L’anthropologie 108 (2004) 185–237 www.elsevier.com/locate/anthro Article original Évolution des caractères technologiques et typologiques des industries lithiques dans la stratigraphie de la Caune de l’Arago Evolution of the technological and typological characteristics of the stone tool assemblage from the Caune de l’Arago Cave Henry de Lumley a,b, Deborah Barsky b,* a Laboratoire de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle, institut de Paléontologie humaine, fondation Albert-1er Prince de Monaco, UMR 6569 du CNRS, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France b Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel, avenue Léon-Jean-Grégory, 66720 Tautavel, France Disponible sur internet le 12 septembre 2004 Résumé La Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales, France), renferme un épais remplissage quaternaire, daté de 690 000 à 90 000 ans. Cette grotte recèle une quinzaine d’unités archéostratigraphiques bien distinctes, correspondant à des occupations préhistoriques. Chaque unité a livré de nombreuses industries lithiques, taillées dans diverses roches. L’outillage montre des particularités, dans le choix des matières premières, la composition typologique et les méthodes de débitage employées. L’étude morphotechnologique des produits du débitage permet de comprendre les techniques utilisées pour les fabriquer. Chaque matière première est traitée individuellement afin de déterminer, son origine dans l’environnement, son rôle dans la typologie et les techniques de débitage privilégiées pour son exploitation. La définition des systèmes de production nous mène à caractériser les industries de chacune des unités. Elle nous permet aussi de mettre en évidence les points communs et les caractères évolutifs de l’industrie. La fonctionnalité du site influe sur les traits principaux de l’outillage. Son étude va permettre de mieux comprendre les transformations dans l’industrie. L’ensemble de l’industrie montre une évolution, liée à l’apparition d’attributs spécifiques dans les diverses unités * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Barsky). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2004.05.003 186 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 archéostratigraphiques. Il permet également de situer les industries de la Caune de l’Arago dans une évolution générale, au cours du Paléolithique inférieur, en Europe méditerranéenne. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The thick Quaternary deposits of the Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales, France) are dated to between 690 000 and 90 000 years old. At least fifteen different archeostratigraphical units have been identified within these deposits, each corresponding to distinct prehistoric occupations. Numerous stone tools made from several different rock types, have been discovered in each unit. The tools present specific characteristics concerning the choice of raw materials, the typology, and the technology used to produce them. Morpho-technological study of the different components of the assemblage contributes to a better understanding of the debitage methods used for their production. Each raw material is considered individually in order to ascertain its origin in the environment, its typological role and the technology applied during its exploitation. Defining production systems leads to the characterisation of the assemblages from each unit. When compared, they reveal common elements, as well as differences, suggesting evolutionary trends. Some observations are also made concerning the extent to which changing uses of the site may have influenced the general morphology of each assemblage, therefore taking into account exterior factors. Analysis of this rich stone tool assemblage helps to situate the Caune de l’Arago industry within the larger evolutionary context of the Lower Paleolithic in Mediterranean Europe. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Paléolithique inférieur ; Technologie ; Typologie ; Débitage ; Éclat ; Nucléus Keywords: Lower Paleolithic; Technology; Typology; Knapping; Flake; Core 1. Introduction La Caune de l’Arago est l’une des plus grandes cavités contenant des vestiges d’occupation préhistorique dans le sud de la France (35 m de longueur sur 10 m de largeur maximale et 15 m de hauteur). Fouillée depuis 1964 par le Professeur Henry de Lumley, elle est située sur le territoire de la commune de Tautavel, à 19 km au nord-ouest de la ville de Perpignan, dans le département des Pyrénées-Orientales. Entre la plaine du Roussillon et la basse vallée de l’Aude, elle se trouve à 40 km au nord de la chaîne des Pyrénées, à 25 km à l’ouest de la côte méditerranéenne, à l’extrémité méridionale du massif des Corbières. La grotte est localisée à 100 m au-dessus du lit actuel de la rivière du Verdouble et du ruisseau de Vingrau (210 m d’altitude absolue). Ces rivières, riches en galets alluviaux, ont fourni les matières premières qui ont servi à la réalisation de l’industrie. L’épaisseur des dépôts quaternaires est d’environ 15 m, dont l’essentiel a été mis en place entre 690 Ka et 400 Ka (de Lumley et al., 1984). Le sommet du remplissage, tronqué par l’érosion suite à l’effondrement du plafond de la grotte, garde des témoins des niveaux plus récents (stades isotopiques 11 à 5). L’étude pluridisciplinaire du remplissage a permis d’établir les fluctuations climatiques de cette période. Le vent, le ruissellement, l’activité de l’homme et des animaux ont contribué à la formation de ces dépôts qui ont été par la suite perturbés par la diagenèse et diverses altérations locales (Perrenoud, 1993). La réalisation H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 187 de huit carottages dans le remplissage, effectués de 1981 à 1983, a révélé la présence de trois complexes sédimentaires contenant 25 unités archéostratigraphiques superposées, dont la plupart sont aujourd’hui entamées par les fouilles (de Lumley et al., 1984)1. Chacune des unités archéostratigraphiques correspond à une accumulation d’artefacts, interprétés comme témoins d’occupations humaines plus ou moins importantes. Ces artefacts constituent alors des éléments précieux, révélant la nature distincte de chacune d’entre eux. L’étude pluridisciplinaire des conditions de la mise en place des différentes unités permet de mieux connaître l’environnement changeant qui a sans doute conditionné la nature des séjours des hominidés dans la caverne. Pendant les différentes époques d’occupation de la grotte, la plaine de Tautavel était fréquentée par une faune abondante et très variée. Ce milieu cynégétique a permis à des groupes de chasseurs préhistoriques de s’installer pour une période saisonnière ou de plus longue durée. La prédominance de certaines espèces dans les unités identifiées témoigne de la spécialisation de la chasse et de facteurs climatiques favorables (Tableau 1). La richesse de l’industrie lithique recueillie dans la grotte (plus de 170 000 pièces) a suscité de nombreux travaux, effectués au fur et à mesure de l’avancement des fouilles (Planches 1–6). Dans le but de reconstituer les schémas techniques employés par les hominidés à la Caune de l’Arago et de comprendre leur évolution, une synthèse des travaux effectués sur ces industries a été réalisée (Barsky, 2001). L’énorme quantité d’objets requiert l’application de méthodes systématiques informatisées, qui nous ont permis de révéler certains aspects du comportement technologique des hominidés ayant habité la grotte et de tenter d’analyser la nature de sa transformation chronologique. Les caractéristiques de chaque ensemble lithique sont synthétisées ci-dessous afin de mettre en évidence les variations morphotechnologiques et comportementales entre les unités archéostratigraphiques. Le profil de chaque ensemble est dressé selon les critères suivants : • choix des matières premières ; • provenance des roches ; • composition de l’industrie ; • types d’outils et fréquence par rapport aux produits bruts ; • caractéristiques des produits de débitage. Chaque unité archéostratigraphique présente des éléments distinctifs en fonction de ces critères, permettant ainsi leur définition et leur spécification. Ce travail permet de mettre en relief les caractéristiques de chacune des unités : leurs points communs, leurs éléments évolutifs et leurs attributs spécifiques. L’approche pluridisciplinaire permet d’observer les attributs de chaque ensemble lithique dans un contexte global (Barsky, 2001; Moigne et Barsky, 1999). Elle prend en compte une variété d’aspects susceptibles d’influer sur la vie quotidienne des hominidés (environnement, conditions climatiques, type de chasse, territoire de chasse, type et la durée de l’habitat, etc.). 1 Les dates des niveaux archéologiques sont évaluées par corrélation climatique avec les datations radiométriques du plancher stalagmitique inférieur. 188 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Tableau 1 Tableau synthétique des ensembles stratigraphiques I à VI (de Lumley et al., Musée de Préhistoire de Tautavel) Synthetic table showing stratigraphical units I to VI (de Lumley et al., Musée de Préhistoire de Tautavel) Tableau 2 Inventaire du matériel lithique de la Caune de l’Arago en fonction des unités archéostratigraphiques (d’après la Base de Données : Matériel préhistorique et paléontologique) Inventory of the lithic material from the Caune de l’Arago Cave according to the different archeostratigraphical units (from the Data Base: Matériel préhistorique et paléontologique) AàC D E F FG G H1,2,3 I1,2 J K L MàQ Totaux % Galet entier 22 54 65 161 34 534 94 13 122 28 57 43 1 227 2,3 1,8 3,8 2,6 2,2 2,6 5,4 1,7 2,3 3,8 4,4 5,4 2,7 23 87 143 507 105 1958 167 66 239 13 41 29 3 378 2,4 2,9 8,4 8,1 6,9 9,5 9,6 8,6 4,6 1,7 3,2 3,7 7,6 Galet à enlèvement 3 15 12 4 153 8 2 24 2 2 1 226 isolé convexe 0,1 0,9 0,2 0,3 0,7 0,5 0,3 0,5 0,3 0,2 0,1 0,5 16 3 138 7 1 21 3 5 2 208 Galet fracturé Unités archéostratigraphiques 1 5 6 Isolé concave 0,1 0,2 0,4 0,3 0,2 0,7 0,4 0,1 0,4 0,4 0,4 0,3 0,5 Galet aménagé 3 20 25 40 14 369 32 18 30 4 10 9 574 0,2 0,7 1,5 0,6 0,9 1,8 1,8 2,3 0,6 0,5 0,8 1,1 1,3 1 13 5 3 14 1 1 6 44 0,1 0,4 0,3 0,05 0,1 0,02 0,1 0,8 0,1 5 2 11 1 0,2 0,1 0,1 0,1 152 161 91 198 38 632 50 11 59 15 26 42 1 475 16,1 5,3 5,3 3,2 2,5 3,1 2,9 1,4 1,1 2,0 2,0 5,3 3,3 223 937 491 1 960 482 6 442 570 234 1 127 142 273 61 12 942 23,5 30,9 28,7 31,2 31,8 31,2 32,8 30,6 21,5 19,1 21,1 7,7 28,9 7 17 7 25 6 79 6 2 9 3 2 1 164 0,7 0,6 0,4 0,4 0,4 0,4 0,3 0,3 0,2 0,4 0,2 0,1 0,4 119 863 395 2 052 629 6 711 437 220 2 767 513 774 446 15 926 12,6 28,6 23,2 32,6 41,4 32,5 25,2 28,8 52,8 69,0 59,9 56,2 35,6 397 854 458 1 311 203 3 619 365 198 839 21 101 153 8 519 41,9 28,3 26,9 20,9 13,4 17,5 21,0 25,9 16,0 2,8 7,8 19,3 19,1 Totaux 948 3 019 1 703 6 285 1 518 20 656 1737 765 5 238 744 1 292 793 44 702 % 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% % du matériel recueilli en fonction des unités 2,1 6,7 3,8 14,1 3,4 46,2 3,9 1,7 11,7 1,7 2,9 1,8 100% Biface et hachereau Polyèdre Nucléus Éclat Lame Petit éclat Petit outil 19 0,04 189 Galet à enlèvement H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Inventaire du matériel lithique de la Caune de l’Arago 190 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 2. Les industries lithiques dans leur contexte stratigraphique L’exceptionnelle diversité des matières premières exploitées pour l’outillage est à la base de toute considération technologique. Neuf groupes de roches, subdivisés en cent-six sous-types, ont été reconnus dans l’industrie (Wilson, 1986; Grégoire, 2000; Barsky, 2001). Ces roches sont, en allant des plus abondants aux plus rares (parmi les produits de débitage) : les quartz laiteux, les quartz hyalin, les roches siliceuses sédimentaires, les quartzites, les grès quartzites, les grès, les calcaires, les roches métamorphiques et les roches éruptives. Seules les roches siliceuses sédimentaires ont été récoltées sur leur lieu de formation. La distance maximale parcourue par les hominidés en quête de ces roches, a été établie à environ 40 km de la grotte, à partir de l’emplacement du gîte le plus éloigné : l’Étang du Doul dans les Corbières (Grégoire, 2000). La plupart des autres matières premières (environ 70 % des roches) étaient disponibles aux environs immédiats de la grotte, notamment dans les alluvions de la rivière du Verdouble. Peu de galets disponibles dans les alluvions de cette rivière sont favorables à l’extraction d’éclats. Plus les roches se trouvent éloignées de la grotte, moins elles sont abondantes dans l’industrie. L’étude de la fréquence des sous-types, à l’intérieur des grandes familles de roches, a révélé l’existence de variations permettant de caractériser et même de différencier chacune des unités (Barsky, 2001; Barsky et Grégoire, 2001; Grégoire et al., sous presse). Les industries lithiques représentent près de la moitié de l’ensemble des objets récoltés dans la grotte (faune, restes humains et industrie). Elles sont peu concassées, non roulée, les tranchants des éclats et des débris ont un aspect frais. L’industrie n’a pas subi d’effets d’éboulement ni de ruissellements forts. À l’exception des débris, les éclats bruts sont abondants dans tous les niveaux du remplissage par rapport aux autres types d’industries (Tableau 2). Les éclats, petits éclats et lames représentent environ 20 % des 170 359 pièces lithiques répertoriées dans la base de données2. Les débris constituent la grande majorité de l’industrie de la Caune de l’Arago (61 686 débris) et s’insèrent dans une étude technologique complète. Leur quantification par matière première contribue à la compréhension de l’intensité de l’activité de débitage des différentes roches dans la grotte et à la connaissance du volume des différentes matières premières apportées à l’intérieur de la cavité. Le choix des roches ne s’est pas effectué de façon aléatoire, mais en fonction de l’objet à réaliser. Les mêmes roches ont été privilégiées pour la production d’outil spécifique de façon constante à travers la stratigraphie. Cette caractéristique, déjà observée dans de nombreux gisements du Paléolithique inférieur (la Pineta à Isernia, Peretto, 1994 ; Terra Amata, Villa, 1983 ; Galeria d’Atapuerca, Carbonell et al., 1999 ; Orgnac 3, Moncel, 1999), n’est pas particulière à l’industrie de la Caune de l’Arago. Le calcaire a été privilégié pour la réalisation des outils lourds dits de percussion (percuteurs, choppers, chopping-tools, etc.). Les roches siliceuses et à grains fins ont été surtout réservées au débitage et à la réalisation d’outils retouchés. 