Le premier empire colonial : lEgypte en Nubie, 3200-1200 BC.
Traduction des chapitres sur l’Ancien
Empire et le Moyen Empire d’un article de
William Y. Adams
Université de Kentucky
Paru dans Comparative Studies in Society
and History, Vol. 26, N° 1 (Jan., 1984),
36-71
L’Ancien Empire : lâge de lexploration.
Comme c’est habituel en histoire, les relations économiques entre l’Egypte et la Nubie semblent avoir
précédé les relations politiques. me aux temps prédynastiques (avant l’unification de l’état
égyptien) il y avait un commerce régulier entre les deux pays, ce qui est attesté par des
marchandises fabriqes en Egypte et trouvées dans des tombes nubiennes. Le volume de telles
marchandises montre un accroissement substantiel durant lebut de lariode dynastique, puis
diminue à peu près au moment où le pharaon atteignait une consolidation maximum de son pouvoir.
Les articles les plus remarquables de fabrication égyptienne trouvés en Nubie sont des choses comme
des ciseaux en cuivre, des vases en albâtre, et des ornements en ivoire des produits de la
technologie supérieure du pays au nord. Le volume de telles marchandises est, cependant,
considérablementpassé par la quantité de simples jarres en poterie faite au tour, qui doivent être
venues en Nubie à l’origine comme conteneurs de livraison (10). Leur contenu avait bien sûr é
perdu depuis longtemps ou consommé; le fait quelles aient é impores à l’origine comme
conteneurs et non pour leur bien propre peut être déduit du fait que les Nubiens fabriquaient des
poteries de leur cru répondant parfaitement au besoin, et décorée de façon beaucoup plus élaborée,
bien que pas fabriquée au tour. Heureusement, un texte biographique de la 6ème dynastie fait
mention du gt des Nubiens pour le miel égyptien, l’huile et les onguents, ainsi que pour les
vêtements tissés (11); sans doute ces articles étaient-ils les contenus d’origine des nombreux
récipients égyptiens que l’on a trouvés dans les tombes nubiennes primitives.
.(10) Pour une discussion sur les marchandises égyptiennes dans les tombes nubiennes primitives, voir
Bruce G. Trigger, History and Settlement in lower Nubia, Yale University Publications in
Anthropology, n° 69 (New haven, 1965), 70-73; et W.B. Emery, Egypt in Nubia (Londres, 1965 :
publié aux Etats-Unis sous le titre Lost Land Emerging (New-York, 1965)), 125.
.(11) Cf. trigger, History and Settlement, 71.
L’Ancien Empire : lâge de lexploration.
C’est une supposition sûre que les Nubiens ne recevaient pas les produits de luxe égyptiens en cadeau; un produit ou des
produits du pays du sud doivent avoir été échangés contre eux. Ces produits n’ont pas survécu archéologiquement, et
ils n’ont pas émentionnés dans des textes hiéroglyphiques avant la 6ème dynastie. Cependant, la nature diffuse du
commerce lui-même exclut virtuellement la possibilité que des esclaves ou du minerai furent les premières
exportations de Nubie. Comme nous lavons vu ci-avant, les Egyptiens obtenaient habituellement les marchandises
par saisie directe, pour laquelle les Nubiens ne curaient rien en échange. Nous sommes enclins, donc, à déduire
que les marchandises nubiennes qui étaient impliquées dans le commerce largement étendu et pacifique avec
l’Egypte du pdynastique et du début du dynastique étaient ces mes produits des fots et savanes tropicales –
ivoire, ébène, peaux, et encens- qui furent plus tard prééminentes dans les relations commerciales égyptiennes.
De nombreux éléments sugrent que le premier commerce entre l’Egypte et la Nubie était une affaire prie et largement
inorganisée. Il semble avoir atteint son apogée à une époque (durant la première et/ou la seconde dynastie) avant que
les pharaons aient ussi à monopoliser le pouvoir politique et économique dans leurs propres mains, et il ny a pas de
mention dentreprise commerciale dans les annales biographiques des premiers souverains égyptiens. La distribution
très large et , de fon surprenante, équitable des marchandises égyptiennes dans les tombes nubiennes suggère
également un système décentrali déchange : peut-être la sorte de commerce local de gré à gré qui s’estveloppé
le long du Nil jusqu’aux temps modernes (12). Le fait que la distribution était dans les mains d’entrepreneurs égyptiens
plutôt que nus peut être déduit du fait que les Egyptiens au début de la période dynastique possédaient déjà des
vaisseaux-cargos à voile, alors quil n’y a pas de témoignage que les Nubiens avaient quelque chose de similaire. Il
est remarquable que, jusqu’à la fin de lAncien Empire, lentreprise commerciale égyptienne a été confinée à la partie
la plus au nord de la Nubie, entre la Première et la Seconde Cataractes –une zone qui est navigable de façon continue
une fois que la Première Cataracte a été passée.
