Histoire contemporaine
L’Amérique latine au XXe siècle
Alexandre Fernandez
Université Michel de Montaigne
janvier 2005 - mai 2005
Introduction
On distingue trois temps dans l’histoire de l’Amérique latine au XXe siècle :
- L’Amérique latine de 1898 à 1930 (Chap. 1)
I - Oligarchies et caudillisme
II - La Révolution mexicaine (1910-1920)
III - Les illusions de la prospérité
- L’Amérique latine de 1930 à 1960 : “l’Époque nationale populaire” (Chap. 2)
I - Manifestation et effet de la crise des années 1930
II - Les populismes en Amérique latine
III - Nationalisme et économie : le développement autocentré
IV - “Démocraties” voies nouvelles du réformismes, révolutions des années 50 - 60
- La fin des “modèles nationaux” : l’Amérique latine et la “mondialisation” depuis 1960 (Chap. 3)
I - La lutte contre la révolution : le temps des dictatures (60 - 80)
II - L’Amérique latine et la “mondialisation néolibérale” (depuis 80)
Bibliographie :
- Chevalier F., L’Amérique latine de l’indépendance à nos jours, Paris, PUF, 1977
- Dabène O., La région amérique latine. Interdépendance et changement politique,
- Rouqié A., Amérique latine. Introduction à l’extrême occident, Paris, Le Seuil, 1987
L’Amérique latine est un vaste sous-continent, la notion de distance est complètement différente de
celle de de nos pays européens. Il faut bien prendre conscience de la profonde diversité des
paysages, diversité certes, mais aussi unité.
La notion d’Amérique latine renvoie a une unité linguistique. Elle s’étend à partir du sud du Rio
grande. Mais on note cependant des états non latins : les antilles françaises, la jamaïque
anglophone, la Guyana anglophone également, le Surinam hollandais, la Guyane française, le Belize
anglophone. La notion d’Amérique latine est donc une commodité de langage reflétant tout de
même la prépondérance des langues ibériques : espagnoles et portugais. L’Amérique latine renvoie
d’emblée à un passé colonial commun, elle se définit vis à vis d’un référant européen : la latinité.
Le peuplement de l’Amérique latine est lui aussi divers :
- les indiens forment le peuple originel, majoritaire en Bolivie, en Équateur, au Guatemala,
forte minorité au Pérou et en Amérique centrale, minorité notable au Mexique. Ces indiens, du moins
en Bolivie ne parle pas espagnol et conserve leur langue première. Le nombre d’indien est en forte
croissance.
- les métis composent la majeur partie de la population latino-américaine, ils sont majoritaires
au Mexique, au Pérou, au Brésil. Le métissage est le croisement des blancs avec les indiens, les
blancs avec les noirs, les noirs avec les indiens.
- les blancs. On distingue les créoles qui sont implantés depuis le début de la colonisation et
possède donc une forte attache en Amérique latine et les immigrants européens des XIXe et XXe
siècle, fait de l’exode européen, présents principalement en Uruguay, au Chili et dans le Sud du
Brésil.
- les noirs issus de l’esclavage sont principalement au Caraïbes, aux Antilles, en Haïti, au
Nord Est du Brésil, au Venezuela, en Colombie.
Les relations amérique latine-europe sont complexes :
A la fois attiré, fait des élites vis à vis de la culture européenne, renforcé par le besoin de distinction
vis à vis des autres.
Et en rejet, revendiquant l’indépendance, indépendance faite par les créoles. Le libertador Bolívar est
blanc. L’indépendance est le fait des élites blanches et non des indiens. (excepté au Mexique).
Les différences sociales sont déterminés par les différences culturelles et ethniques.
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Chapitre I
L’Amérique latine de 1898 à 1930
Oligarchies et Caudillismes
1 - Les structures agraires
Les structures agraires de l’Amérique latine sont issues d’une part de la colonisation et d’autre part
de la “modernisation” du XIXe.
Il s’agit du grand domaine : hérité de la colonisation, c’est le latifundio, grande propriété à la base
du prestige social, du pouvoir et de la fortune. Le grand domaine est une société d’exploitation. Le
latifundio perpétue des valeurs sociales seigneuriales.
On distingue :
- les haciendas du Mexique et les estancias d’Argentine et d’Uruguay, tournées vers l’élevage.
- les fazendas du Brésil, plantations de café, de sucre (Cuba, Colombie,...)
Le XIXe est une période de renforcement du grand domaine. L’indépendance n’a pas inversé la
donne, bien au contraire, elle a renforcé la concentration foncière.
Car, avec l’indépendance, est réalisé le courant de la modernité politique : à savoir le libéralisme
bourgeois. Ce qui a entraîné une dislocation des structures juridiques d’ancien régime, à savoir
l’absence de propriété du sol. Les biens collectifs ont donc été disloqués et vendus. Au Mexique, les
ejidos sont vendus.
Les structures économiques collectives sont donc versés dans le circuit économique :
- les indiens ne peuvent donc qu’en récupérer une infime partie, ne pouvant racheter leur terre.
