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Randonnées printanières
La constellation de l’Hydre
C’est par une nuit de printemps que mon regard a été attiré, sous la constellation du
Cancer, par un étrange astérisme. En consultant une carte du ciel, je me suis rendu compte
qu’il s’agissait de la partie supérieure de la constellation de l’Hydre. Il est vrai que les
amateurs que nous sommes, trop accaparés par la traque des galaxies des constellations
voisines du Lion et de la Vierge, n’explorons pas souvent cette région.
C’est donc une fois encore à une balade hors des sentiers battus que je vous convie
aujourd’hui. Et si l’Hydre n’est pas une constellation très spectaculaire, elle est associée à de
très jolies histoires qui épateront vos amis ; et comme elle s’étend sur près d’un tiers du ciel, il
serait dommage de l’ignorer !
1. Origine mythologique
La constellation de l’Hydre est liée à deux mythes différents, dont le plus connu est
sans aucun doute celui de l’Hydre de Lerne, cette créature hideuse, objet du deuxième des
Douze Travaux d’Héraclès.
Représentation mythologique de la constellation de l’Hydre. Notez la présence des constellations du Corbeau
(Corvus) et de la Coupe (Crater).
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Héraclès est le fils de Zeus et d’Alcmène, la dernière conquête mortelle du maître des
dieux. Héra, la jalouse épouse de Zeus, nourrit une haine profonde envers Héraclès, et ce
depuis sa naissance. Selon certaines sources, le nom même d’« Héraclès » signifierait « à la
gloire d’Héra » ou « le don glorieux d’Héra » : la Pythie aurait conseillé de nommer ainsi ce
fils illégitime de Zeus afin de tenter d’apaiser la colère de la déesse, qui n’aura de cesse de lui
rendre la vie impossible.
Un jour, Héra rend fou le demi-dieu, qui perd tout contrôle, et tue les fils que lui avait
donnés la fille du roi de Thèbes, Mégara. Lorsque Héraclès retrouve ses sens, il est incapable
de trouver le repos. L’oracle de Delphes lui conseille de se rendre chez le roi Eurysthée et
d’accomplir les épreuves que celui-ci lui imposera : c’est l’origine des célèbres Douze
Travaux d’Héraclès. Parmi ceux-ci, le deuxième consiste à tuer un monstre qui vit dans les
marais de Lerne, dans le Péloponnèse : l’Hydre, qui possède un corps de chien et plusieurs
têtes de serpent, dont une seule est
immortelle. Cet animal fantastique a de
qui tenir ! Sa mère Échidna est une
créature terrible, dont le corps est à
moitié celui d’une femme et à moitié
celui d’un serpent vorace. Quant à son
père Typhon, c’est l’un des êtres les plus
effrayants de la mythologie grecque, qui
a fait trembler Zeus lui-même ; il possède
cent têtes de dragons, et on lui doit les
plus violentes tempêtes, qu’il provoque
du fin fond du Tartare… L’Hydre de
Lerne n’est d’ailleurs pas le seul fruit de l’union de Typhon et Échidna : parmi ses
sympathiques frères et sœurs, on trouve entre autres les terrifiants Chimère et Cerbère, ou
encore le Lion de Némée.
La lutte d’Héraclès contre l’Hydre est acharnée : chaque fois que le héros coupe une
tête de l’animal, celle-ci repousse immédiatement. Le combat est d’autant plus inégal qu’Héra
envoie un crabe géant pour faire diversion. Pour arriver à bout de ces deux monstres, le héros
doit faire appel à son neveu Iolaos, à qui il demande de cautériser les cous qu’il vient de
trancher afin d’empêcher la repousse de nouvelles têtes. Héraclès finit par couper la tête
immortelle, et l’enterre sous un rocher ; quant au crabe géant, il l’écrase d’un coup de talon.
