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Du soleil aux étoiles
C’est en 1908 que George Hale, de l’Observatoire du
Mont Wilson aux États-Unis, découvre la présence d’un
champ magnétique sur le Soleil, à l’intérieur des taches
sombres qui maculent sa surface. C’est la première fois
qu’on détecte un champ magnétique sur une étoile. Pour
obtenir ce résultat, il utilise l’effet du champ magnétique
(effet Zeeman) sur le rayonnement d’une source lumineuse,
découvert et documenté 12 ans plus tôt par le prix Nobel
Pieter Zeeman.
Depuis cette première, nos connaissances sur le champ
magnétique du Soleil ont considérablement progressé. On
sait maintenant par exemple que ce champ ressemble,
comme celui de la Terre, à un dipôle et que c’est lui qui
orchestre tous les phénomènes d’activité observés sur le
Soleil – notamment la délicate couronne révélée lors des
éclipses totales ainsi que les éruptions explosives qui se pro-
duisent souvent dans son atmosphère. Il est même probable
que l’activité solaire puisse agir sur la Terre en modifiant le
climat ; on pense en effet que la période de froid intense qui
s’est installée sur l’Europe au XVIIesiècle, le « Petit Age
Glaciaire », a été causée par une baisse notable de l’activité
du Soleil.
Malgré tout, on comprend encore bien mal les processus
physiques, baptisés dynamos, qui produisent le champ
magnétique du Soleil. Observer d’autres étoiles que le
Soleil, à la manière d’un docteur qui ausculte plusieurs
patients pour mieux décrypter le mécanisme d’une maladie,
peut se révéler très instructif. C’est dans ce but qu’une
méthode similaire à celle employée par George Hale pour le
Soleil, la spectropolarimétrie, a été progressivement mise au
point pour explorer le champ magnétique d’autres étoiles.
Si le principe utilisé pour les mesures n’a pas été modifié, les
techniques de détection, la sensibilité des instruments, la
précision des données et les outils d’analyse ont énormé-
ment évolué depuis un siècle. Grâce à ces progrès, on a
appris qu’à l’instar du Soleil, la plupart des étoiles peu mas-
sives possèdent un champ magnétique ; on observe égale-
ment que les étoiles plus massives abritent un champ
magnétique d’une nature différente, sans doute un « fos-
sile » datant de l'époque à laquelle l'étoile s'est formée ; on
suppute enfin que le champ magnétique assiste et contrôle
la naissance des étoiles et des planètes.
Polarimétrie et imagerie médicale
appliquées à l’astronomie
Le champ magnétique des étoiles n’est pas chose facile à
détecter. On le mesure en général en examinant les
modifications subtiles qu’il induit dans le spectre des étoi-
les, et notamment dans les raies causées par l’absorption
plus ou moins forte du rayonnement en provenance des
régions centrales de l’étoile par les espèces chimiques pré-
sentes à la surface à l’état atomique. Quand un champ
magnétique est présent dans l’atmosphère de l’étoile,
chaque raie spectrale se scinde en multiples composantes ;
de plus, les composantes ainsi produites sont polarisées,
Aimants cosmiques :
le magnétisme des étoiles
Le champ magnétique joue un rôle décisif à presque toutes les phases de la vie des étoiles – lors de
l'effondrement des nuages moléculaires qui les font naître, pendant leur adolescence et leur maturité où
leur rotation s’amenuise, jusqu'au moment où elles rejoignent le cimetière cosmique sous la forme de
naines blanches ou d’étoiles à neutrons.
De nouveaux instruments, les spectropolarimètres ESPaDOnS et NARVAL, ont été récemment développés
en France ; installés sur les télescopes Canada-France-Hawai’i (Hawai’i, USA) et Bernard Lyot (Pic du Midi,
France), ESPaDOnS et NARVAL sont spécifiquement optimisés pour étudier le champ magnétique des
étoiles. À terme, il s’agit de mieux comprendre d’où vient le champ magnétique des étoiles et comment il
influence les mécanismes de formation et d’évolution stellaire.