2 Puisque le travail d’attribution des unités archéostratigraphiques est en cours, les nombreux débris n’ont pas pu être quantifiées en fonction de la stratigraphie. La répartition pièces a été calculée pour chaque unité d’après les travaux des auteurs suivants : pour les galets entiers : Batailla i Llasat (1996) ; pour les galets fracturés, aménagés ou à enlèvement isolé : Messaoud-Sadallah (travail en cours) ; pour les petits outils : Byrne (2001) ; pour les éclats, les petits éclats, les lames, les nucléus et les polyèdres : Barsky (2001). H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 191 3. Industrie de l’ensemble stratigraphique I Les unités archéostratigraphiques enfermées dans les sables lités de l’ensemble stratigraphique I (stade isotopique 14), amenés dans la grotte par le vent lors d’une période à climat froid et sec, correspondent à divers types d’occupation (Tableau 1). Certaines accumulations sont le résultat d’une occupation de longue durée (au moins un an) et montrent une chasse variée (unités G et l’unité Q, à peine entamée par les fouilles). D’autres unités correspondent à des bivouacs (passages ponctuels des hominidés ; unités M à P, en cours de fouilles sur environ 30 m2 et épais d’environ 2 m). La découverte de plusieurs squelettes d’ours de Deninger, pratiquement entiers dans ces mêmes unités, indique que les carnivores occupaient l’habitat par intermittence avec les hominidés. L’âge avancé des ours lors de leur décès montre que leur mort a eu lieu naturellement, peut-être pendant leur sommeil hivernal. Les unités M à P ont livré une forte proportion de carnivores par rapport aux herbivores (bison, cheval, mouflon, renne). D’autres unités de cet ensemble correspondent à des habitats de relativement courte durée avec une chasse sélective de renne. Les unités K et L ont été fouillées sur plus de 40 m2. Dans ces niveaux, les individus chassés étaient surtout des jeunes adultes femelles, ce qui souligne l’aspect saisonnier de leur halte. La faune est très abondante par rapport à l’industrie et aux pierres, les pierres étant légèrement plus nombreuses que les industries (environ 75 % du matériel archéologique dans l’unité L ; Pois, 1998). L’industrie découverte dans les différentes unités de cet ensemble stratigraphique est en bon état de conservation et les tranchants des produits débités en différentes roches sont frais. De plus, peu ou pas de patine recouvre les industries en silex. Contrairement aux autres unités, les industries en roche métamorphique (cornéenne) sont assez bien conservées. 3.1. Industrie des unités archéostratigraphiques M à Q Contrairement aux autres unités où le quartz laiteux domine largement, on remarque que de nombreuses pièces sont en quartz hyalin, en quartzite ou en grès quartzite, roches de meilleure qualité pour le débitage (Fig. 1). La plupart des roches exploitées proviennent des environs immédiats de la grotte (Fig. 2), principalement des alluvions du Verdouble, avec quelques industries en roches provenant de 5 à 15 km du site (notamment certains types de quartz hyalin et de quartzite)3. Quelques industries en silex provenant des sources situées au-delà de 20 km du site sont également présentes dans ces niveaux (Grégoire, 2000). La courte durée des séjours des hommes dans la grotte nous conduit à penser qu’ils sont venus s’installer, amenant avec eux quelques blocs de matière première de bonne qualité. Ils étaient peut-être conscients de leur rareté aux alentours de la caverne. Le silex et le quartzite sont notamment abondants parmi les éclats et lames. L’abondance des éclats par rapport 3 La proportion des types de roches et l’exploitation des zones d’approvisionnement sont calculées à partir de la totalité de l’industrie, à l’exception des débris (Base de données du matériel préhistorique et paléontologique). 192 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Fig. 1. Composition pétrographique des produits de débitage pour la totalité de l’industrie en fonction des unités archéostratigraphiques. Fig. 1. Petrographical composition of the debitage for the totality of the industry according to archeostratigraphical units. aux débris constitue l’un des caractères liés à la composition pétrographique de cet ensemble. Notons la fréquente utilisation des méthodes exhaustives de débitage, par enlèvements multipolaires, principalement discoïdes (44 % des nucléus du sol P), produisant des éclats à faible épaisseur. Le débitage a rarement été effectué par des courtes séries d’enlèvements linéaires ou orthogonaux, comparativement à l’ensemble stratigraphique III. La technique de débitage bipolaire sur enclume a parfois été employée pour produire des petits éclats à partir de nucléus de forme cubique en quartz. Comparée aux autres niveaux, la manière d’exécution très contrôlée de cette technique dans les niveaux M à Q contraste avec son emploi dans les autres niveaux d’occupation, où elle a été pratiquée de manière peu précise, pour concasser de petits galets de forme arrondie. Les galets entiers, fracturés ou aménagés sont très rares dans les unités M à P. La fréquence des bifaces constitue un élément distinctif de cette industrie et, malgré la rareté H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 193 Fig. 2. Fréquence des produits de débitage selon la distance de l’approvisionnement des roches pour la totalité de l’industrie en fonction des unités archéostratigraphiques. Fig. 2. Frequency of debitage products calculated according to the distance of rock sources in each archeostratigraphical unit. du matériel lithique, ils représentent environ 30 % de la totalité des bifaces. Ils sont symétriques et leur façonnage est beaucoup plus soigné que dans les unités sus-jacentes. Certains bifaces montrent des bords régularisés par des retouches plates, effectuées vraisemblablement à l’aide d’un percuteur tendre (Photo 1). Contrairement aux bifaces observés dans les niveaux plus récents, l’intégralité de leur périphérie est constituée par un bord tranchant, finement retouché. Les bifaces présents dans ces unités sont le plus souvent en roche métamorphique, en silex de bonne qualité (provenant d’au moins 25 km du site), ou en quartzite (source à environ 15 km du site. Notons la ressemblance technologique entre la méthode de débitage discoïde et la fabrication des bifaces (Photo 2). En effet, le façonnage des bifaces semble découler d’une même conception technique, comme si leur morphologie était l’extension logique du débitage discoïde. Ces unités se caractérisent également par l’abondance des nucléus discoïdes en quartz hyalin, presque toujours bifaciaux. Cette méthode a été employée presque exclusivement pour travailler ces roches (Fig. 3). 194 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Photo 1. Biface cordiforme en quartzite, dans l’unité archéostratigraphique P (E15.EGO8 b. no 4659 ; cliché Denis Dainat, CERPT, 1999). Photo 1. Oval-shaped quartzite handaxe in archeostratigraphical unit P (E15.EGO8 b. No. 4659; cliché Denis Dainat, CERPT, 1999). Dans ces niveaux, les éclats sont souvent cassés, vraisemblablement de façon naturelle. Orientés, ils sont presque toujours courts. Certains éclats très fins, à négatifs d’enlèvements centripètes, sont issus du façonnage des bifaces. Dans l’ensemble, le plan de frappe des éclats est souvent préparé (talon dièdre ou à facettes). La plupart des éclats sont à talon lisse et montrent des négatifs d’enlèvements longitudinaux unipolaires. Les négatifs sont souvent convergents, orientés de manière entrecroisée ou centripète, reflétant leur débitage à partir de nucléus du type discoïde (Fig. 4). Le faible nombre d’éclats par rapport aux nucléus et la rareté d’éclats à résidu cortical couvrant, suggèrent que les premières phases de débitage ont eu lieu à l’extérieure de la caverne. L’ensemble de l’industrie est de petite dimension comparée aux autres unités, à l’exception des pièces provenant du sommet de la stratigraphie (unités D à A), où l’industrie devient microlithique. Les outils sont principalement des racloirs simples latéraux, souvent en silex (Byrne, 2001). Les retouches, généralement plates, minces ou peu épaisses, sont régulières et dégagent souvent des outils à bords convergents (pointes). La faible quantité d’éclats par rapport aux nucléus et la forte proportion d’éclats de retouche suggèrent qu’un certain nombre d’outils ont été façonné à l’intérieur de la grotte, puis transporté à l’extérieur. Globalement l’industrie des unités archéostratigraphiques M à Q dénote une composition pétrographique sélective pour la réalisation d’outils spécialisés. 3.2. Industrie de l’unité archéostratigraphique L Dans son ensemble, l’industrie de l’unité L est bien conservée et peu altérée. Les pièces en silex sont peu ou pas patinées et celles en grès et en calcaire sont peu corrodées. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 195 Photo 2. Nucléus en silex montrant la ressemblance technologique entre les premières étapes du débitage discoïde et le façonnage de certains bifaces (C16.CH12. no 465. niveau F ; cliché Denis Dainat, CERPT 2001). Photo 2. Flint core demonstrating that affinities may exist between the first steps of discoidal knapping and the manufacture of some handaxes (C16.CH12. No. 465. level F; cliché Denis Dainat, CERPT 2001). L’enfouissement rapide du matériel est attesté par sa bonne conservation, mais également par sa répartition sur le sol (Photo 3). Les restes paléontologiques sont peu cassés par rapport aux autres unités. Plusieurs ossements ont été retrouvés en connexion anatomique, témoignant d’une part de l’abandon de la grotte juste après la consommation du gibier et d’autre part, de la pratique de découpe des carcasses (les animaux ont été sectionnés en préservant certaines connexions anatomiques ; Moigne, 1983). Les éclats présentent peu de cassures naturelles par rapport aux ensembles I et II. L’industrie se caractérise par un nombre élevé de roches siliceuses sédimentaires dont la plupart proviennent de moins de 15 km du site (Fig. 1). Le jaspe (15 km) et un type de silex local sont particulièrement bien représentés et la lydienne (roche présente dans les alluvions du Verdouble) n’a pas été exploitée. Les éclats corticaux sont rares, suggérant l’introduction de roches pré-débitées dans la caverne. Cette caractéristique ne semble pas en relation avec leur distance d’approvisionnement. Les éclats en silex, utilisés pour la fabrication des outils, ont fait l’objet d’un traitement technologique privilégié car près d’un sur quatre a été retouché. L’abondance des industries en silex dans cette unité se traduit par une relative fréquence de pièces en roches provenant d’entre 15 et 30 km du site (Grégoire, 2000). Ces lieux ont pu être fréquentés à plusieurs reprises au cours du séjour des hominidés dans la grotte. Le taux relativement élevé d’industries en roches provenant de moins de 15 km de la grotte (Fig. 2) suggère que l’environnement proche du site a été largement exploité pour l’approvisionnement en roches propices pour le débitage (silex, jaspe, quartz hyalin et quartzite). 196 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Fig. 3. Types de nucléus selon les niveaux archéologiques. Fig. 3. Core type frequencies in the different archaeological levels. L’industrie de l’unité L est essentiellement composée de produits bruts de débitage mais elle comprend également de nombreux outils, sur éclat ou sur débris, principalement des racloirs (Byrne, 2001). Ces outils, essentiellement en silex et en quartz laiteux, sont peu nombreux par rapport aux autres unités : le taux global de transformation est de 1 éclat sur 8 (Tableau 3). L’ensemble de l’industrie comprend également plusieurs galets, entiers ou peu aménagés (Fig. 5). La présence des galets aménagés, presque toujours en calcaire, explique la quantité relativement élevée d’éclats (généralement corticaux) dans ces roches. Contrairement aux nucléus dont les premières étapes de débitage ont été effectuées à l’extérieure de la grotte, il semblerait que les galets en calcaire aient été aménagés à l’intérieur. Un seul biface (en silex) a été trouvé dans cette unité, rareté signalant peut être une rupture avec les unités précédentes. Le débitage bipolaire sur enclume a parfois été employé, comme en témoignent certains nucléus prismatiques en roche cristalline ainsi que de nombreux débris. En effet, le concassage des galets en quartz laiteux devient assez fréquent, employé de manière peu structurée par rapport aux unités précédentes. L’utilisation de cette méthode est en relation étroite avec le type de roche exploité et avec la morphologie originelle des blocs. De ce fait, la fréquence de cette méthode augmente vers le sommet de la stratigraphie, dans les unités les plus riches en quartz dont les galets originels sont de petite dimension et de forme H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 197 Fig. 4. Évolution des critères de complexité des éclats (à talon dièdre ou facetté, enlèvements antérieurs centripètes et entrecroisés et éclats non-corticaux) dans la stratigraphie. Fig. 4. Évolution of complex flake types (with dihedral or facetted striking platforms, centripetal or crossed removal negatives and non cortical surfaces) in the stratigraphy. arrondie. L’emploi de cette méthode pour éclaté des petits nucléus en silex en fin de chaîne opératoire apparaît à partir de l’ensemble III. L’unité L est riche en éclats, dont la plupart proviennent d’un débitage organisé et assez prolongé, comme celui observé sur certains nucléus à enlèvements centripètes bifaces (discoïdes) ou multidirectionnels (Fig. 3). Peu de nucléus montrent un bord préparé par frottement de la corniche. Dans le cas des nucléus à enlèvements multidirectionnels (nucléus polyédriques), chaque négatif d’enlèvement a servi de plan de frappe pour l’éclat suivant. Deux nucléus globuleux en quartz laiteux proviennent de cette unité, débités en première phase par des enlèvements périphériques sur plan de frappe cortical. Un seul nucléus en quartz hyalin à enlèvements orthogonaux est à signaler. Par comparaison avec 198 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Photo 3. Vue de l’unité archéostratigraphique L (cliché Henry de Lumley). Photo 3. View of archeostratigraphical unit L (cliché Henry de Lumley). les unités précédentes, les méthodes de débitage par enlèvements en séries unidirectionnelles ou bidirectionnelles (débitage sommaire) ont plus souvent été employées, aux dépens des méthodes centripètes. Les éclats en silex sont rares par rapport au nombre des produits débités (40 éclats en silex pour 1 nucléus). En revanche, la fréquence des nucléus en d’autres roches semble proportionnelle avec le nombre de produits débités. L’abondance d’éclats de retouches et de nucléus en silex suggèrent que certains outils ont été transportés à l’extérieur de la grotte après leur fabrication. Ni les nucléus, ni les éclats ne présentent une préparation du bord et aucun éclat ne possède un talon à facettes (Fig. 4). Les éclats sont généralement courts et deux lames seulement ont été recueillies (Fig. 6). La plupart des éclats et des nucléus sont plus grands que les pièces provenant des unités inférieures. Ils sont cependant plus petits que les produits débités provenant de la base de l’ensemble III. Les éclats et les débris les plus grands et les plus épais ont été systématiquement sélectionnés pour être retouchés en outils divers. L’industrie de l’unité L paraît alors moins spécialisée que celle des niveaux précédents. Elle comporte moins d’outils retouchés, très peu de bifaces, davantage de galets non aménagés et plus de nucléus sommairement débités. Néanmoins, le choix soucieux des H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 199 Tableau 3 Moyenne taux de transformation des éclats en outils en fonction du type de roche et des unités archéostratigraphiques Average transformation ratio of flakes into tools according to rock types and archeostratigraphical units AàC D E F FG G H I J K L Quartz laiteux 1 sur 3 1 sur 7 1 sur 5 1 sur 7 1 sur 8 1 sur 9 1 sur 7 1 sur 1,2 1 sur 5 1 sur 20 1 sur 26 Quartz hyalin 1 sur 2 1 sur 4 1 sur 2 1 sur 4 1 sur 7 1 sur 4 1 sur 3 1 sur 1,4 1 sur 6 – 1 sur 12 Silex Quartzite 1 sur 2 1 sur 2 1 sur 1,4 1 sur 2 1 sur 4 1 sur 3 1 sur 2 1 sur 0,9 1 sur 2 1 sur 12 1 sur 4 1 sur 0,4 1 sur 1 1 sur 1 1 sur 2 1 sur 2 1 sur 2 1 sur 2 1 sur 0,9 1 sur 3 1 sur 7 1 sur 6 Grès– quartzite 1 sur 4 1 sur 3 1 sur 4 1 sur 3 1 sur 9 1 sur 4 1 sur 5 1 sur 2 1 sur 4 – 1 sur 7 Grès Calcaire Moyenne – 1 sur 22 1 sur 8,5 1 sur 7 1 sur 39 1 sur 18 1 sur 7 1 sur 7 1 sur 19 – 1 sur 2 – – 1 sur 36 1 sur 22 1 sur 20 1 sur 13 1 sur 10 1 sur 6 1 sur 10 – – 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 sur sur sur sur sur sur sur sur sur sur sur 2 4 3 3 5 4 3 1,1 4 18 8 roches donne un aspect soigné à l’industrie et certains outils sont finement retouchés, souvent à bords convergents, montrant un degré élevé de soin dans leur confection. 