SAVOIR ET COMPRENDRE COMPTE RENDU FLASH e 5 Congrès International de Rééducation dans les Maladies Neuromusculaires Marseille © AFM 30 MAI AU 1er JUIN 2008 SAVOIR ET COMPRENDRE COMPTE RENDU FLASH Environ trois cents participants, médecins, chercheurs et paramédicaux se sont rassemblés à Marseille, du 30 mai au 1er juin 2008, pour le 5e Congrès International de Rééducation dans les Maladies Neuromusculaires. L’originalité de cette 5e édition était le partage du programme de la première journée de congrès avec Myologie 2008 (Congrès International des experts en myologie organisé par l’AFM). L’objectif de cette interaction était d’offrir l’opportunité aux différents professionnels concernés d’échanger leurs avis sur les différentes échelles d’évaluation nécessaires à la réalisation des études cliniques. En effet, à l’heure où de nouvelles thérapeutiques émergent, il devient primordial de mettre au point des méthodes d’évaluation objectives, fiables, reproductibles et validées pour les essais chez les patients. Parmi les thèmes abordés lors des deux journées suivantes, la fatigue et la douleur chez les patients atteints de maladies neuromusculaires ont été mis en exergue au cours de sessions dédiées. Trop souvent négligée, la fatigue est parfois le premier, voire le seul symptôme de la maladie neuromusculaire. Sentiment subjectif la rendant difficile à appréhender, toute fatigue est, au demeurant, réelle et repose sur des bases physiologiques de mieux en mieux connues. Si les tableaux cliniques classiques des principales maladies neuromusculaires n’incluent pas les douleurs, celles-ci sont une plainte fréquente exprimée par les patients. Elles nécessitent une prise en charge adaptée : thérapeutiques non médicamenteuses en première intention, traitement médicamenteux si besoin. Les outils d’évaluation Un état des lieux des échelles fonctionnelles et autres méthodes d’évaluation de la fonction motrice et de la force musculaire dans les maladies neuromusculaires (MNM) a été fait. Certaines mesures incluent de nombreuses capacités et semblent plus adaptées aux essais sur le long terme. D’autres échelles sont plus spécifiques à une maladie en particulier et plus adaptées à des essais sur un terme plus court dans une population sélectionnée. Des méthodes existantes peuvent être appliquées dans les essais sur la dystrophie musculaire de Duchenne et dans l’amyotrophie spinale mais de nouveaux développements peuvent être apportés. MFM : une échelle adaptée à la plupart des maladies neuromusculaires La Mesure de la Fonction Motrice (MFM), échelle validée, comporte 32 items distribués selon 3 dimensions indépendantes : station debout et transfert (D1), motricité axiale et proximale (D2) et motricité distale (D3). Les capacités fonctionnelles des patients, sans aucune aide ni orthèses, 2 sont notées de 0 à 3 (échelle de Likkert). La notation 0 correspond à l’impossibilité d’initier un mouvement ou de maintenir la position de départ. L’initiation ou la réalisation incomplète de l’action à effectuer est cotée 1. Pour une action effectuée complètement mais en utilisant des stratégies compensatoires ou réalisée très lentement ou encore avec une maladresse évidente, la note est égale à 2. Enfin, la notation 3 est acquise si l’action est totalement et normalement effectuée ou si elle est effectuée selon un schéma standard. Chacun des 32 items (actions à effectuer par le patient) est décrit avec précision dans un manuel de l’utilisateur et le score (basé sur les 4 notations) y est également détaillé. Le manuel de l’utilisateur peut se télécharger gratuitement depuis le site internet www.mfm-nmd.org (en français, anglais, espagnol). La durée moyenne de l’évaluation globale de la fonction motrice est de 36 minutes, l’expérience de l’investigateur étant déterminante. Une formation est donc indispensable pour se familiariser à l’utilisation de la MFM, elle peut être validée en participant à une journée de formation avec support vidéo. Ces 5e Congrès International de Rééducation dans les Maladies Neuromusculaires Marseille - 30 mai au 1 er juin 2008 sessions de formation, ouvertes aux kinésithérapeutes et aux médecins, sont aussi proposées aux ergothérapeutes et psychomotriciens. La MFM est adaptée à la plupart des maladies neuromusculaires, tant pour la clinique