Anticiper et réduire les vulnérabilités des villes côtières tunisiennes face au changement climatique et aux risques naturels : outils et méthodologie Atelier de sensibilisation et de formation des experts et décideurs tunisiens - Tunis, le 10 mai 2012 – Préambule Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre la Direction de l’Urbanisme du Ministère de l’Equipement tunisien, l’Agence de Protection et l’Aménagement du littoral (APAL) et le Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (CMI) pour la promotion d’un modèle de ville durable en Tunisie. Contexte Né d’un partenariat entre plusieurs gouvernements des rives Nord et Sud de la Méditerranée (Liban, Jordanie, Egypte, Tunisie, Maroc, France) et plusieurs institutions financières (Banque mondiale, Banque Européenne d’Investissement, Agence Française de Développement, Caisse des Dépôts et Consignations), le CMI offre une plateforme de dialogue aux acteurs méditerranéens pour le partage de connaissances et de bonnes pratiques en vue de faciliter la convergence des politiques de développement durable dans la région. L’adaptation au changement climatique est un des sujets prioritaires de son pôle urbain. En 2009, la Banque mondiale a lancé une étude sur la vulnérabilité de 4 villes côtières d’Afrique du Nord particulièrement exposées aux impacts du changement climatique et aux désastres naturels: Alexandrie en Egypte, Tunis en Tunisie, Casablanca et le projet d’Aménagement de la Vallée du Bouregreg au Maroc. L’étude avait pour but d’évaluer les vulnérabilités de ces 4 sites face aux impacts potentiels du changement climatique et des risques naturels à l’horizon 2030 (élévation du niveau de la mer, érosion, inondations, stress hydrique, risques sismiques, instabilité des sols et élévation de la température ambiante) et d’élaborer des plans d’action pour l’adaptation au changement climatique et la préparation aux risques naturels mis à disposition des autorités locales. Elle a permis le développement d’une méthodologie pouvant être répliquée dans d’autres villes du littoral méditerranéen. Le CMI est intervenu en appui à la Banque mondiale pour la dissémination des résultats à l’échelle régionale. Par ailleurs, dans le cadre du programme « Développement Urbain Stratégique » du CMI, l’association eGeopolis a développé un outil statistique et cartographique intitulé MENApolis et permettant d’évaluer, de suivre et d’anticiper les dynamiques de l’urbanisation dans différents pays du bassin méditerranéen, et notamment en Tunisie, de 1950 à 2010, ainsi qu’à l’horizon 2030. Ces données, visibles sur des cartographies interactives1 et mises à disposition du public, constituent un outil d’aide à la décision utile aux acteurs du développement urbain. Elles permettent notamment d’anticiper les dynamiques urbaines pour mieux les maitriser, dans une perspective de réduction des vulnérabilités urbaines. Objectifs de la journée d’étude Partant de ces considérations, la Direction de l’Urbanisme du Ministère de l’Equipement, le CMI et l’APAL ont pris l’initiative d’organiser un atelier visant à présenter conjointement la méthodologie développée par la Banque mondiale pour l’évaluation des vulnérabilités urbaines et l’outil MENApolis aux décideurs et experts tunisiens, pour les confronter aux outils en vigueur et discuter de leur possible utilisation dans les autres villes du littoral tunisien. Les objectifs assignés à cette journée d’étude sont donc les suivants : 1) Informer les experts et décideurs tunisiens des instruments existants pour mieux connaitre et maitriser les vulnérabilités des villes côtières ; 2) Permettre aux experts et décideurs tunisiens de se familiariser avec la pratique de ces instruments en vue d’une éventuelle intégration dans les politiques de développement urbain. Public cible La journée s’adressait à l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion des villes côtières tunisiennes. Etaient conviés : - - 1 l’ensemble des municipalités et des gouvernorats côtiers (élus et services techniques); les ministères et directions régionales de l’équipement, de l’environnement, de l’urbanisme et de l’intérieur, etc. ; les établissements publics compétents dans les domaines visés par l’étude : Office