Bulletin du Comité d'études historiques et scientifiques de l'Afrique occidentale française Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Comité d'études historiques et scientifiques de l'Afrique occidentale française. Bulletin du Comité d'études historiques et scientifiques de l'Afrique occidentale française. 1934. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. 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Année Couvcrncmcnt Général 1934 de Janvier-Mars TOME XVI1 N° l'Afrique Occidentale Française 1 BULLETIN «J^> du COMITÉ d'ÉTUDES HISTORIQUES et SCIENTIFIQUES l'Afrique Occidentale Française SOMMAIRE · LES MANDING ET LEUR LANGUE l'AJt LABOURET H. Professeur à l'Kcole Nationale des Langues orientales vivantes et à l'Ecole Oiloniale ABONNEMENTS s Fraxce' Colomks Kthangeh PARIS (V) – LIBRAIRIE LAROSE 1 Rue Victor-Cousin 25 fr. 35 fr. Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française Bureau du Comité pour l'année 1934 Président d'honneur M. ROUME, Gouverneur Général Honoraire. Président M. le Gouverneur Général de l'Afrique Occidentale Française. Vice -Présidents MM. CHARTON; Inspecteur Général de l'Enseignement en A. O. F. le Docteur MATHIS, Directeur de l'Institut Pasteur, Dakar. Secrétaire-Archiviste M. Remondet, Professeur au Cours Secondaire, Dakar. Le « Bulletin du Comité d'Etudes historiques et scientifiques de l'Afrique Occidentale Française » étant un organe de libre discussion scientifique, les opinions développées dans les divers articles et notes n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. BULLETIN du Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française Gouvernement Général de l'Afrique Occidentale Française BULLETIN du COMITÉ d ÉTUDES HISTORIQUES et SCIENTIFIQUES de l'Afrique Occidentale Française A.ISÎISIÉE 1934 (Tome x vil) li 11, V r:l f t r1 PARIS V LIBRAIRIE LAROSE 11, HUE VICTOH-COUSIN, 11 1934 INTRODUCTION Depuis plusieurs années, je m'efforce, dans mon enseignement à l'Ecole Coloniale, d'orienter les jeunes administrateurs vers des recherches d'ethnographie pratique. Avec les Missionnaires, ils sont, parmi les Européens vivant dans les territoires d'outre-mer, les mieux placés, à mon avis, pour recueillir des informations utiles sur le pays qu'ils contrôlent, les habitants, les genres de vie, la mentalité, les possibilités d'évolution et de progrès de nos ressortissants. Mais les recherches sur les sociétés attardées ne sauraient s'improviser pour être fécondes, elles doivent être méthodiques, couvrir des champs bien délimités, sérier les problèmes et en découvrir tous les éléments. L'instruction théorique seule ne suffit pas pour atteindre ce but, il faut la compléter par des enquêtes pratiques, convenablement dirigées. L'idéal en pareille matière serait de pouvoir, chaque année, envoyer des équipes choisies travailler pendant quelques mois dans nos Colonies, Pays de protectorat ou Territoires sous mandat. Malheureusement, si « les fonds de missions » des Ministères subventionnent volontiers les entreprises artistiques, littéraires, archéologiques, botaniques, zoologiques ou économiques, ils se décident moins aisément à soutenir les modestes expéditions qui se proposent d'étudier les sociétés de l'empire colonial français et leur transformation. En attendant qu'une conception nouvelle s'impose à ce sujet, il convenait d'intéresser à mes projets d'autres organismes qualifiés. En 1932, j'alertai l'Institut International des Laiigues et Civilisations Africaines qui mettait aussitôt à ma disposition une somme calculée pour me permettre d'enquêter six mois au Sénégal, au Soudan et en Guinée le Ministère de l'Education Nationale, de son côté, me fournissait des ressources pour compléter mon équipement. Enfin, sur ma demande, la Fondation Rockfeller accordait, à un élève de l'Ecole Coloniale, une bourse suffisante pour s'initier, sous ma direction, aux enquêtes sur le terrain. Mon compagnon de voyage, M- N. Leca, diplômé de l'Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes, de l'Institut d'Ethnologie, de plus, licencié ès-lettres a collaboré à mes travaux il s'est livré, en outre, à des recherches personnelles dont les résultats seront publiés plus tard. On trouvera ici une première étude de lui sur les Pêcheurs de Guet N'Dar. Elle groupe les renseignements recueillis dans ce faubourg de SaintLouis pendant sept jours seulement. Sans être parfaite, cette enquête renferme quantité d'informations précieuses et entièrement nouvelles, elle démontre l'excellence de la méthode et la supériorité du spécialiste en pareille matière. Nos recherches ont été grandement facilitées par l'aide éclairée et l'appui qu'ont bien voulu nous accorder M. le Gouverneur Général Brévié, MM. les Administrateurs des colonies, les Membres de l'Enseignement, les Fonctionnaires et les Missionnaires, que nous prions de trouver ici l'expression de notre gratitude. Henbi LABOURET. LISTE DES MEMBRES DU Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française au ier Janvier 1934 10 Bureau du Comité Président d'honneur: M. Roume, Gouverneur Général honoraire, 1, avenue Montaigne, Paris (Ville). Président M. le Gouverneur Général de l'Afrique Occiden- tale Française, Dakar. Vice-Présidents: MM. Charton, Inspecteur Général de l'Enseignement, Dakar. le Docteur Mathis, Directeur de l'Institut Pasteur, Dakar. Secrétaire-Archiviste: M. REMONDET, Directeur du Cours secondaire, Dakar. 