L`organisation napoléonienne (1799-1814)

publicité
1
UNIA 2015-16 conférence n°3
L’organisation napoléonienne (1799-1814)
Revenons un instant au Cout d’état du 18 brumaire an VIII, qui a conduit Napoléon au
pouvoir, pour rappeler que le conjurés du coup d’état sont tous liés par le régicide de 1793 et
ont tous intérêt au maintien des acquis de la Révolution =
Ils vont donc s'employer à enraciner la République et à défendre l'œuvre la
Révolution et ils aspirent en même temps à plus de paix, d'ordre et de sécurité.
Beaucoup d’entre eux pensent aussi que Bonaparte à qui ils ont eu recours, n’est qu’un
simple instrument du coup d'Etat, permettant d'accéder au pouvoir, mais dont on va pouvoir
facilement se débarrasser.
Le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils se trompent.
Les événements vont vite transformer Bonaparte en homme providentiel, qui va
exercer un pouvoir de plus en plus autoritaire.
Mais pour l’instant, après le coup d'état du 18 brumaire, Napoléon se présente avant
tout comme l'homme du consensus, de la réconciliation nationale en prétendant qu'il n'est
ni de droite ni de gauche, mais simplement "national".
Il inaugure d’ailleurs le nouveau régime par des mesures censées apaiser les tensions
et va rechercher dans le soutien populaire les moyens d'asseoir son pouvoir.
En quelques sortes il va utiliser la démocratie pour renforcer son pouvoir et finalement
fonder un pouvoir personnel, une véritable dictature.
- les étapes du renforcement du pouvoir
- la dictature impériale
- l’héritage napoléonien.
Les étapes du renforcement du pouvoir (1799-1804)
Quelques jours après le coup d'état les consuls annoncent que "la Révolution est
finie" et qu'elle "est fixée aux principes qui l'on commencée".
Quel est le sens de cette formule ? Cette formule indique que l'on se rattache à
l'héritage de 1789, mais que la Révolution étant finie, c'est bien un régime nouveau qui
commence,
Un régime fondé sur de plus en plus sur un pouvoir personnel = d'où le terme de
césarisme largement employé pour désigner cette forme de dictature recherchant toujours
l'assentiment populaire.
C'est Sieyès qui résume le mieux le principe sur lesquels se fonde le nouveau régime
avec une formule célèbre = "l'autorité vient d'en haut et la confiance vient d'en bas".
Voilà pour les principes.
Du point de vue institutionnel, Bonaparte va se donner les moyens de renforcer
progressivement son pouvoir. Fin 1799 une nouvelle constitution faite à la mesure de ses
ambitions met en place le régime du Consulat, qui devient viager deux ans plus tard.
2
Bonaparte va écarter un projet de constitution trop complexe établi par Sieyès et
imposer un projet de constitution très brève (95 articles contre plusieurs centaines auparavant)
volontairement "courte et obscure" pour ne pas se lier les mains.
Ce projet est ensuite soumis à l'approbation populaire, ce qui n'est pas nouveau.
Cependant jusque-là le peuple avait approuvé des textes établis par des assemblées. Ici, il
s'agit d'accepter dans un délai très bref (trois jours) le projet d'un homme, et de valider en
même temps le pouvoir constituant qu'il s'est arrogé = c'est pourquoi cette consultation prend
l'allure d'un véritable plébiscite.
Ce type de consultations populaires est caractéristique du césarisme = il donne
l'illusion du contact direct avec le peuple et de son adhésion.
Les résultats sont stupéfiants (plus de 3 millions de oui et 1 500 non ; de quoi
confirmer la thèse de la falsification des résultats).
La Constitution de l'an VIII (13 décembre 1799) instaure le régime dit du Consulat en
raison de la particularité de l'exécutif :
L'exécutif est collégial. Il est confié à trois consuls nommés pour dix ans et
indéfiniment rééligibles, que la constitution désigne elle même =
- Bonaparte,
- Cambacérès (juriste méridional, ancien conventionnel régicide et ancien ministre de
la justice du Directoire)
- Lebrun (ancien membre du Conseil des Anciens et surtout ancien inspecteur des
domaines de Louis XVI et ancien secrétaire de Maupéou, qui avait été l'un des derniers
chanceliers de Louis XV et l'un des derniers grands défenseurs de la monarchie).
Rassembler un conventionnel régicide et un royaliste rallié est symbolique de la
volonté de réconciliation de Bonaparte.
Mais cette collégialité n'est qu'apparente, car le rôle du premier consul (Bonaparte) est
prépondérant = tout en étant irresponsable politiquement, il exerce seul un certain nombre
d'attributions importantes. Il est un véritable Chef d'Etat tandis que les deux autres n'ont
qu'une voix "consultative".
Pour assurer ses fonctions, le premier consul est assisté d'auxiliaires :
- des ministres, qui ne forment pas un conseil, et qui sont en fait de simples
agents d'exécution.
- et surtout d'un conseil d'Etat (dont les membres sont nommés et révoqués par
le premier consul) chargé de rédiger les projets de loi de règlements.
Le pouvoir législatif est assuré par deux assemblées :
- le Tribunat composé de 100 membres renouvelables par cinquième tous les ans. Son
rôle est limité à émettre des vœux en matière législative = mais il pourrait à la limite être la
seule chambre d'opposition.