3.3. Industrie de l’unité archéostratigraphique K Contrairement aux restes paléontologiques, les éclats provenant de cette unité sont souvent cassés. La composition pétrographique de l’ensemble des produits débités révèle une faible prédominance des pièces en quartz laiteux et une forte présence de pièces en quartz hyalin (Fig. 1). Les industries en silex sont moins abondantes que dans l’unité L et plusieurs pièces sont débitées en quartzite ou en grès quartzite. La plupart des roches siliceuses sédimentaires proviennent de plus de 20 km du site (Grégoire, 2000). La présence de nombreuses industries en quartz hyalin et en jaspe explique le taux élevé de matériaux provenant de 5 à 20 km de la grotte (Fig. 2). L’ensemble de l’industrie de l’unité K montre plusieurs points communs avec celle de l’unité L : • une quantité assez élevée d’outils sur galets (Fig. 5) ; • une forte proportion de produits bruts de débitage (éclats et débris) ; • un faible taux de transformation des éclats en petits outils (en moyenne 1 éclat sur 18) ; • les éclats en quartz hyalin et en silex sont abondants par rapport aux nucléus ; • l’industrie en silex est peu ou pas patinée. Les pièces en grès et en calcaire sont peu altérées ; • les outils retouchés sont réalisés sur les éclats les plus grands et les plus épais, souvent à résidu cortical. L’industrie de l’unité K se distingue par une fréquence moins marquée des méthodes de débitage discoïde et par l’utilisation de la méthode de débitage par séries d’enlèvements unidirectionnels ou orthogonaux (Fig. 3). La production des éclats par méthode multidirectionnelle (nucléus polyédrique) est bien représentée. Les éclats ainsi produits sont courts et ils montrent des dimensions comparables à celles de l’unité L. Les éclats et les débris les plus grands, souvent à résidu cortical, ont été privilégiés pour la réalisation des outils, en majorité des racloirs (Byrne, 2001). Une forte proportion d’éclats fins à bords tranchants 200 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Fig. 5. Proportions des différents ensembles typologiques en fonction des unités archéostratigraphiques. Fig. 5. Frequency of different tool groups in the different archeostratigraphical units. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 201 Fig. 6. Variation de l’indice laminaire en fonction des unités archéostratigraphiques. Fig. 6. Variation of the blade index according to archeostratigraphical units. naturels pourrait expliquer la relative rareté d’outils retouchés (Tableau 3). Les éclats sont le plus souvent à talon lisse ou en cortex et deux seulement possèdent un talon à facettes. Beaucoup d’entre eux montrent des négatifs d’enlèvements longitudinaux unipolaires. D’autres éclats, moins nombreux, présentent des négatifs d’enlèvements antérieurs orthogonaux, parfois entrecroisés ou centripètes (Fig. 4). L’industrie de l’unité K appartient, de toute évidence, au même complexe culturel que celui de l’unité L. Les mêmes conditions climatiques, le même comportement de chasse et le même type de séjour (halte de chasse) pourraient expliquer les ressemblances constatées dans les deux ensembles lithiques. 4. Industrie de l’ensemble stratigraphique II Les unités archéostratigraphiques renfermées dans les argiles limonosableuses de l’ensemble stratigraphique II (stade isotopique 13) correspondent à des habitats saisonniers, à chasse spécialisée (Tableau 1). L’ensemble représente une épaisseur de 2 m environ, mis en place pendant des phases climatiques tempérées et humides. Les données de l’analyse pollinique (Renault-Miskovsky, 1981) indiquent que la vallée a été couverte par une forêt à pins méditerranéens dominants, associée à des cupressacées, des arbres caducifoliés et des essences méditerranéennes. Cet ensemble renferme six « sols d’occupation » distincts, divisés en trois unités archéostratigraphiques (Pois, 1998), mises en place par des chasseurs de cerf et de daims. L’unité J a été fouillée sur une surface de plus de 50 m2 avec une épaisseur de près de 15 cm. Cette unité a livré une industrie abondante. De nombreuses 202 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Photo 4. Vue rapprochée de l’unité archéostratigraphique J, montrant un crâne d’ours de Deninger mêlé à d’autres restes, principalement de cerf, de daim et de l’industrie lithique (cliché Henry de Lumley). Photo 4. View of archeostratigraphical unit J, a bear skull is visible amongst other remains such as deer bones and stone tools (cliché Henry de Lumley). pierres amenées de l’extérieur de la grotte suggèrent une sorte de dallage ou de pavage, mis en place par les hominidés. Les pourcentages des espèces animales suggèrent que la chasse a été sélective et la population des jeunes animaux indique clairement des périodes saisonnières marquées (cerfs et daims tués en automne (Moigne et Barsky, 1999)). La découverte de dents de lait anténéandertaliennes tombées naturellement témoigne de l’occupation de la grotte par des groupes familiaux. Ce niveau représente de toute évidence un habitat temporaire saisonnier, d’une durée de quelques mois, probablement pendant la période de septembre et jusqu’en janvier (Photo 4). Les niveaux du sol I sont pauvres en matériel archéologique. Ils ont été fouillés sur une surface de près de 60 m2. La faune est constituée principalement par des restes de cerf, de daim, de thar, de mouflon et de rhinocéros. La faune du niveau I2 représente environ 50 % des restes, les pierres y sont abondantes (près de 30 %) et l’industrie assez rare, alors que dans le niveau I1 les industries sont plus abondantes que les restes fauniques (près de 50 % du matériel archéologique) et les pierres sont peu nombreuses (environ 20 % ; Pois, 1998). Les occupations du niveau H sont relativement pauvres en faune (essentiellement du cerf et du daim) et en industrie lithique. La fouille s’étend sur environ 44 m2 pour le niveau H1, H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 203 50 m2 pour le niveau H2 et 53 m2 pour le niveau H3 (Pois, 1998). L’analyse de la composition du matériel archéologique a révélé la présence en quantité quasi-égale d’ossements et d’industries (entre 35 et 40 % du matériel), ainsi que la présence d’abondantes pierres. Contrairement aux restes paléontologiques, l’industrie découverte dans les différentes unités de l’ensemble stratigraphique II présente un aspect frais ; les pièces en silex ont peu ou pas de patine et celles en grès ou en calcaire sont peu altérées. 4.1. Industrie de l’unité archéostratigraphique J La matière première composant l’industrie des unités de l’ensemble stratigraphique II est caractérisée par sa variété et sa bonne qualité, malgré l’abondance de pièces taillées en quartz laiteux. Les restes fauniques, très fragmentés et très altérés, sont beaucoup plus abondants que les pièces lithiques (près de 70 % du matériel récolté). Les pierres, dont certaines sont retouchées ou grossièrement aménagées, sont rares (environ 10 % ; Pois, 1998). Parmi les produits débités, le quartzite et le quartz hyalin sont particulièrement abondants (Fig. 1). La plupart des industries sont en roches siliceuses sédimentaires qui proviennent des sources situées loin de la grotte (jusqu’à 33 km ; Grégoire, 2000). Cependant, les sources proches (moins de 20 km) sont ici mieux représentées que dans les ensembles stratigraphiques supérieurs. Parmi ces roches, on remarque surtout une abondance de pièces en jaspe et en lydienne. La majorité des roches proviennent de moins de 5 km du site (Fig. 2). L’industrie de l’unité J se caractérise surtout par une abondance d’outils retouchés, sur éclat ou sur débris (Fig. 5). Elle se distingue également par une sur-représentation d’éclats par rapport aux nucléus. Ce rapport est plus élevé pour les industries en roches les plus propices pour le débitage (quartz hyalin, silex et quartzite). Les nucléus, de petite taille et en état d’épuisement avancé, témoignent de l’intensité du débitage ces roches de bonne qualité. Les éclats en ces roches ont été privilégiés pour la réalisation des outils. Plus de 50 % des petits outils sont des racloirs, le plus souvent simples et latéraux, mais aussi doubles ou à bords convergents (Byrne, 2001). Les galets, souvent fracturés, sont assez nombreux, tout comme les galets aménagés (le plus souvent des choppers aménagés par un faible nombre d’enlèvements). Un seul biface (en cornéenne) est à signaler dans cette unité. L’étude des nucléus a révélé que la méthode centripète a été souvent pratiquée, pour débiter les roches de bonne qualité (quartz hyalin, silex et quartzite). Les tailleurs ont souvent eu recours à la méthode orthogonale pour travailler les galets en quartz laiteux, mais d’autres procédés ont été utilisés pour leur débitage (Fig. 3). Pour les petits galets ronds en quartz, le concassage par technique bipolaire sur enclume a été pratiqué. Pour les galets de dimension plus importante, le débitage par enlèvements en séries linéaires a été privilégié. Le degré d’épuisement des nucléus en quartz laiteux est souvent inférieur à celui des roches se prêtant facilement à la taille. Les nucléus et les éclats de l’unité J sont plus petits que dans les unités I à E, mais plus grands que ceux de l’ensemble I. Les éclats sont courts en leur majorité et l’ensemble comprend seulement neuf lames dont sept sont en silex (Fig. 6). Comme dans les autres unités, ce sont les plus gros éclats ou débris qui ont été privilégiés pour la réalisation des outils retouchés. Les éclats en roche de bonne qualité présentent rarement des fractures liées au débitage (accident de Siret, 204 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 éclatement du talon). Tout comme pour le matériel paléontologique, les industries comportent souvent des cassures, probablement liées au piétinement et à l’action postdépositionnelle du remplissage. Les éclats montrant souvent des négatifs d’enlèvements antérieurs longitudinaux unipolaires, sont issus pour la plupart des méthodes de débitage unidirectionnelles. Les éclats ayant plus de deux directions d’enlèvements antérieurs sont rares. Les éclats corticaux, souvent en roche cristalline ou en calcaire, sont relativement nombreux. Le talon des éclats est le plus souvent lisse ou en cortex et ceux à talon facetté sont très rares (Fig. 4). L’industrie de l’unité J a certaines caractéristiques la distinguant de celle de l’ensemble I, comme par exemple, une quantité élevée de petits outils par rapport aux éclats bruts (Fig. 5). La fréquente utilisation de roches propices au débitage pourrait refléter un besoin de produire des supports destinés à être transformés en outils. Ces tendances traduisent un ensemble lithique d’aspect spécialisé, convenant peut-être aux besoins d’une chasse peu diversifiée. Cet ensemble se caractérise par la prédominance des techniques de débitage peu complexes par comparaison avec celle des niveaux inférieurs. Elle n’est pas pour autant moins raffinée, avec une production d’éclats courts et peu élaborés. Cette industrie est pauvre en bifaces, elle contient de rares choppers, de nombreux racloirs, des encoches et des denticulés. 4.2. Industrie de l’unité archéostratigraphique I Cette unité, divisé en deux périodes d’occupation distinctes (Pois, 1998), est pauvre en industrie lithique. Le quartz laiteux et le quartzite ont été les roches les plus exploitées, mais les industries en grès quartzite sont également nombreuses (Fig. 1). Contrairement aux unités de l’ensemble stratigraphique I, les industries en quartz laiteux sont prépondérantes par rapport à celles en quartz hyalin. Quelques industries en roches siliceuses sédimentaires, dont la plupart ont été récoltées à plus de 20 km du site (près de 80 %), proviennent des sources situées entre 10 et 30 km du site (Grégoire, 2000). Les industries en quartz bleuté, (provenant d’une quinzaine de kilomètres de la grotte) sont assez nombreuses (Fig. 2). Tout comme dans l’unité J, les petits outils sont abondants par rapport aux éclats bruts. La plupart des roches débitées, à l’exception des grès et des calcaires, présente un fort taux de transformation en outil (Tableau 3). La composition typologique est comparable à celle de l’unité J, avec plus de 50 % de racloirs (Byrne, 2001). Les galets entiers ou aménagés, principalement des choppers, sont rares. Aucun biface n’a été découvert dans cette unité. La plupart des nucléus sont en quartz et présente des enlèvements centripètes bifaces (Fig. 3). Globalement, les nucléus sont rares par rapport aux éclats. Malgré ce déficit, l’étude des éclats a mis en évidence l’utilisation préférentielle d’un plan de frappe cortical pour le débitage des roches cristallines, particulièrement le quartzite. Malgré l’abondance des produits débités en quartzite, aucun nucléus n’a été découvert. Le facettage des plans de frappe est très rare et un enlèvement antérieur ou une fracture a généralement servi de surface de débitage. Avec les unités H et G, les différents éléments de l’industrie de l’unité I sont parmi les plus grands. Les éclats sont courts en majorité et deux lames seulement proviennent de ces niveaux (Fig. 6). Comme pour l’industrie des autres unités, les outils ont été réalisés sur les éclats et les débris les plus grands. Par rapport à l’unité J, le déficit des H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 205 nucléus et des éclats de retouches, ainsi que le taux élevé d’outils, semblent suggérer que les hominidés soient venus dans la grotte avec un certain nombre d’outils déjà façonnés. Toutes les étapes de débitage sont présentes, malgré une rareté d’éclats corticaux. La plupart des éclats montrent des négatifs d’enlèvements antérieurs longitudinaux et unipolaires (Fig. 4). Malgré une quantité restreinte de matériel, nous pouvons conclure que l’industrie des deux sols d’occupation de l’unité I présente des points communs avec celle de l’unité J comme : la fréquence des pièces retouchées par rapport aux éclats bruts, l’abondance de l’industrie en matière première propice à la taille, la rareté ou l’absence de bifaces, de pierres, de galets entiers, fracturés ou aménagés et un nombre réduit de nucléus. 