2° Commission permanente MM. le Docteur JouENNE, rue Vincens, Dakar. Rougier, Administrateur en chef des Colonies, Direc- teur des Affaires Politiques, Dakar. le Capitaine Saint-Pébon, Chef du Service Géographique, Dakar. WELTER, Chef du Service Météorologique, Dakar. MALAvoY, Chef du Service des Mines, Dakar. le Docteur BLANCHARD, Directeur de l'Ecole de Médecine, Dakar. MM. le Colonel Rottier, Chef du Cabinet Militaire du Gou- verneur Général, Dakar, HAUMANT, Administrateur des Colonies, Direction des Finances, Dakar. le Lieutenant-Colonel Romatet, Commandant l'Aéronautique, Dakar. Bardou, Inspecteur Général de l'Agriculture, Dakar. CURASSON, Inspecteur Général des Services Vétérinaires, Dakar. Membres correspondants en Afrique Occidentale Française 3<> MM. le Capitaine ABEILLE, bataillon N° 6, Haute-Volta. le Docteur ARMSTRONG, Chef du Service d'Hygiène de la circonscription de Dakar. ARNAUD, 'Administrateur en Chef des Colonies, 31, boulevard Saint-Saëns, Alger. Assomption, Chef du Service de l'Enseignement, à Bamako. A. AUBERT, Administrateur des Colonies, Bingerville (Côte d'Ivoire). Aujas, Administrateur des Colonies. BARTHABURRU, Ingénieur agronome, Chef du Service agronomique du coton, à Ségou. Bélime, Directeur de l'Office du Niger, à Ségou. Brevie, Gouverneur Général de l'A. 0. F., Dakar. Carbou, Administrateur en Chef des Colonies. Cazanove, Inspection Générale du Service de Santé, Ministère des Colonies, Paris. CHARDY, Ingénieur en Chef des Travaux publics, Directeur du chemin de fer de Dakar au Niger, Dakar. Chéron, Administrateur en chef des Colonies, Abidjan (Côte d'Ivoire). CHERUY, Administrateur en Chef des Colonies, Conakry (Guinée). Colomhani, Administrateur en Chef des Colonies, Natitingou (Dahomey). R. Corrot, Administrateur-Adjoint des Colonies (Altkirch (Haut-Rhin). Demougeot, Administrateurdes Colonies, Direction des Affaires Economiques, Dakar. Dim-Delobsom, Services Financiers, Ouagadougou (Côte d'Ivoire). MM. Dugay-Clédor, Président du Conseil Colonial, Saint- Louis (Sénégal). Dupuis Yacouba, Adjoint Principal des Services Civils, Tombouctou (Soudan). le Commandant Fauchon, Rufisque, FROGER, Administrateur des Colonies, Maradi (Niger). GAILLARD, Administrateur adjoint des Colonies, 162, Boulevard Montparnasse, Paris. Geismar, Administrateur en Chef des Colonies, 1, rue Alphonse-Daudet, Paris (XVl*), Jacquier, Administrateur en Chef des Colonies, Bouaké (Côte d'Ivoire). P. LAFORGUE, Administrateur des Colonies, Gouvernement de la Mauritanie (Saint-Louis). le R. P. Laplagne, Kissidougou (Guinée). Mgr. LEMAITRE, Evêque, Ouagadougou (Haute-Volta). A. de LOPINOT, Administrateur des Colonies, Niamey (Niger). Mahé, Ingénieur des Travaux Publics, Inspection Gé- nérale, Dakar. Mallamairc, Directeur du Laboratoire de La Mé, par Bingerville (Côte d'Ivoire). Mamby-Sidibé, Instituteur à Niafunké (Soudan). Mapaté Diagne, Instituteur a Sedhiou (Casamance). MARCHAND, Chef du Service Agronomique du Coton, Ségou (Soudan). MoussA TRAVELE, Interprète principal, Bamako (Soudan). R. Portèkes, Ingénieur d'Agronomie Coloniale, Bingerville (Côte d'Ivoire). RoussEAu, Professeur d'Histoire et de Géographie, au Lycée de Saint-Louis (Sénégal). Mgr. Steinmetz, Evêque du Dahomey Porto-Novo. Thizy, Administrateur adjoint des Colonies, Conakry, (Guinée). VITALIS, Inspecteur d'Agriculture, Goundam (Soudan). 1° Membres correspondants hors des Colonies du Groupe de l'Afrique Occidentale Française MM. ARDANT DU Picq, 15 bis, rue Rousselet, Paris (VIIe). A. BERNARD, Professeur à la Sorbonne, 10, rue Decamps, Paris. le Docteur Bouet, 30, rue Lacroix, Paris. MM. E. BOURGEOIS, Professeur à la Sorbonne. Paris (Ve). Bouvier, Membre de l'Institut, Professeur au Muséum, 55, rue de Buffon, Paris. le Docteur BRAU, Médecin principal des troupes coloniales, 26, allées du Plateau, Le Raincy (Seine). Chabanaud, Correspondant du Muséum d'Histoire naturelle, 8, rue des Ecoles, Paris (Ve). A. Chevalier, Docteur ès-sciences naturelles, 14, boulevard Saint-Marcel, Paris (Ve). R. P. CONSTANTIN (Pères Blancs), Maison Carréi (Algérie). DARESTE, Directeur du « Recueil de Législation et Jurisprudence^Coloniales», 41,|ruede la Bienfaisance, Paris. Deherain, Conservateur de la Bibliothèque de l'Institut, 3, rue Mazarine, Paris (VIe). Delavignette, Administrateur des Colonies, Agence Economique de l'A. 0. F., 159, boulevard Hauss- mann, Paris. le Docteur DELORME, Directeur de l'Institut Pasteur de Kindia (Guinée Française). Destaing, Professeur à l'Ecole des Langues Orientales, 2, rue de Lille, Paris (VIIe). Devaux, Secrétaire Général de la Rédaction des «Annales Coloniales », 34, rue du Mont-Thabor, Paris (Ier). Duciïêne, Président du Conseil d'Administration de la Banque de l'A. O. F., 38, rue La Bruyère, Paris. Etesse, Ingénieur agronome, Ministère des Colonies, 27, rue Oudinot, Paris (VIIe). Faughère, Inspecteur Général de l'Agriculture, Tananarive (Madagascar). FAURE, Archiviste départemental, Lyon (Rhône). Froidevaux, Secrétaire de la Société de l'Histoire des Colonies, 37, rue d'Angiviller, Versailles. Furon, Docteur ès-sciences, 87, boulevard de Lorraine, Clichy. GADEN, Gouverneur des Colonies en · retraite, Saint- Louis (Sénégal). E.