Le cœur d`une étoile massive enfin dévoilé

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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Le cœur d'une étoile massive enfin dévoilé
16/04/10
HD50230 est le doux nom d'une jeune étoile massive au centre d'une publication qui vient de paraître dans
la revue Nature (1). Si cette étoile attire les projecteurs sur elle, c'est parce qu'elle est la première à dévoiler
les mouvements qui animent son cœur. C'est bien plus que par défi que les astrophysiciens tentent de percer
le secret des profondeurs des étoiles, pourtant inaccessibles directement : les processus physicochimiques à
l'œuvre à l'intérieur des étoiles influencent l'évolution de celles-ci et, à plus grande échelle, l'histoire chimique
des galaxies, dont celle de notre Voie Lactée.
Si l'intérieur d'une étoile n'est pas directement observable, il peut néanmoins être étudié de manière indirecte,
par l'astérosismologie ou sismologie stellaire. Son principe est le même que celui utilisé pour étudier les
profondeurs de notre planète à partir des tremblements de terre.
Une étoile ressemble à un cœur qui bat à des rythmes qui dépendent essentiellement de ce qu'elle a dans le
ventre. Sa surface est animée en permanence d'un mouvement vibratoire dont l'étude est une porte ouverte
sur sa structure interne... Sur le plan observationnel, les vibrations d'une étoile se traduisent par des variations
périodiques de son éclat. Cependant, l'amplitude de cette variabilité lumineuse est tellement infime qu'il est
nécessaire de mesurer la luminosité de l'étoile avec une précision du millionième pour espérer «voir» sa
surface trembler. Cette précision ne peut être atteinte qu'en collectant un maximum de lumière en provenance
de l'étoile à étudier et donc d'augmenter la durée d'observation en continu... un objectif difficile à réaliser
avec un télescope cloué au sol, soumis au rythme du cycle jour-nuit et aux aléas météorologiques, mais
envisageable avec un télescope spatial...
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(1) Degroote P., Aerts C., Baglin A ., Miglio A., Briquet M., Noels A., Niemczura E., Montalban J., Bloemen S.,
Oreiro R., Vu#kovi# M., Smolders K., Auvergne M., Baudin F., Catala C., Michel E., Deviations from a uniform
period spacing of gravity modes in a massive star, Nature 464 (11 mars 2010), pp. 259-261.
L'astérosismologie est un des principaux objectifs de la mission spatiale CoRoT (COnvection ROtation and
planetary Transits), conçue par l'Agence Spatiale Française (CNES) en collaboration avec plusieurs pays
européens dont la Belgique (Lire l'article «Voyage au cœur des étoiles»). Mis en orbite il y a plus de trois ans,
le télescope franco-européen CoRoT permet de réaliser des runs de 150 jours d'observation quasi continue
sur quelques étoiles-cibles bien choisies, offrant à l'astérosismologie observationnelle l'occasion de prendre
un réel envol.
C'est au cours d'un de ces runs qu'avait été observée la « himère» dont l'analyse par une équipe liégeoise avait
fait l'objet d'une publication dans Science l'été dernier (Lire à ce sujet l'article «Observation d'une chimère
avec CoRoT»). C'est encore au cours d'un de ces longs runs de CoRoT qu'a été observée HD50320, l'étoile
massive dont parle aujourd'hui la revue Nature.
En début de vie, une telle étoile
massive est caractérisée par une abondance en hydrogène relativement constante avec la profondeur.
Ensuite, l'hydrogène est brûlé dans un cœur convectif qui représente 10% environ de la masse de l'étoile.
Cette phase, appelée séquence principale, occupe 90% de la vie de l'étoile. Les couches appartenant à ce
cœur sont mélangées de façon efficace et leur composition chimique, de plus en plus pauvre en hydrogène, est
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homogène dans toute la région convective. Entre l'abondance d'hydrogène dans cette région et celle qui règne
dans le reste de l'étoile, apparaît alors une zone de transition au travers de laquelle la composition chimique
varie rapidement en fonction de la profondeur. La localisation, la forme et l'étendue précises de ce gradient de
composition chimique dépendent de la présence éventuelle au sein de l'étoile de processus additionnels de
mélange, tels que la rotation de l'étoile sur elle-même qui introduit de la turbulence ou la pénétration convective
qui entraîne des éléments du noyau convectif vers la zone radiative.
Si des modèles théoriques
permettent de simuler cette séquence principale, les observations qui viendraient les valider sont difficiles à
obtenir puisque l'intérieur des étoiles est inaccessible directement. Le satellite CoRoT a observé les vibrations
de la surface de HD50230 pendant une période continue de 137 jours, ce qui a permis d'obtenir des courbes
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de lumière d'une très grande précision. En particulier, CoRoT a enregistré un grand nombre de modes de
gravité, relatifs à des ondes qui traversent les couches profondes de l'étoile, jusqu'à atteindre les couches
entourant le cœur convectif. L'étude de ces modes de gravité fournit donc une porte ouverte sur la structure
profonde de cette étoile.