4.3. Industrie de l’unité archéostratigraphique H Trois niveaux d’occupation ont été mis en évidence à l’intérieur de l’unité archéostratigraphique H (Pois, 1998). Le matériel lithique y est bien conservé et les industries en silex sont peu patinées. Le taux de fracturation des éclats par cause naturelle est légèrement inférieur à celui des unités précédentes. Les produits de débitage en quartz laiteux sont rares par comparaison avec ceux des autres unités et les pièces en silex, quartzite et grès quartzite sont relativement fréquentes (Fig. 1). Les pièces débitées en quartz laiteux sont abondantes par rapport à celles en quartz hyalin. La plupart des roches siliceuses sédimentaires proviennent des sources éloignées (plus de 80 % ; Grégoire, 2000). La lydienne n’a pas été exploitée dans cette unité. Les industries en quartz bleuté, roche provenant d’une quinzaine de kilomètres de la grotte, sont nombreuses (Fig. 2). Par rapport aux unités précédentes (J et I), l’unité H contient plus de galets entiers, fracturés ou aménagés et moins de petits outils (Fig. 5). Les supports retouchés sont abondants, surtout en ce qui concerne les éclats en silex ou en quartzite. Parmi les petits outils (Byrne, 2001), la proportion des racloirs est élevée et de nombreuses encoches sont retouchées. Les denticulés et les grattoirs sont plus nombreux que dans les autres unités de l’ensemble II. De nombreux débris du quartz laiteux témoignent du concassage fréquent de ces roches. Les débris, souvent retouchés en outils, sont nombreux comparés aux unités sous-jacentes. Les nucléus sont plus fréquents que dans l’unité I, mais on note un déficit de nucléus par rapport au nombre de produits débités pour l’ensemble des matières premières. Les nucléus et les éclats sont de grandes dimensions, comme dans les unités I et G. Les méthodes de débitage sont diversifiées, avec de nombreux nucléus à séries d’enlèvements unidirectionnels qui sont souvent disposés orthogonalement, sur la face, puis sur le profil d’un galet (Fig. 3). Ce type de débitage débute par la réalisation d’un plan de frappe, par une fracture ou par un enlèvement antérieur. Les nucléus à négatifs centripètes sont, eux aussi, relativement nombreux. Beaucoup des débris ainsi que quelques nucléus en quartz laiteux confirment l’utilisation de la technique de débitage bipolaire sur enclume. Les éclats courts sont presque aussi fréquents que les éclats longs, mais les lames sont très rares (6 lames ; Fig. 6). Les éclats corticaux, généralement en quartz, sont rares. La plupart des éclats montrent des négatifs d’enlèvements antérieurs longitudinaux unipolaires, associés à un talon large, lisse ou cortical et avec un indice de facettage nul (Fig. 4). Ce sont les éclats les plus grands qui ont été privilégiés pour la réalisation des outils. 206 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Cet ensemble lithique présente des caractéristiques comparables avec les autres unités de l’ensemble II, particulièrement en ce qui concerne le choix des matières premières. Malgré cela, certains éléments montrent des différences, annonçant ainsi les caractéristiques qui vont se développer dans l’industrie de l’ensemble stratigraphique III : plus grandes dimensions des pièces, fréquence du concassage des galets en quartz laiteux produisant de nombreux débris, utilisation plus souvent des méthodes de débitage par séries d’enlèvements unidirectionnels et diminution dans la fréquence des nucléus discoïdes. 5. Industrie de l’ensemble stratigraphique III Les unités de l’ensemble III (stade isotopique 12) ont livré la plupart du matériel archéologique. Elles ont été mises en place pendant une phase climatique fraîche à froide et sèche avec parfois des vents violents venant du nord-ouest (Tableau 1). Les différents niveaux d’habitat sont interstratifiés avec des niveaux de sables grossiers. Les fouilles du niveau G s’étendent sur une surface de 46 m2 avec une épaisseur de près d’un mètre par endroit ; du niveau inter-FG sur une surface de 30 m2 ; du niveau F sur une surface de 36 m2 ; du niveau E sur une surface de 38 m2 ; et du niveau D sur une surface de 58 m2. L’unité archéostratigraphique G a livré la plupart du matériel lithique et osseux, ainsi que la grande majorité des restes humains. Le niveau se présente comme un amas de matériel archéologique, d’une forte densité. Cette importance du matériel ainsi que la présence de nombreux restes humains, dont des dents de lait d’enfants anténéandertaliens tombées naturellement, indiquent véritablement qu’il s’agit en effet de plusieurs habitats de longue durée par des groupes familiaux de taille assez importante. De plus, les courbes de mortalité obtenues à partir des ossements d’herbivores indiquent que l’occupation a eu lieu durant des saisons différentes sur plusieurs années (Moigne, 1983). Les hominidés pratiquaient une chasse plus variée et exploitaient un territoire plus divers que dans les autres unités. Le niveau semble correspondre à plusieurs occupations successives, sans cependant d’accumulation de sédiments stériles entre chaque amas d’objets. La découverte en début de cette séquence des crânes de cerfs dont les bois sont prêts à tomber, indique qu’au moins une installation a eu lieu en fin d’hiver, soit en février, soit en mars. Tout comme dans le niveau J, de nombreuses pierres ont été amenées de l’extérieur de la grotte, probablement déposées sur le sol pour servir de pavage. Un nombre important d’objets ont été découverts dans les sables lités entre les deux grandes unités archéostratigraphiques F et G (unité inter-FG). Ces objets correspondent certainement à des séjours ponctuels et de courte durée (bivouacs). L’industrie lithique est assez rare. On y trouve une faune peu abondante, composée essentiellement des restes du bœuf musqué primitif, avec quelques rares ossements du mouflon antique, du thar, du bison des steppes, du cheval de Mosbach, du cerf élaphe et du rhinocéros de prairie. Le niveau F est interstratifié avec des sables lités, mis en place pendant une période particulièrement froide et sèche, à vents parfois très violents. Ce niveau, riche en matériel archéologique, a livré une faune très abondante, dominée largement par le mouflon antique, puis par le thar et le chamois. On y trouve plus rarement des restes des cerfs élaphes, des chevaux de Mosbach et de rennes. L’industrie lithique est abondante. Une mandibule humaine provient du niveau F, ainsi que quelques restes d’un enfant de neuf ans. Les H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 207 ossements sont particulièrement fracturés, à la fois par des causes naturelles (comme le piétinement) et par des causes anthropiques (fracturation volontaire des ossements pour en extraire la moelle). À la suite de ces fractures, beaucoup d’ossements ont été partiellement détruits par la poche décarbonatée. Le niveau E, a livré une faune composée essentiellement des restes de mouflons antiques. D’autres espèces telles que le cheval de Mosbach, le cerf élaphe, le bison des steppes et le bœuf musqué, témoignent du paysage ouvert et steppique, conséquence du climat froid qui régnait à l’époque. L’unité archéostratigraphique D contient une industrie abondante. Deux molaires d’Homo erectus y ont été découvertes. La faune, très affectée par la poche décarbonatée, paraît être essentiellement composée de cheval et de mouflon. Les industries de l’ensemble stratigraphique III sont les plus affectées par la poche de décarbonatation et certaines pièces, principalement celles en calcaire, sont très abîmées. Les industries en silex sont désilicifiées, avec une patine blanche couvrante et épaisse. Dans toutes les unités de cet ensemble, les industries en grès, en calcaire ou en roche métamorphique (cornéenne) sont altérées. L’ensemble des petits outils (Byrne, 2001) montre une forte proportion de racloirs, souvent multiples. Les encoches sont plus fréquentes et celles-ci sont plus souvent retouchées que dans les unités précédentes. La proportion des denticulés et des grattoirs s’accroît sensiblement, tandis que les burins et les perçoirs sont rares. 5.1. Industrie de l’unité archéostratigraphique G L’épaisse unité archéostratigraphique G (Photo 5) désigne, soit plusieurs habitats rapprochés dans le temps, soit un habitat de longue durée (une année au minimum). Quoi qu’il en soit, les études paléontologiques montrent que les dents et les ossements des animaux chassés et apportés dans la grotte couvrent toutes les classes d’âges (Moigne, 1983). La découverte de dents lactéales d’anténéandertaliens, tombées naturellement, atteste de la présence d’enfants au sein des groupes d’hominidés (M.A. de Lumley, 1976). Tandis que la plus grande partie de l’industrie a été débitée à partir de roches provenant du Verdouble (Fig. 2), les neuf dixièmes des silex proviennent des sources les plus éloignées de la grotte (Grégoire, 2000). Ces roches ont pu être récoltées à plusieurs reprises durant le séjour des hominidés dans la caverne. Les industries en silex sont rares par rapport à celles en quartz sont très abondantes (surtout laiteux mais aussi hyalin). Contrairement aux unités précédentes, les industries en roches peu propices pour le débitage sont nombreuses. Par exemple, pour le groupe des silex, les pièces en chaille de qualité médiocre ou en silex accidenté d’Attrape Counils (gîte situé à seulement 500 m de la grotte), tous deux récoltés à moins de 15 km de la grotte, sont relativement abondantes. Par ailleurs, les industries en grès ou en calcaire, deviennent, elles aussi, plus fréquentes. Le débitage occasionnel des galets en roches éruptives ainsi que l’extrême rareté des industries en jaspe, distinguent particulièrement cette unité. De nombreuses roches cristallines ont été débitées, conduisant à de fréquentes accidents lors du débitage. Le talon des éclats est souvent éclaté et plusieurs éclats sont affectés par des fractures de type Siret. Dans cette unité, la présence de nombreux éclats en calcaire traduit la proportion relativement élevée de galets aménagés (Fig. 5). Les galets entiers, 208 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Photo 5. Vue des industries lithiques et des nombreux ossements sur le sol de l’unité archéostratigraphique G (cliché Henry de Lumley). Photo 5. View of archeostratigraphic unit G showing the numerous stone tools and bones (cliché Henry de Lumley). fracturés et à enlèvements isolés à bord tranchant convexe (percuteurs) sont également nombreux. Cette unité se caractérise aussi par sa richesse en pierres, apportées intentionnellement dans la grotte. Les débris, produits pour la plupart lors du concassage du quartz, sont extrêmement nombreux et caractérisent particulièrement l’industrie de cette unité (environ 80 % de l’industrie). La technique du débitage par percussion bipolaire sur enclume a été largement employée, essentiellement pour casser des petits galets de quartz laiteux mais aussi en vue d’une exploitation maximale des nodules de silex ou de quartzite en fin de chaîne opératoire (Photo 6). Les débris ainsi produits ont souvent été transformés en racloirs, grattoirs, encoches ou denticulés. Les petits outils (Byrne, 2001) sont rares par rapport aux éclats bruts. Comparée aux niveaux inférieurs, l’abondance d’outils en quartz donne un aspect peu soigné à l’ensemble de l’outillage. Les éclats en silex ou en quartzite ont souvent été retouchés en outils divers (Tableau 3). L’étude des traces d’utilisation sur les bords tranchants des outils (Pant, 1979) a révélé leur utilisation, probablement sur place, pour effectuer des activités domestiques variées (travail du bois, des peaux, etc.). La fréquence des outils à encoches augmente, ainsi que celle des denticulés et des grattoirs. Les outils, réalisés sur les éclats les plus grands, ont souvent un résidu cortical. Les rares bifaces, surtout en cornéenne, sont différents de ceux provenant des unités plus anciennes. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 209 Photo 6. Enclume en calcaire éclatée sur le sol de l’unité archéostratigraphique G (cliché Henry de Lumley). Photo 6. Smashed anvil in archeostratigraphic unit G (cliché Henry de Lumley). Relativement grands, ils ont souvent un résidu cortical, généralement localisé sur la base de la pièce. Peu symétriques, leurs bords tranchants, façonnés par percuteur dur, font rarement le tour complet de la pièce et un méplat latéral caractérise beaucoup d’entre eux. Le rapport éclat-nucléus est peu élevé par comparaison avec les autres niveaux (environ 20 éclats par nucléus pour la plupart de roches). Il est réduit pour le grès quartzite et le calcaire (environ 8 éclats pour chaque nucléus). Cette diminution reflète le caractère généralement inachevé du débitage dans cette unité. Bien que les méthodes de débitage se diversifient, la fréquence des nucléus à enlèvements unis ou bidirectionnels et orthogonaux augmente, au dépens des nucléus discoïdes (Fig. 3). Beaucoup de nucléus en quartz laiteux ont été éclatés lors du débitage (accidentellement ou volontairement) et leurs fragments relégués parmi les milliers de débris. Cette caractéristique marque le premier changement fondamental de l’industrie par rapport aux niveaux inférieurs. Elle influe sur son aspect général par : • la grande dimension de certaines pièces ; • l’aspect peu soigné de l’outillage ; 210 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 • un choix plus varié des matières premières, parmi lesquelles de nombreuses roches convenant peu au débitage ; • une grande variété de forme des supports, des types d’outils, et des combinaisons d’outils simples sur un même support ; • la fréquente utilisation de méthodes sommaires de débitage, de type Clactonien. Ces facteurs contribuent à donner l’impression d’un ensemble lithique varié, détaché des contraintes posées par l’environnement ou par les caractéristiques physiques des différentes roches. Ces observations sont soulignées par un changement fondamental dans les caractéristiques de cet ensemble : la diversification des méthodes de débitage et la mise en place d’une standardisation technotypologique. Ces caractéristiques vont continuer à se développer, pour devenir très nette au sommet de l’ensemble stratigraphique III. Les caractères suivants ont été révélés à partir des éléments technologiques et typologiques : • augmentation perceptible de la fréquence des éclats longs ; • présence de rares nucléus présentant un méplat à facettes ; • éclats avec bord de nucléus, éclats à talon dièdre ou facetté ; • mise en place du débitage orthogonal, annonçant les formes globuleuses qui se généraliseront dans les niveaux supérieurs ; • exploitation des petits nucléus en silex épuisés, par la technique bipolaire sur enclume ; • augmentation progressive dans la fréquence des éclats à plusieurs directions d’enlèvements ; • augmentation de la fréquence des outils composites et complexification de l’outillage fondée sur la combinaison de types simples entre eux ; • présence de choppers à bec et à bords convergents. Ces tendances qui caractérisent la standardisation de l’industrie de la Caune de l’Arago ne cessent de s’affirmer tout au long du remplissage. Ce changement dans l’industrie peut être lié à une diversification dans le du mode de vie (chasse variée, exploitation d’une variété de niches écologiques, campement de longue durée), mais aussi à des facteurs évolutifs. 