
Socio-économie de l'environnement et du développement durable 11
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
dans une certaine mesure, la conception de ressources naturelles illimitées4. Il
faudra attendre Hotelling (1931) et son article séminal sur les ressources
naturelles non renouvelables pour disposer des premières bases de l’économie
des ressources naturelles. Face à la raréfaction de la ressource, et comme pour
tout type de bien en définitive, le mécanisme équilibrant est la variation du prix.
Hotelling montre qu’au fur et à mesure que la ressource s’épuise, l’optimum
économique pourra être maintenu à la condition que la rente de rareté, égale à
la différence entre le prix unitaire et le coût marginal d’extraction, croisse dans
le temps suivant un taux d’augmentation égal au taux d’intérêt. Hartwick (1977)
franchira une étape supplémentaire en définissant la règle éponyme selon
laquelle l’atteinte de l’optimum intergénérationnel est garantie sous réserve que
la rente de rareté s’investisse dans du capital physique compensatoire. À ce
stade de l’analyse, apparaît une caractéristique essentielle de la théorie standard
de l’économie des ressources naturelles : la substituabilité entre facteurs,
notamment entre le capital physique et le capital naturel. Cet axiome de
substituabilité va plus largement s’appliquer aux divers biens, dans le cadre de
l’économie des externalités environnementales.
On doit à Pigou (1920) d’avoir montré qu’une divergence pouvait apparaître
entre le produit social et le produit privé d’une activité. Il en est ainsi lorsque
existe, entre les deux quantités, une externalité qui consiste en un effet non
compensé monétairement de l’activité sur des agents a priori non visés par
l’activité. Un produit social inférieur, respectivement supérieur, au produit privé
révèle un effet externe négatif, respectivement positif. L’environnement peut
être support d’externalités et l’on citera comme exemple la pollution comme
support d’externalité négative et les aménités liées à un paysage comme
externalité positive. Sous hypothèse d’une possible monétarisation, le coût de
l’externalité, plus simplement le "coût externe", vient en déduction du bien-être
collectif. Dès lors, en présence d’externalité, la quantité produite représentative
de l’optimum social est inférieure à celle qui correspond à l’optimum privé.5
Le cadre marchand, "livré à lui-même", ne permet pas d’atteindre l’optimum
collectif : la solution d’équilibre correspond effectivement à l’optimum privé.
4 Est emblématique de cette conception, la citation de Jean-Baptiste Say (Passet, 1979, 34) :
"Les richesses naturelles sont inépuisables car sans cela nous ne les obtiendrions pas
gratuitement. Ne pouvant être multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet de la science
économique". Il est vrai, les travaux de l’économie politique classique sur la question de
"l’état stationnaire", en particulier ceux de Malthus et de Ricardo, théorisent de possibles
limites naturelles à la croissance économique.
5 Cette analyse est généralement formalisée grâce à un schéma que l’on doit à Turvey (1963)
et qui a été repris, parfois avec quelques variantes, dans la majeure partie des manuels en
économie de l’environnement, en particulier Baumol, Oates (1975), Siebert (1987), Pearce,
Turner (1990), Barde (1992), Bonnieux, Desaigues (1998), Bomtens, Rotillon (1998).