ANTIVIRAUX ET INTERFERONS
LES ANTIVIRAUX
La thérapeutique antivirale progresse avec lenteur car elle s'attaque à des micro-organismes ne se
multipliant qu'à l'intérieur des cellules vivantes dont ils détournent le métabolisme à leur profit.
La chimiothérapie antivirale se heurte donc à plusieurs obstacles :
elle est souvent cytotoxique car elle perturbe le métabolisme cellulaire normal. Toute
thérapeutique anti-infectieuse a en effet pour objectif de supprimer lagent infectieux sans
léser la cellule. Or, la plupart des virus utilisent des voies métaboliques de la cellule-hôte pour
la réplication de leur génome. De nombreuses molécules capables de bloquer leur réplication
sont donc aussi des toxiques cellulaires.
elle ne peut prétendre éradiquer l'infection virale latente. Une molécule antivirale ne peut en
effet agir qu'au moment de la réplication virale. Les antiviraux n'ont donc qu'un effet
virostatique et, vis-à-vis de certains virus "latents", comme les herpesvirus ou les rétrovirus,
ne peuvent agir quau moment des récurrences. Seuls certains antiseptiques ont un effet
virulicide mais ils ne peuvent être utilisés par voie interne.
elle sélectionne fréquemment des mutants résistants à leur activité.
au cours de la plupart des infections virales, de la grippe à la verrue, en passant par le bouton
de fièvre ou la rougeole, les signes cliniques apparaissent après que les virus se soient
multipliés dans les cellules et que les lésions se soient constituées...
Toutefois les connaissances acquises depuis vingt ans dans les mécanismes moléculaires des cycles
de multiplication des virus ont fait apparaître des cibles plus spécifiques. Plusieurs étapes du cycle
peuvent être concernées :
- Fixation, pénétration, décapsidation
La seule thérapeutique actuellement utilisée à cette étape est la rimantadine, qui s'oppose à la
décapsidation du virus Influenza A : en augmentant le pH de la vacuole d'endocytose, elle empêche la
fusion de l'enveloppe virale avec la membrane cellulaire.
On a découvert depuis peu les récepteurs cellulaires de plusieurs virus : la molécule CD4 pour les
VIH, la molécule CD21 (ou CR2 - récepteur de C3b) pour le VEB, la molécule ICAM-1 (intercellular
adhesion molecule) pour les rhinovirus. On peut espérer trouver des
molécules qui bloquent spécifiquement les interactions entre ligand viral et récepteur cellulaire.
- Synthèse des ARN messagers (ARNm)
Certains virus codent leur propre ARN polymérase, d'autres codent les enzymes nécessaires à la
création de la "coiffe" en 5'. Bien qu'analogues aux enzymes cellulaires dans leurs fonctions, ces
protéines virales peuvent constituer des cibles pour une thérapeutique antivirale.
- Traduction des ARN messagers
La traduction des ARN messagers viraux diffère de celle des ARN messagers cellulaires. En effet,
alors que la traduction des ARNm cellulaires s'arrête, celle des ARNm viraux est florissante. Quel est
le mécanisme, sans doute d'origine virale, qui permet une reconnaissance spécifique des ARN
messagers viraux par la cellule ? Sa connaissance pourrait déboucher sur une thérapeutique.
- Réplication de l'acide nucléique viral
La plupart des antiviraux actuels agissent sur la réplication proprement dite. La réplication du génome
utilise parfois des enzymes d'origine virale qu'on ne trouve donc qu'à l'intérieur des cellules infectées.
C'est le cas de tous les virus à ARN, en particulier le VIH qui utilise une transcriptase. C'est aussi le
cas des "gros" virus à ADN : les herpesvirus ainsi que les adenovirus.
- Intégration du génome viral dans le génome cellulaire
Certains virus insèrent leur génome dans celui de la cellule-hôte. Cette insertion peut constituer une
étape obligatoire de leur cycle de multiplication, comme dans le cas des rétrovirus. Elle peut être
nécessaire à la transformation de la cellule dans le cas des papillomavirus, des herpesvirus ou du
virus de l'hépatite B. Certains virus utilisent des enzymes de la cellule-hôte mais d'autres, les
rétrovirus en particulier, codent une intégrase qui peut constituer une cible pour une thérapeutique
antivirale.
- Morphogénèse virale
De nombreuses protéines virales sont synthétisées sous la forme de précurseurs géants qui sont
ensuite découpés en protéines de structure ou en enzymes par une protéase virale. Les inhibiteurs
des protéases virales empêchent l'assemblage et la maturation des virions et la cellule infectée ne
produit plus que des virions défectifs.
