. Ainsi Mai 68 a fini par imploser et n’a pu que vivre son propre échec, ses initiateurs ne pouvant aller à l’encontre de ce qu’ils défendaient. De plus elle aurait engendré une certaine frilosité politique, malgré certaines libertés acquises, et aurait plongé la société dans un non sens encore plus criant par contre réaction à son existence. En parallèle de ça, l’occident est marqué par une théorie scientifique puissante : le marxisme-léninisme qui occupe le bloc de l’est et qui n’est pas sans incidence sur la construction identitaire de nos sociétés. Mais les théories de Marx concernant le capitalisme, au départ proposant une société maitrisée idéale, sera malheureusement reprise par le communisme, et particulièrement par Lénine (puis le nazisme) qui en la détournant en fera un outil désastreux pour le plus grand nombre. Les dégâts qu’il, et d’autres régimes totalitaires (Staline), causeront, seront un alibi supplémentaire, au regard de ce qu’ils ont prouvé de folie et d’horreur humaine, sur la perte de confiance qu’aura jusqu’alors notre sociétés envers ses dirigeants, ses institutions. Ainsi, nous n’arriverions pas à nous réapproprier une théorie forte et initialement intéressante et laisserions, marqués, désillusionnés, dériver notre système vers un « monétarisme » incontrôlé. Au-delà de ces mécanismes, vient se rajouter la peur grandissante de la réponse que donne le monde arabe, assailli depuis longtemps par les tractations des blocs de l’est et de l’ouest qui convoitent leurs richesse (le pétrole, le gaz) depuis longtemps. Leurs manières d’agir sur un monde qu’elles ne respectent guère, provoquent alors des désastres sur l’équilibre fragile de nations aux cultures fortes et contradictoires, déclenchant des conflits que les individus ne comprennent pas. Les actes terroristes qui en découlent, les menaces des pays islamiques envers le monde occidental pétrifient un peu plus nos consciences et ne peuvent alors que provoquer un repli sur soi supplémentaire. La révélation de tous les tenants de notre monde, reléguée par une technologie au service de conflits sous-jacents extrêmement tendus entre les différentes puissances, ne peuvent alors que participer à l’effondrement de notre monde qui était si puissant et glorieux par le passé. Or, il y a une autre dimension à prendre en compte dans la construction des individus, des sociétés : la dimension spirituelle. La seconde partie s’attache donc plus particulièrement à explorer comment notre espèce a cherché à se donner un sens, une explication au travers des croyances, de la pensée en général tout au long de l’histoire. Cette quête incessante, tantôt reléguée par des dogmes puissants, tantôt contestée par des courants de pensées philosophiques et scientifiques n’est pas sans poser quelques problèmes à l’image identitaire que nous nous construisons. Les questions qui taraudent les civilisations (la vie, la mort, notre origine, notre devenir), sont encore, malgré des tentatives d’éclaircissement, bien loin d’avoir trouvé une réponse, et combien même elles sembleraient en trouver une, sont aujourd’hui encore bouleversées par une nouvelle science : la psychanalyse. En effet, C.CASTORIADIS, explique comment à travers les différentes cultures, les différentes époques, l’homme a toujours été soucieux de trouver les solutions qui l’amèneraient vers le bonheur, le conduisant à définir cette recherche par l’obtention systématique de sa liberté et par là même de son autonomie. Il observe, aujourd’hui, que si nous sommes sortis de certaines croyances, la psychanalyse nous ouvre d’autres pistes de réflexion jusqu’alors inexplorées qui nous plonge à nouveau dans un état de doute, de déconstruction qui alimente à elle seule cette nouvelle crise identitaire. Là, l’auteur nous démontre à travers des extraits de conférences combien il fut, et il est encore difficile de définir l’existence de notre espèce, de sortir de notre imaginaire pour y trouver une quelconque rationalité possible. D’aucun depuis la domination des religions n’est parvenu à poser définitivement une certitude du sens de nos vies. Les allers-retours entre notre spiritualité et les manifestations de ce que nous produisons ensemble, les fruits d’une vie sociale sont autant d’écueils à l’établissement