- Le corps législatif (300 membres renouvelables dans les mêmes conditions) qui
adopte les projets de loi du gouvernement.
En fait, la procédure législative en sort totalement fragmentée, tronçonnée = le
Tribunat discute sans voter ; le corps législatif vote sans avoir discuté.
En fait Bonaparte divise les autres pouvoirs pour mieux imposer le sien.
Qui plus est, en marge du pouvoir législatif, on trouve un Sénat, dont les premiers
membres sont choisis par les consuls.
3
Il joue le rôle d'un conservateur de la constitution et d'un grand électeur. C'est lui qui
choisit les consuls (pour l'avenir), les membres des deux assemblées législatives et (pour
l'avenir) ses propres membres par cooptation.
Ce qui fait que les trois assemblées ont plus ou moins directement pour origine la
volonté des consuls.
Paradoxalement, à la base de tout cela il existe bien un pseudo-système électoral. La
constitution de l'an VIII rétablit en principe le suffrage universel pour tout homme âgé de
21 ans, mais cette liberté n'est qu'une illusion : si tout le monde est électeurs, les électeurs
n'élisent personne = le suffrage est totalement escamoté.
En effet, le peuple n'élit personne, il propose simplement des listes de candidats = les
citoyens de chaque commune désignent un dixième d'entre eux pour former les listes de
confiance communales ou listes de notabilité, sur lesquelles sont choisis les fonctionnaires,
notamment les maires. En réalité, les listes ne sont établies qu'une seule fois et le
gouvernement a déjà organisé à sa guise tous les pouvoirs.
Avec de pareilles institutions, Bonaparte a les mains libres et très vite il gouverne seul.
Très peu sont ceux qui peuvent l'approcher. Contrairement à l'usage de la monarchie,
où le roi écoutait l'avis de ses ministres réunis en conseil, il n'y a pas de véritable conseil = les
ministres ne viennent que présenter des rapports, soumettre des projets, mais Bonaparte
décide seul et contrôle même l'application de ses décisions.
Voilà pour l’aspect institutionnel. Sur le plan politique, comment Bonaparte réussit-il à
imposer le nouveau régime ? 2 moyens :
Il va d'abord s'appuyer sur ses victoires militaires, qui aboutissent à la conquête de
toute l'Italie et à la paix conclue avec l'Autriche (9 février 1801) et l'Angleterre (26 Mars
1802).
Il va ensuite s'attacher à liquider les oppositions.
L'opposition jacobine (de gauche) n'est guère menaçante. Les jacobins hostiles à
son pouvoir personnel sont très surveillés par la police et n'ont plus les mêmes appuis dans les
milieux populaires.
Quoi qu'il en soit quelques machinations policières finissent de réduire leur menace :
on invente quelques complots jacobins pour exécuter les derniers agitateurs.
A droite, la menace royaliste est beaucoup plus sérieuse. Dans l'Ouest, la guerre des
Chouans s'est intensifiée en 1799. Bonaparte est sans pitié pour les irréductibles, qui sont
vaincus et fusillés en grand nombre au cours de l'année 1800 ; en revanche, il décide d'être
bienveillant avec ceux qui déposent les armes et acceptent de rallier le régime.
C'est pourquoi certains royalistes espèrent qu'il va soutenir une restauration
monarchique. Son refus fait prendre conscience aux royalistes que le compromis est
impossible et ils organisent un attentat contre Bonaparte le 24 décembre 1800. Une
« machine infernale » explose sur le passage du 1er consul.
Sorti indemne de l'attentat (+ de 20 morts) le premier Consul en profite pour ordonner
une répression sévère = les auteurs de l'attentat sont guillotinés, et parallèlement de nombreux
jacobins sont également déportés à titre préventif, alors qu’ils n’étaient pour rien dans cet
attentat.
Voilà comment il se débarrasse de l’opinion.
4
Une fois, la paix établie, une fois les oppositions liquidées, et une fois obtenu le
soutien des catholiques par une politique très habile vis à vis de l'Eglise, Bonaparte se trouve,
au printemps 1802, dans une situation politique confortable.
La seule menace qui subsiste est celle de l'armée, une armée profondément
républicaine et dont les principaux chefs sont revenus à Paris (parce que la guerre est finie).
Ils n'hésitent pas à critiquer Bonaparte, l'un des leurs et qui à présent pactise avec les
émigrés et les catholiques, et un complot de généraux se trame à Rennes pour renverser le
tyran.
Très vite, le complot est découvert, et les principaux organisateurs arrêtés = certains
sont envoyés dans des commandements lointains ou dans des ambassades.
Pour le gouvernement, il faut saisir l'occasion pour se débarrasser de l'opposition
militaire, pour subordonner définitivement l'armée au pouvoir civil et surtout pour renforcer
encore le pouvoir du premier consul.
Pour donner une apparence de légalité à ce renforcement du pouvoir, le 10 mai 1802,
le conseil d'état décide que le peuple sera consulté par plébiscite pour savoir si Napoléon sera
consul à vie.
Les élections se prolongent durant quelques mois (on vote à registre ouvert = on écrit
oui ou non dans un registre en face de son nom) = on imagine facilement le résultat seuls
8 000 électeurs ont le courage de répondre non, tandis que le oui recueille 3 millions de voix
(3 à 4 millions s'abstiennent).
