Échos de congrès échos 13e Journées d’Ophtalmologie Pratique Bandol, 17–18 juin 2011 1. Imagerie UBM iris et corps ciliaire Intérêt de la biomicroscopie ultrasonore du segment antérieur Dr Frédéric Matonti* Introduction Développée dans les années 90 par Pavlin (1), l’échographie haute fréquence du segment antérieur permet une analyse des structures antérieures (2) dans leur ensemble (Fig. 1) grâce à l’emploi de sondes à focale courte (≈ 10 mm). Le terme UBM est à l’heure actuelle un terme générique employé pour décrire les appareils utilisant des sondes de plus de 20 MHz en opposition aux sondes classiquement utilisées en ophtalmologie, et cadencées à 10 MHz. L’échographie UBM ou ultra-biomicroscopie est une méthode d’imagerie ultrasonique en haute définition permettant l’exploration des structures du segment antérieur avec une précision de 20 à 50 µm selon les appareils (résolution axiale). Du fait de l’emploi d’ultra-sons et non de rayonnements lumineux, les structures iriennes et en particulier l’épithélium pigmentaire irien ne représentent plus un obstacle pour UBM ET TUMEURS OCULAIRES Analyse des tumeurs irido-ciliaires L’exploration des tumeurs (4) du complexe irido-ciliaire est efficacement réalisée grâce à l’UBM. L’analyse échographique nous permet entre autres choses de façon très aisée de déterminer si une lésion rétro-irienne est une tumeur solide ou kystique (5) mais aussi de déterminer le caractère unique ou multiple des lésions * Service d’ophtalmologie, Hôpital Nord, Marseille 168 l’analyse des structures rétro-iriennes (3) contrairement aux autres technologies à notre disposition (Fig. 2) que sont l’OCT, la Scheimpflug camera ou même l’examen biomicroscopique. Les applications de cette technologie sont extrêmement variées avec en premier lieu le bilan des glaucomes et en particulier les formes par fermeture de l’angle qui représentent une part importante des cas de glaucomes pédiatriques et adultes, mais aussi l’exploration des tumeurs iriennes et des corps ciliaires, et enfin l’analyse biométrique du segment antérieur comme pré-requis dans certains cas de chirurgie réfractive. Les appareils nécessaires à la réalisation d’une échographie haute fréquence utilisent en général des transducteurs à 35 et 50 MHz, en deçà de ces valeurs, l’analyse du segment antérieur est de moindre qualité. (certaines non visualisables en biomicroscopie). Les lésions iriennes apparentes sur la face antérieure de l’iris peuvent être purement iriennes mais parfois n’être aussi que la partie émergée de l’iceberg d’une tumeur plus volumineuse (Fig. 3A et B) infiltrant les structures adjacentes (corps ciliaires, sclère…) ou se développant initialement aux dépens de ces mêmes structures (6). De même l’aspect échographique (échogénicité, forme, base d’implantation…) des tumeurs iriennes va nous orienter vers leur caractère bénin ou malin, aidé par leur profil évolutif (7) au cours d’examens répétés dans le temps. Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Échos de congrès Figure 1 - Coupe transversale de l’ensemble du segment antérieur (flèches rouges : corps ciliaires ; flèche jaune : capsule postérieure). Figure 4 - Carcinome conjonctival invasif (flèche rouge : dyskératose calcifiée ; flèche orange : infiltration tumorale intra-oculaire ; flèche blanche : cataracte corticale de contiguïté). Analyse des tumeurs conjonctivo-cornéennes Figure 2 - Images comparatives de coupes du segment antérieur en UBM, OCT et Scheimpflug camera. Même si ces tumeurs sont facilement analysées au biomicroscope, il n’empêche qu’il reste très difficile d’évaluer le caractère infiltrant (Fig. 4) de ces tumeurs lorsque celles-ci sont volumineuses et/ou hétérogènes. Ce point est essentiel car déterminant dans la décision thérapeutique et dans le pronostic anatomique et fonctionnel de la lésion (8, 9). Par ailleurs l’analyse intrinsèque des caractéristiques échographiques de ces lésions est tout aussi nécessaire afin d’en apprécier le caractère bénin ou malin mais aussi primitif ou secondaire. UBM ET GLAUCOMES Analyse de l’angle irido-cornéen Figure 3 - A : mélanome du corps ciliaire infiltrant l’angle iridocornéen et la base de l’iris. B : nævus bénin de l’iris. Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 L’examen de tout patient glaucomateux et même de toute hypertonie oculaire nécessite l’examen systématique de l’angle irido-cornéen afin non seulement de comprendre les processus physiopathologiques en cause chez un patient donné, mais surtout de pouvoir adapter la thérapeutique au cas par cas (10). 169 Échos de congrès Figure 6 - Configuration d’iris plateau (flèche rouge : éperon scléral) : antéroposition des corps ciliaires avec fermeture de l’angle irido-cornéen et du sulcus ciliaire. Figure 5 - Dynamique de l’angle en situation scotopique (en haut) et photopique (en bas) dans le cadre d’une configuration d’iris plateau. Figure 7 - Polykystose des corps ciliaires avec fermeture de l’angle irido-cornéen (flèche rouge : éperon scléral ; flèches blanches : cavités kystiques au niveau du stroma ciliaire). La gonioscopie statique, complétée d’un examen dynamique est le plus souvent suffisante dans le cadre du bilan initial de la pathologie. Cependant, certaines situations cliniques ou thérapeutiques plus complexes imposent un complément d’examen d’imagerie et en particulier une UBM qui permet elle aussi une analyse statique et dynamique (scotopique/photopique) de l’angle irido-cornéen (Fig. 5) afin d’évaluer de quelle manière l’angle est occludable et réouvrable (11). Ceci est particulièrement important pour les angles occludables et plus spécifiquement ceux pour lesquels une iridotomie n’est pas efficace pour rouvrir l’espace angulaire. Le syndrome d’iris plateau en est une bonne illustration puisqu’il s’agit d’angles étroits non réouvrables par le traitement laser, pour lequel seuls des signes 170 indirects gonioscopiques peuvent orienter vers ce diagnostic. L’examen échographique est seul capable d’apporter la preuve de l’anomalie d’insertion et de l’antéroversion des corps ciliaires (Fig. 6). De même, seule l’UBM est capable de faire la différence avec certitude entre une véritable anatomie d’iris plateau et une polykystose irido-ciliaire (Fig. 7), pouvant cliniquement être très proches (12). évaluation de l’efficacité des traitements chirurgicaux La perméabilité d’une iridotomie ne peut s’apprécier par la simple visualisation d’une trans-illumination. Seule la visualisation des corps ciliaires au travers de l’orifice est gage a posteriori de son caractère perforant (13). Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Échos de congrès Figure 8 - Iridotomie périphérique marsupialisant une cavité kystique dans la chambre antérieure dans le cadre d’une polykystose des corps ciliaires symptomatique (Dr S Guigou, hôpital d’Avignon). Figure 9 - Glaucome aigu par fermeture de l’angle secondaire à un syndrome d’effusion uvéale (flèches rouges : décollement des corps ciliaires et choroïdien ; flèche blanche double : affaissement de la chambre antérieure). tomie de jouer son rôle d’équilibration des pressions entre les chambres antérieures et postérieures. De même, la capacité de rouvrir l’angle irido-cornéen après une iridoplastie périphérique est parfaitement quantifiable par l’UBM. Enfin, il est possible par ce procédé d’exploration de parfaitement analyser les sites de chirurgies filtrantes : leur perméabilité, la qualité de la bulle de filtration, le volet scléral, le mur trabéculaire… qui présentent parfois de par leurs remaniements, une analyse clinique complète difficile (14). Autres indications Figure 10 - A : mesure de la profondeur de la chambre antérieure (flèche bleue), angle à angle (flèche rouge), sulcus à • Pour l’exploration des causes rétro-iriennes de fermeture de l’angle, outre les causes déjà présentées précédemment telles que le syndrome d’iris plateau et la polykystose des corps ciliaires, d’autres causes plus rares peuvent être diagnostiquées par l’analyse UBM. On notera entre autres les effusions uvéales (Fig. 9), les “glaucomes malins”, les tumeurs ciliaires, les causes cristalliniennes… sulcus (flèche jaune); B : Angle Opening Distance à 500 (AOD500) et à 750 µm (AOD750) de l’éperon scléral et Trabecular Iris Space Area (TISA 500 et 