d’une éventuelle théorie de l’existence de l’humanité. Freud, avec la psychanalyse, établit cependant deux notions fondamentales qui caractérisent selon lui l’espèce humaine : l’interdit de l’inceste et l’interdit du meurtre intra-clanique. Les mécanismes qu’engendrèrent ces deux notions seraient à l’origine de la socialisation et la construction des premières institutions, par intériorisation profonde de ces principes dans notre psyché la plus intime. Il essaiera d’élucider les origines de notre société par l’implication de pulsions profondes (horreur de l’inceste, peur et respect du père-notamment dans totems et tabous) en présupposant qu’elles initièrent le langage, base de la socialisation. Mais l’auteur nous rappelle qu’aucune des théories freudiennes ne peuvent prouver le bien fondé des origines de l’humanisation. Il replacerait l’homme dans une autre dimension, en établissant, par exemple, que le fait religieux est un besoin psychique pour se protéger de ses pulsions, pour répondre à la question angoissante de la mort. Il établit alors l’existence d’un inconscient individuel, puis collectif sans aucun rapport avec les différentes périodes de l’Histoire et les différentes cultures. Freud cependant, dans différentes thèses pour expliquer la création de la croyance en un dieu, aurait omis d’explorer certains domaines de réflexions qui auraient pu les valider. Il ira cependant plus loin en faisant une relation de cause à effet dans la construction politique de nos civilisation posant l’hypothèse que nos institutions seraient nées de nos constructions psychiques issues, pour le dire très schématiquement, de nos pulsions infantiles. Ainsi, si Freud ne réussit pas à établir une vérité sur nos constructions politiques et sociales, il aura fortement influencé la vision que nous avons de notre place dans ce monde, replaçant l’homme dans une dimension cosmique différente et nouvelle. La dernière partie aborde la question sous un angle plus sociologique. L’auteur met en parallèle deux systèmes, en essayant de ressortir les éléments qui les constituent, à savoir la démocratie grecque, et la démocratie actuelle. Faisant le lien avec la construction psychique, développée dans la partie précédente, il s’attache à mettre en lumière le rôle de notre imaginaire individuel et collectif dans la naissance des institutions. En se basant sur deux systèmes politiques où les lois sont produites par la société elle-même et non imposées par un pouvoir divin et coercitif, l’auteur met en évidence que nous somme dans un monde en perpétuel questionnement, en perpétuelle construction. C’est ce mode de fonctionnement, où les interactions entre individus sont à l’origine de la genèse de ses institutions, qui est le fondement même de la démocratie et par conséquent de la recherche incessante du sens qu’elle se donne et de l’avenir qu’elle se construit. Ainsi naitra la philosophie, dans un premier temps dans l’Antiquité grecque, et ensuite, prendra tout son essor à notre époque contemporaine, grâce à l’évolution de nos savoirs scientifiques et, dans un même temps, au recul de l’influence de l’église. C’est alors que l’on peut parler de sociétés autonomes, ou qui vise à l’être puisqu’elles ne répondent pas à une vérité divine et définitive. Il introduit la notion de clôture et de rupture dans la recherche de signification de nos sociétés. Or il existe une différence fondamentale entre ces deux formes de démocratie : l’élection des représentants des instances supérieures qui ne répond pas aux mêmes normes selon les époques. Le régime politique grec ancien s’attache à selectionner les meilleurs (aristoi), alors que chez les modernes, il repose sur une sélection au suffrage universel qui s’apparenterait finalement au choix d’un modèle quasimonarchique. Ainsi le pouvoir de nos jours est relégué à une sphère de spécialistes, alors qu’il était partie intégrante du collectif chez les grecs. « L’Etat c’est le peuple » ne se vérifie plus aujourd’hui, les lois n’étant plus lisibles par tous mais par un corpus spécialisé. Il existe pourtant bien des experts chez les anciens, mais qui ne concernent que la technique, la science, en aucun cas la politique. Cependant, Platon sera le premier à proposer une professionnalisation de la