La pollution lumineuse
2008
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«C’est comme une fleur, Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c'est doux, la nuit, de regarder le ciel.
Toutes les étoiles sont fleuries. » Le Petit Prince CH. XXVI.
Cette année est particulière, l’UNESCO et l’Union Astronomique
Internationale ont déclaré 2009 Année Mondiale de l’Astronomie
(1). Cette année verra le quatre centième anniversaire de la premiè-
re observation du ciel avec une lunette, par Galilée. Cette année
sera l’occasion pour tous de regarder la beauté du ciel, d’observer
les objets célestes et les planètes qui s’y trouvent…. Mais depuis
Galilée, il s’est passé bien des choses ! Lui n’était gêné par aucune
lumière, à l’exception peut-être de quelques chandelles et torches
présentes dans les rues. Il pouvait admirer comme tous ses ancê-
tres, la beauté du ciel étoilé et ainsi faire des observations qui ont
servi aux hommes (calendrier, navigation). Ce temps est bien loin,
la pollution lumineuse n’était pas ou peu présente. Pourtant une
prise de conscience et quelques mesures simples pourraient inver-
ser cette progression.
Lumières des hommes et Lumières détoiles, notre patrimoine.
Lumières des hommes et Lumières détoiles, notre patrimoine.
« Le ciel nocturne et bas s’éblouit de la ville » Guillaume Apollinaire in Poèmes retrouvés
La Grande ourse, le Sagittaire, l’Arche, la Voie Lactée… Nous connaissons ces mots. Le ciel, les astres et les
objets qui le composent font partie de l’histoire des hommes. De tout temps le ciel fut le miroir de nos rêves et
nous l’avons peuplé de mythes et d’histoires… Notre vocabulaire en garde la trace : désastre, méridien, équinoxe,
etc.…
Mais dans la plupart des villes le ciel semble avoir été vidé des étoiles, laissant derrière lui une brume vide qui
reflète notre peur de l'obscurité et ressemble à une lueur urbaine de science-fiction. Nous sommes tellement habi-
tués à cette brume orange omniprésente que la beauté d'une nuit non illuminée, assez sombre pour que la planè-
te Vénus projette son ombre sur le sol, est presque effacée de notre mémoire collective.
Et pourtant, au-dessus du pâle plafond de la ville se trouve le reste de l'univers, encore totalement non affecté
par cette lumière que nous perdons inutilement.
Le fond lumineux d’étoiles, de planètes et de galaxies, brillant dans une obscurité apparemment infinie nous
devient inaccessible….
La pollution lumineuse.
par Alain Le Gué
Dossier environnement
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La grande majorité de ceux qui veulent voir, comprendre et
admirer le ciel, vivent de plus en plus en ville et ne peuvent
plus admirer les beautés célestes que dans les livres ou les pla-
nétariums. Il est bien loin le temps les gens pouvaient admi-
rer le ciel devant leur porte… Il est bien loin le temps un
peintre pouvait peindre le ciel et rêver (fig. 1)
Il disait : Observer les étoiles m’a toujours fait rêver, aussi simplement
que je rêve sur les points noirs qui représentent les villes ou les villages sur
une carte. Pourquoi me demandais-je, les points brillants du ciel ne
seraient-ils pas aussi accessibles que les points noirs sur une carte de
France…
Nous sommes des animaux diurnes et notre peur ancestrale du
noir, accentuée par le fait que nous vivons et consommons de
plus en plus de nuit comme de jour, nous attire vers ce senti-
ment de sécurité que prodigue la lumière.
Une sphère de lumière en plus.
Une sphère de lumière en plus.
Mais d’où vient ce que l’on nomme pollution lumineuse ?
Pour les astronomes tant professionnels qu’amateurs, la pollution lumineuse est une augmentation de la
luminosité du ciel supérieure de 10 % à la luminosité naturelle, et qui par conséquent diminue le contras-
te entre les astres et la nuit.