Le 2 août 1802, le Sénat proclame officiellement Napoléon Bonaparte Premier
Consul à vie.
Pour mettre la constitution en harmonie avec la nouvelle situation, Napoléon dicte un
texte modifiant la Constitution de l'an VIII, texte qui est adopté sans discussion le 4 août
1802 (16 thermidor an X) par un sénatus-consulte = procédure qui permet de procéder
légalement à une réforme importante (ici une modification de la constitution) sans procéder
par voie législative.
Cette réforme modifie la constitution sur trois points essentiels :
- on modifie le système électoral = on supprime les listes de confiance et on les
remplace par des assemblées électorales hiérarchisées, dont la marge de manœuvre est encore
plus faible que précédemment.
- on renforce les pouvoirs du Sénat, récompense de sa docilité = il peut désormais
dissoudre les autres assemblées et régler par sénatus-consulte tout ce qui n'a pas été prévu par
la constitution.
- on renforce encore les pouvoirs du Premier consul, qui désormais impose
pratiquement les deux autres consuls, désigne son successeur (ce qui laisse déjà imaginer un
système héréditaire).
Il ne reste qu’un dernier pas à franchir dans le sens du renforcement du pouvoir. Ce
dernier pas sera franchi avec l'Empire.
La dictature impériale (1804-1814)
Au printemps 1803, la guerre reprend contre l’Angleterre = c’est la conséquence
des ambitions territoriales de Napoléon en Europe et de sa soif de conquêtes coloniales.
5
Aucun compromis (aucun traité de commerce) n’est trouvé avec l’Angleterre et la guerre
reprend en mai 1803.
Dès le début du conflit, l'Angleterre soutient un projet de complot qui est élaboré dans
les milieux royaliste émigrés à Londres. Le projet prend forme à Paris où se retrouvent divers
conjurés.
La police de Napoléon croit comprendre que ce complot est organisé par un membre
de la famille royale = le duc d'Enghien (Bourbon, petit-fils du Prince de Condé) qui a émigré
dans le Duché de Bade (juste au-delà du Rhin) mais qui est totalement étranger à cette
conspiration.
Napoléon le fait enlever, conduire en France, où il est traduit devant une commission
militaire et immédiatement fusillé.
Ce qui est important, c’est qu’en faisant lui aussi couler le sang d'un bourbon,
Napoléon rejoint le camp des régicides, et fait désormais figure de garantie contre une
éventuelle restauration monarchique.
Son entourage lui propose de profiter des circonstances, de cette image de rempart contre la
menace royaliste pour renforcer encore son pouvoir.
C’est ce qui va conduire à l’établissement de l’Empire.
Cette évolution du régime se réalise sans grande difficulté et de manière moins brutale
que deux ans auparavant.
Le tribunat qui a largement été épuré, au point qu'il ne compte pratiquement que des
partisans de Napoléon, accepte le principe de confier la République à un Empereur
héréditaire. Le sénat n'a plus qu'à approuver par un sénatus-consulte du 18 mai 1804 (28
floréal an XII) :
"le gouvernement de la république est confié à un Empereur" et Napoléon Ier acquiert le titre
d'empereur héréditaire.
Un plébiscite est organisé sur le principe d'hérédité et Napoléon obtient 3,5 millions de
oui contre 2 500 non.
Quelle est la portée de cet événement ?
- Juridiquement, l'Empire n'est qu'un aménagement, une modalité du régime
républicain = d'ailleurs, le calendrier révolutionnaire est conservé durant plus d'un
an encore, les monnaies portent la double mention "République française,
Napoléon 1er".
- Mais concrètement l'Empire est une dictature, une sorte de monarchie militaire,
justifiée par la nécessiter de s'opposer à une restauration monarchique.
Encore une fois, comme cela a déjà été fait par le passé, il est nécessaire de mettre en
harmonie la constitution avec les événements. Le sénatus-consulte du 18 mai 1804 opère donc
une nouvelle réforme constitutionnelle, qui porte sur 3 points :
- d'abord en introduisant un Empereur héréditaire à la tête de l'exécutif. L'Empire est
héréditaire dans la descendance de Napoléon ou à défaut de ses frères.
- Pour ce qui est du législatif, sa place est encore réduite.
- En revanche, le Sénat voit encore sa situation se renforcer = la légalisation des
décisions de l'Empereur par sénatus-consulte devient le mode ordinaire de
gouvernement. D'ailleurs les sénateurs, dont le nombre augmente, sont
littéralement achetés par le régime.
6
Voilà pour les institutions. A cela il faut ajouter que Napoléon obtient enfin la
consécration suprême, celle de l'Eglise.
Le Pape Pie VII accepte de venir à Paris sacrer Napoléon à Notre Dame le 2
décembre 1804.
Mais après avoir reçu l'onction des mains du Pape, qui donne à l'Empereur une
légitimité de droit divin, il se couronne lui-même, et puis il couronne l’impératrice, pour bien
montrer que l'Empire ne tient que de lui et qu'il ne s'agit pas d'un retour à l'Ancien Régime.
D'ailleurs, conformément à la nouvelle constitution, il prête serment de garantir les
acquis de la Révolution : libertés politiques et civiles, liberté des cultes, égalité de droits,
vente des biens nationaux...
