Anticiper et réduire les vulnérabilités des villes côtières tunisiennes

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Anticiper et réduire les vulnérabilités des villes côtières tunisiennes face au
changement climatique et aux risques naturels : outils et méthodologie
Atelier de sensibilisation et de formation des experts et décideurs tunisiens
- Tunis, le 10 mai 2012 –
Préambule
Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre la Direction de l’Urbanisme du
Ministère de l’Equipement tunisien, l’Agence de Protection et l’Aménagement du littoral (APAL) et le
Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (CMI) pour la promotion d’un modèle de ville
durable en Tunisie.

Contexte
Né d’un partenariat entre plusieurs gouvernements des rives Nord et Sud de la Méditerranée (Liban,
Jordanie, Egypte, Tunisie, Maroc, France) et plusieurs institutions financières (Banque mondiale, Banque
Européenne d’Investissement, Agence Française de Développement, Caisse des Dépôts et
Consignations), le CMI offre une plateforme de dialogue aux acteurs méditerranéens pour le partage de
connaissances et de bonnes pratiques en vue de faciliter la convergence des politiques de
développement durable dans la région. L’adaptation au changement climatique est un des sujets
prioritaires de son pôle urbain.
En 2009, la Banque mondiale a lancé une étude sur la vulnérabilité de 4 villes côtières d’Afrique du
Nord particulièrement exposées aux impacts du changement climatique et aux désastres naturels:
Alexandrie en Egypte, Tunis en Tunisie, Casablanca et le projet d’Aménagement de la Vallée du
Bouregreg au Maroc.
L’étude avait pour but d’évaluer les vulnérabilités de ces 4 sites face aux impacts potentiels du
changement climatique et des risques naturels à l’horizon 2030 (élévation du niveau de la mer, érosion,
inondations, stress hydrique, risques sismiques, instabilité des sols et élévation de la température
ambiante) et d’élaborer des plans d’action pour l’adaptation au changement climatique et la
préparation aux risques naturels mis à disposition des autorités locales. Elle a permis le développement
d’une méthodologie pouvant être répliquée dans d’autres villes du littoral méditerranéen. Le CMI est
intervenu en appui à la Banque mondiale pour la dissémination des résultats à l’échelle régionale.
Par ailleurs, dans le cadre du programme « Développement Urbain Stratégique » du CMI, l’association eGeopolis a développé un outil statistique et cartographique intitulé MENApolis et permettant d’évaluer,
de suivre et d’anticiper les dynamiques de l’urbanisation dans différents pays du bassin méditerranéen,
et notamment en Tunisie, de 1950 à 2010, ainsi qu’à l’horizon 2030. Ces données, visibles sur des
cartographies interactives1 et mises à disposition du public, constituent un outil d’aide à la décision utile
aux acteurs du développement urbain. Elles permettent notamment d’anticiper les dynamiques
urbaines pour mieux les maitriser, dans une perspective de réduction des vulnérabilités urbaines.

Objectifs de la journée d’étude
Partant de ces considérations, la Direction de l’Urbanisme du Ministère de l’Equipement, le CMI et
l’APAL ont pris l’initiative d’organiser un atelier visant à présenter conjointement la méthodologie
développée par la Banque mondiale pour l’évaluation des vulnérabilités urbaines et l’outil MENApolis
aux décideurs et experts tunisiens, pour les confronter aux outils en vigueur et discuter de leur possible
utilisation dans les autres villes du littoral tunisien.
Les objectifs assignés à cette journée d’étude sont donc les suivants :
1) Informer les experts et décideurs tunisiens des instruments existants pour mieux connaitre et
maitriser les vulnérabilités des villes côtières ;
2) Permettre aux experts et décideurs tunisiens de se familiariser avec la pratique de ces
instruments en vue d’une éventuelle intégration dans les politiques de développement urbain.

