Pratique de l`alimentation entérale

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C U R R I C U LU M
Forum Med Suisse No 16 16 avril 2003
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Pratique de l’alimentation entérale
Alois Hallera,b, Maya Rühlina, Reinhard Imoberdorfa, Peter E. Ballmera
Introduction
Le maintien d’une alimentation adéquate et
couvrant les besoins est un élément fondamental d’un traitement médical ou chirurgical pour
les patients souffrant de maladies aiguës ou
chroniques. Plusieurs études ont pu démontrer
un avantage de l’alimentation entérale sur la
parentérale au cours de ces dernières années
[1, 2, 3]. Par alimentation entérale totale, il faut
entendre l’apport de nutriments par une sonde
gastro-intestinale. L’alimentation entérale totale (AET) maintient l’intégrité du tractus gastro-intestinal même chez des patients gravement malades. La stimulation intestinale sous
l’effet des nutriments administrés par voie
entérale entretient la structure de la muqueuse
(cryptes) et diminue ainsi la fréquence de la
translocation bactérienne. Ce qui permet d’abaisser l’incidence des septicémies, pneumonies,
infections de plaies et des voies urinaires, sans
oublier les dysfonctions multiorganiques.
Stratton et al. [4] ont défini la malnutrition
comme «un état de nutrition avec carence ou
excès en énergie, protéines et autres nutriments, qui a un effet sur la forme et la fonction
du corps, et sur le résultat clinique», ce qui
implique aussi bien suralimentation que sousalimentation. Dans le monde industrialisé, la
sous-alimentation résulte la plupart du temps
d’une maladie aiguë ou chronique. Les patients
sous-alimentés ont un résultat clinique moins
bon, davantage d’infections et de complications
après interventions chirurgicales, ils consomment davantage de ressources pour retrouver
leur santé. Le but d’une thérapie nutritionnelle
adéquate est de prévenir les répercussions de
la sous-alimentation et d’avoir une influence
positive sur le résultat final.
Indications à l’alimentation
entérale
L’indication à l’alimentation entérale est posée
plus généreusement aujourd’hui qu’auparavant. La demande est particulièrement grande
dans les services de soins intensifs. Pour l’évolution du patient, son état de nutrition avant
la maladie ayant entraîné son hospitalisation a
une importance capitale. Il faut donc identifier
à leur admission déjà les patients dénutris ou à
haut risque de malnutrition. La taille et le poids,
avec le calcul du Body-Mass-Index (kg/m2) font
Tableau 1. Appréciation du risque de malnutrition d’après Kondrup [5].
Additionner le score «état de nutrition» et le score «métabolisme de stress» (+1 pour âge >70 ans).
Total des points ≥ 3: indication au traitement nutritionnel.
Aggravation de l’état de nutrition
Pas d’aggravation
a
b
Service de Médecine
Centre de Soins intensifs
Hôpital cantonal Winterthour,
CH-8400 Winterthour
Correspondance:
Dr Alois Haller
Service de Médecine
Hôpital cantonal Winterthour
Brauerstrasse 15
CH-8401 Winterthour
Gravité de la maladie (métabolisme de stress)
0
Pas de métabolisme de stress
0
Stade 1 (léger)
Perte pondérale >5% en 3 mois
ou
a un peu moins mangé au cours de la semaine
passée (50–75%)
1
Stade 1 (léger)
fracture de hanche, patients chroniques présentant
une complication aiguë: par ex. cirrhose, BPCO
hémodialyse chronique, diabète
1
Stade 2 (modéré)
Perte pondérale >5% en 2 mois
ou
BMI 18,5 à 20,5 + EG diminué
ou
a mangé moins que la moitié au cours
de la semaine passée (25–50%)
Stade 2 (modéré)
importantes interventions abdominales
accidents cérébrovasculaires
Stade 3 (grave)
Perte pondérale >5% en 1 mois
ou
BMI <18,5 + EG diminué
ou
n’a pratiquement rien mangé au cours
de la semaine précédente (0-25%)
pneumonie grave
2
2
Stade 3 (grave)
Traumatisme crânio-cérébral
polytraumatisé, greffe de moelle osseuse
patients de soins intensifs (APACHE > 10)
3
Total des points:
[email protected]
3
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Tableau 2. Appréciation subjective globale (SGA) [10].
