dOSSIER
page 22 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 17
Depuis 1996, les multithérapies antirétrovirales
hautement actives (HAART) permettent un contrôle
efficace de la réplication du virus de l’immunodéficience
humaine de type 1 (VIH-1), réduisant la virémie à des
niveaux « indétectables ».
Ce contrôle virologique conduit à une restauration
immunitaire substantielle ainsi qu'à une diminution
de la morbidité et de la mortalité associées au VIH.
Cependant, ces associations médicamenteuses ne
permettent pas l’éradication du virus du fait de
l’existence de réservoirs viraux. L’obstacle majeur à
l’éradication du VIH-1 est en effet l’établissement
d’une infection latente.
Réplication résiduelle
Les provirus intégrés dans les lymphocytes T-CD4+
mémoires quiescents à longue durée de vie, inductibles
en cas d’activation cellulaire, constituent le réservoir
cellulaire latent le plus important et le mieux caractérisé
du VIH-1. Cependant d’autres types cellulaires sont
également impliqués dans la persistance du VIH-1,
notamment les cellules T CD4+naïves et les
macrophages tissulaires. Le nombre de cellules infectées
de façon latente par le VIH-1 diminue de façon
importante à l’initiation du traitement antirétroviral
puis plus progressivement jusqu’à atteindre un niveau
faible mais stable. Cette stabilité apparente du réservoir
latent du VIH-1 pourrait être en partie expliquée par
une réalimentation permanente de ce compartiment
par une réplication virale résiduelle persistant sous
traitement antirétroviral. Certains compartiments
cellulaires ou sites anatomiques sont en effet peu ou
pas permissifs à la surveillance immunitaire et/ou
à une pénétration efficace des antirétroviraux.
L’éradication du VIH-1 par les combinaisons
d’antirétroviraux actuels étant impossible, l’étude des
mécanismes de la persistance et de la dynamique virale
sous traitement antirétroviral efficace constitue un
élément essentiel pour l’élaboration de nouvelles
stratégies thérapeutiques.
Sanctuaires
Notre équipe s’intéresse à la dynamique de l’infection
par le VIH-1 sous traitement et notamment à l’impact
respectif des virus utilisant les corécepteurs d’entrée
CCR5 (virus R5) ou CXCR4 (virus X4) sur
l’homéostasie lymphocytaire T chez des patients sous
traitement antirétroviral efficace. L’étude des réservoirs
cellulaires dans cette situation a permis de mettre en
évidence une sélection progressive des virus de type X4
dans les cellules mononuclées du sang périphérique de
patients sous traitement efficace. L’émergence de
variants X4 est corrélée à une lymphopénie T CD4+
persistante observée chez certains patients malgré une
charge virale plasmatique « indétectable ». De plus,
sous thérapie efficace, on a démontré que les
populations de VIH-1 étaient compartimentées entre
différents types cellulaires du sang circulant. Nous
cherchons actuellement à caractériser la réplication
résiduelle du VIH-1 dans différents compartiments
sanctuaires de l’organisme et notamment au sein du
tissu lymphoïde associé aux muqueuses digestives
(GALT). Le GALT représente un tissu clé de l’infection
par le VIH-1 puisqu’il contient la majorité des
lymphocytes, et est une cible précoce importante de la
réplication virale ainsi qu'un site de déplétion sévère
des lymphocytes T CD4+. Une déplétion des T CD4+
peut persister dans le GALT malgré une restauration
en apparence satisfaisante du taux de lymphocytes
périphériques. Une réplication virale résiduelle dans le
GALT, associée à des mécanismes d’inflammation et
d’apoptose persistants, pourrait être impliquée dans
ce défaut de reconstitution T CD4+.
Débusquer le VIH
où il se cache
>>> Bourgeonnement de VIH à la membrane plasmique de cellules
THP-1 infectées. (Microscopie électronique à transmission,
grossissement x 20 000, Centre de microscopie électronique
appliqué à la biologie, UPS).
Même si les multithérapies réduisent la charge virale des malades du sida à
un niveau indétectable, le virus n'est jamais totalement éradiqué. En cause,
des cellules servant de réservoirs au VIH.
>>> Pierre DELOBEL, Médecin dans le Service
des Maladies Infectieuses du CHU Purpan et
chercheur au CPTP (unité mixte UPS/Inserm).
© C. Frésillon/CNRS.
Virus et maladies
émergentes