CURRICULUM Forum Med Suisse No16 16 avril 2003 376
et en cas de malnutrition manifeste, l’apprécia-
tion de l’état de nutrition doit être plus com-
plète. Un status clinique détaillé et l’anamnèse
nutritionnelle complète sur la base d’une éva-
luation globale sont importants (tableau 2).
L’appréciation subjective globale ou «subjective
global assessment» (SGA) est un score bien
validé pour la reproductibilité de l’appréciation
de l’état de nutrition [6].
L’alimentation entérale est toujours indiquée
si l’alimentation orale autonome est jugée im-
possible, insuffisante ou contre-indiquée pour
quelques jours. L’indication est posée par le
médecin, en collaboration avec les diététicien-
nes et le personnel infirmier. Les indications
les plus courantes à une AET sont:
– état de conscience altéré (par ex. ictus,
coma, dépression)
– problèmes mécaniques (par ex. tumeurs
ORL et du tube digestif)
– alimentation jéjunale immédiatement après
importantes interventions abdominales
– insuffisance respiratoire (ventilation
assistée, risque de broncho-aspiration)
– problèmes neuromusculaires
(par ex. dysphagie, myasthénie)
– polytraumatisés
– processus inflammatoires
(par ex. stomatite, pharyngite, œsophagite)
– besoins nutritionnels accrus
(par ex. cachexie cancéreuse, septicémie)
– maldigestion (par ex. pancréatite, déficit en
acides biliaires)
– malabsorption (par ex. mal. de Crohn, colite
ulcéreuse, entérite actinique)
– anorexie
– grands brûlés
– traumatismes crânio-cérébraux
En clinique, il est important de ne pas suivre
un schéma d’indication trop rigide. Avant de
mettre en route une alimentation entérale, il
faut peser de manière critique le bénéfice indi-
viduel pour chaque patient, en fonction de son
évolution clinique, de son pronostic, des valeurs
fondamentales médico-éthiques, sans oublier
la qualité de vie ni le maintien de son auto-
nomie. En l’absence de contre-indication à une
alimentation entérale, nous commençons par
un apport en continu, en général peu après
l’admission à l’hôpital. Cela est particulière-
ment le cas chez les patients des soins intensifs.
Cette mise en route rapide d’une AET permet
de maintenir la motilité de l’intestin et de dimi-
nuer les complications telles que diarrhée et
régurgitation, même sans avoir besoin de gas-
trocinétiques ni d’antiémétiques.
Contre-indications
à une alimentation entérale
L’obstruction mécanique du tractus gastro-in-
testinal est une contre-indication absolue. Les
contre-indications relatives sont diarrhées et
vomissements incoercibles, récidivants, insta-
bilité hémodynamique, hémorragies diges-
tives, mal. de Crohn, colite ulcéreuse et pan-
créatite hémorragique-nécrosante aiguë, à pré-
ciser individuellement pour chaque patient.
Estimation des besoins
énergétiques
Les besoins énergétiques du patient peuvent
être estimés ou mesurés. La méthode de me-
sure des besoins énergétiques au repos (REE)
la plus fiable en pratique clinique est la calori-
métrie indirecte, techniquement compliquée.
Elle ne peut se faire que dans de grands centres,
hôpitaux universitaires en général. Aux soins
intensifs, s’il y a un cathéter pulmonaire, c’est
la consommation d’oxygène (VO2) qui est mesu-
rée pour être transformée en besoins calo-
riques (4,85 kcal/l O2). La formule de Harris-
Benedict bien connue donne souvent une sur-
estimation notable des besoins en substrats. La
formule la plus fiable, aussi bien pour la respi-
ration spontanée que pour la ventilation assis-
tée, est celle de Ireton-Jones tout récemment
publiée [7] (tableau 3).
Un schéma simple, très souvent appliqué et uti-
lisable au lit du patient, part d’un besoin de
base de 21 kcal/kg PC pour les femmes et de 24
kcal/kg PC pour les hommes. Ce besoin de base
est multiplié par un facteur d’activité (1,2
alité / 1,4 mobilisé) et par un facteur de
maladie (1,1 à 1,5 selon la gravité de la
maladie) (tableau 4).
Les calories ainsi calculées correspondent à
peu de choses près à celles obtenues par calo-
rimétrie indirecte, et cette méthode a fait ses
preuves en pratique clinique.
Application pratique
de l’alimentation parentérale
Voies d’abord entérales et matériel
Il y a actuellement plusieurs voies d’abord pour
l’alimentation par sonde. La voie nasogastrique
pour l’apport artificiel de nutriments est l’une
Tableau 3. Equation d’Ireton-Jones [7].
REE (respiration spontanée): 629 – 11(A) + 25(W) – 609(O)
REE (ventilé): 1784 – 11(A) + 5(W) + 244(S) + 239 (T) + 804(B)
REE: kcal/jour; A, âge (ans); W, poids corporel (kg); S, sexe (masculin = 1; féminin = 0);
T, diagnostic traumatisme (oui = 1, non = 0); B, brûlé (oui = 1, non = 0); O, obésité
>30% selon les tables de la Metropolitan Life Insurance 1959 ou BMI >27 kg/m2
(oui = 1, non = 0)