-F. GAUTIER, Professeur à l'Université, Institut de Géographie de la Faculté des Lettres, Alger. le Docteur GAVAUDAN, 11, rue Mairan, Béziers (Hé- rault). GERMAIN, Docteur ès-sciences naturelles, Sous-Directeur au Laboratoire de Malacologie au Muséum, 55, rue de Buffon, Paris (Ve). MM. Girard, Professeur à l'Institut Agronomique, 16, rue Claude-Bernard, Paris (5e). GRUVEL, Professeur d'Histoire naturelle au Muséum, 57, rue Cuvier, Paris. Giraud, Gouverneur, Directeur de l'Agence Economique de l'Afrique Occidentale Française, 159, boulevard Haussmann, Paris. le Gouverneur Général de Madagascar, Tananarive. Hardy, Recteur de l'Académie d'Alger, Facultés, Alger. le Docteur Heckenroth, Médecin principal des Troupes coloniales, Professeur à l'Ecole d'Application du Service de Santé colonial, Marseille. Y. HENRY, Inspecteur Général de l'Agriculture, Hanoi (Indochine). M"6 HOMBURGER, 18, rue Duban, Paris (XVIe). MM. H. HUBERT, Ingénieur, Inspecteur général du Service météorologique Colonial, 5, rue Raynouard, Paris (XVIe). Humblot, Inspecteur des Colonies en retraite, 12, rue Dupont-de-l'Eure, Paris (XXe). G. JosEPH, Gouverneur, Ministère des Colonies, 27, rue Oudinot, Paris (VIIe). JoucLA, Directeur Honoraire du Ministère des Colonies, La Redorte (Aude). JULIEN, Gouverneur Honoraire des Colonies, 116, rue Lecourbe, Paris. JUMELLE, Professeur à la Faculté des Sciences, Directeur du Musée Colonial, rue de Noailles, Marseille. Labouret, Administrateur en chef des Colonies, Professeur à l'Ecole Nationale des Langues orientales vivantes et à l'Ecole Coloniale, 1, rue Vallier, Levallois (Seine). Lacroix, Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences, 23, rue Jean-Dolent, Paris (XIVe). LEMMET, Ingénieur agronome; Chef du Service agricole des territoires du Sud de l'Algérie, 21, rue JeanMacé, Alger (Algérie). LEMoiNE, Docteur ès-seiences naturelles, 61, rue de Buffon, Paris (Ve). LEVY-BRFJHL, Professeur à la Sorbonne, 7, rue Lincoln, Paris (VIIIe). Lugiani, Directeur des Affaires Indigènes, EI-Biar, (Algérie). Màchat, Professeur au Lycée Buffon, boulevard Pasteur, Paris (XVe). le Général MANGEOT, Commandant la 2e brigade, Bac-Ninh (Tonkin). MM. le Gouverneur, Commissaire de la République, Yaoundé (Cameroun). Martineau, Gouverneur des Colonies. 8, boulevard Flandrin, Paris (XVIe). DE Martonne (Colonel), villa Borriglione, avenue Santa-Fior, Nice. Paul MARTY, Chef de la Section d'Etat, Résidence Générale, Tunis. Menegaux, Assistant au Muséum, 10, Impasse de l'Yvette, Bourg-la-Reine. Merlin, Gouverneur Général honoraire, 14, rue SaintPierre, Neuilly-sur-Seine. Merwart, Trésorier-payeur. MESNIL, Professeur à l'Institut Pasteur, 26, rue Dutot, Paris (XV°). MEUNIER, Géographe au Ministère des Colonies, 12, Villa Poirier, Paris (XVe). Monod (ThO> Assistant au Muséum, 57, rue Cuvier, Paris (Ve). Monod (J .>.). Chef de Service de l'Enseignement de en retraite, Place Clémenceau, à Menton. MONTEIL, Receveur des Finances, Epernay (Marne). Monteilhet, Directeur-adjoint de l'Office National du Commerce Extérieur, 22, Avenue Victor-Emmanuel-III, Paris (VIII''). Olivier, Gouverneur Général des Colonies, 31, avenue Henri Martin, Paris (XVIe). le Docteur PELLEGRIN, Sous-Directeur de Laboratoire au Muséum d'Histoire naturelle, 1, rue Vauquelin, 0. F., Paris (Ve). PERROT, Professeur à la Faculté de Pharmacie, avenue de l'Observatoire, Paris (VIe). Pobéguin, Gouverneur honoraire des Colonies, 6, allées Saint-Paulin, La Varenne-Saint-Hilaire(Seine). Prouteaux, Administrateur en Chef des Colonies, 1, rue Saint-Paul, Poitiers. RAVENEAU, ancien délégué du Gouverneur, Secrétaire des « Annales de géographie », 76, rue d'Assas, Paris. REGELSPERGER, publiciste, 8, rue Lesson, Rochefortsur-Mer (Charente-Inférieure). ROUBAUD, Docteur ès-sciences naturelles, 96, rue Falguière, Paris. RouLE, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle, 57, rue Cuvier, Paris. MM. Roussier, Archiviste au Ministère des Colonies, 8, rue Dupont des Loges, Paris (VIIe). SALENC, Directeur du Collège Musulman, Fez (Maroc). Santoni, Administrateur des Colonies, 19, boulevard Brune, Paris. le Docteur Edmond SERGENT, de l'Institut Pasteur d'Algérie, Alger. Spitz, Administrateur en Chef des Colonies, 14 bis, rue Oudinot, Paris VIIe. le R. P. Constant Tastevin, Professeur d'Ethnologie à l'Institut Catholique, 30, rue Lhomond, Paris. Tauxiër, Administrateur