Napoléon épisode 9 : Le repos du monde
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Vous avez sans doute gardé en mémoire ce que Bonaparte déclarait aux français le 8 mars
1800 : "Vous allez combattre, et je ne combattrai jamais que pour le REPOS DU MONDE."
Ce "repos du monde" nous allons commencer à l'apprécier. Il faut savoir que Bonaparte AIME
la guerre. Il dira à Roederer qu'il aime ça, qu'il est fait pour ça, c'est son habitude, son
existence. D'autre part, il en a besoin à 2 points de vues : Pour son prestige qu'il veut tout le
temps redorer, et pour des questions d'argent.
Je voudrais que vous compreniez bien ce qui se passe dans cette affaire de politique
extérieure. La révolution avait fait le 22 mai 1790, un pas extraordinaire, grâce à Robespierre
qui avait obtenu des constituants cette déclaration étonnante : "la France renonce à
entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes "
*** Voir : Constitution de 1791, Titre VI, Des rapports de la Nation française avec les Nations
étrangères ou Décret de Déclaration de paix au monde, 22 mai 1790 ***
Jusqu'à cette proposition de Robespierre, il était entendu que le monde était une jungle
internationale, où les états se dévoraient, où les petits étaient mangés par les gros. Tout à coup,
Robespierre essayait de faire faire ce pas en avant énorme de la civilisation. La France
donnait l'exemple d'une nation qui disait : "Moi, c'est fini j'arrête les guerres de conquête."
Malheureusement, les girondins ont renversé tout ça. Ils avaient décidés qu'il fallait faire la
guerre pour des raisons d'argent. Car, les trésors de l'église étaient épuisés, les assignats
n'étaient plus assez couverts, et surtout, la classe bourgeoise ne voulait pas faire les frais de la
révolution, puisqu'elle l'avait faite pour ne pas payer ! Il fallait donc trouver l'argent à
l'étranger. D'où la politique monstrueuse, de reniement, des girondins. Cette politique
monstrueuse de conquête et de reniement c'est la politique aggravée que Napoléon a choisie.
Voici un détail très curieux, que j'ai découvert presque par hasard. dans un article de la
"Décade philosophique" du 1er nov. 1799. Ce journal c'était le journal de l'institut, le journal
des "idéologues". Comme l'institut préparait la candidature de Bonaparte à la toute puissance,
alors, juste avant le coup d'état, le 1er nov. 1799, ce journal usa de tous les arguments
possibles contre le directoire pour le discréditer et mettre Bonaparte à la place. Ils avaient osé
dire : "la politique extérieure du directoire nous condamne à la perpétuité de la guerre."
***La décade Philosophique, littéraire et politique, Huitième année de la république, Ie
trimestre, N°4, An VIII, 10 Brumaire, p 248 suite le 20 Brumaire p313***
Mais cette politique extérieure du Directoire, c'était pour une part Bonaparte qui l'avait
imposée. Donc, ce que ce journal dénonçait chez le Directoire c'était la politique même que
Napoléon utilisait à l'extérieur, et aggravée comme je viens de vous le dire.
Où en sommes-nous, maintenant ?
A la prise du pouvoir par Bonaparte, l'Autriche est fatiguée. Battu à plusieurs reprises, elle fini
par traiter. Elle accepte le traité de Luneville en fév. 1801. A Luneville, elle accepte les
conditions de Campo-Formio. Sa tentative de résistance a été inutile.
L'Autriche gagne la Vénétie, un état indépendant, que Bonaparte vole pour l'offrir en
compensation. L'Autriche stoppe pour "reprendre son souffle".
Et la Russie ? La Russie était contre nous depuis 1798 quand elle avait vu l'expédition
d'Egypte qui semblait menacer son flanc sud. La Russie avait subit des échecs militaires
graves à cause de Massena en 1799. Maintenant, elle quittait la coalition mais sans avoir signé
la paix avec la France. Le Tsar était Paul 1er. Paul 1er, pour des raisons trop longues à
expliquer ici, tournait contre l'Angleterre. Ca va lui couter son trône. Paul 1er va être
assassiné par une conjuration de Boyards. les boyards, ça signifie "les gros négociants", ce
sont les notables de la Russie, ceux qui tiennent la banque et le commerce. Les notable voient
Paul 1er en rupture avec l'Angleterre. Or, leurs trafics avec l'Angleterre étaient la source de
leurs profits. Ils vont donc tuer Paul 1er avec la sourde complicité de son fils, Alexandre.