Partie 1: Anamnèse
Catégories
1. Changements de poids
A
B
C
A. Changements de poids au cours du dernier
semestre:
....... kg
B. Changement de poids en %:
Augmentation – < 5% perte de poids
5–10% perte de poids
10% perte de poids
C. Changement du poids au cours des 2 dernières semaines:
Prise de poids
Aucun changement
Perte de poids
2. Alimentation
A. Changements:
.............
non
.............
oui
B. Durée:
.............
semaines
C. Type de changements:
Alimentation sous-opitmale
Alimentation liquide pauvre
en calories
Alimentation liquide uniquement
Auccune nourriture
3. Symptômes gastro-intestinaux (depuis >2 semaines)
....... aucun;
....... nausée;
....... vomissement;
....... diarrhée;
....... inappétence
4. Répercussion fonctionnelle (due à l’alimentation)
A. Répercussions:
aucune
modérées
marquées
B. Changements au cours des 2 dernières semaines:
amélioration
aucun changement
aggravation
Partie 2: examen externe
Catégories SGA
5. Symptômes de:
normal
léger
modéré
marqué
fonte du tissu sous-cutané
fonte musculaire
œdèmes
ascite (uniquement si hémodialyse)
Partie 3: appréciation SGA
A.
❏
alimenté normalement
B.
❏
légèrement / modérément sous-alimenté
partie du status clinique tout comme la tension
artérielle, les pulsations et la température. Un
BMI de 18,5–20,5 kg/m2 est un indice de sousalimentation, mais ne dit rien de la perte de
poids des semaines précédentes (s’il est normal, ou même plus haut). Un BMI constitutionnellement bas sans symptômes doit naturellement être interprété différemment. L’état de
nutrition du patient doit donc être jugé et classé
sur la base de plusieurs paramètres et données
anamnestiques. Il y a plusieurs systèmes de
scores pour poser l’indication à un traitement
nutritionnel. Dans celui de Kondrup [5] (tableau
1), la gravité de la maladie est mise en face de
C.
❏
fortement sous-alimenté
l’état de nutrition, ce qui donne un nombre de
points (≥ 3) indiquant si l’indication à un traitement nutritionnel est posée. Pour les maladies
ou groupes de patients cités, les études d’intervention ont prouvé un intérêt du traitement
nutritionnel. Il faut donc partir du principe que
les patients à haut risque auront une évolution
moins favorable et un résultat moins bon s’ils
ne sont pas correctement alimentés. Les patients n’ayant pas fait l’objet d’études d’intervention satisfaisantes peuvent être intégrés
dans ce système de classification sur la base de
l’appréciation clinique.
Chez les patients à risque de sous-alimentation,
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et en cas de malnutrition manifeste, l’appréciation de l’état de nutrition doit être plus complète. Un status clinique détaillé et l’anamnèse
nutritionnelle complète sur la base d’une évaluation globale sont importants (tableau 2).
L’appréciation subjective globale ou «subjective
global assessment» (SGA) est un score bien
validé pour la reproductibilité de l’appréciation
de l’état de nutrition [6].
L’alimentation entérale est toujours indiquée
si l’alimentation orale autonome est jugée impossible, insuffisante ou contre-indiquée pour
quelques jours. L’indication est posée par le
médecin, en collaboration avec les diététiciennes et le personnel infirmier. Les indications
les plus courantes à une AET sont:
– état de conscience altéré (par ex. ictus,
coma, dépression)
– problèmes mécaniques (par ex. tumeurs
ORL et du tube digestif)
– alimentation jéjunale immédiatement après
importantes interventions abdominales
– insuffisance respiratoire (ventilation
assistée, risque de broncho-aspiration)
– problèmes neuromusculaires
(par ex. dysphagie, myasthénie)
– polytraumatisés
– processus inflammatoires
(par ex. stomatite, pharyngite, œsophagite)
– besoins nutritionnels accrus
(par ex. cachexie cancéreuse, septicémie)
– maldigestion (par ex. pancréatite, déficit en
acides biliaires)
– malabsorption (par ex. mal. de Crohn, colite
ulcéreuse, entérite actinique)
– anorexie
– grands brûlés
– traumatismes crânio-cérébraux
En clinique, il est important de ne pas suivre
un schéma d’indication trop rigide. Avant de
mettre en route une alimentation entérale, il
faut peser de manière critique le bénéfice individuel pour chaque patient, en fonction de son
évolution clinique, de son pronostic, des valeurs
fondamentales médico-éthiques, sans oublier
la qualité de vie ni le maintien de son autonomie. En l’absence de contre-indication à une
alimentation entérale, nous commençons par
un apport en continu, en général peu après
l’admission à l’hôpital. Cela est particulière-
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ment le cas chez les patients des soins intensifs.
