Le Congrès de Boulogne

Telechargé par Horace
LE CONGRÈS DE BOULOGNE
Il y a le monde. Il y a les langues. Il y a les textes. Il y a les phrases. Il y a les mots : tant de
maux !
Oui, parce que le monde, il est divisé. Il est en guerre. Les bombes couvrent les paroles.
Les obus éclatent les âmes des hommes. La haine nous aveugle. Et nous, sans cesse, on
se fusille avec les yeux. On se zyeute avec les fusils.
Par contre, on ne se parle pas. De toute façon : à quoi bon ? Même si je parle, moi, lui, il
ne m’écoutera pas Pourquoi ? Parce qu’il ne veut pas. Et surtout parce qu’il ne
comprend pas. Il ne parle pas ma langue. Mais bon ! C’est bête, hein ? mais c’est comme
cela que va la vie. C’est pour cela qu’on tue. Pour cela qu’on assaille. Qu’on rejette.
Harcèle. Assiège. Assomme. Assassine. Pour cela quon met à sang.
Assez !
Oui, parce qu’au bout d’un moment, il y en a marre. Marre des guerres. Marre d’entasser
des migrants au fond de barques trop pleines. Marre des mers. Marre des morts. Et marre
des mots. C’est leur faute, si on est divisés ? Moi, j’ai envie de vous raconter une histoire,
une jolie histoire :
Il était une fois une petite ville. Et, dans cette petite ville, il y avait des hommes et des
femmes qui venaient d’un peu partout : de Pologne, de Russie, des chrétiens, des juifs
Et puis, souvent, ces gens, ils se bagarraient. Parce qu’ils ne saimaient pas. Et parce
qu’ils habitaient tous ensemble dans la ville. Mais, dans la ville, il y avait aussi un petit
garçon.
Le petit garçon, il sappelait Lazare. Il était tout timide. Un peu myope. Et Lazare, lui, il
naimait pas les bagarres. Il préférait le ciel, les étoiles. Elles sont tellement belles, ces
promesses du soir ! Quand il était enn seul sous le ciel et la nuit, il faisait bien attention
à ne pas faire de bruit et il songeait : « Ce serait quand même beau, si papa parlait de
nouveau à M. Kroutchiv. Et si M. Kroutchiv, il n’insultait pas le pasteur. Et si le pasteur, il
venait des fois à la synagogue. Et si… et si tout le monde faisait la paix ? »
Un beau jour, au dîner, il décida de parler de son idée. « Maman, qu’est-ce que tu en
penses ? » « Mais, voyons, Lazare, cest impossible ! » « Et toi, papa ? » « Sois sérieux :
comment veux-tu que cela arrive, on ne parle même pas la même langue ! Et puis,
vraiment, M. Kroutchiv » Alors, Lazare eut un soupir.
Mais, il ne se découragea pas. Il rééchit à ce qu’avait dit son papa. « On na même pas la
même langue… On na même pas la meEt pourquoi pas ? » Une idée avait surgi dans
son esprit. Oui ! Maintenant, c’était clair : si on pouvait réunir des gens qui parlent une
langue commune, universelle, juste, si cette langue devenait un pont entre les nations,
pourquoi est-ce qu’on ne ferait pas la paix… ?
Qu’est-ce que vous en pensez ? Ça, c’est une bonne idée, n’est-ce pas ?
J’en vois qui doutent, là-bas, au fond, à droite ! Qu’est-ce qu’il y a ? Vous n’y croyez pas ?
Vous dites que c’est une chimère de gosse ? Oui, je le concède, ç’en a tout l’air. Mais, je
vais continuer mon histoire, et vous allez voir :
Aujourd’hui, les années ont passé. Une barbe a poussé sur les joues du petit garçon. C’est
un homme, maintenant, mais il est toujours timide, toujours myope, et toujours, il naime
pas les disputes. Dans la salle, il fait chaud.
Lazare est un peu intimidé. Bientôt, il faudra qu’il entre sur scène. Depuis les coulisses, il
entend résonner un doux murmure, dans la salle. Ça lui fait chaud au cœur. Quelle langue
est-ce que cela peut-être ? Nous sommes en France, mais ça nest pas du français.
Lévénement a attiré beaucoup dAnglais, dAllemands, d’Italiens, mais ce nest pas ne
langlais, ni de l’allemand, ni de l’italien. Ni du russe. Ni du polonais. C’est du jamais
entendu. De l’inouï.
« Mesdames et Messieurs, le Docteur Louis-Lazare Zamenhof ! » Alors, lancien petit
garçon chausse ses lunettes. Il froisse un peu le papier est écrit son discours.
Courageusement, il écarte le rideau. Il entre. Grande lumière. Mille paires d’yeux. Silence
d’église. Lazare commence à parler. Il parle. Il parle. Il parle, et ils le comprennent tous.
Le voilà réalisé, son petit rêve de grand fou ! Il dit :
« Ni inter popoloj la murojn detruos,
Kaj ili ekkrakos kaj ili ekbruos
Kaj falos por ĉiam, kaj amo kaj vero
Ekregos sur tero.
1
»
N.B. Depuis le Congrès de Boulogne (1905), des centaines d’espérantistes se
réunissent chaque année dans diérentes villes du monde entier, an de
témoigner de cette langue équitable qui les unit, à travers les frontières, au mépris
des guerres, par l’espoir, pour un monde meilleur
1
Traduction de l’Espéranto : Entre les peuples, nous détruirons les murs, / Et ils se briseront, et ils feront
du bruit / Et tomberont pour toujours, et l’amour et la vérité / Régneront sur terre.
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