Le 5 janvier 2004 La représentation du divin dans l'Antiquité grecque. Vinciane Pirenne Préambule : - Nécessité de donner une définition du concept « religion ». Nous partirons d’un point sur lequel à peu près tout le monde est d’accord et nous nous contenterons de celui-la, c’est-à-dire qu’une religion fait référence à un niveau supra humain (au-dessus de l’humain). Pour le reste, la notion de religion donne trop d’approches différentes. - La religion de l’antiquité grecques (encore appelée paganisme) offre l’avantage certain de ne plus faire partie de nos croyances même si elle fait encore partiellement partie de notre culture (Ex. Fusée Ariane) et nous avons donc pris à son égard la distance affective nécessaire. Vision globale : - Il existe pour les grecs de l’antiquité un supra avec lequel ils ont tentés d’entrer en contact. - Il est polythéiste et peuplé de nombreux dieux aux formes multiples, comme c’est d’ailleurs le cas pour d’autres religions sur tout le pourtour de la Méditerranée. - La représentation du monde des dieux est pensé comme un modèle humain et familial, elle est donc anthropomorphe (utilise la représentation de l’homme pour l’appliquer à un autre modèle, ex. Faire vivre les animaux comme des humains, cf. bd de Boule et Bill, Snoopy, Garfield, …) mais elle magnifie (rend plus beau) ce qui est humain. Ainsi, si les dieux prennent une forme humaine lorsque les grecs se les représentent, ils croient que les dieux ne vieillissent pas, ne meurent pas, ils sont plus beaux, plus forts, … . Comme les humains, ils se reproduisent. Leur rapport à la nourriture est particulier. Ils ne sont pas indifférents à la nourriture, ont besoin de se nourrir mais pas comme l’homme à raison de X repas par jour. Ils se nourrissent de la fumée des animaux sacrifiés. - L’anthropomorphisme des dieux porte également sur les passions humaines et ce n’est pas qu’un phénomène de surface. Les dieux se mettent en colère , tombent amoureux, … . - Les dieux grecs sont divins en les comparant par rapport à l’homme (immanence) mais pas d’une manière transcendante. Ndr : Il ne sont pas d’une nature supra humaine mais super humaine. 1 - La puissance des dieux vient de ce qu’ils participent directement du cosmos. Ils ne sont pas à côté, au dessus ou rétractés de leur création. Ils sont liés à tous les aspects du cosmos. - Les dieux naissent avec le monde mais ils ne le créent pas. Ils sont partie prenante dans le fonctionnement du monde. Ce sont des entités qui font partie de la vie, de la communauté, de l’histoire des grecs. Les dieux sont dans la nature et en font partie. Les sources : Quelles sont nos sources pour essayer de décrire cette manière de se représenter les dieux chez les Grecs de l’Antiquité? · Les écrits mythiques · La description des formes de culte. Ndr : Madame Pirenne, travaille en historienne donc méthodologiquement, elle ne peut s’appuyer que sur des textes. 1. Les écrits mythiques. Un grec du II siècle av. JC se réfère essentiellement à deux auteurs dont les écrits se sont plus ou moins stabilisés dans une forme qui sert de référence admise de tous: · La poésie d’Homère (+/- VIII siècle av. JC) · La poésie d’Hésiode (+/- VII siècle av. JC) Remarques : 1. Certaines origines sont actuellement contestées mais l’important n’est pas là par rapport à notre démarche. 2. Les deux auteurs sont poètes donc ils écrivent inspiré par la Muse. - Dans l’épopée homérique, nous avons l’Iliade et l’Odyssée. Ces récits nous fournissent des instantanés de la vie des dieux, des héros et des demi-dieux au travers des récits mettant en scène des humains. - Avec Hésiode, nous avons un autre modèle un autre modèle d’exposition. · Nous quittons la belle histoire pour une théogonie (Description de l’histoire de la création des dieux), une cosmogonie (Description de la création du monde et de l’univers) et un mythe de souveraineté (Pourquoi Zeus est le dieu dominant). · Hésiode met en place un discours généalogique et donne une explication du monde de son début à maintenant avec des générations successives de dieux. Il décrit la prise de pouvoir progressive par Zeus qui va stabiliser le cosmos en y introduisant l’équilibre et la justice distributive. · Comment les fonctions vont-elles être répartie entre les dieux ? Quelles sont les parts d’honneur ? 2 · Hésiode est conscient que son système explicatif est imparfait mais en même temps, il lui faut prouver, démontrer la puissance et la souveraineté de Zeus. Dans ce contexte, il n’y a donc pas de logique de non contradiction, une chose être une et son contraire. Ce qui est exotique pour l’homme occidental de notre temps. · Les dieux ont besoin des hommes pour se sentir pleinement dieux. S’il n’y a pas de création des hommes Zeus a un problème. Les hommes vont surgir dans la vision du cosmos lorsque se posera le problème de la souveraineté des dieux car une des fonctions de l’homme est de rendre un culte au divin avec celles de travailler et de se reproduire. Les hommes sont donc mis à distance lors de la création du cosmos et ils n’apparaissent que par après sans qu’on sache trop comment ils ont été créés. Des écrits mythiques ont peu donc synthétiser les traits