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Lacolonisation grecque en Occident alaissé des traces
durables. Au temps de
l'Empire
romain, aux premiers
siècles de notre ère, la
présence
grecque
était
restée
très
sensible. Marseille, berceau
de
la civilisation
grecque
en
Occident
depuis
l'arrivée
des
Grecs
de
Phocée
vers
600
av.
J.-C., asu préserver longtemps
sa
langue
et
ses tradi-
tions. On sait que la majeure partie de la population parlait
encore le grec àla fin du 1er
s.
av.
J.-c.
Le
latin devint
par
la suite la langue populaire. Néanmoins
de
nombreuses fa-
milles
d'origine
grecque conservèrent leur langue (Clavel-
Lévêque 1977).
Les inscriptions apportent un témoignage précieux
sur
cette permanence. Elles ne sont pas très nombreuses mais
on en trouve un peu
partout:
àMarseille, àNîmes, àNar-
bonne, àAix-en-Provence, etc.
Une découverte fortuite au cours du mois
d'août
1990
nous afait connaître un document épigraphique inédit qui
confirme une fois de plus,
de
façon éclatante, cette présen-
ce des Grecs àMarseille aux 1er
et
Ile
s.
de
n.
è.
Il
s'agit
d'une
base quadrangulaire de calcaire mesu-
rant 50 cm de hauteur, 100
cm
de longueur
et
77
cm
de
lar-
geur, soigneusement taillée. Elle présente une belle moulu-
re qui
court
sur
les
quatre
côtés
du
bloc
et
au
sommet
(l0
cm
en haut,
11
cm
en bas).
La
pierre a
souffert:
sur
la
partie
arrière
et
sur
le
flanc
droit
elle
est
très
érodée,
comme
si
elle avait été exposée àde fortes intempéries.
En
revanche, le dessus
et
la face avant où
est
gravée l'inscrip-
tion
sont
assez
bien
préservés,
comme
si ces parties
s'étaient
trou-
vées
protégées
par
leur
enfouisse-
ment
dans
le
sol
ou
par
une
construction.
La
base
du
côté
gauche
est
cassée
dans
les angles.
La moulure du coin supérieur droit
est écornée. Mais l'inscription bien
visible
est
conservée
dans
sa
presque totalité. Elle
est
gravée pro-
fondément
en trois lignes.
Au
mi-
lieu de la
deuxième
ligne un acci-
dent
remontant
à
une
époque
an-
cienne,
semble-t-il,
a
emporté
quelques caractères, si toutefois
il
y
en
a
jamais
eu
à
cet
endroit.
Les
lettres
mesurent
4
cm
de
hauteur.
Les omicrons sont légèrement plus
petits (3 cm).
La
forme
des lettres
reste
assez
classique
dans
l'en-
semble.
On
notera
la
présence
de
sigmas lunaires Cà
côté
du sigma
classique
L.
Le
oméga
est
lunaire
(00
au
lieu
de
Q).
Il
n'y
a
pas
d'apices. La gravure, tout en étant nette,
n'est
pas très soi-
gnée. Elle est profonde mais sans réglage précis. Il semble
yavoir un décalage entre la confection du bloc mouluré
et
Paulette GHIRON-BISTAGNE
l'inscription
qui apu être exécutée postérieurement, sans
doute au 1er ou
Ile
s. de
n.
è.
L'estampage
manque
de
nette-
té.
La
photographie, en revanche,
est
assez lisible (fig. 1).
L'enquête
que
nous
avons
pu
mener
grâce
à
l'obligeance
du propriétaire des lieux où est con ervée la pierre (il dési-
re
garder
l'anonymat)
nous apermis de retrouver
l'origine
du
monument:
le bloc aurait
été
sauvé in extremis
de
la
décharge lors
de
travaux effectués en 1982 àla butte des
Carmes
à
Marseille.
Il
s'agit
donc
bien
d'un
document
marseillais d'origine.
Voici la copie du texte
inscrit:
ZllVOC;
nœtp<.ooû
KUcrtvTp:<.oV
['twv
?]
m:pt A
UlCT1V
'tov nu80lcpi'tou
On
traduira:
[autel] du
Zeus
Patrôos
des Kasinètes,
de
ceux qui sont de la famille
de
Lyken-
tos, fils
de
Pythokritos
ou
plutôt:
de
ceux qui sont de la famille
de
Lykès
le fils
de
Pythokritos
•
ZllvOC;
-
On
notera cette forme du génitif du nom de
Zeus
que
l'on
trouve
chez
Homère
et
en Ionie (Buck 1955, 93,
nO
112).
Le
génitif indique
le
destinataire du monument. Il
faut sous-entendre
(~<.o1l6c;)
"autel".
Ce
formulaire au géni-
tif
se
retrouve souvent dans les épitaphes
par
exemple, où il
faut alors sous-entendre crllllU,
IlVllllU
"tombeau
de
...
"
1Autel de
Zeus
Patrôos trouvé àMarseille
en
1990.