A ce moment là, 1801, à l'Est la France n'a rien à craindre.
Et du coté de l'Angleterre ? Là, nous assistons à quelque chose d'assez curieux.
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Les dirigeant de l'Angleterre, qui sont des commerçant avant tout, s'étaient dit
pragmatiquement : Les français sont à Anvers, c'est très dangereux.
*** voir : Felix Beaujour - Du traité de Luneville, 1801 ***
Bonaparte disait lui-même qu'Anvers était "comme un pistolet braqué sur l'Angleterre".
mais si on pouvait s'arranger avec lui, avec un bon traité commercial, même si les français
restent à Anvers, nous pourrions coexister pacifiquement, pendant un certain nombre
d'années. M. Georges Levèbvre, dans son très bon livre de 1965 sur Napoléon a une formule
que je vais vous répéter ici, car je la trouve excellente : "Cette paix sera une expérience
d'hommes d'affaires."
*** Georges Lefèbvre - Napoléon, édition 1947, p103 ***
C'est exactement ça. Les hommes d'affaires britannique qui sont au pouvoir essayent de
négocier. En 1786, la France avait signé avec l'Angleterre un traité de commerce. Il était peut
être plus avantageux pour l'Angleterre que pour la France.
*** voir : traité Eden-Rayneval (Eden Agreement) du 26 sept. 1786 ***
Les banquiers et négociants anglais se disent que si Bonaparte acceptera un traité de
commerce, plus la peine de se battre. Donc, le 24 mars 1802, suite à la poussée des Tories
contre les Whig au pouvoir, la paix d'Amiens est signée. S'en suit une sérieuse accalmie sur le
continent. Mais ça risque de ne pas durer. Bonaparte le sait d'avance. Deux raisons à cela :
1) Les Anglais désirent un traité de commerce avantageux.
Or, Bonaparte est le délégué des notables, c'est à dire des négociants en particulier.
Les négociants français ne veulent à aucun prix d'un traité désavantageux comme celui de
1786. Ils ont mis Bonaparte là où il est pour faire des bénéfices. Ils veulent donc une politique
économique ultra protectionniste. Si jamais Bonaparte avait eu l'idée d'une politique de libre
échange, il aurait perdu sa clientèle de notables.
Il sait d'avance que si les Anglais n'ont fait la paix que pour avoir un bon traité commercial,
ils ne l'auront pas.
2) Il a cette phrase cynique qui nous révèle le fond de sa pensée, il s'adresse à Roederer :
"Mon cher, elle (l'Angleterre) ne doit pas la vouloir (la paix) car nous sommes maitres du
monde.
*** voir: Mémoires de PL Roederer, Tome 3, p353, 1854 ***
Et bien cet homme qui déclare "nous possédons trop de chose", vous allez voir comment il va
se comporter après les 2 paix qu'il a siges : il va essayer d'en avoir encore plus. La paix de
Luneville était à peine signée qu'il impose de force au royaume indépendant de Naples, la
présence de 3 garnisons françaises. La menace militaire est toujours la politique de Bonaparte.
Bonaparte c'est : "obéissez ou je tire !" Menacés, 3 ports de Naples vont accepter des
garnisons françaises. Très peu de temps après il s'empare du Piémont. Jusqu'alors, il y avait la
république Cisalpine, l'état satellite qu'il avait crée. Mais il n'avait pas touché au Piémont.
Brusquement, 3 mois après Luneville, la Piémont devient une "division militaire française".
On n’ose pas encore parler d'annexion. Mais cette fiction ne durera pas longtemps. Le 11 sept.
1802, le Piémont est annexé.
*** voir : République Subalpine ***
En mai 1802 l'île d'Elbe a été prise par Napoléon. Là il y a un détail assez amusant que je
tiens à vous apporter. Cette île, c'était peu de chose, mais il y avait tout de même des mines de
fer,
aussi Napoléon espérait en tirer bénéfice. Lors de l'annexion, il charge Louis Alexandre
Berthier (son homme à tout faire) d'organiser un voyage de remerciements à Paris des
principaux notables de l'île d'Elbe. Voici ce qu'il va dire à Berthier : "Je les autorise à
m'adresser un petit discours, où ils parleront du plaisir qu'ils ont d'être annexés à la France.
Vous leur ferez remettre 300 frs à chacun."
