Médecine d'Afrique Noire : 1990, 37 (10)
III - Ces données établies, quels sont les pro b l è m e s
posés au niveau du diagnostic biologique ?
A - Diagnostic
Il ne faut pas compter sur les signes cliniques avant long-
temps, après la contamination. Le diagnostic va donc
nécessairement être biologique, utilisant des méthodes
diverses, plus ou moins sophistiquées, plus ou moins réali-
sables en Afrique. Actuellement ce diagnostic repose sur-
tout sur la mise en évidence d’anticorps spécifiques anti
VIH. Si cette recherche est positive, le malade est consi-
déré comme infecté et le laboratoire répond donc “séropo-
sitivité”. Dans les pays industrialisés, on n’admet plus
maintenant que l’on puisse affirmer séro-positivité à l’aide
d’une seule réaction sérologique, il faut au moins deux
réactions différentes pour pouvoir le faire.
Voyons maintenant les méthodes à notre disposition :
1 - La recherche du virus lui-même
Sa mise en évidence peut se faire en microscopie électro-
nique. La culture est possible sur cellules en lignée conti-
nue : T4 lymphoblastoïdes humaines (cellules CEM, H9,
HUT 78).
Cette recherche peut se faire à partir du sang, des gan-
glions... Elle nécessite un laboratoire très performant, bien
équipé, avec toutes les précautions d’usage prises tant vis-
à-vis du personnel qui travaille sur ce matériel poten-
tiellement dangereux vis-à-vis des cultures cellulaires
elles-mêmes dont on connaît la grande fragilité et la
sensibilité aux contaminations bactériennes ou mycotiques.
Ces conditions sont réalisées dans des enceintes de sécurité
de type P3. Il est rare de trouver en Afrique des centres où
sont réalisées ces conditions, mis à part quelques Centres
de Recherches, Instituts Pasteur (Dakar, Bangui, Yaoundé).
En outre le caractère très onéreux de cette méthode la met
hors de portée de la grande majorité des laboratoires
Africains. Il ne faut donc pas y songer actuellement en
Afrique.
2 - La recherche des antigènes est théoriquement très
séduisante. La technique de mise en évidence des antigènes
(essentiellement la protéine P 25) utilise la méthode
immuno-enzymatique qui est bien connue ; nous ne
reviendrons pas sur son principe (Technique d’immuno-
capture d’Abott ou d’Institut Pasteur Production). Elle est
délicate mais réalisable dans la majorité des laboratoires
disposant d’un matériel pour effectuer les réactions immuno-
enzymatiques. Elle a suscité beaucoup d’espoir pour
diverses raisons, mais elle a aussi déçu. C’est une techni-
que qui ne donne pas satisfaction chez le nouveau-né.
Chez l’adulte, on peut trouver l’antigène en phase précoce,
présérologique, puis il disparaît pour ne réapparaître qu’en
fin de maladie, quand la majorité des anticorps a disparu et
pourrait donc être assimilé à un critère péjoratif. Mais la
critique essentielle qu’on peut faire à cette technique est
d’être défaillante dans au moins la moitié des cas où elle
devrait être positive. Ainsi si on dépiste l’antigène en phase
précoce, on peut affirmer l’infection, mais est on autorisé à
nier cette infection dans le cas contraire ? En cas de
négativité de l’antigénémie, est ce une défaillance techni-
que ou n’est ce pas dans ces périodes pré et post-antigéné-
miques ? Ce test diagnostique qui aurait dû être un test de
diagnostic précoce s’avère insuffisant et en outre est très
onéreux (à titre indicatif, un nécessaire ou Kit de réactifs
est facturé 9 000 FF). On ne peut donc pas non plus
actuellement recommander ce test en routine en Afrique.
On a remarqué enfin que sous l’action de l’A.Z.T., l’anti-
gène pouvait primitivement diminuer voire disparaître,
mais il réapparaît inexorablement avec ou sans A.Z.T.
signant bien la phase finale de la maladie.
3 - Le recherche de l’A.D.N. pro-viral ou test d’ampli-
fication génomique ou “Polymérase-Chain-Réaction”
ou “P.C.R.”
Cette technique a provoqué beaucoup d’engouement. Sa
“relative simplicité” de réalisation a amené plusieurs
équipes à tenter sa réalisation. Son principe même est
séduisant puisque les insuffisances des méthodes pré-
cédentes peuvent être liées au mode de réplication du virus,
avec une possible phase d’éclipse et surtout la nécessité
d’une intégration au génome cellulaire sans que le virus ou
ses antigènes ne s’expriment forcément en permanence. Il
était donc extrêmement tentant d’aller “dénicher” le
provirus là où il se cachait, c’est à dire au sein même du
génome de la cellule infectée. Elle était donc parti-
culièrement intéressante chez les nouveaux-nés. Mais à la
relative facilité d’exécution technique, correspondent des
d i fficultés croissantes d’interprétation. En outre son coût
est prohibitif (5 000 FF par réaction).
Nous voyons donc que toutes les méthodes cherchant à
mettre en évidence, le virus, le provirus ou les constituants
du virus (antigènes) sont toutes de réalisation délicate et
onéreuses, peu réalisables dans la majorité des laboratoires
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L'INFECTION A VIH EN AFRIQUE 576