Les huit états de tension, combinaison Toby Wilsher et John Wright, nouvelle rédaction

Telechargé par Mélina Fagot
LES HUIT ÉTATS DE TENSION
(Combinaison des approches respectives de Toby Wilsher et John Wright
de l'échelle imaginée par Jacques Lecoq)
1- ÉPUISEMENT
C'est l'état le moins énergétique. Extrême lourdeur dans toutes les parties du corps, et me
dans les muscles du visage. Sensation de pesanteur, prégnance de l'attraction terrestre. Se
redresser ou faire un pas semble extrêmement difficile.
L'idée importante quand on joue cet état, c'est d'avoir un objectif, un désir, une obligation...
très forts : Il faut absolument que je fasse ceci MAIS je suis dans l'incapacité physique de le
faire.
CARACTERISTIQUES : Gravité. Poids dans le bassin.
2- DÉCONTRACTÉ
Sensation de nonchalance, de décontraction. La sensation la plus importante est dans le
bassin qui bascule sans effort d'un côté à l'autre. Les pieds suivent le mouvement. On alterne
les déplacements contractés et les attitudes « jemenfoutistes ». Souvent, dans ces
attitudes, le poids du corps repose sur une seule jambe.
On confond souvent l'état 1 et l'état 2 : Dans le 1 le poids est plus fort que nous. Mais
dans le 2, on a assez d'énergie pour se déplacer, même si on le fait à sa manière,
« doucement le matin, pas trop vite l'après-midi ». Dans l'état 1, si je dois me déplacer, je le
subis totalement. Dans l'état 2, je choisis plutôt de le faire comme je veux.
CARACTERISTIQUES : Le centre moteur est dans le bassin. Fluidité du mouvement.
3- TECHNIQUE (NEUTRE)
Un degré de plus dans la mobilisation énergétique. De l'extérieur, le personnage en état 3
ne donne pas l'impression d'être investi émotionnellement, et chaque séquence termine par
un bref point fixe. Son rapport à l'environnement est « technique ». Le personnage semble
ne dépendre de rien, il procure une sensation de totale maîtrise, sans qu'on puisse deviner
l'histoire de ce personnage, son projet ou son désir. Pas de passé, pas de futur. Laction existe
pour elle-même au moment on l’accomplit. Il n'y a jamais d'hésitation, aucune émotion
n'est perceptible : Le personnage fait ce qu'il a à faire, sans enthousiasme et sans non plus
se plaindre.
CARACTERISTIQUES : Le centre moteur est maintenant à la base de la cage thoracique,
au-dessus du diaphragme. Principe « Mouvement / Stop ».
4- RESPONSABLE
Le niveau 4 mobilise plus d'énergie que le 3, parce que cette fois-ci, le personnage est mu
par un sens des responsabilités. Il met de l'enjeu dans ce qu'il a à faire. De l'extérieur, on a
l'impression que ce personnage a une raison de faire ce qu'il a à faire, qu'il est investi, qu'il
se sent guidé par quelque chose d'important.
Dans l’état 4, on ne donne pas l’impression de chercher quelque chose (ce qui
témoignerait d’une forme d’inquiétude). On doit donner une impression de contrôle.
CARACTERISTIQUES : Même centre moteur, mais avec une notion de vision large,
panoramique (La vision est plutôt monodirectionnelle dans 3), et de contrôle serein.
5- CURIEUX > « IS THERE A BOMB IN THE ROOM »
Ici, les possibilités d'interprétation sont nombreuses, car l'éventail du « 5 » est large. L'état 5
peut s'intituler « Curieux », mais aussi « Oh, c'est amusant », « Papillonner », « En alerte »,
« Il y a un truc bizarre ici, mais quoi ? », « Je dois absolument retrouver mes clefs » ou encore
« Is there a bomb in the room ? ».
Les CARACTERISTIQUES de l'état 5 sont les suivantes :
> L'attention se focalise successivement sur plusieurs points, va d'un point à un autre.
> Le centre moteur se situe à l'extérieur de soi, 30 centimètres devant les yeux, comme si
une chose, puis une autre, puis une autre... attirait notre attention.
> On cherche quelque chose à lextérieur de soi.
Cet état réclame plus d'énergie que le 4 car on subit constamment l'attraction de quelque
chose qui se trouve autour de soi. Mais la gamme est étendue :
- Quelqu'un qui regarderait avec curiosité autour de lui, sous l'effet d'une légère
surprise, ou d'une petite énigme. Par exemple, un patient ou un visiteur médical qui
attendrait seul dans la salle d'attente d'un médecin qu'il n'a encore jamais rencontré et qui
regarderait autour de lui, de çà de là, fixant très momentanément son attention sur les
informations accrochées aux murs, sur les chaises, sur les revues étalées sur la table basse,
etc. Ou quelqu'un qui attendrait son bus et qui regarderait autour de lui, sans s'y attarder,
les micro-événements du quotidien. Ou encore quelqu’un qui chercherait dans le bureau
se trouve le cadeau que ses collègues de travail lui ont préparé et caché.
- Quelqu'un qui rentrerait chez lui et qui sentirait vaguement que quelque chose a
changé, sans parvenir à trouver quoi (Il serait intrigué, en alerte, cherchant la source du
problème, intrigué, en alerte mais pas encore angoissé).
- Quelqu'un qui attend sa fiancée et se rendant compte qu'il a perdu le cadeau qu'il
veut lui offrir, le chercherait partout autour de lui. Ici, l'anxiété commence à monter
(comme si on cherchait la bombe dont on sait qu'elle est cachée dans la pièce l'on se
trouve : On ne panique pas mais on s'active).
- Enfin quelqu’un qui se demanderait si une bombe n’est pas sur le point d’exploser et
la chercherait activement.
