Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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Collision de vents stellaires
06/05/08
Dans un article publié dans Astronomy and Astrophysics (1), le chercheur liégeois Jean-Christophe
Leyder rend compte de la découverte d'émissions très énergétiques en provenance de l'étoile massive η
(eta) Carinae. Une observation réalisée grâce au satellite Integral de l'Agence Spatiale Européenne.
Contrairement aux apparences, les étoiles ne se ressemblent pas : on trouve des grosses et des petites,
des très chaudes et des plus froides, des très massives et d'autres moins, des vieilles et des jeunes, etc.
Dans cette faune stellaire, notre Soleil occupe un rang moyen : il est une étoile toute simple et commune.
Parmi les astres très étudiés se trouvent les étoiles massives : leurs masses vont de 25 à 100 fois celle
de notre Soleil, fier de ses modestes 2 mille milliards de milliards de tonnes. Les étoiles massives sont
peu nombreuses. Jugez plutôt : notre Voie Lactée contient une étoile massive pour des milliers d'étoiles
semblables à notre Soleil. Néanmoins, les étoiles massives sont prisées par les astronomes à cause de
la matière qu'elles disséminent dans le milieu interstellaire au travers de tempêtes, matière qui influence
grandement le comportement des galaxies abritant ces étoiles massives.
Par leurs vents, les étoiles massives alimentent le milieu interstellaire en éléments lourds qu'elles produisent
dans leurs cœurs. Ces éléments lourds sont les ingrédients qui interviennent dans la formation de nouvelles
étoiles mais aussi des planètes, notamment les rocheuses comme notre Terre.
Les vents des étoiles massives sont d'une extrême violence, par opposition à la quiétude qui règne au
voisinage de notre petite planète bleue : alors que le vent solaire s'échappe paisiblement à une vitesse de
croisière de 500 km/s et soustrait à l'astre du jour chaque année 10-14 fois sa masse, une étoile massive
perd 10-5 à 10-4 masse solaire par an, au moyen de vents qui peuvent atteindre des vitesses de 2000 km/s.
Autrement dit, une étoile massive peut maigrir de l'équivalent d'un soleil tous les 10 000 ans !
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Dans ces conditions extrêmes, on comprend que lorsque deux étoiles massives vivent en couple, cela fasse
des étincelles : dans les systèmes binaires d'étoiles massives, la rencontre des vents stellaires émis par
chacune des étoiles produit une fantastique zone de choc, en aval de laquelle les gaz peuvent atteindre des
températures de quelques millions de kelvins. Cette onde de choc est d'ailleurs détectable avec un instrument
sensible aux rayons X, comme le télescope spatial XMM de l'Agence Spatiale Européenne.
Les modèles théoriques de vents stellaires et les simulations numériques prédisent alors l'émission de rayons
γ (gamma), par un processus appelé le rayonnement Compton inverse. De quoi s'agit-il ? «Les électrons
éjectés par les vents stellaires sont piégés dans la zone de choc notamment à cause d'un champ magnétique,
explique Jean-Christophe Leyder. Là, ils vont faire des allers-retours et ainsi être accélérés jusqu'à des
vitesses proches de celle de la lumière : c'est le mécanisme de Fermi. Lorsque ces électrons relativistes
seront enfin libérés de cette ronde effrénée, ils vont rencontrer des photons UV émis par les étoiles. A chaque
collision, il y a transfert d'énergie de l'électron au photon qui, partant du domaine d'énergie UV, atteint des
domaines d'énergie beaucoup plus élevés. Ce sont donc les collisions successives entre les électrons de
très haute énergie et les photons de plus basse énergie qui sont la source d'un rayonnement intense dans le
domaine des très hautes énergies dit "des rayons #".»
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L'astronomie γ est une entreprise particulièrement ingrate dans la pratique, à cause des conditions techniques
très compliquées qui doivent être rassemblées pour permettre la détection d'un rayonnement γ. Tout d'abord,
ce dernier est tellement énergétique qu'il ne peut pas être focalisé dans un détecteur de la même manière
qu'un rayonnement visible plus traditionnel : les ingénieurs ont utiliser de ruses (techniques mais aussi
informatiques) pour empêcher ce rayonnement rebelle de traverser les instruments ou tout le moins pour
pouvoir détecter les photons suspects, et ainsi analyser correctement le signal complexe obtenu. Ensuite, les
sources γ, même les plus intenses, émettent peu de photons, puisque chaque photon γ emporte à lui seul une
grande quantité d'énergie. La faible intensité des sources γ nécessite donc de longs temps d'observation pour
pouvoir augmenter le rapport signal-sur-bruit et ainsi être détectées. La troisième difficulté à laquelle doit faire
face l'astronomie γ est le bouclier qu'est (heureusement) l'atmosphère terrestre vis-à-vis des rayonnements de
très hautes énergies : leur détection directe requiert l'envoi d'un détecteur dans l'espace et donc l'exposition
à des bombardements intempestifs qui viennent polluer les signaux recherchés.
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Lancé en octobre 2002, le télescope spatial Integral (INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory)
de l'Agence Spatiale Européenne est en train de révolutionner le ciel γ, en livrant des images d'une
incroyable précision comparée à celle des précédents instruments sensibles aux rayons γ. Integral est
l'instrument idéal pour tenter de détecter les faibles émissions γ prenant naissance dans les systèmes
binaires à collision de vents. Peu d'étoiles sont connues à ce jour comme appartenant à de tels systèmes.
Les astronomes doivent donc ratisser large : le catalogue de sources placées sous la haute surveillance
d'Integral comporte plus de 400 étoiles massives, toutes susceptibles d'appartenir à un système binaire à
collision de vents.
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A ce jour, Integral a détecté une seule source γ qui serait issue d'une collision de vents stellaires. Cette
source provient du système binaire auquel appartient la fameuse étoile η (eta) Carinae. «L'observation
résulte de l'accumulation d'observations pendant plus de 3,3 méga secondes de données, précise Jean-
Christophe Leyder. Cela équivaut à 38 jours d'observations continues. A titre de comparaison, la détection
d'une simple source X avec le satellite XMM requiert seulement de l'ordre de 50 000 secondes de temps
d'observation...»
Cette première observation
confirme une précédente détection obtenue avec la mission BeppoSAX de l'Agence Spatiale Italienne. La
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