Mais malgré cet engagement solennel, l'évolution du régime va se faire dans le sens
d'une véritable dictature, celle d'un empire despotique.
Concrètement, de quelle manière le régime va-t-il se transformer en dictature ?
On peut retenir 4 indices.
- l'effacement du législatif.
- un pouvoir qui s'appuie de plus en plus sur un sénat servile.
- une reprise en main du gouvernement = Napoléon écarte les derniers représentants
de la Révolution et les remplace par des fidèles, issus souvent de la noblesse
d'Ancien Régime.
- Le rôle du peuple, qui accepte globalement le régime, d'autant plus que l'Eglise,
désormais à nouveau alliée du pouvoir, lui enseigne la soumission aux autorités
légitimes = l'amour, l'obéissance, la fidélité au régime et la contribution de sa
personne et de ses biens = acceptation du service militaire et de l'impôt.
Il faut noter que Napoléon cultive aussi son image = une véritable propagande d'Etat
est mise en place pour diffuser le culte de l'Empereur.
Il a compris la force des médias, de l'opinion, de l'image et va s'en servir à son profit =
il subventionne les artistes (poètes, journalistes, littérateurs) pour qu'ils vantent ses mérites.
Un art officiel prend naissance, avec le concours de peintres (David) d'architectes,
d'urbanistes = une architecture monumentale (colonnes, arcs triomphaux, ponts, perspectives,
temples...) transforme Paris et suscite l'admiration de l'Europe.
Pour convaincre les plus récalcitrants, la police prend le relais. Elle devient un
instrument de gouvernement particulièrement efficace, qui n'hésite pas à utiliser les méthodes
les plus détestées de l'ancien Régime = (détention arbitraire, contrôle des correspondances,
des frontières ...).
Quelles sont les fonctions de cette police ? Elle assure la répression des crimes et
délits, mais surtout surveille l'opinion publique = véritable police politique. D'ailleurs la
liberté d'expression est strictement surveillée = la censure est de règle notamment dans la
presse mais aussi au théâtre.
De tout cela on peut tirer une réflexion = si une telle surveillance est nécessaire, cela
prouve aussi que l'unanimité est loin d'être faite autour du régime. Et avec le temps on assiste
à une désaffection du pays, liée au despotisme de l'Empereur et à sa politique de guerre.
Les victoires Austerlitz (1805), Iéna (1806), Wagram (1809) rétablissent
momentanément la confiance,
Mais la campagne de Russie (1812) au cours de laquelle la grande armée perd près de
600 000 hommes, laisse déjà entendre que la fin est proche.
7
Effectivement, en 1813, les monarchies d'Europe se coalisent à nouveau contre la France
(défaite de Leipzig en oct. 1813) ;
Elles franchissent le Rhin au début de l'année 1814, et après le dernier désastre de la
campagne de France, Napoléon finit par abdiquer le 6 avril 1814. Les Bourbons
s'empressent de revenir et de rétablir la monarchie (première restauration).
Napoléon est exilé à l'Ile d'Elbe,
il s'en évade au bout de quelques mois en mars 1815, débarque à Golfe Juan, rejoint Paris le
20 mars, au bout d'une marche triomphale.
Ceux qui accueillent ainsi l'empereur (dans l’armée en particulier) voient en lui plus le
général républicain de la Révolution, que le despote des dernières années de l'Empire = c'est
un nouvel élan jacobin qui croit voir en lui l'ennemi des rois et des prêtres.
D'ailleurs, il se présente lui-même comme le restaurateur des principes de la
Révolution, contre l'absolutisme des Bourbons.
Il peut ainsi reprendre le pouvoir, d'autant plus facilement que Louis XVII a pris la
fuite, mais n'y restera que trois mois = (les "cent jours" = 20 mars/22 juin 1815).
Quelles en est la conséquence sur le plan institutionnel ? Pour donner un nouvel
élan à la restauration de l'Empire, est ajouté le 22 avril 1815 un Acte additionnel aux
constitutions de l'Empire.
Pour faire face à une forte opposition intérieure et également simplement parce qu'il ne
sur les concessions faites dans le cadre de la première restauration, il est contraint de consentir
des institutions beaucoup plus libérales, qui ressemblent fort à la Charte que Louis XVIII a
octroyée quelques mois auparavant.
C'est pourquoi, tout en étant officiellement un acte additionnel aux constitutions
impériales, l'acte de 1815 établit un régime nouveau.
On retiendra simplement que :
- l'Empereur, le Conseil d'Etat, les ministres subsistent dans leurs formes antérieures,
- mais surtout, le législatif est reconstitué sous la forme de deux chambres
- dont l’une doit être élue, cette fois ci par un véritable suffrage populaire.
Cette réforme constitutionnelle est approuvée par plébiscite, mais seulement par un
million et demi de français (4 800 non, mais plusieurs millions d'abstentions = taux de
participation à peine supérieur à 20%). Elle entre en vigueur le 1er juin 1815.
Elle n'aura guère le temps de s'appliquer puisque la dernière armée napoléonienne est
anéantie à Waterloo le 18 juin 1815.
Napoléon abdique le 22 juin et il est cette fois ci déporté à Sainte Hélène (dans l’Atlantique
sud, au large des côtes africaines) placé sous la surveillance des anglais, où il mourra en 1821.