que pour la recherche. Selon les déficiences motrices prédominantes, il est possible d’explorer une, deux ou trois dimensions. Dans la dystrophie musculaire de Duchenne, la MFM permet de donner une valeur prédictive de la perte de la marche (exemple : si D1 = 50% et le score total = 75%, prédiction de la perte de la marche sous un an) et d’évaluer les effets des corticoïdes. Une version brève ne comportant que 20 items, adaptée aux enfants de moins de 7 ans, est en cours de validation. Par ailleurs, la banque de données MFM recueille, de façon anonyme, les résultats des MFM passées chez tout patient, enfant ou adulte, présentant une maladie neuromusculaire identifiée ou suspectée. Accessible aux différents centres d’évaluation, elle permet notamment d’obtenir des courbes individuelles d’évolution MFM, pour suivre chaque patient et adapter les thérapeutiques. CHOP INTEND et NSAA : des échelles spécifiques Des échelles d’évaluation motrice existent pour les enfants atteints d’amyotrophie spinale de type 1, notamment le Test of Infant Motor Performance (TIMP) ou le CHOP TOSS (Test of Strength in SMA). Mais aucune de ces échelles n’est pertinente chez les tout-petits. CHOP INTEND (Infant test for neuromuscular disorder), une nouvelle échelle a été mise au point. Fiable, sensible et bien tolérée, elle est adaptée aux très jeunes enfants atteints d’une maladie neuromusculaire comme l’amyotrophie spinale. Issue du CHOP TOSS auquel ont été ajoutés 4 items du TIMP, elle comporte 2 items observationnels et 14 tests provoqués concernant le cou, le torse, les membres distaux et proximaux. Ces tests durent environ 10 minutes. Chaque item possède un score allant de 0 à 4. Une vidéo d’entraînement est désormais disponible et la validation de l’échelle est en cours. L’échelle North Star Ambulatory assessment (NSAA) est un outil d’évaluation destiné aux enfants atteints de dystrophie musculaire de Duchenne ayant conservé la marche. Développée à partir de l’échelle d’évaluation des capacités motrices Hammersmith (Hammersmith motor ability score), elle donne une évaluation globale de la capa- cité ambulatoire intégrant plusieurs activités (capacité à se relever du sol, à marcher…). Fiable, pratique et rapide (effectuée en environ 10 minutes), la NSAA est utilisée dans 20 centres du Royaume-Uni et 200 patients sont enregistrés dans une base de données spécifique. Mesure de la qualité de vie : une auto-évaluation La mesure de qualité de vie (QdV) est importante pour évaluer l’efficacité de la réadaptation dans les maladies neuromusculaires. Deux principes permettent d’appréhender le terme QdV d’une part, faut-il réaliser son rêve pour connaître une expérience de vie positive ? (perception entre espérance et réalisation) et d’autre part, est-il nécessaire de satisfaire à tous ses besoins, pour atteindre le bonheur ? Temps clinique du positionnement : le projet POSITI’F Initié par l’AFM, le projet POSITI’F a pour but le développement, en France, d’un réseau dédié au « temps clinique du positionnement » afin de favoriser la prise en compte des besoins en positionnement des patients. Ce temps correspond à l’investissement d’une équipe (médecin de médecine physique et de réadaptation et au moins un ergothérapeute ou un kinésithérapeute) spécialisée dans l’installation posturale en fauteuil roulant. En effet, l’installation posturale en fauteuil roulant est un processus clinique visant à placer une personne ayant des troubles posturaux dans une posture requise au moyen d’aide(s) technique(s) à la posture. Les troubles posturaux ont une incidence clinique, fonctionnelle et sur la qualité de vie de la personne utilisatrice d’un fauteuil roulant. Il est donc important de les prévenir, de les corriger ou de les compenser. De ce fait, l’évaluation inclut une préconisation sur le profil du fauteuil roulant afin d’optimiser l’interaction entre les aides techniques à la postures (ATP) et les aides techniques à la mobilité (ATM), notamment les fonctions de positionnement offertes par le fauteuil roulant (bascule d’assise, inclinaison du dossier, verticalisation…) en tenant compte des habitudes de vie et des contraintes de l’environnement. 