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Deuxième récit (Bernard Maillard, Pouvoir et Religion : Les structures socioreligieuses de la
chefferie de Bandjoun(Cameroun)
LA CREATION PAR "SI"
"Au réveil, l'homme vit que tout était déjà là: la terre et la cuvette de pluie, deux immenses
feuilles larges, les herbes, les arbres, les animaux, le soleil, la lune et les étoiles. Tout était réellement
fait. L'homme vivait bien. Il n'avait ni faim ni soif, ni froid ni chaud. II était heureux. La chasse aux
bêtes sauvages constituait sa distraction préférée. Le chien était son fidèle compagnon. Dans son
étonne- ment, l'homme interroge son Père qui lui répondit: "C'est moi qui a fait toutes ces choses ainsi
que toutes les autres".
Lorsque le roi "Si" entreprit un long voyage à pied pour visiter la terre, son atelier, pour revoir
et admirer ses grandes œuvres, pour nourrir et enrichir les créatures, les vallées et les montagnes se
formèrent, les cours d'eau coulèrent, les courants d'air soufflèrent les hommes et les animaux de toutes
sortes accoururent, les oiseaux du firmament chantèrent à l'unisson, les arbres agitèrent leurs feuilles
vertes, les hautes herbes se courbèrent gracieusement. Alors le Dieu "SI", l'Au-dessus des hommes,
rendit toutes ces choses belles et riches.
Pendant que "si", L’Au-dessus des hommes, prenait du repos, à l'ombre du vieil arbre "yam"
qui était entouré de "pfunkan verdoyants, les vagissements des jumeaux se firent entendre tandis que
les oiseaux du firmament égaillaient la nature. Prenant les nouveaux- nés dans ses bras, "Si", l'Au-
dessus des hommes, sourit tendre- ment, les nomma "pomnye pa" et leur dit "Grandissez vite, vous
irez vous aussi travailler dans mon champ fertile. Prospérez, prospérez, toujours". "Si", l'Au-dessus
des hommes, remit ensuite de belles tiges de "pfuekan" entre les mains de "tanye" et de "manye",
parents des jumeaux. Vous reviendrez souvent avec votre descendance me visiter en ce lieu sacré,
précisément au pied de cet arbre sacré "yam", place sainte où j'ai fait tant de grandes choses.
Le temps passa vite. "Tanye" et "manye" oublièrent de rendre visite à leur bon Père "Si". Il se
fâcha contre eux. Pris de colère, le Père "Si" envoya le caméléon et le crapaud leur porter ce message
divin "Puisqu'il en est ainsi, vous verrez, vous mourrez" et depuis lors, la vie subit un changement dans
son cours. Tout n'est plus que lutte. La terre, la cuvette de pluie, les herbes, les arbres et les animaux,
le soleil et la lune et les étoiles sont sans cesse en lutte. Seuls les plus forts en sortent vainqueurs. Déjà
les hommes nais- sent, travaillent et meurent. Le chien ne retrouve plus l'usage de la parole. Toutefois
les jumeaux inspirés et bénis par le Dieu "Si ne meurent pas mais disparaissent. Les Bamiléké se
gardent bien de tuer inutilement le caméléon et le crapaud, tous deux porteurs du message divin. Les
mères de jumeaux font grand usage de "pfuen kan". Les hommes prient et offrent des sacrifices au