Nerf optique - site de l`association GENS

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Atteintes isolées des nerfs crâniens
[17-085-B-10]
Bernard Lechevalier : Professeur de Neurologie
Service de neurologie Dejerine, centre hospitalo-universitaire de Caen, avenue de la Côte de
Nacre, 14033 Caen cedex France
Vincent de la Sayette : Praticien hospitalier
Stéphane Schaeffer : Chef de clinique
Christian Schupp : Attaché d'audiologie
Françoise Bertran : Praticien hospitalier
Gwénaël Raoul : Interne en chirurgie
centre hospitalo-universitaire de Lille, 59000 Lille France
Résumé
Introduction
Noyaux efférents
Noyaux afférents
Nerf olfactif
Sémiologie
Étiologies des anosmies et des hyposmies
Nerf optique
Rappel anatomique
Imagerie du nerf optique
Sémiologie du nerf optique
Étiologie des neuropathies optiques
Paralysies isolées des nerfs oculomoteurs
Aspects anatomiques
Aspects cliniques
Imagerie des nerfs oculomoteurs
Étiologies
Nerf trijumeau
Rappels anatomiques
Aspects cliniques
Nerf facial
Rappel anatomique
Séméiologie
Diagnostic topographique
Électromyographie
Stimulation magnétique
Étiologie des paralysies faciales périphériques
Traitement des séquelles d'une paralysie faciale périphérique
Spasmes faciaux non paralytiques
Nerf cochléovestibulaire
Nerf cochléaire
Nerf vestibulaire
Nerf glossopharyngien
Rappel anatomique
Sémiologie
Étiologies
Nerf pneumogastrique ou nerf vague
Rappel anatomique
Sémiologie
Étiologies
Nerf spinal
Rappel anatomique
Sémiologie
Étiologies
Nerf grand hypoglosse
Rappel anatomique
Sémiologie
Étiologies
Introduction
À part le nerf olfactif (1e paire crânienne) et le nerf optique (2e paire crânienne) qui ne sont
pas de vrais nerfs crâniens, les dix autres comprennent des fibres nerveuses afférentes,
efférentes ou le plus souvent les deux, qui prennent naissance ou se terminent dans les noyaux
du tronc cérébral dont la systématisation en six colonnes nucléaires est aujourd'hui adoptée
universellement [23, 24, 86]. Le sulcus limitans visible sur le plancher du 4e ventricule sépare
les noyaux efférents en dedans et les noyaux afférents en dehors.
Noyaux efférents
Les noyaux efférents somatiques généraux (GSE) forment une longue colonne qui prolonge
vers le haut la corne antérieure de la moelle, située sous le plancher du 4e ventricule près de la
ligne médiane. Ils comprennent les noyaux du III, IV, VI, XII. Ils innervent des muscles
d'origine somitique.
Les noyaux efférents viscéraux spéciaux (SVE) situés en dehors des précédents comprennent
les noyaux du trijumeau moteur, du facial, et le noyau ambigu constitué de neurones moteurs
distribués aux IX, X, XI.
Les noyaux efférents viscéraux généraux (GVE) d'origine parasympathique comprennent dans
le mésencéphale le noyau d'Edinger-Westphal, partie la plus rostrale du noyau du III, dans la
protubérance le noyau salivaire supérieur (VII), dans le bulbe les noyaux salivaire inférieur
(IX) et dorsal du X. C'est la colonne la plus externe des noyaux efférents. Le faisceau
corticobulbaire ou géniculé (ainsi appelé parce qu'il descend dans le genou de la capsule
interne) est considéré comme une partie du faisceau corticospinal (ou pyramidal). Dans son
trajet il détache des fibres pour les noyaux des nerfs crâniens auxquels il s'unit soit
directement soit par l'intermédiaire d'interneurones ou de la formation réticulée. Les
projections sont bilatérales pour les noyaux des muscles oculomoteurs, masticateurs sauf le
ptérygoïdien externe, supérieurs de la face, linguaux sauf le géniogliose et pour le noyau
ambigu. Elles sont controlatérales pour les noyaux du territoire facial inférieur, du
ptérygoïdien externe du géniogliose. Elles sont ipsilatérales pour le noyau du spinal externe.
[24]
Noyaux afférents
Noyaux afférents viscéraux généraux et spéciaux
Les afférences générales viscérales (GVA) issues de cavités et des viscères céphaliques
(pharynx, larynx, fosses nasales, trachée, oesophage) se terminent via le IX et le X dans le
faisceau solitaire. Les afférences gustatives véhiculées par la corde du tympan appartenant au
VII bis, le IX et le X se terminent également dans le faisceau solitaire, dans sa partie rostrale.
Les noyaux afférents somatiques généraux (GSA) situés en dehors des précédents, sont les
trois noyaux du trijumeau qui assurent l'innervation sensitive cutanéomuqueuse de la face. La
sensibilité thermoalgésique gagne la racine descendante qui reçoit également des fibres des
VII bis, IX, X et d'après Burt [24] quelques fibres sensitives mêlées aux fibres motrices des
III, IV, VI, XII.
Les afférences somatiques spéciales (SSA) sont représentées par les noyaux
cochléovestibulaires situés en dehors des précédents. Un contrôle du faisceau corticobulbaire
sur les noyaux afférents des nerfs crâniens est depuis longtemps admis [23]. Actuellement, on
insiste surtout sur le rôle antalgique de la substance grise périaqueducale enképhalinergique et
du nucleus raphe magnus sérotoninergique.
Nerf olfactif
La muqueuse olfactive de la partie postérieure des fosses nasales ou " tache olfactive "
contient des cellules épithéliales et des neurones olfactifs, seuls neurones de l'organisme à
régénérer après leur mort, à partir de cellules épithéliales spéciales dites basales [24]. Ces
neurones sont munis de cils, porteurs à leur extrémité de chimiorécepteurs dont les gènes sont
aujourd'hui codés [6] et qui sont excités par les gaz odorants. Leurs axones traversent la lame
criblée de l'éthmoïde et se terminent dans le bulbe olfactif où ils font relais dans trois couches
de cellules nerveuses : les couches granulaires, mitrales, glomérulaires. Le fonctionnement du
bulbe olfactif n'est pas encore totalement élucidé. Il est possible que chaque neurone sensoriel
dispose de plusieurs types de récepteurs moléculaires [49] et que les axones se terminent sur
plusieurs granules. A chaque odeur correspondrait une représentation spatiale définie des
glomérules et des cellules mitrales excitées (ibidem). Le bulbe olfactif reçoit en outre des
projections non olfactives : noradrénergiques (du locus caerulus), sérotoninergiques et surtout
cholinergiques issues de la bandelette diagonale de Broca et des noyaux médians du septum.
Certaines cellules distinctes de l'épithélium olfactif principal appelées voméronasales ne sont
sensibles qu'aux odeurs impliquant un comportement sexuel (phéromones) et se projettent
dans le noyau amygdalien et non dans le cortex olfactif. Ce qui a fait écrire à Axel [6] " La
plupart des mammifères y compris l'homme possèdent un "nez sexuel" ".
Le tractus ou pédoncule olfactif prolonge vers l'arrière le bulbe olfactif. Il se divise en deux
racines, ou stries olfactives, qui délimitent l'espace perforé antérieur, une troisième racine plus
petite est visible entre les deux précédentes. La terminaison des stries olfactives est complexe.
La description varie d'un ouvrage à l'autre.
La strie olfactive latérale (ou externe) se termine d'après Burt [24] dans le cortex olfactif dit
piriforme et le noyau amygdalien. Le cortex piriforme est la partie antérieure du gyrus
parahippocampique (appartenant à T5) ; il comprend trois couches de neurones (paléocortex),
il recouvre l'amygdale et se recourbe pour former l'uncus. Quelques fibres se terminent dans
l'espace perforé antérieur, dans le noyau de la strie latérale (paléocortex appelé gyrus olfactif
latéral), le cortex entorhinal (aire 28), l'hippocampe, la strie terminale.
La strie olfactive médiale est composée de fibres venant du noyau olfactif antérieur situé dans
le pédoncule olfactif. Les fibres controlatérales atteignent le bulbe par la commissure blanche
antérieure. Des fibres ipsilatérales gagnent l'espace perforé antérieur les noyaux médians du
septum, la strie terminale.
La strie intermédiaire se termine dans le tubercule olfactif qui la prolonge. Des fibres
secondaires gagnent le noyau dorsomédian du thalamus, l'hypothalamus, le cortex
orbitofrontal, le cortex piriforme.
Le bulbe et le nerf olfactifs sont vascularisés par les artères ethmoïdales antérieures et
postérieures, branches de l'artère ophtalmique.
Sémiologie
Doty [97] a constaté que la qualité de l'odorat était meilleure chez la femme que chez
l'homme. Dans les deux sexes, les meilleures performances s'observent entre 30 et 50 ans,
elles diminuent après 60 ans. Le plus souvent méconnue l'anosmie est une découverte de
l'examen systématique. Souvent, le malade se plaint de troubles fins de la gustation (d'origine
olfactive) alors que les quatre perceptions élémentaires gustatives vraies (amer, acide, salé,
sucré) sont conservées. Pour explorer l'olfaction, on demande au sujet d'identifier les yeux
fermés des substances non irritantes (ammoniaque, acide citrique). Le café, le musc, le
phényl-éthanol n'excitent que les terminaisons olfactives. On explore chaque narine
séparément. Une étude quantitative précise peut être faite par un olfactomètre, rarement
utilisé. On peut déterminer un " seuil olfactif " et une " fatigabilité olfactive ".
Les perturbations qualitatives de l'olfaction, appelées parosmies ou cacosmies, quand elles
sont nauséabondes, sont fréquentes chez les sujets âgés déprimés. L'anosmie hystérique se
décèle par l'absence totale de perturbation du goût. Des hallucinations olfactives sont
fréquentes dans l'épilepsie partielle complexe, elles sont généralement critiquées par le
malade. Au contraire, dans la psychose hallucinatoire chronique, les hallucinations s'intègrent
dans un contexte délirant. La mémoire olfactive a des propriétés tout à fait différentes des
autres types de mémoire. En particulier, elle ne permet généralement pas le rappel vrai [69].
Étiologies des anosmies et des hyposmies
Ce diagnostic étiologique nécessite un bon examen rhinoscopique et une bonne imagerie des
diverses formations de la base antérieure du crâne.
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Il faut tout d'abord rechercher une rhinite, une tumeur des fosses nasales.
Les fractures de l'étage antérieur de la base du crâne, en particulier de l'éthmoïde, de
simples traumatismes crâniens sans fractures s'accompagnent souvent d'anosmie par
étirements des filets du nerf olfactif immobilisés dans la lame criblée. La régression
complète s'observe dans 40 % des cas mais elle peut demander plusieurs années.
Le bulbe olfactif et les filets du nerf peuvent être atteints par une méningite purulente
ou tuberculeuse, un envahissement néoplasique, une maladie de Paget.
On peut observer une anosmie, parfois révélatrice dans les tumeurs de l'étage antérieur
de la base du crâne (méningiomes, tumeurs frontales médianes) de l'étage moyen
(craniopharyngiomes, adénome hypophysaire chordome, tumeurs du IIIe ventricule)
mais aussi au cours des anévrysmes des artères communicante antérieure et cérébrale
antérieure. L'encéphalite herpétique qui atteint avec prédilection le lobe temporal peut
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comporter avant tout autre symptôme des hallucinations olfactives. Enfin, l'examen
d'imagerie par résonance magnétique (IRM) permettra parfois de découvrir des lésions
temporales minimes dans le cadre des hallucinations au cours de crises partielles
complexes.
Le diabète, l'avitaminose B12 sont réputés pouvoir donner des anosmies.
La dysplasie olfactogénitale ou syndrome de De Morsier et Kallmann est souvent
associée à d'autres troubles neurologiques portant sur la vision des couleurs, l'acuité
auditive. Ce syndrome serait lié à l'X et de transmission dominante à pénétrance
incomplète. L'hyposmie peut être associée à un hypogonadisme, ou isolée (pour revue
cf [73]).
Dans les maladies dégénératives du système nerveux central on a signalé des anosmies
et des hyposmies [97]. Dans la maladie d'Alzheimer, Becker et al [13] notent leur
existence dans 29 % des cas. Kesslack et al [61] ont trouvé un déficit de
l'identification des odeurs et de la mémoire olfactive contrastant avec une bonne
discrimination des odeurs. Morgan et al [79] font du défaut d'identification des odeurs
un " marqueur " précoce de la maladie. Dans la maladie de Parkinson, Ward [97] a
montré la grande fréquence des troubles de la détection et de la discrimination des
odeurs. Moberg [76] a fait la même constatation en ce qui concerne la maladie de
Huntington.
Nerf optique
Le nerf optique, simple évagination du tube neural n'a pas la structure d'un nerf périphérique.
Par sa myélinisation et les trois tuniques méningées qui se prolongent sur toute sa longueur il
appartient en propre au système nerveux central. Son éloignement anatomique du tronc
cérébral achève de le distinguer des 10 dernières paires crâniennes. Ces caractéristiques
fondent l'originalité des processus pathologiques qui peuvent l'affecter aux confins de la
neurologie et de l'ophtalmologie.
Rappel anatomique
Le nerf optique relie la papille au chiasma. Il est formé des fibres issues des cellules
ganglionnaires de la rétine, deutoneurones de la voie visuelle. Elles font suite directement aux
cellules bipolaires (premier neurone) qui sont elles-mêmes directement reliées aux cellules
photosensibles, cônes et bâtonnets. Les prolongements des cellules ganglionnaires convergent
vers la papille pour former le nerf optique qui comprend trois segments : orbitaire,
intracanaliculaire, intracrânien.
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La papille est un disque ovalaire de 1,5 mm de grand axe vertical situé légèrement en
dedans du pôle postérieur de la rétine. Les fibres nerveuses rétiniennes convergent
vers la papille dont elles forment la partie la plus superficielle (couche des fibres
optiques) puis s'incurvent à angle droit vers l'arrière. La structure centrale de la papille
est la lame criblée, percée d'orifices pour le passage des fibres optiques. En arrière de
la lame criblée, le nerf optique est constitué et les fibres deviennent myélinisées.
Accessible à l'ophtalmoscope, véritable image endoscopique du système nerveux
central, la papille est un élément sémiologique fondamental du nerf optique et de sa
pathologie. Elle apparaît rose pâle, à bord net légèrement excavé, l'artère et la veine
centrale de la rétine émergeant et se divisant au fond de l'excavation.
Le nerf optique est entouré sur toute sa longueur par les trois feuillets méningés, la
dure-mère se prolongeant au-delà de la lame criblée par la sclère. Son segment
orbitaire, le plus long, chemine dans la graisse du cône musculoaponévrotique dont il
constitue l'axe. Il est croisé (dans 73 % des cas par au-dessus) par l'artère et la veine
centrale de la rétine ; en dehors, il est en contact avec le ganglion ophtalmique
(ganglion ciliaire) et ses racines issues du sympathique, du nerf nasal et du nerf du
petit oblique. Le nerf optique quitte l'orbite, avec l'artère ophtalmique, en passant par
un orifice musculotendineux. Les éléments vasculonerveux qui pénètrent dans l'orbite
par la fente sphénoïdale (III, VI, nerf nasal, racine sympathique du ganglion ciliaire,
veine ophtalmique) traversent l'anneau de Zinn au-dessous et en dehors du nerf
optique. Il chemine alors dans son segment intracanaliculaire formé du canal optique
entre les racines de la petite aile du sphénoïde. Dans sa portion intracrânienne, il
occupe la citerne optochiasmatique, s'aplatit de haut en bas et se dirige en dedans et en
arrière vers l'angle antérieur du chiasma. Ses rapports sont : en bas le diaphragme
sellaire, latéralement et au-dessous l'artère ophtalmique qui naît de la carotide à son
émergence de la loge caverneuse, en haut l'artère cérébrale antérieure et l'espace
perforé antérieur.
Vascularisation du nerf optique [46]
La vascularisation antérieure se divise en quatre segments correspondant à des systèmes
artériels différents :
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couche des fibres optiques : vascularisation assurée par les vaisseaux et capillaires
rétiniens ;
région prélaminaire : vascularisation assurée par des branches centripètes des artères
choroïdiennes péripapillaires ; l'artère centrale de la rétine ne donne aucune branche ;
région de la lame criblée : vascularisation assurée par des branches centripètes des
artères ciliaires postérieures courtes ; l'artère centrale de la rétine n'a aucun rôle ;
segment orbitaire antérieur. Il s'étend sur 1 cm environ de la lame criblée au point de
pénétration de l'artère centrale de la rétine dans le nerf optique et possède deux
systèmes artériels :
o un " système axial centrifuge ", présent dans 75 % des cas, formé de branches
de la partie intraneurale de l'artère centrale de la rétine ;
o un " système périphérique centripète ", constant, formé de branches piales
récurrentes provenant de la choroïde péripapillaire, de l'artère centrale de la
rétine, de l'artère ophtalmique et de ses branches.
Cette systématisation vasculaire est sujette à d'importantes variations interindividuelles et,
chez un même individu, d'un oeil à l'autre ; le rôle des artères ciliaires postérieures est
essentiel.
La vascularisation postérieure concerne le reste du nerf optique. Elle est constituée d'artères
piales, centripètes, issues directement de l'artère ophtalmique ou plus rarement de ses
branches intraorbitaires.
Systématisation anatomique du nerf optique
Les fibres optique se réorganisent dans le chiasma. Dans le nerf optique à son origine, les
fibres optiques ont une répartition calquée sur celle de la papille :
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fibre de l'hémirétine supérieure à la partie supérieure du nerf ;
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fibre de l'hémirétine inférieure à la partie inférieure ;
contingent nasal interne ;
contingent temporal externe ;
faisceau maculaire occupant un secteur de forme triangulaire et temporal.
Le faisceau maculaire devient ensuite central puis ses fibres tendent à s'éparpiller à
l'approche du chiasma.
Systématisation fonctionnelle
Il existe deux systèmes majeurs du traitement de l'information visuelle organisés et
hiérarchisés dans le cortex visuel primaire et plus encore dans le cortex visuel secondaire mais
qui, anatomiquement et fonctionnellement, prennent naissance dès la rétine. Le premier
d'entre eux, " occipitotemporal ", traite plus particulièrement la forme et la couleur ; le second
" occipitopariétal " traite essentiellement le mouvement et les paramètres spatiaux [116]. La
ségrégation de l'information visuelle commence dans les cellules ganglionnaires de la rétine
qui comportent deux types aux propriétés distinctes [123]. Les cellules P (parvocellulaires)
sont les plus nombreuses (80 %). Elles possèdent un axone de petite taille et un champ
récepteur limité, sont sensibles à la longueur d'onde (donc à la couleur), ont une réponse
tonique et une conduction lente. Elles projettent sur la couche parvocellulaire du corps
genouillé latéral et appartiennent au " système occipitotemporal ". Les cellules M
(magnocellulaires) possèdent un axone de grande taille, un champ réceptif étendu, sont
insensibles à la longueur d'onde, sensibles au mouvement, ont une réponse brève phasique et
une conduction rapide. Elles projettent sur la couche magnocellulaire du corps genouillé
latéral et appartiennent au " système occipitopariétal ".
Imagerie du nerf optique
Trois examens d'imagerie se partagent l'exploration morphologique du nerf optique et de la
papille : l'angiographie à la fluoréscéine, le scanner X et l'IRM.
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L'angiofluorographie rétinienne apporte une analyse précise de la vascularisation de la
papille qui complète l'ophtalmoscopie. Elle peut montrer des obstructions vasculaires,
un défaut de remplissage, un retard du retour veineux, une imprégnation du colorant
lente, progressive, persistante ou débordant dans les tissus péripapillaires.
Le scanner X a offert la première vision in vivo du nerf optique et de ses " gaines "
[25]. Largement supplanté par l'IRM, il garde cependant une indéniable supériorité
dans l'exploration des lésions osseuses de l'orbite, traumatiques ou tumorales, ou dans
le diagnostic des druses (parfois difficiles à distinguer d'un oedème papillaire) qui
peuvent s'accompagner de calcifications nodulaires prélaminaires (in [25]).
L'IRM est l'examen de choix.
Deux plans de coupe sont essentiels à l'exploration du nerf optique [25] :
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le premier, axial, (plan neuro-optique - PNO) est orienté selon le plan horizontal des
deux nerfs optiques ;
le second vertical et oblique, orthogonal au précédent, est orienté selon le plan vertical
d'un des nerf optique (plan PNOTO). L'intérêt de l'IRM est multiple : local,
locorégional et général. Dans l'orbite : visualisation des lésions tumorales,
traumatiques, démyélinisantes du nerf optique, des tumeurs (méningiome) des lésions
inflammatoires des méninges périoptiques (granulome), des tumeurs extrinsèques et
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lésions vasculaires de l'orbite (angiome). L'IRM apporte des arguments importants
dans les affections locorégionales notamment ORL (sinusite). Enfin l'IRM est la
méthode d'investigation de choix :
des hypertensions intracrâniennes permettant :
o le diagnostic des lésions cérébrales responsables (tumeurs, lésions infectieuses,
vasculaires, etc) ;
o l'étude de la cinétique du liquide céphalorachidien ;
o la démonstration de la dilatation des espaces sous-arachnoïdiens périoptiques ;
des maladies démyélinisantes ;
des anomalies morphologiques accompagnant les maladies dégénératives du système
nerveux central.
Sémiologie du nerf optique
La sémiologie du nerf optique est dominée par deux grand syndromes souvent associés l'un à
l'autre :
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le syndrome de neuropathie optique se traduisant toujours par des manifestations
fonctionnelles visuelles ;
le syndrome d'oedème de la papille qui n'a pas toujours, au moins au début, de
retentissement fonctionnel.
Neuropathie optique
On entend par neuropathie optique toute pathologie atteignant les fibres du nerf optique en un
point quelconque de leur trajet et quelle que soit la pathologie en cause. Le signe d'appel d'une
neuropathie optique est la baisse de l'acuité visuelle variable dans son intensité et son mode
d'installation. La mesure de l'acuité visuelle, en vision monoculaire, avec et sans correction,
de près et de loin, doit donc être soigneuse. L'examen ophtalmologique permet d'éliminer une
atteinte du segment antérieur (cornée, iris), du cristallin, de la rétine ; le fond d'oeil, étape
essentielle du diagnostic, s'assure dans un premier temps de la transparence des milieux. Les
anomalies de la papille permettent ensuite d'orienter le diagnostic, mais le fond d'oeil peut être
tout à fait normal, nécessitant le recours à d'autres examens pour retenir le diagnostic de
neuropathie optique. Le réflexe photomoteur est altéré, voire aboli, de façon asymétrique dans
les neuropathies unilatérales. L'étude périmétrique et campimétrique du champ visuel, étape
essentielle permettant de cerner la localisation de l'atteinte et d'orienter le diagnostic
étiologique, révèle des déficits de disposition fasciculaires évocateurs d'une atteinte des fibres
optiques [44] : scotome central, paracentral, ou caecocentral, en " doigt de gant ", en quadrant,
hémianopsique altitudinal. La vision des couleurs est perturbée, souvent très précocement,
avec des anomalies de l'axe bleu/jaune puis rouge/vert. Lorsque la sensibilité au contraste est
étudiée, celle-ci s'avère diminuée. L'électrorétinogramme n'est modifié qu'en cas de lésion
rétinienne associée. Les potentiels évoqués visuels (PEV) montrent une altération de la
morphologie, de l'amplitude et surtout une augmentation des latences particulièrement utile
dans le diagnostic des formes frustes démyélinisantes.
oedème papillaire
Le terme d'oedème papillaire, en dépit d'un usage largement consacré, n'est pas approprié. La
saillie de la papille ainsi qualifiée est provoquée par l'amoncellement massif d'organelles
survenant lors de l'interruption du flux axonal antérograde, quelle qu'en soit la cause, flux qui
vient " sur la lame criblée. L'oedème papillaire peut être, ou non, associé à des signes de
neuropathie optique.
- La sémiologie de la papille est donc une étape essentielle dans le diagnostic de la pathologie
du nerf optique (in [25]). L'ophtalmoscopie permet également de s'assurer de la transparence
des milieux et de l'absence de lésion rétinienne.