politique, considérant qu’elle nécessite un certain savoir-faire pour être correctement menée. Autre point important, c’est l’élaboration et le choix des lois qui, chez les anciens, sont soumises, discutées par tous, alors que chez les modernes, elles sont décidées par les instances supérieures. Ainsi, le pouvoir judiciaire n’entretient pas les mêmes relations avec les pouvoirs (chez les anciens, il est le fait de chacun), et influe directement sur la construction de chacun des systèmes. Notre rapport à la loi nous place de nos jours en subordination à l’Etat, qui s’est structuré en pouvoirs exécutif et législatif selon une Constitution. Bien sur, l’auteur nous rappelle que si la loi, la démocratie chez les anciens, sont le fait de tous, elle exclue certaines catégories (femmes, esclaves). Nos sociétés modernes, elles, se veulent plus universalistes, basées sur les droits de l’homme, mais posent encore des problèmes en termes d’équité dans leur mode de gouvernement, de fonctionnement. Il fait remarquer que ces deux démocraties ne peuvent être semblables, la religion chrétienne étant passée par là, ainsi qu’une longue période de régimes monarchiques qui ont marqués les consciences, et changé notre rapport à l’autorité, laissant encore quelques traces aujourd’hui. Ainsi, la question de l’universalité que la démocratie est sensée diffusée n’est pas si évidente que cela puisse paraitre, marquée par des niveaux de croyances différentes qui ne sont pas sans effets sur la construction de nos institutions. A ce propos on peut se demander si l’universalisation de la démocratie est possible, voir souhaitable ? Ce serait sans imposer au monde un pouvoir qui n’est pas en adéquation avec l’idée même de la démocratie. Les grecs déjà concevaient la démocratie dans l’égalité, même si elle était limitée à une certaine catégorie de la population. Mais on retrouve malgré tout un esprit de compétition des deux cotés : de manière très imagée, les jeux olympiques pour les grecs, les matchs de football aujourd’hui. Repartant de l’histoire de la naissance de la démocratie grecque, C.Castoriadis nous montre que, d’après l’évolution de ses institutions, c’est un système en perpétuelle transformation. C’est la société qui produit ses propres institutions, nées de l’imaginaire égalitaire des individus qui la constitue. Or, même si l’esclavage n’est pas pris en compte dans la société grecque, son existence, son activité apparentée à des groupements artisanaux ont un poids non négligeables en termes de nombre et, comme les masses ouvrières aujourd’hui ont un rôle prépondérant dans la formation de nos institutions. Autre dimension qui reflète l’organisation d’un système, c’est sa culture et à qui elle s’adresse. « La culture pour tous » de nos sociétés modernes, l’est-elle vraiment ? L’imaginaire qu’il représente appartient à tous et redonne, en apparence le plein pouvoir que le peuple est sensé avoir dans une démocratie. Il nous rappelle que notre société s’auto-institue : il serait l’expression de la volonté d’une rationalisation de notre monde, de la recherche de sa signification. Or, on constate que l’art aujourd’hui s’oriente plus particulièrement sur la forme, et non plus sur le fond, traduisant certainement la représentation que nous nous faisons du monde, et par conséquent, la perte de sens que nous constatons aujourd’hui. Dernière dimension, mentionnée par C.Castoriadis, qui réagit à l’ensemble des faits politiques et philosophiques cités jusque là, et sont à l’origine de la déroute générale de nos sociétés modernes, est la récente montée en puissance de l’éthique. Voulant sortir de l’emprise d’idéologies fortes qui ont marquées notre histoire, nous vivons dans un monde de plus en plus superficiel, dominé par la surconsommation et la surinformation d’une part, et les avancées technologiques qui nous dépassent d’autre part. Pour répondre aux interrogations qui en découlent, nous multiplions, pour compenser notre perte de confiance envers la politique et la philosophie traditionnelle, les instances éthiques pour guider nos actes. L’auteur souligne au passage que si la philosophie réfléchissait à grande échelle, l’éthique est plutôt là pour gérer des problèmes individuels. Or, la détermination de nos actes, en partie, ne dépend