(12) Voir G.A. Reisner « Ancient Egypt. Forts at Semna and Uronarti », Bulletin of the Museum of Fine Arts (Boston), 27/ 163
(1929), 66
L’Ancien Empire : lâge de lexploration.
Quelque temps avant 3000 BC, un certain roi Djer, un des pharaons peu connus de la première dynastie
de l’Egypte, a conduit une expédition en Nubie jusqu’à la Seconde Cataracte du Nil, où il a laissé une
inscription sur un affleurement rocheux à codu fleuve. Le texte, qui est semi-pictographique plutôt
que hiéroglyphique, semble commémorer une opération militaire contre les Nubiens, et montre un
captif ligo attaché à la proue du bateau du roi (13). Ceci peut être un enregistrement du premier
raid d’esclavage dans l’histoire nubienne. Il y a d’autres enregistrements moins ambigus de raids
d’esclavage lors des dynasties 2, 4, et 6 (14).
Un changement significatif est observable dans le caractère des relations commerciales égypto-
nubiennes après la première et la seconde dynasties. Dans les deux pays il y a une disparition
virtuelle des marchandises de luxe dans les tombes des indigènes ordinaires (15). Ce phénomène a
été associé par les historiens au monopole alisé de la richesse et du pouvoir dans les mains du
pharaon après le troisième dynastie; à partir de ce moment le surplus de richesse de l’Egypte, et
peuttre également de la Nubie, a été ponctionné par les souverains pour payer leurs pyramides et
autres extravagances (16). Il est significatif que par la suite quand nous entendons parler du
commerce nubien, tardivement à la sixième dynastie, c’est une entreprise royale.
.(13) L’inscription de Djer. Pour une illustration, vr A.J. Arkell, A History of the Sudan, rev. Ed. (London,
1961), 39; pour une interprétation, voir Trigger, History and Settlement, 73.
.(14) La pierre de Palerme et les inscriptions de Pépinakht et Sebni. Pour les traductions appropriées et
une discussion, voirTorgny Säve-Soderbergh, Ägypten und Nubien (Lund, 1941), 7-10; Emery, Egypt
in Nubia, 127-32; et James Breasted, Ancient Records of Egypt (New-York, 1962), vol. I,
paragraphes 355, 358-59, 363, 365-66.
.(15) Pour lemoignage nubien, voir Emery, Egypt in Nubia, 127-30; Trigger, History and Settlement,
78-79.
.(16) Cf. Wilson, Culture, 271; Trigger, History and Settlement, 79.
L’Ancien Empire : lâge de lexploration.
Avec la consolidation du pouvoir pharaonique et le clin ou l’élimination du commerce privé, l’intérêt
égyptien pour la Nubie semble avoir glissé pour un certain temps vers ses ressources humaines et
minérales. Après l’expédition du roi Djer il n’y avait plus eu dopérations militaires dans le sud sous la
première dynastie, et il y a seulement un enregistrement plutôt ambigu dun conflit à la seconde
dynastie (17), mais ce ne fut pas beaucoup plus tard que Snéfrou conduisit son expédition célèbre
qui a déclaré la capture de 7000 hommes et 200000 têtes de bétail (18). Aucun enregistrement de
raid d’esclavage aux dynasties 4 et 5 ne survit, mais il y en a plusieurs à la 6ème dynastie, époque à
laquelle les souverains égyptiens étaient en train de commencer à se fier militairement aux troupes
nubiennes pour renforcer leur poigne en train de faiblir sur le pays au nord (19). Ce fut durant la
6ème dynastie que le gouverneur du district d’Assouan reçut un statut spécial de « gardien de la
porte du sud » (20), préfigurant une longue période durant laquelle un contrôle de la frontière sud et
de ses ressources, devait devenir une des clés du pouvoir politique en Egypte. Cette situation, qui a
persisté durant plus de 1500 ans, fournit un exemple classique de la « loi de domination
périphérique » de Toynbee (21).
.(17) Stèle de la Victoire de Khasekhemouy. Voir Säve-Söderbergh, Ägypten und Nubien, 7-8; et Emery,
Egypt in Nubia, 127.
.(18) Pierre de Palerme. Pour une discussion, voir Säve-Söderbergh, Ägypten und Nubien, 9-10.
.(19) Voir E.A. Wallis Budge, The Egyptian Sudan (Londres, 1907), I. 516.
.(20) Cf. Hermann Kees, Ancient Egypt (Chicago, 1961), 311-12.
.(21) Arnold J. Toynbee, A Study of History (New-York, 1962), V, 267-69.
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