des Colonies en retraite, 19, rue Bourbaki, à Adamville, par Saint-Maur-desFossés. VAN GENNEP, Directeur de l'Institut Ethnographique, Bourg-la-Reine. le Docteur VERNEAU, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle, 61, rue Buffon, Paris. Vuiixet, Inspecteur Général de l'Agriculture en retraite, Collet-de-Gipon, route de la Garde, Toulon. Widal, Avocat à la Cour d'Appel, 76, avenue de Suffren, Paris. Zimmerman, Professeur de Géographie à la Faculté des Lettres, Lyon. le Directeur de l'Institut Agronomique, 16, rue ClaudeBernard, Paris. LES MANDING ET LEUR LANGUE PAR H. LABOURET PROCESSEUR A t'ÉCOtE NATIONALE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES ft a l'École coloniale i TABLE DES MATIÈRES adoptée Bibliographie INTRODUCTION. Transcription 7 13 PREMIÈRE PARTIE La Bociété CHAPITRE Les Hommes. Le pays. Les Genres de Vie 1 Villages CHAPITRE II Les Groupements territoriaux L'Histoire. Cantons, Chapitre III La Famille et la « Communauté Taisisible » au 27 Soudan 43 50 Ligne paternelle, Les parentés. Ligne maternelle. Parenté par alliance. CHAPITRE IV 65 Parenté classificatoire CHAPITRE V Divisions apparentes et cachées de la Société. Classes d'âge. – Fraternités d'âge. – Circoncision et Excision. Intervention du Komo.Manifestations nocturnes du Komo. Epreuves Rôle du Komo. – Fêtes saiet Révélation. sonnières et septennales du Komo. Fonction- nement de la Société CHAPITRE VI: Rôle économique et social des fraternités d'âge et de l'Alliance nommée Sanankuya.. 74 Les Classes. Les Castes. vidus et leurs dénonilnations 1 105 CHAPITRE VII CHAPITRE VIII Les Indi- Les Croyances et la Mentalité. Les éléments de l'individu. Le N'ama. Dualité et bi-présence de l'individu. La possession. In- ?.. terdits et précautions dans la vie journalière. La Terreur ambiante 113 CHAPITRE IX La psychologie et la 135 langue. DEUXIÈME PARTIE La Langue Mandiiig Chapitrk 1 Langue. Langage. Linguistique. Les Le Dialectes. langues Négro-africaines et le Manding. 147 Manding et ses CHAPITRE I I Le matériel phonétique et ses transformations. Voyelles différentes espèces Nasalisation Consonnes diverses catégories Contraction. Mouillure Labialisation Gutturalisation NasaVarialisation. Semi-Voyelles. Syllabe. Alternances Consonantiques tions dialectales et Vocaliques Contraction Dilatation Nasalisation Spécification par désinence o. Les Tons. 155 CHAPITRE III Les mots et les affixes de dérivation. Mots composés. Pluriel et pluRadicaux. Affixes de dérivation Suffixes nomiralité. naux de nationalité de filiation d'agent d'action d'instrument de possession ou d'usage suffixes à sens péjoratif suffixes de qualité Augmentatifs; diminud'état; d'abstraction. tifs. -Suffixes adjectifs et nominaux. -Suffixes 173 verbaux. Préfixes de – dérivation pronoms personnels et Pronoms et adjectifs démonstratifs. Pronoms indéfinis distributifs collectifs relatifs 186 Chapitre V La conjugaison. Verbes. Voix. AsLes aspects: habituel; propects et temps. gressif duratif injonctif ou subordonné imprératif ordinaire ou initial les imparfaits. Les · temps: présent; passé; futur; imparfait du futur. Verbes de 197 CHAPITRE VI. Les 209 Les pronoms possessifs. réfléchis CHAPITRE IV interrogatifs. qualité. Copulatifs. Conjonctions de Les conjonctions. subordination; copulatives; adversatives dis- CHAPITRE VII assévératives VIII: jonctives 213 Adverbes; locutions adverbiales. Adverbes particules et locution exprimant la Syntaxe. 217 manière, le temps, la localisation. CHAPITRE IX La numération et les nombres. Les monnaies. Les mesures. Le Calendrier les Formules d'étiquette. 229 jours; les heures. CHAPITRE X Textes de comparaison. Dialecte Malinké de la Guinée Française le jeune garçon et le Dialecte Bambara de Ségou le jeune caïman. Dialecte Malinké de la régarçon et le caïman. gion de Kita la récompense d'une bonne action. – Dialecte Malinké de Kouroussa la bonne action et l'ingratitude.- Dialecte D'ula du Djimini et de Kong à la Côte d' Ivoire le siège de Kong. Dialecte Malinké de l'Ouest (Gambie) le coq et les chacals. Dialecte parlé par les Marka ou Dafing dans la région de Dédougou. 249 Chapitre a CARTES 150, 152 INTRODUCTION Ce Manuel est un ouvrage élémentaire, simplifié à dessein, et qui résume des cours professés depuis plusieurs années à l'Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes et à l'Ecole Coloniale. Destiné à des élèves sur le point de s'embarquer pour l'Afrique Occidentale, il est composé de manière à servir d'instrument de travail sur place, renferme une bibliographie copieuse sans être exhaustive, expose enfin dans une première partie le sommaire de nos connaissances actuelles sur le pays, l'histoire, les collectivités et quelques faits sociaux. En signalant les phénomènes décrits par de précédents auteurs, le Manuel s'efforce de compléter certaines informations et de suggérer sur quelques points de nouvelles recherches plus approfondies et plus directes. La seconde partie, essentiellement linguistique constitue, dans