suivants : 1. L’anthropomorphisme 2. La pluralité des dieux 3. La notion de part d’honneur 4. Les dieux ont besoin des hommes 2. Les cultes rendus dans la cité. A. L’épiclèse et les aspects favorables du dieu. Le dieu est adoré sous un nom et une épiclèse, c’est à dire un qualificatif qui précise la fonction qu’il rempli dans la cité. Par exemple, Zeus peut-être … · basileos donc « roi » · poliouchos donc « maître de la cité » · etc. Si, on prend Athéna pour Athène même, elle peut-être … · polias donc « maîtresse de la cité » · ergané donc « industrieuse » (commerce, artisanat, …) · nike donc « victorieuse » · promachos donc « combattante » Il y a donc prolifération des aspects de la divinité. Mais quelle en est l’utilité ? Nous revenons, en fait, à cette notion de « part d’honneur ». Chaque dieu possède des aspects bénéfiques que l’on tente de s’attirer en lui rendant hommage. Nous sommes bien loin de l’homogénéité de la figure divine et chaque dieu a ses limites dans son pouvoir. Le système fait « fouillis » mais il n’est pas aléatoire. Par exemple, à l’occasion du mariage, on pouvait invoquer plusieurs dieux en leur offrant des sacrifices : · Zeus et Héra pour favoriser l’union du couple. · Artémis pour l’accueil et la protection des enfants. 3 · Peitho pour que la femme suive facilement l’époux et se détache facilement de sa famille d’origine. · Aphrodite pour favoriser la sexualité. La divinité va donc apporter des qualités particulières. B. La statue de culte. - La statue n’est pas considéré comme étant le personnage divin. Les Grecs ne confondent pas le dieu et la statue. - Elle sert à en manifester la fonction, c’est un moyen de communication, de médiation entre les hommes et le dieu. - Ici aussi la « part d’honneur » entre en jeu : Le mot grec pour désigner la statue est « AGALMA » ce qui signifie également bijou et parure. C’est un cadeau fait au dieu qui en échange se manifeste et répand ses effets bénéfiques. - On s’efforce de faire la statue la plus belle, la plus précieuse possible mais l’aspect de l’œuvre n’est pas le plus important. Des description expliquent que certains support pour le culte ne sont pas forcément des statues mais ce peut être un bloc de pierre brute, une planche, un vieux morceau de bois tordu, … . L’aspect anthropomorphique n’est pas une condition éliminatoire. C. La catégorisation de ce monde divin. Il y a des dieux, des déesses, des héros, des « daîmons ». - Les dieux et les déesses. Ce système est anthropomorphique donc, il y a des dieux (masculin) et des déesses (féminin). Le système grec est patriarcal alors pourquoi y a-t-il des déesses ? Elles assument au niveau divin les aspects de l’affectivité et de la fécondité. Pourtant ce schéma connaît des exceptions notables avec Athéna qui a des fonctions guerrières et assez masculines (cf. précédemment). Il semble donc que ce qui prime, c’est la puissance divine. - Les héros. La vision homérique qui est la plus répandue dans notre culture, nous avons du héros une vision de type « superman », super homme, surhomme, … 4 L’historien relève que le héros est en fait un personnage du passé honoré par et dans une communauté. Toute la communauté se sent concernée car ce mort célèbre est censé encore faire du bien pour la communauté. Le personnage tend à se diviniser avec le temps et à augmenter la multiplicité de ses aspects bénéfiques (cf. explications en D). - Le daîmon. C’est la face indéterminée, non identifiée du pouvoir d’un dieu. L’humain identifie une présence , une puissance divine mais sans pouvoir la nommer, elle est donc « daîmon ». Elle peut-être bénéfique ou maléfique. Avec le démon du christianisme, il ne restera que le second aspect. D. Le problème de la divinisation des mortels. Certains mortels deviennent des dieux. Comment et pourquoi ? On ne devient pas divin en dépassant la condition humaine mais augmentant les qualités du personnage. Comment faire concrètement pour augmenter les qualités du personnage ? C’est à travers le culte que cela s’observe, principalement par la qualité et la quantité des hommages rendus au mortel qu’on veut diviniser. Donc, nous sommes à nouveau devant un phénomène de part d’honneur. Cela se voit dès le III siècle av. JC et on pourra l’observer régulièrement pour les empereurs romains. En fait, le système de la « part d’honneur » ne s’applique pas qu’aux dieux, tout le système culturel antique favorise l’hommage à une personne qui à rendu service ou glorifié la cité. Lorsque quelque chose est favorable à la cité, c’est une manifestation du divin. Si un homme réussit pour la cité, c’est une manifestation du divin. Il se produit un amalgame entre la personne humaine mortelle et le divin qui se manifeste à travers elle. Conclusions : Le monde des dieux grecs est donc largement extensible et anthropomorphe. Il y a néanmoins des moments où l’anthropomorphisme n’est pas en mesure de prendre le dessus. C’est par exemple quand la puissance se manifeste d’une manière non identifiée (to theion – to daîmonion). Cet au-delà va être exploité par la philosophie pour se dépêtrer de l’anthropomorphisme mais ici nous quittons l’histoire des religions pour celle de la philosophie. 5