Biologie du développement L`intégrine, une protéine qui

2 mai 2006
COMMUNIQUE DE PRESSE
Biologie du développement
L’intégrine, une protéine qui « donne des ailes aux cellules »
Le système nerveux est indispensable au fonctionnement des muscles et de tous les organes du corps.
Dans l’intestin, il contrôle la progression des aliments au cours de la digestion.
A l’Institut Curie, des chercheurs du CNRS viennent de montrer le rôle essentiel d’une protéine présente à
la surface des cellules, l’intégrine ß1, dans la formation du système nerveux intestinal chez les embryons.
Sans cette protéine, les cellules du futur système nerveux intestinal ont une capacité migratoire réduite et
par conséquent ne colonisent pas entièrement l’intestin. Cette anomalie est responsable chez l’homme de
la maladie de Hirschsprung, une malformation congénitale rare.
Quand les cellules tumorales acquièrent la capacité de migrer dans l’organisme, il y a risque de formation
de métastases. La découverte des chercheurs CNRS de l’Institut Curie pourrait permettre de mieux
comprendre comment les tumeurs deviennent invasives.
Que ce soit pour la maladie de Hirschsprung ou les cancers, cette découverte publiée dans la revue
Development de mai 2006, devrait permettre d’améliorer les connaissances et les traitements.
Tout commence par la formation d’un œuf issu de la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde. Puis l’œuf se
divise : d’une cellule, on passe à deux, puis à quatre... L’embryon fait son nid dans la paroi utérine et la grande
aventure commence.
Au cours de ce processus, les cellules ne font pas que se multiplier, elles se spécialisent : certaines apprennent à
devenir des cellules nerveuses, d’autres des cellules musculaires ou sanguines... Elles se déplacent au sein de
l’embryon et elles sassocient en organes.
Progressivement, l’embryon devient fœtus.
A un moment donné de son développement, l’embryon
se creuse sur toute sa longueur jusqu’à ce qu’un tube
se forme. Ce tube dit « neural » est à l’origine de toutes
les cellules du système nerveux : le système nerveux
central qui correspond au cerveau et à la moelle
épinière et le système nerveux périphérique qui
regroupe toutes les cellules nerveuses du reste de
l’organisme.
Le système nerveux périphérique provient dune
population particulière de cellules situées dans la
région dorsale du tube neural, la crête neurale. Les
cellules de cette crête quittent le tube neural, migrent
dans l’embryon et envahissent les différents tissus. Par
exemple, celles qui donnent le système nerveux
intestinal migrent vers l’intestin en formation, puis le
colonisent en progressant vers son extrémité
postérieure, le futur rectum.
C’est seulement après avoir envahi l’intestin tout entier
qu’elles acquièrent toutes les spécificités propres aux
cellules nerveuses de l’intestin. Chez le nouveau-né et
l’adulte, ces cellules contrôlent la progression et
l’absorption des aliments dans l’intestin au cours de la
digestion.
Le développement embryonnaire, « miroir
inversé » de la cancérogenèse
De nombreux points communs existent entre la formation
d’un embryon et le développement d’un cancer, deux
processus qui se caractérisent par le passage d’une
cellule unique à un groupe de plusieurs cellules.
A
insi, à l'image d'une tumeur en pleine croissance, les
cellules de l'œuf fécondé connaissent un rythme soutenu
de divisions. Elles migrent ensuite pour former les futurs
organes, tandis que des cellules cancéreuses échappées
de leur tumeur d'origine engendreront des métastases.
Ces similitudes font du développement embryonnaire une
« image-miroir » de la transformation tumorale. La
rencontre entre chercheurs en cancérologie et
spécialistes de la biologie du développement a déjà
permis de montrer que ce sont souvent les mêmes gènes
qui interviennent dans le développement d’un embryon et
dans l’apparition d’une tumeur.
D’ici 2008, un nouveau pôle de recherche international
dédié à la biologie et génétique du développement verra
le jour à l’Institut Curie. Ce nouveau tournant devrait
permettre de faire avancer plus rapidement les
connaissances sur la formation des cancers, et
consécutivement le développement de nouvelles
stratégies thérapeutiques.
La migration des cellules dans la formation du système nerveux
Marie Breau dans le groupe de Sylvie Dufour1 étudie la formation du système nerveux de l’intestin dans des
embryons de souris et tout particulièrement le rôle des intégrines2. Ces protéines situées à la surface des cellules,
leur permettent de s’ancrer à leur environnement.
Partant du constat que les souris n’exprimant pas le gène de l’intégrine ß1 ne survivent pas, elle a « éteint » ce
gène uniquement dans les cellules de la crête neurale des embryons de souris pour en étudier les conséquences.
Sans intégrine ß1 à leur surface, les cellules précurseurs du futur système nerveux ne parviennent pas à coloniser
entièrement l’intestin. Elles s’arrêtent au milieu du côlon car leur capacité de migration est fortement réduite. Les
souris ainsi « mutées » ne possèdent pas de système nerveux dans la partie la plus postérieure de l’intestin. Cette
anomalie ressemble fortement à la maladie de Hirschsprung chez l’homme, un défaut congénital rare qui touche
1 nouveau-né sur 5000 (voir « pour en savoir plus »). Ce modèle génétique devrait permettre de mieux
comprendre le défaut de colonisation responsable de cette maladie, voire y apporter des solutions.