Public cible
La journée s’adressait à l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion des villes côtières tunisiennes.
Etaient conviés :
-
-
1
l’ensemble des municipalités et des gouvernorats côtiers (élus et services techniques);
les ministères et directions régionales de l’équipement, de l’environnement, de l’urbanisme et
de l’intérieur, etc. ;
les établissements publics compétents dans les domaines visés par l’étude : Office National de la
Protection Civile, Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation, Caisse de Prêt et de
Soutien aux Collectivités Locales, Agence Urbaine du Grand Tunis, Office National de
l’Assainissement, Agence National de Protection de l’Environnement, Agence Nationale de
Gestion des Déchets, Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux, Centre
National de la Cartographie et de la Télédétection, Office National du Tourisme Tunisien, Institut
National de la Météorologie, Institut National de la Statistique ;
l’Agence Française de Développement et les ONGs environnementales.
Lisibles par superposition sur Google Earth & Map
Programme
9h00 – 9h30
Ouverture et allocution de bienvenue
 Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral : introduction des objectifs et attentes de la
journée
 CMI : Rôle du Centre, des programmes urbains et des outils développés.
9h30-12h30 Session 1 – Urbanisation, changement climatique et risques naturels sur le littoral
tunisien
9h30-10h15
Présentation des vulnérabilités et des dynamiques d’urbanisation sur le littoral tunisien
 Bureaux d’études IHE – Géomatix (30 minutes) - Présentation du Littoral Tunisien et de
l’outil GIS de la carte de vulnérabilités du littoral
 E-Geopolis (15 minutes) - Grandes tendances d’urbanisation sur le territoire tunisien :
MENApolis montre une urbanisation massive sur le littoral à moyen et long terme
accentuant l'exposition des villes côtières aux impacts du changement climatique.
10h15-10h45
Pause café
10h45 - 11h15 : Présentation des outils développés dans le cadre des programmes CMI pour l’étude
des vulnérabilités urbaines
Intervenants : Représentants d’Egis/Sirus pour l’étude des vulnérabilités urbaines du Grand Tunis.
Intervention d’E-Geopolis sur les dynamiques d’urbanisation.
 Egis Bceom (20 minutes):



Présentation générale de la démarche et de la méthodologie employée par le consortium
Egis/BRGM/IAU idF pour évaluer les risques, identifier et représenter les vulnérabilités, en
situation actuelle et à l’horizon 2030.
Présentation sommaire des principales vulnérabilités identifiées sur le Grand Tunis et
susceptibles de prévaloir dans les autres villes du littoral tunisien.
Difficultés rencontrées par l’équipe dans la conduite de l’étude sur le Grand Tunis, obstacles et
opportunités pour l’adoption d’une telle démarche dans les autres villes du littoral tunisien.
 E-Geopolis (10 minutes):

Apport de MENApolis pour projeter la couverture urbaine et anticiper les vulnérabilités urbaines
d’ici à 2030 : Présentation de la méthodologie développée par E-Geopolis pour anticiper
l’évolution des formes d’urbanisation. Démonstration des applications possibles pour localiser
les vulnérabilités urbaines.
11h15 - 12h30 : Débat : retour sur les instruments présentés et sur leurs possibles applications en
Tunisie.


Modérateur : Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL)
Interventions des institutions suivantes:
-
-
Direction Générale de l’Environnement et de la Qualité de la Vie, Ministère de
l’Environnement – Présentation de la Stratégie Nationale d’adaptation au Changement
Climatique (15 minutes)
Direction Générale de l’Aménagement du Territoire, Ministère de l’Equipement –
Aménagement du Territoire et Changement Climatique (15 minutes)
12h30-13h45
Déjeuner
13h45-15h45 Session 2 – Analyse des responsabilités institutionnelles et des processus de prise de
décision
13h45 – 14h15 : présentation des outils développés pour analyser les responsabilités institutionnelles,
délimiter les périmètres d’intervention et hiérarchiser les priorités d’action
 Egis (20 minutes):



Présentation de la méthodologie utilisée pour analyser l’organisation institutionnelle:
cartographie des institutions, schéma du cycle des risques, projection des rôles institutionnels à
l’horizon 2030 et étude de cas.
Présentation des principales conclusions de l’analyse institutionnelle: répartition des
compétences, notamment au niveau local, efficacité du cadre réglementaire et organisation de
la chaine d’information.
Calcul du rapport cout-bénéfices des mesures d’action, hiérarchisation des priorités et
implications pour les acteurs concernés.
 E-Geopolis (10 minutes):
 Apport de MENApolis sur les implications de l’expansion spatiale sur la délimitation des
périmètres administratifs et sur le traitement du risque par les collectivités et administrations.
14h15 – 15h45 Débat avec la salle : quelles priorités pour quels acteurs dans la gestion du risque sur le
court, moyen et long terme ?


