quotidiennement fut, selon Pline l'Ancien et Aulu Gelle, Scipion l'Africain. « P. Scipion l'Africain et d'autres personnages
distingués de son siècle avaient l'habitude de se raser les joues et le menton avant d'être parvenus à la vieillesse »,
rapporte Aulu Gelle dans ses « Nuits Attiques ». A la suite de cette première remarque, il rajoute quelques intéressantes
notations : « En lisant l'histoire de la vie de P. Scipion l'Africain, je remarquai un passage où l'on rapportait que P.
Scipion, fils de Paul, après avoir triomphé des Carthaginois et exercé les fonctions de censeur, fut cité devant le peuple
par le tribun Claudius Asellus, auquel il avait retiré son cheval pendant sa censure; que, Scipion, quoique accusé, n'en
continua pas moins de se raser, de se montrer vêtu d'une robe blanche; en un mot, qu'il ne prit rien de l'appareil
ordinaire des accusés. Comme Scipion, à cette époque, avait près de quarante ans, je fus tout étonné de voir qu'à cet âge
il se rasait la barbe. Mais bientôt je m'assurai qu'à cette époque les autres personnages de distinction de son âge avaient
coutume de se raser. C'est pour cela que nous voyons beaucoup d'anciens portraits où sont représentés sans barbe
des hommes qui, sans être vieux, sont déjà au milieu de leur carrière » (Aulu Gelle, Noct. Att., III, 4; cf. également Pline
l'Ancien, Hist. Nat., 1, VII, 59, 211). Ce texte introduit des éléments tels que l'âge qui compliquent un peu la question et
on se doute bien que l'histoire capillaire n'est pas aussi simple et linéaire que ce qu'ont pensé Varron ou Pline l'Ancien.
Les Romains n'ont pas systématiquement porté la barbe et les cheveux longs jusqu'au temps de Scipion. Rasoirs et
ciseaux existent en Étrurie et dans le Latium bien avant cette période, comme l'attestent de nombreuses trouvailles
archéologiques. Il apparaît cependant que la mode du cheveu court et de la barbe rase est largement dominante dans
l'Empire entre le I° siècle avant J.-C. et la période d'Hadrien. C'est probablement Ovide qui a dressé le meilleur portrait
de ce que devait être à ses yeux l'apparence capillaire idéale du romain : « Une simplicité sans art est l'ornement qui
convient à l'homme.[...] Que tes cheveux, mal taillés, ne se hérissent pas sur ta tête; mais qu'une main savante coupe
et ta chevelure et ta barbe. » (Ovide, Ars. Amat., I, 503-522). Mais la réalité est un peu plus complexe, plus variée. En
ce qui concerne la barbe, il existait les adeptes du rasoir ou du ciseau. Auguste, comme nous l'avons vu ci-dessus,
d'après ce que rapporte Suétone, se faisant tantôt raser, tantôt tondre la barbe (Suét., Aug., 79). Cette affirmation est en
contradiction avec ce que note Pline l'Ancien, qui écrit qu'Auguste utilisait toujours le rasoir (Pline, Hist. Nat., 1, VII, 59,
211). Quoi qu'il en soit, Suétone, rapporte comme une bizarrerie qu'Othon se soit rasé tous les jours. Il est probable
que, la plupart du temps, les Romains n'étaient pas rasés de près; ils devaient porter une courte barbe bien taillée, telle
que la portent par exemple nombre d'empereurs au cours de la seconde moitié du III° siècle ap. J.-C., et que l'on peut
observer sur de nombreuses monnaies. C'est d'ailleurs l'ordre naturel des choses, selon Ovide, qui écrit dans Les
Métamorphoses que « L'oiseau est embelli par son plumage, la brebis par sa toison : ainsi la barbe sied à l'homme, et un
poil épais est pour son corps un ornement. » (Ovide, Les Métamorphoses, XIII, 831-851).
La barbe et les cheveux complètement incultes sont, dans l'ensemble, mal vus. De même, le rasage et ou l'épilation à
outrance sont suspects. Othon a le courage d'un homme, mais son rasage quotidien est qualifié par Suétone de «
coquetterie de femme » (Suétone, Othon, XII). Ovide, lui, est encore plus net : il affirme sans nuance que se friser les
cheveux avec un fer chaud ne convient qu'aux eunuques, aux homosexuels, ou, à la rigueur, ... aux femmes (Ovide, Ars.
Amat., I, 503-522 ). Cicéron quant à lui écrit ceci à propos d'un certain C. Fannius Chaerea : « A elle seule, cette tête,
avec ses sourcils rasés de près, ne nous paraît-elle pas sentir la perversité, proclamer la fourberie ? Du bout des pieds
au sommet du front, - si l'extérieur des hommes, sans un mot, suffit à la révéler, Chaerea ne nous semble-t-il pas un
composé de fraude, de tromperie et de mensonge ? S'il se fait toujours raser la tête et les sourcils, c'est pour justifier
l'expression : "pas un poil d'honnête homme" » (Cicéron, Pro Roscio Comoedo, 20). Les chauves étant à ce point mal
vus, on comprend que les hommes souffrant de calvitie soient mal à l'aise. On a dit déjà à quel point Domitien regrettait ses
cheveux. Jules César lui-même, d'après Suétone, « supportait très péniblement le désagrément d'être chauve, qui
l'exposa maintes fois aux railleries de ses détracteurs. Aussi ramenait-il habituellement sur son front ses rares cheveux
de derrière; et de tous les honneurs que lui décernèrent le peuple et le sénat, aucun ne lui fut plus agréable que le droit
de porter en toute occasion une couronne de laurier. » (Suétone, César, XLV).Il est vrai que les monnaies de César le
présentent avec une couronne de laurier qui couvre largement sa tête, masquant ainsi les rares cheveux qui lui restent,
et ces portraits semblent donner raison à Suétone...
Denier de César (Photo BNF)
A la barbe est associée l'idée de masculinité, mais aussi l'idée de jeunesse et de vieillesse, ainsi que quelques autres
états ou attitudes. En effet, la rasure de la barbe et du duvet naissant des jeunes romains était l'occasion d'un rite de
passage qui marquait la sortie de l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte. Suétone évoque ainsi la « depositio barbae
» de Caligula : « A l'âge de 19 ans, Tibère l'ayant fait venir à Capri, en un même jour il prit la toge et se fit raser la barbe,
sans recevoir aucun des honneurs qu'avaient obtenus ses frères pour leur début dans le monde » (Suétone, Caligula,
X). Contrairement à Caligula, qui n'a peut-être pas reçu tous les honneurs de sa « depositio barbae », une grande fête
est organisée en l'honneur de la rasure de la première barbe de Néron : « Dans les jeux gymniques qu'il donna dans
l'enceinte des élections, il se fit couper la barbe pour la première fois, dans la pompe d'une hécatombe, et il la renferma
dans une boite d'or enrichie de perles les plus précieuses, qu'il consacra à Jupiter Capitolin » (Suétone, Néron, XII).
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