Pour comprendre ce fait, il faut se rappeler que pour voir un objet de faible luminosité, il faut que cet
objet soit notablement plus lumineux que le fond d’où il se détache. Par exemple, la lune est mieux visi-
ble de nuit que de jour, faites l’expérience de repérer le dernier quartier de lune en plein jour ! Il en est
de même pour les étoiles…Ainsi dans une grande ville comme Paris, sous un ciel orangé, nous ne pou-
vons voir que quelques étoiles brillantes ! Alors que bien loin de là, dans la campagne et dans un ciel
bien noir exempt d’éclairage, nous pouvons en voir près de 3000 !… Moi-même, dans les années soixan-
te-dix, je pouvais voir la Voie Lactée à Saint Brieuc dans le quartier de Ginglin. Il n’en n’est plus ques-
tion aujourd’hui…
Mais comment le fond du ciel peut-il devenir si lumineux ?
Mais comment le fond du ciel peut-il devenir si lumineux ?
Nous sommes entourés d’une atmosphère et c’est cette atmosphère qui nous donne cette couleur bleue
des belles journées ensoleillées. C’est la lumière du soleil diffusée par la haute atmosphère qui donne
cette belle couleur au ciel le jour. Dans une moindre mesure, la nuit, la lumière des astres, de la lune, dif-
fuse et éclaire le fond du ciel d’une clarblafarde.
Dans le cas qui nous intéresse, c’est toujours notre atmosphère qui est en jeu, mais notre basse
atmosphère qui contient vapeur d’eau, aérosols divers et particules. Tous nos éclairages artificiels, même
ceux qui éclairent vers le bas, éclairent toutes les surfaces et tous les composants de celle-ci. Les surfa-
ces réfléchissent, plus ou moins selon leur état une partie de la lumière et tous les aérosols et les parti-
cules diffusent aussi de la lumière. Toute cette lumière réfléchie par les surfaces éclairées et diffusée par
l’atmosphère à laquelle s’ajoute la lumière directement émise vers le ciel font que l’atmosphère devient
lumineuse. Et nous qui sommes à l’intérieur de celle-ci, avons l’impression de voir une voûte céleste
luminescente. Ceci est la pollution lumineuse. (2)(Fig. 2)
Dossier environnement
Fig. 1 : Café le soir à ARLES par
Vincent VAN GOGH
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La lumière et la vie.
La lumière et la vie.
Tout ce qui vit sur Terre a évolué avec les successions du jour et de la nuit… Il n’y a pas que les astro-
nomes qui vivent avec le ciel étoilé et avec les cycles naturels dont le cycle jour/nuit. Savez-vous que cer-
tains oiseaux, certains insectes, se servent des étoiles et de la lune, pour migrer? (3) D’autres, comme les
tortues marines ou les jeunes Pétrel de Barau ne suivent pas les étoiles mais ont besoin de nuit noire
pour retrouver la mer, qui reflète la faible clardu ciel nocturne (4). La pollution lumineuse n’a donc
pas que des effets délétères sur l’observation astronomique. Elle a également toutes sortes d’effets sur
la faune et la flore.
Les lumières, dirigées ailleurs que vers ce qu’elles sont censées éclairer attirent, sidèrent et épuisent beau-
coup d’animaux qui deviennent plus sensibles à la prédation. Un moyen simple de constater ce phéno-
mène est de regarder les lampadaires constellés d’insectes, ou le soir le ballet des chauves-souris près des
sources de lumière (5).
La flore, elle aussi est touchée. De jour, la photosynthèse est le processus dominant (la plante produit
davantage de nutriments qu'elle n'en utilise durant la respiration). La nuit, la respiration devient le pro-
cessus exclusif (la plante consomme des nutriments pour sa croissance ou d'autres réactions métabo-
liques). L’alternance profite successivement aux deux phénomènes vitaux et est donc indispensable.