Modérateur : Centre de Formation et d’Appui a la Décentralisation
Interventions des institutions suivantes:
- Municipalité du Grand Sfax – Gestion institutionnelle et gouvernance du Grand Sfax
(15 minutes)
- Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral – Présentation du système
d’alerte précoce en développement (15 minutes)
- Caisse de Prêt et de Soutien aux Collectivités Locales (15 minutes)
15h45 – 16h00 Conclusions et recommandations
 Synthèse des discussions et priorités d’action en matière de réduction des vulnérabilités sur le
littoral tunisien.
Cocktail de clôture
Tables des Matières
PRÉAMBULE
1
PROGRAMME
3
TABLES DES MATIÈRES
6
ALLOCUTIONS D’OUVERTURE
7
Madame Maryse Gautier, Responsable de projets urbains pour la Caisse des Dépôts au CMI
7
SESSION 1 – URBANISATION, CHANGEMENT CLIMATIQUE ET RISQUES NATURELS SUR
LE LITTORAL TUNISIEN
8
Vulnérabilités et dynamiques d’urbanisation sur le littoral tunisien
8
Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour l’étude des vulnérabilités urbaines
8
Prise en compte des vulnerabilites urbaines par les institutions tunisiennes
9
Conclusions
SESSION 2 – ANALYSE DES RESPONSABILITÉS INSTITUTIONNELLES ET DES
PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION
Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour optimiser les processus de prise de décision
10
11
11
Retour des institutions tunisiennes sur l’évolution des modes de gouvernance pour une meilleure gestion des
agglomérations
12
Conclusions
13
Allocutions d’ouverture
Madame Maryse Gautier, Responsable de projets urbains pour la Caisse des Dépôts au CMI
Le Centre de Marseille pour l'Intégration en Méditerranée a été conçu comme un réseau de
partenariats, un espace de dialogue et d’échange autour des politiques de développement durable en
Méditerranée. Crée en 2009, il rassemble des institutions internationales - la Banque Mondiale et la
Banque Européenne d'Investissement – et six gouvernements des rives nord et sud de la Méditerranée le gouvernement français, représenté par l'Agence Française de Développement et la Caisse des Dépôts
et Consignations, la Tunisie, le Maroc, l'Egypte, le Liban et la Jordanie.
L’objectif de ces partenaires est de tendre vers une plus grande intégration régionale et de travailler au
renforcement de la gouvernance locale, au développement des économies avancées et à la promotion
d’une croissance respectueuse de l'environnement. Dans ce contexte, les programmes urbains que
développe le CMI sont particulièrement importants. Adaptation au changement climatique, optimisation
des transports urbains, réhabilitation des médinas et renforcement des stratégies de développement
des villes sont autant de domaines cruciaux pour le développement de villes résilientes au sud de la
Méditerranée. Au sein de ces programmes, certaines activités s’intéressent plus particulièrement aux
sources de vulnérabilités urbaines, pour mieux les maitriser.
Ainsi, entre 2009 et 2011, le CMI a soutenu la Banque mondiale dans la conduite d’une étude sur les
vulnérabilités urbaines face au changement climatique et aux risques naturels dans 4 villes côtières
d’Afrique du Nord : Alexandrie, Tunis, Casablanca et la Vallée du Bouregreg au Maroc. Cette étude avait
pour but d’identifier les vulnérabilités de ces différents sites et de proposer des plans d’action pour
accroitre leur résilience face aux aléas climatiques à l’horizon 2030. Par ailleurs, dans le cadre du
programme « Développement Urbain Stratégique » du CMI, l’association e-Geopolis a développé un
outil statistique et cartographique intitulé MENApolis qui permet d’anticiper les dynamiques
d’urbanisation à l’horizon 2030 dans différents pays du bassin méditerranéen, et notamment en Tunisie.
Cet outil permet également de localiser les sources futures de vulnérabilité urbaine pour mieux les
prendre en compte dans les politiques de développement urbain.
C’est donc l’ensemble de ces outils que nous souhaitons présenter aujourd’hui, dans le but d’encourager
la prise en compte des vulnérabilités urbaines dans le développement des villes côtières tunisiennes.
Ensemble, nous les confronterons aux outils déjà en vigueur sur le territoire tunisien et discuterons de
leur possible utilisation dans les autres villes littorales, toujours dans le but d’accroitre la résilience et la
durabilité de ces territoires.
Session 1 – Urbanisation, changement climatique et risques naturels sur le
littoral tunisien
Vulnérabilités et dynamiques d’urbanisation sur le littoral tunisien
L’outil MENApolis, développé par des chercheurs de l’Université d’Avignon regroupés au sein de
l’association E-Geopolis, est un outil cartographique permettant de projeter les dynamiques
d’urbanisation à l’horizon 2030. Il a pour but de fournir une aide à la décision en identifiant les zones
urbanisées sur l’ensemble du territoire tunisien et en mettant en exergue l’évolution de cette
urbanisation, notamment le long du littoral. Développé dans les 5 pays du sud et de l’est de la
Méditerranée membres du CMI (Maroc, Tunis, Egypte, Jordanie, Liban), il permet d’effectuer des
comparaisons entre les différents états de la région.
La Tunisie se caractérise par une faible densité rapportée aux terres arables au niveau national, mais par
une forte densité en milieu urbain. En effet, les villes de plus de 10 000 habitants occupent une faible
superficie. Elle fait état d’un nombre important de villes de taille moyenne, Tunis étant relayée par deux
agglomérations de taille importante : Sfax et Sousse. L’ensemble de ces agglomérations se situe sur le
littoral, qui s’urbanise à mesure que de nouvelles agglomérations apparaissent et que des conurbations
se développent. Si cette forte littoralisation du peuplement permet de préserver les terres arables, elle
exerce une forte pression sur le littoral et appelle une régulation des pouvoirs publics.
Par ailleurs, d’après la carte des vulnérabilités du littoral développée par le bureau d’études IHE
Geomatix pour le compte de l’APAL, les côtes les plus fragiles sont aussi les plus urbanisées, et donc les
plus vulnérables. La carte des vulnérabilités identifie en effet 5 types de côte : les falaises, les côtes