Article proposé par :
Jean-François Donati, [email protected]
Laboratoire d’Astrophysique de Toulouse-Tarbes, UMR 5572, CNRS/Université de Toulouse 3/Observatoire Midi-Pyrénées, Toulouse
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Aimants cosmiques : le magnétisme des étoiles
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c’est-à-dire que la lumière émise ou absorbée dans cette raie
possède des propriétés vibratoires spécifiques. Cette polari-
sation peut être linéaire ou circulaire, suivant notamment
l’orientation du champ magnétique par rapport à l’observa-
teur. Dans la majorité des cas, le champ magnétique n’est
pas assez intense pour produire une nette séparation des
raies spectrales, qui sont alors simplement élargies. La pola-
risation des composantes reste en revanche bien visible et
permet d’estimer de manière fiable l’intensité et la direction
moyenne du champ magnétique d’une étoile.
Les instruments développés pour réaliser ces mesures
doivent donc à la fois mesurer le spectre de la lumière d’une
étoile et sa polarisation – on les appelle des spectropolari-
mètres. Les deux plus modernes d’entre eux, ESPaDOnS et
NARVAL, sont des instruments jumeaux conçus et déve-
loppés à l’Observatoire Midi-Pyrénées, qui permettent de
mesurer la totalité du spectre visible et proche infrarouge
d’une étoile (de 370 à 1000 nm) en une seule pose dans
l’état de polarisation choisi. Ils sont respectivement installés
au Télescope Canada-France-Hawai’i (au Mauna Kea à
Hawai’i, un des meilleurs sites astronomiques au monde,
figure 1) et au Télescope Bernard Lyot du Pic du Midi. Leur
efficacité hors du commun leur permet d’observer des clas-
ses d’étoiles non encore accessibles par les prototypes plus
anciens. Ils scrutent souvent le ciel en tandem, afin de sui-
vre en continu les évolutions temporelles des étoiles à tra-
vers leurs spectres.
Si le Soleil est assez proche pour qu’on puisse distinguer
des détails à sa surface, les étoiles, dans leur très grande
majorité, n’apparaissent à l’observateur que sous la forme
d’un point lumineux ; même les outils et techniques d’ima-
gerie les plus sophistiquées, comme l’interférométrie, ne
parviennent pas à obtenir mieux qu’une mesure du diamètre
ou de l’aplatissement pour les plus grosses d’entre elles.
Pour dépasser cette limitation, on utilise la rotation des
étoiles – plus précisément, il s’agit d’observer, dans le spec-
tre de la lumière intégrée sur l’hémisphère visible d’une
étoile et aussi continûment que possible sur une rotation
complète, le défilement des différentes régions magnétiques
couvrant la surface. Si la période de rotation est d’environ
28 jours pour le Soleil, elle peut être beaucoup plus courte
pour certaines étoiles (seulement quelques heures pour les
plus rapides), mais aussi beaucoup plus longue pour d’au-
tres (plusieurs centaines de jours pour les plus lentes). Avec
l’aide de techniques d’imagerie similaires à celles qui sont
employées en médecine pour cartographier (par tomogra-
phie) l’intérieur du corps humain, il est possible d’arriver à
reconstruire, à partir de telles observations, l’organisation
complexe du champ magnétique d’une étoile. Cette
méthode permet d’identifier la position des régions magné-
tiques à la surface de l’étoile, d’après le temps pendant
lequel les signatures polarisées associées restent visibles pour
l’observateur. Pour les étoiles qui tournent rapidement, la
position des régions magnétiques est aussi contrainte par le
déplacement, à travers le profil des raies spectrales, des
signatures qu’elles engendrent ; ces signatures sont en effet
successivement bleuies puis rougies (par effet Doppler)
quand la région magnétique s’approche puis s’éloigne de
l’observateur avec la rotation de l’étoile. De la sensibilité des
signatures polarisées à l’orientation du champ magnétique,
il est même possible de déduire la manière dont ce champ
émerge de (ou plonge dans) la surface de l’étoile. En
couplant toutes ces informations, il est enfin possible de
retrouver la topologie à grande échelle du champ magné-
tique de l’étoile.
