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UNIA 2015-16 conférence n°3
L’organisation napoléonienne (1799-1814)
Revenons un instant au Cout d’état du 18 brumaire an VIII, qui a conduit Napoléon au
pouvoir, pour rappeler que le conjurés du coup d’état sont tous liés par le gicide de 1793 et
ont tous intérêt au maintien des acquis de la Révolution =
Ils vont donc s'employer à enraciner la République et à défendre l'œuvre la
Révolution et ils aspirent en même temps à plus de paix, d'ordre et de sécurité.
Beaucoup d’entre eux pensent aussi que Bonaparte à qui ils ont eu recours, n’est qu’un
simple instrument du coup d'Etat, permettant d'accéder au pouvoir, mais dont on va pouvoir
facilement se débarrasser.
Le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils se trompent.
Les événements vont vite transformer Bonaparte en homme providentiel, qui va
exercer un pouvoir de plus en plus autoritaire.
Mais pour l’instant, après le coup d'état du 18 brumaire, Napoléon se présente avant
tout comme l'homme du consensus, de la réconciliation nationale en prétendant qu'il n'est
ni de droite ni de gauche, mais simplement "national".
Il inaugure d’ailleurs le nouveau régime par des mesures censées apaiser les tensions
et va rechercher dans le soutien populaire les moyens d'asseoir son pouvoir.
En quelques sortes il va utiliser la démocratie pour renforcer son pouvoir et finalement
fonder un pouvoir personnel, une véritable dictature.
- les étapes du renforcement du pouvoir
- la dictature impériale
- l’héritage napoléonien.
Les étapes du renforcement du pouvoir (1799-1804)
Quelques jours après le coup d'état les consuls annoncent que "la Révolution est
finie" et qu'elle "est fixée aux principes qui l'on commencée".
Quel est le sens de cette formule ? Cette formule indique que l'on se rattache à
l'héritage de 1789, mais que la Révolution étant finie, c'est bien un gime nouveau qui
commence,
Un régime fondé sur de plus en plus sur un pouvoir personnel = d'où le terme de
césarisme largement employé pour désigner cette forme de dictature recherchant toujours
l'assentiment populaire.
C'est Sieyès qui résume le mieux le principe sur lesquels se fonde le nouveau régime
avec une formule célèbre = "l'autorité vient d'en haut et la confiance vient d'en bas".
Voilà pour les principes.
Du point de vue institutionnel, Bonaparte va se donner les moyens de renforcer
progressivement son pouvoir. Fin 1799 une nouvelle constitution faite à la mesure de ses
ambitions met en place le régime du Consulat, qui devient viager deux ans plus tard.
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Bonaparte va écarter un projet de constitution trop complexe établi par Sieyès et
imposer un projet de constitution très brève (95 articles contre plusieurs centaines auparavant)
volontairement "courte et obscure" pour ne pas se lier les mains.
Ce projet est ensuite soumis à l'approbation populaire, ce qui n'est pas nouveau.
Cependant jusque-là le peuple avait approuvé des textes établis par des assemblées. Ici, il
s'agit d'accepter dans un délai très bref (trois jours) le projet d'un homme, et de valider en
même temps le pouvoir constituant qu'il s'est arrogé = c'est pourquoi cette consultation prend
l'allure d'un véritable plébiscite.
Ce type de consultations populaires est caractéristique du césarisme = il donne
l'illusion du contact direct avec le peuple et de son adhésion.
Les résultats sont stupéfiants (plus de 3 millions de oui et 1 500 non ; de quoi
confirmer la thèse de la falsification des résultats).
La Constitution de l'an VIII (13 décembre 1799) instaure le régime dit du Consulat en
raison de la particularité de l'exécutif :
L'exécutif est collégial. Il est confié à trois consuls nommés pour dix ans et
indéfiniment rééligibles, que la constitution désigne elle même =
- Bonaparte,
- Cambacérès (juriste méridional, ancien conventionnel régicide et ancien ministre de
la justice du Directoire)
- Lebrun (ancien membre du Conseil des Anciens et surtout ancien inspecteur des
domaines de Louis XVI et ancien secrétaire de Maupéou, qui avait été l'un des derniers
chanceliers de Louis XV et l'un des derniers grands défenseurs de la monarchie).
Rassembler un conventionnel régicide et un royaliste rallié est symbolique de la
volonté de réconciliation de Bonaparte.
Mais cette collégialité n'est qu'apparente, car le rôle du premier consul (Bonaparte) est
prépondérant = tout en étant irresponsable politiquement, il exerce seul un certain nombre
d'attributions importantes. Il est un véritable Chef d'Etat tandis que les deux autres n'ont
qu'une voix "consultative".
Pour assurer ses fonctions, le premier consul est assisté d'auxiliaires :
- des ministres, qui ne forment pas un conseil, et qui sont en fait de simples
agents d'exécution.
- et surtout d'un conseil d'Etat (dont les membres sont nommés et révoqués par
le premier consul) chargé de rédiger les projets de loi de règlements.