Volume papillaire paraissant augmenter de volume
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La bilatéralité des lésions, l'hyperhémie associée à des hémorragies, l'absence de
déficit périmétrique et de baisse de l'acuité visuelle au début, la rétention de colorant
aux temps tardifs de l'angiographie font évoquer une hypertension intracrânienne.
L'oedème papillaire peut s'intégrer à un tableau clinique évocateur ou être pur.
L'hypertension du liquide céphalorachidien se répercute dans les méninges
intraorbitaires jusqu'à l'espace vaginal situé en arrière de la papille. La compression
des axones est alors responsable du gonflement des fibres nerveuses, et donc du
ralentissement du flux axonal antérograde et du drainage veineux (in [25]). L'IRM
peut alors montrer l'élargissement des espaces sous-arachnoïdiens du nerf optique
(hyposignal relatif) qui " flotte " dans le liquide céphalorachidien de très haut signal
(in [25]). L'oedème papillaire saillant peut également être visualisé sous la forme d'un
hyposignal. Nous soulignerons que le diagnostic d'hypertension intracrânienne
bénigne est un diagnostic d'élimination qui ne peut être retenu qu'après l'exploration
morphologique non seulement de l'encéphale mais également du rachis et des espaces
sous-arachnoïdiens lombosacrés.
La papille est hyperhémiée et il existe une chute brutale et indolore de l'acuité visuelle
chez un sujet jeune, d'abord uni- puis bilatérale : le diagnostic évoqué est celui de
maladie de Leber.
La papille est modérément augmentée de volume, pâle et parfois hémorragique, la
baisse d'acuité visuelle est variable : le diagnostic d'ischémie papillaire aiguë est
confirmé à l'angiographie.
La papille est de coloration normale, saillante à bord net, laissant voir les vaisseaux
centraux : il s'agit de druses papillaires.
La papille est hyperhémiée, le volume veineux augmenté, il existe éventuellement des
hémorragies, l'acuité visuelle est abaissée ou normale : chez un sujet jeune une
papillophlébite (forme d'occlusion de la veine centrale de la rétine) peut être évoquée.
La papille est un peu augmentée de volume et mal visible, il existe des signes
d'inflammation du segment antérieur, du vitré ou des zones périveineuses : il s'agit
d'une papillite inflammatoire dont les causes peuvent être locorégionales ou générales
: sarcoïdose, maladie de Behçet.
Papille normale
Les signes fonctionnels visuels (baisse de l'acuité, douleur à la mobilisation des globes
oculaires, altération périmétrique, altération des PEV) autorisent le diagnostic de neuropathie
sans signe ophtalmoscopique (névrite optique rétrobulbaire).
Papille décolorée
Le plus souvent il existe une atrophie optique séquelle d'un processus dégénératif se
caractérisant par une décoloration de la papille et une altération fonctionnelle visuelle
d'importance très variable. À elle seule, cette constatation ne donne aucune orientation
diagnostique. La pâleur papillaire n'est par ailleurs pas synonyme d'atrophie optique puisque,
si le faisceau maculaire est épargné, l'acuité visuelle peut être normale.
Étiologie des neuropathies optiques
L'ensemble des processus pathologiques impliqués dans les lésions du nerf optique relèvent
d'une énumération rapidement fastidieuse, d'où la nécessité de dégager quelques grandes
causes dont les mécanismes essentiels sont vasculaires, inflammatoires, toxiques,
nutritionnels ou héréditaires.
Névrite optique ischémique antérieure [46]
Elle résulte d'une ischémie aiguë de la partie antérieure du nerf optique vascularisée par les
artères ciliaires postérieures par un mécanisme thrombotique (le plus fréquent), embolique ou
une hypoperfusion. C'est la cause la plus fréquente des névrites optiques du sujet âgé.
S'agissant de phénomènes ischémiques, la gravité de l'atteinte peut être très variable d'un
individu à l'autre et chez un même patient d'un moment à l'autre. La baisse de l'acuité visuelle
est brutale, indolore, unilatérale, souvent constatée le matin au réveil, parfois précédée
d'épisodes d'amaurose transitoire ; elle peut évoluer en plusieurs heures ou jours vers une
cécité [85]. Le champ visuel inférieur est souvent amputé. Le réflexe pupillaire peut être
aboli. L'oedème de la papille est constant (oedème pâle) et les hémorragies en " flammèches "
fréquentes en bordure de la papille. La pâleur du disque optique s'installe en quelques
semaines à la suite de l'oedème.
Une artérite gigantocellulaire doit être évoquée de parti pris et faire rechercher par
l'interrogatoire les symptômes systémiques : céphalée, sensibilité du scalp, claudication de la
mâchoire, perte de poids et asthénie, douleurs musculaires. La perte de l'acuité visuelle est
habituellement massive, l'aspect blanc crayeux de la papille est classique [46, 85], les signes
d'ischémie rétinienne fréquents (infarctus rétiniens, taches cotonneuses de la rétine). L'atteinte
controlatérale est habituelle, contemporaine ou différée de quelque jours ou semaines. La
vitesse de sédimentation est augmentée, et l'angiographie rétinienne montre un retard ou une
absence de remplissage dans la circulation choroïdienne. La biopsie de l'artère temporale ne
doit pas retarder l'instauration de la corticothérapie à fortes doses puisque les signes
histologiques spécifiques persistent habituellement une quinzaine de jours après l'instauration
du traitement. Les autres vascularites sont beaucoup plus rares : lupus érythémateux
disséminé, périartérite noueuse, zona, maladie de Lyme, sida, maladie de Behçet, maladie de
Churg et Strauss, maladie de Crohn [46]. Les neuropathies optiques ischémiques dues à des
emboles dans la circulation carotidienne ont la réputation d'être rares [46, 85].
Dans les atteintes par défaut de perfusion, l'acuité visuelle peut être relativement préservée.
L'atteinte controlatérale est habituelle, souvent différée de quelques semaines ou mois.
L'association à une hypertension artérielle (43 %) et à un diabète (29 %) est fréquente [47].
Certaines formes progressives associées à une sténose ou occlusion de la carotide ont été
rapportées [19] et exceptionnellement peuvent se constituer au même moment qu'un infarctus
cérébral [20]. Mais pour Fry et al [39], les lésions carotidiennes ipsilatérales ne constitueraient
pas un facteur de risque. Les mécanismes physiopathologiques proposés impliquent une
diminution de la pression de perfusion dans les petits vaisseaux issus de la circulation
choroïdienne [46, 85]. Des décompressions chirurgicales de la gaine du nerf optique ont été
proposées mais l'indication et les résultats sont critiqués. Une amélioration spontanée peut
survenir.
Toutes les causes d'hypoperfusion permanente ou transitoire peuvent, en fait, être à l'origine
d'une neuropathie ischémique : hypotension, choc circulatoire, hémorragie massive ou
chronique, affections hématologiques. Quant à l'association neuropathie ischémique migraine parfois citée, elle ne repose sur aucun lien de causalité fermement établi.
La neuropathie optique ischémique postérieure est une entité rare reconnue initialement par
Hayreh [45] correspondant à une ischémie aiguë du nerf optique en arrière de son segment
orbitaire antérieur. Il n'existe donc aucun signe ophtalmoscopique ni angiographique. Les
étiologies sont superposables à celles de la neuropathie antérieure, la difficulté essentielle
résultant du diagnostic différentiel avec la névrite optique rétrobulbaire.
Névrite optique
Il s'agit d'une neuropathie inflammatoire aiguë habituellement unilatérale, qui est l'apanage
des adultes jeunes (pic de fréquence entre 20 et 30 ans), plus fréquente chez les femmes, et
dont l'étiologie est dominée par la sclérose en plaques. Les douleurs sont fréquentes, plus
particulièrement lors des mouvements oculaires. Dans environ un tiers des cas, un oedème de
la papille est constaté à la phase aiguë. Les déficits du champ visuel sont variés, ne pouvant se
résumer au classique scotome central ; certaines amputations sont également compatibles avec
des lésions chiasmatiques ou rétrochiasmatiques [85]. Les lésions infracliniques de l'oeil
controlatéral, (détectées notamment lors de l'étude périmétrique) sont fréquentes, et
correspondraient le plus souvent à une atteinte concomitante [12].
L'aspect IRM de la lésion du nerf optique est très variable et sans corrélation simple avec les
données des PEV ou l'amputation du champ visuel (in [25]) :
•
•
•
effacement ou prise de contraste des espaces sous-arachnoïdiens ;
hypersignal spontané en T2 ;
prise de contraste massive du gadolinium.
L'IRM encéphalique révèle dans presque la moitié des cas de névrite optique " isolée " des
anomalies compatibles avec des plaques de démyélinisation [10]. Cette constatation est
prédictive d'une évolution ultérieure vers une sclérose en plaques définie [9, 11], les autres
facteurs étant des antécédents de névrite optique controlatérale, des symptômes neurologiques
mal définis, une histoire familiale de SEP [12]. La récupération spontanée est la règle,
débutant habituellement avant le premier mois. Une corticothérapie intraveineuse par bolus
permettrait une récupération plus rapide et diminuerait le risque de survenue d'une SEP dans
les 2 premières années sans cependant apporter de bénéfice à long terme [10, 11].
Nous rapprocherons de la SEP la myélite optique de Devic, la maladie de Schilder et la
sclérose concentrique de Baló. D'autres névrites optiques inflammatoires peuvent se
rencontrer dans la sarcoïdose, et souvent en association à une uvéonévraxite dans la maladie
de Behçet et la maladie de Harada-Vogt-Koyanagi.
Neuropathies optiques toxiques et nutritionnelles
La baisse de l'acuité visuelle y est progressive, bilatérale et symétrique. Elle affecte surtout le
champ central et la perception des couleurs et aboutit à une pâleur du secteur temporal du
disque optique [85]. Les causes sont presque toujours multifactorielles à l'exception des
classiques intoxications par l'éthambutol. L'association éthylisme / tabagisme est le plus
souvent évoquée avec un risque accru chez les fumeurs de cigares et de pipes. La pathogénie
reste mal connue mais privilégie des carences multiples notamment vitaminiques (vitamines
B1, B6, B12, PP). Dans certaines circonstances de malnutrition généralisée, une neuropathie
optique associée à d'autres syndromes neurologiques (neuropathie sensitive, surdité,
myélopathie) peut prendre un caractère épidémique (in [85]).
Les autres causes toxiques sont innombrables et d'énumération fastidieuse [44]. Sans
prétention à l'exhaustivité nous citerons : méthanol, drogues, antimitotiques, antituberculeux,
antiparasitaires, vaccinations, disulfiram, pexid, antibiotiques, immunosuppresseurs,
corticoïdes, solvants organiques, carburants, plomb, mercure, insecticides.
Neuropathies optiques héréditaires
•
•
•
•
•
Pathologie du métabolisme mitochondrial, la maladie de Leber est la plus fréquente de
ces neuropathies optiques. Transmise par la mère, elle se manifeste surtout chez des
hommes jeunes par une diminution progressive et bilatérale de l'acuité visuelle, un
scotome central ou paracentral, et ultérieurement une atrophie optique (in [85]).
Généralement isolée, elle peut coexister avec des troubles de la conduction cardiaque
(in [85]), d'autres symptômes neurologiques ou psychiatriques. L'association à une
sclérose en plaques est relativement fréquente [36, 94]. Des mutations primaires de
l'acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial ont été mises en évidence aux
points 11 778, 3 460 et 14 484 [85, 94]. La mutation 11 778 est la plus fréquente, la
mutation 14 484 correspondant, quant à elle, à un phénotype de meilleur pronostic
[94]. Les phénotypes comportant des manifestations neurologiques peuvent avoir
d'autres mutations associées. Les facteurs déterminant l'expression de la maladie
restent mal connus, certaines formes restant asymptomatiques. On évoque la quantité
d'ADN muté (hétéroplasmie), d'autres anomalies mitochondriales associées,
l'influence de l'ADN nucléaire et des facteurs externes [85]. En raison même de cette
grande variabilité d'expression, le diagnostic de maladie de Leber doit être envisagé
devant toute neuropathie optique non expliquée sans considération d'âge, de sexe ni de
maladie familiale.
Parmi les autres dégénérescences primitives du nerf optique, nous citerons la maladie
de Kjer, neuropathie optique autosomique dominante se manifestant dans la première
décennie par une dyschromatopsie bleu/jaune, un scotome central et une baisse très
variable de l'acuité visuelle [67, 85]. Les neuropathies optiques autosomiques
récessives sont rares et hétérogènes, souvent associées à d'autres anomalies
neurologiques et comportent une importante perte de vision [67].
D'autres dégénérescences multiples peuvent par ailleurs comporter une atteinte du nerf
optique :
o dégénérescences tapétorétiniennes, où l'atteinte du nerf optique prolonge celle
des cellules sensorielles rétiniennes ;
o dégénérescence sensorielles multiples comportant une surdité ;
o maladie dégénératives du système nerveux (hérédodégénérescences
cérébelleuses et spinocérébelleuses, etc) [67].
Nous consacrerons une place particulière à la maladie d'Alzheimer où les plaintes
visuelles fréquentes, parfois prédominantes et précoces sont habituellement rattachées
à une dégénérescence du cortex visuel associatif.
Certaines études neuropathologiques [48, 99] montrent cependant qu'il peut exister des
lésions de la rétine et du nerf optique : ballonnisation et dépopulation des cellules
ganglionnaires surtout de type M, dégénérescence axonale, uniformisation de la taille
•
et éparpillement des fibres. Ces constations pourraient rendre compte de certains des
troubles visuels rencontrés dans la maladie d'Alzheimer, corroborées, notamment, par
l'allongement fréquent des latences des PEV et la perte de la sensibilité au contraste
spatial qui dépendent particulièrement de l'intégrité des cellules ganglionnaires de type
M (in [99]).
Parmi les autres étiologies de neuropathies optiques, nous mentionnerons les rares
syndromes paranéoplasiques dont les observations les plus convaincantes sont
associées à des encéphalomyélites paranéoplasiques [4]. Nous ne ferons que citer les
tumeurs du nerf optique (gliome chez l'enfant, méningiome chez l'adulte), les
compressions extrinsèques (méningiomes, angiome, adénome hypophysaire,
envahissement métastatique de la base du crâne) où l'atteinte est progressive,
unilatérale et l'atrophie optique habituelle, les traumatismes, les infections locales
(ORL, dentaires), les anomalies malformatives, les affections générales dont les
infections [44] ainsi que le classique mais rarissime syndrome de Foster-Kennedy,
habituellement dû à une tumeur de la base du crâne ou à une tumeur du lobe frontal, et
qui comporte une atrophie optique ipsilatérale à la lésion et un oedème de la papille
controlatérale.
Paralysies isolées des nerfs oculomoteurs
Les nerfs oculomoteurs sont au nombre de trois : le nerf moteur oculaire commun (III), le nerf
pathétique (IV) et le nerf moteur oculaire externe (VI). Ils commandent la contraction des
muscles oculomoteurs et, à ce titre, constituent la voie effectrice finale et commune
permettant tous les mouvements des yeux et l'orientation du regard déterminés par les
structures " supranucléaires ".
Aspects anatomiques
Nerf moteur oculaire commun
Son noyau est paramédian, situé dans le tegmentum mésencéphalique en avant de l'aqueduc,
s'étendant en haut jusqu'à la commissure postérieure, en bas jusqu'au noyau du IV. Il est
constitué de six sous-noyaux, cinq correspondant à chacun des muscles innervés, le sixième
(noyau d'Edinger-Westphall) ayant une fonction motrice viscérale. Son trajet à l'intérieur
même du tronc cérébral est très court. Son émergence des pédoncules cérébraux se fait près de
la ligne médiane, dans la pince vasculaire constituée par les artères cérébrale postérieure et
cérébelleuse supérieure. Il passe latéralement et sous la clinoïde postérieure, croise le bord
libre de la tente du cervelet avant de gagner le sinus caverneux, la fissure orbitaire supérieure
et l'anneau de Zinn. Il se divise dans l'orbite en ses branches supérieure et inférieure. Le
diamètre moyen du III étant de 1,88 mm à sa partie médiane, son identification en IRM est
relativement aisée dans les trois plans de coupe, axial, sagittal et coronal [34]. Sur les coupes
axiales, il apparaît sous le chiasma au bord interne des pédoncules cérébraux au niveau du
colliculus, et se dirige en dehors vers la fissure orbitaire supérieure en s'intégrant à la partie
supérieure du sinus caverneux. Dans le plan sagittal, il est situé 5 à 10 mm latéralement à la
ligne médiane dans la pince vasculaire artère cérébrale postérieure / artère cérébelleuse
supérieure, et se dirige en avant sous les voies optiques vers le sinus caverneux. Dans le plan
coronal, il est visible sur plusieurs coupes ; il est dans le sinus caverneux au-dessus et en
dehors de la carotide interne.
Le nerf oculomoteur commun comporte des fibres motrices somatiques (III extrinsèque) qui
innervent les muscles releveurs de la paupière supérieure, droit interne, droit supérieur, droit
inférieur et petit oblique. Le droit interne est adducteur, le droit supérieur est essentiellement
élévateur, le droit inférieur est essentiellement abaisseur, le petit oblique est extorteur,
élévateur et adducteur. Le III comporte également des fibres motrices viscérales
parasympathiques (III intrinsèque) pour le muscle ciliaire (accommodation) et le sphincter de
l'iris (constriction pupillaire).
Nerf pathétique (IV)
Son noyau est situé sous le plancher de l'aqueduc de Sylvius, dans le prolongement inférieur
et postérieur du noyau du III, proche de la jonction pontomésencéphalique. Il émerge en
arrière de cette jonction, chemine sur le versant interne du bord libre de la tente du cervelet
puis dans le sinus caverneux, latéralement à la carotide et sous le III, et gagne l'orbite par la
fissure orbitaire supérieure en dehors de l'anneau de Zinn. Son petit diamètre, 0,3 mm en
moyenne, rend impossible sa visualisation par l'IRM. Le muscle grand oblique qu'il innerve
est intorteur, abaisseur et abducteur.
Nerf moteur oculaire externe (VI)
Son noyau est situé à la partie inférieure de la protubérance sous le plancher du IVe ventricule,
en position paramédiane. Il émerge près de la ligne médiane à la jonction
bulboprotubérantielle puis, par un long trajet sur la base du crâne, se dirige très obliquement
en haut et en dehors le long du clivus vers le sinus caverneux. Les radicelles qui le forment
peuvent rester indépendantes sur un trajet assez long. Il marque son empreinte sur l'apex
pétreux. Son diamètre de 0,3 à 1 mm permet son identification en IRM dans les plans axial et
coronal [34]. Il est visible à son émergence, dans la citerne prépontique, sur la coupe axiale
qui dégage le paquet acousticofacial, en dedans du VII et du VIII et en dehors du tronc
basilaire qui lui est parallèle. Les coupes coronales permettent de le visualiser dans le sinus
caverneux sous et en dedans du VI. Il innerve le muscle moteur oculaire externe qui est
abducteur.
Aspects cliniques
Une paralysie acquise d'un nerf oculomoteur se manifeste par une diplopie et un strabisme
qui se modifient en fonction de la position et du déplacement des globes oculaires. La position
anormale de la tête vise à minimiser la perversion sensorielle. L'impotence motrice s'étudie
oeil par oeil pour le champ d'action de chacun des six muscles. La paralysie se traduit par une
excursion oculaire impossible, incomplète ou seulement ralentie. Le strabisme s'étudie en
vision binoculaire, également dans les six directions. Lorsque l'oeil sain fixe, l'oeil atteint est
attiré par l'antagoniste du muscle paralysé. Quand la fixation est exercée par l'oeil paralysé,
l'oeil sain réalise le mouvement que tente d'effectuer le muscle paralysé.
Le test de Lancaster est l'examen complémentaire le plus largement employé,
particulièrement utile pour le diagnostic des parésies minimes. Le patient, placé à 1 m d'un
écran quadrillé, porte des lunettes munies d'un verre rouge conventionnellement placé devant
l'oeil droit et d'un verre vert devant l'oeil gauche. Deux torches projettent sur l'écran une
flèche rouge (qui ne peut donc être vue que par l'oeil droit) et une verte (vue uniquement par
l'oeil gauche). Une des flèches manipulées par l'examinateur est projetée en différents points
de l'écran, le patient devant superposer la seconde flèche, qu'il manipule à sa guise, sur la
première. Pour explorer l'oeil droit, l'examinateur projette la torche verte et pour l'oeil gauche
la torche rouge. Le défaut de superposition des deux flèches, reporté sur un graphique, traduit
le défaut d'orientation de l'oeil testé.
Paralysie du III
Le syndrome tronculaire de paralysie du III constitue la forme typique ; il fait suite à une
lésion située entre l'émergence du tronc cérébral et la division intraorbitaire du nerf. La
diplopie est croisée avec un décalage vertical des images. L'oeil atteint présente un ptosis de
la paupière supérieure qui, soulevée, laisse voir, en position primaire, une exotropie
(divergence) un léger abaissement et une mydriase aréactive à la lumière avec préservation du
réflexe consensuel. La paralysie de l'élévation, de l'abaissement et de l'adduction est totale ou
partielle ; l'abduction peut paraître limitée car l'oeil est spontanément divergent. Le test de
Lancaster confirme ces données et met en évidence l'hyperaction dans tous les mouvements,
en dehors de l'adduction, de l'oeil controlatéral.
Les paralysies parcellaires tronculaires sont assez fréquentes. Certaines épargnent la
motricité intrinsèque comme c'est le cas de la plupart des atteintes microvasculaires. Une
paralysie intrinsèque isolée peut également précéder une paralysie totale notamment dans les
étiologies compressives (anévrysme carotidien, engagement temporal). La paralysie de la
branche supérieure atteint le releveur de la paupière et le droit supérieur. Le globe oculaire est
abaissé, la tête rejetée en arrière, il existe un ptosis et une paralysie de l'élévation. La paralysie
de la branche inférieure est beaucoup plus rare ; elle atteint le droit interne, le droit inférieur et
le petit oblique. L'oeil est en hypertropie et exotropie, il existe une paralysie de l'adduction et
de l'abaissement et une mydriase, puisque les fibres intrinsèques cheminent dans le nerf du
petit oblique. La paralysie isolée d'un seul muscle est exceptionnellement d'origine neurogène
et doit surtout faire rechercher une myopathie.
Le syndrome nucléaire [90] se caractérise par une symptomatologie bilatérale constituant un
pseudosyndrome de Parinaud. Il existe une paralysie totale du III homolatérale à la lésion et,
du côté controlatéral, un abaissement spontané de l'oeil et une paralysie de l'élévation car les
neurones destinés au droit supérieur et au petit oblique naissent dans le noyau controlatéral au
muscle innervé, leurs fibres transitant ensuite dans le noyau homologue de l'autre côté. Un
ptosis et une mydriase sont également fréquemment observés en raison de la position médiane
du noyau du releveur de la paupière et du noyau d'Edinger-Westphall.
Les atteintes fasciculaires s'accompagnent le plus souvent d'un syndrome alterne du tronc
cérébral : syndrome de Benedikt (III et mouvements involontaires controlatéraux), syndrome
de Weber (III et hémiparésie controlatérale), syndrome de Claude (III et ataxie
controlatérale).
- Les autres syndromes constituent des paralysies de fonction du III. L'ophtalmoplégie
internucléaire résulte d'une lésion du faisceau longitudinal médian qui relie le VI au noyau du
III controlatéral. Il existe alors une paralysie de l'adduction de l'oeil controlatéral à la lésion et
un nystagmus de l'oeil abducteur ; dans les formes partielles, il peut n'exister qu'un simple
ralentissement de l'adduction. Le syndrome de Parinaud résulte d'une lésion supranucléaire
prétectale. Il se traduit par une paralysie globale de la verticalité parfois dissociée
(mouvement d'élévation, plus rarement mouvement d'abaissement), respectant les
mouvements oculomoteurs réflexes ; une paralysie de la convergence est habituelle. Le
syndrome prénucléaire du III est rare. Il témoigne d'une lésion juxtanucléaire atteignant le
faisceau longitudinal médian et les fibres supranucléaires destinées au sous-noyau du droit
supérieur. Il comporte donc une ophtalmoplégie internucléaire homolatérale à la lésion et une
paralysie de l'élévation de l'oeil controlatéral.