3 SAVOIR ET COMPRENDRE COMPTE RENDU FLASH Il est donc important de baser les évaluations sur la perception propre des patients quant à leur QdV. Cette mesure subjective est à distinguer de l’état de santé objectivé par les soignants. En effet, la perception de QdV du malade n’est pas celle que le médecin s’en fait. Les écarts importants entre la perception du médecin et celle du malade rendent indispensables les mesures de QdV. La mesure de la QdV doit être une auto-évaluation par le patient et non une estimation en rapport avec la CIF (Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé) qui est une hétéro-évaluation. C’est le malade qui « crée » son échelle et qui y répond, la CIF pouvant être une référence initiale. Des problèmes méthodologiques rendent les échelles existantes de qualité de vie liée à la santé insuffisantes comme mesure pour les essais cliniques et notamment la recherche en réadaptation. Le centre multidisciplinaire danois d’experts pour la rééducation dans les maladies neuromusculaires (RCfM) a multiplié les questionnaires de QdV. L’utilisation d’un questionnaire adapté au handicap chez 68 patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne, âgés de 20 à 40 ans, sous ventilation a montré que 83% d’entre eux estiment avoir un niveau de qualité de vie élevé. La fatigue La fatigue est un des symptômes les plus mentionnés par les patients atteints de maladie neuromusculaire. Son origine et les mécanismes responsables de son apparition sont particulièrement diversifiés. Au demeurant, cette plainte psychophysiologique doit être évaluée et prise en compte afin d’adapter la prise en charge. Un symptôme aux dimensions composites, à prendre en compte La fatigue peut-être aiguë (consécutive à un effort par exemple) ou chronique. L’augmentation de la pénibilité d’une tâche et la majoration de la dépense énergétique associées à la perte de force maximale ou à une moindre capacité à maintenir un effort sous-maximal témoignent d’une fatigue aiguë. Elle peut être inhérente à des mécanismes localisés à différents sites de l’axe sensitivo-moteur, depuis le cortex jusqu’à l’appareil contractile musculaire. On distingue la fatigue centrale, impliquant les étapes situées en amont de la jonction neuromusculaire, de la fatigue périphérique, même si ces deux types de fatigue sont interdépendantes. L’installation de la fatigue aiguë est donc complexe et souvent multiple. La fatigue peut devenir chronique si des charges de travail excessives se reproduisent et que la récupération est insuffisante. La fatigue peut être appréhendée par l’évaluation de la perte de capacité à produire de la force après un exercice donné, par des mesures dynamométriques ou énergéti- 4 L’in-exsufflation chez l’enfant La tolérance et l’efficacité de séances d’insufflations-exsufflations par CoughAssist ont été étudiées (par une équipe française) chez 17 enfants atteints de maladies neuromusculaires et présentant un état stable. Une séance comprenait six cycles d’insufflation (2 secondes)-exsufflation (3 secondes), une période de repos de 30 secondes intervenant entre chaque cycle. Des pressions positives et négatives égales à 15, 30 et 40 cm d’H2O ont été appliquées à chaque patient. L’insufflation-exsufflation mécanique a été bien tolérée et associée à une amélioration clinique chez tous les enfants avec un état stable. ques, l’enregistrement de l’activité électromyographique. L’utilisation d’un questionnaire prenant en compte la part subjective (ou psychologique) de la fatigue accumulée au quotidien complète l’investigation. La fatigue subjective est une diminution ou une perte des capacités (réversible, partiellement réversible ou nonréversible) associée à un sentiment accablant d’épuisement conduisant à l’incapacité ou à la difficulté à initier ou à prolonger des activités même routinières. La fatigue peut se développer en conséquence directe ou à retardement d’une activité qui nécessite un effort plus ou moins soutenu (fatigabilité/fatigue aiguë), ou indépendamment comme un état primaire (fatigue chronique). 