Une seconde restauration monarchique peut donc avoir lieu, mais nous en parlerons à
l’occasion d’une prochaine conférence.
Je vous propose avant cela d’évoquer un aspect important pour l’histoire politique et
institutionnelle : L'héritage napoléonien
Pour Bonaparte, l'acceptation de la Révolution, ne signifie pas que l’on rejette
intégralement l'héritage monarchique.
8
En fait, tout le génie de Napoléon consiste à récupérer dans l'édifice de l'Ancien
Régime tous les matériaux encore utilisables.
En matière administrative en particulier, il abandonne les expériences
décentralisatrices de la Révolution, pour remettre en marche l'ancienne machine
administrative. Il en améliore les rouages et profite du fait que la Révolution l'a débarrassée
de tout ce qui jadis ralentissait son fonctionnement (privilèges, coutumes, corps
intermédiaires, diversité administrative).
C'est donc une administration plus uniforme, mieux ordonnée mais aussi plus
hiérarchisée et plus subordonnée.
* En matière d'administration locale, la Révolution avait créé le département, le
district (qui sera ensuite supprimé par le directoire), le canton, et elle avait conservé les
municipalités dans leur cadre d'Ancien Régime.
Le tout fonctionnant sous un régime de décentralisation plus ou moins importante
selon les périodes.
Dans une perspective centralisatrice, Napoléon réforme l'œuvre révolutionnaire par
une loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) qui concerne le découpage et
l'administration du territoire et qui préfigure l'administration contemporaine.
Elle conserve les départements (dont le nombre augmente = de 98 en l'an VIII ils
seront 130 en 1810 = Rome sera chef-lieu de Département).
Elle créa l'arrondissement (plus grand que le district = il y en aura 4 ou 5 par
département).
Elle conserve le canton (dont le rôle est plus marginal : il n'est pas une circonscription
administrative, seulement une circonscription judiciaire).
Elle conserve la commune.
Ce système met un terme aux tentatives décentralisatrices de la constituante et rétablit
une étroite centralisation et une rigoureuse hiérarchie.
Il y a en fait trois niveaux essentiels, et à chaque niveau on retrouve un représentant du
pouvoir central, nommé et révocable par lui, ayant seul le pouvoir de décision, avec cependant
auprès de lui des conseils de notables qu'il consulte de temps en temps.
- Au niveau départemental, on trouve un Préfet, dont le nom rappelle Rome
(l'antiquité romaine est très à la mode), mais qui s'inspire en fait directement de l'Intendant
d'Ancien Régime.
Nommé par le chef du gouvernement, il est aussi révocable par lui. C'est un haut
fonctionnaire qui doit jouir d'un grand prestige.
Ses attributions ne comportent pas vraiment de limites.
- Il fait le lien entre Paris et son département, communiquant par lettres ou par le
télégraphe pour renseigner le gouvernement sur la vie de son département, notamment la vie
politique =
- il surveille les candidatures, les listes électorales, contrôle l'opinion publique.
- Mais c'est aussi un homme de gestion, qui gère le budget départemental, traite le
contentieux administratif du département contrôle les travaux publics et surtout exerce une
étroite tutelle sur les administrations inférieures.
Aux côtés du Préfet, un conseil de préfecture, qu'il préside et qui est composé de
notables locaux nommés par le gouvernement. Il peut jouer le rôle d'un conseil, mais c'est
surtout une juridiction administrative.
9
La véritable assemblée départementale est le Conseil Général, dont les membres sont
nommés par le chef d'Etat, choisis sur les listes de notabilité départementales.
Composé presque exclusivement de grands propriétaires, son attribution essentielle est
de répartir sur les arrondissements le montant des contributions directes qui a été affecté au
département.
Globalement, cette administration départementale fait un travail colossal et de grande
qualité durant toute la période napoléonienne. Elle devient moins populaire, lorsque
augmentent les impôts et les recrutements pour la Grande armée.
- au niveau de l'Arrondissement, on trouve un sous-préfet, nommé par le chef
d'Etat souvent parmi les notables locaux, destiné à relayer l'action du Préfet départemental.
A ses côtés un conseil d'arrondissement, qui un reflet du conseil général pour le
recrutement et les attributions, mais dont l'importance est moindre et il est rarement réuni.
- en ce qui concerne les communes, elles ne sont qu'un rouage supplémentaire de la
hiérarchie administrative, c'est pourquoi le maire et ses adjoints sont nommés par le pouvoir
central (dans les villes de + de 5 000 habitants par le chef d'Etat, et par le Préfet dans les
autres) et restent subordonnés au préfet et sous-préfet.
Les conseillers municipaux sont également nommés dans les villes de + de 5 000 hab.
et le conseil ne se réunit qu'une fois par an pour voter le budget et répartir l'impôt entre les
habitants.
Dans la commune c'est le maire qui détient l'essentiel du pouvoir = il décide seul,
prend des arrêtés municipaux et est investi d'une fonction juridictionnelle de simple police, le
tout sous la tutelle du sous-préfet.
* En matière judiciaire, la Révolution s'était fondée sur le principe de la
décentralisation et de l'élection des juges, particulièrement insatisfaisant.