Le syndrome " un et demi " de Fisher vertical est exceptionnel.
Paralysie du IV
L'expression clinique de la paralysie du IV est identique, quel que soit le siège de la lésion. La
diplopie est verticale et prédomine dans le regard vers le bas et en dedans, rendant
particulièrement gênante la lecture ou la descente d'escalier. Spontanément, le sujet peut
adopter une attitude compensatrice, la tête inclinée et tournée du côté sain. Le diagnostic peut
être relativement difficile. Au repos et en position primaire, l'oeil atteint adopte une position
discrètement hypertropique ; chez des patients qui ne peuvent participer à une exploration de
l'oculomotricité, on ne dispose que de ce seul élément. Sinon l'examen de l'oeil atteint révèle
une paralysie vers le bas et en dedans, la tentative de réalisation de cette position majorant la
diplopie verticale et rotatoire (excyclotorsion mieux appréciée au fond d'oeil). Chez les
patients qui peuvent maintenir la position assise, la manoeuvre de Bielschowsky consiste à
incliner la tête sur l'épaule du côté paralysé, ce qui accentue la diplopie et l'hypertropie. Le
diagnostic différentiel peut être difficile avec une paralysie partielle du III et surtout une skew
deviation [59]. Le test de Lancaster confirme la paralysie du grand oblique et l'hyperaction du
droit inférieur controlatéral. Dans les paralysies bilatérales, il existe dans le regard vers le bas
une hypertropie " alternante " de l'oeil en adduction.
Paralysie du VI
La paralysie du VI tronculaire qui réalise la forme typique se manifeste par une diplopie
horizontale prédominant du côté paralysé. La tête est tournée du côté déficitaire. Au repos et
en position primaire, l'oeil paralysé est ésotropique (strabisme convergent) et la déviation en
convergence augmente lorsque cet oeil fixe. La paralysie en abduction est totale ou partielle.
Le test de Lancaster confirme ce déficit, et objective également l'hyperactivité compensatrice
du droit interne controlatéral spécifique du caractère acquis de ce déficit.
Dans l'atteinte nucléaire il existe toujours une paralysie de la latéralité (atteinte simultanée des
motoneurones abducens et des neurones internucléaires). Les atteintes fasciculaires sont
habituellement associées à un syndrome alterne (syndrome de Foville, syndrome de MillardGubler).
Le syndrome " un et demi " de Fisher réalise l'association d'une paralysie de la latéralité par
atteinte du VI ou de la formation réticulée pontique paramédiane et d'une ophtalmoplégie
internucléaire homolatérale : l'oeil paralysé ne peut effectuer horizontalement qu'un
mouvement de convergence ; l'oeil opposé peut effectuer un mouvement d'abduction
nystagmique. Les paralysies du VI n'ont pas toujours une grande valeur localisatrice en raison
de la vulnérabilité de ce nerf.
Le tableau clinique de paralysies des nerfs oculomoteurs est assez typique et ne pose guère de
difficulté de diagnostic. Dans les parésies minimes et extrinsèques du III, une paralysie du IV
ou une skew deviation peuvent se discuter. Le diagnostic différentiel peut également se poser
avec les myopathies oculaires. Dans la myasthénie, les paralysies des muscles oculomoteurs
sont fréquentes, parfois isolées, et affectent plus particulièrement le releveur de la paupière et
le droit interne. Le caractère fluctuant du déficit, lié à la fatigue et sensible à la prostigmine,
constitue donc un argument décisif. Dans les diplopies secondaires aux dysthyroïdies, il existe
habituellement une exophtalmie avec rétraction de la paupière supérieure. Par ailleurs le
scanner X et l'IRM montrent des anomalies musculaires évocatrices. Dans les
ophtalmoplégies externes liées aux myopathies, le ptosis est le signe le plus précoce suivi de
la paralysie de l'élévation puis de l'abduction. Le déficit est habituellement bilatéral,
symétrique et progressif.
Imagerie des nerfs oculomoteurs [25]
Comme nous l'avons déjà précisé, les diamètres tronculaires du III et du VI sont suffisants
pour que ces nerfs puissent être visualisés en IRM dans des plans de coupe adaptés [34]. Mais
l'IRM permet surtout de localiser et de préciser les structures environnantes normales et leurs
lésions :
•
•
•
•
•
dans le tronc cérébral, proches des noyaux ou du trajet fasciculaire des nerfs
oculomoteurs ;
dans les citernes de la base et les méninges ;
dans le sinus caverneux ;
dans la fissure orbitaire supérieure et l'orbite ;
dans les troncs nerveux eux-mêmes qui peuvent paraître élargis et comporter des
anomalies de signal avec rehaussement après injection de gadolinium évocateur de
lésions inflammatoires ou infiltratives (in [25]). L'IRM est également un moyen
d'investigation privilégié des structures vasculaires, normales et anormales de
l'hexagone de Willis et du sinus caverneux (anévrysmes, fistule carotidocaverneuse,
angiome caverneux, thrombophlébites). En revanche, l'apport de l'IRM est
actuellement modeste dans les paralysies myogènes (ophtalmoplégie progressive,
dystrophie myotonique, myosite), à l'exception cependant des myopathies
dysthyroïdiennes.
Le scanner X garde, quant à lui, tout son intérêt dans le diagnostic des lésions et érosions
osseuses de la base du crâne [101] et de l'apex orbitaire.
Étiologies
Un très grand nombre de processus pathologiques peuvent donner lieu à une paralysie
oculomotrice, certains fréquents, d'autres rares ou exceptionnels. Le diagnostic étiologique
présente donc une difficulté très variable. Parfois évident parce que la paralysie s'inscrit dans
un contexte précis (diabète, néoplasie), il peut aussi s'avérer particulièrement ardu lorsqu'il
n'existe aucun élément d'orientation. L'examen clinique permet de reconnaître le type de
l'atteinte pour le III (paralysie totale, extrinsèque ou intrinsèque) et éventuellement le siège
lésionnel (paralysie nucléaire, fasciculaire ou tronculaire). Le mode de survenue, progressif,
brutal, douloureux ou indolore est un élément essentiel du diagnostic, en gardant à l'esprit
qu'une paralysie oculomotrice isolée peut n'être que la première manifestation d'une paralysie
multiple des nerfs crâniens, notamment dans les classiques syndromes de la pointe du rocher,
du sinus caverneux ou de l'orbite. Parmi les examens complémentaires, l'IRM a acquis une
place de tout premier plan mais le scanner X et surtout l'angiographie cérébrale gardent des
indications précises. Le recours à une ponction lombaire doit être large.
Les étiologies étant pour l'essentiel identiques pour les trois nerfs, nous les traiterons de façon
globale en soulignant pour chacune d'elles les particularités propres à chaque nerf. L'étude de
Richards et al [93] analyse, dans ce domaine, les données de 4 278 patients dont 3 000
proviennent de la compilation de trois études antérieures (in [93]) et 1 278 sont de nouveaux
cas. Cent deux paralysies congénitales, qui concernent essentiellement le IV (79/102), ont été
a priori exclues. La distribution des atteintes oculomotrices est la suivante :
•
•
•
•
VI : 45 % ;
III : 26 % ;
IV : 15 % ;
paralysies oculomotrices multiples : 13 %.
Seules les paralysie du IV sont corrélées avec l'âge en raison de la fréquence des traumatismes
chez les sujets jeunes.
Quatre grandes étiologies ressortent :
•
•
•
•
néoplasies : 16 % ;
traumatismes : 16 % ;
causes vasculaires : 15 % ;
anévrysmes artériels : 7 %.
Les autres causes, très diverses, représentent 20 % des étiologies.
Selon cette étude, les chances d'aboutir à un diagnostic précis sont significativement corrélées
avec l'âge (moins de 18 ans), et augmentent lorsqu'il existe d'autres signes neurologiques ou
une paralysie oculomotrice multiple. L'indétermination de la cause reste fréquente (24 %)
avec une surreprésentation du IV dont un tiers des paralysies restent d'étiologie inconnue. Les
paralysies isolée du IV (sans autre signe neuro-ophtalmologique ou neurologique) sont par
ailleurs relativement rares (5 % dans la série de 215 patients de Keane [57]). Les paralysies du
VI n'ont pas toujours de valeur localisatrice. Les lésions du tronc cérébral associées à une
paralysie isolée ont la réputation d'être rares mais cette donnée est en partie remise en cause
depuis le recours à l'IRM. Nous n'aborderons pas dans ce chapitre les déficits congénitaux et
brièvement les pathologies affectant l'orbite.
Causes néoplasiques
Elles constituent la cause la plus fréquente des paralysies du VI (22 % dans l'étude de
Richards [93]) en partie en raison du long trajet de ce nerf sur la base du crâne. Les paralysies
isolées du IV sont en revanche rares (4 % dans la série de Richards [93], 0 % dans la série de
Keane [57]). Au-delà des mécanismes habituels de compression et d'infiltration, un " effet à
distance " par le biais d'une hypertension intracrânienne peut affecter le VI, voire le III. Les
métastases (40 %) dominent par leur fréquence. Nous aborderons les différentes étiologies
tumorales en fonction de leur localisation.
Tumeurs de la fosse postérieure
Elles sont surtout fréquentes chez l'enfant et souvent accompagnées d'une paralysie du VI
(nucléaire, fasciculaire ou tronculaire) qui peut être révélatrice dans un quart des cas [112] :
gliome de la protubérance, hémangiome, médulloblastome, pinéalome, craniopharyngiome,
méningiome. Chez l'adulte où les métastases dominent, une paralysie oculomotrice isolée (III,
VI) peut exceptionnellement être révélatrice.
Tumeurs du clivus
Il s'agit essentiellement de chordomes et de méningiomes qui affectent précocement les nerfs
oculomoteurs, essentiellement le VI.
Tumeurs hypophysaires
Leur extension latérale dans le sinus caverneux peut se manifester par une paralysie isolée et
révélatrice du III, totale ou partielle [112]. Dans les rares adénomes se manifestant ainsi, le
mécanisme en cause est une compression lente, parfois une apoplexie pituitaire, brutale et
accompagnée de céphalées intenses. Il peut également s'agir de métastases sellaires [43], de
craniopharyngiome, de chordome parasellaires.
Tumeurs du sinus caverneux
Elles peuvent se manifester par une paralysie du III, du VI ou des deux. Les métastases sont
les plus fréquentes (sein, poumon, prostate) parfois révélatrices du cancer. À la paralysie
oculomotrice s'associent des céphalées unilatérales supraorbitaires et frontales continues et
lancinantes. La radiothérapie améliore douleurs et paralysies [43]. Les autres processus
tumoraux comportent des lymphomes, des méningiomes et des schwannomes du VI. Ceux-ci
peuvent se développer soit dans la région du sinus caverneux où, en dépit d'une taille assez
considérable, la paralysie du VI peut rester isolée, soit dans la région prépontique où ils
s'accompagnent d'une hypertension intracrânienne obstructive [113]. Le diagnostic
différentiel des tumeurs se pose avec les autres syndromes du sinus caverneux : anévrysmes
carotidiens et syndrome de Tolosa-Hunt.
Tumeurs du nasopharynx et du sinus sphénoïde
Adénocarcinome, carcinome épidermoïde, lymphoépithéliome, lymphosarcome, lymphome
mais aussi des métastases peuvent s'étendre de proche en proche, infiltrer les méninges et les
nerfs, et déterminer une ophtalmoplégie douloureuse. Les paralysies des nerfs crâniens sont le
plus souvent multiples [101] mais parfois limitées au VI, voire au III. Le diagnostic repose sur
le scanner X (lyse osseuse) et l'IRM qui peut révéler les lésions des méninges et des troncs
nerveux [101].
Tumeurs de l'orbite
Elles sont d'origine très variée, primitives ou secondaires, et comportent précocement des
paralysies oculomotrices par compression ou envahissement des nerfs.
Nous ne ferons que citer les méningites carcinomateuses qui peuvent se manifester par un
double VI. Exceptionnellement, une paralysie " tumorale " du VI ou du III peut être transitoire
(leucémie aiguë, tumeur de la base du crâne, lymphome méningé).
Les syndromes paranéoplasiques comportant une atteinte du III, IV ou VI sont exceptionnels.
Le syndrome de Lambert-Eaton peut en revanche comporter une atteinte des muscles
oculomoteurs.
Causes traumatiques
Le diagnostic d'une paralysie d'un nerf oculomoteur peut être particulièrement difficile chez
un patient comateux en dehors d'une mydriase aréactive, assez souvent différée, qui évoque
un engagement temporal et nécessite une sanction chirurgicale d'extrême urgence. Des lésions
faciales ou orbitaires (engourdissement sous-orbitaire fréquent) peuvent également donner
une mydriase aréactive, voire en imposer pour une paralysie complète du III en cas d'oedème
orbitaire [59] d'où l'intérêt du scanner X et de l'IRM. Exceptionnellement, une paralysie du III
par engagement temporal peut ne pas comporter d'anomalie pupillaire [55]. En dehors de
l'engagement temporal, le III peut également être comprimé peu après son émergence du tronc
cérébral, entre la pince vasculaire rigide (cérébrale postérieure-cérébelleuse supérieure) et le
bord libre de la tente du cervelet.
Les traumatismes représentent la cause la plus fréquente des paralysies tronculaires du IV (29
% dans la série de Richards [93], 59 % dans la série de Keane [57]) mais le diagnostic est
souvent retardé. Une atteinte isolée est fréquente (74 % dans la série de Keane [57]) souvent
bilatérale. Le nerf peut être lésé directement sur la tente du cervelet, ou à son point de
décussation qui est particulièrement vulnérable (in [25, 57]). Le scanner X et plus encore
l'IRM jouent un rôle essentiel dans le diagnostic du mécanisme impliqué, et montrent
fréquemment une hémorragie dans la citerne ambiante ou une contusion du tronc cérébral
dans sa partie dorsolatérale [57]. Une paralysie du IV peut être exceptionnellement différée
par rapport au traumatisme causal.
Le VI est particulièrement sensible aux traumatismes en raison de son long trajet
basioccipital, de son attachement très ferme à la dure-mère et de ses rapports étroits avec le
bord du rocher sur lequel il s'incurve à 90°. Il peut ainsi être directement blessé lors des
fractures de la clinoïde ou du temporal, ou être comprimé par des hémorragies locales. Les
paralysies sont souvent bilatérales et de diagnostic difficile au moment du traumatisme car la
pleine coopération du patient est nécessaire. Lorsqu'elle est différée, une paralysie résulte
presque toujours d'une hypertension intracrânienne ou d'une hémorragie méningée [59]. Les
fractures du sinus caverneux et de l'orbite donnent lieu habituellement à des paralysies
multiples. Un traumatisme crânien mineur sans perte de connaissance mais suivi d'une
paralysie oculomotrice isolée, peut être révélateur d'un anévrysme (III) [120] ou d'une tumeur
de la base du crâne (VI).
Des causes traumatiques nous rapprocherons les séquelles d'intervention chirurgicale qui
affectent le plus souvent le IV [57].
Causes microvasculaires
Nous entendons sous ce terme les lésions vasculaires ischémiques affectant les troncs
nerveux. Elles représentent la cause la plus fréquente des paralysies isolées du III (20 % dans
la série de Richards [93]) surtout chez les sujets âgés. L'IRM est normale dans ce type de
pathologie. Nous excluons, en revanche, les anévrysmes, les malformations vasculaires ainsi
que les accidents ischémiques du tronc cérébral qui seront abordés ultérieurement.
Dans leur trajet cisternal, les nerfs oculomoteurs sont vascularisés par des branches issues du
système basilaire et, dans la région supracaverneuse, le III et le IV sont vascularisés par
l'artère de Bernasconi ou artère du bord libre de la tente issue du siphon carotidien. Dans la
loge caverneuse, la vascularisation dépend du tronc inférolatéral qui provient de la carotide
interne dans le siphon. Sa branche supérieure, ou tentorielle, vascularise le tronc du III et du
IV dans les deux tiers postérieurs de leur trajet caverneux. Sa branche inférieure ou
antéromédiane vascularise le III et le IV dans leur trajet antérieur, le VI, le V1 et plus
exceptionnellement le II et le VII [66]. Une paralysie " vasculaire " du III peut donc être
associée à d'autres atteintes, notamment du IV, du VI et du V. Une paralysie du III
extrinsèque, indolore, isolée ou associée à un IV est très évocatrice d'une pathologie
vasculaire [66]. La fréquente discordance entre une paralysie extrinsèque importante et une
pupille normale peut s'expliquer par la disposition centrale des fibres extrinsèques et
périphériques des fibres intrinsèques qui sont donc mieux protégées [93].
L'hypertension artérielle et surtout le diabète dominent les étiologies. La paralysie affecte par
ordre de fréquence le III, le VI, rarement le IV. Elle est d'installation brutale, fréquemment
associée au début à une douleur orbitaire ou rétro-orbitaire. Les lésions sont surtout
démyélinisantes. La récupération est habituelle en 6 à 8 semaines, mais les récidives sont
assez fréquentes affectant éventuellement d'autres nerfs. Certaines lésions microvasculaires
peuvent aussi être liées à une pathologie infectieuse ou toxique.
Une dissection de la carotide interne doit être évoquée de parti pris devant une paralysie
oculomotrice (III mais aussi VI et IV) associée à un syndrome de Claude Bernard-Horner
[78]. Une céphalée ipsilatérale ou diffuse, des douleurs orbitaires, jugales ou mandibulaires,
des signes focaux d'ischémie cérébrale renforcent la probabilité de ce diagnostic. Mais une
dissection spontanée de la carotide peut aussi se révéler par une paralysie intrinsèque du III
(in [25]). L'IRM couplée à l'angiographie par résonance magnétique nucléaire (ARM)
constitue l'examen de choix en montrant l'hématome pariétal carotidien pathognomonique de
la dissection. Son extension en hauteur, la perméabilité des axes artériels et du polygone de
Willis, la présence d'infarctus cérébraux peuvent également être précisés.
Anévrysmes
Le diagnostic d'anévrysme de la carotide interne ou de la communicante postérieure est à
évoquer de parti pris et à retenir jusqu'à preuve du contraire lorsqu'il existe une paralysie du
III, extrinsèque (totale ou partielle) et intrinsèque associée à une douleur ipsilatérale souvent
rétro-orbitaire. L'absence d'anomalie pupillaire est relativement rare mais la mydriase peut
être différée [64]. Une paralysie partielle et dissociée est possible [8] mais presque toujours
douloureuse : ptosis et mydriase sans diplopie, mydriase et diplopie sans ptosis, mydriase
seule. Le mécanisme en cause, en dehors des ruptures avec hémorragies, est compressif ; il
peut s'exercer par le faux sac anévrysmal, l'anévrysme lui-même ou un hématome intracrânien
(in [25]). Le siège de l'anévrysme est par ordre de fréquence sur la carotide intracaverneuse ou
supraclinoïdienne, la communicante postérieure, la terminaison du tronc basilaire, l'origine de
la cérébrale postérieure. Le diagnostic repose sur l'IRM, l'ARM et l'angiographie cérébrale
conventionnelle. En cas de rupture anévrysmale et d'hémorragie sous-arachnoïdienne, une
paralysie du VI n'a aucune valeur localisatrice.
Autres causes vasculaires
Les fistules carotidocaverneuses sont les malformations vasculaires les plus fréquentes après
les anévrysmes, souvent d'origine traumatique. Elles comportent une infiltration oedémateuse
conjonctivale, une protrusion du globe oculaire, des céphalées parfois pulsatiles et dans la
moitié des cas une ophtalmoplégie le plus souvent du VI, parfois du III, rarement du IV.
Parfois une paralysie isolée du VI ou du III (complet ou extrinsèque) [75] constitue la seule
manifestation, éventuellement associée à des douleurs orbitaires. Le mécanisme de l'atteinte
des nerfs oculomoteurs est mal connu, compressif ou ischémique [75]. Le diagnostic repose
sur l'ARM et l'angiographie conventionnelle. Les angiomes caverneux et les malformations
artérioveineuses du tronc cérébral sont rarement en cause de même que les conflits
vasculonerveux.
Dans les thrombophlébites du sinus caverneux, la paralysie du VI est le plus souvent précoce
[118].
Hémorragies, ischémie, lacunes du tronc cérébral
Les paralysies isolées d'un nerf oculomoteur secondaires à ce type de lésions ont la réputation
d'être rares car elles s'accompagnent habituellement d'un syndrome alterne :
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à l'étage mésencéphalique, syndrome de Weber, de Claude, de Benedikt ;
à l'étage protubérentiel, syndrome de Foville, de Millard-Gubler.
La sensibilité diagnostique du scanner X et surtout de l'IRM a cependant permis la description
d'assez nombreux cas récents de paralysies oculomotrices isolées :
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infarctus mésencéphaliques et paralysie du III par atteinte fasciculaire (identique à une
paralysie tronculaire) [16, 40, 83], épargnant éventuellement la motricité intrinsèque
[22] ou syndrome nucléaire du III ;
infarctus du tegmentum pontin responsable d'une paralysie du VI fasciculaire [62] ;
hématome mésencéphalique responsable d'une paralysie fasciculaire du III unilatérale
[56, 100] ou bilatérale [41] ;
hématome de la région de l'aqueduc de Sylvius responsable d'une paralysie isolée du
IV controlatéral [62] ;
hématome pontique responsable d'une paralysie du VI [40].
Migraine ophtalmoplégique
Cette forme rare de migraine se caractérise par une aura comportant une paralysie isolée
affectant par ordre de fréquence, le III intrinsèque, le III extrinsèque, le IV, le VI. Des
anomalies de signal de la gaine du III se rehaussant avec le gadolinium ont été rapportées lors
de paralysie complète du III (in [25]).
Causes inflammatoires
Sclérose en plaques
Les paralysies oculomotrices sont fréquentes, le plus souvent du fait d'une atteinte
supranucléaire. Les atteintes isolées des nerfs oculomoteurs plutôt rares affectent surtout le VI
et rarement le III [74] dont la paralysie peut exceptionnellement inaugurer la maladie. Le
diagnostic repose sur le contexte clinique, la constatation d'hypersignaux multiples de la
substance blanche à l'IRM, et une sécrétion intrathécale d'immunoglobulines G (IgG) avec un
profil oligoclonal.
Syndrome de Tolosa-Hunt
Il constitue une ophtalmoplégie douloureuse secondaire à un processus inflammatoire du
sinus caverneux. L'atteinte des nerfs oculomoteurs est multiple et peut être étendue à d'autres
nerfs crâniens (II, VI, VII) [118]. Mais une atteinte isolée du III, complète ou seulement
extrinsèque est possible [96], exceptionnellement une atteinte isolée du IV [57]. La sensibilité
aux corticoïdes est habituellement spectaculaire mais les récidives sont assez fréquentes. Le
scanner X est souvent en défaut ; l'IRM peut montrer un élargissement du sinus caverneux et
des anomalies de signal avec rehaussement par le gadolinium (in [25, 96]) s'étendant parfois à
l'apex orbitaire et à la méninge adjacente, et pouvant également affecter la gaine du III.
Radiologiquement, les diagnostics de neurosarcoïdose, de lymphome doivent cependant être
évoqués, et à un moindre degré, une thrombophlébite ou un méningiome [96].
Autres causes
D'autres maladies peuvent comporter, au moins initialement, une paralysie isolée le plus
souvent du III : sarcoïdose, maladie de Churg et Strauss, syndrome de Gougerot-Sjögren
primitif, granulomatose de Wegener, artérite gigantocellulaire, neuro-Behçet, périatérite,
lupus.
Causes locales ORL et stomatologiques non tumorales
Elles peuvent occasionner des paralysies tronculaires partielles : mucocèle du sinus frontal,
sinusite sphénoïdale éventuellement associée à une pachyméningite localisée.
Infections
Leur fréquence est faible et les mécanismes en cause sont multiples : infectieux proprement
dits, inflammatoires, microvasculaires parfois compressifs.
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Les encéphalites et les méningites, quelle que soit leur nature, peuvent comporter une
paralysie oculomotrice souvent du VI ou du III plus rarement du IV. Quelques rares
cas d'abcès hypophysaires ont été rapportés [93].