National de la Protection Civile, Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation, Caisse de Prêt et de Soutien aux Collectivités Locales, Agence Urbaine du Grand Tunis, Office National de l’Assainissement, Agence National de Protection de l’Environnement, Agence Nationale de Gestion des Déchets, Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux, Centre National de la Cartographie et de la Télédétection, Office National du Tourisme Tunisien, Institut National de la Météorologie, Institut National de la Statistique ; l’Agence Française de Développement et les ONGs environnementales. Lisibles par superposition sur Google Earth & Map Programme 9h00 – 9h30 Ouverture et allocution de bienvenue Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral : introduction des objectifs et attentes de la journée CMI : Rôle du Centre, des programmes urbains et des outils développés. 9h30-12h30 Session 1 – Urbanisation, changement climatique et risques naturels sur le littoral tunisien 9h30-10h15 Présentation des vulnérabilités et des dynamiques d’urbanisation sur le littoral tunisien Bureaux d’études IHE – Géomatix (30 minutes) - Présentation du Littoral Tunisien et de l’outil GIS de la carte de vulnérabilités du littoral E-Geopolis (15 minutes) - Grandes tendances d’urbanisation sur le territoire tunisien : MENApolis montre une urbanisation massive sur le littoral à moyen et long terme accentuant l'exposition des villes côtières aux impacts du changement climatique. 10h15-10h45 Pause café 10h45 - 11h15 : Présentation des outils développés dans le cadre des programmes CMI pour l’étude des vulnérabilités urbaines Intervenants : Représentants d’Egis/Sirus pour l’étude des vulnérabilités urbaines du Grand Tunis. Intervention d’E-Geopolis sur les dynamiques d’urbanisation. Egis Bceom (20 minutes): Présentation générale de la démarche et de la méthodologie employée par le consortium Egis/BRGM/IAU idF pour évaluer les risques, identifier et représenter les vulnérabilités, en situation actuelle et à l’horizon 2030. Présentation sommaire des principales vulnérabilités identifiées sur le Grand Tunis et susceptibles de prévaloir dans les autres villes du littoral tunisien. Difficultés rencontrées par l’équipe dans la conduite de l’étude sur le Grand Tunis, obstacles et opportunités pour l’adoption d’une telle démarche dans les autres villes du littoral tunisien. E-Geopolis (10 minutes): Apport de MENApolis pour projeter la couverture urbaine et anticiper les vulnérabilités urbaines d’ici à 2030 : Présentation de la méthodologie développée par E-Geopolis pour anticiper l’évolution des formes d’urbanisation. Démonstration des applications possibles pour localiser les vulnérabilités urbaines. 11h15 - 12h30 : Débat : retour sur les instruments présentés et sur leurs possibles applications en Tunisie. Modérateur : Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL) Interventions des institutions suivantes: - - Direction Générale de l’Environnement et de la Qualité de la Vie, Ministère de l’Environnement – Présentation de la Stratégie Nationale d’adaptation au Changement Climatique (15 minutes) Direction Générale de l’Aménagement du Territoire, Ministère de l’Equipement – Aménagement du Territoire et Changement Climatique (15 minutes) 12h30-13h45 Déjeuner 13h45-15h45 Session 2 – Analyse des responsabilités institutionnelles et des processus de prise de décision 13h45 – 14h15 : présentation des outils développés pour analyser les responsabilités institutionnelles, délimiter les périmètres d’intervention et hiérarchiser les priorités d’action Egis (20 minutes): Présentation de la méthodologie utilisée pour analyser l’organisation institutionnelle: cartographie des institutions, schéma du cycle des risques, projection des rôles institutionnels à l’horizon 2030 et étude de cas. Présentation des principales conclusions de l’analyse institutionnelle: répartition des compétences, notamment au niveau local, efficacité du cadre réglementaire et organisation de la chaine d’information. Calcul du rapport cout-bénéfices des mesures d’action, hiérarchisation des priorités et implications pour les acteurs concernés. E-Geopolis (10 minutes): Apport de MENApolis sur les implications de l’expansion spatiale sur la délimitation des périmètres administratifs et sur le traitement du risque par les collectivités et administrations. 