Pour Napoléon, il n'est pas question de faire du judiciaire un troisième pouvoir, et il
veut donc mettre un terme à l'élection des juges = les juges seront nommés.
La garantie qu'il envisage pour l'indépendance de la justice, va consister à tempérer la
nomination des juges par l'impossibilité de les révoquer.
L'inamovibilité des juges est consacrée par la constitution de l'an VIII, mais on trouve
tout de même le moyen de pratiquer diverses épurations.
En même temps on assiste à une accentuation de la dignité de la justice : les titres, les
rites, les locaux (de majestueux palais de justice), les vêtements (robe), les symboles,
rappellent les fastes d'Ancien Régime et rendent à la justice une part d'autorité et de mystère.
En ce qui concerne l'organisation judiciaire (la hiérarchie, la carte judiciaire) des
transformations importantes sont également opérées.
En matière civile, l'arbitrage, favorisé par la Révolution, s'estompe, même si l'on
maintient le juge de paix au chef lieu de canton, qui garde une mission de conciliation.
Mais c'est le Tribunal d'Arrondissement (on en comptera 400) qui devient le Tribunal
civil de droit commun (il a la plénitude de compétence et juge en appel les décisions des juges
de paix).
Mais l'essentiel de l'œuvre napoléonienne est la création de juridictions supérieures
que sont les Cours d'Appel. (La Révolution craignait la puissance de ce type de juridictions,
réminiscence des Parlements d'Ancien Régime, et avait établi l'appel circulaire).
10
Pour Napoléon, au contraire, ces tribunaux supérieurs vont renforcer la hiérarchie
judiciaire. On trouvera 27 cours d'Appel.
Il faut signaler aussi, la mise ne place de juridictions commerciales (tribunaux de
commerce) en 1807 et des conseils des prud'hommes (1806) pour les litiges relatifs aux
conditions de travail et aux rapports entre patrons et ouvriers.
En matière criminelle, on assiste à un certain durcissement, notamment en matière de
procédure, qui marque un certain recul par rapport aux réformes libérales de la Révolution.
Napoléon désire notamment réduire la place des jurys, trop proches des institutions
judiciaires anglaises.
Le Tribunal criminel de la révolution est remplacé par une Cour d'Assises, composée
de trois magistrats auprès desquels siège un jury.
Les jugements de la cour d'assises sont insusceptibles d'appel ; le seul recours est la
cassation.
La Cour de Cassation coiffe le civil et le criminel.
Inspirée du tribunal de cassation de la révolution, elle contrôle l'application de la loi,
veille à l'unité de la jurisprudence et sanctionne par la cassation les jugements incorrects.
Il faut ajouter à cela que le régime s'est toujours arrangé pour trouver des dérogations
au principe de la sûreté individuelle en matière judiciaire.
Dès le consulat, en raison des menaces politiques (complots, attentats....) se mettent en
place des juridictions d'exception (cours martiales...) qui utilisent une procédure expéditive,
sans grand respect des garanties judiciaires.
Ces exceptions disparaîtront, mais, pour l'essentiel notre organisation judiciaire est
encore, en grande partie, celle mise ne place par Napoléon.
* Les finances publiques connaissent également un redressement spectaculaire sous
l'influence de Napoléon.
Au sortir d'une période d'anarchie financière, monétaire et comptable, Napoléon
construit un système nouveau, symbole d'ordre, de stabilité et de prospérité (en grande partie à
l'origine du système contemporain).
L'œuvre de Napoléon en matière financière, consiste tout d'abord à réorganiser
l'administration des finances.
Au niveau central, on distingue désormais :
- l’administration des finances proprement dites qui s'occupent du budget et du calcul
des impôts ;
- le trésor qui prend en charge les recettes.
Au niveau local, en l’an VIII on réorganise toute l'administration :
- d’une part l’administration des contributions directes (contrôleurs, inspecteurs,
chargés de la répartition de l'impôt)
- d’autre part, et celle chargée de la perception = on instaure les percepteurs,
receveurs, trésoriers-payeurs...
Pour assurer le contrôle de ces nouvelles administrations, est créée en 1807 une Cour
des comptes aux fonctions juridictionnelles = surveiller, juger et punir éventuellement les
agents comptables, mais sans entraver la marche du gouvernement.
11
- le second aspect de l'œuvre napoléonienne en matière financière est un effort de
stabilisation monétaire, fondé sur la création (Loi du 13 février 1800 = 24 pluviôse an VIII)
de la Banque de France (à l'origine une banque privée ; Napoléon conserve son caractère
privé mais assure le contrôle de l'Etat par la nomination d'un Gouverneur).
La loi du 7 germinal an VIII (28 mars 1803) confère d'ailleurs à la BdF le monopole
de l'émission des billets de banque.
Mais cette loi est importante surtout parce qu'elle fixe les bases d'une nouvelle
monnaie (le Franc avait déjà été instauré en 1795 : l'originalité du nouveau Franc ("franc
germinal") est que sa valeur est fixée par rapport à un étalon métallique (le métal argent).
En indexant ainsi le Franc sur un métal précieux, Napoléon stabilise la monnaie (le
franc restera stable jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale).
Voilà pour les principales réformes administratives : mais l’héritage napoléonien ne s’arrête
pas là = il se prolonge également sur le plan social, puisque, à travers l’œuvre napoléonienne,
la société a été profondément reconstituée :
Prenons un exemple, qui est sans doute le plus révélateur des bouleversements sociaux
= la question religieuse.