mon esprit, une sorte d'introduction à l'ouvrage posthume de Maurice Delafosse, La Langue Mandingue, dont j'ai assumé le remaniement partiel et la correction après la mort prématurée de l'auteur. Ce magistral traité déroute un peu les débutants par son étendue et son développement théorique, l'étude préalable du Manuel permettra, je l'espère, d'en aborder la lecture avec plus d'aisance et de fruit. Toutefois ce livre n'est pas un simple résumé du premier, dont il se sépare sur plusieurs points, notamment en ce qui touche la conjugaison. On y trouvera un assez grand nombre de définitions qu'il a paru nécessaire de rappeler à des commençants et un choix important d'exemples. Il lui manque des exercices progressifs pour confirmer les règles de grammaire et un lexique Le nombre et la complexité des dialectes manding n'ont pas permis d'introduire utilement ces additions dans ce petit ouvrage. Pour faciliter les comparaisons entre les différents parlers malinké, bambara et dyula, des textes fondés sur le même thème « La récompense d'une bonne action » ont été insérés à la fin de la deuxième partie, traduits et appuyés de quelques remarques grammaticales. Transcription adoptée Le manding ne s'écrivant pas, il a été nécessaire d'adopter un mode de transcription permettant de représenter les sons de la langue avec autant de fidélité que possible. Dans ce but, on s'est appuyé sur les principes autrefois dégagés par le P. Sacleux et résumés ,dans cette formule « Un seul signe pour chaque son et un svul sou pour chaque signe. ) » Par suite a) Toute lettre représente un son et tout ce qui est écrit se prononce. La transcription phonétique n'admet donc pas de lettres muettes, comme il s'en rencontre en français (tu dors). b) Un même son doit toujours s'exprimer par la même lettre et celle-ci n'a qu'une seule prononciation. En écriture phonétique, il ne saurait exister de différence entre la prononciation de c et de g suivant qu'ils sont placés devant une voyelle ouverte ou fermée. c) Tout son simple est représenté par un seul signe; par conséquent, on ne peut écrire des mots comme peulft. <f) Tout son complexe est représenté par chacun des signes correspondants. Jusqu'à présent, trois systèmes principaux ont été en usage pour la notation des idiomes négro-africains. 1) Le premier peut être qualifié de DIACRITIQUE; il emploie les lettres de l'alphabet latin, modifiées au moyen de marques placées au-dessus et au-dessous de chacune d'elles de manière à représenter les sons que l'alphabet latin ne peut rendre. Le Standard Alphabet de Lepsius, inventé dans la seconde moitié du xixe siècle, en est un exemple. Il a été largement utilisé dans les importants travaux linguistiques dus aux missions anglaises et allemandes d'Afrique. On lui a reproché, avec raison, sa complication et, en même temps, son insuffisance pour représenter des sons particuliers aux langues négro-africaines. C'est pourquoi le R. P. Schmidt, directeur de la Revue Internationale Anthropos, entreprit, en 1907, de le réformer et de le perfectionner. Il employa dans ce but des lettres latines plus ou moins modifiées et affectées de marques diacritiques. Quelques années plus tard, le P. Sacleux inventait, à son tour, un autre alphabet, à peu près basé sur les mêmes principes, mais renfermant des signes différents de ceux précédemment utilisés. 2) Un système particulier, comportant des lettres latines, des signes diacritiques en nombre restreint et des lettres nouvelles, a été inventé et répandu par l' « Association Phonétique Internationale ». Les symboles adoptés par cet organisme sont relativement simples, mais insuffisants eux aussi pour rendre des sons fréquents dans des langues parlées hors d'Europe, c'est pourquoi on a dû y introduire des lettres empruntées au grec, d'autres qui sont retournées, des signes spéciaux qui le rendent compliqué parce qu'il cherche à tout noter. En 1925, la Conférence des Linguistes, réunie à Copenhague pour étudier les problèmes de la transcription et de la translitération, a fait remarquer avec raison que l'on doit toujours distinguer entre une notation large et une notation étroite. Dans l'une, les diverses nuances sont indiquées avec toute l'exactitude possible dans l'autre, beaucoup de particularités phonétiques d'importance secondaire ne sont pas signalées, de manière à rendre l'écriture, l'impression et la lecture plus aisées. Toute langue comporte, en effet, des détails qui dépendent de la structure générale du parler étudié; il n'y a qu'à les indiquer une fois pour toutes dans des observations préliminaires. 