- La domination sur la terre sous l’Ancien régime est multiple, c’est la fin de la distinction, les
aristocrates voient donc leur pouvoir s’accroitre. Ils rachètent les terres qu’ils géraient et agrandissent
leur terre.
- La modernité fait rentrer le concept de rentabilité économique des terres, l’aspect économique
devenant dominant, la gestion des terres se fait donc en fonction des besoins du marché et non de
la population. Les terres collectives en friche sont donc mises sous cultures, terres (baldios au
Mexique) qui avaient une forte utilité sociale.
La conclusion est donc une concentration plus forte à la fin du XIXe. Au Mexique, 85% des terres
sont détenus par 1% de la population. Au Brésil, 64 000 propriétaires détiennent 84 millions
d’hectares.
Ce problème de la répartition des terres est toujours une question actuelle, un nœud central des
problèmes en Amérique latine.
C’est une question sociale et économique majeure, l’agriculture formant l’essentiel des revenus
de l’économie latino-américaine. Au début du XXe, 2/3 PIB latino américain provient de l’agriculture.
Le lieu de la mise en valeur économique, c’est le grand domaine.
Le latifundio est un système de domination archaïque qui englobe l’ensemble de la population sur
les terres mêmes et sur ses marges. La population du grand domaine est soumise à l’autorité du
maître. Mais d’un point de vue économique, les grands domaines sont pleinement intégrés dans
les circuits économiques modernes mondiaux (+/-), soucieux d’une efficacité économique (+/-),
possédant un mode d’exploitation efficace (+/-). Les grands domaines sont économiquement
moderne et socialement archaïque. Ex : le café est soumis à l’autoritarisme du propriétaire de la
plantation mais est un secteur en pointe, pleinement intégré à l’économie monde. (une agriculture
de plantation n’est pas une agriculture de subsistance).
2 - Culture, institutions et pouvoirs
1. Culture européenne, cultures indiennes
Les indépendances du début du XIXe sont le fruit de l’aristocratie créole qui s’est opposée au
pouvoir espagnol, leurs revendications s’inscrivent dans l’esprit des Lumières et leur politique ont
été influencées par le positivisme de Comte. Par exemple, au Brésil, la philosophie officielle est le
positivisme et sur le drapeau figure la devise de Comte (Ordre et Progrès). Le dictateur mexicain
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Porfirio Diaz est entouré d’ingénieur et d’intellectuels positivistes, les cientificos). Cependant certaines
élites restent attachées au catholicisme.
Les élites latino-américaines sont donc fortement imprégnées de culture européenne. Leur objectif
est de maintenir l’ordre social. La réalité de l’indigénisme et du métissage est donc ignorée. Les
métisses n’existent pas pour eux et sont ignorés sauf dans une certaines mesures au Mexique.
Coexiste donc deux cultures : la culture officielle de référence européenne et la culture indigène.
2. La difficile consolidations des États-nations au XIXe
L’histoire des États américains au XIXe a été particulièrement mouvementé : conflits inter-étatiques
(Bolivie/ Pérou, Pérou/Chili), luttes intra-étatiques entre centralistes et fédéralistes (comme en
Argentine). Les États américains sont, pour la plupart, des états fédéraux (Mexique, Argentine, Brésil)
non seulement en raison de la taille des États.
Dans ses conditions, certains hommes ambitieux disposant de la force militaire (les caudillos) ont pu
confisquer le pouvoir politique à leur profit, et exercer des dictatures plus ou moins violentes. Le
caudillo est un guide pour son pays, sa légitimité étant fondée sur sa valeur militaire qui suppose
des valeurs morales et politiques. L’exemple type du caudillo installé au pouvoir est celui de Porfirio
Diaz au Mexique de 1876 à 1910.
L’histoire de la consolidation des États-Nations au XIXe est celle d’un conflit permanant entre la
volonté centralisatrice de l’État et les forces centrifuges des pouvoirs locaux et régionaux. Ces
seigneurs territoriaux avec lesquels l’État devra négocier faute de pouvoir les contrôler, s’appuient sur
des formes de sociabilité traditionnelle et des réseaux locaux fortement ancrés dans le territoire. La
figure du cacique renvoie à la faiblesse de lÉtat et à la nécessité de la médiation pour assurer le
contrôle étatique.
On a la relation entre deux processus : la formation de l’État et celle de la Nation. Le premier
suppose la neutralisation des autonomies locales, le second la capacité de transmettre des valeurs,
des référents et des droits à l’ensemble de la population. Aussi la construction d’un ordre spatial et
social libéral met en confrontation pendant tout le XIXe siècle un centre faible et des pouvoirs locaux
vivaces.