Commençons par rappeler que, en matière religieuse, en 1789 l'abolition des privilèges
et des droit féodaux avait touché l'Eglise de plein fouet =
en une nuit avaient disparu les impôts qu'elle levait (dîme) et les exemptions fiscales
dont elle bénéficiait.
Mais les difficultés financières de la Nation vont accélérer le processus et en novembre
1789, l'Etat procède à la confiscation des biens du clergé = il s'agit d'une forme de
nationalisation suivie d'une mise en vente de ces biens devenu "nationaux".
L'Assemblée nationale décide de considérer désormais le clergé comme un
fonctionnaire, dont il fait assurer l'entretien.
Parallèlement l’Eglise devient pratiquement un service public avec en 1790 (12 juillet)
la Constitution civile du clergé :
- on redécoupe la carte des diocèses
- les évêques et les curés sont élus
- les ecclésiastiques sont des fonctionnaires.
Comme les prêtres doivent prêter serment à la constitution civile. Va naître ainsi un schisme
entre la minorité qui accepte
- (Clergé "jureur" ou "constitutionnel" ou "assermentés")
et la très large majorité qui refuse (clergé "réfractaire"). C'est ce qui permettre les premières
persécutions et débouchera sur une véritable politique de déchristianisation.
En effet, après la chute de la monarchie, l'Eglise entre dans une phase de persécution.
Qui se traduit par toute une série de mesure de restriction =
- laïcisation de l'état civil,
- interdiction du port du costume ecclésiastique,
- suppression des cérémonies religieuses,
- fermetures d'églises,
- saisie et destruction d'objets religieux...
Le 9 Thermidor et la chute de Robespierre marquent le retour à une accalmie toute
relative.
12
Bonaparte se situe dans une perspective différente et dès son accession au pouvoir, il
va s'attacher à rétablir des rapports avec la papauté. Raisons ?
Bonaparte a une conception utilitariste de la religion = la religion est utile, utile à l'Etat
= elle ne peut alors être indépendante = elle doit être soumise à l'Etat.
Sa méthode va consister à rétablir d'abord des rapports avec le Pape, de manière à
pouvoir ensuite organiser l'administration des cultes.
Pendant la campagne d'Italie Bonaparte a manifesté l'intention de réconcilier la France
et l'Eglise et des négociations sont entreprises sous l'impulsion du nouveau pape Pie VII (élu
le 14 mars 1800).
Une convention est signée le 15 juillet 1801 (ratifiée ensuite en août et septembre).
Le Concordat de 1801 (accord entre le saint Siège et un Etat). Quel est son contenu ?
3 questions.
- Il règle d'abord le problème des évêques (il existait pour chaque diocèse un évêque
réfractaire en exil, et un évêque constitutionnel qui avait prêté serment à la
République). Solution ? Le Pape va demander aux deux types d'évêques de
démissionner pour qu’ils soient remplacés par un 3e homme.
-
Parallèlement il renonce à réclamer à leurs acquéreurs la restitution des biens
d'Eglise devenus biens nationaux et aliénés par la Révolution.
-
Le pape reconnaît la République, mais n'obtient pas en contrepartie que la religion
catholique soit proclamée "religion d'Etat" ; elle est simplement reconnue comme
"la religion de la majorité des français".
Mais Napoléon entend bien appliquer le concordat de la manière la plus stricte
possible, d'autant que sa politique est critiquée par une grande partie de ses partisans, issus de
la Révolution et généralement athées.
Or pour pouvoir mettre en œuvre le concordat en France, il faut un texte d'application
qui sera la loi d'organisation des cultes plus connue sous le nom d'Articles organiques du
Concordat promulguée le 18 germinal an XI ( 8 avril 1802).
Ce texte établi pour satisfaire les opposants au rapprochement avec Rome, va fausser
l'esprit du Concordat et le Pape a diverses raisons de s'en plaindre.
Quelle est l'organisation de l'administration des cultes, telle qu'elle découle des
articles organiques ?
- Un ministère des cultes est constitué pour gérer les trois cultes (catholique,
protestant, juif). Il propose la législation en matière de cultes, les nominations d'évêques,
curés, pasteurs et rabbins, correspond avec les hiérarchies ecclésiastiques (Rome notamment)
et paye les traitements.
- En ce qui concerne l'Eglise catholique, la réforme repose ensuite sur un redécoupage
de la carte ecclésiastique en fonction du découpage administratif. Pour la France, on compte
seulement, pour des raisons d'économies 9 archevêchés (5 à 15 départements) et 43 évêchés
(1 à 3 départements) (bien moins que sous l'Ancien Régime ou sous le Directoire).
- Enfin, toute l'activité de l'Eglise est soumise au contrôle de l'Etat. Tout d'abord le
clergé prête un serment d'obéissance et de fidélité au gouvernement et toute leur activité
(jusqu'aux sons de cloche) est soumise à l'autorisation préalable des autorités civiles.
13
- A côté de cela, l'Eglise est conçue par Napoléon comme un outil d'éducation civique,
pratiquement un agent de propagande au service de l'Empereur.