Pour remercier le crabe de ses efforts, Héra le place dans le ciel : c’est l’origine de la
constellation du Cancer, qui se trouve juste au-dessus de celle de l’Hydre.
Héraclès récupère le venin de l’Hydre de Lerne, dans lequel il trempe ses flèches pour
les rendre encore plus dangereuses. Une de ces flèches donnera involontairement la mort au
sage centaure Chiron, qui sera lui aussi placé sur la voûte céleste pour devenir la constellation
du Sagittaire.
Héraclès combat l’Hydre de Lerne, aidé par son neveu
Iolaos (vase grec).
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Selon certaines sources, c’est aussi le venin de l’Hydre qui causera, bien plus tard, la
mort d’Héraclès lui-même. En effet, le centaure Nessos, blessé mortellement par une flèche
d’Héraclès, donne au moment de mourir à Déjanire, l’épouse du vaillant guerrier, une fiole
contenant un philtre qui doit lui assurer la fidélité de son mari. En réalité, la fiole contient un
poison composé du sang du centaure, de sa semence, et probablement du venin de l’Hydre de
Lerne. Déjanire imprègne de cette substance le manteau du héros, et lorsque celui-ci revêt sa
tunique, son corps se décompose ; Héraclès meurt dans d’atroces souffrances. C’est la fin
tragique du plus célèbre héros de la mythologie gréco-romaine, auquel la constellation
d’Hercule rend hommage.
Le second mythe est intéressant, car il permet de comprendre la « géopolitique » de la
région du ciel qui nous concerne. Selon celui-ci, le dieu Apollon envoie le corbeau, son
serviteur, remplir une coupe d’eau pure pour offrir un sacrifice à Zeus. En chemin, l’oiseau
aperçoit un figuier chargé de fruits presque mûrs… Il décide d’attendre quelques jours, perché
sur une branche, que les fruits deviennent comestibles. Ce n’est qu’après avoir dévoré toutes
les figues qu’il se décide à rapporter la coupe remplie d’eau à Apollon. Comme son retard
risque de déclencher la colère du dieu, il a tôt fait de trouver une bonne excuse : il capture à
l’aide de ses griffes un serpent d’eau – l’Hydre –, qu’il rapporte, avec la coupe, à Apollon, à
qui il explique que c’est cet animal qui lui a fait perdre tant de temps. Apollon, devinant la
supercherie, punit le corbeau en le plaçant dans le ciel, à côté du serpent d’eau (qui donnera la
constellation de l’Hydre) et de la coupe (d’où l’origine de la constellation homonyme), mais
de telle sorte que l’oiseau ne puisse jamais se désaltérer de l’eau fraîche de la coupe. Voilà
pourquoi les corbeaux et autres corneilles croassent : leurs gosiers sont secs, et ne peuvent
jamais être désaltérés ! Cette histoire explique donc pourquoi les constellations de l’Hydre, du
Corbeau et de la Coupe sont voisines…
2. Description de la constellation
L’Hydre est la plus longue et la plus large constellation du ciel : elle s’étend sur près
de 100°, et occupe une surface de 1 303 degrés carrés ! Elle est si grande qu’elle commence à
l’Est des constellations d’hiver, et se termine à l’Ouest des constellations d’été ; elle s’étire
sur pratiquement quatre constellations du Zodiaque : la tête de l’Hydre se trouve sous le
Cancer, son corps passe en-dessous du Lion et de la Vierge, et l’extrémité de sa queue vient
chatouiller la Balance… Il faut donc prévoir plusieurs nuits pour l’observer dans sa totalité !
La partie de la constellation de l’Hydre qui attire d’abord le regard est la tête : c’est un
astérisme composé des étoiles
δ
,
ζ
,
η
et
σ
, qui occupe le champ de jumelles grossissant de 7 à
10 fois.