Cette mise en route rapide d’une AET permet
de maintenir la motilité de l’intestin et de diminuer les complications telles que diarrhée et
régurgitation, même sans avoir besoin de gastrocinétiques ni d’antiémétiques.
Contre-indications
à une alimentation entérale
L’obstruction mécanique du tractus gastro-intestinal est une contre-indication absolue. Les
contre-indications relatives sont diarrhées et
vomissements incoercibles, récidivants, instabilité hémodynamique, hémorragies digestives, mal. de Crohn, colite ulcéreuse et pancréatite hémorragique-nécrosante aiguë, à préciser individuellement pour chaque patient.
Estimation des besoins
énergétiques
Les besoins énergétiques du patient peuvent
être estimés ou mesurés. La méthode de mesure des besoins énergétiques au repos (REE)
la plus fiable en pratique clinique est la calorimétrie indirecte, techniquement compliquée.
Elle ne peut se faire que dans de grands centres,
hôpitaux universitaires en général. Aux soins
intensifs, s’il y a un cathéter pulmonaire, c’est
la consommation d’oxygène (VO2) qui est mesurée pour être transformée en besoins caloriques (4,85 kcal/l O2). La formule de HarrisBenedict bien connue donne souvent une surestimation notable des besoins en substrats. La
formule la plus fiable, aussi bien pour la respiration spontanée que pour la ventilation assistée, est celle de Ireton-Jones tout récemment
publiée [7] (tableau 3).
Un schéma simple, très souvent appliqué et utilisable au lit du patient, part d’un besoin de
base de 21 kcal/kg PC pour les femmes et de 24
kcal/kg PC pour les hommes. Ce besoin de base
est multiplié par un facteur d’activité ( 1,2
alité / 1,4 mobilisé) et par un facteur de
maladie ( 1,1 à 1,5 selon la gravité de la
maladie) (tableau 4).
Les calories ainsi calculées correspondent à
peu de choses près à celles obtenues par calorimétrie indirecte, et cette méthode a fait ses
preuves en pratique clinique.
Tableau 3. Equation d’Ireton-Jones [7].
REE (respiration spontanée):
629 – 11(A) + 25(W) – 609(O)
REE (ventilé):
1784 – 11(A) + 5(W) + 244(S) + 239 (T) + 804(B)
REE: kcal/jour; A, âge (ans); W, poids corporel (kg); S, sexe (masculin = 1; féminin = 0);
T, diagnostic traumatisme (oui = 1, non = 0); B, brûlé (oui = 1, non = 0); O, obésité
>30% selon les tables de la Metropolitan Life Insurance 1959 ou BMI >27 kg/m2
(oui = 1, non = 0)
Application pratique
de l’alimentation parentérale
Voies d’abord entérales et matériel
Il y a actuellement plusieurs voies d’abord pour
l’alimentation par sonde. La voie nasogastrique
pour l’apport artificiel de nutriments est l’une
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Tableau 4.
Besoins énergétiques au lit du malade.