*** voir : Correspondance de Napoléon 1er, Tome 7, lettre au général Berthier du 3 juillet
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1802, N° 6160, p506, 1861
Attention ici Guillemin en rajoute un peu ***
En Italie, la Cisalpine va être transformée en janvier 1802. Jusqu'à présent la république
Cisalpine était en apparence un état indépendant, mais sous domination française. En jan
1802, on va la déclarer "république Italienne." Italienne ? Tout à coup, l'Italie du nord devient
une république italienne. C'est une menace très précise. Cette république Italienne,
ne comprend pour l'instant, que le nord de la péninsule, mais le reste pourrait suivre.
Et sous quel règne ?
Celui de Bonaparte qui vient de se faire nommer président de la république Italienne à Lyon.
Il a amené les italiens à Lyon pour montrer qu'il les tenait dans sa main. C'est à Lyon qu'on a
décidé qu'il serait le président de la république italienne.
*** voir : Consulte de Lyon du 11 au 26 jan. 1802 ***
L'Italie ou la France, pour lui, à ce moment là, c'est là même chose. Quand il s'agira de
déléguer un ambassadeur auprès du Pape il va choisir son oncle (qui n'a que 6 ans de plus que
lui) le cardinal Joseph Fesch. Celui ci sera ambassadeur, à la fois de la France et de la
république italienne à Rome. Donc en Italie :
- 3 garnisons françaises dans des ports Napolitains.
- On s'est emparé du Piémont.
- prise de l'île d'Elbe.
Quand au Pape, on lui a déjà pris un morceau, mais il y en aura d'autres. La Suisse
maintenant, puisqu'elle nous intéresse particulièrement. La France l'a envahie à partir de 1798.
On avait volé les 30 millions du trésor de Berne pour financer l'expédition d'Egypte. On s'était
battu en Suisse puisque les Austro-Russes y étaient. Il y avait eu les victoires de Masséna en
1799, naturellement les troupes françaises n'avaient pas évacuées. Bonaparte estimait que la
Suisse devait lui appartenir. C'était important militairement et stratégiquement. Il voulait
également les ressources du pays. Il avait imposé aux suisses l'acte de Malmaison le 29 avril
1801. Le 27 octobre 1801, de son chef, il renvoie la Diète, c'est à dire la réunion générale que
les suisses avaient constituée. Il la fait dissoudre par le général Louis Antoine Choi de
Montgay.
Ecoutez ce qu'il dit à Talleyrand :"Il n'y a pas de milieu entre une Suisse amie de la France
(c'est à dire docile) et pas de Suisse du tout. Il faut que ma médiation soit acceptée. s'ils
m'obligent à ce coup de force, c'en est fait de la Suisse." dit il.
*** voir : correspondance de Napoléon 1er, Tome 8, Lettre 6339, 23 sept 1802, Au citoyen
Talleyrand, p58, 1861 ***
Les délégués suisses vont arrivés aux Tuileries chapeaux bas pour recevoir les ordres du
fameux 'médiateur'. Bonaparte va 'demander' à la Suisse une alliance militaire. En plus il
prend un morceau de la Suisse : le canton du Valais qu'il érige en république 'indépendante'.
Il veut y envoyer Chateaubriand comme ministre. Chateaubriand prendra ça très mal. Qu'est
ce que c'est que cette 'république de marmottes' ? disait Chateaubriand. Puisque c'est une
indépendance fictive, le Valais sera rapidement annexé. D'autre part les suisses seront obligés
de mettre 16 000 hommes à disposition de Bonaparte. Voici sa proclamation du 30 sept 1802 :
"Habitants de l'Helvétie, revivez à l'espérance" je ne puis rester insensible aux maux qui vous
accablent. "la médiation dont je me charge pour l'Helvétie est un bienfait de cette providence."
*** voir Thibaudeau - Mémoires sur le consulat: de 1799 à 1804, 1827, p354 ***
Concernant la Suisse, il y a un autre détail important pour la politique intérieure de Bonaparte.
A Roederer le 30 décembre 1802, soit peu de temps avant l'acte de médiation du 19 fév 1803,
il explique à voix basse : "En contentant la masse, je fais trembler les patriciens. En leur
donnant l'apparence du pouvoir, j'oblige les patriciens à se réfugier près de moi pour en
obtenir la réalité" "Ce système m'a réussi en France."