Quand les cellules tumorales s’échappent…
La colonisation de l’intestin d’embryon par les cellules issues de la crête neurale présente de nombreux points
communs avec le développement de métastases chez les patients atteints de cancer. En effet, certaines cellules
cancéreuses n’arrêtent pas leur progression à la seule invasion du tissu d’origine : elles se propagent dans
l’organisme.
Tant que les cellules restent groupées, la tumeur est localisée et par la même maîtrisable. Un traitement local
(chirurgie, radiothérapie) conduit alors à la guérison du patient. En revanche, lorsque les cellules acquièrent la
capacité de disséminer dans l’organisme, la tumeur est alors considérée comme métastatique et son éradication
rendue plus complexe.
Ce modèle de souris développé par les chercheurs de l’Institut Curie devrait permettre de mieux comprendre
comment se forment les métastases, un enjeu essentiel pour améliorer la prise en charge des cancers.
De plus, les intégrines, déjà connues pour leur implication dans la transformation des cancers localisés en cancers
invasifs, apparaissent comme une cible prometteuse pour de nouveaux traitements contre le cancer.
Il apparaît donc doublement important de décrypter les mécanismes impliquant les intégrines dans les processus
d’invasion tissulaire.
Avec ce modèle, les chercheurs de l’Institut Curie disposent d’un outil idéal à l’étude de la maladie de
Hirschsprung et du développement des métastases cancéreuses.
Référence
« Lack of ß1 integrins in enteric neural crest cells leads to a Hirschsprung-like phenotype »
MA. Breau1, T. Pietri1, O. Eder1, M. Blanche1, C. Brakebusch2, R. Fässler2, JP. Thiery1, S. Dufour1
1 UMR144 CNRS/Institut Curie, 2 Max Planck Institute of Biochemistry, Department of Molecular Medicine, Martinsried, Allemagne.
Development. Mai 2006, Vol. 133.
Contacts presse :
Institut Curie Catherine Goupillon/Céline Giustranti Tél. 01 44 32 40 63/64 [email protected]
CNRS Martine Hasler Tél. 01 44 96 46 35 [email protected]
1 Equipe « Morphogenèse cellulaire et progression tumorale » dirigée par Jean Paul Thiery – UMR 144 CNRS/Institut Curie « Compartimentation et dynamique cellulaires »
2 Les intégrines appartiennent à une grande famille de protéines impliquées dans la transmission des signaux qui contrôlent la prolifération, la survie, la migration et la
différenciation à l’intérieur des cellules.
Pour en savoir plus : la maladie de Hirschsprung
La maladie de Hirschsprung est une des plus fréquentes malformations du tube digestif avec environ 1 cas pour 5 000
naissances. Elle survient plus souvent chez les garçons que chez les filles et se manifeste essentiellement chez les
nouveau-nés entre 3 et 5 mois.
Cette maladie congénitale est due à l'absence partielle ou totale de ganglions nerveux qui permettent le bon
fonctionnement des muscles de l'intestin. Cette pathologie qui atteint le côlon (gros intestin), la dernière partie du côlon,
précédant le rectum, ou le rectum (segment situé entre le côlon et l'anus) se caractérise par une paralysie intestinale,
diffuse ou localisée. Le brassage des aliments et l'absorption des nutriments, c'est-à-dire des éléments contenus dans les
aliments, sont impossibles, ce qui entraîne une augmentation de volume de l'intestin. Il existe différents degrés de gravité
de la maladie selon le nombre de ganglions manquants.
Images disponibles au Service de presse de l’Institut Curie
Cécile Charré : 01 44 32 40 51 - [email protected]
Crédits images : Marie Breau / Institut Curie
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1. 2. Dans ces intestins d’embryons de
souris, le marquage bleu permet d’obser-
ver la migration des cellules de la crête
neurale. A gauche, ces cellules ont envahi
tout l’intestin. En revanche à droite, les
cellules de la crête neurale ne possè-
dent pas d’intégrine ß1 et leur migration
s’arrête au milieu du colon, avant d’avoir
colonisé tout l’intestin.
Les cellules du système nerveux de l’intestin
ont « l’âme vagabonde » : laissées libre de leur
mouvement, elles ont tendance à se déplacer et
à former des réseaux.
Ainsi sur les figures 5 ; des cellules du système ner-
veux (ici des cellules gliales ou des neurones) en cul-
ture forment des réseaux de cellules dispersées.
En l’absence d’intégrine ß1 à leur surface (7), ces
cellules restent groupées.
5
3. 4. Dans ces intestins de souriceau à gauche, le
côlon s’est développé normalement, alors qu’à droite
en l’absence d’intégrine ß1 dans les cellules de la
crête neurale, une partie du côlon est déformée :
l’absence de système nerveux empêche la progres-
sion des aliments et le colon se distend.
8. 9. Un fragment d’intestin d’embryon de souris a
été mis en présence d’une molécule incitant les
cellules du système nerveux au déplacement.
Dans le fragment normal, à gauche, les cellules
migrent hors de l’intestin.
Par contre dans la forme mutante, à droite, les
cellules du système nerveux restent à l’intérieur
du morceau d’intestin.
Quand les cellules restent unies…
La marche des cellules de la crête neurale dans l’intestin
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