rocheuses basses, les plages, les côtes à marais maritimes et les côtes basses meubles. Les falaises et les
côtes rocheuses basses sont les moins fragiles et les moins occupées, donc les moins vulnérables. A
l’inverse, les côtes les plus fragiles, comme les plages et les côtes basses meubles, sont également les
plus construites, et les plus vulnérables. A terme, les situations les plus délicates seront les parties du
littoral urbanisées, sans apport sédimentaire et exposées à un risque de tempête. Sur ces parties, IHE
Geomatix recommande de laisser une marge non construite en bord de mer pour permettre à la plage
de s’adapter.
Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour l’étude des vulnérabilités urbaines
Dans le cadre d’un programme d’études sur l’adaptation au changement climatique et la gestion des
risques naturels dans les villes côtières d’Afrique du Nord, piloté par la Banque mondiale entre 2009 et
2011, une étude a été réalisée sur les 32 communes qui composent l’agglomération du Grand Tunis,
avec pour objectif d’analyser les vulnérabilités de la zone urbaine aux risques naturels et au changement
climatique à l’horizon 2030, et de proposer un plan d’adaptation aux communes de l’agglomération afin
de réduire cette vulnérabilité.
Sous l’effet conjugué du changement climatique et de l’urbanisation, l’étude conclut à un risque accru
d’érosion côtière et de submersion marine, d’inondations, de conflits d’usage autour de la ressource en
eau et de mouvements de terrain, dus en particulier au phénomène de subsidence. Le secteur le plus
vulnérable est clairement celui de la basse ville, entre le port de Tunis et la Médina, qui restera en 2030
un pôle urbain dense, tout en étant soumis à des menaces croissantes en termes d’inondation, de
submersion marine et d’instabilité géologique. Certains travaux déjà entrepris permettent de limiter les
vulnérabilités de l’agglomération. Ainsi, la construction de protections côtières a permis de ralentir ou
de stabiliser le processus d’érosion sur certaines franges du littoral. De même, les aménagements
réalisés pour lutter contre les inondations dans certaines parties de la ville comme dans le bassin BardoGueriana ont permis de réduire le risque. Néanmoins, l’aggravation des risques par le changement
climatique peut annuler l’effet de ces aménagements, impliquant des travaux de plus grande ampleur
pour atteindre un niveau de protection équivalent.
Par ailleurs, si le tissu urbanisé présente un potentiel d’urbanisation qui devrait permettre d’accueillir
l’excédent de population à l’horizon 2030, il existe un risque important de mitage périurbain, avec
apparition de nouvelles taches urbaines dans des zones à risque. En effet, la tâche urbaine a tendance à
dépasser les limites naturelles du site (la cuvette de Tunis) pour s’étendre sur les pentes des collines et
sur les berges des oueds et des sebkhas, autant de zones exposées aux risques précédemment cités.
Pour limiter ces vulnérabilités et accroitre la résilience de l’agglomération, le plan d’adaptation proposé
dans l’étude comprend des mesures ayant trait à (i) la planification urbaine, pour réduire l’extension de
l’urbanisation dans les zones à risques, (ii) l’organisation institutionnelle, pour mieux coordonner les
différents secteurs impliqués dans la gestion d’urgence des crises mais également dans la prévention
des catastrophes, et (iii) les infrastructures, pour améliorer la protection des rivages et limiter les risques
d’inondations. Les deux premières familles présentent le rapport coût-bénéfices le plus faible, et sont
donc considérées comme prioritaires.
L’outil MENApolis permet quant à lui d’effectuer une double projection de l’évolution des villes pour
orienter la prise de décision : (i) projection démographique, sur la base des scénarios officiels de la
population totale (INS), et (ii) projection spatiale, sur la base d’une hypothèse de conservation des
formes urbaines dans le temps. L’approche s’appuie sur des données publiques entièrement vérifiables,
et part de l’hypothèse que lorsque la population d’une agglomération double, l’étalement urbain triple.
En effet, une agglomération ne s’accroît pas seulement par l’augmentation de la population (soldes
naturels et soldes migratoires), mais également par étalement et coalescence. L’outil permet ainsi
d’encadrer les dynamiques urbaines par des politiques d’aménagement et d’urbanisme réalistes et
durables, tenant compte des évolutions démographiques, des risques naturels et des impacts du
changement climatique.
Prise en compte des vulnerabilites urbaines par les institutions tunisiennes
La Direction Générale de l’Environnement et de la Qualité de Vie (DGEGV) du Ministère de
l’Environnement a d’abord rappelé les principaux chiffres du changement climatique avancés par le
Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat (GIEC). Ainsi, à l’horizon 2100, la température
devrait augmenter de 2.7 degrés et le niveau de la mer de 50 cm. Les régions du sud connaitront des
épisodes de stress hydrique. Enfin, la désertification, qui touche déjà 70% du territoire tunisien, devrait
s’accentuer.
La Direction Générale de l’Aménagement du Territoire du Ministère de l’Equipement a par ailleurs
procédé à l’analyse des textes légaux et réglementaires tunisiens pour constater qu’ils couvraient
l’ensemble des besoins juridiques nécessaires à la protection des zones sensibles. Néanmoins, la
définition des zones sensibles dans les textes se rapporte au domaine écologique. Elle ne couvre pas la
question du changement climatique. En outre, alors que les Schémas de Développement intègrent la
protection des zones sensibles, ils ne sont pas opposables aux tiers, ce qui réduit leur efficacité. Pour
sensibiliser les décideurs locaux et améliorer l’efficacité des mesures de prévention, le Ministère
propose donc d’établir une carte des zones inondables et d’intégrer ces données dans des documents
de planification opposables aux tiers.
Conclusions
Après un débat de grand intérêt, les principales recommandations pour une meilleure prise en compte
des risques naturels et des impacts du changement climatique dans les politiques urbaines des villes
tunisiennes sont les suivantes :