14h15 – 15h45 Débat avec la salle : quelles priorités pour quels acteurs dans la gestion du risque sur le court, moyen et long terme ? Modérateur : Centre de Formation et d’Appui a la Décentralisation Interventions des institutions suivantes: - Municipalité du Grand Sfax – Gestion institutionnelle et gouvernance du Grand Sfax (15 minutes) - Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral – Présentation du système d’alerte précoce en développement (15 minutes) - Caisse de Prêt et de Soutien aux Collectivités Locales (15 minutes) 15h45 – 16h00 Conclusions et recommandations Synthèse des discussions et priorités d’action en matière de réduction des vulnérabilités sur le littoral tunisien. Cocktail de clôture Tables des Matières PRÉAMBULE 1 PROGRAMME 3 TABLES DES MATIÈRES 6 ALLOCUTIONS D’OUVERTURE 7 Madame Maryse Gautier, Responsable de projets urbains pour la Caisse des Dépôts au CMI 7 SESSION 1 – URBANISATION, CHANGEMENT CLIMATIQUE ET RISQUES NATURELS SUR LE LITTORAL TUNISIEN 8 Vulnérabilités et dynamiques d’urbanisation sur le littoral tunisien 8 Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour l’étude des vulnérabilités urbaines 8 Prise en compte des vulnerabilites urbaines par les institutions tunisiennes 9 Conclusions SESSION 2 – ANALYSE DES RESPONSABILITÉS INSTITUTIONNELLES ET DES PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour optimiser les processus de prise de décision 10 11 11 Retour des institutions tunisiennes sur l’évolution des modes de gouvernance pour une meilleure gestion des agglomérations 12 Conclusions 13 Allocutions d’ouverture Madame Maryse Gautier, Responsable de projets urbains pour la Caisse des Dépôts au CMI Le Centre de Marseille pour l'Intégration en Méditerranée a été conçu comme un réseau de partenariats, un espace de dialogue et d’échange autour des politiques de développement durable en Méditerranée. Crée en 2009, il rassemble des institutions internationales - la Banque Mondiale et la Banque Européenne d'Investissement – et six gouvernements des rives nord et sud de la Méditerranée le gouvernement français, représenté par l'Agence Française de Développement et la Caisse des Dépôts et Consignations, la Tunisie, le Maroc, l'Egypte, le Liban et la Jordanie. L’objectif de ces partenaires est de tendre vers une plus grande intégration régionale et de travailler au renforcement de la gouvernance locale, au développement des économies avancées et à la promotion d’une croissance respectueuse de l'environnement. Dans ce contexte, les programmes urbains que développe le CMI sont particulièrement importants. Adaptation au changement climatique, optimisation des transports urbains, réhabilitation des médinas et renforcement des stratégies de développement des villes sont autant de domaines cruciaux pour le développement de villes résilientes au sud de la Méditerranée. Au sein de ces programmes, certaines activités s’intéressent plus particulièrement aux sources de vulnérabilités urbaines, pour mieux les maitriser. Ainsi, entre 2009 et 2011, le CMI a soutenu la Banque mondiale dans la conduite d’une étude sur les vulnérabilités urbaines face au changement climatique et aux risques naturels dans 4 villes côtières d’Afrique du Nord : Alexandrie, Tunis, Casablanca et la Vallée du Bouregreg au Maroc. Cette étude avait pour but d’identifier les vulnérabilités de ces différents sites et de proposer des plans d’action pour accroitre leur résilience face aux aléas climatiques à l’horizon 2030. Par ailleurs, dans le cadre du programme « Développement Urbain Stratégique » du CMI, l’association e-Geopolis a développé un outil statistique et cartographique intitulé MENApolis qui permet d’anticiper les dynamiques d’urbanisation à l’horizon 2030 dans différents pays du bassin méditerranéen, et notamment en Tunisie. Cet outil permet également de localiser les sources futures de vulnérabilité urbaine pour mieux les prendre en compte dans les politiques de développement urbain. C’est donc l’ensemble de ces outils que nous souhaitons présenter aujourd’hui, dans le but d’encourager la prise en compte des vulnérabilités