b) La Bombe : mathématiques, machine et miracle
Avant même que la seconde guerre mondiale débute, Alan Turing publie dans un article une machine théorique appelée
« machine de Turing » qui va poser les bases de l’algorithmie et de l’informatique. Elle permettra par la suite au
mathématicien de décrypter Enigma.
C’est donc à Bletchley Park qu’Alan Turing et son équipe développèrent une des premières machines de calcul
électronique dénommé « la bombe ». Il est important de souligner que la "Bombe" n'était pas une machine unique et
statique. Les premières versions s'inspiraient des travaux des cryptanalystes polonais. Au fur et à mesure que les Allemands
complexifiaient Enigma, notamment en ajoutant des rotors ou en modifiant les procédures de chiffrement, l'équipe de
Turing devait adapter et améliorer la "Bombe". Cela a conduit au développement de différentes "Bombes", chacune conçue
pour contrer des variations spécifiques d'Enigma. Le travail à Bletchley Park était donc un processus continu d'innovation.
En exploitant les failles, la Bombe comparait rapidement le mot et le code crypté et établissait des probabilités sur la
correspondance du code et de sa transcription. En une vingtaine de minutes toutes les fausses correspondances étaient
éliminées et les plus plausibles étaient testées, jusqu’à trouver la bonne configuration. Je vais vous présenter les principales
théories mathématiques dont Alan Turing a usé.
1. Pour déchiffrer Enigma, Alan Turing a utilisé les tests systématiques des permutations. Il a compris que le
chiffrement d'Enigma, qui mélange les lettres, pouvait être décomposé en cycles, un peu comme des mini-circuits
fermés où les lettres se remplacent l'une l'autre jusqu'à revenir à leur point de départ. Par exemple si A devient B,
B devient C, et C devient A, on obtient le cycle (A B C). En traitant chaque cycle séparément, Turing a pu
énormément réduire le nombre de combinaisons à tester, rendant le problème du déchiffrage beaucoup plus
gérable et rapide.
2. Alan Turing a aussi appliqué la théorie des automates. Cette théorie nous permet de comprendre comment des
machines abstraites, comme sa célèbre Machine de Turing, peuvent effectuer des calculs. La Bombe, la machine
qu'il a conçue pour casser Enigma, peut être vue comme un automate géant : elle testait automatiquement et à
grande vitesse des millions de combinaisons possibles, vérifiant à chaque fois si le message déchiffré semblait
plausible. Cette automatisation a rendu possible une tâche bien trop complexe pour un humain, accélérant
considérablement le décryptage des messages ennemis.
3. Enfin, l'utilisation des statistiques a été cruciale pour le décryptage d'Enigma. Alan Turing a tiré parti du fait que
chaque langue a une fréquence d'apparition de ses lettres et de certaines paires de lettres (comme le 'E' ou le 'TH'
en anglais). Après chaque essai de décryptage, elle analysait si le texte obtenu présentait des fréquences de lettres
qui correspondaient statistiquement à la langue cible, l'allemand. Si c'était le cas, la configuration était jugée plus
plausible. Cette approche statistique a permis de filtrer rapidement les milliards de combinaisons impossibles,
concentrant les efforts de la Bombe sur les pistes les plus probables et accélérant énormément la découverte du
bon réglage quotidien.
Ainsi, Turing a usé de multiples moyens mathématiques pour déchiffrer cette machine et réaliser cet exploit.
CONCLUSION :
Pour conclure, les mathématiques ont été au cœur d’un enjeu décisif de la Seconde Guerre mondiale : le chiffrement et le
déchiffrement des communications militaires. Grâce à Enigma, les Allemands ont pu créer un système presque inviolable,
fondé sur des principes de permutation, de combinatoire et de cryptographie. Mais c’est aussi par les mathématiques que
ce système a été vaincu. Alan Turing a utilisé des cycles de permutations, la théorie des automates, et des analyses de
probabilités pour guider les recherches vers les solutions les plus plausibles.
Toutefois, sans les failles humaines comme l’envoi quotidien de messages prévisibles contenant des mots récurrents, la
Bombe n’aurait jamais été aussi efficace. Cela nous rappelle que même les systèmes les plus sophistiqués peuvent être
vulnérables face à l’erreur humaine. Aujourd’hui encore, cette leçon résonne dans le domaine de l’intelligence artificielle :
malgré la puissance des algorithmes, ils reposent toujours sur les données qu’on leur fournit et sur les failles de ceux qui
les utilisent ou les conçoivent. Ainsi, ce conflit a montré que les mathématiques peuvent être à la fois un outil de destruction
et de libération, selon l’usage que l’on en fait. Merci de m’avoir écouté.