*** Oeuvres du comte P. L. Roederer, tome 3, p459, 1854 ***
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Vous avez vu ce qu'il a fait en Italie et en Suisse, l'Allemagne maintenant : Les Autrichiens
ont signé le traité de Lunéville, reprenant celui de Campo Formio, offrant la rive gauche du
Rhin à la France en échange de la Vénétie. Mais il faut des compensations pour les gens de
cette région qui n'ont plus de pouvoir, ces princes qui ont été dépossédés. Ces compensations
sont indiquées par Bonaparte, il leur dit : Vous avez des principautés ecclésiastiques avec des
'princes-évêques'. La 'république' française, dont il est le représentant, vous donne l'exemple :
saisissez les biens ecclésiastiques. Ces princes évêques n'ont aucune raison d'être prince en
même temps qu'évêque. Cela représente 21 millions de florins de rente annuelle. Prenez-les.
D'autre part, il y a des villes libres... et le mot "libre" est un mot qui exaspère Bonaparte. Il y
avait 51 villes libres, il n'en restera que 6 après qu'on ai arrangé les choses dans le Recès de la
Diète d’Empire de Ratisbonne (25 fev 1803). Talleyrand y fera ses trafics habituels, il parait
qu'il en tirera 10 ou 12 millions. Mais pour bien comprendre ce qui se passe en Allemagne, il
faut connaitre un détail qu'on trouve dans un livre dont je m'étonne qu’on n’en parle pas
d'avantage. C'est un livre de 1913, intitulé : Napoléon Sténographié. C'est Alfred Marquiset
qui a publié ce livre. Ce sont des notes prises pendant les séances du conseil d'Etat par un
conseiller d'état dont Marquiset n'a pas réussi à définir l'identité. Ce serait probablement le
banquier Le Couteulx de Canteleu, mais sans certitude.
Ces notes ont été prise rapidement par Le Couteulx, on y 'entend' Bonaparte parler au conseil
d'Etat. En 1804, lors d'une des séances, alors qu'on prépare l'Empire, Bonaparte discute de
l'emblème à choisir pour son Empire. Il sera question d'un éléphant et d'un aigle (qui sera
choisi) mais également d'un lion. Bonaparte le décrit comme suit :
"Un lion étendu sur la carte de la France, la patte à demi levée et prête à dépasser le Rhin,
avec cette légende : 'Malheur à qui me cherche' ."
*** Revue des deux mondes, 82ème année, 6ème période, Tome IX, 1er mai 1912, p365
ensuite publié par Alfred Marquiset - Napoléon sténographié au Conseil d'État 1804-1805,
p29, 1913 ***
Le recès de Ratisbonne, c'est Napoléon qui est en train de préparer son remue-ménage de
l'autre coté du Rhin, car il a l'intention de passer le Rhin. "Malheur à qui me cherche" me
chercher pour lui c'est tenter de s'opposer comme on peut à ses tentatives d'expansion.
Je ne pense pas que l'image du Lion soit celle qui convienne, je préfèrerais la pieuvre avec ses
tentacules. Car tout ce que nous allons voir avec cette histoire napoléonienne, ce sont les
tentacules, non pas certes de la France, mais de Napoléon, qui telle une pieuvre va essayer de
prendre tout ce qui passe à sa portée. Une pieuvre je dirais... compliquée d'un vampire. Vous
avez déjà vu ce qu'il fit en Italie du nord: Ramasser millions sur million. "C'était un artiste"
comme disait Louis Madelin. Il s'occuper de tableaux et de statue, il les prenait. Maintenant
entre les traités de Lunéville, Amiens et ce qui va se passer en 1803, le "vampire" travaille. Il
a obtenu de la "république" italienne dont il est le patron, une fourniture de 33 millions par an.
On fera lever des impôts car Napoléon veut 33 millions par an. D'autre part, il y a le Portugal
et l'Espagne, deux pays riches. Napoléon va donc organiser une sorte de rupture apparente
entre l'Espagne et le Portugal. Il a dans la main Manuel Godoy car c'est l'amant de la reine et
le roi Charles IV obéit à ce que veut Godoy. Bonaparte s'arrange avec Godoy en lui disant de
menacer d'une guerre le Portugal. Comme la guerre n'éclatera pas, on dira aux Portugais :
"Si vous voulez qu'on ne vous attaque pas, et que la France n'intervienne pas, versez 20
millions !" Ca y est le Portugal va verser 20 millions.
*** voir indemnités du traité de Badajoz, 6 juin 1801, guerre des oranges.
Auguste Fournier - napoléon the first, p210, 1910***
Bonaparte vient d'apprendre qu'il y a des galions d'or qui arrivent de façon régulière en
Espagne, qui gagne beaucoup d'argent avec ses colonies d'Amérique latine.
