UN BLEUET DE TAILLE. Frédérick Laforge, Agr. M.sc. Phytoclone

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UN BLEUET DE TAILLE.
Frédérick Laforge, Agr. M.sc.
Phytoclone inc.
Introduction
Comment faire pour augmenter le calibre de mes fruits? Quels sont les facteurs qui
influencent mon rendement? Pourquoi j'ai de bonnes récoltes seulement une année sur deux?
Est-il possible de contrôler la régularité de mes récoltes? Peut-on augmenter la rusticité des
plants? Doit-on tailler à chaque année? Qu'elles sont les tiges que je taille?
Une meilleure connaissance de la physiologie de la croissance du plant de bleuet, de
sa mise à fruit et du développement des fruits vont aider à répondre à beaucoup de questions
fréquemment posées par les producteurs. Souvent un retour sur de simples principes nous
permettent de voir plus clair et de mieux gérer nos interventions dans la bleuetière (taille,
fertilisation et irrigation). Cette conférence propose des principes physiologiques qui soustendent le développement et le maintien d'une bleuetière.
Bleuet : croissance et développement.
Le bleuet géant et le bleuet semi-nain sont des arbustes buissonnants qui se
développent à partir d'une couronne. La couronne est la jonction entre le système racinaire et
les tiges du bleuet. En général, la formation d'un buisson mature à partir d'une jeune bouture
ou plantule requiert de 3 à 8 ans. Durant cette période, la croissance du plant consiste, dès
que la dormance est levée et que les conditions de croissance sont favorables, à l'émission de
2 à 8 nouvelles tiges qui émergent de la base du plant contribuant à construire la couronne.
Chacune de ces tiges peut produire des fruits pendant plus de 8 années. Au fil de ces 8
années, la tige continue de se ramifieret de produire des bourgeons floraux sur la croissance
de l'année. Après 6 à 8 ans, la croissance végétative sur la tige est faible, les fleurs qui y sont
formées sont petites et les fruits aussi.
La croissance végétative du bleuet est épisodique. C'est-à-dire que les tiges émergent
d'un coup et s'allongent rapidement, formant entre 10 et 30 feuilles selon le cultivars et les
conditions de croissance. A la fin de l'élongation, le dernier bourgeon noircit et meurt. Une
seconde croissance peut s'effectuer sur la même tige à partir d'un ou des bourgeons sousjacents à l'avortement terminal.
Le bourgeon
terminal,
noircit et
meurt
Couronne
Ramification
sympodial
Figure 1: schéma de la croissance sympodial épisodique.
Normalement deux à cinq semaines se sont écoulées entre les deux épisodes de
croissance. C'est la croissance sympodial épisodique. Sympodial est le non morphologique
de ce type de croissance,
due à la disparition du bourgeon principal par avortement,
épuisement, formation de vrille, fleur ou inflorescence. Plusieurs facteurs influencent le
nombre d'épisodes, la longueur et la grosseur de la tige, tels que le cultivars, les conditions de
croissance et la position de la tige dans le buisson.
On observe l'émergence des tiges au printemps suite à la floraison et plus tard en fin
d'été et en automne. Les bourgeons floraux vont se former sur les 5 à 8 derniers bourgeons de
chaque tige qui ont complètement terminé leur croissance. Moins souvent les bourgeons
floraux se forment sur les tiges qui émergent tardivement. Les bourgeons floraux se forment
aussi sur la croissance secondaire des tiges des années précédentes. La formation des
bourgeons floraux pour l'année suivante est dépendante de la fin de la croissance de la tige et
généralement à lieu 60 à 90 jours après la floraison.
Système racinaire
Les racines du bleuet sont fines et fibreuses. Contrairement à la majorité des plantes à
graines, les racines de bleuet n'ont pas de poils absorbants. Les poils absorbants sont des
élongations des cellules de l'épiderme de la racine, spécialisés dans l'absorption de l'eau et
des minéraux. Étant dépourvues de ce type de structure, les racines du bleuet sont moins
efficaces à absorber l'eau et donc plus sensibles que la normale au manque d'eau. Lorsque
l'eau manque, ces fines racines brunissent ou forment une couche imperméable et
n'absorbent plus. La croissance doit donc redémarrer et probablement reformer d'autres
racines pour réabsorber l'eau. Comme la croissance des racines de bleuet est 20 fois plus
lente que celle du blé, une sécheresse estivale entraîne donc une période de dormance, d'où
la nécessité d'irriguer régulièrement. Le système racinaire du bleuet reste superficiel et
s'étend en cône inversé sous le plant à une profondeur de 30 à 60 centimètres. La profondeur
varie selon le cultivars le type de sol etc...
Physiologie associée à la taille
Comme toutes les plantes, les bleuets ont besoin de lumière pour produire des sucres
au moyen de la photosynthèse. Ces sucres servent à alimenter les cellules en croissance des
organes qui se développent.
