Connaissance de soi et management : Clés pour un leadership efficace

Telechargé par Stellina Conte
Mieux se connaître pour mieux manager
Le 28/03/2022
par Luc Lallemand
Le « command and control » du siècle précédent est mort, vive le « listen and coach ». La crise sanitaire que nous
traversons a indéniablement démontré les vertus pour les managers d’une attitude d’écoute, de réassurance et de
conseil envers leurs collaborateurs. Si beaucoup aspirent à devenir ce « manager-coach » 2.0, la transition ne peut
s’opérer du jour au lendemain : elle nécessite avant tout un travail approfondi sur soi-même et son rapport aux
autres.
Une équipe qui fonctionne, des process efficaces et
des résultats convaincants ne s’obtiennent pas d’un
coup de baguette magique. Comme en musique ou
en cuisine, le leader met en branle toute la machine
pour que l’ensemble fonctionne dans l’harmonie. Et
c’est en identifiant leurs forces et leurs faiblesses
que les meneurs parviennent à les dépasser et
révéler leur orchestre ou leurs équipes dans le
succès.
On observe souvent, notamment dans les
entreprises évoluent des managers à
compétences très techniques, une certaine
réticence de leur part à se laisser coacher par des
professionnels externes, qui n’ont pas une
connaissance concrète de leurs enjeux. Pour
répondre à cette problématique, l’une de mes
collaboratrices a eu l’idée d’identifier des coachs en
interne : des managers de l’entreprise qui libèrent
une partie de leur temps pour coacher d’autres
cadres. On leur propose de devenir des coachs
certifiés, qui suivraient un module d’une trentaine
de jours pour apprendre non seulement à coacher
les autres, mais avant tout à s’apprivoiser eux-
mêmes, à mieux se connaître. En tant que dirigeant,
il m’a semblé naturel de me porter candidat pour
participer au projet pilote, un training, assorti de
plus de 100 heures de pratique avec des clients
externes pour consolider les compétences. Une
expérience fondatrice, qui a transformé mon
rapport aux autres et à moi-même.
Environ 30% des salariés estiment mal se connaître
L’expert en management Eric Delavallée propose un
parallèle intéressant pour décrire le chemin à
parcourir pour devenir un bon manager Il ne suffit
pas d’être manager pour manager », de Eric
Delavallée, L’Expansion Management Review,
2006/4 (N° 123), p. 12-17). Il explique que les
psychologues ont invenle mot de « parentalité »
pour expliquer le processus psychologique par
lequel une personne devient réellement parent à la
naissance de son premier enfant. Pour lui, la même
chose s’applique au management et il existe un
processus psychologique par lequel une personne
devient manager : c’est le terme un peu
jargonneux mais illustratif de « managérialité ».
Nombreux sont les jeunes professionnels que les
écoles de commerce estampillent, tout juste sortis
d’école, comme étant des spécialistes
du management. Pourtant, ce fameux processus de
« managérialité », qu’ils n’ont pas encore pu
éprouver, leur fait souvent défaut. Et c’est bien
normal. Les joies et aussi les drames, l’expérience de
la vie, en somme, année après année, est
irremplaçable, y compris lorsqu’elle apporte des
chocs existentiels et émotionnels majeurs. C’est
précisément cette expérience qui construit la solidité
émotionnelle, la robustesse et la profondeur
humaniste dont nos sociétés multi-crises ont tant
besoin.
Selon une étude parue en 2008 (Observatoire de la
qualité de vie au travail, Actineo), 30% des salariés
estiment mal se connaître et, pire encore, 50%
d’entre eux pensent de pas être authentiques au
travail. Ce manque de relation avec soi-même
entraîne un déficit de confiance ou une relation avec
ses collègues qui peut être altérée. Pourtant, aucune
école n’enseigne ce travail d’introspection, et jamais
un supérieur ne m’a prodigué un tel conseil.