Dès qu'il sait qu'un Gallion arrive, il demande à Godoy de signer un papier stipulant que "la
France" touchera tous les mois 6 millions. Cela fait 72 millions par an ! Soit 288 millions de
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francs en 1968 (341 millions d'Euros en 2013) Du coté de la "république" Batave établie en
Hollande, encore une fausse république, il y aura en permanence un corps expéditionnaire
français, à la charge de la Hollande. Cela fera faire des économies à Napoléon, puisque ses
propres troupes occupantes seront entretenues par l'occupé. Tout ce "vampirisme" s'accompli
sous le signe du traité de Lunéville qui dans un de ses articles garantissait expressément
l'indépendance des républiques Cisalpine, Helvétique et Batave. Alors on ne peut que donner
raison à une certaine note de la chancellerie autrichienne qui dira en 1805 : "Le repos de
l'Europe (je suis content qu'ils aient écrit cela car cela répond comme un écho à ce que
Bonaparte a écrit en 1800) "Le repos de l'Europe est troublé quand une puissance s'attribut des
droits d'occupation et de protection qui ne sont assurés par aucun traité, quand elle emploie la
force et la crainte pour dicter ses lois à ses voisins et quand elle reparle des droits de la
victoire après la paix les a éteints."
*** voir : Gaffarel - Campagnes du Consulat et de l'Empire p139, Note du cabinet de Vienne
du 12 sept 1805, 1892 ***
Cela n'empêche pas Napoléon de faire cette déclaration cynique le 13 mai 1804 :
"toute l'Europe me rend la justice que je ne me mêle des affaires intérieures d'aucun État"
*** Correspondance de Napoléon 1er, Tome 9, p455, lettre N° 7746, 13 mai 1804, Au citoyen
Talleyrand, 1861 ***
Avec ce commentaire souriant dans les mémoires de Lucien :"Je les connais les français, ils
adorent avoir à leur tête un prince qui les mène de temps en temps voler à l'étranger."
Enfin, en principe c'est la paix. Les historiens nous disent que Bonaparte a inauguré son règne
par deux traités de paix : Lunéville et Amiens et jusqu'en 1803 c'est la paix. C'est la paix si on
met de coté les expéditions coloniales. En 1802, il y a l'expédition coloniale de St Domingue,
dont je vais bientôt vous parler. Ce n'est pas la constituante ni la législative qui avait libéré les
esclaves noirs. C'est Robespierre. C'est lui le 4 février 1794, qui avait dit que la république ne
pouvait pas tolérer des esclaves dans ses colonies.
*** voir : Décret n°2262 de la Convention nationale du 16 jour pluviôse, an second de la
République Française, une & indivisible, qui abolit l'esclavage des nègres dans les colonies.
(4 fev. 1794)***
Le lobby colonial était fou furieux contre lui. Mais finalement les esclaves étaient libérés. La
libération avait été réelle à St Domingue. Ce fut la 1ère république noire indépendante avec
Toussaint Breda Louverture à sa tête. Louverture avait collaboré avec les français pour
chasser les anglais et les espagnols de St Domingue Mais Louverture désirait entretenir des
liens économiques étroits avec la France. Pas question pour Bonaparte d'accepter qu'il y ait
une république noire indépendante. Il a à coté de lui le lobby colonial qui a repris du poil de la
bête, avec à sa tête, sa femme, la créole Joséphine. Adolphe Thiers raconte dans son "Histoire
du consulat et de l'Empire" que des conseillers disent à Bonaparte : Vous désirez faire rentrer
en France les royalistes émigrés. Mais quand ils rentreront ils demanderont des indemnités car
on leur a pris une partie de leurs biens. Alors Thiers dit : "Nombreux étaient ceux qui
conseillaient à Bonaparte d'indemniser les émigrés en rétablissant l'esclavage car un grand
nombre d'entre eux avaient eu des possessions à St Domingue."
*** Adolphe Thiers - Histoire du Consulat et de l'Empire, Volume 1, p414, 1845 ***
Dans les mémoires de Molliens ont trouve une troisième raisons d'envahir St Domingue :
Les armateurs avaient envie de reprendre le commerce avec St Domingue à l'aide d'une
"foule d'objets que la délicatesse de notre luxe repousse mais qui font le luxe des pays moins
avancés."
*** Mollien - Mémoire d'un ministre du trésor public, Tome 1, p333, 1898 ***
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Tout cela à condition que les ex-esclave se laissent faire. Bonaparte a encore une autre raison
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