Les étoiles peu massives :
convection, rotation,
dynamo et activité
C’est dans les éclipses totales que le Soleil révèle sa nature
magnétique et dévoile sa couronne. Cette structure, com-
posée d’un gaz ténu chauffé à plusieurs millions de degrés,
visualise les lignes de champ magnétique émergeant du
Soleil. Par endroits, la couronne est bien ancrée à la surface
par des arches magnétiques ; en d’autres points en revan-
che, les lignes de champ sont ouvertes et le gaz coronal
s’échappe librement vers l’espace interstellaire à des vitesses
supersoniques – c’est le vent solaire.
Si la nature magnétique de cette couronne (ainsi que des
taches, des éruptions et de toutes les manifestations d’acti-
vité que le Soleil exhibe) a longtemps été soupçonnée, c’est
Hale qui l’a prouvée en premier puis qui a montré que ce
champ, complexe à la surface (figure 2), inclut également
une composante simple de type dipolaire. Depuis, les étu-
des ont montré que cette composante globale, relativement
faible (quelques 0,1 mT seulement, soit environ 1000 fois
Figure 1 – Le spectropolarimètre ESPaDOnS inclut deux modules,
un polarimètre installé au foyer du télescope (en haut a droite) et relié
par fibre optique à un spectrographe monté dans une enceinte ther-
mique (en haut à gauche). Équipé d’un miroir de diamètre 3,6 m, le
télescope Canada-France-Hawai’i est situé au sommet du volcan
Mauna Kea sur la grande île de l’archipel d’Hawai’i, un des meilleurs
sites astronomiques au monde (© J.F. Donati & CFHT).
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Aimants cosmiques : le magnétisme des étoiles
plus faible que le champ mesuré à l’intérieur d’une tache),
bascule et change de polarité tous les 11 ans environ – c’est
le cycle d’activité, qui modifie également, avec la même
régularité, le flux que la Terre reçoit en provenance du
Soleil. À travers le vent, le champ magnétique va également
provoquer une hémorragie de moment cinétique, cause
probable de la très lente rotation du Soleil et de la grande
majorité des étoiles froides sur eux-mêmes.
Tous les théoriciens s’accordent aujourd’hui à dire que le
champ du Soleil est produit par effet dynamo, c’est-à-dire
par l’effet combiné de la rotation et de la convection dans
les couches externes. Dans ce schéma, le cycle magnétique
du Soleil procède de la manière suivante : la rotation diffé-
rentielle enroule le champ autour de l’étoile et l’amplifie,
transformant progressivement le faible champ poloïdal
initial en un champ toroïdal très intense ; la convection
(rendue cyclonique par la rotation) et la circulation méri-
dienne régénèrent ensuite le champ poloïdal à partir du
champ toroïdal devenu instable (figure 3). Si la description
physique de ce mécanisme est encore peu précise, il semble
en tout cas acquis que l’essentiel des processus dynamo se
concentrent à la base de l’enveloppe convective du Soleil
(située environ à 30 % du rayon sous la surface) ; c’est en
effet dans cette zone que les gradients radiaux de rotation
(mesurés à partir des pulsations du Soleil, très sensibles à la
rotation interne) sont les plus intenses.