Besoin énergétique total = besoin de base (BB)
+ facteur d’activité (FA)
+ facteur de maladie
(FM)
Besoin de base
femmes
21 kcal/kg/jour
hommes
24 kcal/kg/jour
Facteur d’activité
alité
+ 20% du BB
mobile
+ 40% du BB
Facteur de maladie
léger
+ 10% du BB
modéré
+ 25% du BB
grave
+ 50% du BB
des plus anciennes, décrite à la fin du 16e siècle
déjà. Mais ce n’est qu’avec l’introduction de
matériaux modernes, ménageant les tissus,
avec les progrès techniques et les solutions
nutritives adéquates au cours de la 2e moitié
du 20e siècle, que cette méthode est devenue
largement acceptée. Une sonde nasogastrique
est facile à poser manuellement, n’importe
quand, elle présuppose une fonction de l’estomac intacte et satisfait le principe de l’apport
physiologique de nourriture. Une sonde duodénale ou jéjunale est choisie lorsqu’une alimentation gastrique est impossible, par ex. avec
la gastroparésie postopératoire, en cas de
troubles de la vidange gastrique d’autre étiologie, de sténose gastro-intestinale proximale,
etc. La sonde jéjunale doit être préférée à la
sonde duodénale, cette dernière ayant souvent
tendance à remonter dans l’estomac en raison
de l’instabilité de sa localisation. La mise en
place endoscopique est actuellement la méthode de choix. Les sondes naso-entérales sont
utilisées surtout pour les traitements nutritionnels entéraux à court et à moyen terme (4–6 semaines), de même qu’en cas de contre-indication à une gastrostomie ou à une pose chirurgicale.
Les sondes naso-entérales existent en plusieurs
matériaux synthétiques. Pour l’alimentation, il
ne faut plus utiliser à l’heure actuelle que des
sondes spéciales en silicone ou polyuréthane.
Ces matériaux ménagent les tissus, assurent
une sensation minime de corps étranger et une
bonne tolérance, et diminuent le risque de complications de nécroses par pression. La sonde
en PVC extrêmement rigide est donc actuellement contre-indiquée pour l’alimentation entérale. Le calibre de la sonde doit être le plus
fin possible (Charrière 6–12) pour améliorer
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la tolérance et le confort du patient, et toujours
pour prévenir les nécroses par pression. Toutes
les solutions nutritives standard actuelles peuvent passer un calibre de Charrière 8, avec un
bon entretien de sonde.
La gastrostomie percutanée endoscopique
(GPE) est la technique standard d’alimentation
entérale à long terme (>4–6 semaines). En présence d’une indication clinique, la gastrostomie
peut être prolongée en direction jéjunale par
la pose d’une sonde.
Il existe plusieurs possibilités chirurgicales de
mettre en place une sonde pour l’alimentation
entérale prolongée (par ex. gastrostomie de
Witzel, de Stamm, jéjunostomie à l’aiguille fine
avec sonde), lorsqu’une GPE s’avère impossible. Par rapport à la pose par endoscopie, les
techniques chirurgicales ne présentent pas
d’incidence accrue de complications, mais elles
sont plus chères [4]. La jéjunostomie à l’aiguille
fine avec sonde se pratique lors d’interventions
sur le tractus gastro-intestinal proximal en vue
d’une alimentation postopératoire rapide [8].
Choix de la bonne alimentation par sonde
Parmi les solutions nutritives industrielles,
nous distinguons en principe entre celles qui
sont définies par nutriments (haut poids moléculaire) et celles qui sont définies chimiquement (de bas poids moléculaire) (tableau 5). Si
le tractus gastro-intestinal est fonctionnel, la
digestion et la résorption des nutriments est
assurée avec une solution nutritive de haut
poids moléculaire, et si ce n’est pas le cas avec
une solution de bas poids moléculaire.
Il existe aussi des régimes sondes spéciaux
adaptés en nutriments et au métabolisme,
comme des solutions d’immunonutrition, hépatiques, rénales et diabétiques, dont il ne sera
pas discuté plus avant ici.
Les solutions nutritives «maison» ne doivent
plus être utilisées aujourd’hui. Elles ne sont ni
adaptées en nutriments ni équilibrées, elles exigent une sonde à calibre large, grevée de complications, et font courir un grand risque de
contamination bactérienne [8].