urbaines dans le développement des villes côtières tunisiennes. Ensemble, nous les confronterons aux outils déjà en vigueur sur le territoire tunisien et discuterons de leur possible utilisation dans les autres villes littorales, toujours dans le but d’accroitre la résilience et la durabilité de ces territoires. Session 1 – Urbanisation, changement climatique et risques naturels sur le littoral tunisien Vulnérabilités et dynamiques d’urbanisation sur le littoral tunisien L’outil MENApolis, développé par des chercheurs de l’Université d’Avignon regroupés au sein de l’association E-Geopolis, est un outil cartographique permettant de projeter les dynamiques d’urbanisation à l’horizon 2030. Il a pour but de fournir une aide à la décision en identifiant les zones urbanisées sur l’ensemble du territoire tunisien et en mettant en exergue l’évolution de cette urbanisation, notamment le long du littoral. Développé dans les 5 pays du sud et de l’est de la Méditerranée membres du CMI (Maroc, Tunis, Egypte, Jordanie, Liban), il permet d’effectuer des comparaisons entre les différents états de la région. La Tunisie se caractérise par une faible densité rapportée aux terres arables au niveau national, mais par une forte densité en milieu urbain. En effet, les villes de plus de 10 000 habitants occupent une faible superficie. Elle fait état d’un nombre important de villes de taille moyenne, Tunis étant relayée par deux agglomérations de taille importante : Sfax et Sousse. L’ensemble de ces agglomérations se situe sur le littoral, qui s’urbanise à mesure que de nouvelles agglomérations apparaissent et que des conurbations se développent. Si cette forte littoralisation du peuplement permet de préserver les terres arables, elle exerce une forte pression sur le littoral et appelle une régulation des pouvoirs publics. Par ailleurs, d’après la carte des vulnérabilités du littoral développée par le bureau d’études IHE Geomatix pour le compte de l’APAL, les côtes les plus fragiles sont aussi les plus urbanisées, et donc les plus vulnérables. La carte des vulnérabilités identifie en effet 5 types de côte : les falaises, les côtes rocheuses basses, les plages, les côtes à marais maritimes et les côtes basses meubles. Les falaises et les côtes rocheuses basses sont les moins fragiles et les moins occupées, donc les moins vulnérables. A l’inverse, les côtes les plus fragiles, comme les plages et les côtes basses meubles, sont également les plus construites, et les plus vulnérables. A terme, les situations les plus délicates seront les parties du littoral urbanisées, sans apport sédimentaire et exposées à un risque de tempête. Sur ces parties, IHE Geomatix recommande de laisser une marge non construite en bord de mer pour permettre à la plage de s’adapter. Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour l’étude des vulnérabilités urbaines Dans le cadre d’un programme d’études sur l’adaptation au changement climatique et la gestion des risques naturels dans les villes côtières d’Afrique du Nord, piloté par la Banque mondiale entre 2009 et 2011, une étude a été réalisée sur les 32 communes qui composent l’agglomération du Grand Tunis, avec pour objectif d’analyser les vulnérabilités de la zone urbaine aux risques naturels et au changement climatique à l’horizon 2030, et de proposer un plan d’adaptation aux communes de l’agglomération afin de réduire cette vulnérabilité. Sous l’effet conjugué du changement climatique et de l’urbanisation, l’étude conclut à un risque accru d’érosion côtière et de submersion marine, d’inondations, de conflits d’usage autour de la ressource en eau et de mouvements de terrain, dus en particulier au phénomène de subsidence. Le secteur le plus vulnérable est clairement celui de la basse ville, entre le port de Tunis et la Médina, qui restera en 2030 un pôle urbain dense, tout en étant soumis à des menaces croissantes en termes d’inondation, de submersion marine et d’instabilité géologique. Certains travaux déjà entrepris permettent de limiter les vulnérabilités de l’agglomération. Ainsi, la construction de protections côtières a permis de ralentir ou de stabiliser le processus d’érosion sur certaines franges du littoral. De même, les aménagements réalisés pour lutter