5.2. Industrie de l’unité archéostratigraphique FG Cette unité correspond à des bivouacs de chasseurs de bœufs musqués et de mouflons. Elle contient une industrie dont le quartz est la matière première privilégiée pour le débitage, suivi par le quartzite et le silex (Fig. 1). Les roches siliceuses sédimentaires proviennent essentiellement des sources les plus éloignées du site (environ 90 % ; Grégoire, 2000). Étant donnée la courte durée des séjours des hominidés dans la caverne, il est probable que ces roches ont été apportées lors de leurs déplacements vers la grotte (Fig. 2). Aucune industrie en lydienne n’est présente dans cette unité, où la grande majorité des roches proviennent du Verdouble. Cette unité contient moins de galets entiers, fracturés ou aménagés que dans l’unité G (Fig. 5). À l’exception des pièces en silex ou en quartzite, les éclats bruts de débitage sont abondants par rapport aux éclats retouchés. Dans son ensemble, la composition typologique de cette industrie ne montre pas de variation significative par rapport à l’unité G. On assiste à un prolongement des traditions techniques développées dans l’unité G, à savoir, la fréquente utilisation de la méthode de percussion bipolaire sur enclume pour le concassage H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 211 des petits galets en quartz, pour l’épuisement des nucléus en roches de bonne qualité et pour le débitage des nucléus de forme cubique (nucléus prismatique). Par ailleurs, les méthodes clactoniennes sont souvent employées pour le dégagement des éclats par méthode unidirectionnelle (Fig. 3). Les négatifs d’enlèvements, ne montrant pas de préparation du plan de frappe, sont souvent orientés de manière orthogonale. D’autres caractéristiques, telles que la fréquence des éclats courts, le nombre élevé d’éclats par rapport aux nucléus et les grandes dimensions de certaines pièces, reflètent la poursuite des tendances exprimées dans l’unité G. Quelques attributs de l’industrie, déjà présents dans l’unité G, annoncent les tendances qui se développeront progressivement jusqu’au sommet de l’ensemble stratigraphique, c’est le cas de la fréquente utilisation des techniques de débitage par enlèvements centripètes. Elles ont été pratiquées sur la plupart de roches dans l’ensemble III, y compris le quartz laiteux (Photo 7), tandis que les nucléus discoïdes sont principalement en roches de bonne qualité dans les ensembles I et II. Les dimensions de ces nucléus diminuent graduellement vers le sommet du remplissage, pour atteindre des dimensions très réduites dans l’unité D. Les éclats présentent peu de caractéristiques pouvant être considérées comme « évoluées » et leur morphologie les rattache à une tradition clactonienne (Fig. 4). Ils sont courts, épais, à talon large et lisse avec un angle d’éclatement ouvert. L’augmentation perceptible dans la fréquence des éclats sans résidu cortical pourrait refléter l’emploi plus fréquent des méthodes de débitage centripètes. Le plan de frappe a rarement été préparé et les éclats débordants sont rares. Les éclats sont souvent fracturés, autant par des causes naturelles que par des causes accidentelles liées au débitage. Ce fait est certainement dû à la fréquente exploitation de roches cristallines. Les restes paléontologiques montrent également un taux élevé de fracturation lié à des causes naturelles. Les éclats en silex sont hautement désilicifiés avec une patine blanche couvrante. L’industrie de l’unité inter-FG montre de fortes ressemblances avec celle de l’unité G : le débitage clactonien domine et la composition typologique est analogue. Certains de ses aspects permettent de la situer en position intermédiaire entre celle de l’unité G et l’industrie du sommet de la stratigraphie. 5.3. Industrie de l’unité archéostratigraphique F L’unité F, une occupation saisonnière, a livré une riche industrie lithique. Environ un tiers des éclats sont cassés, près de 40 % de ces cassures sont dues aux accidents de débitage. Cette quantité n’est pas particulièrement élevée par rapport aux autres unités. Tout comme les unités G et FG, certaines industries de l’unité F ont été largement affectées par la poche de décarbonatation. Plusieurs pièces en calcaire, en grès et en cornéenne ont été dissoutes par l’action géochimique postdépositionnelle. L’industrie en silex est fortement altérée et présente une épaisse patine blanche et un aspect poudreux, dû à la désilicification. Le débitage a été essentiellement pratiqué sur des galets en quartz laiteux, dont la fréquence ne cesse d’augmenter tout au long du remplissage (Fig. 1). Le silex a été plus souvent débité que dans les unités G et FG. Le territoire exploité pour la récolte des roches siliceuses sédimentaires est étendu, montrant un apport plutôt important de roches provenant des sources éloignées (Grégoire, 2000). L’unité se caractérise par l’abondance des industries en jaspe (roche absente dans l’unité G), par la présence d’éclats en roches 212 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Photo 7. Nucléus en quartz laiteux à enlèvements centripètes unifaces et à plan de frappe en cortex (C17.CKY8. no 2053. niveau G ; cliché Denis Dainat, CERPT 2001). Photo 7. Unifacial core in milky quartz showing centripetal removals and a cortical striking platform (C17.CKY8. No. 2053. niveau G ; cliché Denis Dainat, CERPT 2001). éruptives et par l’absence d’industries en lydienne. Les galets entiers, fracturés et aménagés sont moins nombreux que dans les unités G et H (Fig. 5). L’industrie contient de rares bifaces, très ressemblants à ceux de l’unité G. Il est possible que d’autres bifaces en roches métamorphiques aient été détruits par l’action géochimique postdépositionnelle. Les proportions des différents types d’outils (Byrne, 2001) sont comparables à celles du niveau précédent, avec 45 % de racloirs. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 213 Plusieurs méthodes de débitage ont été employées, malgré l’écrasante abondance du quartz en tant que matériel privilégié. Cette abondance se manifeste par une profusion de débris de quartz, dus pour la plupart à des techniques de percussion non préparés, par le concassage ou la percussion bipolaire sur enclume. Néanmoins, certaines observations peuvent être faites en ce qui concerne les caractéristiques principales des nucléus à débitage organisé, en particulier l’abondance relative des nucléus du type globuleux, qui caractérise tout particulièrement l’unité F (Fig. 3). La fréquence de ces nucléus est d’autant plus intéressante que leur présence est rare dans les ensembles stratigraphiques I et II. Il s’agit essentiellement de deux types de nucléus dont la forme globuleuse résulte de deux chaînes opératoires bien distinctes, en fonction de la matière première utilisée, le quartz ou le silex (Barsky, 2001). Les nucléus prismatiques, débités de manière périphérique par percussion bipolaire sur enclume, sont rares : il est probable que plusieurs d’entre eux avaient été éclaté lors de la percussion. Les nucléus à enlèvements centripètes (discoïdes ou pyramidaux), d’assez grande dimension, sont nombreux. Comparés aux nucléus des niveaux inférieurs (ensembles I et II et base de l’ensemble III), les nucléus du type clactonien (à enlèvements orthogonaux, uni ou bidirectionnels en séries parallèles) sont rares. Cette rareté pourrait être considérée comme un caractère évolué de l’industrie de l’unité F. D’autres caractéristiques contribuent à donner un aspect évolué à certains nucléus et aux éclats, parmi lesquels : l’augmentation dans la fréquence de préparation des plans de frappe et de la convexité de la surface d’exploitation des nucléus à plan de frappe périphérique. Le rapport éclat/nucléus diminue. Les éclats longs sont toujours présents mais en quantité réduite. L’indice laminaire est très faible, mais il ne cesse d’augmenter à partir du sommet de l’ensemble II (Fig. 6). Pour la plupart des roches, les éclats, outils et nucléus sont plus petits qu’à la base de l’ensemble III. La diminution graduelle des dimensions de l’industrie vers le sommet de la stratigraphie constitue un autre élément de l’industrie. Les outils retouchés sont toujours élaborés sur les éclats les plus grands et les plus épais. Les éclats corticaux, très souvent en quartz laiteux ou en calcaire, sont rares par rapport aux éclats sans cortex. Ils sont cependant plus abondants que dans la plupart des unités plus anciennes. Les éclats à enlèvements entrecroisés sont les plus fréquents pour l’ensemble des roches, tandis que ceux à enlèvements centripètes sont rares. Il en est de même pour la fréquence des éclats à talon dièdre ou facetté, dont la quantité augmente légèrement (jusqu’à 12 % des éclats bruts en silex), aux dépens de ceux à talon en cortex ou lisse, qui deviennent plus rares (Fig. 4). Les caractéristiques de l’industrie de l’unité F semblent liées à celles de l’unité G. Néanmoins, le profil de cet ensemble garde sa spécificité l’insérant aussi dans un processus évolutif de caractère plutôt diachronique, sans doute lié à une multitude d’influences extérieures, dont nous ne pouvons mesurer l’importance (traditions, taille et composition du groupe humain, nature de l’alimentation, climat, etc.). Comparée à l’unité G, l’industrie de l’unité F donne l’impression d’un ensemble issu d’une meilleure exécution technique. 5.4. Industrie de l’unité archéostratigraphique E Les industries en silex provenant de l’unité E sont fortement patinées et désilicifiées et celles en calcaire et en grès sont altérées. Les fractures liées au débitage sont fréquentes. La morphologie de l’industrie de l’unité E présente des spécificités qui sont reflétées d’abord 214 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 dans la composition pétrographique de l’ensemble des produits de débitage. Cette unité se caractérise surtout par une exploitation maximale du quartz laiteux (Fig. 1). L’abondance des silex (dont la plupart proviennent des sources éloignées) se maintient autour de 16 %. Les industries en calcaire et en grès sont relativement abondantes, se traduisant en une augmentation dans la fréquence des galets entiers, fracturés et aménagés. Comme dans l’unité F, la quantité de petits outils avoisine 30 %, proportion supérieure à celle des niveaux inférieurs de l’ensemble III. Le taux de transformation est donc assez élevé, surtout en ce qui concerne les éclats en silex et en quartzite (Tableau 3). Cependant, l’industrie se caractérise toujours par de nombreux produits bruts de débitage (débris, éclats et nucléus). L’outillage sur éclat ou sur débris (Byrne, 2001) comprend essentiellement des racloirs, bien que leur fréquence diminue par rapport aux outils à encoches (souvent retouchées). Les grattoirs sont relativement nombreux. Les rares bifaces (5 pièces) sont de morphologie irrégulière. L’abondance des produits de débitage en quartz laiteux, caractéristique du sommet du remplissage, se traduit par une fréquence des débris obtenus lors du concassage et de l’éclatement des galets. Plusieurs débris sont issus de la technique de percussion bipolaire sur enclume. Malgré cela, plusieurs « types » de nucléus en quartz laiteux sont également présents, témoignant de l’emploi parallèle de systèmes de débitage organisés. La variabilité technologique et typologique constitue une caractéristique fondamentale de cet assemblage. Toutes les méthodes de débitage utilisées dans les unités précédentes ont ici été pratiquées et sont parfaitement maîtrisées. La diversité dans la typologie montre que l’on n’a pas cherché à inventer de nouveaux types d’outils, mais que l’on a expérimenté des combinaisons avec les outils déjà connus. En ce qui concerne la matière première, une nette prédilection pour le débitage du quartz accompagne cette profusion de formes et de méthodes. Les nucléus et les éclats sont assez petits, leur dimension est comparable à celle du niveau précédent. Pour le quartz, la fréquence des éclats longs dépasse celle des éclats courts : l’indice laminaire augmente légèrement par rapport aux niveaux précédents, mais il se maintient dans une très faible proportion (Fig. 6). Les éclats corticaux, le plus souvent en quartz laiteux ou en calcaire, sont rares. La fréquence des éclats sans résidu cortical se maintient pour la plupart des matières premières aux alentours de 50 %. Les éclats à enlèvements entrecroisés et centripètes sont plus fréquents que dans les unités précédentes, mais ceux à talon dièdre ou facetté ne montrent pas une abondance significative (Fig. 4). Les outils sont toujours réalisés sur les plus grands éclats. L’industrie de l’unité E possède de fortes ressemblances avec celle des unités G à F. Elle est aussi à l’origine des transformations technologiques et typologiques qui vont se poursuivre et se généraliser dans les unités plus récentes. L’originalité de cet ensemble lithique réside dans sa combinaison de traditions acquises et de comportements technologiques nouveaux. 5.5. Industrie de l’unité archéostratigraphique D Cette unité, la plus récente de l’ensemble stratigraphique III, a été mise en place lors d’une période sèche, moins froide que dans les niveaux précédents. La présence de différentes espèces révèle la diversité des niches écologiques exploitées par les chasseurs : la bordure arborée de la rivière pour les cervidés, la vallée à couverture végétale peu dense pour le cheval et les falaises rocheuses pour le mouflon. Les roches constituant l’ensemble H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 215 lithique proviennent pour la plupart des alluvions du Verdouble. Par rapport aux autres unités, le quartz laiteux a été plus largement exploité pour le débitage. Le silex, provenant pour la plupart de sources éloignées, est abondant (Fig. 1 et 2). La présence d’industries en jaspe et en chaille témoigne de déplacements dans la zone située entre 7 et 16 km de la grotte (Grégoire, 2000). Cette unité est surtout marquée par l’exploitation d’un type de silex d’origine locale et de la lydienne, matériaux disponibles ponctuellement dans les alluvions du Verdouble et plutôt rares dans les autres niveaux. L’industrie en quartzite comprend des rares outils sur éclat. Plusieurs galets en grès quartzite ont été sommairement débités. Les industries en silex sont fortement patinées et désilicifiées, celles en calcaire et en grès sont altérées. Les fractures liées aux activités de débitage sont plus fréquentes que dans les unités précédentes. Ce sont les produits bruts de débitage qui dominent l’ensemble et les galets entiers, fracturés ou aménagés sont plus rares que dans les autres niveaux (Fig. 5). Les bifaces, assez nombreux, sont représentés par treize exemplaires. Le débitage massif de quartz laiteux a produit d’abondants débris, la plupart de faible dimension. Les nucléus sont fréquents et souvent de forme polyédrique (nucléus globuleux et à enlèvements multidirectionnels). Les outils sont façonnés sur les éclats les plus grands, souvent à résidu cortical et ce sont les éclats en silex et en quartzite qui présentent le taux le plus élevé de transformation. L’ensemble des petits outils (Byrne, 2001) est dominé par des racloirs simples latéraux mais la fréquence des outils à encoches et des grattoirs augmente. Les outils composites (constitués généralement par un racloir associé à une encoche) et les outils à bords convergents sont moins bien représentés que dans les niveaux précédents. Les dimensions réduites des produits de débitage distinguent clairement l’industrie de l’unité D. Ceci est particulièrement notable pour les nucléus en quartz et en quartzite (Photo 8) ou en silex, souvent percutés en fin de chaîne opératoire par la technique bipolaire sur enclume. Les petits nucléus globuleux en quartz et en quartzite montrent une morphologie particulière. Ce type de nucléus, présent dans l’industrie à partir de l’unité G, augmente en fréquence tout au long de l’ensemble III pour devenir nombreux dans l’unité D, puis majoritaire dans les unités A à C (Fig. 3). L’augmentation de l’emploi de cette méthode est certainement liée à l’exploitation poussée des petits galets en quartz. D’autres nucléus en quartz, également de très petites dimensions, ont été débités par des méthodes structurées (Photo 9). Les éclats sont souvent courts, l’indice laminaire s’élève légèrement (le niveau comprend 23 lames dont la plupart, en quartz, semblent avoir été obtenue fortuitement ; Fig. 6). Les nucléus montrent l’utilisation des mêmes méthodes que dans l’unité E, mais les types globuleux et à enlèvements multidirectionnels sont plus abondants. Il y a peu de nucléus sommairement débités par de courtes séries d’enlèvements unidirectionnels (du type Clactonien ou orthogonal). Les tendances « évolutives » propre aux industries de la Caune de l’Arago, qui sont apparues progressivement dans les différents niveaux de l’ensemble III, sont ici relativement marquées : • faible quantité de galets entiers ou aménagés ; • petites dimensions des pièces ; • augmentation de la quantité d’éclats sans cortex ; • négatifs sur le dos des éclats témoignant de plusieurs directions d’enlèvements antérieurs à leur dégagement (orthogonales, entrecroisées et centripètes) ; • éclats et nucléus présentant souvent un plan de frappe préparé. 