5e Congrès International de Rééducation dans les Maladies Neuromusculaires Marseille - 30 mai au 1 er juin 2008 Fatigabilité musculaire : le poids de l’invisible La fatigue peut-être le premier et le seul symptôme de la maladie neuromusculaire. Systématique ou fluctuante, son apparition est corrélée à l’effort ou à un type d’effort. Un dépistage précoce est nécessaire compte tenu des conséquences : limitations imposées des activités, stratégies d’évitement, répercussions personnelles physiques et psychologiques mais aussi sur l’entourage. L’analyse des différentes dimensions de la fatigue conduit à une meilleure estimation de l’ampleur de son retentissement chez les patients. Dans sa dimension comportementale, elle génère des moments de souffrance, une incapacité au travail et une révision du projet professionnel, une limitation des sorties et des loisirs ainsi qu’une restriction de la sexualité. Sur le plan affectif, l’aveu de la fatigue, ressentie comme déplaisante, destructive et négative, constitue un obstacle entraînant une auto-marginalisation (refus des invitations diverses) et à une marginalisation par l’entourage. Il en résulte une angoisse de l’inconnu et une exclusion progressive. Au niveau sensoriel, les patients se plaignent de faiblesse, de somnolence, d’une perte d’élan, d’une sensation de vide et d’un manque d’énergie. Enfin dans sa dimension cognitive, elle provoque des troubles apparentés à la dyslexie, des pertes de mémoire et une appréhension voire de la panique ainsi que des troubles de l’humeur face à l’énergie dépensée pour un faible résultat (impatience, irritabilité, dépression…). Dystrophie myotonique de Steinert : un symptôme à prendre en charge L’étude des relations entre la somnolence diurne, la fatigue et la diminution de la motivation chez des patients adultes atteints de dystrophie myotonique de Steinert (DM1) montre que ces patients présentent des scores élevés de fatigue, indépendants de la somnolence et du handicap moteur. Il est donc important de discriminer fatigue et somnolence apparaissant comme des variables distinctes. Sachant que 74% des patients atteints de DM1 présentent une fatigue sévère associée à des atteintes fonctionnelles, un protocole évaluant les intrications des composantes neuropsychologiques et psychopathologiques a été élaboré. Les premiers résultats de cette étude, menée chez 30 sujets atteints de DM1 montrent que les plaintes principales des patients sont : fatigue (33%), douleurs (23%), myotonie (13%), perte de l’équilibre/chute (13%), marche limitée (13%) et fatigue musculaire (10%). Une fatigue excessive associée à des scores élevés concernant la dépression, l’anxiété et les troubles cognitifs est retrouvée dans 73% des cas. La première étape de la prise en charge (PEC) évalue les aspects physiologiques (problèmes respiratoires, endocriniens, troubles du sommeil ou anémie). La seconde évalue la fatigue à l’aide d’outils spécifiques, les échelles les plus utilisées dans la DM1 sont : CIS-Fatigue (Checklist Individual Strengh), CFS (Chalder Fatigue Scale), FSS ou KFSS (Fatigue Severity Scale). Si des scores importants subsistent aux échelles de fatigue malgré la PEC des éventuels aspects physiologiques, il peut s’avérer nécessaire de proposer une PEC psycho-comportementale personnalisée. L’entretien avec le patient permet d’évaluer son hygiène de vie et de donner un sens aux symptômes de fatigue subjective, selon le vécu et l’histoire du patient. La PEC thérapeutique (traitement médicamenteux, prise en charge émotionnelle) est aussi très importante. Si la fatigue s’avère être le signe révélateur d’une dépression VNI à domicile : évaluer le respirateur Une évaluation sur banc d’essai pédiatrique systématique est recommandée pour tous les respirateurs proposés pour la ventilation à domicile d’un enfant atteint d’une maladie neuromusculaire. L’objectif est double : détecter tout dysfonctionnement et guider le choix d’un respirateur approprié à un patient donné. En effet, une étude française a permis d’évaluer les caractéristiques des performances des 17 appareils disponibles pour la ventilation non invasive (VNI) en pression positive, à domicile, des enfants. Les respirateurs ont été testés sur un banc d’essai simulant 6 profils de patients différents. Pour chacun, les qualités du trigger inspiratoire et expiratoire ainsi que la capacité à atteindre et maintenir les pressions et volumes prédéfinis ont été mesurées. Les performances des respirateurs se sont avérées très variables et dépendantes du type de trigger (débit ou pression), du type de circuit et du profil du patient. 