L’étoile Alphard, « la solitaire », représente le cœur de l’animal ; elle est aussi l’étoile
la plus brillante de la constellation (
α
Hydræ). Son nom provient du fait qu’aucune autre
étoile brillante ne se trouve dans son voisinage. C’est un astre de deuxième magnitude, de
couleur rouge-orange.
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Les étoiles qui soulignent les méandres du corps de l’Hydre sont peu lumineuses :
leurs magnitudes oscillent entre quatre et cinq ; rien de très spectaculaire, donc, mais leur
repérage constitue un bon moyen de tester la qualité de votre site et votre acuité visuelle
Cette longue constellation se termine par l’étoile 58 Hydræ.
Par sa taille, et bien qu’elle soit située en dehors de la Voie Lactée, la constellation de
l’Hydre renferme un très grand nombre d’objets variés, qu’il m’est malheureusement
impossible de citer tous ici.
3. Quelques étoiles remarquables
Dans le numéro 34 de Galactée, je vous ai parlé de la constellation du Lièvre, et de
l’étonnante « étoile cramoisie de Hind », étoile variable dont la couleur rouge sang est due à
une atmosphère riche en carbone qui absorbe fortement la lumière bleue. L’Hydre renferme
également un astre de ce type, l’un des plus brillants même, l’étoile U Hydræ, dont la
magnitude passe de 4,7 à 6,2 en 450 jours. Sa couleur est déjà facilement reconnaissable dans
de petites jumelles.
Deux systèmes d’étoiles doubles valent également le détour, N Hydræ et 54 Hydræ,
mais leur déclinaison très négative rend leur observation pratiquement impossible à nos
latitudes.
4. Les galaxies M83 et NGC3621
Parmi les très nombreuses galaxies de la constellation de l’Hydre, deux sont tout à fait
remarquables. La première est NGC5236, plus connue sous le nom de Messier 83. Elle a été
découverte au Cap de Bonne Espérance par l’abbé Nicolas-Louis de Lacaille en 1752, et
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Messier l’a ajoutée à son catalogue
en 1781. Elle fait partie de l’amas
de galaxies du Centaure. Située à
22 millions d’années-lumière de la
Terre, elle brille comme
36 milliards de soleils, et s’étend
sur 100 000 années-lumière ; vue
de notre planète, elle a une
magnitude de 7,6, ce qui n’est pas
mal du tout pour une galaxie !
M83 est une galaxie spirale
barrée, qui offre un spectacle de
premier choix à l’amateur qui
l’observe avec un télescope de 8 à
10 pouces : deux bras spiraux se détachent d’un cœur circulaire brillant, le tout baignant dans
un halo diffus de 14’ de diamètre. Les observateurs les plus avertis peuvent même observer la
courbure des deux bras et discerner des objets entre ceux-ci et le cœur : étoiles en avant-plan
de notre propre Galaxie ou nébuleuses appartenant réellement à M83 !
Malheureusement, la latitude élevée de
notre pays ne facilite pas l’observation de M83,
qui est située plus bas encore que la Galaxie du
Sombrero, qui se trouve à la limite entre les
constellations de la Vierge et du Corbeau ; son
repérage ne peut se faire que dans des
conditions optimales : horizon Sud parfaitement
dégagé et ciel d’une grande transparence. Il
n’est donc pas étonnant qu’elle ait été
découverte de la pointe Sud de l’Afrique !
L’autre galaxie « haut de gamme »
observable dans l’Hydre n’est pas reprise dans
le catalogue de Messier ; il s’agit de NGC3621,
de magnitude 8,9.
5. L’amas ouvert M48
L’observation de l’amas ouvert M48 est nettement plus facile de nos contrées que celle
des deux galaxies dont nous venons de parler : M48 peut grimper dans le ciel à la même
hauteur que l’étoile Alphard. Il se situe à égale distance de la tête de l’Hydre et de l’étoile
M83 photographiée par David Malin (Anglo-Australian
Observatory).
La galaxie NGC3621 photographiée par le VLT.
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