Dans cet état de tension, le spectateur a l'impression que quelque chose d'important est sur
le point de se produire, ce dont le personnage est conscient ou pas suivant le degré
d'intensité.
On peut même construire un « build-up » d'intensité de l'état 5 qui soudain, au moment du
climax, bascule dans l'état 6 :
5 > 5+ > 5++ > 5+++ > 5++++ (climax) > 6
Ce qui est important dans l’état 5, cest aussi que le personnage est en contrôle
émotionnel.
6- PANIQUE À BORD !
encore, une multiplicité de traitements possibles : Suivant les situations, cet état peut
s'intituler « Passion », « There is a bomb in the room ! », « Alerte totale ! », « Les invités
arriiiiiiiivent et je n'ai rien de prêt ! », « Je ne contrôle plus rien ! », etc...
La CARACTERISTIQUE de cet état, c'est que quelque chose nous fait reculer, nous tire en
arrière, comme si on fuyait quelque chose qui nous effraierait (quelque chose de matériel
devant nous, mais ça peut aussi être une idée effrayante). Il y a quelque chose de soudain,
suivi d'une perte de contrôle. De l'extérieur, le personnage donne l'impression d'être
désorienté et en proie à une émotion intense. L’idée de fuite et de perte de contrôle est
primordiale : Si je me trouve brusquement devant un danger, un monstre, un individu
dangereux, un feu qui se déclare, je fuis. Si je suis enfermé dans une pièce et qu’un incendie
commence à lécher le bas des portes, ou (moins grave) si la fille que j’aime est en train
d’arriver et que je me sens incapable de gérer la rencontre, je fuis d’un mur à l’autre, je ne
veux pas être ici.
7- ON SE CALME, JE GÈRE
Difficile ici aussi de donner un intitulé satisfaisant : Si je sens que je peux désamorcer la
bombe dont l'explosion est imminente The bomb is about to go off »), si je veux surprendre
un.e ami.e qui ne s'est pas aperçu.e que j'étais là et lui lancer « coucou ! » dans son dos, si
je me retrouve au cinéma à côté de la personne dont je suis amoureux et que je sens que
c'est le moment ou jamais de tenter de lui prendre la main, si je veux vraiment gagner à « Un,
deux, trois, soleil ! », si je suis en train de m'introduire par effraction dans une maison pour
la cambrioler, si je suis, instant par instant, la préparation du footballeur qui s'apprête à tirer
le penalty décisif, si je suis sur le point de placer l'ultime pièce d'un château de cartes, etc...
je suis dans l'état n° 7.
CARACTERISTIQUES : À l'inverse de l'état 6 dans lequel quelque chose me repousse, l'état
7 me tire en avant. On peut dire que le centre moteur se situe sous les pieds Être sur les
charbons ardents »). La mobilisation énergétique est extrême, même si à l'extérieur je peux
paraître calme (James Bond, un duel dans un western...)
Au contraire de l’état 6, le personnage en état 7 est en contrôle émotionnel.
8- RIGOR MORTIS
Cet état se caractérise par l'immédiateté de l'effet qu'il produit et par son caractère définitif :
Si je reprends l'exemple du château de cartes, tant que je progresse dans la difficile
construction de l'édifice, je suis dans l'état 7. Mais si, au moment de placer la dernière carte,
tout s'écroule soudain, je suis instantanément projeté dans l'état 8 : C'est une inspiration
brutale, suivie d'une apnée haute (l'air reste dans les poumons). C'est une émotion tellement
violente qu'elle coupe tous les moyens : C'est pourquoi on ne peut confondre 8 avec 6, car
dans l'état 6 on cherche désespérément une issue, une solution, par des fuites successives.
Dans le 8, tout est soudain perdu : Au moment je vais voler le trésor, la lumière s'allume
et je suis cerné par cinquante hommes en armes. Le footballeur frappe le ballon mais ce
dernier passe au-dessus de la cage. Au moment de l'embrasser, elle m'envoie une claque
devant tout le monde. Je dis du mal du patron devant mes collègues et soudain le patron
ouvre la porte... Etc.
Comme son nom l'indique, Rigor mortis est une réaction qui fige. (Souvent, après un 7,
on passe naturellement à un 8 puis à un 1 : L'espoir est immense, on touche au but [7]... et
soudain tout s'effondre : Sidération [8]. Puis c'est l'accablement, l'épuisement de la volonté
qui renonce, la dépression [1]).
CARACTERISTIQUE : Sidération. Arrêt de la respiration.
Cas particulier : Le début de l'Air du froid (Frost scene) dans King Arthur de Purcell, ou
Macbeth après avoir assassiné le roi Duncan :
Macbeth est projeté dans un état 8 qui dure. Ce n'est pas une bizarrerie, mais un cas
particulier : Macbeth est resté « scotc» à la vision de Duncan assassiné. Cette vision
l'envahit, l'obsède, et désormais il est comme un mort-vivant. Cela renvoie à quelque chose
de plus symbolique, qui rappelle certaines photos de condamnés à mort : On dirait que le
condamné se trouve figé dans cet instant où il voit la mort devant lui.
Le solo du Génie du Froid dans Frost scene semble figé dans une sorte d'épouvante glacée.
Selon moi, la version en voix de haute-contre de Klaus Nomi restitue encore mieux cet effet
que dans la tessiture originale de l’œuvre de Purcell (Voix de basse).
Selon moi, d’une manière générale, l’état 8 envahit tous les personnages tragiques. Le
dépouillement, l’épure, dans la norme tragique tiennent beaucoup à cet élément, et pas
simplement à une exigence de style, de formalisme. Ou plutôt : Le formalisme tragique vient
de la sidération des personnages.
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