750). L’UBM trouve ici aussi tout son intérêt pour confirmer la perméabilité de l’iridotomie qui peut être transilluminable, mais obstruée par un épithélium pigmentaire intact, un corps ciliaire antéropositionné ou abouchée dans une cavité kystique et non dans la chambre postérieure (Fig. 8), empêchant toute possibilité pour l’iridoPratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 • Analyse biométrique (11) des structures antérieures permettant une quantification objective des différents paramètres (Fig.10 A et B) objectivables dans les angles étroits : profondeur de la chambre antérieure, diamètre angle à angle, AOD 500, TISA, surface de contact irido-cristallinienne… Ceci permet la réalisation d’un suivi quantitatif de ces différents indices, utiles dans la prise en charge et la décision thérapeutique à proposer aux patients présentant un angle occludable. 171 Échos de congrès UBM ET CHIRURGIE RéFRACTIVE Analyse quantitative des structures du segment antérieur La coupe échographique de l’ensemble du segment antérieur permet différentes mesures préalables à l’implantation phaque (Fig. 10A) : mesure angle à angle, sulcus à sulcus, la profondeur de la chambre antérieure… autant de mesures indispensables en pré-opératoire, qu’il s’agisse d’implants de chambre antérieure ou postérieure (15). En outre, ces mesures sont beaucoup plus fiables que celles réalisées par des méthodes optiques conventionnelles (16). Analyse qualitative des structures du segment antérieur De même, ces acquisitions donnent la possibilité d’évaluer la tolérance locale potentielle des implants une fois positionnés : distance à l’endothélium, distance iris-implant… (Fig. 11). Enfin certains appareils dits à très haute fréquence (17) (Artémis®) dont la définition axiale (2 µm) dépasse largement celle des machines conventionnelles, permettent une analyse biométrique de la cornée pré et postopératoire dans le cadre de procédure LASIK ouvrant la possibilité d’une mesure des différentes structures cornéennes (épithélium, flap, mur postérieur…). Figure 11 - De haut en bas : implants de sac, implant clippé à la face postérieure et à la face antérieure de l’iris (distance à l’endothélium : flèches jaunes ; distance iris-implant : flèches rouges) (Dr S Guigou, hôpital d’Avignon). CONCLUSION Grâce au développement des sondes à haute fréquence depuis les années 90, ouvrant la voie à l’échographie haute définition du segment antérieur, et à la diffusion de ces appareils par de plus en plus de laboratoires, l’UBM est devenue un outil d’exploration du segment antérieur indispensable à notre arsenal diagnostique. Elle ne doit en rien céder sa place aux appareils de tomographie en cohérence optique qui certes permet- tent une analyse précise des structures transparentes du segment antérieur, mais ne peuvent toujours pas à l’heure actuelle explorer correctement les régions rén tro- iriennes dans leur ensemble (18). Mots-clés : Échographie, Ultra-biomicroscopie, Glaucome, Tumeur oculaire, Chirurgie réfractive Bibliographie 1. Pavlin CJ, Foster FS. Ultrasound biomicroscopy. High-frequency ultrasound imaging of the eye at microscopic resolution. Radiol Clin North Am 1998 ; 36(6) : 1047-58. 2. Pavlin CJ, Harasiewicz K, Sherar MD et al. Clinical use of ultrasound biomicroscopy. Ophthalmology 1991 ; 98(3) : 287-95. 3. Pavlin CJ, Harasiewicz K, Foster FS. Ultrasound biomicroscopy of anterior segment structures in normal and glaucomatous eyes. Am J Ophthalmol 1992 ; 113(4) : 381-9. 4. Bianciotto C, Shields CL, Guzman JM et al. Assessment of anterior segment tumors with ultrasound biomicroscopy versus anterior segment optical coherence tomography in 200 cases. Ophthalmology 2011 ; 118(7) : 1297-302. 5. McWhae JA, Rinke M, Crichton AC et al. Multiple bilateral iridociliary cysts: ultrasound biomicroscopy and clinical characteristics. Can J Ophthalmol 2007 ; 42(2) : 268-71. 172 6. Giuliari GP, McGowan HD, Pavlin CJ et al. Ultrasound biomicroscopic imaging of iris melanoma: a clinicopathologic study. Am J Ophthalmol 2011; 151(4) : 579-85. 