Introduction
La civilisation grecque s’est épanouie entre le VIIIeet
le IVesiècle avant J.-C. sur une vaste aire géo-
graphique allant des colonnes d’Hercule (détroit de
Gibraltar) aux rives du Pont-Euxin (mer Noire). Le
cadre de cette civilisation a été cette forme politique
spécifique qu’on appelle la Cité (Polis). Elle subsiste
certes après le IVesiècle, mais comme une survivance
dans un monde dominé par les grands états mo-
narchiques nés de la conquête d’Alexandre, où se
développe une civilisation dans laquelle l’héritage
hellénique se mêle aux apports des civilisations orien-
tales et qu’on appelle la civilisation hellénistique.
On situe généralement l’arrivée des Grecs — c’est-
à-dire de gens parlant une langue qui deviendra le
grec — au début du second millénaire avant J.-C. On
sait peu de choses en dépit des progrès constants de la
recherche archéologique, sur les établissements
humains qui précédèrent cette arrivée des Grecs et sur
les conséquences qu’eut sur la civilisation matérielle
la pénétration de nouveaux arrivants. Mais, à partir du
XVesiècle, se développe une civilisation qu’on appelle
mycénienne, du nom du principal centre où elle allait
atteindre son apogée : le site de Mycènes dans le
Péloponnèse. On sait que c’est en cherchant les traces
des héros d’Homère que l’Allemand Schliemann fit
entreprendre des fouilles qui allaient révéler l’exis-
tence d’un palais de vastes dimensions, cependant que
les tombes livraient un riche matériel où abondaient
en particulier des objets d’or. Ils témoignaient de l’im-
portance des souverains qui régnaient sur l’Acropole
de Mycènes, cependant que la présence dans les
tombes d’objets d’importation laissait deviner des
relations entre ce monde mycénien et l’Orient médi-
terranéen.
Les progrès de l’archéologie et le déchiffrement des
tablettes d’argile trouvées dans les ruines des palais
mycéniens permettent aujourd’hui d’entrevoir, malgré
les nombreux problèmes qui subsistent, ce qu’étaient
ces états mycéniens qui connurent leur apogée entre le
XVeet le XIIesiècle avant J.-C. : des états centralisés
autour d’un palais où se concentraient non seulement
l’autorité politique, militaire, religieuse, mais aussi
les activités économiques, cependant que s’accumu-
laient dans les magasins du palais les redevances
acquittées par les populations des campagnes qui en
dépendaient. On a souvent comparé la structure des
états mycéniens à celle de certains états de l’Orient
ancien, en dépit des différences d’échelle considérables.
De fait on y retrouve l’existence d’une bureaucratie
de scribes chargée de tenir à jour les archives et la
INTRODUCTION 7
comptabilité du palais, d’une classe de guerriers pro-
fessionnels, d’une paysannerie dépendante, même si
cette paysannerie se distinguait, au sein des commu-
nautés villageoises, des esclaves du palais et des dieux.
Ce monde mycénien, dont nous sommes incapables
de reconstituer l’histoire de façon précise, puisque les
documents écrits que nous possédons sont essentielle-
ment des comptes rédigés à la veille de la disparition
des palais, s’effondre brusquement à l’aube du XIIe siè-
cle avant J.-C. Les modernes ont avancé diverses
hypothèses pour rendre compte de cet effondrement :
arrivée de nouveaux envahisseurs qui seraient ces
Doriens qui dans la tradition grecque se rendirent
maîtres du Péloponnèse au lendemain de la guerre de
Troie ; troubles intérieurs dont les traces lointaines se
retrouveraient dans certains épisodes mythiques ;
voire catastrophe naturelle qui aurait affecté princi-
palement le Péloponnèse. Sans exclure en effet que de
nouveaux arrivants aient pu provoquer ici ou là des
incendies et des destructions, il faut se garder d’une
explication trop schématique. Et ce d’autant plus que
certains palais ne furent pas détruits en même temps
que les autres, celui d’Athènes en particulier, et que
l’on tend aujourd’hui à nuancer l’importance de la
catastrophe et de la disparition de tous les sites
mycéniens.
La période de quatre siècles, qui sépare la fin des
palais mycéniens de la renaissance de la civilisation
INTRODUCTION 8
grecque à l’aube du VIIIesiècle, et que les archéo-
logues appellent les « âges obscurs », se révèle en
effet beaucoup plus complexe que cette appellation le
laisserait supposer. Certes, il y a bien disparition de
l’usage de l’écriture, abandon de nombreux sites,
appauvrissement de la civilisation matérielle. Mais,
au fur et à mesure que se multiplient les fouilles, on
découvre que les ruptures sont moins catégoriques
qu’on l’avait cru d’abord, que la civilisation mycéni-
enne ne disparaît pas brutalement du jour au lende-
main, qu’on retrouve la trace de continuités qui
incitent à une appréciation plus nuancée des siècles
obscurs. On savait déjà que c’est alors que des popu-
lations grecques émigrèrent vers les îles et les côtes
d’Asie Mineure. On pense de plus en plus aujourd’hui
que la tradition qui faisait partir une partie d’entre eux
d’Athènes n’était pas « infondée » et que l’Attique
était demeurée pendant ces quatre siècles un centre
relativement actif. Enfin, on tend à faire remonter au
IXesiècle la renaissance d’où devait sortir le monde
grec de la période historique.
C’est alors en effet que commencent à réapparaître
de nombreux sites abandonnés ou dont la population
s’était considérablement réduite. Souvent ces regrou-
pements se font autour d’une tombe monumentale ou
d’un sanctuaire. Mais très vite s’affirme une structure
«urbaine » différente de la structure palatiale mycéni-
enne et qui va caractériser pendant les siècles suivants
INTRODUCTION 9
cette forme nouvelle d’état, la cité, qu’on peut définir
comme un centre urbain, généralement voisin de la
mer, contrôlant un territoire plus ou moins vaste
partagé entre les membres de la communauté civique.
C’est cette forme d’état que les Grecs allaient bien-
tôt diffuser dans tout le bassin méditerranéen avec le
vaste mouvement d’expansion qui commence vers le
milieu du VIIIesiècle et qu’on appelle la colonisation
grecque. Suscitée en premier lieu par le besoin de
terre, conséquence de l’explosion démographique,
mais aussi par le souci de se procurer des biens dont
la Grèce était dépourvue, essentiellement des métaux
comme le fer ou l’étain, cette expansion des Grecs se
traduisit en effet par la fondation d’établissements qui
étaient des cités autonomes, indépendantes de leur
cité mère (métropole) d’où étaient partis les premiers
colons. Les fouilles qui ont été menées sur le site de
certains de ces établissements permettent de mieux
comprendre la nature de la cité grecque. On a pu met-
tre en évidence l’importance du centre urbain comme
lieu où sur l’emplacement laissé libre de toute con-
struction (la future agora) se tenaient les assemblées
qui prenaient les décisions communes. On a pu égale-
ment reconstituer le découpage du territoire, de la
chora, partagé entre les colons, peut-être de manière
égalitaire en certains endroits.
Le mouvement d’expansion allait se poursuivre
jusque vers le milieu du VI siècle. En moins de deux
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