216 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Photo 8. Petits nucléus en quartz et en quartzite provenant de l’unité archéostratigraphique D (cliché Denis Dainat, CERPT 2001). Photo 8. Small cores in quartz and quartzite from archeostratigraphical unit D (cliché Denis Dainat, CERPT 2001). Malgré une évolution technologique et typologique apparente, les bifaces sont toujours présents dans l’industrie. À l’exception de quelques pièces, le débitage Levallois n’a pas encore fait son apparition de manière significative. Ce niveau semble représenter une rupture avec les traditions techniques du complexe moyen. 6. Industrie des ensembles stratigraphiques IV et V Les unités des ensembles stratigraphiques IV et V, érodées après leur mise en place, ont livré peu de matériel archéologique. Les unités A, B et C appartiennent au complexe supérieur (stades isotopiques 7 à 4). Ce complexe stratigraphique renferme des niveaux d’occupations peu épais, dans des sédiments caillouteux à matrice sableuse, intercalés entre des planchers stalagmitiques (Tableau 1). La faune mise à jour, représentée par des restes de chevaux, de cerfs, de mouflons, est très fracturée. Quelques ossements de panthère y ont également été découverts. Ces niveaux sont conservés uniquement dans la partie du remplissage localisée au fond de la grotte, tronqués après l’effondrement du plafond. Ceci n’a permis la fouille que sur une surface restreinte (11 m2 pour le niveau C ; 6 m2 pour le niveau B et seulement 5 m2 pour le niveau A. L’ensemble IV renferme plusieurs planchers stalagmitiques séparés par des couches de cailloutis sableux (sédiments détritiques), formant les sols archéologiques de l’unité archéostratigraphique C. L’unité comprend quatre planchers stalagmitiques principaux H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 217 Photo 9. Petit nucléus discoïde en quartz hyalin provenant de l’unité archéostratigraphique D (cliché Denis Dainat, CERPT 2001). Photo 9. Small discoidal core in translucid quartz from archeostratigraphical unit D (cliché Denis Dainat, CERPT 2001). (stades isotopiques 11 à 5). Les caractéristiques sédimentologiques traduisent une alternance climatique. Lors des périodes tempérées et humides, les planchers stalagmitiques se sont formés. Au cours des périodes de refroidissement, à climat frais et sec, sont accumulés les niveaux à sédiments à cailloutis renfermés dans une matrice sableuse. La dernière couche, constituée de sables grossiers, s’est formée pendant une période fraîche et humide. C’est à la base de l’ensemble IV que le feu fait son apparition. Aucun foyer n’a été mis au 218 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 jour mais la présence de charbons de bois, d’ossements, de dents et de silex brûlés, absents dans les niveaux précédents, attestent de sa présence. L’ensemble V est constitué des niveaux d’habitats renfermés dans un cailloutis anguleux, accumulés durant des périodes sèches et froides (unités archéostratigraphiques B et A ; stade isotopique 4). Ces niveaux sont intercalés avec des planchers stalagmitiques formés pendant des phases humides. Les unités A à C se caractérisent par une forte proportion de pierres ou de cailloux sans doute amenés de l’extérieur (Lumley et al., 1981). Ces pierres sont toujours associées à la faune et à l’industrie. L’industrie, essentiellement en quartz mais avec une forte proportion du silex, est de petite dimension. 6.1. Industrie des unités archéostratigraphiques A à C Dans ces niveaux, certaines roches propices à la taille semblent avoir été délaissées pour favoriser le quartz laiteux, très abondamment débité (Fig. 1). De même, le débitage du silex a été fréquemment pratiqué. Son approvisionnement a été exclusivement local dans les unités A et B, alors que dans l’unité C, on trouve des industries en roches provenant de sources intermédiaires et surtout éloignées (Fig. 2). L’exclusivité des silex locaux dans les unités A et B ne peut pas être considérée comme significative en raison de la pauvreté du matériel provenant de ces niveaux. Les industries en silex, très abondantes, sont fortement désilicifiées et présentent une patine blanche couvrante. Les pièces ont souvent des cassures naturelles ou des fractures subies lors du débitage. Le débitage se limite presque exclusivement à des roches cristallines et au silex. La composition typologique est similaire à celle de l’unité D, avec de très rares galets entiers, fracturés ou aménagés, mais seulement un seul biface (Fig. 5). Les produits bruts de débitage sont rares par rapport à ceux qui sont retouchés et le taux de transformation des éclats en outils est de 50 % (Tableau 3). Les outils en quartzite sont plus abondants que les éclats bruts en cette roche. Les nucléus et les débris, essentiellement en quartz, sont très abondants. En ce qui concerne l’outillage sur éclat ou sur débris (Byrne, 2001), les outils composites sont relativement rares, la quantité d’encoches augmente par rapport aux racloirs et aux denticulés, les burins et les perçoirs sont toujours rares ou absents et les pointes de Tayac et de Quinson sont présentes dans l’unité C. L’extrême rareté des outils sur galets et des bifaces pourrait exprimer une rupture avec les industries des différentes unités de l’ensemble III. L’utilisation de la méthode de débitage Levallois est attestée par la morphologie de certains éclats mais très rarement par les nucléus. Cette méthode ne constitue pas un élément significatif de l’industrie. Sa rareté ne peut être entièrement attribuée à la composition pétrographique de l’ensemble, étant donnée la présence dans l’environnement des silex et d’autres roches bien adaptées à cette méthode (quartzite, grès quartzite). Certains auteurs ont suggéré que la rareté de silex à proximité du site se traduit en un débitage poussé jusqu’au seuil ultime de l’épuisement (Matzanas, 1995). Les tailleurs auraient pu ainsi passer par les divers stades de production Levallois, avant que les nucléus soient réduits en formes globuleuses, bi-pyramidales ou discoïdes. Cependant, les rares produits Levallois sont généralement en grès, en grès quartzite ou en quartzite, roches abondamment disponibles à proximité du site. La répartition des types de nucléus reflète les mêmes tendances que dans l’unité D, avec une complexification technique qui s’exprime par la prédominance des nucléus à enlève- H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 219 ments multipolaires : centripètes, globuleux et multidirectionnels (Fig. 3). Le débitage bipolaire sur enclume a été très largement employé. Comme dans le niveau D, les nucléus de petite dimension sont très nombreux. Quelques nucléus Levallois, généralement à enlèvements centripètes, à deux surfaces hiérarchisées et à méplat équatorial facetté, sont présents. L’analyse des éclats confirme la complexification technique et reflète la multiplication des directions d’enlèvements antérieurs par la fréquence de négatifs entrecroisés et centripètes (Fig. 4). La préparation antérieure au dégagement des éclats est également mise en évidence par la relative abondance d’éclats à talon dièdre et facetté. L’intensification du débitage par rapport à celui des autres unités est attestée par les petites dimensions des pièces et par la fréquence des éclats sans résidu cortical. Ces unités, bien que pauvres en matériel, semblent se caractériser par l’exploitation intense des matières premières, dont le débitage a été très poussé (le quartz et le silex). L’abondance de ces deux types de matières premières, explique les caractéristiques morphologiques principales de cet ensemble lithique : dimensions réduites, nombreux éclats sans résidu cortical. 7. Conclusions L’analyse technotypologique de l’industrie en fonction des unités archéostratigraphiques de la Caune de l’Arago nous permet de constater l’existence d’une réelle évolution technologique et culturelle sur une période longue d’environ 600 000 ans. L’observation des dissemblances et des ressemblances de cet assemblage lithique, mise en relation avec les variations du cadre paléoenvironnemental, permet de se rendre compte des changements survenus dans le comportement technologique des hominidés. L’industrie lithique constitue un des principaux témoins de la culture des hominidés du Paléolithique inférieur. C’est à partir de nos analyses et de nos descriptions et de nos comptages que nous essayons d’interpréter l’aspect culturel et comportemental de ces populations. Cependant, il est évident que beaucoup d’éléments essentiels ne nous sont pas parvenus (les objets en bois, les peaux) et que cette lacune nous gène pour mieux appréhender le mode de vie de nos ancêtres. Il nous a semblé intéressant de fournir sous forme de liste les principales observations mises en évidence par ce travail : en premier lieu les points communs entre les différents niveaux du remplissage, puis les éléments « évolutifs ». Ces derniers contribuent à une vision linéaire et progressive des transformations technologiques d’un niveau d’occupation à l’autre. Quelques observations concernant l’impact de l’environnement et le type d’habitat sur les caractéristiques saillantes de l’industrie contribuent ensuite à construire une vision d’une évolution diachronique de ces transformations, en tenant compte des influences extérieures. 7.1. Points communs Les points suivants sont comparables dans toutes les unités archéostratigraphiques : 7.1.1. Le comportement envers la matière première • les mêmes sources de matière première ont été exploitées dans pratiquement toutes les unités ; 220 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 • les roches ont été choisies en fonction des types d’outils réalisés ; • les éclats en silex et en quartzite ont le plus souvent été retouchés en outils. 7.1.2. La morphologie des pièces • les éclats les plus grands et les plus épais ont été privilégiés pour les outils. Par rapport aux bruts, les éclats retouchés sont alors issus des premières phases de débitage et présentent plus souvent un résidu cortical ; • deux groupes dimensionnels ont été mis en évidence en fonction du type de roche débité : C les galets en grès, en grès quartzite, en calcaire et en roches éruptives, tous disponibles aux alentours immédiats du site, sont peu dégrossis. Les éclats et les nucléus sont de grandes dimensions. Les nucléus produits dans ces roches sont le plus souvent à enlèvements unis-directionnels en série (du type clactonien) ; C les roches cristallines4 et siliceuses sédimentaires, rares aux environs de la grotte, ont souvent été totalement réduites. Les produits sont généralement de petite dimension. Ce deuxième groupe de roches a été privilégié pour la réalisation des petits outils. Les nucléus sont le plus souvent à enlèvements centripètes bifaces, pyramidaux ou prismatiques. Seules ces roches ont été débitées par la technique bipolaire sur enclume. 7.1.3. Le débitage • dans toutes les unités, les premières étapes de débitage ont lieu à l’extérieur de la grotte, quelle que soit la distance de la source d’approvisionnement de la matière première. En revanche, le façonnage de galets aménagés a eu lieu à l’intérieur de la caverne, malgré les dimensions généralement élevées de ces pièces ; • le quartz laiteux a été la matière première privilégiée pour le débitage dans toutes les unités archéostratigraphiques du remplissage, malgré l’abondance d’autres types de roches aux alentours immédiats de la grotte. Les seules exceptions sont les galets aménagés (souvent en calcaire), et les bifaces (principalement en cornéenne) ; • le type de roches débitées n’entraîne pas nécessairement un choix technique particulier. Cependant des techniques plus complexes et les chaînes opératoires plus prolongées, ont été utilisées pour le débitage des matières premières de meilleure qualité, résultant en des nucléus globuleux ou discoïdes. 7.2. Éléments évolutifs Les éléments suivants se transforment tout au long du remplissage : 7.2.1. Éléments technologiques • à partir de l’unité G, le concassage du quartz laiteux constitue une méthode de débitage privilégiée dans tous les niveaux ; • les types de nucléus se diversifient au sommet du remplissage ; 4 Les galets en quartz laiteux, très diversement débités, font exception. Ils sont les plus abondants parmi tous les types de nucléus. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 221 • le débitage clactonien est moins fréquent ; • le rapport éclat/nucléus se réduit graduellement au sommet de la stratigraphie. 7.2.2. Éléments morphologiques • les dimensions des pièces diminuent progressivement dans l’ensemble III pour atteindre, dans les unités D, C, B et A, une industrie pouvant être qualifiée de « microlithique » ; • la fréquence des éclats à plusieurs directions d’enlèvements, à talon dièdre ou facetté et sans résidu cortical augmente dans la stratigraphie ; • les bifaces les plus symétriques et les plus soigneusement façonnés proviennent des niveaux les plus anciens ; • la morphologie de l’industrie change fondamentalement à partir de l’unité D. 7.2.3. Éléments typologiques • la présence de bifaces, de galets entiers et fracturés, de percuteurs et de galets aménagés diminue progressivement ; • la composition de l’ensemble de petits outils (Byrne, 2001) varie peu dans la stratigraphie : la fréquence des racloirs diminue par rapport aux outils à encoches, les encoches retouchées augmentent graduellement par rapport aux encoches clactoniennes, la fréquence des grattoirs augmente et les outils composites deviennent rares. 