Teneur en macro- et micronutriments
Les solutions nutritives standard industrielles
contiennent les différents substrats en proportions idéales pour la situation métabolique
dans la plupart des indications, à savoir 15–
20% de protéines, 25–30% de lipides et 50–60%
d’hydrates de carbone. L’administration de la
quantité journalière voulue assure dans la plupart des cas un apport suffisant des principaux
nutriments. Avec 2 litres (1,5 litres pour les
solutions plus énergétiques avec >1–2 kcal/ml)
d’une solution standard isocalorique par jour,
les besoins en micronutriments sont normalement couverts. S’il est impossible d’administrer
suffisamment de nourriture (exclusivement en-
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Tableau 5. Choix du régime sonde.
Solutions nutritives définies en nutriments
Solution standard, isocalorique (1 kcal/ml)
Indications principales
sans fibres alimentaires
sténoses gastro-intestinales, intolérance totale ou
partielle aux fibres alimentaires
avec fibres alimentaires (solubles et insolubles)
alimentation entérale à long terme, conservation des
fonctions intestinales physiologiques, constipation
Solutions nutritives modifiées
Indications principales
hypercaloriques (>1 kcal – max. 2 kcal/ml),
avec ou sans fibres alimentaires
besoins énergétiques accrus, apport liquidien
cliniquement indiqué et restreint, alimentation
suffisante avec fréquence d’administration basse
(diminution du risque de complications), sonde
nocturne en complément de l’alimentation orale, etc.
avec fibres solubles exclusivement
diarrhée (et constipation)
Solutions nutritives définies chimiquement
Indications principales
alimentation oligopeptidique (régime élémentaire
avec protéines alimentaires hydrolysées,
1 kcal / ml)
maldigestion, malabsorption, intestin court,
sonde beaucoup plus distale que le lig. de Treitz
Tableau 6. Proposition de programme pour régime sonde
Programme d’administration en continu
1er jour
500 ml
25 ml/21 ml/h – 20/24 h
2e jour
1000 ml
50 ml/42 ml/h – 20/24 h
3e jour
1500 ml
75 ml/63 ml/h – 20/24 h
4e jour
quantité pour les besoins énergétiques calculés sur 20/24h
Si intolérance retour à l’étape précédente
Pour les solutions hypercaloriques après le 1er jour évt augmenter par étapes de 250 ml par jour
La durée d’administration est fonction de l’appréciation clinique globale, du risque et de l’apparition de
complications. Selon l’évolution, le but thérapeutique nutritionnel et le patient, et si la tolérance est
bonne, l’administration peut être réduite par étapes jusqu’à 12–18 heures. La phase sans sonde peut
être choisie individuellement. La sonde nocturne est préférée si le régime sonde est administré en complément de l’alimentation par voie orale.
Programme d’administration intermittente par portions
1er jour
500 ml
4 portions de 125 ml; toutes les 3–4 heures
2e jour
1000 ml
5 portions de 200 ml; toutes les 2–3 heures
3e jour
1500 ml
6 portions de 250 ml
4e jour
quantité calculée
5–6 portions réparties sur la journée
ATTENTION: maximum 300 ml par portion!
térale ou en complément d’une alimentation
orale) il faut ajouter 3 à 7 fois par semaine, en
fonction de la gravité de la maladie, un supplément de multivitamines-sels minéraux (par
voie orale, dissous dans de l’eau par sonde ou
par voie intraveineuse).
Comme la teneur en vitamine K du régime
sonde est relativement élevée, nous recommandons un contrôle rapproché de l’INR chez les
patients anticoagulés.
Tous les produits standard ne contiennent ni
gluten, ni purines, ni lactose.
Technique d’administration et programme nutritionnel
La forme d’administration dépend de la localisation de l’extrémité de la sonde, de la maladie
de base et de la clinique, du but du traitement
nutritionnel et tient compte des besoins du patient s’il doit être nourri à long terme. La déci-
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sion de la bonne forme d’administration est
idéalement prise en équipe interdisciplinaire,
après discussion avec le patient et ses proches.
