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EPREUVE 1
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Adieu cochons, bonjour les rats
Lettre d’Asie - Sylvie KAUFFMANN
Le Monde - Mardi 29 Janvier 2008
La mondialisation ne respecte rien, pas même la tradition lunaire quatre fois millénaire du Nouvel An
chinois. L’année lunaire qui, en 2008, s’ouvre le 7 février, soit deux lunes après le solstice d'hiver, est
placée sous le signe du Rat, mais ce rat-là a de drôles d'oreilles. Rondes, noires, luisantes... Disney
n'allait pas laisser passer une pareille occasion, et, à Hongkong, l'année du Rat est en train de se
transformer en «Year of the Mouse» Mickey Mouse, bien sûr. Comme Eurodisney en France, il y a
quelques années, Disneyland Hongkong, ouvert en 2005, a du mal à séduire un public malgré tout
encore attaché à sa propre culture. Fabuleuse aubaine, l'année du Rat, chassant celle du Cochon, a
permis à l'entreprise américaine de lancer une campagne publicitaire sur le thème «Year of the
Mouse Celebration», où l'on voit Mickey et Minnie en costume chinois fêter le Nouvel An sur fond de
musique sirupeuse. Dans le parc lui-même, Main Street USA s'est enrichie de quelques danses du
dragon, du dieu de la prospérité et de celui de la longévité, et le tour est joué : grâce à Mickey,
Disney et la culture chinoise ne font plus qu'un.
Dans l'univers chinois, qui dépasse largement les frontières de la République populaire avec
quelque 40 millions de Chinois à travers le monde, dont 30 dans divers pays d'Asie, le Nouvel An
n'est pas une mince affaire. C'est d'abord l'occasion d'une gigantesque transhumance, qui occupe
transporteurs et agents de voyage plusieurs mois à l'avance. Comme les Américains à Thanksgiving,
les Chinois sont prêts à traverser le pays en troupeau pour commencer la nouvelle année lunaire en
famille ; simplement, ici, les
troupeaux sont plus gros. Quand 146 millions de personnes se
déplacent
en même temps, comme ce fut le cas en
2007,
ça
vous transforme un pays.
Le Nouvel An est d'ailleurs le seul moment de l'année où les vols directs entre Taïwan et la Chine,
sans changement à Hongkong, sont autorisés, pour permettre au million de Taïwanais travaillant en
Chine de passer les fêtes chez eux.
Il y a huit ans, la Chine a décidé d'octroyer trois «semaines d'or» par an à ses travailleurs, afin
d'encourager le tourisme et la consommation.
Avec trois jours fériés autour du Nouvel An chinois, du 1er mai et de la fête nationale (le 1er octobre),
on pouvait chaque fois se bricoler, une semaine de congé en réorganisant les week-ends. Mais la
bonne idée a tourné au cauchemar lorsque des millions de gens, trois fois par an, se sont retrouvés
debout dans les mêmes trains, prenant d'assaut les mêmes bus, dévastant les mêmes sites
touristiques. Lorsqu'une tortue vieille de mille ans a été écrasée par une horde de visiteurs, l'idée de
l'étalement des vacances est venue aux autorités pour résoudre, selon les termes d'un responsable du
tourisme, «les contradictions entre la demande des consommateurs et la capacité du service». La
presse a même débattu des mérites de la flexibilité en matière de vacance. Mais en décembre 2007,
la décision est tombée : la « semaine d'or » du 1" mai est supprimée, remplacée par quatre jours
fériés répartis sur l'année. Les congés payés sont, en Chine, à la discrétion des employeurs.
L'année du rat sera "une année calme en apparence,
mais pleine de tensions en dessous"
La « semaine d'or » du Nouvel An, la plus importante fête chinoise, a été sauvée. Inutile de songer à
mener d’importantes négociations d'affaires cette semaine-là, en Chine ou dans les pays d'Asie à
grosse communauté chinoise le pouvoir économique est en vacances. Pékin, Shanghai, Taipeh ou
Singapour sont des villes mortes. Même les chantiers s'arrêtent, désertés par les travailleurs migrants
rentrés dans leur province éloignée.