Devenir coach certifié implique un travail colossal
sur soi-même pour mieux se connaître, neutraliser
son propre système de croyances, identifier et
mettre un nom sur ses émotions, se confronter à la
critique et parvenir à un recul et une humilité qui
sont des conditions sine qua non pour analyser les
situations de la meilleure manière possible et
parvenir aux décisions les plus justes. La personne en
processus introspectif est invitée à se poser les
bonnes questions : est-ce que je prends assez de
recul sur chacune des situations présentées ? Suis-je
en permanence débordé, même par les tâches du
quotidien ? Est-ce que je pose les bonnes
questions ? En quoi mes émotions n’affectent-elles
pas exagérément mes capacités d’analyse et de
décision ?
Une libération psychologique de toute l’entreprise
Au-delà, cette « plongée en soi » invite le manager à
« devenir lui-même », et c’est un processus
libératoire pour l’ensemble de la chaîne
décisionnaire. Un manager qui se connaît
raisonnablement invite ses collaborateurs à se
découvrir à leur tour. Chacun dès lors acquiert une
nouvelle légitimité dans son rôle, une nouvelle
confiance en soi. Chacun peut faire confiance à son
capital émotionnel, ses compétences et ses
capacités à prendre les bonnes décisions. Et ainsi
contribuer de manière infinitésimale à la lutte contre
le mal du siècle : des niveaux d’anxiété et de peur
excessifs. La libération psychologique d’une
entreprise est collégiale et cascade idéalement avec
fluidité par la valeur d’exemple. Ce mouvement est
aussi important dans les relations interpersonnelles
au sein d’une entreprise qu’il l’est dans sa
gouvernance. Chaque collaborateur « libéré d’une
partie de lui-même » peut agir avec confiance et
robustesse, éclairer son manager et lui permettre de
prendre les bonnes décisions. Cette dimension
humaine gagnerait à être mieux prise en compte.
J’ai vécu, au cours de mon parcours, une situation de
crise extrême, qui a poussé l’équipe dans ses
retranchements et obligé chacun à être en urgence
permanente sur un temps long. Le drame avait
ébranlé l’entreprise que je dirigeais, mais m’avait
aussi très profondément bouleversé à titre
personnel. Le training que j’ai suivi m’a fait
comprendre que je vivais depuis cette crise dans un
état de tension permanent, dans un état de veille
ininterrompue. Je dormais d’un œil ouvert, sans
même le savoir. J’ai été dans cet état trop longtemps
car je n’avais pas pris le temps d’analyser la façon
dont j’avais vécu ce moment. Je n’étais plus aussi
sincèrement aux autres comme je le voulais, en tous
cas pas dans toutes les dimensions qu’un être
humain complet peut souhaiter l’être. Cette
transformation de moi-même m’a non seulement
permis de sortir de carcans psychologiques dans
lesquels je risquais de m’enliser, mais elle a surtout
constitué une refonte de ma manière d’interagir
avec mes équipes, et de créer un climat de confiance.
Se transformer soi-me avant de transformer son
organisation
L’entreprise ressemble à des poupées russes,
chaque salarié s’imbrique dans un référentiel plus
grand. La place du leader ne peut pas être dans la
mêlée, mais dans le dernier, le plus grand des
référentiels. Il peut s’appuyer sur les strates qui
composent ses équipes, son expérience, son
quotient émotionnel pour répondre à chaque
situation.
Devenir leader est un parcours passionnant qui
nécessite de travailler sur soi-même pour découvrir
le vrai rôle que nous pouvons remplir au sein d’une
équipe, en adéquation et en résonance avec des
besoins sociétaux en pleine mutation. Atteindre
cette connaissance de soi permet d’adapter sa
manière de diriger son entreprise, de se connecter à
ses équipes, de disposer du recul nécessaire pour
s’adapter à chaque situation. C’est la marque de
ceux qui cherchent les conditions optimales
permettant à toutes les originalités individuelles
de devenir une force collective pour l’entreprise. Cela
permet de considérer avec humilité qu’il est bon de
d’abord se transformer soi-même avant de
transformer son organisation.
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