5 SAVOIR ET COMPRENDRE COMPTE RENDU FLASH masquée, elle nécessite un traitement par psychotrope. Enfin, il convient d’accompagner le patient dans la gestion des comportements, selon ses modes de pensée : augmenter ou canaliser les activités, quantifier et gérer le potentiel énergétique, sachant que l’intérêt et le plaisir sont souvent les meilleurs remèdes contre la fatigue. Distraction rachidienne : nouvelle technique Certaines scolioses évolutives de l’enfant ne répondent pas ou peu au traitement orthopédique (corset, plâtre, rééducation). Un traitement chirurgical précoce est alors nécessaire. Les techniques utilisées sont l’épiphysiodèse convexe associée à un traitement orthopédique ou l’instrumentation postérieure (tuteur interne) sans greffe osseuse, voire les deux techniques associées. Si la mise en place d’un tuteur interne permet de préserver la croissance rachidienne de l’enfant, elle nécessite une chirurgie répétée (environ tous les 6 mois). De plus, il existe une augmentation significative des risques tant généraux que spécifiques (notamment infection sur matériel). Utilisée pour la première fois en février 2005, une nouvelle technique de distraction rachidienne par tige à allongement magnétique (tige Phenix M) présente plusieurs avantages : un seul acte chirurgical (peu de complications), encombrement réduit, tige pouvant être cintrée (meilleure correction), allongement progressif (pas de risque neurologique) et non douloureux, faible coût. La tige Phenix M Tige distractive commandée manuellement par un aimant permanent. Son potentiel de croissance peut atteindre 60 mm par incréments de 1/60 de mm. Cet allongement incrémental aisé permet un allongement graduel indolore de la tige, en ambulatoire. En effet, la tige Phenix M comprend une réserve de croissance pouvant aller de 25 à 60 mm et un aimant permanent interne dont les mouvements, induits par un aimant externe, font sortir la tige de sa réserve entraînant un allongement progressif du dispositif (50 mouvements correspondent à 1 mm). Le diamètre de la tige est choisi en fonction de la taille et de l’âge de l’enfant. L’allongement (quantité, fréquence) est décidé par le chirurgien, mais il peut être réalisé à domicile par les parents. Seize enfants, de 22 mois à 13 ans ont bénéficié de cette technique. Une bonne correction de la déformation a été obtenue et le dispositif a été bien toléré. La douleur Syndrome douloureux chronique fréquent, difficile à communiquer Expérience subjective, difficile à communiquer, la douleur peut être sous-évaluée dans les maladies neuromusculaires (MNM). Les phénomènes douloureux liés à la maladie ou aux procédures de prise en charge peuvent être vécus avec déni tant par le patient que par les soignants. De plus pouvant être multiples, ces douleurs peuvent être difficiles à évaluer. Une étude d’évaluation de la douleur dans les MNM a été 6 menée dans dix centres sur le territoire national. Cinq cent onze patients atteints de MNM (dystrophie musculaire de Duchenne/Becker ou DMD/BMD, dystrophie myotonique de Steinert ou DM1, dystrophie facio-scapulo-humérale ou FSH, myopathies métaboliques, myasthénie) ont été interrogés à l’aide d’un questionnaire. Les résultats de cette enquête montrent, dans les trois derniers mois, une prévalence de la douleur de 67%. L’intensité est globalement modérée mais il existe une différence entre les MNM. Les pathologies ressenties comme les plus douloureuse sont les myopathies métaboliques (49% de douleurs sévères), la myasthénie (38%) et la FSH 5e Congrès International de Rééducation dans les Maladies Neuromusculaires Marseille - 30 mai au 1 er juin 2008 (30%). Les douleurs peuvent être d’allure fibromyalgique, voire neuropathique. Deux freins au diagnostic et à la prise en charge médicamenteuse de la douleur sont mis en évidence : l’attention insuffisante portée par le médecin (70% des patients) et les craintes d’une accoutumance au traitement (69%). Parmi les patients recevant un antalgique, deux tiers déclarent un soulagement. Les techniques non médicamenteuses ont leur place dans la gestion des douleurs chroniques (64 à 66% de patients satisfaits), mais elles sont également sous-utilisées. Le retentissement de la douleur sur la qualité de vie est important, notamment dans le groupe des myopathies métaboliques et la FSH. Les activités professionnelles et domestiques ainsi