que du groupe dans lequel nous évoluons, de facteurs que nous ne pouvons maitriser (notre lieu de naissance, par exemple). La politique entretient par conséquent un lien étroit avec l’éthique dans les choix de nos actes quand nous nous opposons à certaines injustices, quand nous prenons certaines décisions. Mais, il faut noter que le débat éthique, si l’on en juge la bioéthique dans nos sociétés modernes, a, comme le souligne l’auteur, un vrai problème de fond : ne se trompe-t-on pas d’éthique quand on se bat à savoir s’il est légitime de faire de la procréation assistée, quand des milliers d’enfants meurent dans d’autres parties du monde ? La médecine moderne nous abuserait à mener des combats hautement scientifiques, relevant de l’éthique, alors même qu’il existe une importante inégalité de l’offre de soins. Le mensonge serait alors du ressort politique et non éthique. A travers Kant, la notion de l’éthique pose un dilemme constant, et le bien et le mal qu’elle suggère sont constamment remis à mal par la raison d’Etat : « tu ne tueras point », n’a pas empêcher les guerres d’exister. Or, historiquement, l’éthique a connu un clivage avec le politique qui n’existait pas au départ. Jadis, le privé était intimement lié à la sphère publique, les lois découlant naturellement des croyances divines chez les grecs anciens. Le christianisme, lui, s’imposera par les interdits, non opposables qu’il dictera, instaurant ainsi une séparation nette des pouvoirs, éthiques et politiques, que l’on retrouve encore de nos jours malgré la laïcisation de nos temps modernes. La prise de conscience de ce fait est primordiale pour retrouver une vraie autonomie politique et éthique, nous permettant alors d’être réellement acteurs dans une révolution idéologique qui redonnera un vrai sens et un nouveau souffle à la construction d’un état démocratique nécessairement nouveau et tourné vers l’avenir. Nous devons nous arrêter sur ce qu’est la démocratie moderne, la politique qui la dirige, les individus qui la constituent, l’essence même de ces individusintégration de fragments institutionnels, construction psychique- pour redonner force à notre imaginaire et retrouver le sens perdu, occulté par le christianisme. Nous devons prendre conscience que nous somme des être sociaux, que nous sommes à l’origine des institutions dont nous dépendons, et qu’il faut réfléchir en conséquence pour que notre société trouve son autonomie. Mais si nous devons nous impliquer totalement dans le fait politique, il ne faut pas oublier que son but est la liberté de chacun, et pas uniquement la quête du bonheur, ce qui risquerait de nous replonger dans un totalitarisme non souhaitable. Nous devons accepter que l’autonomie, la liberté individuelles ne sont pas possible dans un système égalitaire. L’équilibre dans le respect des trois sphères qui nous gouvernent –privé, privé/publique, publique- doit être la règle absolue pour sortir d’une démocratie devenue procédurale. Il apparait qu’aujourd’hui les lois régissent toutes les sphères, alors même qu’elles doivent rester éthiquement indépendantes, en particulier la sphère privée. La judiciarisation de notre système est devenue prépondérante à tous les niveaux de notre système démocratique, et devant l’ampleur des procédures qui en découlent, il nous faudra un investissement éducatif conséquent pour réinvestir nos institutions, se les réapproprier et les modeler à notre image. S’inspirant de la suprématie bourgeoise qui développa le capitalisme et engendra les tensions entre classes sociales interdépendantes, l’auteur nous incite à sortir de notre réflexe purement défensif vis-à-vis de l’autorité afin d’être totalement participant au pouvoir. La liberté convoitée doit l’être pour en faire quelque chose de concret, pour le bien commun. C’est avec cette notion que nous serons des citoyens responsables, non dupes, conscient que notre bonheur individuel dépend du partage de valeurs au service de ce bien commun. La connaissance de ce qui fait notre monde, des contingences qui nous gouvernent, ne peut que nous dégager d’un certain fatalisme, et nous permettre alors, en acceptant parfaitement les limitations que la vie en société implique, d’évoluer et reprendre en main notre destin, le destin de notre société.