L'analyse des courbes de lumière de HD50230 a été réalisée par une équipe de la KUL autour de Pieter
Degroote. Leur interprétation revient aux astrophysiciens de l'Institut d'Astrophysique et de Géophysique
de l'Université de Liège qui voient leurs prédictions théoriques confirmées, comme l'explique l'astrophysicienne
Arlette Noels : «La théorie asymptotique prédit que, dans une étoile homogène en composition chimique,
les modes de gravité d'ordre élevé sont régulièrement espacés en période. L'introduction d'une telle zone de
transition en composition chimique a pour conséquence d'introduire une variation périodique de l'espacement
en période autour d'une valeur moyenne, et ce, avec une période liée à la localisation précise de cette zone
dans l'étoile. CoRoT confirme cela : c'est la première fois que cette zone de transition, si proche du centre de
l'étoile, est observée, par l'intermédiaire de la sismologie stellaire.»
En fait, les observations de CoRoT sont tellement fines qu'elles permettent d'aller beaucoup plus loin. «En
2008, nous avions montré que l'amplitude de cette oscillation décroissait pour les modes de gravité de
périodes de plus en plus grandes (2), reprend notre astrophysicienne. L'analyse théorique montre que plus cet
amortissement est important, plus la transition en composition chimique est douce. La localisation, la forme
et l'étendue de la zone de transition apportent des contraintes importantes sur la présence et l'efficacité des
processus additionnels de mélange.»
(2) Miglio A., Montalban J., Noels A., Eggenberger P., Probing the properties of convective cores through g modes: high-order g modes in SPB and # Doradus
stars, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 386 (2008), 1487 - 1502.
Les informations que renferme cette zone de transition dépassent largement le cadre de l'étoile concernée.
En effet, la théorie de l'évolution stellaire prédit que la limite inférieure de la masse des étoiles qui vont finir
leur vie en supernova dépend de l'étendue du cœur mélangé et par conséquent de la localisation de la zone
de transition. En effet, pour les étoiles ici concernées, deux scénarios de fin de vie sont possibles : la naine
blanche ou la supernova. Une étoile comme notre soleil et la majorité des étoiles, finit en naine blanche :
une fois la combustion centrale de l'hélium terminée, les couches centrales se contractent, l'étoile devient de
plus en plus lumineuse et au-delà d'un certain éclat, les couches extérieures sont expulsées dans le milieu
interstellaire. Ceci forme une magnifique nébuleuse planétaire qui entourera le reste de l'étoile qui deviendra
à terme un corps compact froid, à savoir une naine blanche.
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Une étoile plus massive termine sa vie dans une explosion spectaculaire, appelée supernova. Phénomène
exceptionnellement lumineux, une supernova peut devenir pendant plusieurs heures aussi lumineuse que
l'ensemble des étoiles de la galaxie. L'énergie dégagée par un tel phénomène ponctuel est comparable à celle
qu'émettrait notre soleil pendant toute son existence de dix milliards d'années.
Qu'elle devienne naine blanche ou supernova, une étoile qui meurt restitue au milieu interstellaire les éléments
qu'elle a fabriqués en son sein. Néanmoins, « l'enrichissement galactique » dû aux supernovae n'est pas le
même que celui provenant de la formation des naines blanches. Certains éléments ne sont produits que par
l'un ou par l'autre de ces processus. Les isotopes les plus lourds d'autres éléments proviennent des explosions
de supernovas et les plus légers, de l'éjection des nébuleuses planétaires.
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Ainsi, l'histoire chimique des galaxies est directement liée à
cette masse critique qui délimite les scénarios supernova ou naine blanche... et donc à la localisation et à
l'étendue de la zone de transition dans les étoiles massives. Théoriquement, cette masse critique est de l'ordre
de neuf masses solaires, en l'absence de processus additionnels de mélange. L'introduction de tels processus
augmente l'étendue de la zone centrale homogène en déplaçant la zone de transition, ce qui abaisse cette
masse seuil et donc augmente le nombre d'étoiles qui finissent leur vie en supernova. Ainsi, plus la zone
mélangée dans les étoiles massives est grande, plus le destin supernova est favorisé par rapport à celui de
la naine blanche.
L'histoire chimique des galaxies dépend donc des processus à l'œuvre dans le cœur des étoiles et, en
particulier, de la localisation de la zone de transition dans les étoiles de masse intermédiaire. «Avec cette
observation de HD50230 avec CoRoT, nous en sommes au début, explique Arlette Noels. Nous avons observé
pour la première fois une oscillation autour d'un espacement moyen en période des modes de gravité dans une
étoile massive de séquence principale et nous avons en outre mis en évidence un amortissement confirmant
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les prédictions que nous avions faites l'an dernier. Il nous reste encore à modéliser de façon précise ces
observations pour obtenir des résultats quantitatifs. Mais une première étape a été franchie : nous avons pu
voir la zone de variation de composition chimique à l'intérieur de l'étoile.»
Parmi les étoiles-cibles de CoRoT, HD50230 est la première pour laquelle ce type d'observations a été
possible. Mais le programme d'observation de CoRoT pour les trois années à venir est encore à déterminer.
Qui sait si une compagne ne viendra pas la rejoindre...
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