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Édson Reis Meira
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(2) Παῖς ὢν ἐφοίτας εἰς τίνος διδασκάλου; (Aristophanes, Cavaliers 1235)
paīs ōn ephoítas eis tínos didaskálu
enfant être PCP. M. NM. S. fréquenter IMP. 2S en quel maître
F: Enfant, (chez)6 quel maître fréquentais-tu ?
(3) Τοιαῦτα μέντοι καὶ πρότερόν σ’ ἠργάζετο… (Aristophanes, Cavaliers 1221)
toiaūta méntoi kai próterón s’ ērgázeto
telles choses pourtant aussi avant te faire IMP. 3S
F: Voilà pourtant comme jusqu’ici il te traitait.
Dans le premier exemple, l’imparfait se présente absolument libre, n’ayant même pas
besoin d’un adverbe ou d’une autre proposition qui lui serve de cadre temporel. Cela
est possible parce qu’il est connu des locuteurs qu’on parle de quelqu’un qui ne vit
plus. Donc, une question comme « à quelle époque ça se passait? » n’est pas du tout
nécessaire, puisque il est sous-entendu qu’il agit de toute la vie7 de la personne dont
on parle. En examinant quelques aspects de la vie et de l’enseignement de Socrate, qui
était déjà mort, Xénophon suggère, sans utiliser aucun élément qui s’y rapporte, que
Socrate, pendant sa vie « agissait de la sorte. » Cette indépendance de l’imparfait par
rapport au contexte met en relief son sens primordial, c'est-à-dire le duratif/habituel.
Dans le second exemple, où le sujet est vivant, la proposition Παῖς ὢν / Quand tu
étais enfant précise le cadre temporel de l’imparfait. Toutefois, on ne dirait pas
qu’elle est absolument nécessaire, étant donné que le contenu sémantique de la
proposition principale renvoie à l’enfance du sujet (on fréquente le maître, on va à
l’école quand on est enfant). Par conséquent, à l’instar de l’exemple précédent,
l’imparfait dispense la présence des marqueurs linguistiques, leur utilisation étant
plutôt facultative ou même redondante. Dans le troisième exemple, quoique le sens
duratif, c'est-à-dire le sens primordial de l’imparfait, soit très net, on utilise l’adverbe
πρότερον/avant pour préciser le cadre temporel du verbe ἠργάζετο/faisait. On ne dirait
pas que l’adverbe soit absolument nécessaire, puisqu’une proposition comme Τοιαῦτα
μέντοι σ’ ἠργάζετο/ est parfaitement possible, le locuteur pouvant, exprès, omettre
6 Les principales traductions françaises (voir Les Belles Lettres et Gallimard, par exemple) présentent
la préposition chez, traduisant le grec εις [es], probablement pour rester fidèles au texte ancien. En tout
cas, on pourrait aisément traduire la proposition en omettant la préposition en question : Enfant, quel
maître fréquentais-tu ?
7Deux réviseurs anonymes m’ont questionné sur la possibilité d’interprétations différentes de
l’imparfait dans l’exemple 1. Le premier se demande comment sais-je qu’on a affaire à un état duratif
se rapportant à toute la vie de Socrate. Il se demande également pourquoi ne pas attribuer à l’énoncé en
question une valeur modale. Dans cette perspective, l’imparfait serait utilisé pour indiquer la manque
de certitude. J’imagine que le réviseur pense à une interprétation telle que : « C’est précisément la
conduite que Socrate adopterait (s’il vivait encore). » Le second réviseur souligne qu’ « en ce qui
concerne toute la vie, on pourrait quand même vouloir dire, selon le contexte, que c’est une conduite
que Socrate adoptait à un moment précis par exemple. » L’exemple en question est inseré dans une
partie du récit de Xenophon où il parle des usages concernant les libations aux dieux et les soins dûs
aux ancêtres. L’auteur ne conjecture pas sur ce que Socrate pourrait faire dans un moment précis, mais
affirme expréssement que Socrate respectait les usages de la ville, lesquels étaient protégés par loi, et
encourageait ses concitoyens à faire le même. Il est sous-entendu que telle était sa conduite jusqu’à sa
morte, puisque le respect aux lois était un trait du caractère de Socrate. Il n’y a pas un seul élément du
context qui puisse indiquer une autre interprétation. Comme nous voyons dans les exemples suivants
(2, 3, 4, parmi d’autres), quand il s’agit d’un moment précis, l’imparfait devient plus dépendant du
contexte ou d’éléments linguistiques (surtout d’adverbes ou de propositions adverbiales). S’il s’agissait
d’un moment précis de la vie de Socrates, l’imparfait aurait besoin d’être acompagné d’un élément qui
en exprimerait le cadre temporel, ce qui ne se vérifie pas dans l’exemple ci-dessus.