D’une telle interprétation du mot « universel » dans l’expression “ magistère ordinaire et universel ” découle 
logiquement l’infaillibilité du pape et des évêques d’une époque donnée (n’importe laquelle) dans leur magistère 
ordinaire, quand ils présentent une doctrine comme révélée. » 
L’erreur  doctrinale  d’Arnaud  de  Lassus  a  des  racines  profondes.  Nous  réservons  à  un  travail  séparé 
l’examen détaillé de ses exposés sur l’ensemble du sujet, depuis 1999 : concernant Arnauld de Lassus, le 
présent travail ne s’occupe que de la confusion entre magistère ordinaire et universel et critère lérinien. Cet 
examen constituera notre première partie. Nous présenterons le « canon de saint Vincent de Lérins » et son 
interprétation catholique : ce qui mettra en pleine lumière que la confusion entre ce critère d’orthodoxie et 
l’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel est une grave erreur contre la vérité catholique. Dans une 
seconde partie nous examinerons quelques erreurs plus récentes qui ont fleuri chez divers « traditionalistes », 
devenus conscients de l’impossibilité de confondre canon lérinien et Magistère ordinaire et universel, mais 
toujours réticents vis-à-vis de la doctrine catholique sur l’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel, à 
cause de leurs idées sur le Concile Vatican II et la crise actuelle de l’Église. 
I. Le canon de saint Vincent de Lérins dans l’Église catholique 
Nous situerons d'abord rapidement saint Vincent de Lérins et son œuvre ; puis nous indiquerons comment 
le fameux  « canon » a  été reçu,  dans la suite  des temps, par les  catholiques  et  par les hétérodoxes.  Cela 
montrera déjà qu’on ne peut présenter sans réserves ce critère comme une pure expression de la pensée de 
l'Église. Enfin, nous citerons deux études importantes et autorisées sur ledit canon. 
A. Situation du canon lérinien dans l’histoire de la pensée catholique 
1. Quelques repères historiques 
C'est vers l'an 410 que saint Honorat, abandonnant fortune et situation, se retirait en compagnie d’une 
poignée d’amis dans l'île Lérina, au sud de Cannes, pour y vivre à la manière des moines d'Orient. 
En quelques années, un monastère des plus fervents s'établit ainsi dans la solitude de l'île de Lérins. Cette 
« citadelle glorieuse », ce « camp retranché » (expressions fréquentes sous la plume des Lériniens) devint, 
pendant  tout  le  Ve  siècle,  une  pépinière  d'évêques  et  de  saints,  ainsi  qu'un  centre  actif  de  théologie.  Le 
rayonnement du monastère, tant au point de vue pastoral que doctrinal, s'étendit largement sur la Gaule de ce 
siècle. En particulier les Lériniens prirent position contre la doctrine de la grâce défendue par saint Augustin. 
Ils n'échappèrent pas complètement à l'influence du semi-pélagianisme, sans doute sous l'action de Cassien, 
abbé de Saint-Victor de Marseille (de 410 à 435 environ). 
C'est dans ce milieu que nous trouvons, dès 430, saint Vincent. On ignore à peu près tout de lui, mais il 
est demeuré célèbre par son Commonitorium (= notes théologiques pour aider la mémoire), ouvrage achevé 
en 434, et qui se proposait d'énoncer une règle sûre pour- distinguer la vraie foi catholique de l'erreur des 
hérésies. 
Saint  Vincent  a lui-même synthétisé  son  enseignement  en  une  formule dont  la  brièveté  fera  le succès 
comme le  danger : «  Nous  devons tenir ce  qui a  été  cru partout, toujours  et  par tous ».  Cette  expression 
lapidaire  a  reçu,  beaucoup  plus  tard,  la  dénomination  de  « canon  de  saint  Vincent  de  Lérins »  ou  canon 
lérinien
. Bien frappée, cette formule a connu le sort de tous les aphorismes : elle a fait oublier à plusieurs 
que le Commonitorium comportait d’autres phrases, des explications, des développements, des nuances qui 
interdisent d’absolutiser le « canon ». Coupée de son lieu, la formule est devenue pour certains un slogan, et, 
dans le pire des cas, un aliment de sous-culture théologique, soutenant avec la doctrine catholique le même 
rapport qu’un sandwich MacDo avec la cuisine française. 
Comment donc  cette règle  a-t-elle  été accueillie  dans  l'Église,  et chez  ses ennemis, voilà  ce que  nous 
allons  maintenant  mettre  en  lumière,  avant  d'en  aborder  l'étude  proprement  doctrinale,  à  la  suite  de 
théologiens particulièrement autorisés.