
URGENCES
2010
co-fondateurs
328
■
URGENCES OBSTÉTRICALES
l’enfant, des médicaments et des techniques utilisés. On ne s’intéressera qu’aux
situations d’analgésie ou d’analgésie-sédation en urgence, donc dans une situa-
tion aiguë et pour une administration de courte durée.
1. Modifications physiologiques lors de la grossesse
Les modifications physiologiques lors de la grossesse sont biologiques, liées à
l’influence des hormones, et mécaniques, liées au développement de l’utérus
gravide
(1)
. Certaines ont un impact direct sur l’analgésie et la sédation en situa-
tion d’urgence.
Sur le plan hémodynamique, le débit cardiaque augmente précocement pour per-
mettre une bonne perfusion placentaire ; ces augmentations atteignent leur maxi-
mum au 2
e
trimestre : débit cardiaque + 50 %, fréquence cardiaque + 25 %,
volume d’éjection systolique + 30 %. Les résistances vasculaires diminuent sous
l’action des prostaglandines. En décubitus dorsal, la compression aortique et surtout
cave inférieure, diminue le débit cardiaque de 20 %. Même asymptomatique chez
la mère, cette compression peut provoquer une hypoperfusion placentaire et une
souffrance fœtale. Le décubitus latéral, ou à défaut l’inclinaison latérale de 15 à
30°, préférentiellement du côté gauche, améliore significativement l’hémodyna-
mique
(2)
. Si cette installation ne peut être réalisée, il convient de repousser
manuellement en permanence l’utérus vers la gauche
(3)
. À terme, la circulation
utérine représente 10 % du débit cardiaque passant de 6 à 300 ml/min pour
chaque artère utérine au cours de la grossesse. Elle n’est pas autorégulée et dépend
directement de la pression artérielle maternelle
(4)
. Les alpha-mimétiques (adréna-
line, éphédrine) peuvent détourner tout ou partie du débit placentaire vers la mère
et ne doivent être utilisés qu’en dernier recours, comme sauvetage maternel, afin
d’éviter une détresse circulatoire fœtale
(5)
. La volémie augmente de 35 à 50 % à
terme avec une anémie relative par hémodilution. Il existe une hypercoagulabilité.
Les modifications respiratoires favorisent la survenue d’une hypoxémie. La
consommation d’oxygène augmente (+ 20 % en fin de grossesse). Si la ventila-
tion minute est augmentée par la progestérone (+ 45 % à + 70 % à terme), la
capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) est abaissée (– 20 %) avec une relative
insuffisance respiratoire restrictive due à la compression diaphragmatique par
l’utérus gravide. Cette diminution de la CRF multiplie par 2 la vitesse de décrois-
sance de la PaO
2
en cas d’apnée
(6)
. Toute hypoventilation peut ainsi entraîner
une hypoxémie brutale. Le maintien de la perméabilité des voies aériennes est
rendu plus difficile par les évolutions anatomiques secondaires à la prise de
poids, à l’hyperhémie et à l’œdème de la muqueuse des voies aériennes supé-
rieures et des cordes vocales, y compris en l’absence de pathologie gravidique
telle la pré-éclampsie. L’intubation difficile est reconnue comme 5 à 8 fois plus
fréquente chez la femme enceinte (1/250) en milieu hospitalier
(7)
. Ce risque,
certainement majoré en situation d’urgence notamment extrahospitalière, doit
être intégré à la réflexion sur le choix des techniques d’analgésie-sédation.