3) L'Institut International des Langues et Civilisations Africaines s'est efforce de profiter des expériences antérieures et d'adapter le système de l'A. P. I. à la notation large des langues négro-africaines. Sa méthode, exposée dans une brochure parue en 1930, Practical Orthography 0/ African Languages, a été bien accueillie en Angleterre et en Allemagne. Les signes employés dans ce manuel se rapprochent le plus possible de ceux recommandés par cet organisme. Toutefois, ils comportent certaines modifications et se rattachent,'par certains côtés, à ceux préconisés dans les instructions linguistiques de l'Institut d'Ethnologie de Paris, rédigées par M. le Professeur Marcel Cohen. CARACTÈRES ADOPTÉS. LEUR VALEUR 1° Voyelles comme dans le mot français mil été mère e s natte a a o u ü – botte mot mou punir Toutes ces voyelles peuvent être brèves, moyennes ou longues pour simplifier la notation les brèves, qui sont peu nombreuses, ne sont pas indiquées par un signe spécial; les longues sont représentées par une double lettre oo, ee, ee. Les voyelles du manding peuvent être nasalisées; on aura, dans ce cas banc à comme dans le mot français bien ê. eing e bain ï – 6 bon fi comme dans le patois méridional e comme dans le mot français pitchoun rien, prononcé à la toulousaine. i comme dans l'onomatopée bing 1 2° Consonnes Les consonnes, dont le tableau est dressé page 162, sont à peu près les mêmes qu'en français; plusieurs signes ont été ajoutés pour rendre les phénomènes de mouillure et de Ivabialisation assez fréquents en manding (voir page 162). La mouillure est rendue par le signe qui suit la consonne mouillée on aura donc Bieuvre. nom de rivière b' comme en français dans dieu d' fieu f' gieu, patois pour dieu g' kiang, chinois. k' ingénieux n' signe, le groupe gn étant n articulé très en arrière. – 1 – La labialisation est représentée par la semi-voyelle w, w ou par des plosives labiales suivant immédiatement la consonne labialisée. w correspond, la plupart du temps, au son français mais, très souvent aussi, au w anglais dans we. ou La fricative dentale sourde du ch français dans « chambre » et du sch allemand dans « schule », a été rendue par le signe è. Enfin, des fricatives vélaires sourdes, particulières au manding et généralement interchangeables, prononcées très en arrière, sont représentées par f et § la fricative vélaire sonore du kassonké par k. On trouvera dans la partie linguistique de cet ouvrage de nombreux exemples concernant les formes dialectales; celles-ci sont précédées d'une majuscule indiquant B le dialecte des Bambara. K des Kassonké. D des Dyula. MC commun des Malinké. M des Malinké du Nord. M du Sud. de l'Ouest. M E de l'Est. – – – N – S – MO– – – – – BIBLIOGRAPHIE Histoire ET VOYAGES Ibn Haoukai. Description de l'Afrique (969), trad. DE SLANE. Paris, 1842. xe siècle. El-Bekri Description de V Afrique Septentrionale (1068-69), trad. DE Slane. Paris, 1859, nouv. éd. 1913. Quatremére Notice d'un manuscrit arabe contenant la description de l'Afrique; in Notices et extraits des manuscrits à la Bibliothèque du Roi et autres Bibliothèques. Paris, 1831. Tuhfat al albab (1080Abou Hamid xne siècle. 1170), texte publié par G. FERRAND. Journal Asiatique, 1925. EL EDRISSI (1154): Description de l'Afrique et de xié siècle. l'Espagne, trad. par Dozy et DE GOEJE. Leyde, 1866. Ibn Saïd (1214-1286) cité par Aboul xzlle siècle. 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Ses habitants la nomment mandeng, maneng, mande, mané, manding, maning, mandi, mani; les Soninké mande, mandi les Bambara et les D'ula mani et maiie les Peuls et leurs voisins malle, mallel, mali et melli les Berbères: mel et mellit, noms qui figurent déjà sur les cartes du Moyen-Age les Arabes melal et malel. Ces termes désignent tous le pays et l'empire dit de Mali ou de Melli », mentionnés pour la première fois, semble-t-il, en 1339, sur la carte d'Angelino Dulcert, et qui sont aujourd'hui bien identifiés. Le sol de cette immense contrée est généralement formé de roches cristallines décomposées, de silicate d'alumine ayant donné naissance à la latérite, qui se rencontre tantôt sous l'aspect de couches épaisses et dures, tantôt sous celui de brèches à consistance variable, mais toujours teintées et dans lesquelles domine la couleur rouge. Le elimat du Manding est tropical il est conditionné par la situation géographique de cette région et les variations thermiques comportant deux maxima l'un <• au printemps, l'autre en automne, et deux minima en hiver et en été. Il est marqué par une saison des pluies qui dure sans interruption de juin à octobre. Les précipitations atmosphériques y déterminent, comme partout, l'hydrologie elles oscillent entre 0 m. 60 cm. et 1 m. 25 par an, du Kaarta septentrional au sud du Manding. On peut distinguer, avec M. H. Hubert, trois zones caractérisées dans cette partie du Soudan 1° Entre le 16° et le 14° lat. N. seuls les grands fleuves, le Niger et le Sénégal, coulent toute l'année 2° Entre le 14° et le 10°: les cours d'eau moyens et leurs affluents sont alimentés en permanence 3° Entre le 10° et le 6° toutes les rivières coulent sans arrêt. La végétation du Manding est celle que le professeur A. Chevalier nomme soudanaise elle comporte un assez grand nombre d'arbres à feuilles caduques, notamment l'arbre à beurre ou karité (Bassia Parkii), le néré (Parkia biglobosa), le caïlcédra (Khaya senegalensis, le