Le pouvoir législatif est assuré par deux assemblées :
- le Tribunat composé de 100 membres renouvelables par cinquième tous les ans. Son
rôle est limià émettre des vœux en matière législative = mais il pourrait à la limite être la
seule chambre d'opposition.
- Le corps législatif (300 membres renouvelables dans les mêmes conditions) qui
adopte les projets de loi du gouvernement.
En fait, la procédure législative en sort totalement fragmentée, tronçonnée = le
Tribunat discute sans voter ; le corps législatif vote sans avoir discuté.
En fait Bonaparte divise les autres pouvoirs pour mieux imposer le sien.
Qui plus est, en marge du pouvoir législatif, on trouve un Sénat, dont les premiers
membres sont choisis par les consuls.
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Il joue le rôle d'un conservateur de la constitution et d'un grand électeur. C'est lui qui
choisit les consuls (pour l'avenir), les membres des deux assemblées législatives et (pour
l'avenir) ses propres membres par cooptation.
Ce qui fait que les trois assemblées ont plus ou moins directement pour origine la
volonté des consuls.
Paradoxalement, à la base de tout cela il existe bien un pseudo-système électoral. La
constitution de l'an VIII rétablit en principe le suffrage universel pour tout homme âgé de
21 ans, mais cette liberté n'est qu'une illusion : si tout le monde est électeurs, les électeurs
n'élisent personne = le suffrage est totalement escamoté.
En effet, le peuple n'élit personne, il propose simplement des listes de candidats = les
citoyens de chaque commune désignent un dixième d'entre eux pour former les listes de
confiance communales ou listes de notabilité, sur lesquelles sont choisis les fonctionnaires,
notamment les maires. En réalité, les listes ne sont établies qu'une seule fois et le
gouvernement a déjà organisé à sa guise tous les pouvoirs.
Avec de pareilles institutions, Bonaparte a les mains libres et très vite il gouverne seul.
Très peu sont ceux qui peuvent l'approcher. Contrairement à l'usage de la monarchie,
où le roi écoutait l'avis de ses ministres réunis en conseil, il n'y a pas de véritable conseil = les
ministres ne viennent que présenter des rapports, soumettre des projets, mais Bonaparte
décide seul et contrôle même l'application de ses décisions.
Voilà pour l’aspect institutionnel. Sur le plan politique, comment Bonaparte réussit-il à
imposer le nouveau régime ? 2 moyens :
Il va d'abord s'appuyer sur ses victoires militaires, qui aboutissent à la conquête de
toute l'Italie et à la paix conclue avec l'Autriche (9 février 1801) et l'Angleterre (26 Mars
1802).
Il va ensuite s'attacher à liquider les oppositions.
L'opposition jacobine (de gauche) n'est guère menaçante. Les jacobins hostiles à
son pouvoir personnel sont très surveillés par la police et n'ont plus les mêmes appuis dans les
milieux populaires.
Quoi qu'il en soit quelques machinations policières finissent de réduire leur menace :
on invente quelques complots jacobins pour exécuter les derniers agitateurs.
A droite, la menace royaliste est beaucoup plus sérieuse. Dans l'Ouest, la guerre des
Chouans s'est intensifiée en 1799. Bonaparte est sans pitié pour les irréductibles, qui sont
vaincus et fusillés en grand nombre au cours de l'année 1800 ; en revanche, il décide d'être
bienveillant avec ceux qui déposent les armes et acceptent de rallier le régime.
C'est pourquoi certains royalistes espèrent qu'il va soutenir une restauration
monarchique. Son refus fait prendre conscience aux royalistes que le compromis est
impossible et ils organisent un attentat contre Bonaparte le 24 décembre 1800. Une
« machine infernale » explose sur le passage du 1er consul.
Sorti indemne de l'attentat (+ de 20 morts) le premier Consul en profite pour ordonner
une répression sévère = les auteurs de l'attentat sont guillotinés, et parallèlement de nombreux
jacobins sont également déportés à titre préventif, alors qu’ils n’étaient pour rien dans cet
attentat.
Voilà comment il se débarrasse de l’opinion.
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Une fois, la paix établie, une fois les oppositions liquidées, et une fois obtenu le
soutien des catholiques par une politique très habile vis à vis de l'Eglise, Bonaparte se trouve,
au printemps 1802, dans une situation politique confortable.
La seule menace qui subsiste est celle de l'armée, une armée profondément
républicaine et dont les principaux chefs sont revenus à Paris (parce que la guerre est finie).
Ils n'hésitent pas à critiquer Bonaparte, l'un des leurs et qui à présent pactise avec les
émigrés et les catholiques, et un complot de généraux se trame à Rennes pour renverser le
tyran. Très vite, le complot est découvert, et les principaux organisateurs arrêtés = certains
sont envoyés dans des commandements lointains ou dans des ambassades.
Pour le gouvernement, il faut saisir l'occasion pour se débarrasser de l'opposition
militaire, pour subordonner finitivement l'armée au pouvoir civil et surtout pour renforcer
encore le pouvoir du premier consul.