Les méningites tuberculeuses comportent souvent une paralysie complète du III.
Pereira et al [89] ont rapporté le cas exceptionnel d'un tuberculome hypophysaire se
manifestant par une paralysie du VI.
La syphilis a longtemps constitué une cause fréquente de paralysie oculomotrice
essentiellement du III [112]. La forme méningovasculaire est le plus souvent en cause,
par un mécanisme inflammatoire (méningite de la base) ou microvasculaire. La
régression sous traitement antibiotique est habituelle. Le tabès peut également
comporter une paralysie du III.
Une neuroborréliose peut se révéler par une paralysie isolée d'un nerf oculomoteur
[63, 112].
Parmi les étiologies virales, le zona est le plus fréquent. La paralysie affecte le III plus
rarement le VI, la récupération est habituelle et un mécanisme vasculaire évoqué.
Le sida peut comporter une paralysie isolée d'un nerf oculomoteur (III, VI) qui peut
être révélatrice de la maladie [5].
Une paralysie du VI et de l'accommodation sont les signes précoces d'un botulisme
[102].
Causes diverses
Nous citerons tout d'abord les intoxications et troubles métaboliques qui peuvent provoquer
des paralysies oculomotrices comme elles induisent des neuropathies des membres. Nous
insisterons sur l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke où l'atteinte oculomotrice constante peut
précéder de plusieurs jours les troubles de la vigilance et le syndrome cérébelleux [118]. Le
tableau réalisé peut être celui d'une paralysie isolée du VI, bilatérale mais asymétrique. Ce
diagnostic doit être envisagé systématiquement en raison de la gravité du pronostic en
l'absence de traitement précoce.
Nous avons déjà souligné que les paralysies du VI sont banales et sans valeur localisatrice au
cours de l'hypertension intracrânienne. Une hypotension intracrânienne peut aussi être en
cause, faisant suite à une ponction lombaire, une rachianesthésie, une myélographie, ou la
pose d'une valve de dérivation intraventriculaire [35]. Ces paralysies sont alors transitoires,
liées à la traction exercée sur le nerf et à l'ischémie focale secondaire [35].
Les maladie dégénératives spinocérébelleuses, une syringobulbie, les malformations de la
charnière peuvent, rarement, comporter une paralysie oculomotrice isolée.
Nerf trijumeau
Le nerf trijumeau est un nerf mixte. La racine sensitive, volumineuse, émerge à la face
ventrale ou antérieure de la protubérance à la frontière entre celle-ci et le pédoncule
cérébelleux moyen. Après 1 à 2 cm, elle se renfle et forme le ganglion de Gasser (ou semilunaire) logé dans le cavum de Meckel à la face antérosupérieure du rocher séparé du lobe
temporal par la dure-mère. Il contient la majorité des neurones des fibres sensitives du nerf à
l'exception de ceux des fibres de la sensibilité proprioceptive des muscles masticateurs. De
son extrémité antérieure se détachent trois branches, de dedans en dehors :
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l'ophtalmique de Willis (V1) ;
le maxillaire supérieur (V2) ;
le maxillaire inférieure (V3).
La branche motrice, beaucoup plus fine, naît collée au bord interne de la racine sensitive, elle
passe au-dessous du ganglion de Gasser, puis s'unit au nerf maxillaire inférieur, elle sort avec
lui par le trou ovale.
Rappels anatomiques
Systématisation générale
La racine sensitive est constituée de fibres afférentes somatiques générales qui innervent la
face depuis l'angle de la mâchoire exclusivement (c'est l'encoche du trijumeau) jusqu'au
sommet du scalp et latéralement jusqu'à la partie antérieure du pavillon de l'oreille incluant la
partie antérieure du conduit auditif externe, les cavités buccales, orbitaires, nasales, les globes
oculaires, les dents, le palais, l'articulation temporomaxillaire, la dure-mère (en collaboration
avec les 9e et 10e paires crâniennes et les 2e et 3e racines cervicales pour la dure-mère de la
fosse postérieure). Elle véhicule les afférences proprioceptives des muscles masticateurs mais
celles des autres muscles de la face empruntent le nerf facial.
La racine motrice, faite de fibres efférentes spéciales, innerve les muscles masticateurs, le
muscle du marteau et en partie le voile du palais.
Distribution des fibres sensitives
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L'ophtalmique de Willis (V1) chemine dans la partie externe du sinus caverneux audessous du pathétique, en dehors du moteur oculaire externe. Il donne des filets
anastomotiques pour le plexus carotidien, des filets récurrents méningés pour la tente
du cervelet, puis se divise en trois branches qui traversent la fente sphénoïdale et
pénètrent dans l'orbite. Dans sa théorie vasculonerveuse de la migraine, Moskovitz
[81] soutient que les afférences douloureuses prenant naissance dans les branches du
polygone de Willis sont véhiculées par l'ophtalmique de Willis vers les territoires
cutanés et oculaires concernés par la douleur migraineuse.
Le nerf nasal (ou nasociliaire) donne les nerfs ethmoïdaux pour le sinus ethmoïdal,
sphénoïdaux, la racine nasale du ganglion ophtalmique, les nerfs ciliaires longs qui
innervent le globe oculaire y compris la cornée [24]. Il se divise en nerf nasal interne
pour la cavité nasale et nasal externe pour les téguments de la racine du nez.
Le nerf frontal par le nerf frontal externe, ou sus-orbitaire, innerve les téguments du
front jusqu'au vertex ; par le nerf frontal interne, il innerve la région médiane du front,
la paupière supérieure, la conjonctive et le sinus frontal.
Le nerf lacrymal innerve la partie latérale des paupières supérieures, les glandes
lacrymales (quelques fibres issues du ganglion sphénopalatin l'empruntent), la
conjonctive [24], les téguments de la région temporale.
Le nerf maxillaire supérieur (V2) traverse le trou grand rond, parcourt l'arrière-fond de
la fosse ptérygomaxillaire, emprunte le canal sous-orbitaire, débouche à la face
externe de l'os maxillaire supérieur. Il innerve les téguments de la joue, de la lèvre
supérieure, de la paupière inférieure, la région zygomatique. Il donne les nerfs
dentaires supérieurs, le nerf sphénopalatin qui innerve le palais, le rhinopharynx
adjacent, la cloison des fosses nasales, l'orbite. Le V2 innerve la dure-mère de la fosse
cérébrale moyenne.
Le nerf maxillaire inférieur ou mandibulaire (V3) sort par le trou ovale, donnant
immédiatement un rameau récurrent méningé qui remonte par le trou petit rond avec
l'artère méningée moyenne. Il se divise en deux : le tronc postérieur donne : le nerf
auriculotemporal qui traverse la glande parotide (il reçoit des filets parasympathiques
qui empruntent le nerf) puis se distribue aux téguments du pavillon de l'oreille et de la
tempe, le nerf dentaire inférieur qui innerve dents, lèvre inférieure et menton, le nerf
buccal et le nerf lingual qui reçoit des afférences tactiles et thermoalgésiques des deux
tiers antérieurs de la langue et gustatives provenant de la corde du tympan (VII bis).
La branche antérieure donne presque exclusivement des fibres à destination motrice
(sauf la branche buccale du temporobuccal). Noter que le nerf innerve l'articulation
temporomaxillaire, la dure-mère de la fosse postérieure, l'oreille externe et la
membrane tympanique.
Distribution des fibres motrices
•
Le tronc antérieur du nerf maxillaire inférieur, presque exclusivement moteur, innerve
les muscles : temporal, massetérin, ptérygoïdiens interne et externe, péristaphylin
externe qui tend le voile du palais et le muscle du marteau (ou tensor tympani qui a un
rôle d'atténuation réflexe des stimuli auditifs intenses).
•
Le tronc postérieur participe partiellement à l'innervation motrice ; par l'intermédiaire
du nerf dentaire inférieur, il envoie des fibres au ventre antérieur du muscle
digastrique et au muscle mylohyoïdien.
Noyaux du trijumeau
Ils sont au nombre de quatre : trois sensitifs et un moteur.
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Le noyau bulbospinal (ou noyau de la racine descendante, ou gélatineux) s'étend
depuis le niveau d'émergence de la racine sensitive en haut jusqu'au troisième segment
de la moelle cervicale inclusivement en bas, où il prolonge vers le haut la substance
gélatineuse de Rolando située dans la corne postérieure de la moelle. Dans le bulbe
bas, il forme une masse nucléaire égale en volume au noyau cuneatus en arrière et en
dehors duquel il se trouve. Dans le bulbe haut, il est situé en arrière de la lame dorsale
de l'olive bulbaire et en dedans du pédoncule cérébelleux inférieur. Il est subdivisé en
trois parties égales : rostrale qui reçoit les sensations tactiles discriminatives,
intercalaire et caudale qui reçoivent les sensations thermoalgésiques. D'autre part, les
fibres du V1 se terminent dans la partie ventrale du noyau, les fibres du V3 dans les
couches dorsales, celles du V2 entre les deux zones précédentes. Cette longue colonne
nucléaire est partout cravatée en dehors par la racine descendante du V (ou faisceau
spinal du V). Elle contient des petites fibres peu myélinisées (A5) ou pas myélinisées
(C). Les fibres afférentes de grand diamètre, Ab, se terminent dans le noyau principal
ou la partie orale du noyau bulbospinal.
Le noyau principal est immédiatement rostral au précédent situé dans la partie
moyenne de la protubérance. Il est l'homologue du noyau de la colonne dorsale de la
moelle, dont il a en commun l'organisation somatotopique. Il reçoit la sensibilité
tactile discriminative de la face.
Le noyau mésencéphalique n'est pas un vrai noyau. Les neurones pseudo-unipolaires
reçoivent des grandes fibres myélinisées qui véhiculent les afférences proprioceptives
des muscles masticateurs sans synapse, ce sont leurs terminaisons dendritiques.
Arrondis et de grande taille, les corps neuronaux sont situés à la périphérie de la
substance grise périaqueducale du mésencéphale. Leurs courtes terminaisons axonales
projettent au noyau moteur (boucle du réflexe myotatique) et au noyau principal du V.
Le noyau moteur est situé juste en dedans du précédent. Il contient des neurones a et g.
C'est le noyau des muscles masticateurs.
Projections des noyaux sensitifs du V et voies réflexes
•
•
Les fibres issues du noyau bulbospinal croisent presque horizontalement la ligne
médiane et forment le faisceau lemiscus trigéminal ventral (ou quintothalamique
ventral) qui se termine dans le noyau ventro-postéro-médial du thalamus. Des fibres
comprenant plusieurs relais se terminent dans les noyaux de la formation réticulée du
tronc cérébral et dans le noyau postéromédial et intralaminaire du thalamus.
Les fibres issues du noyau principal véhiculant la sensibilité tactile discriminative
croisent les fibres médianes dans le tegmentum pontin. La plupart rejoignent le
lemiscus trigéminal ventral controlatéral qui se termine dans le noyau ventro-postéromédial du thalamus. Certaines, plus directes, de petit diamètre, empruntent le tractus
trigéminothalamique dorsal homolatéral et se terminent dans les mêmes noyaux
thalamiques que les précédents.
•
Les noyaux sensitif du V sont le point de départ d'arcs réflexes : les voies efférentes
sont constituées par le VII (réflexe cornéen, réflexe lacrymal), le X (réflexe
oculocardiaque, réflexe de vomissement), les filets moteurs du V (réflexe massetérin,
il s'agit d'un réflexe monosynaptique : la percussion du menton pressé par le doigt de
l'examinateur au-dessous de la lèvre inférieure, bouche demi-ouverte, entraîne une
contraction des masséters ; ce réflexe est exagéré dans les lésions supranucléaires).
Vascularisation du nerf trijumeau
Selon Lapresle et Lasjaunias [66], le V1 est vascularisé par la branche antéromédiane du tronc
inférolatéral issu du siphon carotidien dans son trajet intracaverneux. L'artère méningée
moyenne, branche de la carotide externe irrigue les V2 et V3.
Sémiologie motrice et sécrétoire du nerf trijumeau
Si la paralysie est ancienne, l'atrophie des muscles masticateurs est visible. La palpation du
muscle temporal ou des masséters quand on sollicite une forte striction de la mâchoire rend
compte difficilement d'une asymétrie en raison des anomalies fréquentes de l'articulé dentaire.
Le phénomène de la bouche oblique ovalaire est plus fidèle. Quand on demande au sujet
d'ouvrir la bouche lentement, la mâchoire inférieure dévie du côté paralysé en raison de
l'action du ptérygoïdien externe controlatéral, phénomène également visible dans les
mouvements de propulsion et de rétropropulsion.
Dans les atteinte bilatérales, la mastication est impossible et la mâchoire est tombante. La
paralysie du muscle du marteau peut donner soit une hypoacousie, soit une hyperacousie, elle
est appréciée par l'étude du réflexe stapédien au moyen de l'impédancemétrie.
La paralysie supranucléaire des masticateurs s'observe dans les états pseudobulbaires, elle
concerne surtout la motricité volontaire, les réflexes faciaux sont vifs, il peut exister un rire et
un pleurer spasmodiques. Dans la sclérose latérale amyotrophique, la paralysie des
masticateurs peut être nucléaire centrale ou mixte.
Le trismus est une contracture des muscles masticateurs résultant le plus souvent d'une cause
locale (dentaire). Il s'observe dans le tétanos et exceptionnellement au cours de tumeurs du
tronc cérébral.
Le trijumeau n'a pas de fonction sécrétoire en propre mais le trajet de quelques-unes de ses
branches est emprunté par des fibres parasympathiques :
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•
dans le nerf lingual : fibres venues du ganglion sous-maxillaire pour les glandes sousmaxillaires et sublinguales ;
dans le nerf auriculotemporal : fibres issues du ganglion optique destinées à la
parotide.
Le syndrome du nerf auriculotemporal comprend la survenue d'une sudation avec érythème
préauriculaire au cours de la mastication, il succède à un traumatisme du nerf ou à une
intervention sur la parotide ayant lésé une branche du nerf facial.
Aspects cliniques
Sémiologie sensitive du trijumeau
La sémiologie sensitive du trijumeau est particulièrement riche, elle comprend les douleurs,
les paresthésies et les zones d'hypoesthésies ou d'anesthésies. L'interrogatoire doit en préciser
minutieusement les caractères. L'examen de la sensibilité de la face doit porter sur les
différentes modalité de la sensibilité cutanée. En effet, l'anesthésie peut être dissociée comme
dans le syndrome de Wallenberg (elle est uniquement thermoalgésique). La connaissance de
l'encoche de l'angle de la mâchoire innervé par C2 et de la limite transversale au vertex du
territoire du nerf pourra s'avérer utile pour affirmer l'organicité du trouble allégué. L'examen
doit porter en outre sur la sensibilité des muqueuses nasales, jugales, palatines, linguales, la
sensibilité de la cornée et le réflexe cornéen (en cas d'atteinte du trijumeau, le clignement est
aboli bilatéralement, en cas d'atteinte du VII, il ne l'est que du côté stimulé).
On distingue schématiquement deux types de douleurs trigéminales : la névralgie à type de
douleur fulgurante de la face et la névralgie continue. Les termes d'" essentielles " et de "
symptomatiques " prêtent à confusion. Si les névralgies continues sont toujours secondaires
(symptomatiques), la névralgie à type de douleur fulgurante n'est pas constamment essentielle
" les cas de névralgies symptomatiques présentant tous les caractères cliniques de la névralgie
essentielle ne sont pas rares " [103].
Névralgie du trijumeau à type de douleur fulgurante (névralgie dite essentielle, tic
douloureux de la face de Trousseau)
Elle survient surtout après 50 ans, plus fréquente chez la femme. C'est une douleur fulgurante
de la face d'une atroce intensité entraînant une mimique particulière. Le début est brutal,
déclenché par une stimulation cutanée ou muqueuse précise (trigger zone) pendant la toilette,
le rasage, le brossage des dents. Cette " zone gâchette " est bien connue du patient. Elle peut
être également provoquée par la parole, le bâillement, le jeu d'instruments à vent. La douleur
est brève, comparable à un éclair, une décharge électrique. Elle peut se répéter pendant l'accès
qui dure de quelques secondes à quelques minutes. Elle est suivie d'une période réfractaire
pendant laquelle la stimulation de la zone gâchette est inefficace. La névralgie est unilatérale.
Elle occupe le territoire du maxillaire inférieur dans 20 % des cas, du maxillaire supérieur
dans 15 % des cas, de ces deux nerfs dans 35 % des cas, des trois branches dans 15 % des cas.
L'atteinte du seul V1 est rare, en revanche celle du V1 et du V2 simultanément occupe 15 %
des cas [38]. Pendant la crise, l'examen neurologique est négatif. Il en est de même entre les
accès, en particulier la sensibilité objective de la face, la sensibilité cornéenne sont normales,
le reste de l'examen neurologique ne montre pas d'anomalies, pas plus que l'examen ORL, le
scanner avec injection, examen standard indispensable.
Évolution
L'évolution de la maladie de Trousseau est capricieuse. La crise peut se répéter quatre à cinq
fois dans la journée ou dans la nuit pendant plusieurs jours de suite, puis disparaître plusieurs
semaines ou plusieurs mois.
Traitement
La conduite à tenir devant cette forme dite " essentielle " est simple. La carbamazépine
constitue le traitement de choix en même temps que le test diagnostique. À la dose
progressivement atteinte de 4 à 5 comprimés à 200 mg/j, elle fait rapidement disparaître la
douleur sans entraîner d'inconvénients (à l'exception d'une légère somnolence parfois). En cas
d'échec, le clonazépam (1 à 2 comprimés par jour), le diphénylhydantoïne (400 mg) gardent
leur indication.
Conduite diagnostique
Devant une névralgie d'allure " essentielle ", certains faits doivent constituer des arguments
contre ce diagnostic :
•
•
•
•
l'âge relativement jeune du patient (avant 50 ans) fera rechercher une sclérose en
plaques. Selon Mathews et al [74], elle survient dans 1 % des cas pouvant être
révélatrice. Des formes bilatérales ont été décrites, Rushton et Olafson [98] en ont
observé quatre cas. La douleur est en rapport avec des plaques de démyélinisation
pontique, ce que peut montrer l'IRM avec injection de gadolinium. La réponse aux
traitements médicamenteux et chirurgicaux est variable ;
l'existence d'un fond douloureux permanent à type de brûlures ou de décharges
électriques brèves entre les crises ;
des phénomènes vasomoteurs associés pendant la crise ou à la fin de celle-ci ;
et bien entendu une légère asymétrie de la sensibilité cutanéomuqueuse et
spécialement de la cornée qui fera suspecter une compression sur le trajet du nerf. On
demandera alors des examens otorhinolaryngologique[ORL], une IRM avec angioIRM, et au besoin une artériographie. On aura ainsi la chance de pouvoir traiter
chirurgicalement une cause tumorale ou un conflit vasculonerveux.
Dans une série de 473 tics douloureux de la face opérés par abord de la fosse postérieure,
Dandy [31] trouvait 5,1 % de tumeurs bénignes, 1,8 % d'anévrysmes du tronc basilaire, 2,3 %
d'angiomes, 3,2 % d'arachnoïdites. Cheng et al [27] purent rapporter à une origine tumorale
une névralgie faciale chez 296 patients sur 2 972 souffrant de cette affection. Le diagnostic fut
fait au bout de 6,3 ans en moyenne alors que les patients avaient été améliorés par les
traitements médicaux ou chirurgicaux. Sur ces 296 patients, 58 n'avaient aucun signe
neurologique objectif. Le CT-scan avec injection fut le plus souvent l'outil du diagnostic. Les
variétés de tumeurs et de malformations vasculaires signalées dans la littérature sont
multiples. Dans la série de Cheng [27], les méningiomes et les schwannomes de la fosse
postérieure sont les causes les plus fréquentes, puis viennent les méningiomes de la fosse
cérébrale moyenne, du cavum de Meckel, les tumeurs pituitaires et parasellaires.
Les conflits vasculonerveux sont une cause possible de névralgie du trijumeau. Janetta [53,
54] a montré que celle-ci pouvait être guérie par la décompression chirurgicale du nerf.
Rhoton [92] a divisé les " complexes neurovasculaires " de la fosse postérieure en trois étages,
centrés chacun par une des artères cérébelleuses. La névralgie du V est due le plus souvent à
un conflit dans l'étage supérieur. La SCA (artère cérébelleuse supérieure) chemine juste audessus de la racine sensitive du nerf. Si elle fait une boucle, elle la comprime. En outre, celleci peut l'être par les artères du pont qui lui sont sous-jacentes ou encore par un tronc basilaire
tortueux. Les compressions par l'artère cérébelleuse antérieure et inférieure (AICA) ou de
cause veineuse [84] (veine pétreuse supérieure) sont plus rares (cf schémas anatomiques [84,
86].
Névralgies trigéminales continues dites " névralgies symptomatiques "
Elles diffèrent en principe des névralgies de type " essentiel " par le caractère continu de la
douleur, l'absence de zone gâchette, l'existence d'un déficit sensitif objectif dans le territoire
du nerf trijumeau (valeur de l'abolition du réflexe cornéen) ou d'une paralysie d'un ou
plusieurs muscles masticateurs, ou de troubles vasomoteurs de la face ou encore d'autres
signes neurologiques associés : atteinte d'autres paires crâniennes, signes de la série
cérébelleuse. Il faut savoir que des envahissements néoplasiques des fibres du trijumeau
peuvent donner des douleurs non pas continues mais de type " choc électrique " [80]. C'est
dire l'intérêt de l'interrogatoire, d'un examen clinique rigoureux et du recours aux examens
neuroradiologiques en cas de doute. Les causes des névralgies symptomatiques sont multiples
:
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•
zona du ganglion de Gasser, diagnostic difficile avant l'éruption vésiculaire ;
lésions du tronc cérébral touchant les noyaux du trijumeau au cours d'un syndrome de
Wallenberg, d'une syringobulbie, d'un angiome ;
lésions de l'angle pontocérébelleux : neurinomes du nerf acoustique, rarement du nerf
trijumeau, méningiomes, kystes épidermoïdes, angiomes ;
syndrome du sinus caverneux ou du sinus sphénoïdal avec paralysie des oculomoteurs,
d'origine tumorale ou angiomateuse ;
chez l'adulte jeune, à part la sclérose en plaques déjà citée, d'autres maladies
inflammatoires comme le syndrome de Gougerot-Sjögren, la sarcoïdose, les
méningoradiculites virales peuvent s'accompagner d'une névralgie du V.
Il faut ajouter les méningites carcinomateuses et les lésions néoplasiques primitives ou
secondaires de la base du crâne et en rapprocher les paresthésies mentonnières par
envahissement périneural à partir d'un cancer cutané de la face [80] ou du voisinage.
D'exceptionnelles formes bénignes régressives ont été signalées [7]. Enfin, des atteintes du V
au cours d'une dissection extracrânienne de la carotide interne ont été rapportées [78]
Diagnostics différentiels
Les névralgies du glossopharyngien, du nerf laryngé supérieur, et du VII bis diffèrent du tic
douloureux de la face par leur topographie. Elles sont traitées avec les nerfs correspondants.
Les névralgies continues peuvent être prises pour :
•
•
des douleurs faciales ou crâniennes non neurologiques, soit d'origine
ophtalmologiques (glaucome), soit d'origine ORL (sinusite), soit
odontostomatologiques. La fréquence et l'intensité des douleurs dentaires et leur
extension à un vaste territoire tiennent au fait que les nerfs dentaires sont
particulièrement riches en fibres C véhiculant la sensibilité thermoalgésique (abcès
dentaires, granulomes, caries, inclusions des dents de sagesse) ;
l'arthrite subaiguë de l'articulation temporomaxillaire peut donner des douleurs
unilatérales étendues avec souvent un aspect inflammatoire local, de même les
anomalies de l'articulé dentaire et le syndrome algodystrophique des articulations
temporomandibulaires de Costen.
Parmi les douleurs neurologiques d'origine vasculaires rappelons les algies vasculaires de la
face, les migraines, l'artérite gigantocellulaire de Horton. La théorie vasculonerveuse de la
migraine [81] a permis un rapprochement entre les deux premières et la névralgie du V
touchant l'ophtalmique de Willis.