Les photosyntats (sucres dérivés de la photosynthèse) sont produits par les feuilles
qu'on désigne sous le nom de source (telle une source d'énergie) et les parties en croissance
( feuilles, tiges, fleurs, fruits et racines) sont les consommateurs d'énergie ou les puits. Si la
demande des puits, excède la capacité de production de la source, le développement ou
l'expression du développement de l'organe n'est pas optimisé. Par exemple trop de tiges et
de fruits en croissance simultanément peuvent sous-optimiser le calibre final du fruit et le
rendement.
La performance de tous végétaux est sujette à la loi des facteurs limitants. Appliqué à la
production de fruits, on pourrait l'énoncer ainsi: 1°le calibre d'un bleuet est la conséquence
d'une série de facteurs dont le résultat est directement relié au plus faible de ses facteurs.
Par exemple, on aura beau avoir un bon équilibre de fruits et de feuilles, une bonne fertilisation
et une excellente irrigation, si la pollinisation fait défaut, le calibre final du fruit sera moindre.
2° le calibre des tiges de bleuet mesuré à un centimètre de leur base permet de les classer en
trois catégories: Les tiges fines dont le diamètre est de 2,5 mm, les tiges moyennes dont le
diamètre varie entre 2,5 et 5,0 mm et les grosses tiges dont le diamètre excède 5 mm. On
retrouve des proportions constantes de ces tiges sur un plant de bleuet, soit 70% de tiges
fines, 25% de tiges moyennes et 5% de grosses tiges.
Plus une tige, est grosse plus les fruits qu'elle porte sont gros. Par contre, il y a plus de
bourgeons floraux sur les tiges moyennes et fines que sur les grosses tiges. Cela illustre en
quelque sorte la théorie des sources et des puits. En effet les grosses tiges ont plus de
feuilles qui agissent comme sources et moins de bourgeons floraux qui agissent comme puits
en plus d'un système vasculaire plus gros qui compétitionne mieux pour la translocation de
l'eau. Cette théorie s'applique surtout pour les jeunes tiges productives et non pour les vieilles
tiges improductives.
Comment la taille peut-elle favoriser la production?
Par la taille, on peut contrôler l'équilibre des puits et des sources d'énergie et favoriser
un bleuet plus gros.
Par la taille, on peut faciliter la pénétration de la lumièrela perception de la lumière à
l'intérieur du plant et maximiser la photosynthèse et l'accumulation des sucres.
Par la taille, on peut stimuler la croissance de nouvelles tige et enlever les tiges
improductives et consommatrices d'énergie qui approchent leur 8° année. On contribue au
renouvellement constant de tiges productives.
Sur une même tige l'élimination de grappes de fleurs peut contribuer à augmenter le
calibre. Précisons que 50% du calibre du fruit dépend de facteurs extérieurs au fruit, dont la
disponibilité des photosyntats et 50% de facteurs internes (génétique et morphologique).
Comment simplifier la taille
Avant la 3° année:
La taille se limite à enlever les bourgeons floraux et laisser le plant prendre de la force. Il est
bon d'enlever le bois frêle et mal orienté dès la plantation et de garder une ou deux tiges
vigoureuses et dressées. Pendant les deux ou trois années suivantes on limite la taille à
l'enlèvement du bois faible, endokmmagé ou malade.
Après 3 ans de croissance et plus:
1° On enlève les tiges malades et gelées.
2° On enlève les tiges qui se frottent et causent des blessures, ou non dressées.
3° On enlève les vieilles tiges improductives.
4° On enlève les tiges fines qui ne reçoivent peu ou pas de lumière et dont la fructification ne
sera que tardive et de faible calibre.
Les tiges doivent toujours être taillée complètement à la base du plant, cela aura pour
effet de stimuler les bourgeons dormants de la base et le renouvellement des tiges. Pour
favoriser la régularité de la production, il faut s'assurer de bien balancer les puits et les
sources du plant. Selon la publication NRAES-55, "Highbush blueberry production guide",
Pritts, M.P. et Hancock,J.F., Si plus de 2 nouvelles tiges sont produites l'année précédente,
on rabat toutes les nouvelles tiges sauf les 2 ou 3 plus vigoureuses. On procède ainsi jusqu'à
ce qu'on obtienne 10 à 20 tiges d'âges différentes. Cela varie selon les cultivars. Cela permet
entre autre d'équilibrer les sources et les puits. Lorsqu'une quantité importante de fleurs sont
produites, l'enlèvement de grappes sur la tige ou de toutes les grappes d'une tige favorisera
un meilleur équilibre puits-source sur le plant, d'où une augmentation du calibre et une
régularité des récoltes.
Adapter la taille à ses besoins
On peut se servir de la taille pour restreindre la croissance en hauteur et favoriser la
mise à fruit à la base des plants, où les bourgeons floraux seront plus protégés des bords
extérieurs et des inévitables réchauffements de février.
Sur la première croissance
épisodique de l'année, lorsque la croissance est terminée ou non, on taille à la hauteur désiré.
La taille doit se située à un hauteur telle que la seconde croissance de l'année se termine en
dessous de la limite d'accumulation de la neige. Cette taille fonctionne moins bien avec les
tiges émisent en fin d'été et d'automne . Cela risque de diminuer la quantité d`énergie
stockée dans la couronne, rendant les plants plus susceptibles aux dommages hivernaux à
long terme.