Pour donner une apparence de légalité à ce renforcement du pouvoir, le 10 mai 1802,
le conseil d'état décide que le peuple sera consulté par plébiscite pour savoir si Napoléon sera
consul à vie.
Les élections se prolongent durant quelques mois (on vote à registre ouvert = on écrit
oui ou non dans un registre en face de son nom) = on imagine facilement le résultat seuls
8 000 électeurs ont le courage de répondre non, tandis que le oui recueille 3 millions de voix
(3 à 4 millions s'abstiennent).
Le 2 août 1802, le Sénat proclame officiellement Napoléon Bonaparte Premier
Consul à vie.
Pour mettre la constitution en harmonie avec la nouvelle situation, Napoléon dicte un
texte modifiant la Constitution de l'an VIII, texte qui est adopté sans discussion le 4 août
1802 (16 thermidor an X) par un sénatus-consulte = procédure qui permet de procéder
légalement à une réforme importante (ici une modification de la constitution) sans procéder
par voie législative.
Cette réforme modifie la constitution sur trois points essentiels :
- on modifie le système électoral = on supprime les listes de confiance et on les
remplace par des assemblées électorales hiérarchisées, dont la marge de manœuvre est encore
plus faible que précédemment.
- on renforce les pouvoirs du Sénat, récompense de sa docilité = il peut désormais
dissoudre les autres assemblées et régler par sénatus-consulte tout ce qui n'a pas été prévu par
la constitution.
- on renforce encore les pouvoirs du Premier consul, qui désormais impose
pratiquement les deux autres consuls, désigne son successeur (ce qui laisse déjà imaginer un
système héréditaire).
Il ne reste qu’un dernier pas à franchir dans le sens du renforcement du pouvoir. Ce
dernier pas sera franchi avec l'Empire.
La dictature impériale (1804-1814)
Au printemps 1803, la guerre reprend contre l’Angleterre = c’est la conséquence
des ambitions territoriales de Napoléon en Europe et de sa soif de conquêtes coloniales.
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Aucun compromis (aucun traité de commerce) n’est trouvé avec l’Angleterre et la guerre
reprend en mai 1803.
Dès le début du conflit, l'Angleterre soutient un projet de complot qui est élaboré dans
les milieux royaliste émigrés à Londres. Le projet prend forme à Paris se retrouvent divers
conjurés.
La police de Napoléon croit comprendre que ce complot est organisé par un membre
de la famille royale = le duc d'Enghien (Bourbon, petit-fils du Prince de Condé) qui a émigré
dans le Duché de Bade (juste au-delà du Rhin) mais qui est totalement étranger à cette
conspiration.
Napoléon le fait enlever, conduire en France, il est traduit devant une commission
militaire et immédiatement fusillé.
Ce qui est important, c’est qu’en faisant lui aussi couler le sang d'un bourbon,
Napoléon rejoint le camp des régicides, et fait désormais figure de garantie contre une
éventuelle restauration monarchique.
Son entourage lui propose de profiter des circonstances, de cette image de rempart contre la
menace royaliste pour renforcer encore son pouvoir.
C’est ce qui va conduire à l’établissement de l’Empire.
Cette évolution du régime se réalise sans grande difficulté et de manière moins brutale
que deux ans auparavant.
Le tribunat qui a largement été épuré, au point qu'il ne compte pratiquement que des
partisans de Napoléon, accepte le principe de confier la République à un Empereur
héréditaire. Le sénat n'a plus qu'à approuver par un sénatus-consulte du 18 mai 1804 (28
floréal an XII) :
"le gouvernement de la république est confié à un Empereur" et Napoléon Ier acquiert le titre
d'empereur héréditaire.
Un plébiscite est organisé sur le principe d'hérédité et Napoléon obtient 3,5 millions de
oui contre 2 500 non.
Quelle est la portée de cet événement ?
- Juridiquement, l'Empire n'est qu'un aménagement, une modalité du régime
républicain = d'ailleurs, le calendrier révolutionnaire est conservé durant plus d'un
an encore, les monnaies portent la double mention "République française,
Napoléon 1er".
- Mais concrètement l'Empire est une dictature, une sorte de monarchie militaire,
justifiée par la nécessiter de s'opposer à une restauration monarchique.
Encore une fois, comme cela a déjà été fait par le passé, il est nécessaire de mettre en
harmonie la constitution avec les événements. Le sénatus-consulte du 18 mai 1804 opère donc
une nouvelle réforme constitutionnelle, qui porte sur 3 points :
- d'abord en introduisant un Empereur héréditaire à la tête de l'exécutif. L'Empire est
héréditaire dans la descendance de Napoléon ou à défaut de ses frères.
- Pour ce qui est du législatif, sa place est encore réduite.
- En revanche, le Sénat voit encore sa situation se renforcer = la légalisation des
décisions de l'Empereur par sénatus-consulte devient le mode ordinaire de
gouvernement. D'ailleurs les sénateurs, dont le nombre augmente, sont
littéralement achetés par le régime.
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