Et les humains, astronomes ou non ? Leur santé est sûrement affectée. Nous ne pouvons dormir ou
alors très mal dans une chambre avec de la lumière qui vient de la rue. Nous sommes tous des êtres diur-
nes mais nous avons besoin du cycle jour-nuit pour recaler nos rythmes biologiques (6). D’autre part
notre sécrétion de mélatonine est affectée par la lumière (7). Et pourtant cette hormone est indispensa-
ble pour trouver le sommeil et aussi recaler notre horloge biologique. Elle est aussi un antioxydant qui
serait un facteur de réduction de certaines tumeurs cancéreuses, mais tout cela reste à vérifier. Le plus
important est que sans une bonne qualité de sommeil, notre qualité de vie est diminuée. D’autre part,
les enfants ont besoin de la nuit pour secréter de l’hormone de croissance.
Pour terminer, il ne faut pas oublier que des lampadaires de mauvaise qualité qui sont mal dirigés
éblouissent, et ne participent en rien à la sécurité des personnes. Les voleurs aiment l’ombre, c’est bien
connu ! Comment voulez-vous les voir, si vous êtes ébloui ou si la rue est tellement éclairée que les omb-
res portées deviennent très noires.
Fig. 2 : La baie de Saint-Brieuc la nuit, depuis la pointe du roselier
Dossier environnement
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Mais que peut-on faire ?
Mais que peut-on faire ?
Une loi dite Grenelle 1 a été votée presque unanimement par les députés, la loi d’application dite
Grenelle 2 est à l’étude, mais les normes, les lois et les décrets d’application, ne servent à rien s’ils ne
sont pas respectés. Bien entendu on pense à l’éclairage public de nos rues et des monuments… Mais il
n’y a pas que cela, il ne faut pas oublier toutes les publicités lumineuses, les éclairages privés des parkings
de supermarché ou des résidences.
C’est à nous tous de convaincre et de faire appliquer des mesures simples….
Pour faire simple : éclairons le sol, pas le ciel.... Il ne faut pas éclairer nos amies les étoiles dont la lumiè-
re est si faible après un si long voyage... C’est une condition sine qua non pour ne pas aggraver la for-
mation du halo de pollution lumineuse.
Nous ne possédons pas de données fiables sur l’énergie consommée par les tous les éclairages privés,
mais nous savons (Source ADEME 1999-2000) que l’éclairage public consomme 1200 MW soit une
tranche de centrale nucléaire, soit environ 500 000 tonnes de CO2 équivalent. Il y a 8 570 000 lampes
dont 3 300 000 lampes à mercure (environ 40 %) et 4 600 000 lampes à sodium. En France, avec les
villes qui s’éclairent de plus en plus, l’éclairage de monuments et les nouveaux usages, nous sommes pas-
sés de 70 KWh en 1990 à environ 90 KWh par habitant en 2000 et nous éclairons deux fois plus qu’en
Allemagne. La consommation représente 40% de la facture d’électricité et 25% de la facture globale en
énergie. Voir le petit tableau ci-dessous :
En moyenne donc, la dépense associée (hors entretien, maintenance et exploitation) représente une
charge financière de 1,85 milliards d'euros TTC soit 31,4 euros par habitant. Rapportée à la dépense
totale de fonctionnement des communes, cette dépense représente un peu moins de 4% du budget de
fonctionnement.
En général le coût de l’entretien et la maintenance ont un montant équivalent, voire supérieur au coût
de l’énergie consommée.
Il faut savoir que, par des mesures techniques, il y a des gisements d’économies possibles. Selon
Dominique FOURTUNE de l’ADEME, le gain du remplacement des lampes à mercure par des lampes
à sodium serait de 530GWh ; des commandes plus précises permettraient un gain de 5%, soit 250 GWh
et des ballasts électroniques de 10 %, soit 500 GWh ; le remplacement des «boules» par des luminaires
fonctionnels économiserait 125 GWh avec beaucoup moins de nuisances lumineuse; enfin la mise en
place sur la moitié du parc de réducteurs/variateurs de puissance serait une économie d'environ 25%
soit 625 GWh. Le total des gisements cumulés est de l'ordre de 30 % soit 1700 GWh, ou 185 000 ton-
nes de CO2 équivalent (1 KWh égal en moyenne 109g en fait entre 85 et 134).
Dossier environnement
Consommation d’énergie totale
source ADEME 2000
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