8. L’influence du type d’habitat sur les caractéristiques morphotechnologiques de l’industrie lithique La démarche pluridisciplinaire couramment employée en Préhistoire sert à répondre à un certain nombre de questions : • à quel point un assemblage lithique a-t-il été affecté par des variations dans le mode de vie des hominidés ? • quels sont les éléments qui ont influé le comportement des hominidés vis-à-vis de la récolte et de l’exploitation des différentes matières premières ? • est-il possible d’établir un lien entre les préoccupations économiques et sociales des hominidés et le profil d’un assemblage lithique en fonction : des pratiques de chasse, de la durée du séjour, de la taille du groupe, sa composition et la disponibilité de la matière première ? Pour tenter de répondre à ces questions, il nous semble important de considérer les propriétés technologiques et typologiques de l’industrie dans un contexte global incorporant tous les éléments apportés par les diverses spécialités rattachées à ce genre d’étude (sédimentologie, géologie, géomorphologie, taphonomie, palynologie). C’est à partir des données accumulées que quatre principaux « types d’habitats » ont pu être identifiés à la Caune de l’Arago : le bivouac, la halte de chasse, l’habitat temporaire saisonnier et l’occupation de longue durée. Pour chaque unité archéostratigraphique, le type d’habitat a été défini grâce aux renseignements portant sur l’estimation de la durée de l’occupation, la composition du groupe humain et sur le spectre faunique identifié (Tableau 4). Mise en relation avec ces éléments, Durée du séjour Bivouac Quelques jours Quelques individus (niveaux M, N, O P, F-G) Taille et Pratiques composition de chasse du groupe humain Chasse non spécifique Halte de chasse Quelques semaines Plusieurs individus Chasse spécialisée Habitat temporaire saisonnier Une saison (quelques mois) Quelques groupes familiaux Chasse spécialisée Occupation de longue durée Environ un an Plusieurs groupes familiaux Chasse très diversifiée (niveaux L et K) (niveaux J, I, H, F, E, D) (niveaux Q, G) Niches écologiques exploitées Comportement envers les matières premières lithiques Composition typologique de l’industrie Niches variées Fréquence de matières premières rares et de bonne qualité. Récolte en majorité locale avec apports originaires des zones entre 5 et 20 km. Choix de roche en fonction de la typologie. Percuteurs, galets entiers, Abondance des éclats par rapports fracturés ou aménagés. aux débris. Fréquence de matières premières rares et de bonne qualité. Récolte en majorité locale avec apports originaires des zones au delà de 20 km et collecte dans la zone située entre 5 et 20 km. Choix de roche en fonction de la typologie. Une niche dominante Une ou deux matières preexploitation limitée mières privilégiées. Rédes autres niches colte majoritairement locale, complétée par collecte dans les zones situées entre 5 et 20 km et au delà de 20 km. Abondance des éclats par rapport aux débris. Dominance de méthodes de débitage multidirectionnelles exhaustives. Emploi fréquent des méthodes de débitage clactoniennes. Gestion économique de la matière première et production de produits de petites dimensions Niche exclusive Toutes les niches exploitées Matières premières diversifiées Récolte en majorité locale avec aller-retours sur les gîtes au. delà de 20 km. Abondance de roches de qualité médiocre. Éclats bruts abondants par rapports aux outils. Matières premières de bonne qualité privilégiées pour les outils. Outillage soigné et peu diversifié. fonction de la typologie. bien représentés. Petits outils peu nombreux par rapport aux éclats bruts. Matières premières de bonne qualité privilégiées pour les outils. Outillage soigné et peu diversifié. Percuteurs, galets entiers, fracturés ou aménagés bien représentés. Abondance des petits outils. Matières premières de bonne qualité privilégiées pour les outils. Outillage soigné et diversifié. Percuteurs, galets entiers, fracturés ou aménagés abondants. Petits outils abondants : aussi souvent sur débris que sur éclat. Outillage très diversifié, parfois peu soigné. Nombreux outils composites. Comportement technologique Méthodes de débitage peu diversifiées. Dominance des méthodes de débitage multidirectionnelles exhaustives. Gestion économique de la matières premières. Production de produits de petites dimensions. Intensité de débitage par méthodes diverses. Débitage par enlèvements multidirectionnels fréquents. Choix technologique en fonction de la disponibilité et de la qualité des matières premières débitées. Concassage du quartz fréquent. Utilisation répandue de la technique bipolaire sur enclume. Production intentionnelle de nombreux débris. Méthodes de débitage très diversifiées. Méthodes clactoniennes dominantes. Exploitation peu poussée de la matière première. Gestion peu économique de la matière première et pièces de grandes dimensions. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Type d’habitat (niveaux) 222 Tableau 4 Profil des industries de la Caune de l’Arago selon le type d’habitat Main characteristics of the industry from the Caune de l’Arago according to type of habitat H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 223 l’industrie lithique peut également servir de critère d’identification et de caractérisation de l’habitat. Selon le type d’habitat, certaines observations concernant les principaux caractères de l’industrie lithique ont pu être mises en évidence pour : le comportement envers les matières premières, la composition typologique et le comportement technologique. Ces observations semblent indépendantes de critères chronologiques (évolutifs) à l’intérieur du remplissage. 8.1. Bivouac La présence d’accumulations d’éparses d’outils et de restes d’herbivores mélangés à de nombreux restes de carnivores, signale un court séjour des hominidés dans la grotte. Il s’agit probablement de petits groupes, pratiquant une chasse non-spécifique, qui varie certainement en fonction de l’époque de l’occupation. Les hominidés, connaissaient déjà l’environnement de la grotte. Ils arrivaient avec une réserve de matières premières de bonne qualité apportée sur une distance de 15 à 30 km environ. Cette réserve a été complétée avec les diverses roches de qualité médiocre, disponibles aux alentours immédiats du site. Ils débitaient les meilleures roches dans la grotte en se servant des méthodes multidirectionnelles (généralement centripètes), visant à une exploitation maximale. Les éclats ainsi produits étaient le plus souvent utilisés bruts. Ils étaient parfois retouchés en outils divers, principalement des racloirs simples latéraux. La fabrication d’outils a été exécutée avec le plus grand soin par l’emploi des retouches marginales ou plates, pour le façonnage des bords tranchants d’une grande régularité. 8.2. Halte de chasse Une dominance très marquée d’une seule espèce dans le niveau témoigne d’une chasse spécifique. L’estimation de l’âge d’abattage des animaux témoigne d’une halte de chasse : occupation d’une durée de quelques semaines. Une espèce a donc été chassée pendant une période précise par des groupes constitués probablement de quelques individus. Les autres espèces, vivant dans des niches écologiques diverses, ont été délaissées. Lors de leurs migrations vers la grotte, les hominidés récoltaient des roches de bonne qualité, en l’occurrence le silex, sur les gîtes de matière première éloignées du site. La durée du séjour dans la grotte exigeait que cette réserve soit renouvelée et les hominidés retournaient aux sources de roches siliceuses sédimentaires situées entre 15 et 20 km du site. Ces roches, rares et de bonne qualité, ont été réservées à la production des éclats et à la fabrication des petits outils spécialisés. Cet assemblage a été complété en se servant de roches moins propices pour le débitage mais abondantes autour du site. Elles servaient à manufacturer une gamme d’outils variée, y compris des instruments de percussion. Ils permettaient d’accomplir une variété de tâches de boucherie, effectuées à l’intérieur de la caverne, à savoir : la désarticulation des carcasses et la fracturation des ossements pour extraire la moelle. Les méthodes de débitage étaient diverses et dépendaient largement de la matière première exploitée : les méthodes clactoniennes ont été employées pour débiter les galets en roches de qualité médiocre (grès, calcaire), les techniques centripètes ou multidirection- 224 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 nelles pour les roches favorables à l’extraction d’éclats (silex, quartzite), enfin le débitage bipolaire sur enclume pour réduire en morceaux des petits galets en quartz. 8.3. Habitat temporaire saisonnier Ces habitats, de durée prolongée, correspondent à des occupations par des groupes familiaux. Le séjour durait la période d’une saison, durant laquelle une espèce animale était privilégiée pour la chasse. Cependant, les hominidés pratiquaient et abattaient ponctuellement d’autres espèces dans une variété de niches écologiques. Dans ces niveaux, une ou deux matières premières ont été favorisées pour la fabrication de l’industrie, mais il existe toujours un lien entre la typologie et la roche utilisée. La récolte des matières premières s’est effectuée surtout près de la grotte, avec quelques apports d’autres roches provenant de distances allant jusqu’à plus de 30 km du site. Des allerretours aux sources lointaines (au-delà de 20 km de la grotte) ont pu être effectués et les roches provenant de ces zones sont généralement bien représentées. Dans ce type d’habitat, l’industrie comprend de nombreux outils sur éclat ou sur débris, souvent sur les roches (rares) les plus propices pour le débitage. L’outillage comprend également une quantité non-négligeable d’outils sur galet, de percuteurs et de galets non-aménagés. Le petit outillage est bien soigné et présente des types assez diversifiés, malgré une abondance très marquée de racloirs simples latéraux. La retouche est le plus souvent épaisse, parfois scalariforme. Une quantité importante de pierres, parfois utilisées, ont été amenées de l’extérieur. Le débitage est diversifié et les méthodes multidirectionnelles, principalement par enlèvements centripètes, est fréquent. Ces dernières méthodes concernent surtout les roches de bonne qualité. Le quartz a été débité principalement par la technique bipolaire sur enclume mais devient la roche privilégiée pour effectuer toutes les méthodes expérimentées. Les méthodes clactoniennes sont bien représentées, généralement pour le débitage des roches de moins propices pour l’extraction des éclats. 8.4. Occupations de longue durée Ces niveaux, très riches en matériel archéologique, présentent un spectre faunique qui révèle la présence d’hominidés dans la grotte pour la durée d’une ou de plusieurs années, pendant différentes périodes de l’année. Les nombreux restes humains témoignent de la présence de groupes familiaux. Ces individus pratiquaient une chasse très diversifiée de grands herbivores. Les activités cynégétiques se déroulaient dans une grande variété de niches écologiques, témoignant d’une bonne connaissance de l’environnement et d’une bonne maîtrise de différentes techniques de chasse. La récolte des matières premières, très majoritairement locale, s’effectuait jusqu’à une trentaine de kilomètres autour du site. En revanche, la plupart des roches siliceuses sédimentaires (90 %) proviennent des sources les plus éloignés de la grotte, où les hominidés se rendaient régulièrement pour s’approvisionner. Les roches de bonne qualité sont rares et ne font pas systématiquement l’objet d’une gestion économique. Malgré ce fait, la relation entre la matière première et la typologie est toujours très marquée. L’industrie comprend de nombreux éléments non aménagés : pierres, galets entiers et fracturés. Elle comprend également une quantité considérable de galets aménagés. Les H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 225 petits outils sont abondants, aussi souvent sur débris que sur éclats. L’outillage est très diversifié et beaucoup de supports comptent plusieurs outils. L’aspect de l’outillage varie considérablement avec des outils de très belle manufacture et des outils peu soignés. Les méthodes de débitage sont également très variées. Le concassage du quartz a été abondamment pratiqué et le débitage bipolaire sur enclume diversement utilisé pour le quartz, le silex et le quartzite. La production volontaire des débris est manifeste. Les méthodes de débitage clactoniennes ont été plus souvent utilisées par rapport aux méthodes multidirectionnelles et le débitage est souvent inachevé. Cette dernière caractéristique explique les dimensions souvent importantes des pièces. Ces observations, effectuées grâce à la richesse et à la diversité de l’industrie de la Caune de l’Arago, ne sont certainement pas spécifiques à ce gisement. Plusieurs études en cours semblent appuyer certaines des hypothèses exposées ci-dessus, en particulier la relation entre un assemblage lithique « spécialisé » et un habitat de courte durée à chasse spécifique. 9. Observations et conclusions générales Tandis qu’en Afrique la transition des industries à galets aménagés vers la technologie des industries à bifaces semble avoir eu lieu graduellement et très tôt (avant 1,6 Ma à Konso Gardula, en Éthiopie (Asfaw et al., 1992; Katoh et al., 2000; Semaw et al., 1997; Semaw, 2000), les bifaces apparaissent dans les assemblages européens déjà bien typés (symétriques et de bonne exécution technique) à partir de l’ensemble stratigraphique I de la Caune de l’Arago. Il semblerait qu’une nouvelle vague d’hominidés soit arrivée d’Afrique, possédant une bonne maîtrise de la production de ces objets aux morphologies standardisées que sont les bifaces et les hachereaux. Les industries à bifaces mises au jour dans l’ensemble stratigraphique I de la Caune de l’Arago se situent chronologiquement avant 0,5 Ma, période pendant laquelle le nombre de sites se multiplie partout en Europe. C’est au cours de cette période qu’augmentent les témoignages des premiers habitats en grotte. L’assemblage lithique de l’ensemble I de la Caune de l’Arago représente alors une nouvelle étape dans l’évolution des industries, intermédiaire entre cette profusion de gisements et les rares sites ayant livré des industries plus anciennes, sans biface (en Géorgie à Dmanissi, Gabunia et al., 1999 ; Celiberti et al., sous presse ; en Italie à Monte Poggiolo, Peretto et al., 1995 ; Campo Grande di Ceprano, Biddittu, 1984 ; la Pineta à Isernia, Peretto et al., 1983 ; en Espagne dans les niveaux TD6 et TD4 du Gran Dolina à Atapuerca, Carbonell et al., 1995 ; en France dans la grotte du Vallonnet, de Lumley, 1976). Malgré l’importance accordée à l’apparition des bifaces dans de nombreux assemblages de l’Europe méridionale (aux alentours de 0,6 Ma), cet outil ne constitue pas réellement un indice désignant la transformation des industries car le biface est présent dans de nombreux assemblages dès 1,8 Ma en Afrique et jusqu’à la fin du Paléolithique moyen et ne peut pas constituer un marqueur chronoculturel fiable. Nous proposons les industries de l’ensemble stratigraphique I de la Caune de l’Arago comme modèle pour la caractérisation des phases « progressives » qui vont se développer suite à l’apparition des premiers bifaces en Europe méridionale ; car cet assemblage manifeste d’autres caractères qui le distingue des industries plus anciennes et qui annoncent les tendances qui vont se développer ultérieurement : 226 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 • la récolte des matières premières s’effectue dans un rayon étendu autour du site ; • les bifaces, de formes symétriques, sont présents ; • les