contre les inondations dans certaines parties de la ville comme dans le bassin BardoGueriana ont permis de réduire le risque. Néanmoins, l’aggravation des risques par le changement climatique peut annuler l’effet de ces aménagements, impliquant des travaux de plus grande ampleur pour atteindre un niveau de protection équivalent. Par ailleurs, si le tissu urbanisé présente un potentiel d’urbanisation qui devrait permettre d’accueillir l’excédent de population à l’horizon 2030, il existe un risque important de mitage périurbain, avec apparition de nouvelles taches urbaines dans des zones à risque. En effet, la tâche urbaine a tendance à dépasser les limites naturelles du site (la cuvette de Tunis) pour s’étendre sur les pentes des collines et sur les berges des oueds et des sebkhas, autant de zones exposées aux risques précédemment cités. Pour limiter ces vulnérabilités et accroitre la résilience de l’agglomération, le plan d’adaptation proposé dans l’étude comprend des mesures ayant trait à (i) la planification urbaine, pour réduire l’extension de l’urbanisation dans les zones à risques, (ii) l’organisation institutionnelle, pour mieux coordonner les différents secteurs impliqués dans la gestion d’urgence des crises mais également dans la prévention des catastrophes, et (iii) les infrastructures, pour améliorer la protection des rivages et limiter les risques d’inondations. Les deux premières familles présentent le rapport coût-bénéfices le plus faible, et sont donc considérées comme prioritaires. L’outil MENApolis permet quant à lui d’effectuer une double projection de l’évolution des villes pour orienter la prise de décision : (i) projection démographique, sur la base des scénarios officiels de la population totale (INS), et (ii) projection spatiale, sur la base d’une hypothèse de conservation des formes urbaines dans le temps. L’approche s’appuie sur des données publiques entièrement vérifiables, et part de l’hypothèse que lorsque la population d’une agglomération double, l’étalement urbain triple. En effet, une agglomération ne s’accroît pas seulement par l’augmentation de la population (soldes naturels et soldes migratoires), mais également par étalement et coalescence. L’outil permet ainsi d’encadrer les dynamiques urbaines par des politiques d’aménagement et d’urbanisme réalistes et durables, tenant compte des évolutions démographiques, des risques naturels et des impacts du changement climatique. Prise en compte des vulnerabilites urbaines par les institutions tunisiennes La Direction Générale de l’Environnement et de la Qualité de Vie (DGEGV) du Ministère de l’Environnement a d’abord rappelé les principaux chiffres du changement climatique avancés par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat (GIEC). Ainsi, à l’horizon 2100, la température devrait augmenter de 2.7 degrés et le niveau de la mer de 50 cm. Les régions du sud connaitront des épisodes de stress hydrique. Enfin, la désertification, qui touche déjà 70% du territoire tunisien, devrait s’accentuer. La Direction Générale de l’Aménagement du Territoire du Ministère de l’Equipement a par ailleurs procédé à l’analyse des textes légaux et réglementaires tunisiens pour constater qu’ils couvraient l’ensemble des besoins juridiques nécessaires à la protection des zones sensibles. Néanmoins, la définition des zones sensibles dans les textes se rapporte au domaine écologique. Elle ne couvre pas la question du changement climatique. En outre, alors que les Schémas de Développement intègrent la protection des zones sensibles, ils ne sont pas opposables aux tiers, ce qui réduit leur efficacité. Pour sensibiliser les décideurs locaux et améliorer l’efficacité des mesures de prévention, le Ministère propose donc d’établir une carte des zones inondables et d’intégrer ces données dans des documents de planification opposables aux tiers. Conclusions Après un débat de grand intérêt, les principales recommandations pour une meilleure prise en compte des risques naturels et des impacts du changement climatique dans les politiques urbaines des villes tunisiennes sont les suivantes : développer des activités qui permettront un transfert de savoir faire des experts ayant réalisé les outils précédemment cités vers