Les étoiles peu massives (de 0,1 à 1,5 masses solaires)
sont très nombreuses dans l’Univers ; parmi celles-ci, les
naines rouges (de 10 % à 40 % de la masse du Soleil) sont
de très loin les plus courantes et représentent environ 80 %
de la population de la voie Lactée. Mais en plus d’apparte-
nir à l’espèce stellaire la plus commune, ces étoiles possè-
dent une particularité très intéressante pour des études sur
le magnétisme du Soleil et des étoiles de faible masse. En
effet, ces étoiles sont si petites et si froides en surface (moins
de 3 500 K, contre 5 800 K pour le Soleil) qu’elles sont
entièrement convectives et ne possèdent donc pas, à la dif-
férence du Soleil, de fine couche d’interface avec un coeur
interne où l’énergie est évacuée par rayonnement. Pour
cette raison, les théoriciens prédisent que la dynamo de ces
étoiles doit être très différente de celle du Soleil ; en parti-
culier, les premières simulations numériques suggèrent
qu’elles sont incapables d’engendrer un champ poloïdal
simple et aligné avec l’axe de rotation de l’étoile.
Si le magnétisme et l’activité de ces naines rouges étaient
connus depuis longtemps, la topologie du champ en revan-
che n’avait encore jamais pu être observée en détail. Grâce
Figure 2 – Boucles magnétiques à la surface du Soleil vues par le
satellite TRACE. Cette image illustre la complexité du champ
magnétique près de la surface (© TRACE/NASA)
Figure 3 – Cycle magnétique du Soleil, d’après les théoriciens de la dynamo. La rotation différentielle transforme le champ poloïdal initial en un
champ toroïdal intense (a, b), qui émerge sous la poussée d’Archimède (c) et régénère un champ poloïdal de polarité opposée sous l’effet de la
convection cyclonique et de la circulation méridienne (d, e, f) (© M. Dikpati, HAO/NCAR)
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Aimants cosmiques : le magnétisme des étoiles
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à ESPaDOnS et NARVAL, il a été possible de cartographier
le champ à la surface de différentes naines rouges de diffé-
rentes masses et vitesses de rotation. Comme prévu, un
changement notable intervient dans la configuration
magnétique dès que l’étoile devient entièrement convective.
Mais les observations indiquent que les naines rouges par-
viennent sans peine à produire un champ magnétique très
simple et à peu près aligné avec l’axe de rotation de l’étoile,
au moins pour les plus actives d’entre elles (celles dont la
période de rotation est inférieure à une semaine environ) ;
le dipôle magnétique engendré par les naines rouges est
même près de 1 000 fois plus intense que le champ magné-
tique global du Soleil ! Cette conclusion bat en brèche les
spéculations théoriques récentes (qui prévoient un champ
non-axisymétrique) et suggère qu’on est encore bien loin de
comprendre le mécanisme dynamo des étoiles froides en
général, et du Soleil en particulier
Les étoiles massives :
champs fossiles, anomalies
chimiques et vents confinés
Le Soleil, malgré ses éruptions, est une étoile plutôt
calme. En comparaison, les étoiles beaucoup plus massives
vivent intensément et meurent très jeunes ; elles sont si
grosses et chaudes qu'elles rayonnent à elles seules plusieurs
millions de fois l'énergie lumineuse du Soleil. Elles par-
viennent même à expulser, à une vitesse qui peut atteindre
1% de la vitesse de la lumière, les couches externes de leur
atmosphère sous la seule pression de la lumière qu'elles
émettent (figure 4). Ce vent joue un rôle déterminant sur
l'avenir de l'étoile ; de plus, la matière ainsi expulsée peut
interagir avec d'autres étoiles proches, mais aussi alimenter
le milieu interstellaire en matière et en énergie, ou encore
provoquer l'effondrement de nuages interstellaires voisins
et induire de nouvelles poussées de formation stellaire. À ce
titre, les étoiles très massives, bien que très rares (une pour
mille Soleils) sont des acteurs majeurs dans la vie d'une
galaxie.