baobab (Adansonia digitatà), le fromager (Eriodendron anfractuosum), le tamarinier (Tamarindus indica), hauts de 4 à 10 mètres et au pied desquels poussent des arbustes rabougris durement éprouvés, chaque année, par les feux de brousse. Dans le Sud, les arbres deviennent plus nombreux et plus élevés, à mosure que l'on s'approche du littoral; les galeries forestières s'épaississent autour des cours d'eau, les lianes enveloppent les troncs avec plus d'insistance, les fougères et les palmes annoncent la végétation sylvestre qui encadre le golfe de Guinée. Entre ces fut» poussent des graminées vivaces atteignant parfois quatre mètres de haut, étouffant et menaçant la végétation ligneuse qui les domine. Dans l'ensemble, le pays Manding a l'aspect d'une savane, à peine ondulée, plus ou moins ombragée, assez monotone. La faune sauvage est celle du Soudan occidental. La partie septentrionale et moyenne se prête à l'élevage des bœufs, des moutons, des chèvres, de l'âne et du cheval. Au-dessous du 11°, la plupart de ces animaux de la présence des tsétsés; à vivre cause peuvent ne seuls quelques ovins et les caprins de race naine sub- sistent. Les Hommes La famille manding constitue, au point de vue anthropoh~s~l~ une subdivision de la sous-face dite soudanienne, que l'on a proposé d'appeler sous-groupe somatique nigérien, Ses membres sont caractérisés par: une peau brun-noir une stature assez éievée, 1 m. 70 un indice céphalique de 74; un indice nasal de 102. Les mensurations ont révélé, chez les populations de ce rameau, une variation brachycéphale très nette, en dépit de la dolichocéphane qui est, d'habitude, l'apanage du Nègre. Ces peuplades ne sont pas les seules à offrir cette particularité qui est aussi commune, en Afrique Occidentale, aux Haoussa, aux Ashanti, aux Sonrhaï, aux Wolof et aux Serer. Haddon, en relevant cette constatation, suppose qu'elle est due à un métissage des Nègres avec des Hamites de race brune venus d'Ethiopie et de la vallée du Nil. On peut également penser qu'elle résulte d'un mélange de Noirs avec les Berbères de l'Afrique du Nord et même avec des Sémites émigrés au Maghreb et plus au Sud. Les traditions indigènes, confirmées par les archéologues et les historiens, viennent corroborer cette hypothèse. Elles amrment, en effet, qu'aux environs de l'ère chrétienne la Mauritanie, le Soudan septentrional et une partie du Sahara étaient occupés par des Noirs dont les principaux groupes se trouvaient alors dans le Hodh, en contact avec les Berbères. On peut admettre que ces Noirs, plus ou moins métissés, ont donné naissance à trois des grands rameaux ethniques ayant contribué à peupler le Soudan occidental: à l'Est, les Proto-Serer; à l'Ouest, les Sonrhaï; au Centre, ceux qu'on nomme parfois les Wangara, et qui sont les ancêtres des Mandingues. Deux facteurs essentiels paraissent avoir provoqué le recul des populations nègres le Sud. Le premier vers est 1 assèchement progressif du Sahara et du Sahel le second est l'hostilité des Berbères. Pendant de longues années, ceux-ci ne furent guère redoutables pour les sédentaires noirs; mais, vers la fin de l'empire, les Romains introduisirent en Berbérie le chameau récemment venu d'Asie et d'Egypte. Cet animal, utilisé comme monture était accompagné par ses conducteurs habituels, les nomades, qui ne tardèrent pas .à s'en servir pour entreprendre à travers le désert des expéditions à grand rayon. Bientôt, la fréquence des attaques qu'ils subissaient de la part des chameliers pillards, détermina les cultivateurs nègres i't se replier vers la vallée du Niger. H est malheureusement impossible de reconstituer avec certitude l'ordre et les itinéraires de ces migrations et de celles qui les ont précédées. Les habitants du pays manding ne sont pas désignés par une appellation générale, on les nomme suivant les contrées Matmké, Kassonké, Bantbara ou Bamaua, D'nta ou D'ura, Mandige, Wanaara. MaMnk<* ft Kassonké sont des termes peuls, adoptés par nous et passés dans l'usage en Afrique Occidentale Française; mais les indigènes qui occupent le Manding se nomment eux-mêmes mon~e-m&a, /?Mne-M~a, mandîil ka, mam-MA-a, en accolant au nom de leur pays un suffixe de nationalité nka, nga, Mya. Ceux qui peuplent le liasse s'appellent, pour la même raison, ~asso-~Aa. Le mot Mandingo, dont nous avons tiré « mandingue » ou « manding », est une expression dialectale du Sud et de l'Ouest, primitivement employée surtout par les Anglais de Sierra Leone et de Gambie. WanQara en usage chez tes auteurs arabes à partir du xie siècle, sert actuellement à désigner les Manding et leur langue parmi les Maures, les Sarakollé, les .~onr/tat, et surtout les Haoussa. Cette dénomination est quasi officielle en Gold Coast et en Nigéria. Elle paraît être la déformation du mot Gangaran, attribué par les Manding à la province aurifère de la Basse Falémé et du Bambouk et qui aurait donné Gbangaran, Gwangaran, Wangara, formes écrites par les arabes du Moyen-Age Gangara, pl. Gangari Différentes explications ont été proposées pour les termes mali-nke, bambara ou bamana et d'ula. Celle qui prétend assimiler te terme peul ma<t-f!