Nerf facial
Le nerf facial est formé de deux racines accolées sur un long trajet intracrânien :
•
•
le nerf facial proprement dit, racine motrice composée de fibres efférentes viscérales
spéciales, innervant les muscles de la face impliqués dans la mimique, le muscle
stylohyoïdien, le ventre postérieur du muscle digastrique et le muscle de l'étrier ;
le nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis) composé :
o de fibres sécrétoires (efférences viscérales générales) ;
o de fibres gustatives (afférences viscérales spéciales) ;
o d'un contingent plus faible de fibres sensitives (afférences somatiques
générales).
Rappel anatomique
Trajet et destinée des fibres nerveuses
Le nerf facial émerge du sillon bulboprotubérantiel à la face ventrale du tronc cérébral entre le
nerf oculomoteur externe en dedans et le VII bis en dehors. Il chemine dans l'angle
pontocérébelleux en dedans du nerf auditif puis pénètre dans le conduit auditif interne,
accompagnée du nerf auditif, de l'artère auditive interne et du VII bis. Puis il s'engage dans
l'aqueduc de Fallope qui décrit un trajet en " baïonnette ".
•
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•
Le 1er segment (labyrinthique), débutant dans le fond du conduit auditif interne, est
oblique en avant et en dehors (perpendiculaire à l'axe du rocher). La transition avec le
second segment se fait à angle droit (le genou du nerf facial) ; le nerf facial et le VII
bis s'unissent alors au niveau du ganglion géniculé, qui contient les corps cellulaires
des neurones dont les fibres composent le VII bis, à l'exception du contingent
parasympathique.
Le 2e segment (typanique), oblique en arrière et en dehors, est parallèle au grand axe
du rocher. Il passe sur la paroi interne de la caisse du tympan ; l'inflammation de la
cavité tympanique peut facilement gagner par proximité ce segment.
Le 3e segment (mastoïdien) est vertical, descend dans la paroi postérieure de la caisse
du tympan puis dans la mastoïde pour se terminer au trou stylomastoïdien.
Le nerf n'occupe que 25 à 50 % du diamètre du canal ; il est entouré d'une gaine conjonctive
mince dans le premier segment mais plus épaisse dans les autres segments : un mécanisme
inflammatoire à ce niveau peut donc facilement entraîner une compression des fibres
nerveuses.
Plusieurs branches naissent au cours de la traversée du canal de Fallope :
•
•
le grand nerf pétreux superficiel se détache du ganglion géniculé pour rejoindre le
grand nerf pétreux profond, issu du nerf de Jacobson (IX) et de fibres sympathiques
provenant du plexus carotidien : ils forment le nerf vidien qui se rend vers le ganglion
sphénopalatin. Les fibres postganglionnaires innervent les glandes lacrymales et les
glandes muqueuses des cavités bucco-naso-pharyngées ;
le petit nerf pétreux superficiel a la même origine. Il s'unit au petit nerf pétreux
profond pour se jeter dans le ganglion otique ;
•
•
le nerf du muscle de l'étrier (ou muscle stapédien) naît du segment vertical et traverse
la mince paroi osseuse qui le sépare du muscle ;
la corde du tympan naît 3 mm avant le trou stylomastoïdien, remonte vers la caisse du
tympan qu'elle traverse puis redescend pour s'unir au nerf lingual. Les corps
neuronaux des fibres composant cette branche siègent dans le ganglion géniculé. Cette
branche comprend les fibres assurant la sensibilité gustative des deux tiers antérieurs
de la langue et des fibres parasympathiques préganglionnaires faisant relais dans le
ganglion sous-maxillaire avec des neurones postganglionnaires allant innerver les
glandes sous-maxillaire et sublinguale.
Il existe plusieurs branches collatérales extrapétreuses :
•
•
•
un tronc commun né juste au-dessous du trou stylomastoïdien donne les nerfs du
stylohyoïdien et du ventre postérieur du digastrique ;
le nerf auriculaire postérieur innerve les muscles du pavillon de l'oreille (auriculaires
supérieur et postérieur) et le muscle occipital. Il s'anastomose au nerf occipital
d'Arnold ;
l'anse de Haller (ou un rameau lingual du nerf facial), inconstante, s'anastomose au IX
pour se distribuer au styloglosse et à la muqueuse linguale.
Le nerf pénètre ensuite dans la parotide où il se divise en deux branches terminales,
responsables de l'innervation de l'ensemble des muscles de la face à l'exception du releveur de
la paupière supérieure :
•
•
la branche temporofaciale donne les rameaux temporal, frontal, palpébral, sousorbitaire et buccal supérieur. cette branche s'anastomose avec le nerf auriculotemporal,
branche du maxillaire inférieur (branche terminale du V) ;
la branche cervicofaciale donne les rameaux buccal inférieur, mentonnier et cervical.
Noyaux du nerf facial
Le noyau moteur du facial est situé à la partie caudale du tegmentum pontin, en arrière de
l'olive supérieure. Il est formé de quatre groupes de neurones :
•
•
•
•
ventromédian : pour le rameau cervical (peauciers du cou) de la branche cervicofaciale
;
latéral : pour les branches buccales (muscles buccolabiaux et buccinateur) ;
dorsomédian : pour le nerf auriculaire postérieur ;
intermédiaire : pour les branches temporale, frontale et sous-orbitaire (muscle frontal,
sourcilier, orbiculaire des paupières, zygomatique).
On peut noter que la répartition spatiale des neurones dans ces groupes ne correspond pas à la
répartition des fibres dans les deux branches terminales ; elle correspond aux territoires facial
supérieur (noyaux dorsomédian et intermédiaire) et facial inférieur (noyaux latéral et
ventromédian).
Noyau moteur
Il reçoit :
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•
•
des fibres corticoréticulaires et réticulonucléaires ;
des fibres corticonucléaires qui naissent de l'opercule rolandique au pied de la frontale
ascendante et participent au contingent bulboprotubérantiel du faisceau géniculé. La
majorité des fibres croisent la ligne médiane au niveau du tronc ; une partie des fibres
destinées au territoire facial supérieur ne croisent pas et se terminent dans le noyau
ipsilatéral. Les groupes nucléaires assurant l'innervation du territoire facial supérieur
reçoivent donc des afférences corticales bilatérales, d'où l'épargne relative du territoire
facial supérieur dans les déficits faciaux d'origine centrale ;
des fibres issues du noyau du VIII (réflexe stapédien) ;
des fibres issues du noyau spinal du V (réflexe trigéminofacial ou blink reflex).
Le contingent parasympathique du nerf (efférences viscérales générales) provient du noyau
salivaire supérieur, qui prolonge vers le haut le noyau salivaire inférieur et le noyau dorsal du
X. Les fibres préganglionnaires empruntent le VII bis puis quittent le nerf facial par :
•
•
le grand nerf pétreux pour faire relais dans le ganglion sphénopalatin ;
la corde du tympan pour faire relais dans le ganglion sous-maxillaire.
Les fibres assurant la sensibilité gustative (afférences viscérales spéciales) ont leur corps
cellulaire dans le ganglion géniculé. Le prolongement central se termine à la partie rostrale du
noyau du faisceau solitaire, véritable noyau de la gustation qui reçoit aussi les afférences
gustatives véhiculées par le IX (tiers postérieur de la langue) et le X (épiglotte et partie
postérieure de la langue). Ce noyau est connecté par le lemniscus médian au noyau ventropostéro-latéral du thalamus controlatéral, d'où partent des projections vers la partie basse de la
pariétale ascendante dans la région de la représentation de la langue.
Le corps cellulaire des fibres assurant la sensibilité de la zone de Ramsay-Hunt (afférences
somatiques générales) est contenu dans le ganglion géniculé. Le prolongement central gagne
par le VII bis le noyau spinal du V, où il chemine à proximité des fibres impliquées dans la
sensibilité de la région maxillaire inférieure.
Le nerf facial véhiculerait la sensibilité proprioceptive des muscles de la face, expliquant la
persistance d'une sensibilité à la pression après section du nerf trijumeau.
Vascularisation
L'artère auditive interne, branche de l'artère cérébelleuse antéro-inférieure remonte le conduit
auditif interne jusqu'au ganglion géniculé.
La branche pétreuse de l'artère méningée moyenne pénètre dans le hiatus de Fallope et
vascularise la région du ganglion géniculé.
L'artère stylomastoïdienne naît de l'artère auriculaire postérieure (branche collatérale de
l'artère carotide externe) et remonte par le trou stylomastoïdien jusqu'au ganglion géniculé.
Ces territoires vasculaires se chevauchent et sont abondamment anastomosés.
Séméiologie
Paralysie faciale périphérique
Elle atteint à la fois le territoire facial inférieur et le territoire facial supérieur. Contrairement
aux paralysies faciales centrales, on n'observe pas de dissociation automaticovolontaire.
Paralysie du territoire facial supérieur
Les rides de l'hémifront sont effacées. La fente palpébrale est élargie. L'occlusion de l'oeil est
impossible et permet d'observer la contraction synergique, physiologique, du muscle droit
supérieur qui porte le globe oculaire vers le haut : c'est le signe de Charles Bell.
Le réflexe cornéen est diminué ou aboli (déficit de l'orbiculaire des paupières) mais le
mouvement de retrait du globe persiste (préservation de la sensibilité cornéenne). La réponse
controlatérale est préservée.
Le réflexe de clignement des paupières est une réponse motrice réflexe à un stimulus visuel
(réflexe de clignement à la menace), ou auditif ou tactile (percussion des téguments à la racine
du nez : réflexe nasopalpébral). Ce réflexe est aboli du côté paralysé.
Paralysie du territoire facial inférieur
Le pli nasogénien est moins marqué que du côté sain. La bouche devient asymétrique : elle est
attirée du côté sain, la chute de la commissure labiale du côté paralysé peut entraîner une
stagnation ou un écoulement salivaire. La langue paraît attirée du côté sain mais n'est pas
paralysée. Le patient ne peut montrer les dents que du côté sain. Il ne peut gonfler la joue du
côté paralysé (muscle buccinateur), siffler ou prononcer correctement les labiales. La
contraction des muscles peauciers du cou lors de l'ouverture contrariée de la bouche est
asymétrique (signe du peaucier de Babinski).
Troubles sécrétoires
La diminution de la salivation est rarement rapportée par le malade. Elle peut être mesurée par
cathétérisme du canal de Wharton.
Le larmoiement est surtout en rapport avec l'éversion de la paupière inférieure.
Le tarissement des larmes témoigne d'une lésion siégeant en amont du ganglion géniculé ; le
réflexe nasolacrymal (larmoiement en réponse à une stimulation de la muqueuse nasale) est
aboli. Le test de Shirmer mesure la différence d'imbibition d'un papier buvard appliqué sous la
paupière inférieure entre côté paralysé et côté sain.
Hyperacousie
Elle signe une lésion du nerf en amont du nerf du muscle de l'étrier (nerf stapédien), qui naît
au début de la portion verticale de canal de Fallope.
Chez le sujet normal, une stimulation auditive d'intensité supérieure à un certain seuil entraîne
une contraction réflexe du muscle de l'étrier : c'est le réflexe stapédien, dont l'étude par
impédancemétrie est aujourd'hui très utilisée. Ce réflexe est aboli dans un pourcentage
important de paralysies faciales périphériques.
Association d'une agueusie des deux tiers antérieurs de la langue
Elle signe une lésion située en amont de l'émergence de la corde du tympan. Une agueusie
unilatérale sans paralysie faciale témoigne de l'atteinte de la corde du tympan avant qu'elle ne
rejoigne le nerf lingual. L'association d'une agueusie et d'une anesthésie de l'hémilangue signe
l'atteinte du nerf lingual. Le goût s'explore en appliquant sur la langue à l'aide d'un coton
différentes solutions : chlorure de sodium, glucose, acide citrique, bromhydrate de quinidine.
L'électrogustatométrie, qui utilise comme excitant un courant de très faible ampérage, n'est
pas de pratique courante.
L'insuffisance salivaire, une diminution de la motilité de la langue (myasthénie, sclérose
latérale amyotrophique) représentent d'autres causes d'agueusie.
Hypoesthésie de la zone de Ramsay-Hunt
Rare, elle est surtout observée dans le zona du ganglion géniculé.
La névralgie du VII bis, ou névralgie de Hunt est beaucoup plus rare que la névralgie du V ou
du IX. Elle se caractérise par des douleurs paroxystiques dans l'oreille.
Diagnostic topographique
La combinaison des signes d'accompagnement d'une paralysie faciale périphérique peut
permettre de préciser le siège de l'atteinte lésionnelle.
•
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L'association d'une diminution des sécrétions salivaire et lacrymale, d'une agueusie
des deux tiers antérieurs de l'hémilangue et d'une abolition du réflexe stapédien signe
une lésion du nerf dans le segment labyrinthique du canal de Fallope.
L'association agueusie-préservation des sécrétions salivaire et lacrymale-absence
d'abolition du réflexe stapédien signe une lésion du nerf après la naissance du nerf du
muscle de l'étrier et avant l'émergence de la corde du tympan.
L'atteinte isolée d'un territoire innervé par une branche du nerf facial est en faveur
d'une lésion parotidienne ou plus distale.
L'association d'une hémiplégie controlatérale témoigne d'une atteinte protubérantielle
(syndrome de Millard-Gubler).
Des outils d'évaluation du déficit moteur sont nécessaires pour suivre l'évolution d'une
paralysie faciale périphérique. Le grading de House et Brackmann [51], qui distingue six
grades, est le plus utilisé. Le testing proposé par Dejean, plus analytique, permet à un
opérateur entraîné de mettre en évidence de discrètes modifications
Électromyographie
Cet examen donne des indices pronostiques, mais de façon retardée, puisqu'il faut environ 8
jours pour qu'une lésion intracrânienne entraîne des modifications électrophysiologiques sur
le segment extracrânien étudié.
La mise en évidence de potentiels de fibrillation lors de l'examen en détection permet
d'affirmer l'existence de lésions de dégénérescence wallérienne, mais ne permet pas de les
quantifier.
La stimulodétection étudie les caractéristiques de la réponse évoquée par la stimulation du
nerf facial à sa sortie du trou stylomastoïdien (latence, amplitude du potentiel d'action
musculaire, seuil d'excitabilité) ; ces données sont comparées à celles obtenues du côté sain.
L'étude de l'amplitude du potentiel d'action musculaire évoqué par la stimulation du nerf
facial (électroneuronographie) est probablement la plus intéressante car la perte d'amplitude
est fonction du pourcentage de fibres ayant subi une dégénérescence wallérienne ; une
semaine après l'installation du déficit, une amplitude inférieure à 10 % de celle du côté sain
est associée à une récupération partielle en 6 à 12 mois ; une amplitude supérieure à 30 %
s'accompagnerait d'une récupération complète en 2 mois.
L'intérêt pronostique de l'étude isolée de la latence distale est moindre puisqu'elle ne rend pas
compte de l'atteinte axonale qui conditionne le pronostic.
La stimulation électrique du nerf sus-orbitaire déclenche au niveau du muscle orbiculaire une
réponse réflexe précoce R1 ipsilatérale et une réponse réflexe tardive R2 bilatérale : c'est le
réflexe trigéminofacial (blink reflex). L'étude de la latence de R1 aurait un intérêt pronostique.
Stimulation magnétique
Elle permet d'enregistrer le potentiel d'action musculaire évoqué par une stimulation du nerf
facial dans son trajet intracrânien.
Dans un déficit facial central, le déficit porte essentiellement sur le territoire facial inférieur,
même si les cils restent plus apparents du côté déficitaire lors de l'occlusion forcée des yeux
(signe des cils de Souques). Le degré de l'asymétrie faciale peut varier selon une dissociation
automaticovolontaire :
•
•
dans les lésions du cortex moteur ou des fibres pyramidales, l'asymétrie franche au
repos et dans la mimique forcée (volitionnelle) peut s'atténuer lorsqu'une émotion
transparaît ;
dans les lésions sous-corticales interrompant notamment des connexions entre la partie
antérolatérale du thalamus et la partie interne du lobe frontal, l'asymétrie s'accentue ou
apparaît lors de la mimique spontanée (sourire par exemple) [50] : c'est la dissociation
inversée.
D'autres signes neurologiques déficitaires sont retrouvés dans la grande majorité des cas
(déficit moteur brachiofacial).
Mais une lacune de la corona radiata [52] peut être responsable d'une paralysie faciale
centrale isolée.
La manoeuvre de Pierre Marie et Charles Foix, qui cherche à déclencher une réaction motrice
en réponse à une pression douloureuse en arrière des angles de la mâchoire peut permettre de
mettre en évidence un déficit facial chez un sujet présentant des troubles de la vigilance.
À la différence de la paralysie faciale périphérique, il n'existe pas de modification sécrétoire,
l'électromyogramme (EMG) est normal. On ne note pas de séquelles à type de contracture ou
d'hémispasme. Une cicatrice corticale peut être à l'origine de clonies épileptiques de
l'hémiface.
Étiologie des paralysies faciales périphériques
Paralysie faciale a frigore (paralysie de Bell) ou paralysie faciale idiopathique
C'est la plus fréquente des paralysies faciales périphériques.
La paralysie s'installe brusquement : elle est souvent constatée un matin au réveil. Elle peut
s'installer en quelques heures, mais une phase d'installation supérieure à 48 heures doit faire
rechercher une autre étiologie. Des douleurs rétroauriculaires ou prétragiennes ipsilatérales
peuvent précéder la paralysie. Des troubles du goût sont fréquents. Le reste de l'examen est
négatif ; il faut notamment s'assurer de l'absence de vésicules dans la conque de l'oreille, qui
seraient en faveur d'un zona du ganglion géniculé.
Le rôle du froid (notion d'un voyage en voiture la vitre ouverte) est classique mais incertain.
Évolution
Dans 80 % des cas, la récupération est complète sans séquelles, dans un délai variant de 3
semaines (pour les déficits incomplets) à 3 mois [1].
Dans 20 % des cas, l'évolution est prolongée, compliquée ou incomplète.
On connaît quelques facteurs pronostiques :
•
•
•
l'âge : le pourcentage de récupération incomplète augmente avec l'âge ;
le degré du déficit : un déficit incomplet est de bon pronostic ;
les troubles du goût et la diminution du flux salivaire sous-maxillaire sont de mauvais
pronostic : ils témoigneraient de l'atteinte de petites fibres (sensorielles ou végétatives)
réputées plus résistantes que les fibres motrices.
Ces facteurs pronostiques cliniques et électrophysiologiques ont perdu de leur intérêt depuis
que le traitement chirurgical curatif (qui consistait à " décomprimer " le nerf facial dans le
canal de Fallope) est presque complètement abandonné ; l'effet bénéfique de cette chirurgie
était très discuté alors que les risques opératoires n'étaient pas négligeables [1].
Traitement
La corticothérapie (prednisone), en diminuant le nombre de cas présentant des signes de
dénervation totale [2], diminuerait le risque de séquelles. La dose habituellement prescrite est
de 1 mg/kg/j. Adour [1] préconise de revoir les patients à J6 : si le déficit est toujours
complet, le traitement est poursuivi à la même dose pendant 10 jours puis arrêté
progressivement sur 5 jours.
Des soins oculaires sont nécessaires pour prévenir une kératite. Ils comprennent l'application
d'une pommade à la vitamine A durant la nuit et l'instillation de larmes artificielles. Le port de
lunettes sombres est recommandé dans la journée.
Complications et séquelles
Les syncinésies correspondent à une synchronisation anormale de plusieurs muscles de la face
: l'oeil peut s'occlure lors du sourire, le clignement de l'oeil peut s'accompagner d'une
contraction du muscle mentonnier. Elles résultent probablement d'une régénération aberrante
des fibres lésées.
Le syndrome des " larmes de crocodile " correspond à un larmoiement du côté paralysé
survenant en association au réflexe gustatosalivaire. Ce phénomène correspondrait à un défaut
de réparation d'une lésion située en amont du ganglion géniculé : des fibres primitivement
destinées aux glandes salivaires pourraient, après régénération, s'orienter vers la glande
lacrymale. Il pourrait aussi résulter d'une transmission éphaptique entre ces différentes fibres.
Ce syndrome doit être différencié de l'ectropion paralytique observé à la phase aiguë de la
paralysie.
Contracture
L'hémiface paraît contractée, le pli nasogénien est plus profond, la fente palpébrale est
diminuée. La physiopathologie reste discutée : il pourrait s'agir d'un mécanisme actif (activité
électrique continue) ou passif (modifications trophiques des fibres musculaires).
L'hémispasme facial postparalytique est rare.
Le taux de récurrence des paralysies de Bell serait aux alentours de 10 % : ces cas pourraient
témoigner d'une particulière étroitesse du canal de Fallope. L'intervention chirurgicale de
décompression du nerf facial permettrait d'éviter la récidive [71].
Physiopathologie
La physiopathologie de la paralysie faciale a frigore reste incertaine.
En peropératoire, le nerf facial paraît oedématié, avec des vaisseaux turgescents en surface.
L'atteinte du nerf facial siège le plus souvent au niveau de l'orifice méatal, portion la plus
étroite du canal de Fallope ; l'étude électrophysiologique peropératoire permet de mettre en
évidence un bloc de conduction à ce niveau.
L'examen anatomique de cas autopsiques a mis en évidence des infiltrats inflammatoires au
sein du nerf, dont le caractère primitif ou secondaire à la dégénérescence wallérienne est
discuté.
Le mécanisme initiateur pourrait être multiple : perturbation dysautonomique entraînant une
constriction des vasa nervorum, inflammation du nerf d'origine infectieuse ou dysimmunitaire
; le froid pourrait favoriser ces deux conditions. Cette perturbation initie un cercle vicieux :
l'oedème du nerf dans son canal inextensible entraîne une ischémie elle-même délétère.
Paralysie faciale périphérique secondaire
Paralysie faciale périphérique par lésion intraprotubérantielle
L'atteinte du noyau moteur du nerf facial ou des fibres efférentes avant leur émergence au
niveau du sillon bulboprotubérantiel entraîne une paralysie faciale périphérique homolatérale
le plus souvent sans trouble du goût associé, le noyau du faisceau solitaire étant plus externe.
L'atteinte des voies longues permet de localiser la lésion dans le système nerveux central.
L'association d'une paralysie homolatérale du muscle oculomoteur externe est fréquente. Le
syndrome de Millard-Gubler (VI et VII homolatéraux à la lésion associés à un déficit moteur
controlatéral épargnant la face) est plus souvent lié à un processus tumoral qu'à une lacune
protubérantielle [18].
Sclérose en plaques
Une paralysie faciale périphérique est possible mais rare dans le cadre d'une sclérose en
plaques. L'association d'une agueusie et d'une hyperacousie ipsilatérales a été rapportée [60].
Paralysie faciale secondaire à une lésion de la base du crâne
Envahissement de la base du crâne
L'envahissement néoplasique de la base du crâne peut être primitif (chordome, fibrosarcome),
métastatique, résulter d'une extension tumorale locorégionale (tumeur du nasopharynx) ou
d'une infiltration plus diffuse de cellules néoplasiques (maladie de Hodgkin, méningite
carcinomateuse). L'atteinte d'autres nerfs crâniens ipsilatéraux vient souvent s'associer à la
paralysie faciale (syndrome de Garcin).
Atteinte du nerf facial dans l'angle pontocérébelleux
La paralysie faciale n'est alors jamais isolée.
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La paralysie faciale due à un neurinome de l'acoustique est souvent d'intensité
modérée et précédée par les signes d'atteinte de la 8e paire crânienne homolatérale :
surdité de perception et hypoexcitabilité vestibulaire. La plupart des neurinomes
naissent du nerf vestibulaire supérieur dans le conduit auditif interne. Le neurinome du
VIII représente 70 % des lésions de l'angle pontocérébelleux. Il est associé dans 10 %
des cas à d'autres signes de neurofibromatose.
Le méningiome de la face endocrânienne du rocher s'accompagne plus constamment
de paralysie faciale que le neurinome de l'acoustique.
Nous citerons également le cholestéatome et des malformations vasculaires situées
dans cette région.