Seule une faible fraction des étoiles massives sont magné-
tiques. Contrairement au Soleil, ce champ serait une
empreinte fossile datant de l’époque à laquelle l’étoile s’est
formée, une sorte d’empreinte primordiale que le milieu
interstellaire local donne à l’étoile nouvellement née. En
effet, quand l’étoile se forme suite à l’effondrement d’un
nuage interstellaire, le nuage emporte dans sa chute une
parcelle du champ magnétique galactique qu’il amplifie lors
de sa contraction en étoile. Pourtant, si toutes les jeunes
étoiles possèdent à l’origine une telle empreinte magnétique
(plus ou moins marquée), seules les étoiles massives par-
viennent à la conserver ; la convection opérant dans l’enve-
loppe externe des étoiles froides efface rapidement cette
empreinte, dont on ne peut alors plus déceler la trace. Pour
les étoiles de masse intermédiaire (2 à 10 masses solaires),
on parvient à identifier ce « fossile magnétique » sur envi-
ron 5 % à 10 % d’entre elles ; il est possible que ce soient
celles qui sont nées d’un nuage interstellaire dont le champ
magnétique était supérieur à la moyenne.
Ces étoiles magnétiques montrent souvent des particula-
rités dont le champ magnétique est la cause probable. Ainsi,
les étoiles magnétiques de masse moyenne surabondent
toutes en certaines espèces chimiques dans une région pro-
che de la surface ; on observe aussi qu’elles tournent en
moyenne plus lentement que les étoiles non magnétiques.
Peu de choses sont connues en revanche sur le champ des
étoiles très massives. Des résultats récents obtenus avec
ESPaDOnS et NARVAL suggèrent que la situation est
similaire : les étoiles sur lesquelles un champ vient d’être
détecté sont en effet celles qui tournent lentement et exhi-
bent des singularités spectrales.
Les modèles théoriques récents montrent en effet qu’un
champ de quelques 10–2 T suffit à modifier la rotation
interne de l’étoile ; en rigidifiant la rotation globale, le
champ inhibe aussi le mélange des éléments chimiques et
perturbe l’évolution. Mais en revanche, dans la grande
majorité des cas, le champ ne peut expliquer une lente rota-
tion ; en effet, ces étoiles n’expulsent pas leur matière assez
vite pour que leur rotation puisse être affectée notablement
au cours de leur brève existence. Il est donc probable que
ces étoiles magnétiques naissent avec un handicap de rota-
tion qui accompagne l’empreinte dont elles ont été mar-
quées.
Même si le champ ne parvient pas à freiner les étoiles
massives, il affecte leur vent et parvient en particulier à le
confiner. En effet, si les flots de matière expulsée associés
aux lignes de champ ouvertes s'échappent librement vers le
milieu interstellaire, ceux qui sont associés aux arches
Figure 4 – L’étoile très massive ηCarinae (au centre, en blanc/bleu)
expulse un vent stellaire (en rose) qui insémine le milieu interstel-
laire ; elle devrait finir par exploser en devenant une supernova
(© J. Morse, HST/NASA/ESA)
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Aimants cosmiques : le magnétisme des étoiles
magnétiques restent captifs. Ainsi, au sein de chaque arche
magnétique, les flots en provenance des deux pieds de l’ar-
che se rencontrent et produisent un choc, chauffant le
plasma au sommet des arches à des températures excédant
10 millions de degrés. Si des chocs peuvent également se
produire dans le vent des étoiles massives non magnétiques,
ils ne sont pas assez énergétiques pour provoquer l’émission
très intense X des étoiles chaudes magnétiques.