CIBLES ET MOLÉCULES
ETAPE
CIBLE
MOLÉCULE(S) UTILISÉE(S)
Fixation / Décapsidation
Récepteurs cellulaires
Analogues de récepteurs viraux
Transcription du génome viral
Transcriptase virale
Inhibiteurs de la transcriptase
oligonucléotides antisens
*
Régulation de la transcription
Protéines de régulation
Inhibiteurs de la protéine Tat (VIH)
*
Montage des ARN transcrits
cibles variées
Ribavirine
*
Traduction des ARNm
ARN-m
Interférons
oligonucléotides antisens
*
Réplication de l'ADN
ADN polymérase virale
Acyclovir (Zovirax
)
*
Réplication de l'ARN
ARN-polymérase virale
Inhibiteurs de la ARN-polymérase
Transcription réverse
Transcriptase réverse (RT)
Zidovudine (Rétrovir
)
*
Fragmentation des polyprotéines
Protéase virale
Inhibiteurs des protéases
Assemblage des virions
Protéines de matrice
Inhibiteurs des protéases
*
* molécules disponibles ou en cours d'expérimentation
INHIBITEURS DE L'ADN-POLYMÉRASE VIRALE
Les inhibiteurs des ADN polymérases virales constituent à l'heure actuelle la famille d'agents
antiviraux la plus importante.
La majorité des virus à ADN - exception faite des papovavirus et des parvovirus - et les rétrovirus ont
des ADN polymérases propres, distinctes des ADN polymérases cellulaires.
Ces enzymes assurent la synthèse de l'ADN à partir d'une matrice d'ADN (ou d'ARN pour les
rétrovirus). Les substrats de ces enzymes sont les désoxynucléotides-triphosphates (nucléotides des
quatre bases : Adénine = dATP ; Thymine = dTTP ; Cytosine = dCTP et Guanine = dGTP). La chaîne
d'ADN en cours de synthèse s'allonge par l'addition de déoxynucléotides-monophosphates unis entre
eux par des liaisons phosphodiesters. L'énergie nécessaire à la création de la liaison provient de
l'hydrolyse du nucléotide triphosphate et la formation d'un résidu pyrophosphate :
- LES ANALOGUES ACTIFS SUR LES VIRUS A ADN
La plupart des antiviraux utilisés actuellement sont des analogues de nucléosides. La majorité d'entre
eux sont exclusivement actifs sur les virus appartenant à la famille des Herpesviridae.
Les analogues utilisés présentent le plus souvent des modifications du sucre lié à la base, le
désoxyribose :
disparition de la structure cyclique pour l'acyclovir et le
gancyclovir,
adjonction d'un radical azoté (azide) pour la zidovudine,
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disparition d'un radical hydroxyle dans le cas de la
didéoxyinosine (ddI) et de la didéoxycytidine (ddC)
Les analogues de nucléosides pénètrent dans la cellule où il sont triphosphorylés par des kinases. Il
s'agit donc de "prodrogues" puisqu'ils sont préalablement transformés en principe actif dans la cellule.
Après leur triphosphorylation, ces analogues entrent en compétition avec les substrats naturels pour le
site actif de l'ADN-polymérase. Les inhibiteurs ont une faible affinité pour les ADN polymérases
cellulaires et une forte affinité pour les ADN-polymérases virales entraînant le blocage du site actif. Si
l'enzyme parvient à incorporer l'analogue à la chaîne d'ADN en cours de synthèse, celui-ci en bloque
l'élongation car il n'a pas la structure chimique capable d'établir une liaison phosphodiester avec le
nucléotide suivant.
L'affinité particulière des analogues pour les ADN polymérases virales n'est pas encore expliquée. Les
ADN-polymérases cellulaires ou virales étant fonctionnellement très proches, la sélectivité des
analogues provient d'un choix très rigoureux parmi un nombre considérable de molécules
synthétisées.
La sélectivité des analogues a le plus souvent comme conséquence un spectre d'activité assez étroit :
chaque molécule n'est active que sur un virus ou un groupe de virus apparentés.
La sélectivité n'est d'ailleurs pas absolue et la toxicité vis-à-vis des cellules s'exprime par des effets
secondaires très fréquents lors des chimiothérapies antivirales. Cette toxicité rapproche la
thérapeutique antivirale de la chimiothérapie anticancéreuse.