Paralysie faciale d'origine otitique
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Une otite moyenne aiguë peut entraîner une paralysie faciale périphérique régressive
après traitement efficace de l'otite ; la paracentèse associée au traitement antibiotique
peut suffire, mais la mastoïdectomie est parfois nécessaire.
Une paralysie faciale compliquant une otite chronique ostéïtique avec cholestéatome
impose une intervention chirurgicale d'urgence. L'absence de cholestéatome doit faire
rechercher une tuberculose de l'oreille, surtout s'il existe une atteinte associée de la 8e
paire crânienne.
Quelques cas de paralysie faciale périphérique associée à une perforation tympanique et le
plus souvent à une surdité homolatérale ont été rapportés chez des soudeurs, après issue de
particule métallique en fusion dans le conduit auditif externe [88]. L'augmentation de
température locale pourrait léser le nerf facial à travers la paroi du canal de Fallope.
Tumeurs intrapétreuses
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Le neurinome du nerf facial s'accompagne d'une paralysie faciale dans 70 % des cas. Il
s'intègre parfois dans le cadre d'une neurofibromatose de type 2. Il siège le plus
souvent sur le trajet intrapétreux, parfois dans la parotide. Les lésions de grande taille
peuvent émerger aux deux extrémités du canal de Fallope prenant ainsi la forme d'un
haltère. Il peut éroder l'oreille moyenne, détruire le tympan et être pris pour une otite
chronique. Dans 10 % des cas, la paralysie faciale s'installe soudainement, mais
l'aggravation secondaire du déficit permet de remettre en cause le diagnostic de
paralysie de Bell. Des douleurs fulgurantes de l'oreille sont souvent associées à la
surdité.
L'hémangiome pétreux peut être responsable d'une paralysie faciale d'évolution
fluctuante, parfois d'apparition soudaine. La tomodensitométrie (TDM) montre un
aspect lacunaire de l'os en " rayon de miel ". L'exérèse complète de cette petite lésion
est souvent possible.
Un cancer de la caisse du tympan, une tumeur à myéloplaxes du rocher peuvent
entraîner une paralysie faciale.
Une tumeur du glomus jugulaire peut s'étendre vers l'oreille moyenne ou vers l'angle
pontocérébelleux et le conduit auditif interne. La paralysie faciale n'est pas révélatrice
et s'accompagne souvent de douleurs auriculaires et d'une surdité de transmission. Les
examens neuroradiologiques montrent la tumeur associée à un élargissement du trou
déchiré postérieur.
Paralysie faciale secondaire à une intervention chirurgicale
Le nerf facial peut être lésé lors de la chirurgie de l'oreille moyenne lorsqu'il existe une
déhiscence spontanée ou pathologique (cholestéatome) de la caisse du tympan. Son atteinte
est plus fréquente lors de la chirurgie des lésions de l'angle pontocérébelleux (neurinome de
l'acoustique) au cours desquelles on recommande un monitoring peropératoire du nerf facial.
La constitution immédiate d'une paralysie faciale impose une exploration chirurgicale
immédiate afin d'éliminer une section nerveuse nécessitant une anastomose terminoterminale
ou une greffe. L'apparition retardée d'une paralysie faciale est de bien meilleur pronostic.
Fractures du rocher
En cas de fracture du rocher, la paralysie faciale peut être d'apparition immédiate (par
contusion directe du nerf) ou retardée (après constitution d'un oedème compressif). Dans le
premier cas, une exploration chirurgicale est souhaitable. La prescription d'un traitement
corticoïde après fracture du rocher avec otorragie permettrait de diminuer considérablement le
risque d'apparition d'une paralysie faciale secondaire.
Paralysie faciale congénitale
La paralysie faciale peut s'intégrer dans un syndrome malformatif :
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trouble du développement des 1er et 2e arcs branchiaux (syndrome otomandibulaire) ;
association de malformations cardiaques et d'un déficit facial prédominant sur le
territoire facial inférieur (syndrome cardiofacial) ;
diplégie faciale et paralysie bilatérale de l'abduction du regard (syndrome de Moebius)
rapportées à une agénésie nucléaire ou à une atteinte des nerfs périphériques.
Il existe probablement des facteurs génétiques prédisposant à développer une paralysie faciale
périphérique : on a pu retrouver dans quelques familles un grand nombre de sujets ayant
présenté un épisode de paralysie faciale périphérique, parfois récidivant et alternant, et parfois
des troubles oculomoteurs associés [3]. L'hérédité serait le plus souvent autosomique
dominante.
La paralysie faciale peut être la conséquence d'un traumatisme obstétrical durant
l'accouchement. La compression du VII dans son trajet intraparotidien par le sacrum maternel
représenterait le principal mécanisme. L'utilisation des forceps serait rarement en cause.
Le syndrome de Melkersson-Rosenthal se caractérise par trois signes, d'apparition isolée ou
combinée :
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une paralysie faciale périphérique, rarement bilatérale, survenant le plus souvent avant
l'âge de 16 ans ;
un oedème de la face touchant essentiellement la lèvre supérieure, survenant parfois
plusieurs années après la paralysie faciale ;
un aspect plicaturé de la langue souvent noté dès la petite enfance.
Paralysie faciale et oedème évoluent par poussées régressives ; l'oedème peut persister après
un certain temps d'évolution. Des antécédents familiaux du même type sont parfois retrouvés.
L'examen histologique du tissu oedématié montre des granulomes (cheilite granulomateuse)
de type tuberculoïde, lymphonodulaire ou sarcoïdosique. Le traitement corticoïde serait
efficace.
Viroses
- La paralysie faciale du zona du ganglion géniculé s'accompagne d'une éruption vésiculeuse
dans la zone de Ramsay-Hunt. Les douleurs périauriculaires sont souvent plus importantes
que dans la paralysie de Bell. Un syndrome fébrile avec céphalées est possible, ainsi que
l'atteinte des 8e et 5e paires crâniennes avec parfois une éruption de la face ou de la cavité
buccale. Le pronostic de la paralysie faciale est moins bon que dans la paralysie de Bell. Le
traitement associe aciclovir par voie intraveineuse pendant 10 jours et une corticothérapie.
D'autres virus que le virus varicellozonateux peuvent être en cause :
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le virus Herpès simplex de type 1 serait souvent présent à l'état latent dans le ganglion
géniculé ; sa réactivation pourrait entraîner une inflammation au sein du canal de
Fallope [105] ;
les autres Herpès virus (Cytomégalovirus, Epstein-Barr), le virus de la rubéole, le
virus des oreillons, les adénovirus et les entérovirus sont parfois impliqués ;
la mononucléose infectieuse et la maladie des griffes du chat ont la particularité de
pouvoir donner à la fois une parotidite et une paralysie faciale périphérique, tableau
pouvant évoquer une tumeur parotidienne maligne ;
chez les sujets infectés par le VIH, différentes étiologies peuvent être responsables de
l'apparition d'une paralysie faciale : sarcome de Kaposi, localisation lymphomateuse,
zona du ganglion géniculé, pathologie infectieuse de l'oreille moyenne. Elle pourrait
survenir isolément lors de la phase de séroconversion [121, 122]. Une sérologie doit
être pratiquée chez les sujets réputés à risque présentant une paralysie faciale
périphérique isolée ; en cas de négativité, cet examen doit être contrôlé 3 mois plus
tard.
Autres causes infectieuses
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Le nerf facial est la paire crânienne la plus fréquemment atteinte dans la maladie de
Lyme. La paralysie faciale peut être isolée : cette étiologie pourrait rendre compte de
20 % des paralysies étiquetées comme idiopathiques en zone d'endémie. L'atteinte
devient bilatérale dans 35 % des cas [91]. L'atteinte faciale survient lors de la phase
précoce de la maladie (l'examen du liquide céphalorachidien montre alors une
méningite lymphocytaire) ; la sérologie de Lyme peut être négative lors de la première
consultation, et doit alors être contrôlée 1 à 2 mois plus tard.
La distribution de l'atteinte faciale est particulière dans la lèpre lépromateuse :
l'atteinte prédominante des branches superficielles des nerfs faciaux, qui survient après
l'installation des troubles sensitifs, modèle un faciès particulier : l'occlusion oculaire
est incomplète, les rides médianes du front sont effacées alors que les rides latérales
sont apparentes (configuration en V des rides lors de l'élévation des sourcils), la
préservation relative du tonus du muscle buccinateur est à l'origine de rides
concentriques au niveau du pli nasogénien, l'atteinte est asymétrique dans les
territoires faciaux inférieurs. Dans la lèpre tuberculoïde, l'atteinte du facial est limitée
aux branches sous-jacentes à la lésion cutanée.
Atteintes du nerf facial dans son trajet extracrânien
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Toute lésion parotidienne à l'origine d'une paralysie faciale périphérique doit être
considérée comme maligne. Mais plusieurs pathologies (viroses, sarcoïdose) peuvent
associer neuropathie périphérique et parotidite.
Une tumeur de la glande sous-maxillaire peut atteindre le rameau mentonnier du nerf
facial.
Un traumatisme de la face peut léser sélectivement une ou quelques branches
terminales du nerf facial, donnant une paralysie parcellaire.
Le tétanos céphalique de Rose, secondaire à une plaie de la face, associe une paralysie
faciale parfois bilatérale, un trismus et des contractures.
Paralysie faciale dans le cadre d'une neuropathie périphérique
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Une paralysie faciale parfois bilatérale survient dans plus de la moitié des cas de
syndrome de Guillain-Barré mais elle ne constitue le signe initial de la maladie que
dans 5 % des cas [32].
Le nerf facial est un des nerfs crâniens les plus fréquemment atteints dans la
porphyrie. Une diplégie est possible.
Dans le diabète, l'atteinte du nerf facial est moins fréquente que celle des nerfs
oculomoteurs.
L'atteinte du nerf facial dans les collagénoses survient surtout dans le cadre d'une
multinévrite. Elle serait plus fréquente dans la granulomatose de Wegener que dans la
périartérite noueuse.
Le nerf facial est atteint dans 37 % des cas de neurosarcoïdose [106]. Les deux nerfs
sont parfois atteints, de façon asynchrone. D'autres paires crâniennes peuvent être
atteintes dans un délai de quelques semaines à plusieurs mois. Des radiculalgies sont
possibles. La paralysie faciale du syndrome de Heerfordt (paralysie faciale,
hypertrophie parotidienne et iridocyclite) résulte de l'infiltration sarcoïdosique du nerf
et non pas de l'atteinte parotidienne.
Causes médicales de diplégie faciale
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Syndrome de Guillain-Barré.
Porphyrie.
Maladie de Lyme.
Infection par le VIH.
Sarcoïdose.
Syndrome de Melkersson-Rosenthal.
Traitement des séquelles d'une paralysie faciale périphérique
Techniques de réinnervation
Ces techniques d'anastomoses doivent être réalisées avant la disparition des plaques motrices
(avant 2 ans).
L'anastomose hypoglossofaciale est la plus utilisée. Le XII est disséqué le plus bas possible
puis sectionné au niveau de sa branche descendante dont la partie proximale est anastomosée
à la tranche de section distale du nerf facial au niveau de l'apophyse styloïde. L'intervention
doit être suivie d'une physiothérapie spécifique postopératoire. Le nerf spinal peut remplacer
le nerf grand hypoglosse.
Des anastomoses entre des petites branches terminales du nerf facial sain et les branches du
nerf facial lésé ont été réalisées. Cette technique impose l'utilisation de greffons (saphène
interne) et des tests électrophysiologiques peropératoires afin d'identifier les branches dont la
section n'aura pas de conséquence sur la motilité du côté sain.
En cas d'exérèse de lésions nécessitant la section du nerf facial, l'anastomose nécessite parfois
l'interposition d'un greffon (grand nerf auriculaire ou nerf sural). Le pronostic fonctionnel est
nettement meilleur lorsque l'anastomose est pratiquée dans le même temps opératoire que
l'exérèse.
Techniques de transposition musculaire
Le muscle masséter (innervé par le V) et le muscle temporal sont pédiculisés puis suturés
notamment au niveau de la commissure labiale pour diminuer l'asymétrie faciale.
Les techniques de suspension faciale utilisent du matériel prothétique pour diminuer
l'affaissement de l'hémiface.
Spasmes faciaux non paralytiques
L'hémispasme facial se manifeste par des épisodes tonicocloniques d'une hémiface (seuls les
muscles dépendant du nerf facial sont concernés). À l'occlusion de l'oeil succède la
contraction du muscle zygomatique (qui relève la commissure labiale) et du muscle peaucier
du cou. Les syncinésies sont constantes du côté atteint (contraction du mentonnier lors du
clignement de paupière). Des synergies paradoxales (Babinski) signent l'organicité et la
différencient des tics : ainsi le muscle frontal qui hausse le sourcil et la paupière supérieure se
contracte en même temps que l'orbiculaire des paupières qui ferme l'oeil. L'accès débute par
des contractions brèves dont la fréquence augmente rapidement pour aboutir à une
tétanisation. Le nombre d'accès quotidiens serait accru par la fatigue et les émotions.
L'examen en dehors des accès ne montre pas de paralysie faciale ; ceci permet de différencier
l'hémispasme essentiel d'une contracture postparalysie faciale.
Il résulterait d'une atteinte du nerf facial engendrant un phénomène d'autoexcitabilité des
fibres nerveuses et une transmission éphaptique. Il est rarement symptomatique : l'IRM doit
éliminer une pathologie de l'angle pontocérébelleux, un conflit vasculonerveux, une
malformation de la charnière craniorachidienne ; des cas de tumeurs parotidiennes ont été
rapportés. L'hémispasme facial idiopathique survient le plus souvent chez la femme dans la 6e
décennie.
Le traitement médical est efficace chez deux tiers des patients : en cas d'échec de la
carbamazépine (300 à 600 mg/j), on peut essayer le baclofène.
Le traitement chirurgical de première intention a été proposé, afin de séparer le nerf facial
d'un vaisseau de proximité (PICA[artère cérébelleuse postéro-inférieure], AICA[artère
cérébelleuse antéro-inférieure], plus rarement artère auditive interne) en interposant entre nerf
et vaisseau un matériel spongieux. Mais la seule exploration de la fosse postérieure, sans
dissection du nerf facial et sans interposition de matériel aurait le même effet. D'autre part,
des études autopsiques de sujets n'ayant pas présenté d'hémispasme ont montré que le nerf
facial est en rapport étroit avec l'un de ces vaisseaux dans 77 % des cas [95]. La contiguïté
entre VII et vaisseau ne rend donc pas compte de toute la physiopathologie de l'hémispasme.
Cette chirurgie entraîne des séquelles à type de paralysie faciale ou de surdité dans 25 % des
cas.
En cas d'échec du traitement médical, l'injection de toxine botulinique constitue à présent le
traitement de choix.
Le spasme facial médian de Meije (paraspasme facial) est aussi plus fréquent chez la femme
après 50 ans. Il est bilatéral. La forme la plus fréquente atteint les orbiculaires des paupières :
les patients ont d'abord présenté des clignements fréquents, souvent attribués à une irritation
conjonctivale avant de présenter des épisodes de blépharospasme durant quelques secondes à
quelques minutes. L'occlusion palpébrale n'est pas toujours complète et doit être différenciée
d'un ptosis. Dans les formes évoluées, l'ensemble de la face peut participer au spasme tonique
Les myokymies faciales donnent l'impression d'ondulations lentes et incessantes, visibles,
parcourant les muscles d'une hémiface. Elles ne sont pas douloureuses et n'entraînent pas de
mouvement. Elles sont très évocatrices de sclérose en plaques ou de gliome du tronc cérébral.
Des myokymies faciales bilatérales ont été observées dans le syndrome de Guillain-Barré.
Nerf cochléovestibulaire
Nerf cochléaire
Rappel anatomique
Voies de l'audition
Appareil récepteur
Le nerf cochléaire fait suite aux récepteurs spécialisés de l'oreille interne.
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L'oreille moyenne, par l'intermédiaire de la chaîne des osselets, assure la transmission
à l'oreille interne des vibrations du tympan.
Le labyrinthe antérieur ou canal cochléaire constitue la partie acoustique de l'oreille
interne.
La cochlée est un canal membraneux enfermé dans le labyrinthe osseux ou limaçon ; longue
de 35 mm, la cochlée, après un court trajet rectiligne, s'enroule ensuite sur elle-même sur deux
tours et demi de spire en se rétrécissant de la base à la pointe. À la coupe, le canal cochléaire
est divisé par la lame spirale osseuse (qui se prolonge en membrane basilaire et ligament
spiral). L'étage inférieur constitue la rampe tympanique où s'ouvre la fenêtre ronde. L'étage
supérieur est lui-même subdivisé en deux parties par la membrane de Reissner ; la rampe
vestibulaire occupe la partie supérieure, elle correspond à la fenêtre ovale. La partie moyenne
n'est autre que la rampe cochléaire qui repose sur la membrane basilaire.
Les rampes vestibulaires et tympaniques sont remplies de liquide périlymphatique et
communiquent avec l'espace périlymphatique du vestibule. Le canal cochléaire, rempli de
liquide endolymphatique sécrété par stries vasculaires, contient l'organe de Corti qui repose
sur la membrane basilaire. Cet organe récepteur renferme des cellules sensorielles ciliées et
des cellules de soutien. Les cellules ciliées se répartissent en deux groupes de part et d'autre
du tunnel de Corti. Elles reçoivent les contacts aquatiques des terminaisons nerveuses.
Neurone du nerf auditif
Il est situé dans le ganglion spiral de Golgi, lui-même situé au fond du labyrinthe osseux. Les
prolongements dendritiques de ce neurone entrent en contact avec la base des cellules
sensorielles de l'organe de Corti. Le prolongement central forme la racine acoustique du VIII
qui rejoint la racine vestibulaire et parcourt avec elle le conduit auditif interne. Le nerf y est
déprimé en " gouttière " à concavité postérosupérieure où reposent le VII et le VII bis. Il
traverse l'angle pontocérébelleux avec le facial, son accessoire et les vaisseaux auditifs
internes formant le paquet acousticofacial, puis il pénètre dans la protubérance par le sillon
bulboprotubérantiel. Après bifurcation, les fibres auditives se terminent dans les noyaux
cochléaires.
Noyaux acoustiques et voies auditives centrales
Les noyaux acoustiques occupent la partie latérale du bulbe au niveau de la jonction
bulboprotubérantielle à la face externe des pédoncules cérébelleux inférieurs. Le noyau dorsal
ou tubercule acoustique latéral siège en arrière du corps restiforme, il reçoit les fibres
postérieures. Le noyau ventral ou accessoire se tient en avant et au-dessus du précédent. Il
existe dans ces noyaux une disposition " tonotopique " qui correspond à celle de la cochlée.
De ces noyaux naît le deuxième neurone de la voie auditive.
La trajet de ces voies dans le tronc cérébral est encore incertain.
•
Du noyau ventral partent les voies acoustiques ventrales qui croisent la ligne médiane
dans la partie ventrale du tegmentum en formant le corps trapézoïde, certaines d'entre
elles montent directement dans le lemniscus latéral, d'autres se terminent dans l'olive
supérieure et le noyau du corps trapézoïde controlatéral, d'autres enfin dans les mêmes
noyaux mais ipsilatéraux.
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Du noyau dorsal naît le faisceau dorsal. Il contourne dorsalement le pédoncule
cérébelleux inférieur, croise la ligne médiane sous le plancher du 4e ventricule en
formant les stries acoustiques et gagne le lemniscus latéral du côté opposé.
Un faisceau dit intermédiaire, né du noyau ventral, suit le même trajet que le précédent
mais croise plus profondément la ligne médiane. En outre, de l'olive supérieure et du
noyau du corps trapézoïde partent des voies ipsilatérales qui gagnent le lemniscus
latéral.
Ces voies se terminent dans les tubercules quadrijumeaux postérieurs, un bon nombre
se prolonge jusqu'au corps genouillé interne.
Il existe de nombreuses connexions entre ces voies, la réticulée du tronc cérébral et les
noyaux des nerfs crâniens.
Le troisième neurone forme les radiations acoustiques qui unissent le corps genouillé interne
aux aires acoustiques corticales. Elles cheminent dans la partie toute postérieure de la capsule
interne.
Les aires acoustiques corticales (41 et 42 de Brodmann) occupent une petite surface de la
circonvolution temporale supérieure (cf Lobe temporal). Ainsi, la projection de chaque nerf
auditif est bilatérale sur le cortex. Rasmussen a mis en évidence l'existence de fibres
cochléaires efférentes issues de l'olive supérieure, qui empruntent le trajet du VI vestibulaire
et se termineraient dans l'organe de Corti, sur lequel elles auraient un rôle inhibiteur.
Rappel physiologique
Le son capté par le pavillon de l'oreille met en vibration le tympan et les osselets. Ceux-ci
assurent une transmission globale et massive des vibrations jusqu'aux fenêtres. Les muscles
des osselets protègent l'oreille interne contre les vibrations sonores intenses. Sous l'effet de
l'action de la platine de l'étrier, la fenêtre ovale se détend et transmet aux liquides
périlymphatiques les vibrations acoustiques. La distension de la fenêtre ovale transmet au
liquide périlymphatique incompressible contenu dans les rampes vestibulaire et tympanique
une vibration qui va elle-même à l'autre bout de la colonne ébranler la fenêtre ronde qui, de ce
fait subit les mêmes vibrations que la fenêtre ovale. L'énergie des vibrations du liquide
périlymphatique entraîne des oscillations de la membrane basilaire. Par voie de conséquence,
les cils des cellules sensorielles reposant sur cette membrane se déplacent plus ou moins,
transformant une énergie mécanique en influx nerveux. La perception de l'intensité et de la
fréquence d'un son n'est pas changée par l'ablation des aires corticales, en revanche, celles-ci
sont indispensables à la localisation d'une source sonore et à la reconnaissance du son.
Sémiologie
L'examen endoscopique est indispensable.
La perte auditive, surtout si elle est progressive n'est pas toujours remarquée par le patient et
sa mise en évidence doit faire partie de tout bilan d'extension lésionnelle des nerfs crâniens.
Acoumétrie
Elle n'est qu'un moyen très sommaire de dépistage, les facteurs d'erreur sont nombreux, en
aucun cas cette méthode ne saurait suffire et elle nécessite des explorations complémentaires.
Certaines exigent la participation active du patient : audiométrie tonale et vocale. Pour les
autres, dites objectives (impédancemétrie, potentiels évoqués auditifs [PEA], otoémission
acoustique), le rôle du patient est passif.
Audiométrie tonale associée à l'audiométrie vocale
Elles n'ont cessé d'être la base obligée de la mesure de l'audition. L'audiométrie liminaire est
la recherche des seuils minimaux de l'audition aérienne (à l'aide d'écouteurs) et de l'audition
osseuse (vibreur placé sur la mastoïde ipsilatérale à l'oreille testée) pour les sons purs allant de
125 à 8 000 Hz.
Les tests habituellement utilisés en acoumétrie sont transposés en audiométrie.
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Test de Weber : perception indifférente ou latéralisée d'une oreille d'un son émis par
un vibreur posé sur le front ou le vertex. En cas de surdité de perception, le son est
perçu par l'oreille la plus saine. En cas de surdité de transmission, c'est l'oreille atteinte
qui perçoit le son.
Test de Rinne : normalement, le son émis par un émetteur sonore est mieux perçu par
voie aérienne que par voie osseuse ; ceci est valable pour la surdité de perception : le "
rinne " est dit positif. À l'inverse, dans les surdité de transmission, l'audition aérienne
est inférieure à l'audition osseuse : le " rinne " est dit négatif.
Les tests spéciaux d'audiométrie supraliminaire ayant pour intérêt d'orienter le
diagnostic topographique de la surdité (cochléaire ou rétrocochléaire) ne sont plus
guère utilisés actuellement eu égard à la pratique des PEA. Le test de Fowler pour la
recherche d'un phénomène de recrutement (l'oreille lésée par un phénomène de
distorsion perçoit plus qu'elle ne le devrait compte tenu de son seuil minimal) aide
parfois.
Audiométrie vocale
Elle consiste à répéter des listes de mots dissyllabiques dont l'intensité vocale est calibrée.
