Lettre de Jnaneshvar à Changadeva : Spiritualité et Unité

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CHANGADEV PASASHTI (LETTRE À CHANGADEVA)
JNANESHVAR
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Ce qui suit est la traduction d’une lettre que Jnaneshvar a écrite à un yogi, Changadeva. Elle
contient succinctement toute la vision globale de Jnaneshvar concernant la Vérité. Elle est
remplie de compassion et d’amour à l’égard de Changadeva que Jnaneshvar désigne comme
égal à et synonyme de la Réalité ultime, le Soi. C’est un document rare et magnifique qui
révèle la personnalité charmante et la vision sans défaut d’un grand être qui s’était
complètement fondu dans le Soi universel et identifié à Lui.
1. Salutations au Seigneur de la totalité
2
Caché dans l’univers visible.
Il est Celui qui fait apparaître cet univers,
Et Celui qui le fait disparaître.
2. S’Il est révélé, l’univers disparaît ;
S’Il est caché, l’univers resplendit,
Et cependant, Il ne se cache, ni ne se révèle,
Etant toujours présent à nous à chaque instant.
3. Peu importe combien l’univers paraît diversifié et varié,
Il demeure immuable et inchangé,
Comme on peut s’y attendre,
Puisqu’Il est toujours Un et sans second.
4. Même si l’or peut prendre la forme de beaucoup d’ornements,
Son essence ne change jamais ;
Pareillement, Il ne change jamais,
Même si l’univers contient une pléthore de formes variées.
5. Les ondulations à la surface d’un étang
Ne peuvent pas masquer l’eau ;
Cet univers aux formes multiples
Peut-il cacher le Soi ?
6. L’élément terre n’est pas caché
Par l’immensité de la planète Terre ;
Pareillement, Il n’est point caché
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Jnaneshvar est un poète mystique indien du 13ème siècle (1271-1296). A noter la jeunesse de Jnaneshvar qui
avait tout juste une vingtaine d’années, quand il a rédigé cette lettre, et qui s’adressait à un yogi très réputé,
beaucoup plus âgé que lui (celui-ci aurait pu être son père ou son grand-père et comptait de nombreux
disciples.)
2
Dans la langue marathe d’origine, Jnaneshvar s’adresse à Changadeva en utilisant les termes ‘’Sri Vateshvar’’,
un surnom de Changadeva et un nom de Dieu. Son intention est d’immédiatement ‘’élever’’ Changadeva au
statut de pur Soi en déracinant par là son identification à la forme limitée.
Par l’immensité de l’univers.
7. La lune en haut n’est point cachée
Par sa splendeur plénière,
Ni le feu,
Par ses flammes bondissantes et crépitantes.
8. L’ignorance ne produit pas la séparation
Entre celui qui perçoit et ce qui est perçu ;
Vraiment, tout est Lui-même,
Il est la cause de tout.
9. Que l’on parle d’une chemise ou d’une blouse,
Seuls les noms changent.
Il est clair que toutes les deux
Ne sont que du coton.
Quoique l’on appelle par des noms différents
Différents types de pots en terre cuite,
Leurs couleurs variées ne peuvent cacher
Le fait que tous sont composés de terre cuite.
10. La condition de la séparation
N’existe pas chez celui dont la vision est limpide.
Il demeure seul au sein de toute cette dualité.
Pour lui, celui qui perçoit et ce qui est perçu sont un.
11. Bien que différents types d’ornements possèdent des noms différents,
Tous sont composés d’or ;
Même si un corps possède plusieurs membres différents,
Son unité n’est pas dérangée.
12. La seule pure Conscience devient toutes choses
Depuis les dieux, en haut, jusqu’à la Terre, ici-bas.
On peut considérer les objets comme purs ou impurs,
Mais l’océan de la Conscience toujours pur
Est à jamais tout ce qu’il y a.
13. Même si les ombres sur un mur sont toujours mobiles,
Le mur lui-même reste stable et immobile.
Similairement, les formes de l’univers prennent forme
Dans la Conscience éternelle et immuable.
14. Le sucre brun reste du sucre brun,
Même si on peut le mouler en de nombreuses formes ;
De même, l’océan de la Conscience reste toujours le même,
Bien qu’il devienne toutes les formes de l’univers.
15. Divers vêtements de modèles variés
Sont fabriqués à partir du coton ;
De même, les multiples formes de l’univers
Sont diversement constituées à partir de la Conscience
Qui demeure toujours immaculée.
16. La Conscience demeure toujours dans son état immaculé,
Elle n’est pas affectée par des sentiments de peine ou de joie ;
Même si Elle peut soudainement prendre conscience d’Elle-même,
Son état et son unité restent toujours imperturbables.
17. Le monde perçu vient à exister
Et captive celui qui le perçoit en son sein,
Quand bien même les rayons du Soleil resplendissant
Ne sont qu’un reflet de sa propre éternité.
18. Depuis son propre tréfonds pur et divin,
Elle fait jaillir le monde perceptible ;
Celui qui perçoit, ce qui est perçu et la perception :
Tous les trois constituent la triade éternelle de la manifestation.