Il existe en principe deux options pour l’administration du régime sonde. Il peut être administré de manière intermittente en plusieurs
portions, par un système suivant les lois de la
gravitation. La forme auparavant courante
d’administration en bolus à la seringue n’est
actuellement plus praticable, et généralement
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plus recommandée en raison du risque d’intolérance. L’administration en continu par pompe
est la forme recommandée dans la plupart des
indications à l’hôpital. Les complications telles
que diarrhée, vomissement, broncho-aspiration et écarts métaboliques peuvent souvent
être prévenues.
Avec une sonde gastrique, l’alimentation peut
se donner en continu ou par intermittence. Avec
une sonde duodénale ou jéjunale, elle doit tou-
Tableau 7. Complications mécaniques de l’AET.
Problème
Prophylaxie / Thérapie
Irritation locale de la sonde:
irritation de la muqueuse,
hémorragie, ulcération, reflux
relever le tronc (30–40°)
sonde plus fine
poser une GPE
Dislocation de la sonde:
toux, symptômes pulmonaires,
difficultés de perfusion, intolérance subite
contrôle radiologique de l’extrémité de la sonde
en cas de doute, retirer la sonde
Sondes bouchées
entretien conséquent, soigneux de la sonde
ne pas administrer en même temps antiacides
et résines échangeuses, ni thé noir, tisanes
de fruits, jus de fruits
essayer de rincer avec Coca Cola ou vin
de pepsine
changer de sonde
Tableau 8. Complications gastro-intestinales.
Problème
Prophylaxie / Thérapie
Diarrhée: causes possibles:
atrophie muqueuse après carence alimentaire
prolongée
AET en continu sur 24 h par pompe
médicaments: antibiotiques, antiacides, anti-H2,
laxatifs, sorbitol
évt produit à base de fibres, fibres solubles
toxine de Clostridium difficile
traiter les Clostridies
évt produit à base de fibres, fibres solubles
surcharge osmotique si régime sonde trop
concentré par ex.
évt dilution selon notice d’emballage
(plus il y a de liquide, plus l’osmolarité baisse)
trop de régime par portion
maximum 300 ml par portion, administration
en continu
régime sonde trop froid
température ambiante
administration trop rapide
faire couler plus lentement
sonde trop distale
contrôle de position
intolérance au lactose
vérifier la concentration du produit ou de
l’alimentation orale en lactose, exclure le lactose
Constipation:
augmenter l’apport d’eau entéral
laxatifs doux, évt lactulose, lavement
passage à un produit riche en fibres
remplacer ou stopper les opioïdes si possible
Nausée, vomissement:
exclure ballonnements excessifs, iléus,
constipation, déplacement de la sonde
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jours être administrée en continu par pompe.
Pour ces deux formes d’administration, le programme doit être mis en route lentement et en
fonction de l’appréciation de la tolérance du patient. En règle générale la quantité voulue peut
être atteinte en 3–4 jours (tableau 6). Pour les
sondes naso-entérales, le programme peut être
mis en route immédiatement après la mise en
place, et peu après pour une GPE (au plus tôt
2–12 h après la pose) [8].
380
Entretien de la sonde
L’eau courante normale, ou une eau minérale
non (ou peu) gazeuse peut parfaitement servir
de liquide de rinçage et de nettoyage de la
sonde. Thé noir, thé aux fruits, jus de fruits, etc.
ne doivent pas être utilisés pour cela, car ils forment des précipités protéiques au contact du
régime sonde, qui peuvent la boucher. Les
sondes doivent être rincées avant et après
chaque administration de nourriture, avant et
après celle de médicament par la sonde et
toutes les 3–4 heures en administration continue (surtout avec des débits <40 ml/h) avec au
moins 20–30 ml d’eau (à la seringue).
Tableau 9. Complications infectieuses.
Problème
Aspiration trachéo-bronchique
Prophylaxie / Thérapie
Contrôle du traitement
nutritionnel entéral
placer la sonde dans le jéjunum
aspirer pour diagnostiquer rapidement
la rétention gastrique
relever le tronc (30–40°)
Sinusite avec sonde nasogastrique
retirer la sonde, antibiotiques
Contamination bactérienne du régime sonde
préparer le régime immédiatement
avant l’emploi
changer chaque jour les tubulures
administrer les régimes sondes
ouverts dans les 24h
L’alimentation entérale impose une certaine
surveillance, même si elle est moins intensive
que la parentérale. Il faut être attentif aux
symptômes d’intolérance du régime sonde,
dont nausée, vomissement, météorisme, diarrhée et grandes quantités broncho-aspirées. En
cas de régurgitation prolongée et comme prophylaxie de la broncho-aspiration, le tronc du
patient doit toujours être surélevé de 15–30°.