les villes exposées aux risques ; identifier des zones prioritaires, dont l’exposition aux risques est supérieure à la moyenne et la vulnérabilité importante, pour mettre en œuvre ces activités. Pendant le débat, les villes de Monastir, qui connait des problèmes d’érosion et dont le développement touristique est en plein essor, et de Mahdia ont été citées comme une possibilité ; définir des propositions d’action nationale à partir de la stratégie existante (APAL) et des études réalisées sur le Grand Tunis et sur le littoral. Pour ce faire, il pourrait être intéressant d’établir dès à présent une liste d’actions potentielles et d’institutions responsables pour mettre en place un programme de travail. Session 2 – Analyse des responsabilités institutionnelles et des processus de prise de décision Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour optimiser les processus de prise de décision La deuxième session a porté sur l’analyse des responsabilités institutionnelles et sur les éléments intervenant dans la hiérarchisation des priorités pour l’élaboration des plans d’action et l’optimisation des processus de prise de décision. Pour évaluer les aspects institutionnels, Egis s’est appuyé sur une cartographie des responsabilités et sur l’étude de plusieurs cas spécifiques, comme les inondations de septembre 2003 en Tunisie, qui ont montré les faiblesses du système d’alerte et de l’organisation institutionnelle. Cette analyse a permis au bureau d’études d’avancer des recommandations d’ordre général, comme: la nécessité d’assurer une coordination à différents niveaux, à savoir : au niveau vertical avec un coordinateur central pour les scénarios à déroulement rapide, au niveau horizontal avec d’avantage de concertation pour les scénarios de longue durée à déroulement lent. la nécessité de doter le système de protection civile d’un cadre légal et de moyens matériels et techniques suffisants ; la mise en place d’un organe en charge de la gestion des crises, qui soit capable de créer, de valider, de réaliser ou de modifier des scénarios de catastrophe ; le développement d’un système unique de surveillance ; le renforcement des moyens d’autoprotection, par le biais de programmes d’information et de sensibilisation. Egis a également mené une analyse économique du coût des désastres naturels, ainsi qu’une évaluation du rapport coût-bénéfices des mesures d’adaptation préconisées. L’analyse économique intègre les dommages relatifs aux séismes, aux inondations, aux tempêtes (érosion côtière et submersion marine), à l’augmentation des températures (aspects sanitaires) et à la réduction des ressources en eau, en différenciant la part relative au changement climatique. Elle conclue à un coût de 140 millions DT/an, soit 57 DT/pers/an, imputable aux désastres naturels et au changement climatique à l’horizon 2030 et repartis comme suit : coûts indirects : 40% des coûts totaux, part imputable au changement climatique : 21%, impact sanitaire du changement climatique (malnutrition, maladies diarrhéiques, paludisme) : 30,6 millions DT/an. Les mesures d’adaptation les moins coûteuses et les plus avantageuses sur le long terme sont celles ayant trait à la planification urbaine et à l’organisation institutionnelle. Egis recommande donc de commencer par renforcer les capacités institutionnelles pour la mise en œuvre du plan d’actions. Les mesures de préparation institutionnelle à caractère opérationnel, comme les systèmes d’alerte, sont considérées comme les mesures présentant le meilleur rapport coût-bénéfices. Pour hiérarchiser les priorités, Egis recommande par ailleurs de : se concentrer sur les mesures évitant les situations d’irréversibilité ; établir des synergies entre les actions de réduction des risques et d’adaptation au changement climatique et les investissements et politiques de développement économique répondant aux besoins urgents et immédiats de la population ; bien différencier les mesures de court terme et les mesures de long terme ; conserver une certaine souplesse par rapport aux priorités d’intervention ; explorer de nouvelles formes de financement (assurances, subventions, taxes, …), et mettre en place un régime d’aides incitatif vis à vis des particuliers et des entreprises. Au