19. Dans une pelote de fil solidement enroulé,
On ne peut trouver ni le commencement ni la fin.
Le fil est tellement bien noué
Que l’unité demeure intacte et imperturbable.
Sans la triade de celui qui perçoit, du perçu et de la perception,
La ravissante Conscience pure et primordiale rayonne et luit seule.
20. Même si Elle existe toujours,
Elle ne Se voit que quand ce ‘’miroir’’ est présent,
Autrement, il n’y a pas de vision,
Il n’y a que la conscience d’Elle-même.
21. Sans provoquer la moindre imperfection dans son unité,
Elle Se manifeste substantiellement par cette triade ;
Ces trois-là sont les ingrédients
De la création de l’univers perceptible.
22. Quand le perçu devient manifeste,
Celui qui perçoit vient simultanément à l’existence
Et les yeux sont captivés
Par ce qui paraît être un monde matériel.
23. Avec l’effacement du monde perceptible,
Que peuvent percevoir les yeux ?
Les yeux peuvent-ils avoir une finalité,
Si les objets de la vision ne sont plus là ?
24. Ce n’est qu’en raison de l’existence de ce qui est perçu
Que la perception peut exister ;
Si ce qui est perçu disparaît complètement,
Comment les deux autres seraient-ils alimentés ?
25. Ainsi les trois se dissolvent dans l’unité absolue ;
Alors, seul l’Un existe.
Les trois existent dans le vide imaginaire ;
Seule l’Unité est réelle.
Tout le reste est un rêve.
26. Le visage ne subit aucune distorsion
Avant l’apport du miroir ;
Auparavant, sa forme et sa couleur sont pures et authentiques.
Quelle différence avec le reflet du miroir !
27. Pensant être , dans le miroir,
Le Soi tente de Se voir Lui-même ;
Les yeux sont tout à fait captivés,
Quand le Soi est confronté à son image.
28. Avant le commencement du monde,
Il demeurait dans son propre état,
Au-delà de celui qui perçoit et de ce qui est perçu,
Conscient uniquement de Lui-même.
29. Tel un son, là où il n’y a ni clairon, ni tambour,
Où tel un feu, là où il n’y a pas de combustible à consumer,
Le Soi sans contenu particulier
Restait pur et clair dans son état d’origine.
30. Il est inexprimable et on ne peut Lui parler ;
Par aucun moyen, l’intellect ne peut Le saisir.
Il est toujours parfait et entier
Et Il le restera toujours.
31. La pupille de l’œil ne peut pas se voir elle-même !
Il est vrai qu’elle est l’instrument même de la vision,
Mais elle n’a pas cette capacité.
Similairement, même un yogi autoréalisé ne peut voir le moin.
La Connaissance ne peut pas se connaître Elle-même
Et celui qui perçoit ne peut pas lui-même se percevoir.
32. Là où la Connaissance est parfaite et globale,
L’ignorance ne peut absolument pas exister ;
Alors, comment le désir de se connaître Elle-même
Pourrait-il même apparaître au sein de la Connaissance absolue ?
33. Par conséquent, on devrait L’aborder
Par le silence, en n’étant rien,
Si on veut être libre, omniscient, omniprésent,
Puisque tout pouvoir existe au sein de ce néant.
34. Toutes les Ecritures saintes déclarent
Que la Réalité unique demeure toujours inaltérable ;
Comme l’eau dans les ondulations des vagues,
Cela seul demeure toujours.
35. Ceci est voir, sans objet,
C’est la vision limpide, parfaite et libre,
Qui existe seule, sans rien d’autre.
En Elle, il y a tout et rien.
36. Son existence repose sur la non-existence.
Elle voit, sans aucun objet à voir.
Se réjouit, sans jouir d’aucun objet.
Elle est complète, parfaite en Elle-même.
37. Changadeva, vous êtes un fils de Dieu,
Comme un morceau de camphre issu du camphrier.
Ô Changadeva, je vous prie d’écouter et de prêter attention
A ces paroles que je vous adresse.
38. Le fait que vous prêtiez attention à mes paroles
Est comme ma propre main
Qui accepte d’être serrée par mon autre main,
39. Comme des paroles qui s’entendent elles-mêmes prononcées,
Comme le goût qui se goûte lui-même,
Ou comme un rayon de lumière qui espère éclairer
D’autres rayons déjà lumineux,
40. Comme la tentative d’améliorer de l’or
En le fondant avec de l’or
Ou comme un visage parfait
Qui devient un miroir pour se voir lui-même.
41. Ô Chakrapani, notre conversation ressemblera à ceci,
Lorsque nous nous rencontrerons
A la tentative de voir son propre Soi
En créant un miroir de soi-même,
Ou à la douceur qui essaye avidement de se goûter elle-même.
Sa bouche ne débordera-t-elle pas d’elle-même ?
Il en ira de même en ce qui concerne notre amour mutuel.
42. Oh, mon ami ! Mon cœur se dilate de joie
A la pensée même de vous voir,
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