Les broncho-aspirations ne peuvent pas être to-
Tableau 10. Complications métaboliques.
Problème
Prophylaxie / Thérapie
Déshydratation:
avec / sans hypernatrémie
contrôler la glucosurie, si négative poids spécifique
de l’urine
correction lente à l’eau courante
Refeeding syndrome:
chute rapide de K, Mg et surtout phosphate (shift vers intracellulaire),
intolérance au glucose,
déplétion en thiamine, arythmies (secondaires)
Reconnaître au préalable les patients à risque:
malnutrition chronique
alcoolisme
obésité morbide avec perte de poids massive
patients qui n’ont plus rien mangé depuis
plusieurs jours
Prophylaxie par:
correction de l’hyperglycémie et des troubles
électrolytiques avant la thérapie nutritionnelle
au début petites quantités de glucose
donner suffisamment de vitamines et d’oligo-éléments
monitoring: jusqu’au programme complet 2 par
semaine Na, K, P, évt Mg, glucose chaque jour
Carence en oligo-éléments:
par ex. en zinc avec symptômes tels que dysgueusie, stomatite, dermatite
y penser!
dosage du zinc et de l’albumine sériques
(le Zn est lié aux protéines)
Anticoagulation difficile à contrôler
INR rapproché, les préparations standard contiennent
de la vitamine K
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talement prévenues même si la sonde est audelà du ligament de Treitz, ni chez les patients
trachéotomisés avec high-volume-low-pressure cuff. A l’hôpital, il y a de nombreuses raisons de devoir interrompre un traitement nutritionnel: examens radiologiques, endoscopies, interventions chirurgicales et bien
d’autres. Aux soins intensifs, ces interruptions
régulières doivent être bien prises en compte,
faute de quoi le nombre voulu de calories par
jour n’est que rarement atteint, et il faut toujours repartir à zéro avec l’alimentation. Le fait
que le patient soit à jeun avant une intervention
fait actuellement l’objet de controverses, et cela
Quintessence
L’AET augmente significativement l’apport énergétique.
L’AET prévient la perte de poids et la fonte musculaire.
L’AET doit être mise en route le plus rapidement possible et interrompue
le moins souvent possible.
L’AET stimule la cicatrisation des plaies et diminue significativement
la morbidité et la mortalité.
L’AET diminue le nombre des journées d’hôpital et permet de réaliser
des économies substantielles.
381
pourrait se limiter à deux heures avec l’administration de liquides riches en hydrates de carbone [9]. Interrompre l’administration du régime sonde pour poser des cathéters (PVC, artère, pulmonaire, hémodialyse) semble inutile.
Les complications de l’alimentation entérale et
leurs traitements sont multiples, ils sont présentés aux tableaux 7–10.
Conclusion
L’alimentation entérale peut être utilisée
comme
– seul apport d’énergie et de nutriments
– supplément de l’alimentation orale
– complément à une alimentation parentérale
totale.
L’AET augmente significativement l’apport
énergétique (en général d’env. 1000 kcal/j) et
diminue la perte pondérale et la fonte musculaire (lean body mass). L’AET améliore en outre
le résultat fonctionnel de certaines maladies
(BPCO / mucoviscidose / cancers / hépatopathies / status postopératoires) [4]. Elle améliore
les défenses immunes et la cicatrisation des
plaies et diminue significativement la morbidité
et la mortalité. L’alimentation entérale diminue
les journées d’hôpital, peut se poursuivre sans
problème à domicile et donc permettre de réaliser des économies substantielles [4].
Références
1 Woodcock NP, Zeigler D, Palmer D,
Buckley P, Mitchell CJ, MacFie J.
Enteral versus parenteral nutrition:
a pragmatic study. Nutrition 2001;
17:1–12.
2 Braunschweig CL, Levy P, Sheean
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