Elle se fait en champ libre ou avec des écouteurs. On dit qu'il existe 100 % d'intelligibilité si
la répétition des mots est de dix sur dix. Elle corrobore souvent le niveau tonal, mais révèle
aussi des surdités inavouées par les patients, ou des troubles rétrocochléaires de l'intégration
auditive.
Méthodes dites objectives
Impédancemétrie et stapédoréflexométrie
Elles étudient les variations de la compliance de l'ensemble tympano-ossiculaire, en l'absence
de perforation du tympan. Normalement, la trompe d'Eustache assure l'équipression de la
caisse du tympan avec l'air atmosphérique. Chez le sujet normal, le test consiste à freiner
artificiellement la compétence de l'oreille moyenne à transmettre les sons, en appliquant au
niveau du tympan une surpression puis une dépression. On décrit ainsi les deux branches
triangulaires du tympanogramme. Le tympanogramme est plat en cas d'otite muqueuse mais il
peut aussi renseigner sur d'autres anomalies de l'oreille moyenne.
Réflexe stapédien
C'est un réflexe de défense contre les sons forts que l'on peut déclencher en envoyant un son
intense dans un écouteur. Le muscle de l'étrier se contracte et augmente de façon très fine la
rigidité de la chaîne ossiculaire : le réflexe est présent dans les surdités modérées de
perception, son absence peut témoigner d'une surdité de transmission ou de perception
profonde.
Otoémissions acoustiques
Provoquées par une sonde placée dans le conduit auditif externe (CAE) elles explorent les
propriétés contractiles des cellules ciliées externes de l'organe de Corti [30]. C'est la technique
la plus récente pour tester objectivement l'audition de la cochlée et de son innervation
efférente.
Potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEATC)
Chez l'humain, on peut recueillir par des électrodes de surface sur le scalp des réponses
reproductibles dans les 10 ms qui suivent une stimulation auditive par des " clics " sonores.
Sur les sept ondes numérotées de I à VII, trois ondes sont toujours retrouvées chez l'adulte
normal. L'onde I qui correspond aux fibres nerveuses cochléaires, l'onde III au noyau
cochléaire, l'onde V au passage de l'influx dans le lemniscus latéral au niveau du
mésencéphale. Ces ondes sont définies par leur latence par rapport au début de la stimulation,
comprises respectivement entre 1,8 et 5,9 ms pour les ondes I et V et la valeur de l'intervalle
I-V est un critère de normalité (4 ms +/- 0,3 ms). Aide essentielle au diagnostic de surdité dès
la naissance et chez l'adulte, les PEATC orientent vers le siège lésionnel, surtout
rétrocochléaire du déficit auditif.
Pour mémoire, le recueil des potentiels au-delà de 10 ms est possible, dit de moyenne latence
(50 - 60 ms) et corticaux (100 - 150 ms) pour l'étude des " aires " de réception supratentorielle
de l'audition.
Diagnostic des surdités
Surdités de transmission
Elles sont dues aux lésions de l'oreille externe et moyenne.Le déficit porte plus volontiers sur
les sons graves, la conduction aérienne (conduction aérienne) est seule atteinte, la conduction
osseuse (CO) étant conservée (Rinne ouvert CA < CO), le tympanogramme est plat en cas
d'otite muqueuse, les réflexes stapédiens sont abolis s'il y a une lésion ossiculaire.
Surdités de perception
Elles sont dues à des atteintes de l'oreille interne, du nerf auditif, plus rarement du tronc
cérébral. Le déficit touche surtout les fréquences aiguës. Les conductions aériennes et
osseuses sont également touchées (rinne fermé), les otoémissions peuvent être présentes, le
tympanogramme est normal, les réflexes stapédiens peuvent être abolis, les PEATC sont
retardés à partir de l'onde II et l'intervalle I-V est allongé.
Étiologie des surdités
Surdités de transmission
Elles peuvent être dues à une affection de l'oreille externe : un corps étranger, une agénésie
d'oreille, une obstruction tubaire (rhinite), une otite moyenne aiguë ou chronique, un
traumatisme avec ou sans perforation du tympan (luxation de la chaîne des osselets) qui peut
se transformer en surdité de perception en cas d'atteinte associée de la cochlée. L'otospongiose
doit être envisagée devant toute surdité de transmission pure en raison de l'intérêt chirurgical à
ce stade.
Surdités de perception
Les surdités unilatérales brusques seraient dues à une ischémie aiguë de la strie vasculaire.
Les surdités progressives sont endo- ou rétrocochléaires :
•
•
la cochlée est lésée :
o au cours d'une labyrinthite infectieuse ou toxique (surtout quinine, salicylate,
kanamycine, viomycine, diurétiques, plomb) ;
o par traumatisme sonore chronique ;
o par involution de l'organe de Corti d'origine génétique, ou avec l'âge ;
o au cours de la maladie de Ménière, surdité progressive par à-coups ou d'un seul
tenant (surdité horizontale sur les fréquences graves avec conservation de
PEA) ;
lors des atteintes rétrocochléaires, le nerf auditif peut être lésé par une atteinte toxique
(diabète), infectieuse (zona, oreillons, VIH), par méningoradiculite néoplasique.
Bien sûr, devant toute surdité de perception unilatérale progressive avec altération des
PEATC, il faut évoquer une cause tumorale et en premier lieu un neurinome. Les surdités
centrales, même unilatérales, longtemps considérées comme exceptionnelles apparaissent plus
nombreuses avec la pratique des explorations neurophysiologiques et de l'IRM : lésions
ischémiques des noyaux cochléaires, lenticulaires ou des régions temporales. Il s'agit le plus
souvent de troubles agnosiques.
Nerf vestibulaire
Rappel anatomique
Appareil vestibulaire ou labyrinthique postérieur
Il est constitué par les canaux semi-circulaires et l'utricule qui communiquent avec le saccule
par le canal endolymphatique. Ce labyrinthe membraneux contient l'endolymphe et baigne
dans la périlymphe. Il est logé dans le labyrinthe osseux creusé dans le rocher.
Trois canaux semi-circulaires
Ils s'ouvrent dans l'utricule par cinq orifices, car les canaux frontal et sagittal ont une
embouchure commune ; l'horizontal est isolé. Les canaux semi-circulaires occupent des plans
perpendiculaires entre eux bien qu'ils ne soient pas exactement inscrits dans les trois plans de
l'espace. Chaque canal se renfle à son extrémité en une ampoule qui renferme une crête
ampullaire formée de cellules de soutien et de cellules sensorielles ciliées. Ces cellules
comprennent : une zone superficielle surmontée de poils acoustiques, réunion d'environ 70 à
100 stéréocils et d'un binocil. Les stéréocils sont noyés dans une cupule gélatineuse tandis que
le binocil est toujours orienté dans une même direction pour une zone sensorielle donnée ; une
zone de jonction neurosensorielle qui donne naissance aux fibres afférentes au nerf
vestibulaire.
La rotation de la crête provoque un déplacement de l'endolymphe dans le sens opposé. Ce
courant liquidien déforme la cupule dans le même sens mais la déformation ne se fait qu'en
fonction d'une accélération ou d'une décélération angulaire. Le seuil d'activation est de deux
degrés par seconde. Il existe cependant un tonus constant de ces récepteurs que traduit la
décharge de repos. Pendant une rotation à vitesse constante, la décharge des impulsions
retourne à sa valeur de base en 20 secondes environ, temps que met la cupule pour retrouver
son point d'équilibre. Ces récepteurs jouent un rôle important dans les réactions
d'équilibration.
Macules otolithiques (ou récepteurs de position)
Elles se trouvent dans l'utricule et le saccule ; l'épithélium sensoriel présente quelques
particularités. Il occupe des " plaques " et non des crêtes ; toutes les cellules ciliées sont
noyées dans une matrice gélatineuse riche en particules de chalcites : les otoconies soumises
aux lois de la pesanteur. L'ensemble macule, matrice gélatineuse, otoconies a été dénommé "
otolithes ". Il s'agit de récepteurs de position sensibles à la pesanteur, leur fréquence de
décharge est fonction de la position de la tête dans l'espace. Ces récepteurs de position, peu
influencés par le temps, interviennent dans les réactions d'adaptation statique.
Nerf vestibulaire
Le ganglion de Scarpa (ou vestibulaire) situé dans le fond du conduit auditif interne contient
les corps neuronaux du nerf vestibulaire. Celui-ci s'accole au nerf cochléaire et pénètre dans le
sillon bulboprotubérantiel juste en arrière du facial. Dans le bulbe, il se divise en trois
branches :
•
•
•
ascendante destinée au noyau vestibulaire supérieur, triangulaire et au noyau du toit ;
descendante vers les noyaux triangulaire et inférieur ;
dorsale pour le noyau du toit.
Le nerf vestibulaire est à destinée rigoureusement unilatérale. Certaines fibres se rendent
directement par le corps juxtarestiforme au cortex du lobe floculonodulaire et de l'uvula. Des
fibres efférentes, non sensorielles, interviennent dans des phénomènes de régulation
sensorielle.
Noyaux vestibulaires
Situés sous le plancher du 4e ventricule [15], à la jonction bulboprotubérantielle, ils sont au
nombre de quatre, bilatéraux et symétriques :
•
•
•
•
noyau vestibulaire inférieur ;
noyau latéral (ou de Deiters) ;
noyau médian (ou triangulaire de Schwalbe) ;
noyau supérieur de Bechterew ; on y adjoint les noyaux du toit (ou noyau festigial).
Ces différents noyaux sont connectés entre eux et avec ceux du côté opposé. La distribution
des fibres vestibulaires est très complexe. Nous renvoyons à la systématisation donnée par
Burt [24].
Fibres vestibulaires secondaires
Fibres médullaires
Les faisceaux vestibulospinaux restent directs, ils proviennent du noyau latéral de Deiters et
du noyau triangulaire. Ils ont un effet facilitant sur les neurones alpha et gamma des
extenseurs. La rigidité de décélération n'est que l'exaltation de leur fonctionnement ; chez
l'animal elle disparaît par section des nerfs vestibulaires. L'appareil vestibulaire favorise les
réflexes de redressement en particulier de la tête en l'absence de contrôle de la vue. Ainsi avec
les réflexes de postures sous la dépendance du cervelet, les réflexes de redressement à point
de départ nuqual, le contrôle visuel, les réflexes labyrinthiques concourent au maintien du
tonus antigravidique.
Autres voies
Des fibres destinées à la substance réticulée du tronc cérébral contrôlent de plus la motricité
par l'intermédiaire de la boucle gamma.
Les noyaux viscéraux et les formations sympathiques du tronc cérébral, le noyau du
phrénique reçoivent des fibres provenant surtout du noyau triangulaire expliquant l'origine des
manifestations végétatives du vertige.
Noyaux des nerfs oculomoteurs
Les connections vestibulo-oculaires sont directes, elles empruntent le faisceau longitudinal
médian et concourent aux mouvements de l'oeil dans un plan horizontal et dans un plan
vertical et oblique en fonction de leur niveau d'origine dans les noyaux vestibulaires. Les
voies indirectes font relais dans la substance blanche réticulée pontique paramédiane et le
noyau prepositus hypoglossi.
Connections cérébellovestibulaires
Cervelet et système vestibulaire sont en étroite relation anatomique et fonctionnelle, en
particulier au niveau flocculonodulaire. Ces relations se font par des projections directes et
indirectes pour atteindre cette structure mais aussi les noyaux festigial et dentelé. En retour, le
cervelet exerce un contrôle sur les noyaux vestibulaires par des fibres corticofuges directes
issues des noyaux fastigiaux.
Centres supérieurs
L'existence d'une voie de conduction vestibulocorticale est prouvée. Elle suivrait un trajet
direct et gagnerait le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus et le cortex controlatéral au
voisinage de l'aire de projection de la face, région où convergent des influx proprioceptifs, ce
qui fait penser que le système vestibulaire ne serait qu'un élément différencié du système
proprioceptif.
Clinique : syndrome vestibulaire
Vertige [111]
C'est un trouble subjectif que l'on peut définir comme une sensation erronée de déplacement
dans l'espace par rapport au corps ou du corps par rapport à l'espace, mais la notion d'espace
et celle d'image corporelle font appel à un ensemble de perceptions et à une intégration
complexe des différentes proprioceptivités.
•
•
•
Les vertiges vrais comportent toujours une sensation de déplacement. Les vertiges
d'origine labyrinthique sont habituellement rotatoires. Les vertiges non rotatoires
(sensation de déplacement latéral, antéropostérieur ou vertical) sont plutôt d'origine
centrale [21].
Les faux vertiges ne comportent pas d'impression de déplacement des objets. Il peut
s'agir d'une impression de déséquilibre liée à une diplopie, d'une lipothymie, d'une
perte de tonus brutal des membres inférieurs ou très fréquemment d'une crainte de " se
trouver mal " qui entre dans le cadre des névroses phobiques.
Le vrai vertige peut s'accompagner :
o de signes cochléaires : acouphènes bilatéraux ou localisés à une oreille, surdité
antérieure, contemporaine ou postérieure à l'apparition du vertige ;
o et de troubles végétatifs : nausées, vomissements, pâleur, bradycardie,
polypnée.
Examen vestibulaire
Déviations axiales
Elles ne se manifestent qu'en position debout. Dans l'épreuve de Romberg labyrinthique, le
patient est placé les pieds joints, les yeux ouverts puis fermés. À la fermeture des yeux, on
observe une déviation de l'axe du corps qui se produit après un certain temps de latence, dans
la direction de l'appareil vestibulaire hypovalent (donc dans le sens de la secousse lente du
nystagmus). On peut modifier le sens de la déviation en changeant la position de la tête. Dans
les atteintes centrales, le sujet oscille en tous sens, et ni la position de la tête ni la fermeture
des yeux n'ont d'influence. Si l'on demande au sujet de " marquer le pas " ou de faire cinq pas
en avant, cinq pas en arrière dans une direction donnée, les yeux fermés, il dévie du côté du
labyrinthe hypovalent (démarche en étoile, épreuve de Babinski-Weill). En cas d'atteinte
centrale, la marche est incertaine.
Déviations segmentaires
Chez le sujet normal, chacun des labyrinthes agit sur le tonus des deux moitiés du corps de
façon symétrique. Lorsqu'un labyrinthe est hypovalent à l'épreuve des bras tendus les yeux
fermés, on observe une déviation vers le côté lésé. L'épreuve de l'indication est plus sensible :
la déviation se fera dans le plan perpendiculaire au plan de fonction du canal semi-circulaire
atteint quand l'index balaie un angle de 45° dans un plan vertical puis horizontal. Des troubles
du tonus et des adaptations posturales peuvent résulter d'une atteinte vestibulaire. Mais il est
difficile de les distinguer de ceux qui résultent d'un syndrome cérébelleux statique d'autant
plus que l'association est fréquente.
Nystagmus. : tremblement associé des globes oculaires (Dejerine)
Il est caractérisé par sa rythmicité, son sens, son aspect diphasique, sa symétrie sur les deux
yeux. Il est constitué par :
•
une déviation oculaire conjuguée de vitesse relativement modérée (phase lente),
conséquence d'un déséquilibre oculomoteur tonique induit par l'asymétrie entre les
deux éléments stabilisateurs antagonistes des labyrinthes ;
•
et par une déviation rapide qui a pour but de ramener le regard en position d'équilibre
visuel. Tel est le nystagmus " à ressort ", différent du nystagmus pendulaire d'origine
congénital. La recherche du nystagmus est facilitée par les lunettes de Barthels qui
éliminent le nystagmus de fixation. Le sens du nystagmus est par convention celui de
la secousse rapide. Il peut être horizontal, rotatoire, vertical ou oblique. Le nystagmus
d'origine périphérique est horizontorotatoire, jamais multiple. Le plus souvent "
destructif ", il bat vers l'oreille saine, rarement " irritatif ", il bat alors vers l'oreille
lésée. Le nystagmus spontané d'origine centrale est volontiers de forme pure : rotatoire
(lésion bulbaire), horizontal (protubérantiel), vertical (pédonculaire) mais il peut être
dissocié, c'est-à-dire d'intensité différente dans les deux yeux, traduisant une lésion
associée du faisceau longitudinal médian.
Vestibulométrie
Électronystagmogramme
L'oeil est un système polarisé. Il existe entre la rétine électronégative et la cornée
électropositive un potentiel de repos. Ce dipôle électrique crée, au niveau du champ
périorbitaire, un champ électrique dont les variations induites par les mouvements oculaires
sont recueillies à partir d'électrodes cutanées, amplifiées et inscrites sur un papier se déroulant
à vitesse constante. Le signal enregistré est le nystagmus. Aujourd'hui, l'aide de l'ordinateur
va devenir le complément indispensable pour quantifier les diverses composantes du
nystagmus : fréquence, vitesse de la phase lente, amplitude et nombre de secousses, en
référence aux systèmes experts.
De façon plus sophistiquée, le nystagmus peut être recueilli par le moyen d'une cellule
photoélectrique captant la réflection d'un faisceau lumineux sur la cornée. Le traitement du
signal sera le même et les renseignements très précis ; cette technique, qui est surtout utilisée
en oculographie, nécessite un appareil plus coûteux.
Méthodes de stimulation
•
L'épreuve calorique : pendant longtemps, l'observation des signes vestibulaires
spontanés et du nystagmus provoqué par les épreuves caloriques et rotatoires de
Barany a été la seule employée, mais ces épreuves comportaient un facteur subjectif
dans l'appréciation des résultats, que le nystagmogramme permet d'éliminer.
L'injection d'eau à 30 ° et 44 °C pendant 40 secondes avec un débit suffisant (5 à 6 mL
par seconde) dans le conduit auditif externe reproduit :
o pour l'irrigation froide, un syndrome vestibulaire déficitaire du côté interrogé
(nystagmus de sens opposé et déviation des bras tendus homolatérale à
l'excitation) ;
o pour l'irrigation chaude, un syndrome irritatif (nystagmus battant vers l'oreille
interrogée et déviation des bras vers le côté opposé).
On suppose que cette épreuve entraîne un réchauffement ou un refroidissement de la paroi du
canal semi-circulaire externe et un mouvement des liquides labyrinthiques : le déplacement de
la cupule provoque des réponses subjectives (vertiges) et objectives (nystagmus et déviation).
Chez le malade dans le coma, la stimulation du labyrinthe ne produit pas de nystagmus mais
une déviation des yeux (qui correspond à la phase lente que comporterait le nystagmus chez le
même sujet conscient). En cas de lésion du tronc cérébral, cette forme de motricité oculaire "
réflexe " peut disparaître.
•
Les épreuves rotatoires ont l'avantage d'appliquer au système des canaux semicirculaires leur stimulus physiologique : l'accélération angulaire, mais elles ont en
revanche l'inconvénient d'exciter l'ensemble du couple des deux systèmes droit et
gauche ; elles étudient l'équilibre dynamique du système. Actuellement, on utilise
deux méthodes :
o L'épreuve giratoire liminaire applique aux vestibules une accélération
angulaire constante et entretenue. On recherche le seuil de réaction minimal ou
les réactions supraliminaires ;
o l'épreuve rotatoire pendulaire est plus employée. L'appareil fait appel au
principe du pendule de torsion. Le fauteuil sur lequel le sujet a pris place est
écarté de 180° de sa positon d'équilibre. Une fois libéré, il décrit une série de
rotations horaires et antihoraires par période de 20 secondes et d'amplitude
amortie sur 15 poussées. Le nystagmus giratoire enregistre ainsi le nystagmus
provoqué.
Syndromes vestibulaires centraux et périphériques
•
•
Le syndrome vestibulaire périphérique résulte soit d'une atteinte de l'oreille interne,
soit d'une atteinte du nerf vestibulaire. Le vertige endolabyrinthique est généralement
brutal, rotatoire et systématisé. Il s'accompagne de signes végétatifs et souvent de
signes auditifs (acouphènes et hypoacousie). Lorsque les signes vestibulaires existent,
ils donnent un syndrome harmonieux : le nystagmus est horizontogiratoire, battant du
côté opposé à l'oreille lésée. Les déviations axiales et segmentaires se font du côté de
l'oreille atteinte. Les épreuves confirment l'hypo- ou l'aréflexie uni- ou bilatérale. Un
phénomène de compensation s'établit en 6 à 8 semaines.
Le syndrome vestibulaire central résulte soit d'une atteinte nucléaire, soit le plus
souvent d'une lésion des voies supranucléaires. Tous les types de vertiges peuvent être
ressentis mais en général, il s'agit de sensations vertigineuses mal définies (insécurité,
déséquilibre). Les signes auditifs manquent et les réactions d'accompagnement sont
très variables. Il existe souvent d'autres désordres neurologiques en particulier un
syndrome cérébelleux. Les signes vestibulaires sont de type " dysharmonieux ". Le
nystagmus peut être de type otologique, mais ses caractéristiques peuvent être
modifiées par des lésions associées, en particulier des nerfs oculomoteurs. Les
déviations ne sont pas systématisées. Les épreuves dynamiques font apparaître des
phénomènes temporels (habituation, fatigue).
Étiologie des syndromes vestibulaires
Syndrome périphérique
Il peut reconnaître :
•
une origine endolabyrinthique : le syndrome de Ménière est caractérisé par le trépied :
vertige, acouphène, surdité auxquels il faut ajouter l'évolution paroxystique. Le vertige
est souvent le signe inaugural de l'" hydrops endolabyrinthique ". La courbe
audiométrique est caractéristique en " plateau " avec recrutement. Il n'y a pas de
séquelle vestibulaire spontanée ou provoquée en période intercritique. L'évolution se
fait à long terme vers la diminution de la fréquence des crises et l'aggravation de la
surdité ; - citons l'atteinte endolabyrinthique au cours des traumatismes, des
hémorragies, notamment au cours des hémopathies, des labyrinthites aiguës ou
•
•
•
chroniques, des atteintes vasculaires du labyrinthe (avec ou sans atteinte cochléaire)
ou des labyrinthotoxicoses (quinine) ;
un vertige bénin paroxystique : c'est le type de vertiges le plus fréquemment rencontré
dans la pratique quotidienne. Survenant par accès de durée variable, il se déclenche de
façon brutale par une sensation de vertige rotatoire intense au début, isolée ou avec
quelques phénomènes végétatifs, puis se reproduit moins intensément avec les
changements de position de la tête, faisant intervenir les accélérations
antéropostérieures. Un nystagmus unidirectionnel, contemporain du vertige, est
souvent observé, il disparaît dès que cesse la sensation subjective. Les épreuves
audiovestibulaires ne sont pas altérées pendant la crise, on peut cependant enregistrer
le nystagmus de position. L'évolution est spontanément favorable, sans séquelle, il
peut récidiver, même dans un laps de temps très long. Il se voit à tout âge. On évoque
à son origine une modification physicochimique des structures otolithiques. Bénin, il
est isolé mais il devra toujours être confronté au reste de l'examen neurologique car il
pourrait révéler une pathologie du système nerveux ;
une origine rétrolabyrinthique : le neurinome de l'acoustique donne des vertiges
discrets, souvent sous forme d'instabilité aggravant une surdité unilatéral progressive
de type perceptif (sans recrutement). À l'examen, le nystagmus manque rarement (sous
ENG [électronystagmogramme]). Aux épreuves, il existe une hyporéflectivité
unilatérale compensée de grande valeur dans ce tableau ;
les autres atteintes du nerf peuvent être :
o toxiques (mêmes étiologies que les atteintes cochléaires et la labyrinthite
toxique, la streptomycine lésant plus la cochlée et la gentamicine, davantage le
labyrinthe) ;
o infectieuses (boréliose, syphilis, neuronite vestibulaire présumée virale) ;
o ischémiques (dans le territoire de l'artère auditive interne : branche
vestibulaire).
L'hématome cérébelleux aigu provoque soit un vertige intense, soit des troubles de l'équilibre
avec un nystagmus multidirectionnel, qui devra rapidement être opéré pour éviter un
engagement.
Syndromes vestibulaires centraux [29]
Ils peuvent prendre le masque d'une atteinte endolabyrinthique au cours d'un syndrome de
Wallenberg, de la syringobulbie. Dans la sclérose en plaques, les vertiges s'observent dans 70
% des cas et peuvent être inauguraux dans 4 à 25 % des cas. Il s'agit plus souvent d'une
impression d'instabilité que d'un grand vertige. Toutes les formes de nystagmus peuvent
s'observer. L'hyperréflectivité aux épreuves rotatives (habituellement bilatérale) serait plus
fréquente que l'hyperréflectivité calorique.