Que l’on ait adopté une constitution plutôt présidentialiste ou parlementaire, le suffrage universel
n’est adopté en Argentine qu’en 1912, en URUGUAY en 1918 (y compris le suffrage féminin dans
ce dernier cas). Ailleurs on en est encore très loin. À la veille de la première guerre mondiale,
seulement 5% des adultes mâles votent en Colombie, 3% au Chili. Au Chili encore, dans les années
1960, il n’y a que 20% d’électeurs et 44 % seulement dans les années 70. De toute façon, le
système électoral fonctionne bien mal, parce que il y a de très fortes contraintes sur les votes et
parce que les résultats sont truqués.
Dans les pays il existe un semblant de vie politique, celle-ci se divise en partis libéraux et
conservateurs, comme en Colombie. Il n’y a pas de différences majeurs sur les politiques
économiques et sociales et ils partagent le même mépris et la même indifférence à l’égard du peuple.
Les libéraux sont plus européens i.e. anglophiles, liés au milieu du négoce, tandis que les
conservateurs sont plus hispanophiles, catholiques et militaires. Malgré tout, les affrontements
peuvent être violents : ainsi durant la “guerre des milles jours” entre octobre 1899 et novembre 1902
qui opposa libéraux et conservateurs il y eut plus de 100 000 morts en Colombie.
À l’exception de l’Uruguay José Battle y Ordoñez par deux fois président de la république entre
1903 et 1915 fit adopter une législation sociale très avancée : journée de travail de 8 heures, droit de
grève, législation des syndicats, divorce en plus d’une constitution réellement démocratique. Ailleurs,
les institutions de la démocratie ne sont que purement théoriques. Dans beaucoup de cas, cela s’est
estompé au profit d’une dictature pure et simple celle de Vicente Gomez (1908 - 1935) au
Venezuela ou encore celle de Porfirio Diaz au Mexique de 1876 à 1910.
Au début du siècle, seuls l’Argentine, l’Uruguay, le Chili, la Colombie et le Costa Rica ont l’apparence
de régime constitutionnels à peu près représentatifs. Dans la plupart des états, le choix politique est
entre une oligarchie de propriétaire ou encore un caudillo exerçant le pouvoir de façon dictatorial se
raccommodant ou pas avec l’oligarchie.
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3. Les interventions des États-Unis en Amérique latine
Le tournant du siècle (1898) est marquée par l’intervention des États-Unis en Amérique latine. Ce
n’est pas un phénomène nouveau, mais cet interventionnisme prend de l’ampleur, il devient plus
résolu, plus systématique au cours du XXe. Le fondement idéologique de cet interventionnisme est
la doctrine Monroe en 1823, légitimé par le Manifest Destiny du peuple américain fondé sur le
respect de l’autonomie des Amériques face aux européens. Cette doctrine se base sur la croyance en
la supériorité du modèle moral, politique et social des États-Unis et la nécessité de le protéger par
tous les moyens : diplomatique (pressions sur la GB au sujet du Venezuela et de la Guyane),
militaire (intervention à Cuba), idéologique.
Le soutien aux insurgés cubains est le prétexte de la guerre menée contre l’Espagne. Lors de la
signature du traité de Paris les États-Unis annexent Port Rico et obtiennent un protectorat sur Cuba
(amendement Platt) : les marines garantissant la sécurité de l’île grâce à la cession de territoires pour
l’installation de bases (Guantanamo). Ce n’est qu’en 1922 que les cubains obtiennent une
indépendance surveillée. Le scénario de l’intervention se reproduit quelques années plus tard aux
dépend de la Colombie.
L’interventionnisme se dote d’un instrument efficace de propagande avec les conférences
Panaméricaines où les États-Unis assurent la direction et établissent l’ordre du jour.
La défense des intérêts économiques des entreprises nord-américaines apparaît primordiale et
particulièrement évident dans le cas de Panama. Après l’acquisition de la Compagnie française qui
avait débuté les travaux par une cie américaine, les ÉU obtiennent une bande de territoire de 6 Miles
de large pour 99 ans (janvier 1903). Cependant certains milieux colombiens voyant là un abandon
de la souveraineté, les ÉU soutiennent une révolte de séparatiste panaméen qui aboutit à la création
de l’État indépendant du Panama.
Fort de ses succès à Cuba et au Panama, Théodore Roosevelt définit placidement dans un mélange
de naïveté et de cynisme, le droit d’intervention des ÉU sous le nom de politique du big stick (gros
bâton). D’où les interventions en République Dominicaine en 1905 s’ensuit un véritable
gouvernement des marines jusqu’en 1941, à Haïti en 1915, au Nicaragua en 1909, 1912 et 1926.
L’arrivée au pouvoir de Franklin Delano Roosevelt en 1933 va représenter une certaine volonté de
substituter une politique de “bon voisinage”. On reconnaît enfin tout au moins formellement l’égalité
des nations, l’abolition de l ‘amendement Platt concernant Cuba par exemple, la non-intervention
lors de la nationalisation de pétrole par Cardenas au Mexique en 1938.
Mais cela ne signifie pas que les ÉU ne sont pas attentifs à la défense de leurs intérêts ni à la
promotion d’un américanisme à l’échelle du continent, dont ils seraient le guide et qui s’exprimerait
par le commerce.
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