Mais l’effet du champ sur les étoiles massives ne s’arrête
probablement pas là. Lorsque ces étoiles ont épuisé leur
combustible nucléaire, elles s’effondrent puis éjectent 90%
de leur masse dans le milieu interstellaire (supernova). Des
observations indiquent que cette éjection de masse est par-
fois très anisotrope, ce qui pourrait être la signature d’un
champ à la surface de l’étoile, favorisant l’éjection de
matière suivant deux jets (ou deux cônes) diamétralement
opposés. Le cœur de l’étoile (d’une masse solaire environ)
devient alors une étoile à neutrons très dense et compacte,
qui produit parfois de violentes éruptions de rayons γ. On
attribue ces phénomènes à de puissants séismes dans un
champ magnétique si intense qu’il fait craquer la croûte
solide de l’étoile et libère l’énergie détectée. Ces objets, bap-
tisés magnétoiles, possèdent les champs magnétiques les
plus intenses de tout l’Univers ; ils pourraient être l’ultime
phase de la vie de ces étoiles massives marquées dès leur
naissance d’une forte empreinte magnétique.
La naissance des étoiles :
accrétion, disques,
jets et protoplanètes
Ce sont les nuages interstellaires qui servent de berceau
aux étoiles. Les premières observations des régions de for-
mation stellaire révèlent la présence de grumeaux denses et
froids contenant plusieurs fois la masse du Soleil. En
s’effondrant, par exemple sous l’effet initial d’une onde de
choc engendrée par une supernova voisine, ces globules se
mettent à tourner de plus en plus vite sur eux-mêmes,
s’aplatissent pour former un disque d’accrétion, puis don-
nent naissance à des étoiles et à leur cortège de planètes,
conformément à l’intuition initiale de Laplace. Ce qui en
revanche n'a pas été prévu par Laplace, ce sont les pinceaux
de matière très collimatés qui semblent s'échapper du cen-
tre des disques dans une direction perpendiculaire à leur
plan (figure 5). Ces jets, longs de plusieurs années-lumière,
ont une masse comparable à celle de la jeune étoile ; on
pense aujourd'hui que c'est grâce à ces jets que le disque
parvient à évacuer une part importante de sa masse et sur-
tout de son moment cinétique, avant de former les futures
planètes.
Les modèles théoriques de jets invoquent la présence
d'un champ magnétique. La rotation du disque torsade le
champ initialement poloïdal et engendre une composante
toroïdale ; en réponse, le champ toroïdal freine la rotation
du disque, provoque des instabilités et accélère l’accrétion.
Les lignes de champ prennent alors une forme d’hélice éva-
sée particulièrement propice à l’éjection magnéto-centri-
fuge de la matière superficielle du disque. C’est cet effet qui
donne naissance aux jets, propulsant la matière perpendi-
culairement au disque à des vitesses pouvant atteindre plu-
sieurs milliers de km/s.
Mais peu d’observations du champ magnétique des
disques sont disponibles pour contraindre ces modèles.
Aujourd’hui encore, seul ESPaDOnS est parvenu à détecter
un champ dans les régions centrales d’un disque d’accré-
tion ; ces observations ont permis d’établir que le champ y
est intense (environ 0.1 T) et que les lignes de champ y sont
torsadées, comme prévu par les modèles. De plus amples
observations sont nécessaires pour imager en détail la topo-
logie du champ émergeant du disque et comparer les com-
posantes poloïdale et toroïdale reconstruites aux prédictions
des modèles. Il sera aussi possible d’examiner si la variabi-
lité des raies spectrales du disque est corrélée à la présence
de planètes géantes en formation, et donc d’étudier si le
champ participe à la formation des planètes.
Les observations montrent également qu’une fois la
protoétoile formée, elle utilise son champ magnétique pour
évacuer le centre du disque et confiner la matière accrétée
dans de minces tubes de flux reliant le bord interne du
disque à la surface stellaire ; en retour, il semblerait que le
disque freine la rotation de l’étoile (par exemple par cou-
plage magnétique entre le disque et l’étoile), puisque les
Figure 5 – L’étoile jeune HH34 de la nébuleuse d’Orion éjecte un jet
de matière collimaté (en rouge), sur une distance d’une année-
lumière environ. Ce jet se termine par un choc en étrave (en jaune),
témoin de la rencontre du jet avec le milieu interstellaire
(© FORS/VLT/ESO)
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