7. Weisbrod DJ, Pavlin CJ, Xu W et al. Long-term follow-up of 42 patients with small ciliary body tumors with ultrasound biomicroscopy. Am J Ophthalmol 2010 ; 149(4) : 616-22. 8. Roy A, Rath S, Das S et al. Penetrating sclerokeratoplasty in massive recurrent invasive squamous cell carcinoma. Ophthal Plast Reconstr Surg 2011 ; 27(2) : e39-40. 9. Zaki AA, Farid SF. Management of intraepithelial and invasive neoplasia of the cornea and conjunctiva: a long-term follow up. Cornea 2009 ; 28(9) : 986-8. 10. Mochizuki H, Takenaka J, Sugimoto Y et al. Comparison of the prevalence of plateau iris configurations between angle-closure glaucoma and open-angle glaucoma using ultrasound biomicroscopy. J Glaucoma 2011 ; Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Échos de congrès Bibliographie 20(5) : 315-8. 11. Henzan IM, Tomidokoro A, Uejo C et al. Comparison of ultrasound biomicroscopic configurations among primary angle closure, its suspects, and nonoccludable angles: the Kumejima Study. Am J Ophthalmol 2011 ; 151(6) : 1065-73. 12. Shukla S, Damji KF, Harasymowycz P et al. Clinical features distinguishing angle closure from pseudoplateau versus plateau iris. Br J Ophthalmol 2008 ; 92(3) : 340-4. 13. Gazzard G, Friedman DS, Devereux JG et al. A prospective ultrasound biomicroscopy evaluation of changes in anterior segment morphology after laser iridotomy in Asian eyes. Ophthalmology 2003 ; 110(3) : 630-8. 14. Kaushik S, Tiwari A, Pandav SS et al. Use of ultrasound biomicroscopy to predict long-term outcome of sub-Tenon needle revision of failed trabeculectomy blebs: a pilot study. Eur J Ophthalmol 2011, Epub ahead of print. 15. Wilczynski M, Bartela J, Synder A et al. Comparison of internal anterior chamber diameter measured with ultrabiomicroscopy with white-towhite distance measured using digital photography in aphakic eyes. Eur J Ophthalmol 2010 ; 20(1) : 76-82. 16. Biermann J, Bredow L, Boehringer D et al. Evaluation of ciliary sulcus diameter using ultrasound biomicroscopy in emmetropic eyes and myopic eyes. J Cataract Refract Surg 2011 ; 37(9) : 1686-93. 17. Reinstein DZ, Archer TJ, Gobbe M. Very high-frequency digital ultrasound evaluation of topography-wavefront-guided repair after radial keratotomy. J Cataract Refract Surg 2011 ; 37(3) : 599-602. 18. Garcia JP Jr, Rosen RB. Anterior segment imaging: optical coherence tomography versus ultrasound biomicroscopy. Ophthalmic Surg Lasers Imaging 2008 ; 39(6) : 476-84. Pratiques en Ophtalmologies et les revues du Groupe Expression sur le web L’abonnement à la revue Pratiques en ophtalmologie vous permet de bénéficier d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé : neurologies.fr diabeteetobesite.org geriatries.org cardinale.fr onko.fr rhumatos.fr ophtalmologies.org Bulletin d’abonnement à Pratiques en Ophtalmologie • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 60 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 75 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) Frais de port (étranger et DOM TOM) PO46 q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 EPratiques par avionen pour Ophtalmologie l’étranger autre • Septembre que l’UE 2011 • vol. 5 • numéro 46 q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... Prénom : . .............................................................................................................. Adresse d’expédition : ..................................................................................... .................................................................................................................................. .................................................................................................................................. Code postal : . ......................... Ville : ............................................................... Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ; Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ Mail : ...................................................................................................................... Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le : Cryptogramme : 173 *(bloc de 3 chiffre au dos de votre carte) Signature obligatoire e