
LA POLITIQUE DU DROIT INTERNATIONAL
EAN 978 2 233 00504 5
Editions PEDONE, Paris, 2007
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certainement, son objectif n’est pas d’être perçu comme un philosophe ou un
théoricien du droit, mais avant tout comme un internationaliste s’adressant à
d’autres internationalistes et, ce faisant, il cherche à montrer comment
s’articule et fonctionne notre discours d’internationaliste. Il cherche à donner
un éclairage sur notre pratique qui puisse permettre de mieux l’utiliser et
d’avoir conscience tout autant des limites que des promesses du droit
international. La vision qu’il donne du droit international au cours de ce
recueil est vraiment traversée par ce constant souci de clarification de l’objet
de notre discipline comme étant porteur de promesse, lieu possible
d’émancipation, et en même temps terrain de multiples dérives comme celle
conduisant à faire du droit international cette technique bureaucratique
contemporaine qu’il abhorre.
Avec les travaux de M. Koskenniemi, il me semble que nous sommes les
témoins privilégiés d’une pensée extrêmement forte et lucide de la réalité
langagière et contextuelle du discours internationaliste, mais aussi d’une
pensée qui est toujours en mouvement et qui se met elle-même en doute car
elle n’est pas exempte d’ambiguïtés et de difficultés que l’auteur essaye
toujours de surmonter. C’est ce dont atteste par exemple le nouvel épilogue
adjoint à la réédition de From Apology to Utopia3. Nous sommes toujours si
enclins à nous répéter une fois que nous avons posé les jalons de notre
première thèse que, souvent, on ne fait par la suite que redire sous une autre
forme ce que l’on a dit initialement. Or, si la pensée de M. Koskenniemi
demeure étroitement conditionnée par son premier ouvrage (et ici sa
première étude) – ou plutôt par le paradigme sur lequel il repose –, on ne
peut qu’admirer la façon dont il chemine sans jamais se sentir limité par
aucune frontière. M. Koskenniemi est un auteur sans frontière, humainement
et intellectuellement, et c’est, je crois, une raison de son incroyable fécondité
et de la mobilité de sa pensée. Quand on lit plusieurs de ses innombrables
travaux, et les études ici rassemblées, on comprend que cet auteur, qui parle
au moins quatre langues, paraît vraiment être à la croisée des trois grandes
traditions dont il a fait les trois piliers de Gentle Civilizer : l’anglo-saxonne,
l’allemande et la française. Ce croisement des traditions et sa familiarité avec
les auteurs étrangers se retrouvent directement dans From Apology à travers
l’innombrable littérature citée mais aussi au coeur même du raisonnement de
l’ouvrage. Car si cet ouvrage reflète sans conteste l’influence des Critical
Legal Studies (CLS) aux Etats-Unis, il le fait en retournant directement à la
3 From Apology to Utopia..., pp. 562-617.