Politiques Publiques
98 • Sociétal n°60
La loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État met sur un pied d’égalité
toutes les religions (neutralité de l’État, absence de culte officiel). Les deux premiers
articles de la loi de 1905 sont particulièrement édifiants, ils énoncent : « Article pre-
mier : la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des
cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public. Article 2 : la
République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence
seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes
dépenses relatives à l’exercice des cultes4. »
Cette loi remet en cause le Concordat, qui avait été négocié en 1801 entre Napoléon
et le pape Pie VII5. Elle est un point d’aboutissement d’un processus engagé bien
avant. En fait, la distinction de la religion et de la citoyenneté politique a été faite
dès Henri IV, avec l’édit de Nantes (1598). La France a institué très tôt l’accès aux
charges publiques (de Sully à Necker) sans condition d’appartenance à la majorité
religieuse. Les révolutionnaires de 1789 avaient déjà instauré un statut civil pour
le clergé. Napoléon voulait être sacré par le pape, mais il s’autoproclame empereur.
Quant au Code civil de 1804, il ne comporte aucune norme religieuse. Les institu-
tions se sont peu à peu distinguées, séparées et affranchies de la tutelle étroite de
l’Église au cours d’un lent travail des siècles.
La loi de 1905 a achevé ce processus. Émile Combes, anticlérical fanatique, et les
partisans de la République laïque ont lancé un pavé dans le bénitier. Le texte est
aussitôt condamné par le pape Pie X dans son encyclique Vehementer nos et l’in-
ventaire des biens ecclésiastiques provoque des affrontements violents. La crise des
inventaires montre que les susceptibilités sont à fleur de peau : de simples actes de
procédure administrative ayant pour objectif d’empêcher le détournement du mobi-
lier des églises et des objets de culte sont vécus par les fidèles comme des actes de
profanation. Plusieurs évêques estiment que la loi de 1905 les place au-delà de la
douleur et déclarent que si l’Église doit désormais louer des édifices qui lui appar-
tiennent, ils préféreront dire la messe dans des granges ou dans des catacombes !
Dans les colonies où la laïcité rencontre l’Islam, la politique suivie est ambiguë. Ainsi,
en Algérie, partie intégrante de la République jusqu’en 1962, la loi de 1905 s’applique,
4. La loi précise : « Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie
et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que les lycées, collèges, écoles,
hospices, asiles et prisons. » Dans les établissements scolaires, l’existence d’une aumônerie n’est obligatoire que dans
les internats, là où la liberté de conscience ne peut être sauvegardée que par la présence d’un aumônier.
5. Rappelons que le Concordat, qui mettait fin à la politique antireligieuse de la Révolution française, imposait la
liberté des cultes. Il instaurait un contrôle sur l’Église et un soutien financier de l’État (les évêques sont nommés et
rémunérés par l’État). Le texte déclarait la religion catholique « religion de la grande majorité des citoyens français »
et abolissait la loi de 1795 séparant l’Église et l’État. Le Concordat est toujours valable dans les trois départements
d’Alsace-Moselle, ainsi les évêques de Strasbourg et de Metz sont nommés par le Président de la République.