En 1806 est publié un catéchisme impérial qui unifie l'enseignement religieux autour
des doctrines traditionnelles, mais aussi autour du thème de l'obéissance aux autorités.
Les jeunes catholiques sont éduqués dans le culte de l'Empereur, choisi par Dieu, sacré
et protecteur de l'Eglise.
Les articles organiques placent l'Eglise dans une telle situation d'asservissement, que
le pape refuse de le reconnaître.
Les relations avec Rome s'enveniment (le pape acceptera la mascarade du sacre en
décembre 1804, pour essayer de rattraper la situation, mais n'obtiendra rien).
En 1808 les armée françaises entreront dans Rome, annexeront les Etats pontificaux.
Napoléon fera ensuite prisonnier le Pape = il sera incarcéré à Fontainebleau et restera
prisonnier jusqu'à la fin du régime.
* A côte de la religion, un autre domaine particulièrement évocateur de l’œuvre
sociale de Napoléon, est le domaine de l’enseignement.
Dans ce domaine, la Révolution avait mis fin au monopole de l'Eglise, mais n'avait
posé que quelques principes utopiques, vite abandonnés, ce qui fait qu'en 1800 l'éducation est
en crise.
Bonaparte va s'efforcer de reconstruire un système éducatif étroitement contrôlé par
l'Etat.
- Le premier secteur, dont Napoléon se désintéresse est l'enseignement primaire =
il est assuré essentiellement par de petites écoles privées = écoles d'Eglise (animées par les
Frères des Ecoles chrétiennes = ordre enseignant) ou laïques financées par les municipalités.
- le second niveau est celui de l'enseignement secondaire et il suscite bien sûr un plus
grand intérêt = c'est lui qui doit permettre de former un corps solide où se recruteront les
futurs cadres de la nation.
En 1802 Bonaparte remplace les écoles centrales par des lycées qui conduisent au
baccalauréat (autre institution napoléonienne). Destinés à la bourgeoisie, aux fils de
militaires et de fonctionnaires (1/3 minimum, souvent boursiers) ils fonctionnent comme de
véritables casernes (discipline militaire, uniforme, peines de prison...).
- en ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'empereur confirme tout d'abord les
grandes écoles créées par la Révolution (polytechnique, Saint Cyr, l'école normale supérieure,
l'école de mines, celle des ponts et chaussées).
Pour les autres matières, Napoléon rétablit les anciennes facultés = théologie, droit,
médecine lettres et sciences.
Enfin parmi les autres grandes « masses de granit » (c’est ainsi que Napoléon appelle
ses œuvres les plus durables) on peut dire un mot du nouvel encadrement juridique de la
société : les codes napoléoniens.
Ils qui constituent une œuvre colossale qui va charpenter la société française de
manière durable.
L'ensemble de cette codification constitue le cadre juridique à l'intérieur duquel se
développe une société nouvelle, peut-être plus rationnelle, globalement plus prospère, sans
14
doute plus libre et plus égalitaire que sous l'Ancien Régime, et en tous cas plus stable que
celle des dernières décennies.
Cinq codes sont promulgués au total de 1804 à 1810 :
- un code civil en 1804 auquel s'ajoute un code de procédure civile en 1806.
- un code de commerce en 1807.
- un code pénal en 1810, précédé d'un code d'instruction criminelle en 1808.
* Le Code Civil est de loin l'œuvre maîtresse de Napoléon = c’est un véritable
monument du droit français. Et bien qu’il ne soit pas juriste, il ne faut pas négliger la
contribution personnelle de Bonaparte
(le "code Napoléon" (c'est ainsi qu'il est appelé à partir de 1807) porte bien son nom).
L'objectif n'est pas de faire une œuvre originale, mais d'établir un équilibre entre la
tradition et la révolution =
Une œuvre de transaction selon l’expression de Cambacérès, pour proposer une œuvre claire
et pratique.
Mais on y trouve aussi un certain esprit de modération, mais aussi l'esprit
individualiste, libéral qui ne rejette pas l'influence des philosophes du XVIIIe s).
Finalement on retrouve cela dans les principes généraux consacrés par le Code qui sont les
suivants :
Laïcité : le droit civil est sécularisé, il est définitivement séparé du droit
canonique. Les municipalités conservent le droit civil, le mariage civil
précède la célébration religieuse (facultative), le divorce est maintenu.
-
individualisme : dans la lignée de la DDHC, l'homme est un individu animé
par la raison et doué du "libre arbitre".
-
liberté : liberté individuelle = l'individu est protégé contre toutes les menaces
caractéristiques de l'Ancien Régime ; liberté économique.
-
égalité : l'homme est conçu de manière abstraite, à l'égal des autres, sans
privilèges ou particularismes.
-
autorité : celle du chef de famille ("bon père de famille") sur sa femme et ses
enfants.
C'est essentiellement dans deux domaines mais qui sont deux domaines essentiels), que le
Code introduit des innovations, et fait application des principes ci-dessus : la famille et la
propriété.
Mais tout en innovant, il sait paradoxalement faire preuve d’un conservatisme assez rassurant
= il ne bouleverse pas l’équilibre de la famille, il se veut protecteur de la propriété = c’est sans
doute pour cette raison qu’il sera conservé sous la Restauration.
Restauration qui fera l’objet de la prochaine conférence.
Téléchargement