Nous avons montré comment la taille peut contribuer à l'augmentation du calibre des
fruits. Voyons maintenant quels sont les autres facteurs qui influencent la grosseur des fruits.
Physiologie associée à la nouaison
Lorsque la tige termine sa croissance, les bourgeons végétatifs de la tête vont initier
des bourgeons à fruit. La loi des facteurs limitants prend toute sont importance à ce moment,
car c'est une bonne partie de la récolte de l'année suivante qui se prépare. Tout les facteurs
de croissance doivent être optimisés, (irrigation, fertilisation, photosynthèse). Toutes les
parties de la fleur se forment en fin d'été et au cours de l'automne. Si les conditions de
croissance sont moins favorables, les fleurs sont moins bien formées, le calibre du fruit peut
être diminué et le nombre de fleurs ou de bourgeons floraux réduits. Par exemple, un manque
d'eau à cette période pourrait tout simplement empêcher l'initiation florale. Une carence ou un
excès d'azote peut aussi diminuer la quantité et le calibre des fruits de l'année suivante.
Un facteur très important pour l'ensemble de la bleuetière lors du développement des
fleurs est le développement des cellules précurseures du pollen de l'été suivant. La quantité
de pollen produite lors de la floraison est directement reliée à la qualité de la production. En
effet, le calibre du fruit est directement relié à la quantité de graines ou de semences formées à
l'intérieur du fruit. La quantité de semences est reliée à la quantité de pollen qui pollinise
chaque fleur, le pollen étant transporté par le vent et les insectes pollinisateurs. Donc une
faible quantité de pollen, entraîne un risque de faible pollinisation , entraînant un manque de
semences dans le fruit, entraînant un calibre diminué. Tout aussi important, ce pollen doit
provenir de cultivars différents, car il est prouvé que lorsque la fleur est pollinisée par le pollen
d'un cultivars différent, le calibre augmente significativement par rapport à la fleur pollinisée
avec le pollen du même cultivars.
Ainsi donc notre bourgeon à fruit est formé, l'automne est arrivé, nous avons diminué la
fertilisation, diminué les quantités d'arrosage sans arrêter complètement. Nous avons essayé
de garder le feuillage sur le plant le plus longtemps possible sans nuire à l'aoûtement.
Pourquoi? Pour accumuler le plus de réserves possibles et favoriser la meilleure mise à fruit
possible. Finalement les feuilles sont tombées, mais les bourgeons à fruit continuent lentement
leur développement et les racines aussi. Vient alors quelques gelées qui vont maximiser
l'endurcissement, atteint probablement vers le 24 décembre ou plus tard. Les bourgeons
floraux sont alors en repos, le système racinaire est en attente. Lorsque les tiges auront subi
plus de 1200 heures de froid, (1200 heures ou la température est en-dessous de 7,2° C), et
que les conditions seront favorables, le plant débutera sa phase de dé-endurcissment jusqu'à
ce que la croissance redémarre en avril ou en mai par la maturation finale des fleurs et des
bourgeons floraux. Encore une fois une sécheresse printanière peut avoir un incidence
importante sur le fruit.
L'utilisation de plusieurs variétés devient alors un facteur limitant important à cette étape
car la pollinisation croisée augmente le calibre des fruits. De plus, la fleur reste réceptive au
pollen de 3 à 8 jours, sinon le fruit se développera de façon parthénocarpique ou autopollinisé
et par conséquence de calibre inférieur. Le choix des cultivars est important, car il doit
permettre une bonne synchronisation de l'émission du pollen et avec le plus de pollen possible
bien entendu. Malheureusement, il n'existe pas beaucoup d'information à ce sujet. L'utilisation
d'insectes pollinisateurs facilite la tâche et la disposition de la plantation aussi. La
pollinisation croisée favorisera la hativité et le calibre du fruit.
La nouaison correspond au moment ou la fleur pollinisée devient fruit et engage son
développement. La croissance du fruit se divise alors en trois phases. La première phase
commence immédiatement après la pollinisation par la croissance rapide des fruits et elle
dure un mois. La plante utilise tous les photosyntats disponibles pour les fruits. Une trop
grande quantité de fruits à ce stade peut limiter la grosseur des fruits. La seconde phase dure
aussi un mois et la croissance du fruit est presque nulle. La dernière phase débute avec le
changement de couleur du calice qui devient pourpre, de la chair du fruit qui devient
translucide, rouge et pourpre et dont la pigmentation s'intensifie jusqu'au bleu caractéristique.
Le calibre du fruit augmente de 50% jusqu'à la coloration finale et augmentera d'un volume
additionnel de 35% dans les jours après la coloration final. Cette augmentation de 35% du
calibre après coloration est surement l'étape la plus difficile à compléter en raison de l'attrait
des fruits. Mais cela demeure une étape cruciale et très importante, car elle permet au fruit de
développer le maximum de sa saveur et de son poids.
Après la coloration, la teneur en sucre augmente, et l'acidité diminue, le fruit gonfle pour
devenir un bleuet de taille!
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