Les premiers analogues de nucléosides utilisés tels que l'adénine-arabinoside (Vidarabine) se sont
révélés très toxiques. N'étant pas sélectifs ils inhibent aussi bien l'ADN polymérase virale que l'ADN
polymérase cellulaire.
Aciclovir (Zovirax
)
Il s'agit d'un analogue du guanosine dont le désoxyribose est remplacé par une
chaîne latérale acyclique. Le produit est actif sur certains herpesvirus : les HSV1 et 2
et le VVZ (à plus haute dose).
La première étape de phosphorylation est réalisée par une thymidine-kinase virale
que possèdent ces virus, les deux autres phosphorylations sont ensuite assurées par
des kinases cellulaires. Les thymidine-kinases cellulaires sont peu efficaces de sorte
que l'analogue triphosphate n'est formé que dans les cellules infectées.
Valaciclovir (Zelitrex
)
C'est l'ester de la L-valine et de l'aciclovir rapidement et entièrement métabolisé en
Aciclovir.
Ce dérivé a une biodisponibilité par voie orale 5 fois plus élevée que l'aciclovir (50%).
Il est utilisé dans le traitement du zona.
Gancyclovir (Cymévan
)
Le gancyclovir, assez proche de l'acyclovir, se révèle actif sur la plupart des herpesvirus mais il est
surtout remarquablement actif contre le virus cytomégalique (CMV) : cent fois plus actif que l'acyclovir.
Il est également beaucoup plus toxique (toxicité médullaire : neutropénie et thrombopénie) et n'est
utilisé que dans le traitement des infections sévères chez les immunodéprimés.
Le virus est dépourvu de thymidine-kinase mais l'infection semble favoriser la synthèse de kinases
cellulaires de sorte que les concentrations en gancyclovir-triphophate sont bien supérieures à celles
des cellules non infectées. Cette propriété renforce la spécificité antivirale du produit.
Famcyclovir (Oravir )
Le Famciclovir est assez proche du gancyclovir. Il est actif sur les virus HSV, EBV et VVZ. D'une très
grande biodisponibilité par voie orale (75%), il est utilisé dans les traitements des infections à VVZ.
Acide phosphonoformique (Foscarnet )
Un analogue du pyrophosphate, l'acide phosphonoformique (Foscarnet
)
est un
inhibiteur direct d'ADN polymérase virale : il bloque le site de liaison du
pyrophosphate de l'enzyme. Le produit est toxique (fixation osseuse, toxicité rénale).
On l'utilise dans le traitement des infections par CMV ou virus herpétiques devenus
résistants à l'acyclovir chez les patients immunodéficients.
2° - LES ANTIRÉTROVIRAUX
Parmi tous les analogues de nucléosides étudiés ou en cours d'étude, quatre produits sont
actuellement utilisés :
NOM CHIMIQUE
ABRÉVIATION
DÉNOMINATION COMMUNE
SPÉCIALI
Azidothymidine
AZT
Zidovudine
Rétrovir
Didéoxyinosine
ddI
Didanosine
Videx
Didéoxycytidine
ddC
Zalcitabine
Hivid
Didéhydodidéoxythymidine
d4T
Stavudine
Zerit
Les analogues sont phosphorylés dans les cellules infectées et dans les cellules saines par des
kinases cellulaires. L'analogue triphosphate est utilisé comme un substrat par la transcriptase réverse
qui est bloquée. Si l'enzyme parvient à incorpore l'analogue à la chaîne d'ADN en cours de synthèse,
celui-ci en bloque l'élongation car il n'a pas la structure chimique capable d'établir une liaison
phosphodiester avec le nucléotide suivant. L'analogue est environ 100 fois plus inhibiteur vis-à-vis de
la transcriptase réverse que vis-à-vis de l'ADN-polymérase cellulaire.
Les effets secondaires sont variés :
Rétrovir
présente une toxicité hématologique : anémies et neutropénies plus fréquentes
avec des posologies élevées ou chez les patients à un stade évolué de la maladie
.
Videx
et Hivid
ne présentent pas de toxicité hématologique mais peuvent provoquer des
neuropathies périphériques douloureuses et des pancréatites.
3° - LA RIBAVIRINE
La structure de cette molécule est à première vue celle d'un analogue de nucléoside avec un noyau
pyrimidique ouvert. Elle ressemble en fait à la guanosine.
Le spectre théorique d'activité de la molécule est étendu :
virus à ADN : adenovirus, herpesvirus
et surtout virus à ARN : virus influenza A et B, virus respiratoire syncytial (VRS), arenavirus,
bunyavirus, reovirus et VIH.
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