58 ONCFS Rapport scientifi que 2004
Habitats
Des études menées sur les interac-
tions entre deux cervidés de taille
différente (cerf et chevreuil, Latham
et al., 1996 ; wapiti et cerf mulet,
Johnson et al., 2000) montrent que
la probabilité de présence de l’espèce
la plus grande influence la sélection
des ressources par l’autre espèce. Nous
souhaitons éprouver l’hypothèse selon
laquelle le cerf et le chevreuil sélection-
nent l’habitat indépendamment l’un
de l’autre et prédisons que dans le cas
contraire, la probabilité de présence du
cerf influence la sélection des ressour-
ces par le chevreuil.
Les prédictions établies pourront être
testées grâce aux méthodes d’analyse
des données présentées ci-dessous et
à la détermination du régime alimen-
taire de chaque espèce.
Cartographie des ressources
et estimation des domaines vitaux
Les données relatives au milieu fores-
tier intégrées dans le SIG seront uti-
lisées pour produire une cartographie
des ressources alimentaires et des res-
sources de protection, par interpola-
tion entre les points d’inventaire de la
biomasse disponible et de la visibilité
horizontale. Les localisations de cerfs
et de chevreuils obtenues grâce au
suivi GPS permettront d’estimer les
domaines vitaux saisonniers des ani-
maux par la méthode du kernel (noyau)
(Worton, 1989). On distinguera les
domaines vitaux diurnes et nocturnes,
car ceux-ci peuvent présenter des diffé-
rences significatives chez des animaux
dont la période d’activité s’étend sur
l’ensemble du cycle journalier (Beyer
& Haufler, 1993), comme c’est le cas
chez le cerf et le chevreuil.
Sélection spécifique
et « tactiques » d’utilisation
des ressources
L’analyse compositionnelle (Aebischer et
al., 1993) permettra de tester l’hy-
pothèse d’une utilisation aléatoire des
ressources (absence de sélection) et, si
cette hypothèse est rejetée, de classer les
catégories de ressources par ordre de pré-
férence pour chaque individu. On pourra
alors en déduire, pour chaque espèce,
un classement des préférences relatives
de la population échantillonnée envers
les catégories de ressources. De la même
façon, l’existence d’éventuelles « tacti-
ques» d’utilisation des ressources pourra
être détectée en regroupant les animaux
d’une même espèce par catégorie d’âge
ou de statut reproducteur, et en compa-
rant les variabilités inter- et intragrou-
pes dans la sélection des ressources.
Fonctions de sélection
des ressources et organisation
spatiale des populations
L’étape suivante consistera à utiliser
le SIG pour superposer une grille à la
zone d’étude et découper les domaines
vitaux des animaux en une série de
carrés pour lesquels on pourra mesurer
la densité de présence des individus de
chaque espèce et les valeurs de chaque
catégorie de ressources alimentaires
et de protection. Ces données seront
ensuite mises en relation par une fonc-
tion de sélection des ressources (RSF,
Boyce & McDonald, 1999), propor-
tionnelle à la probabilité de présence
de chaque espèce dans chaque carré de
la grille en fonction des ressources qui
y sont disponibles. Cette méthode per-
mettra de produire une cartographie
de la probabilité de présence de chaque
espèce à l’échelle de la zone d’étude.
La probabilité de présence du cerf sera
alors introduite comme variable dans
l’analyse de la sélection des ressources
par le chevreuil, et inversement, afin de
déterminer si la sélection des ressources
par une espèce dépend de la présence de
l’autre espèce, et de détecter une éven-
tuelle séparation spatiale des popula-
tions (Johnson et al., 2000).
Résultats
La récolte des données nécessaires à la
réalisation de cette étude étant encore
en cours, nous ne disposons à l’heure
actuelle que de résultats provisoires.
Néanmoins, il apparaît, conformément
à nos prédictions, une séparation spa-
tiale entre les cœurs des domaines
vitaux diurnes et nocturnes chez les
biches suivies par GPS (superposition
moyenne (+/-SD) : 3,72 ± 2,84 %) et
une préférence des biches pour les zones
à forte valeur de protection de jour et à
faible valeur de protection de nuit.
Les analyses de contenus stomacaux
montrent quant à elles que la ronce est
l’aliment principal du chevreuil à la
Petite-Pierre toute l’année (70 ± 9 % de
mai à février), sauf à la sortie de l’hiver
où le chevreuil compense la diminution
de la disponibilité de la ronce par la con-
sommation de résineux (principalement
le sapin) et d’herbacées dicotylédones. Le
régime alimentaire du cerf est constitué
d’une majorité de graminées (45 ± 12 %
de mars à octobre), sauf en hiver où il
compense la diminution de la disponibi-
lité en graminées par la consommation
de ronces et de résineux (principalement
l’épicéa). Ces résultats montrent que le
cerf et le chevreuil ont des préférences
alimentaires différentes lorsque les res-
sources existent en quantité suffisante
pour satisfaire les exigences de chaque
espèce, mais suggèrent qu’une compé-
tition pour certains types de ressources,
en particulier la ronce, peut survenir
lorsque la disponibilité alimentaire glo-
bale diminue.
Localisations diurnes
Cœur du DV diurne
Localisations nocturnes
Cœur du DV nocturne
Densité de couvert
Fermé
Intermédiaire
Ouvert
Figure 2 : Illustration de la séparation spatiale des cœurs des domaines vitaux (kernel 50 %) et de
la sélection différentielle des ressources de protection entre le jour et la nuit. (Basé sur le suivi GPS
de la biche « Pauline » du 01/04/04 au 31/05/04).