cours de son intervention, François Moriconi a montré en quoi est-ce que l’outil MENAPolis permettait de mieux cerner les différents processus d’évolution des formes urbaines - étalement, reclassement, absorption et fusion - ainsi que leurs conséquences et leurs implications sur les modes de gouvernance urbaine. L’étude de 3 villes tunisiennes - Tunis, Sousse et Sfax – témoigne de l’importance du phénomène d’étalement urbain en Tunisie, qui engendre la fusion d’agglomérations et pose la question de la gestion intercommunale. Elle met ainsi l’accent sur la nécessité de mettre en place des structures intercommunales pour : améliorer la gouvernance à l’échelle des principales agglomérations ; améliorer la gestion des risques liés au changement climatique. Retour des institutions tunisiennes sur l’évolution des modes de gouvernance pour une meilleure gestion des agglomérations Dans son intervention, M. Riadh Haj Taieb, représentant de la municipalité de Sfax, a montré comment des initiatives comme le projet d’aménagement de Taparura ou le projet SMAP III (Short and Middle Actions Programme) faisaient émerger de nouvelles façons de gouverner la ville. En effet, la mise en œuvre de ces projets implique de fédérer un ensemble d’acteurs autour d’un objectif commun, dans une démarche de concertation participative et itérative. Le projet SMAP III applique les principes de la Gestion Intégrée des Zones Côtières sur le littoral sud du Grand Sfax. Il réunit ainsi une multitude d’acteurs publics et privés (municipalité du Grand Sfax, industries, opérateurs urbains, société civile, etc.) autour d’un objectif commun : la valorisation et la promotion du littoral Sud du Grand Sfax. Cette méthodologie innovante peut constituer un modèle de gestion pour d’autres villes. M. Adel Abdouli, représentant de l’APAL, a ensuite présenté le système d’alerte précoce développé dans le cadre du projet AAP (Africa Adaptation Programme) et a mis l’accent sur l’importance de ce système en matière de protection et de prévention face aux risques liés au changement climatique. Ce système fonctionnera en réseau avec d’autres systèmes d’alerte en Méditerranée, et traitera simultanément les données venant de l’ensemble de ces systèmes. Pour M. Abdouli, la réussite du système d’alerte sera tributaire d’une bonne coordination entre l’APAL et les autres organismes comme l’OTC (Office de la Topographie et du Cadastre) et le CNTC (Centre National de la Topographie et du Cadastre). Au cours du débat, il a également été recommandé d’accélérer la mise en place d’agences d’urbanisme au niveau des grandes agglomérations urbaines, pour penser les problématiques urbaines à une échelle englobant la totalité du tissu urbain, non tributaire des limites administratives. Conclusions En conclusion, il semble clair que la prise en compte des risques naturels et des impacts du changement climatique dans les politiques de développement urbain est étroitement liée à la reforme des modes de gouvernance et de gestion urbaine. L’emprise des risques ne se limitant pas aux limites administratives, leur bonne gestion implique de revoir l’échelle d’intervention des autorités locales, et d’envisager des formes d’intercommunalité dotées des compétences nécessaires. La mise en œuvre de politiques préventives, inscrites dans la durée, implique par ailleurs de mobiliser l’ensemble des acteurs urbains autour d’objectifs établis dans le dialogue et la concertation. Enfin, la prise en compte effective des risques dans les processus de planification et d’aménagement urbains implique de renforcer les capacités des autorités locales en la matière. Cela passe avant tout par une meilleure connaissance des risques, par l’inscription de ces derniers dans les documents de planification urbaine, et par le renforcement de l’arsenal juridique permettant aux autorités locales de faire respecter ces documents. A l’avenir, le rôle du CMI pourrait être d’accompagner le transfert de compétences des villes ayant fait l’objet de projets pilotes vers les villes désireuses d’améliorer leur prise en compte des risques et du changement climatique. Il pourrait notamment contribuer à la mise en œuvre de sessions de formation dans les villes qui en feront la demande.