développer des activités qui permettront un transfert de savoir faire des experts ayant réalisé
les outils précédemment cités vers les villes exposées aux risques ;
identifier des zones prioritaires, dont l’exposition aux risques est supérieure à la moyenne et la
vulnérabilité importante, pour mettre en œuvre ces activités. Pendant le débat, les villes de
Monastir, qui connait des problèmes d’érosion et dont le développement touristique est en
plein essor, et de Mahdia ont été citées comme une possibilité ;
définir des propositions d’action nationale à partir de la stratégie existante (APAL) et des études
réalisées sur le Grand Tunis et sur le littoral. Pour ce faire, il pourrait être intéressant d’établir
dès à présent une liste d’actions potentielles et d’institutions responsables pour mettre en place
un programme de travail.
Session 2 – Analyse des responsabilités institutionnelles et des processus de
prise de décision
Outils développés dans le cadre des programmes CMI pour optimiser les processus de prise de
décision
La deuxième session a porté sur l’analyse des responsabilités institutionnelles et sur les éléments
intervenant dans la hiérarchisation des priorités pour l’élaboration des plans d’action et l’optimisation
des processus de prise de décision.
Pour évaluer les aspects institutionnels, Egis s’est appuyé sur une cartographie des responsabilités et sur
l’étude de plusieurs cas spécifiques, comme les inondations de septembre 2003 en Tunisie, qui ont
montré les faiblesses du système d’alerte et de l’organisation institutionnelle.
Cette analyse a permis au bureau d’études d’avancer des recommandations d’ordre général, comme:





la nécessité d’assurer une coordination à différents niveaux, à savoir :

au niveau vertical avec un coordinateur central pour les scénarios à déroulement
rapide,

au niveau horizontal avec d’avantage de concertation pour les scénarios de longue
durée à déroulement lent.
la nécessité de doter le système de protection civile d’un cadre légal et de moyens matériels et
techniques suffisants ;
la mise en place d’un organe en charge de la gestion des crises, qui soit capable de créer, de
valider, de réaliser ou de modifier des scénarios de catastrophe ;
le développement d’un système unique de surveillance ;
le renforcement des moyens d’autoprotection, par le biais de programmes d’information et de
sensibilisation.
Egis a également mené une analyse économique du coût des désastres naturels, ainsi qu’une évaluation
du rapport coût-bénéfices des mesures d’adaptation préconisées. L’analyse économique intègre les
dommages relatifs aux séismes, aux inondations, aux tempêtes (érosion côtière et submersion marine),
à l’augmentation des températures (aspects sanitaires) et à la réduction des ressources en eau, en
différenciant la part relative au changement climatique. Elle conclue à un coût de 140 millions DT/an,
soit 57 DT/pers/an, imputable aux désastres naturels et au changement climatique à l’horizon 2030 et
repartis comme suit :


coûts indirects : 40% des coûts totaux,
part imputable au changement climatique : 21%,

impact sanitaire du changement climatique (malnutrition, maladies diarrhéiques, paludisme) :
30,6 millions DT/an.
Les mesures d’adaptation les moins coûteuses et les plus avantageuses sur le long terme sont celles
ayant trait à la planification urbaine et à l’organisation institutionnelle. Egis recommande donc de
commencer par renforcer les capacités institutionnelles pour la mise en œuvre du plan d’actions. Les
mesures de préparation institutionnelle à caractère opérationnel, comme les systèmes d’alerte, sont
considérées comme les mesures présentant le meilleur rapport coût-bénéfices.
Pour hiérarchiser les priorités, Egis recommande par ailleurs de :