outils sur galet sont rares tandis que l’industrie sur éclat abonde ; • les racloirs dominent par rapport aux outils à encoches ; • le petit outillage, d’aspect Moustérien, est composé essentiellement de racloirs, le plus souvent simples à bord convexe, qui sont façonnés par des types de retouches diverses (Quina, surélevées etc.). Des denticulés, des encoches (clactoniennes plus souvent que retouchées) et des pointes de Tayac sont également présentes ; • les racloirs présentent des contours et des retouches régulières. Quelques types composites et convergents accompagnent les types simples ; • le débitage est dominé par des méthodes centripètes, accompagnées par des méthodes clactoniennes (à une ou deux directions d’enlèvements, avec le débitage orthogonal) ; • les nucléus à plan de frappe préparé et les éclats à talon facetté sont présents. La typologie des petits outils rencontrés dans les assemblages du Paléolithique inférieur présente peu de variabilité. Son caractère (plus ou moins développé) semble être évoqué par l’association des types et leur morphologie : l’abondance des racloirs par rapport aux outils à encoches, la fréquence d’outils composites et à bords convergents, la présence des bifaces, la diversité de l’outillage, la standardisation des types et la qualité de la retouche, sont des caractéristiques qui vont se préciser au cours du temps. En Italie, plusieurs sites attribués aux environs des stades isotopiques 15 à 13 ont livré des industries comparables : à Bibbona (Livorno ; Galiberti, 1974) et à Monte Peglia (Ombrie, Italie ; Piperno, 1972), dans les niveaux 39–37 de Visogliano (Trieste, Italie ; Brèche B ; Palma di Cesnola, 1996 ; Tozzi, 1984). Certains niveaux à bifaces de Notarchirico (Basilicate ; 0,5 Ma ; Piperno, 1999) sont également assimilables à ce stade. Malgré cette profusion des sites italiens, peu de sites en Espagne, ayant fait l’objet d’une datation fiable, ont été signalés. Dans le sud de la France, les niveaux de l’ensemble stratigraphique I de Caune de l’Arago constituent également un des rares témoignages des industries de cet âge en Europe méridionale. La mise en place des tendances observées dans l’ensemble stratigraphique I de la Caune de l’Arago se précise dans l’ensemble stratigraphique II, principalement par la production ordonnée d’éclats dont certains sont utilisés pour fabriquer des outils à morphologie de plus en plus stéréotypée. Ce sont les caractères suivants qui signalent une rupture avec certaines traditions typologiques et technologiques entretenues ultérieurement : • les bifaces, peu nombreux, sont peu symétriques. Parfois difficiles à attribuer un « type », ils présentent une morphologie généralement lancéolée ou cordiforme ; • les outils retouchés sont abondants ; • les types de retouches se diversifient et les petits outils se diversifient et se standardisent ; • le taux de racloirs est élevé par rapport aux outils à encoches ; • le débitage par méthodes clactoniennes ou discoïdes est plus fréquent. En Italie, plusieurs sites (dont deux sont légèrement plus récents que l’ensemble II de la Caune de l’Arago) ont livré une industrie analogue. L’industrie découverte dans la cavité karstique du Mont Conero (Marches, Italie : couche L ; Peretto et Scarpanti, 1984; Bartolomei et al., 1966), semble analogue à celle de l’ensemble II, de par sa composition typologique qui montre une dominance de racloirs associée à une abondance de pièces H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 227 carénées et de grattoirs, d’encoches et de denticulés avec de rares choppers. Le débitage n’est pas Levallois et les nucléus sont souvent à enlèvements unidirectionnels ou multidirectionnels (discoïdes, polyédriques ; Palma di Cesnola, 1996). À Castro de’ Volsci, dans le Latium (0,7 à 0,5 Ma ; Biddittu, 1974; Segre et al., 1984), l’industrie contient des bifaces symétriques, quelques outils sur galets et un outillage développé sur éclats. Cet outillage a été réalisé sur des éclats issus principalement des méthodes de débitage discoïdes ou polyédriques. Il est caractérisé par une dominance de racloirs à contours symétriques, façonnés par des retouches régulières de divers types. On retrouve surtout des types simples mais également des types doubles. Les encoches et les denticulés sont présentes, ainsi que quelques outils composites et carénés. C’est surtout par l’abondance, la diversification et la morphologie des petits outils que les industries de l’ensemble stratigraphique III de la Caune de l’Arago expriment leur rapprochement graduel vers les industries moustériennes. Au niveau de la composition typologique (présence de types résiduels comme les bifaces et les pointes de Tayac et de Quinson), ces industries conservent une appartenance aux industries dites « acheuléennes » (Ensemble stratigraphique I). En ce qui concerne la technologie, on assiste à la diversification des méthodes de débitage. L’utilisation des techniques proches ou équivalentes à la méthode Levallois est présente ponctuellement. • Les pièces façonnées ou débitées sont parfois de grande taille. • La typologie des outils et des retouches sont diversifiées. • Les éclats débités sont de morphologie variable, le plus souvent épais, courts et à talon large et incliné. • Les nucléus se diversifient et les types prismatiques, pyramidaux et globuleux deviennent plus fréquents. • Le bord du nucléus est plus souvent préparé, résultant en l’augmentation progressive dans la fréquence d’éclats à talon dièdre ou facetté. • Les méthodes discoïdes sont moins représentées que les méthodes clactoniennes. • L’industrie présente une haute technicité : dans sa phase évoluée, le débitage s’approche de la méthode Levallois. • L’industrie comprend de nombreux racloirs (de divers types mais surtout latéraux), outils à encoches, denticulés, grattoirs, rares galets taillés, grandes pièces discoïdales et bifaces peu symétriques, souvent à résidu cortical et à tranchant périphérique partiel. • Les retouches Quina ou demi-Quina bien représentées. • Les outils composites sont abondants. Ce stade dans l’évolution des industries se distingue principalement par sa diversité typologique et technologique, mais l’origine est difficilement explicable. Quoi qu’il en soit, cette variabilité semble caractériser une étape évolutive par rapport aux industries antérieures. Que signifie cette diversité dans les industries du Paléolithique inférieur ? À la lumière des nombreuses études pluridisciplinaires récentes, il est probable que cette variabilité soit le résultat d’une meilleure capacité de la part des hominidés à adopter leur outillage aux besoins changeants de leur environnement. L’industrie de l’ensemble III de la Caune de l’Arago constitue alors un modèle représentatif, puisqu’elle exprime en elle-même cette diversité buissonnante qui caractérise les industries de cette époque. Perçu sous tous ses aspects (matières premières, méthodes de débitage, composition typologique, chasse, boucherie et exploitation de l’environnement), 228 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 cet assemblage exprime une diversité remarquable qu’on ne retrouve que partiellement dans la plupart des gisements d’âge comparable. En Catalogne, dans la région de Montgrí (Cau del Duc) et de La Selva (Puig d’Esclats et Casa Nova d’en Feliu), cette variabilité a été observée dans la structure des industries qui sont proches chronologiquement et géographiquement (Carbonell, 1985). Dans l’industrie de la zone de Mongrí, le débitage est majoritairement unidirectionnel et l’industrie comprend principalement des pièces à enlèvements unifaciaux et uni-angulaires sur galet. En revanche, les assemblages de La Selva sont dominés par des éclats, parfois façonnés, obtenus pour la plupart par le débitage discoïde bien standardisé. Les dissemblances technologiques et typologiques ont été attribuées à des différences dans la fonction des sites. Malgré cette diversité, une certaine cohésion morphologique est discernée, caractérisée principalement par le développement de l’outillage sur éclat (du type Moustérien), par la rareté des galets aménagés (dominés par les choppers), par la présence de rares bifaces peu symétriques (on retrouve en majorité les types lancéolés et cordiformes), ainsi que par l’absence ou l’extrême rareté du débitage Levallois et des lames. L’outillage sur éclat croît régulièrement. Le taux des racloirs, de plus en plus diversifiés, augmente par rapport aux autres types d’outils. L’outillage contient encore des pointes de Tayac et de Quinson, en faible quantité. Ces caractéristiques sont retrouvées dans l’industrie découverte dans les niveaux inférieurs (couches H, I et K) de la grotte d’Aldène (Cesseras, et al., 1976). 9.1. Conclusions générales Le Pléistocène moyen s’étale sur une vaste période au cours de laquelle les industries lithiques, considérées comme des marqueurs culturels, se développent, s’enrichissent et se diversifient. Cette diversification nous paraît aujourd’hui résulter de multiples facteurs. La transition des industries « acheuléennes » vers les industries « moustériennes » suit un certain nombre d’étapes, traduisant un cadre chronoculturel plus ou moins évolutif. Les industries de la Caune de l’Arago se placent dans ce cadre complexe et non-linéaire. Par leur richesse, leur diversité et leur étendue chronologique, elles sont une référence pour plusieurs étapes de l’Acheuléen méditerranéen. Elles expriment aussi la variabilité typotechnologique des industries au cours Paléolithique inférieur, dans des conditions paléoenvironnementales variées. Les industries à la base de l’ensemble stratigraphique I, dans des niveaux en cours de fouilles, rentrent a priori dans la variabilité des premiers ensembles lithiques à bifaces en Europe, parfois dénommés « Acheuléen ancien ». Les travaux en cours nous permettront de mieux les décrire et les définir, afin de préciser toutes leurs caractéristiques morphotechnologiques (Barsky et de Lumley, sous presse). L’ensemble stratigraphique II nous permet d’observer les caractéristiques d’une industrie typique du Paléolithique inférieur, avec une variabilité dictée par une multitude de conditions, tant environnementales que sociales. Dans l’ensemble stratigraphique III, des caractéristiques progressives se manifestent et l’outillage devient plus standardisé. H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 229 Planche 1. 1. C15.C12b. no 2907.sol H chopper en calcaire ; 2. F14.FA1. no 1144.sol G chopper en calcaire. (Dessins par J. Krzepkowska, H. Peuch et M. Montesinos). Plate 1. 1. C15.C12b. No. 2907.level H limestone chopper; 2. F14.FA1. No. 1144. level G limestone chopper. (Drawings by J. Krzepkowska, H. Peuch and M. Montesinos). 230 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Planche 2. 1. E17.EK2. no 605.sol D biface en cornéenne ; 2. D18.DSG9. no 280.sol G biface en cornéenne. (Dessins par J. Krzepkowska, H. Peuch et M. Montesinos). Plate 2. 1. E17.EK2. No. 605. level D hornblend handaxe; 2. D18.DSG9. No. 280. level G hornblend handaxe. (Drawings by J. Krzepkowska, H. Peuch and M. Montesinos). H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 231 Planche 3. 1. H15.HAY14. no 6862.sol G nucléus polyédrique (prismatique) en silex ; 2. H17.HQY3. no 2249.sol G nucléus globuleux en quartzite. (Dessins par J. Krzepkowska, H. Peuch et M. Montesinos). Plate 3. 1. H15.HAY14. No. 6862.level G polyhedral flint core (prismatic); 2. H17.HQY3. No. 2249.level G globular quartzite core. (Drawings by J. Krzepkowska, H. Peuch and M. Montesinos). 232 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Planche 4. 1, 3. J17.JM18. no 201.sol F en calcaire et C14.CFP1. no 3415.sol P nucléus discoïdes unifaces à plans de frappe partiellement préparés en quartzite et en grès-quartzite ; 2. I20.ILF9. no 2117.sol F nucléus à enlèvements centripètes uniface sur galet en quartzite. (Dessins par J. Krzepkowska, H. Peuch et M. Montesinos). Plate 4. 1, 3. J17.JM18. No 201.level F and C14.CFP1. No 3415.level P unifacial discoïdal cores in limestone and quartzitic sandstone with partially prepared striking platforms; 2. I20.ILF9. No 2117.level F unifacial discoïdal core in quartzite. (Drawings by J. Krzepkowska, H. Peuch and M. Montesinos). H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 233 Planche 5. 1. H15.HN1. no 8.sol D éclat en silex ; 2. D16.DQ6. no 421.sol E éclat en cornéenne ; 3. D16.DQ6. no 430.sol F éclat en grès ; 4. D16.DQ6. no 362.sol F éclat à bords corticaux en grès-quartzite ; 5. H15.HAZ4. no 1700.sol F éclat de percuteur en calcaire ; 6. H15.HAZ2. no 631.sol F éclat kombewa en silex à talon dièdre. (Dessins par J. Krzepkowska, H. Peuch et M. Montesinos). Plate 5. 1. H15.HN1. No 8.level D flint flake ; 2. D16.DQ6. No 421.level E hornblend flake; 3. D16.DQ6. No 430.level F sandstone flake; 4. D16.DQ6. No 362.level F flake with cortical edges in quartzitic sandstone; 5. H15.HAZ4. No 1700.level F limestone flake from a hammerstone; 6. H15.HAZ2. No 631.level F Kombewa flint flake with a dihedral striking platform. (Drawings by J. Krzepkowska, H. Peuch and M. Montesinos). 234 H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 Planche 6. 1. F15.FKY8. no 3413.sol G racloir latéral sur éclat en quartz hyalin ; 2. F14.FA1. no 1466.sol G racloir latéral sur éclat en silex ; 3. F14.FAY3. no 2055 bis.sol G racloir latéral par retouches abruptes en quartz hyalin ; 4. H15.HAY8. no 4669.sol G racloir latéral par retouches abruptes en quartz laiteux ; 5. F15.FL. no 1926.sol G racloir latéral par retouches marginales sur éclat en silex à talon punctiforme ; 6. F15.FKY12. no 4581.sol G racloir latéral sur éclat en silex ; 7. C13.CDR. no 35.sol H racloir latéral par retouches inverses sur éclat en silex à talon punctiforme ; 8. F13.FJ2. no 55.sol H racloir latéral à retouches mixtes sur éclat en silex à talon absent. (Dessins par J. Krzepkowska, H. Peuch et M. Montesinos). Plate 6. 1. F15.FKY8. No 3413.level G side-scraper on a translucid quartz flake; 2. F14.FA1. No 1466.level G side-scraper on a flint flake; 3. F14.FAY3. No 2055 bis.level G side-scraper with abrupt retouch on a translucid quartz fragment; 4. H15.HAY8. No 4669.level G side-scraper with abrupt retouch on a milky quartz fragment; 5. F15.FL. No 1926.level G side-scraper with marginal retouch on a flint flake with a reduced striking platform; 6. F15.FKY12. No 4581.level G side-scraper on a flint flake; 7. C13.CDR. No 35.level H side-scraper with inverse retouch on a flint flake with a reduced striking platform; 8. F13.FJ2. No 55.level H side-scraper with bifacial retouch on a flint flake. (Drawings by J. Krzepkowska, H. Peuch and M. Montesinos). H. de Lumley, D. Barsky / L’anthropologie 108 (2004) 185–237 235 Références Asfaw, B., Beyene, Y., Suwa, G., Walter, R.C., White, T.D., Woldegabriel, G., et al., 1992. The Earliest Acheulean from Konso-Gardula. Nature 360, 732–735. Barsky, D., 2001. Le débitage des industries lithiques de la Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales, France) : leur place dans l’évolution des industries du Paléolithique inférieur en Europe méditerranéenne. Thèse de Doctorat de 3e cycle, Université de Perpignan. Barsky, D., Grégoire, S., 2001. Nouvelles données sur l’origine des matières premières lithiques utilisées par les hominidés de la Caune de l’Arago. 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