que les loisirs sont les plus sensibles au retentissement de la douleur pour toutes les pathologies. Gestion de la douleur : une priorité Le traitement médical de la douleur doit être adapté à chaque cas. Il s’agit donc d’être à l’écoute du patient, de rechercher l’étiologie de toute douleur et de l’évaluer systématiquement. La prise en charge globale de la douleur fait appel à une équipe pluridisciplinaire. Il faut penser en premier lieu aux thérapeutiques non médicamenteuses. Les méthodes les plus fréquemment utilisées dans le traitement physique de la douleur sont les massages (premier traitement physique : effet décontracturant, drainant), la balnéothérapie (effet antalgique réel mais faible bien que significatif), la physiothérapie (chaleur, froid…), l’électrothérapie (TENS, ionisations…). Les aides techniques et les appareillages peuvent intervenir comme facteur atténuant mais aussi aggravant des douleurs (impact sur le confort et le ressenti du patient). L’efficacité antalgique des différentes méthodes de prise en charge physique de la douleur reste encore à démontrer scientifiquement. Cependant, les difficultés méthodologiques freinent la réalisation d’essais cliniques. Pour le traitement médicamenteux, il existe des limites/ précautions à l’administration des antalgiques. Il est impératif de suivre les recommandations de l’OMS et de respecter la progression du palier 1 au palier 3 : régularité des prises avant la réapparition de la douleur, passage au palier supérieur seulement si le précédent s’avère insuffisamment efficace et en ayant respecté une posologie optimale. Le choix du palier se fait donc en fonction du diagnostic étiologique et de l’intensité de la douleur, en tenant compte des effets secondaires inhérents aux molécules. Le changement de palier nécessite une évaluation approfondie. Parmi les analgésiques non morphiniques (palier 1), le paracétamol est largement utilisé en première intention (effets secondaires rares), les salicylés (moins prescrits actuellement) et les AINS présentent des risques allergiques et gastro-intestinaux. Compte tenu des effets secondaires, l’administration des opioïdes mineurs (palier 2) doit être précédée d’une évaluation particulièrement minutieuse. La codéine seule ou en association avec le paracétamol est essentiellement utilisée (prévenir la constipation et surveiller la somnolence avec risque de détresse respiratoire). Les morphiniques (palier 3) peuvent être utilisés dans les MNM mais sous réserve. Ils nécessitent une surveillance de la constipation et de l’état respiratoire. Dans les douleurs chroniques, une concertation pluridisciplinaire et une évaluation (milieu hospitalier ou de rééducation) est nécessaire. D’autres traitements adjuvants sont utilisés : anxiolytiques, corticoïdes, anesthésiques locaux… Il faut être vigilant devant les douleurs atypiques répondant à d’autres traitements (antidépresseurs, antiépileptiques…). Les myorelaxants et les antispastiques (contre-indiqués dans la myasthénie et la DM1) sont à prescrire avec précaution. FSH : un modèle d’orthèse à l’étude Malgré les conséquences fonctionnelles de l’atteinte scapulaire dans la dystrophie facio-scapulo-humérale (FSH), peu de méthodes de fixation non chirurgicales sont actuellement disponibles. Une orthèse visant à compenser la faiblesse des muscles fixateurs de l’omoplate est en cours d’étude : il s’agit d’un modèle ressemblant à un gilet avec une fermeture « zip » de haut en bas donc d’utilisation simple. Les résultats préliminaires de cette étude pilote montrent une amélioration de la posture (pour 6 des 8 patients) et de l’antépulsion de l’épaule ainsi qu’une diminution de l’intensité des douleurs. Le confort est satisfaisant, la tolérance cutanée est bonne voire très bonne et la gêne sociale liée à l’orthèse est presque absente. Au demeurant, les activités quotidiennes sont peu modifiées et le port de l’orthèse est variable selon les patients. Il apparaît que l’effet antalgique et la correction de la posture soient des critères majeurs pour les patients, la mobilité (gain d’amplitude) se situant en troisième position. 7 © AFM 10/2008 • ISSN : 1769-1850 • Rédaction : E. Biard • Validation : C. Devaux - JC. Riou • e-mail : [email protected] • Mise en page : a2i graphic • Impression : Taag 01 65 25 40 40