se concentrer sur les mesures évitant les situations d’irréversibilité ;
établir des synergies entre les actions de réduction des risques et d’adaptation au changement
climatique et les investissements et politiques de développement économique répondant aux
besoins urgents et immédiats de la population ;
bien différencier les mesures de court terme et les mesures de long terme ;
conserver une certaine souplesse par rapport aux priorités d’intervention ;
explorer de nouvelles formes de financement (assurances, subventions, taxes, …), et mettre en
place un régime d’aides incitatif vis à vis des particuliers et des entreprises.
Au cours de son intervention, François Moriconi a montré en quoi est-ce que l’outil MENAPolis
permettait de mieux cerner les différents processus d’évolution des formes urbaines - étalement,
reclassement, absorption et fusion - ainsi que leurs conséquences et leurs implications sur les modes de
gouvernance urbaine.
L’étude de 3 villes tunisiennes - Tunis, Sousse et Sfax – témoigne de l’importance du phénomène
d’étalement urbain en Tunisie, qui engendre la fusion d’agglomérations et pose la question de la gestion
intercommunale. Elle met ainsi l’accent sur la nécessité de mettre en place des structures
intercommunales pour :


améliorer la gouvernance à l’échelle des principales agglomérations ;
améliorer la gestion des risques liés au changement climatique.
Retour des institutions tunisiennes sur l’évolution des modes de gouvernance pour une
meilleure gestion des agglomérations
Dans son intervention, M. Riadh Haj Taieb, représentant de la municipalité de Sfax, a montré comment
des initiatives comme le projet d’aménagement de Taparura ou le projet SMAP III (Short and Middle
Actions Programme) faisaient émerger de nouvelles façons de gouverner la ville. En effet, la mise en
œuvre de ces projets implique de fédérer un ensemble d’acteurs autour d’un objectif commun, dans
une démarche de concertation participative et itérative. Le projet SMAP III applique les principes de la
Gestion Intégrée des Zones Côtières sur le littoral sud du Grand Sfax. Il réunit ainsi une multitude
d’acteurs publics et privés (municipalité du Grand Sfax, industries, opérateurs urbains, société civile,
etc.) autour d’un objectif commun : la valorisation et la promotion du littoral Sud du Grand Sfax. Cette
méthodologie innovante peut constituer un modèle de gestion pour d’autres villes.
M. Adel Abdouli, représentant de l’APAL, a ensuite présenté le système d’alerte précoce développé dans
le cadre du projet AAP (Africa Adaptation Programme) et a mis l’accent sur l’importance de ce système
en matière de protection et de prévention face aux risques liés au changement climatique. Ce système
fonctionnera en réseau avec d’autres systèmes d’alerte en Méditerranée, et traitera simultanément les
données venant de l’ensemble de ces systèmes. Pour M. Abdouli, la réussite du système d’alerte sera
tributaire d’une bonne coordination entre l’APAL et les autres organismes comme l’OTC (Office de la
Topographie et du Cadastre) et le CNTC (Centre National de la Topographie et du Cadastre).
Au cours du débat, il a également été recommandé d’accélérer la mise en place d’agences d’urbanisme
au niveau des grandes agglomérations urbaines, pour penser les problématiques urbaines à une échelle
englobant la totalité du tissu urbain, non tributaire des limites administratives.
Conclusions
En conclusion, il semble clair que la prise en compte des risques naturels et des impacts du changement
climatique dans les politiques de développement urbain est étroitement liée à la reforme des modes de
gouvernance et de gestion urbaine. L’emprise des risques ne se limitant pas aux limites administratives,
leur bonne gestion implique de revoir l’échelle d’intervention des autorités locales, et d’envisager des
formes d’intercommunalité dotées des compétences nécessaires. La mise en œuvre de politiques
préventives, inscrites dans la durée, implique par ailleurs de mobiliser l’ensemble des acteurs urbains
autour d’objectifs établis dans le dialogue et la concertation.
Enfin, la prise en compte effective des risques dans les processus de planification et d’aménagement
urbains implique de renforcer les capacités des autorités locales en la matière. Cela passe avant tout par
une meilleure connaissance des risques, par l’inscription de ces derniers dans les documents de
planification urbaine, et par le renforcement de l’arsenal juridique permettant aux autorités locales de
faire respecter ces documents.
A l’avenir, le rôle du CMI pourrait être d’accompagner le transfert de compétences des villes ayant fait
l’objet de projets pilotes vers les villes désireuses d’améliorer leur prise en compte des risques et du
changement climatique. Il pourrait notamment contribuer à la mise en œuvre de sessions de formation
dans les villes qui en feront la demande.
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