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Services écologiques rendus par les zones humides en matière d’adaptation au changement climatique
Résumé
Les effets du changement climatique menacent les sociétés humaines et les écosystèmes. D’ici 2100, la température
moyenne à la surface de la Terre pourrait augmenter de 4,8°C et le niveau moyen de la mer pourrait s’élever à un
rythme de 1,6 cm/an. Entraînant une variabilité accrue des précipitations, le changement climatique devrait rendre les
phénomènes climatiques extrêmes (ex. tempêtes, sécheresses, inondations, etc.) plus sévères et plus fréquents (GIEC,
2013). Face à ces risques naturels, l’homme a construit digues, réservoirs et murs de protection. Ces infrastructures
artificielles représentent la solution d’adaptation classique. Une autre approche est possible : celle de l’adaptation fondée
sur les écosystèmes. Elle implique un recours à la biodiversité et aux services rendus par les écosystèmes1 (Secrétariat de
la CBD, 2009), et leur préservation. Les stratégies d’adaptation au changement climatique fondée sur les écosystèmes
sont des stratégies « sans ou à faible regret » (i.e. qui produisent des bénéfices quel que soit le scénario de changement
climatique qui se matérialise), qui délivrent des co-bénéfices : conserver les écosystèmes dans un bon état écologique
bénéficie également au maintien de la biodiversité et à la réduction de la pauvreté – en gérant de manière durable les
services d’approvisionnement (ex. en eau, en nourriture et en matières premières) (Campbell et al., 2008).
Les zones humides font partie des écosystèmes les plus riches de la planète (Pearce et Crivelli, 1994). Parmi les
nombreux services écologiques qu’offrent les zones humides, quatre ont pu être identifiés comme étant à l’origine du
rôle d’ « amortisseur climatique » joué par les zones humides :
• Le service de régulation du climat à travers le stockage du carbone
Les zones humides sont les plus importants puits de carbone2 naturels (Chmura et al., 2003). Les conditions anaérobies
(pauvres en oxygène) empêchent les organismes aérobies de décomposer la matière organique, y compris le carbone
organique, qui est ainsi accumulé au fur et à mesure que la tourbe se forme à partir de végétaux morts. Le carbone est
également séquestré par la végétation, via la photosynthèse. Les tourbières, les marais, les plaines alluviales et les lacs
rendent notamment ce service (Crooks et al, 2011 ; de Groot et al., 2007 ; MA, 2005a ; Maltby and Acreman, 2011 ;
Turpie et al, 2010).
• Le service de protection contre les événements climatiques extrêmes
En ayant la capacité d’atténuer la puissance des tempêtes, la force et la vitesse des vagues, certaines zones humides font
office de zones tampons. Protéger les zones humides peut à ce titre être une mesure d’adaptation, car cela permet de
réduire la vulnérabilité des populations à leurs impacts. Ce service est surtout rendu par les zones humides côtières,
comme les lagunes, les marais saumâtres et salés, les mangroves (Campbell et al., 2008 ; MA, 2005a ; Pergent et al.,
2012 ; ProAct Network, 2008 ; Secrétariat de la Convention de Ramsar, 2010 ; Wetlands International, 2008).
• Le service de maîtrise des crues
La plupart des zones humides sont à même de stocker l’eau dans le sol ou de la retenir à la surface. Ainsi, elles
permettent d’écrêter les pics de crues, d’étaler la lame d’eau, de réduire la vitesse du courant et d’allonger la durée de
l’inondation à un faible niveau d’eau. Cette capacité dépend fortement du contexte hydrologique et écologique local. Les
plaines d’inondation, les lacs, les marais, les lagunes sont des exemples de zones humides qui peuvent rendre ce service
de contrôle des inondations (Agence de l’eau RMC, 2006 ; MA, 2005a ; OZHM, 2012 ; Turpie et al., 2010 ; Wetlands
International, 2008).
• Le service de soutien d’étiage
Nombre de zones humides qui stockent l’eau en période humide peuvent être des réserves d’eau en période sèche.
Dans ce cas, l’eau n’a pas été restituée directement mais s’est infiltrée lentement dans le sol, de manière à alimenter
progressivement les nappes phréatiques et les cours d’eau. Cela contribue à limiter les effets des sécheresses. Ce rôle de
soutien d’étiage est détenu par certains marais, lagunes, étangs, tourbières et plaines d’inondation (Agence de l’eau RMC,
2006 ; OZHM, 2012).
Ces services écologiques, comme tous les autres, ne sont pas délivrés de manière systématique par les zones humides. Ils
sont entièrement dépendants des caractéristiques du site (ex. topographie, bathymétrie, climatologie, etc.) et de l’état de
l’écosystème. Par exemple, des tourbières dégradées relâcheront dans l’atmosphère le carbone stocké, sous forme de
dioxyde de carbone, et renforceront ainsi le processus de changement climatique (Parish et al., 2008). En outre, les
relations entre les fonctions écologiques, issues de processus biophysiques, et les services rendus sont encore
relativement peu étudiées. Encourager la recherche sur le fonctionnement des écosystèmes, semble donc essentiel.
1 Les services écologiques sont définis par le Millenium Ecosystem Assessment (2005) comme les contributions des écosystèmes au bien-être humain.
2 « Les puits de carbone sont des réservoirs naturels ou artificiels dans lesquels le carbone peut être accumulé pendant un certain temps » (Pergent et al., 2012).