L'insuffisance vertébrobasilaire est une des causes de syndrome vestibulaire central, les
vertiges à rechute y sont brefs et souvent déclenchés par une position anormale de la tête. Ils
s'accompagnent fréquemment de troubles oculomoteurs ou de troubles de l'équilibre.
Les lésions hérédodégénératives, les tumeurs du tronc cérébral peuvent donner lieu à un
syndrome vestibulaire central. L'imagerie radiologique de choix devant tout syndrome
vestibulaire rétrolabyrinthique ou central sera l'IRM.
Nerf glossopharyngien (IXe paire)
Rappel anatomique
Il s'agit d'un nerf mixte constitué par cinq ou six filets nerveux nés du bulbe immédiatement
en arrière de l'olive inférieure. Il sort du crâne par le trou déchiré postérieur où deux ganglions
(pétreux inférieur et pétreux supérieur) représentent des relais sensitifs. Dans le cou, le nerf
passe entre l'artère carotide interne et la veine jugulaire interne, puis en dehors de la carotide
interne, avant de se diriger vers la base de la langue.
La vascularisation de ce nerf est assurée par l'artère pharyngienne ascendante, branche de la
carotide externe [66].
Le IX véhicule cinq contingents fonctionnels importants.
•
•
•
•
•
Les efférences viscérales spéciales sont des fibres motrices issues de neurones situés
dans la partie rostrale du noyau ambigu, destinées au muscle stylopharyngien, et dans
certains cas au constricteur supérieur du pharynx (parfois innervé par le X).
Les efférences viscérales générales, fibres sécrétoires pour la parotide, sont issues du
noyau salivaire inférieur situé au-dessus du noyau dorsal du vague. Elles se détachent
du IX sous le ganglion pétreux inférieur, empruntent la branche tympanique du nerf de
Jacobson, puis le plexus tympanique et le nerf pétreux profond, gagnent ensuite le
ganglion otique, où elles font relais avec les fibres postganglionnaires
parasympathiques destinées à la parotide.
Les afférences viscérales spéciales véhiculent les sensations gustatives du tiers
postérieur de la langue, en arrière du V lingual. Les corps cellulaires de ces fibres
siègent dans le ganglion pétreux inférieur, et les afférences se terminent dans la partie
rostrale du noyau du faisceau solitaire.
Les afférences viscérales générales véhiculent les sensations tactiles, thermiques et
douloureuses des muqueuses du tympan, du système de pneumatisation mastoïdien, de
la trompe d'Eustache, du tiers postérieur de la langue, de l'amygdale, des piliers du
voile du palais et de la paroi latérale et postérieure du pharynx. Elles sont également
issues de neurones situés dans le ganglion pétreux inférieur et se terminent dans la
partie moyenne du noyau du faisceau solitaire. Une petite branche sensitive innerve les
barorécepteurs du sinus carotidien, et se termine en partie dans le noyau dorsal du X et
dans le noyau du faisceau solitaire.
Les afférences somatiques générales sont une composante sensitive cutanée qui
innerve une petite zone de la partie postérieure de la conque de l'oreille, emprunte la
branche auriculaire du X et se termine dans la racine descendante du trijumeau. Les
corps neuronaux siègent dans le ganglion pétreux supérieur.
Sémiologie
L'atteinte du IX peut entraîner une gêne à la déglutition et un trouble du goût. L'agueusie du
tiers postérieur ipsilatéral de la langue (sensations amères) est parfois difficile à mettre en
évidence. Il existe également une hypoesthésie du tiers postérieur du voile, de l'amygdale, du
pharynx. Le réflexe nauséeux est diminué ou aboli. Les sécrétions salivaires parotidiennes
peuvent être diminuées. La paralysie du constricteur supérieur du pharynx donne le signe du
rideau où la paroi postérieure du pharynx se déplace vers le côté sain quand on fait prononcer
la lettre A.
La névralgie du glossopharyngien se manifeste par une douleur intense et unilatérale de la
base de la langue, du pharynx, irradiant vers la conduit auditif externe ou l'angle de la
mâchoire. La douleur peut être provoquée ou accentuée par la déglutition, la parole, la toux,
l'éternuement et s'accompagner de salivation, larmoiement, sueurs, tachycardie, hypertension,
vertiges. Des crises épileptiques, des syncopes et des bradycardies par stimulation vagale
réflexe ont été décrites [119]. Les crises douloureuses peuvent durer de quelques minutes à
plusieurs jours, et surviennent en moyenne deux à trois fois par an [109].
Étiologies
Lésions intramédullaires
Elles donnent rarement une atteinte isolée du IX et s'accompagnent généralement de signes en
faveur de lésions des noyaux du VIII et du X, et d'une atteinte des voies longues. Des lésions
vasculaires, néoplasiques, inflammatoires ou plus rarement une syringobulbie peuvent être en
cause.
Lésions extramédullaires
Dans l'angle pontocérébelleux, le IX peut être le siège d'un neurinome, mais le tableau
clinique est souvent dominé par une atteinte du VIII. Les tumeurs du glomus jugulaire dans le
trou déchiré postérieur donnent plus souvent une atteinte multiple (IX, X, XI) sous la forme
d'un syndrome de Vernet. Des chordomes, des métastases ou des fractures de la base du crâne
peuvent aussi être en cause. Le tabès est devenue une cause rare de lésion du IX. Une
mononévrite du IX peut survenir en cas de diabète. Dans le syndrome de Guillain-Barré,
l'atteinte des afférences des barorécepteurs carotidiens peut rendre compte des troubles
végétatifs comme les déséquilibres tensionnels ou les troubles du rythme.
La névralgie du IX peut être idiopathique, ou secondaire. Des tumeurs de la fosse postérieure,
des infections locales, des occlusions de la carotide, des compressions par une artère
vertébrale tortueuse [65], l'artère cérébelleuse postério-inférieure [92] ou par l'apophyse
styloïde ont été rapportées. Enfin, une névralgie du IX éventuellement accompagnée de
syncope semble être " un signe classique de récidive d'une tumeur ORL dans la région
péricarotidienne " [117].
Dans les formes idiopathiques, la carbamazépine semble être le traitement de choix.
Nerf pneumogastrique ou nerf vague (Xe paire)
Rappel anatomique
Le X ou nerf vague est un nerf mixte qui naît du bulbe, au niveau du sillon collatéral
postérieur, et sort du crâne avec le IX et le XI par le trou déchiré postérieur, où se trouve le
ganglion jugulaire (ou supérieur). Il descend dans l'espace rétrostylien et forme le ganglion
plexiforme (ou inférieur). Puis il chemine dans le cou entre la carotide interne et la veine
jugulaire interne. À droite, le X pénètre dans le thorax en avant de l'artère sous-clavière. Il
descend en arrière de l'oesophage, traverse avec lui le diaphragme et forme le plexus gastrique
postérieur. Le X gauche passe en avant de la crosse de l'aorte, descend en avant de
l'oesophage et forme le plexus gastrique ventral.
La vascularisation de ce nerf est assurée par l'artère pharyngienne ascendante [66].
Outre ses nombreuses branches viscérales thoraciques et abdominales, le X donne les
branches cervicales suivantes :
•
•
•
•
•
le nerf auriculaire (né entre les ganglions supérieur et inférieur), qui véhicule
également des fibres du IX et du VII, assure l'innervation sensitive de la partie
postérieure de la conque de l'oreille et du conduit auditif externe ;
le nerf méningé, né sous le ganglion supérieur, rentre dans le crâne et innerve la duremère de la fosse postérieure ;
les nerfs pharyngés quittent le X sous le ganglion inférieur et forment avec des
branches du IX le plexus pharyngé ;
le nerf laryngé supérieur, né sous le ganglion inférieur, descend le long du mur latéral
du pharynx et se divise en deux branches :
o la branche interne assure l'innervation sensitive du larynx au-dessous des
cordes vocales ;
o et la branche externe l'innervation motrice du constricteur inférieur du pharynx
et du muscle tenseur des cordes vocales (cricothyroïde) ;
le nerf laryngé inférieur ou nerf récurrent se détache du X gauche au niveau de la
crosse de l'aorte et fait une boucle au-dessous d'elle pour remonter vers le larynx entre
la trachée et l'oesophage. Le récurrent droit fait de même autour de la sous-clavière.
Les récurrents assurent la motricité de la musculature intrinsèque du larynx sauf le
cricothyroïde.
Le nerf pneumogastrique répond à la systématisation suivante :
•
•
•
les afférences somatiques générales sont véhiculées par le rameau auriculaire cité plus
haut, assurant l'innervation sensitive de la région postérieure de l'oreille externe. Les
corps neuronaux sont situés dans le ganglion supérieur, et les afférences se terminent
dans le noyau spinal du trijumeau ;
les afférences viscérales spéciales sont issues des bourgeons du goût situés sur
l'épiglotte, et gagnent la partie supérieure du faisceau solitaire par l'intermédiaire du
ganglion inférieur ;
les afférences viscérales générales transmettent les sensations viscérales du voile du
palais, de l'épiglotte, de la base de la langue et du pharynx, en commun avec le
glossopharyngien. Par la branche interne du nerf laryngé supérieur, elles transmettent
les sensations viscérales du larynx. Les sensations viscérales inconscientes de la
trachée, de l'oesophage et des viscères thoraciques et abdominaux sont également
véhiculées par ces afférences, dont les corps neuronaux siègent dans le ganglion
inférieur. Elles se terminent dans la partie inférieure du noyau du faisceau solitaire.
L'innervation des barorécepteurs du sinus carotidien comporte des fibres du IX et du X et se
termine dans le noyau dorsal du vague ou le noyau du faisceau solitaire.
•
Les efférences viscérales spéciales sont issues du noyau ambigu qui contient les
motoneurones de tous les muscles du pharynx et du larynx. Le X assure l'innervation
de tous ces muscles, sauf le stylopharyngien qui dépend du IX, et le muscle tenseur du
voile du palais qui dépend du V. Le noyau ambigu reçoit des fibres issues des fuseaux
neuromusculaires de ces différents muscles, des voies afférentes viscérales, de la
•
substance réticulée et des noyaux du VIII, à l'origine de phénomènes réflexes comme
la toux, les vomissements, les nausées et les vertiges ;
les efférences viscérales générales, à partir du noyau dorsal du vague, sont à destinée
cardiaque, pulmonaire, oesophagienne, coeliaque, hépatique, splénique et
mésentérique, ainsi que l'innervation des glandes muqueuses du larynx. Les synapses
entre fibres pré- et postganglionnaires sont situées dans les parois viscérales.
Sémiologie
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L'atteinte des efférences viscérales spéciales entraîne une paralysie ou une parésie des
muscles laryngés et pharyngés. L'atteinte d'un hémivoile se traduit par une voix
nasonnée, une déviation de la luette du côté sain, une réponse au réflexe du voile
limitée au côté sain, et une dysphagie avec fausses routes et reflux des liquides par le
nez.
En cas de paralysie du larynx, les abducteurs sont touchés en premier lieu. Les cordes
vocales se trouvent en position paramédiane si le nerf laryngé supérieur est intact, et
en position cadavérique s'il est atteint. Selon que la paralysie est unilatérale ou
bilatérale, on observe une voix bitonale ou une aphonie. Une paralysie isolée d'une
corde vocale peut rester asymptomatique. Une dyspnée et une insuffisance respiratoire
aiguë peuvent survenir en cas de lésion brutale bilatérale, notamment dans le
syndrome de Gerhardt, qui réalise une paralysie isolée des dilatateurs de la glotte sans
modification de la voix (alors que la dyspnée est intense avec tirage et cornage). Cette
forme clinique particulière est en rapport avec une atteinte nucléaire du X.
L'atteinte des efférences viscérales générales modifie peu la motricité et la sécrétion
gastro-intestinale car le neurone postganglionnaire est doué d'une certaine autonomie.
Cependant, on peut observer une parésie gastrique et une diarrhée motrice dans les
neuropathies diabétiques. L'hypoactivité vagale de ces neuropathies diabétiques et des
neuropathies dysautonomiques primitives n'entraîne pas de tachycardie car il existe
généralement une atteinte parallèle du système sympathique. En revanche, on
n'observe pas la réponse cardiaque physiologique à l'hyperventilation.
L'atteinte des afférences produit une anesthésie du voile, de la base de langue, du
larynx et du pharynx, responsable de troubles de la déglutition, de fausses routes et
d'une abolition des réflexes nauséeux et du voile. Cependant, si le IX est intact, le
territoire anesthésié est très réduit.
La névralgie du nerf laryngé supérieur est une affection rare qui se manifeste par une
douleur intense dans la région du cartilage thyroïde, du sinus piriforme, de l'angle de
la mâchoire et plus rarement de l'oreille. Parfois, la douleur irradie vers le thorax. Il
existe souvent une zone " gâchette " dans le larynx, et les mêmes circonstances
déclenchantes que la névralgie du glossopharyngien qui d'ailleurs peut lui être
associée.
Étiologies
Lésions intramédullaires
Les lésions centrales sont rarement responsables d'atteintes isolées du X, quelle que soit la
nature de la lésion responsable : néoplasique, inflammatoire notamment dans la sclérose en
plaques, vasculaire comme dans le syndrome de Wallenberg. Le tabès peut être responsable
d'un syndrome de Gerhardt par atteinte nucléaire, de même que les atrophies
multisystématisées [82]. Dans ces pathologies, comme dans la syringobulbie [109] ou les
maladies du motoneurone, l'atteinte du X s'intègre dans un tableau clinique souvent plus
complexe. Il faut souligner qu'en cas d'interruption unilatérale des voies corticobulbaires, le
patient est le plus souvent asymptomatique puisque les projections sont bilatérales. Dans les
états lacunaires où les lésions sont multiples et bilatérales, on observe souvent une parésie
pharyngolaryngée.
Lésions extramédullaires
Les causes périphériques sont multiples. Les tumeurs de la fosse postérieure peuvent
comprimer le nerf dans son trajet intracrânien. Des tumeurs du nerf lui-même (neurinomes)
ont été rapportées [42].
En dehors du crâne, le X ou une de ses branches, en particulier le récurrent, peuvent être le
siège de lésions inflammatoires ou infectieuses : sarcoïdose, maladie de Lyme, GuillainBarré, diphtérie, lupus érythémateux disséminé [28]. Des causes toxiques ou nutritionnelles
sont possibles, comme les neuropathies alcooliques ou le béribéri. De rares observations de
paralysie isolée du X ont été décrites au cours du diabète. Des atteintes du X secondaires aux
chimiothérapies, en particulier la vincristine, ont été décrites [33].
Le nerf récurrent est particulièrement exposé aux compressions, au cou comme au médiastin.
Il peut s'agir d'un anévrysme de la carotide interne ou de l'aorte, d'une adénopathie
tuberculeuse médiastinale, de cardiomégalies évoluées (devenues plus rares actuellement), ou
de tumeurs malignes : carcinomes bronchiques essentiellement, mais aussi trachéaux,
oesophagiens, thyroïdiens, métastases médiastinales, lymphomes hodgkiniens et non
hodgkiniens. L'atteinte du récurrent est classique au cours d'une thyroïdectomie, mais peut
aussi survenir au cours d'une diverticulotomie ou d'un traumatisme non chirurgical du cou.
Enfin, un nombre important de paralysies du X ou du récurrent sont dites idiopathiques, dans
une proportion variant entre 25 et 33 % des cas [109]. Une cause virale a souvent été
suspectée dans ces conditions, mais seules quelques observations de paralysie des cordes
vocales ont pu être authentifiées comme secondaires au virus Herpès [37] ou au
Cytomégalovirus dans le sida [104].
Nerf spinal (XIe paire)
Le nerf spinal, ou nerf accessoire spinal, est un nerf moteur qui correspond davantage à un
type particulier de nerf rachidien qu'à un véritable nerf crânien. La composante bulbaire de ce
nerf est maintenant considérée comme un groupe aberrant de fibres appartenant au nerf vague
[24], réalisant ainsi un complexe vagospinal.
Rappel anatomique
La branche interne ou bulbaire du nerf spinal naît de la partie inférieure du noyau ambigu, et
se réunit à la branche externe avant de franchir le trou déchiré postérieur. À la sortie du crâne,
elle se détache de la branche externe et gagne le ganglion inférieur plexiforme du X. Cette
branche constituerait l'origine du nerf récurrent.
La branche externe ou branche médullaire constitue le véritable nerf accessoire spinal, nerf
rachidien détourné dans le crâne. Les fibres sont issues de motoneurones situés dans la corne
antérieure de la moelle cervicale (de C1 à C6), et se réunissent en un tronc commun qui monte
dans le canal rachidien, entre les racines ventrales et dorsales, en arrière du ligament dentelé.
Ce tronc nerveux franchit le trou occipital puis s'unit au spinal interne et traverse le trou
déchiré postérieur. Quand le nerf accessoire spinal sort du crâne, les fibres de la branche
interne ont déjà rejoint le nerf vague. Le XI descend alors dans le cou en compagnie de la
veine jugulaire. Il pénètre dans la partie moyenne du sterno-cléido-mastoïdien, puis dans le
creux sus-claviculaire et dans la partie supérieure du trapèze. La partie inférieure du trapèze
est innervée selon les cas par le XI ou les racines C3-C4 du plexus brachial [109]. Le noyau
du XI est en relation avec la bandelette longitudinale postérieure, avec la substance réticulée
et de nombreux noyaux du voisinage, assurant les mouvements céphalogyres d'origine
réflexe. Le XI véhicule aussi des fibres afférentes probablement d'origine musculaire.
Le XI est vascularisé par l'artère pharyngienne ascendante [66].
Sémiologie
L'atteinte du sterno-cléido-mastoïdien (fléchisseur et rotateur de la tête) entraîne un déficit de
la rotation de la tête du côté opposé à la lésion. La corde qui traduit la contraction de ce
muscle lors du mouvement de flexion en avant et de rotation vers le côté opposé n'est plus
visible ni palpable. Lorsque le trapèze est atteint, le creux sus-claviculaire est plus profond,
l'angulaire de l'omoplate fait saillie, le moignon de l'épaule est abaissé. De dos, l'omoplate
paraît déjetée en dehors. L'épaule ne peut être haussée et se déplace en avant. L'élévation du
bras latéralement est souvent incomplète, avec un décollement de l'omoplate qui s'accentue
dans ce mouvement.
La paralysie du XI réalise le plus souvent un tableau typique d'atteinte du motoneurone
inférieur, associant une paralysie flasque et parfois une amyotrophie.
Étiologies
Lésions intramédullaires
Les causes intramédullaires (accidents vasculaires cérébraux, maladie du motoneurone,
tumeurs, sclérose en plaques, syringobulbie) ne donnent généralement pas une atteinte isolée
du XI.
Lésions extramédullaires
Les lésions intracrâniennes comme les tumeurs de la fosse postérieure (méningiomes,
neurinomes) réalisent aussi un tableau clinique plus riche.
Au cou, les causes d'atteinte du XI sont nombreuses : traumatismes externes, chirurgie du cou
et étirements cervicaux [70], endartériectomie [107], canulation de la jugulaire interne,
radiothérapie du cou [14]. On peut observer une atteinte isolée du trapèze, respectant le
sterno-cléido-mastoïdien, dans la chirurgie des adénopathies cervicales [24].
Des paralysies idiopathiques du XI avec déficit moteur et douleurs du sterno-cléidomastoïdien, de la région sous-occipitale puis de l'épaule, parfois récurrentes ont été décrites
[26]. L'électromyogramme et la mesure des latences des réponses musculaires sont utiles pour
confirmer le diagnostic.
Nerf grand hypoglosse (XIIe paire)
Rappel anatomique
Le XII est un nerf moteur destiné à la langue. Le noyau d'origine est situé dans le bulbe sous
le plancher du IVe ventricule. Les axones des neurones moteurs quittent le tronc cérébral entre
l'olive inférieure et les pyramides bulbaires, sous la forme de 10 ou 15 filets qui se réunissent
en un tronc nerveux. Après avoir franchi le canal condylien antérieur, le nerf descend dans
l'espace sous-parotidien postérieur, avec le IX, le X, le XI, le sympathique, la carotide interne
et la jugulaire interne, jusqu'au niveau de l'os hyoïde. Il pénètre alors dans la langue et innerve
ses muscles intrinsèques et extrinsèques.
Des fibres provenant d'un ou deux nerfs cervicaux rejoignent l'hypoglosse dans son trajet au
cou, et le quittent rapidement pour former deux branches : une branche pour les muscles
géniohyoïdien et thyrohyoïdien, et la branche supérieure de l'anse cervicale destinée aux
muscles infrahyoïdiens.
Le XII contient également des fibres sympathiques postganglionnaires provenant du ganglion
cervical supérieur, assurant l'innervation des vaisseaux de la langue et des glandes buccales.
Enfin, la possibilité de fibres afférentes de fuseaux neuromusculaires de la langue a été
suggérée [17].
L'artère pharyngienne ascendante assure la vascularisation de ce nerf [66].
Sémiologie
L'atteinte du XII détermine une paralysie et une amyotrophie de l'hémilangue ipsilatérale,
typique d'une maladie du motoneurone inférieur. À la protraction, la langue paraît déviée du
côté paralysé, par action non contrariée du géniogliose et géniohyoïdien du côté sain. La
langue peut être le siège de fasciculations, avec des bords festonnés. En cas d'atteinte
bilatérale, peut survenir une gêne à la mastication, la déglutition et la parole.
Si l'atteinte est supranucléaire, la paralysie est alors controlatérale, sans atrophie ni
fasciculations.
Étiologies
Lésions intramédullaires
Les causes centrales telles que la poliomyélite, les maladies du motoneurone, la
syringobulbie, les infarctus du tronc cérébral, les tumeurs primitives ou les métastases du
tronc cérébral [58, 110] ne donnent que rarement une atteinte isolée du XII.
Lésions extramédullaires
Les lésions intracrâniennes rapportées sont :
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de rares tumeurs du nerf lui-même comme les neurinomes [115] ;
des métastases de la base du crâne ;
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des carcinomes nasopharyngés ou des lymphomes [58, 110] ;
des localisations de leucémies, des méningites néoplasiques.
Dans le canal condylien antérieur, il peut s'agir de tumeurs du glomus jugulaire [58], de
méningiomes, chordomes ou cholestéatomes [109].
Des conflits vasculonerveux ont été décrits [114], le plus souvent par anomalie de position de
la bifurcation carotidienne (cas personnel), anévrysme ou ectasie de la carotide interne [87].
Une paralysie isolée du XII par embolisation de l'artère pharyngienne ascendante fut
rapportée [68]. Dans les cas de dissections de la carotide interne [77], le XII est l'un des nerfs
crâniens les plus souvent atteints, de façon isolée parfois. Le mécanisme physiopathologique
évoqué est la compression par l'hématome sous-adventitiel, ou éventuellement une lésion
indirecte ischémique par compression de la pharyngienne ascendante. L'IRM semble être
supérieure à l'angiographie pour visualiser ces dissections sous-adventitielles qui donnent
rarement un rétrécissement de la lumière vasculaire. Les endarteriectomies carotidiennes
peuvent aussi être responsables de paralysies du XII, souvent transitoires dans une proportion
variant entre 5 et 20 % des cas [72].
Le XII est le nerf crânien le plus exposé aux traumatismes externes, notamment les plaies par
balle [59].
L'atteinte du XII peut aussi être la conséquence tardive de radiothérapie du cou [14, 108]. Des
causes plus rares sont les fractures de la base du crâne, des subluxations de l'odontoïde dans la
polyarthrite rhumatoïde, des traumatismes dentaires, des causes infectieuses ou
inflammatoires telles la mononucléose infectieuse ou la sarcoïdose. Enfin des cas dits
idiopathiques et des hystéries ont été rapportés [58].
© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bernard Lechevalier, Vincent de la
Sayette, Stéphane Schaeffer, Christian Schupp, Françoise Bertran, Gwénaël Raoul.
Atteintes isolées des nerfs crâniens. EMC - Neurologie 1997:1-0 [Article 17-085-B-10].
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