~e, habitant de la région du Mali, au mot manding maft-n~e homme de l'hippopotame (maH) est certainement à rejeter. ma-nde, Delafosse suggère, d'après les indigènes enfant de la mère, c'est-à-dire souche dans laquelle la descendance et l'héritage se transmettraient en ligne maternelle. C'est assez douteux, de même que maa-d~ enfant du maître. D'autre part, on n'a pas hésité à rapprocher arbitrairement le nom des Bambara de celui du caïman bamba ou t<tm<! et à faire d'eux les « gens du caïman », explication manifestement erronée et que les intéressés n'admettent pas. Peut-être faut-il accorder plus d'attention à M refus ou renonciation ba ou ma mère na ou r<t à, renonciation à la mère, c'est-à-dire adoption de la descendance en ligne paternelle. Mais rien ne prouve que cette étymologie soit exacte. Il faut accueillir avec une égale circonspection l'argumentation des D'ula qui tirent leur nom de d'u, fond, souche, ce qui leur permet de faire remonter leur origine à une ancienne noblesse ayant, d'après eux, occupé le Massina occidental à une époque reculée. Suivant Delafosse, le peuple manding était déjà formé au début de l'ère chrétienne. Ayant pris naissance, comme il a été dit, dans la Mauritanie actuelle, peut-être dans la région du Hodh, il aurait gagné les pays voisins en occupant peu à peu des territoires situés plus au sud, parvenant ainsi jusqu'aux districts auliféres de la Basse Falémé et du Bambouk, qui eurent une influence remarquable sur ses destinées. Ils fournirent, en effet, pendant de longues années, la plus grande partie de l'or qui alimentait le Proche-Orient par le marché de Koumbi, capitale supposée du puissant empire du Gana, dont le Manding devint bientôt le tributaire. Lorsque cet état s'affaiblit au xf siècle, par suite du dessèchement de la contrée et des attaques conduites par les Almoravides, le Manding reprit son indépendance. L'Histoire L'Histoire de ce pays est encore mal connue, surtout à l'origine, en dépit des importants travaux de Delafosse, Vidai, Gaillard, Monteil. Comme le fait remarquer ce dernier, il est possible qu'il y ait eu deux royaumes manding 1° Un Mali septentt'ionat ayant peu retenu l'attention jusqu'ici et dans lequel se seraient succédé trois dynasties celle des TARAORÉ, dans la province du KIRI, à l'est de Niagassola avec sa capitale à DAKAcelle des KoNATE, dans le Dodougou, capitale D!ALA enfin, celle des premiers KEYTA, capitale TABOU NARÉNA. 2° Un ;VIali Méridional sur lequel nous possédons des renseignements imprécis et confus. Il aurait eu pour capitales successives DyÉRiBA et YANI, NYANi ou NYÉNJ, ville dont le nom et la situation exacte sont contestés. Voici, d'après Delafosse et Ch. Monteil, le résumé des faits légendaires et historiques se rapportant à ces deux royaumes. I. – MALI SEPTENTRIONAL ? Une famille TIRAOURA fonde son autorité dans la province du Kiri et installe sa capitale Dakadiala. Plus tard, les membres de ce groupement, convertis à l'islamisme, prennent le nom de TARAORE. ? Vers la même époque, les descendants d'un certain Guimba, de la famille des KoNATË, dominent le Dodougou et s'établissent à Tabou. Ces deux petits royaumes sont tributaires de l'Etat du Gana. ? A une époque indéterminée, les Konaté auraient réussi à soumettre les Taraoré et le Kiri avec l'appui du Gana. 1080 ? Après la dislocation de l'empire du Gana, un chef Konaté, GOURMANDANA, peut-être BARAMENDANA chef suprême et indédevient SARBENDANA, ou pendant du Mali septentrional, dont J'histoire détaillée nous demeure inconnue. xue ? Vers la fin du xiie ou le début du xHï~ siècle, l'ancêtre des KEYTA, étranger venu de l'Est ou du Nord-Est, et nommé probablement KABALA, s'établit à Dyeriba sur le Niger, non loin de Siguiri. 1200-1218. Un de ses descendants, NARE-FA-MA&AN, aUié aux gens du Kiri, combat les habitants du Dodougou et devient chef suprême du Mali. 1218-1228. DANGARAN-TouMA, fils de Nare-fa-magan et de sa femme Koutouyoro Boula, succède à son père, mais est attaqué et vaincu par SouMANGouRou-KANTÉ, chef de Sosso ou Soussou. Sa famille s'enfuit au Kissi, tandis que les habitants des royaumes du Kiri et du Do se réfugient dans le Saukaran pour y former une confédération dont les membres furent appelés KoKDÉ. 11. MAU MÉRIDIONAL 1230-1255. SouN DIATA, nommé aussi MARI DiATA, était probablement un des fils de Naré-fa-magan. Les événements de son règne sont obscurcis par des légendes merveilleuses et des récits contradictoires. Il paraît avoir lutté contre Soumangourou-Kanté qu'il défit, ainsi que les voisins du Manding. A la suite de ces succès, le souverain étend son autorité sur diverses provinces et organise ses éLats. 1255-1270. OuALi, fils de Soun Diata, succède à son père on l'appelle parfois MANSA OuLÉ, le prince rouge. Il fait un pèlerinage à La Mecque entre 1260- et 1270. 1270-1274. Son frère, OuALi, lui succède. Il est remplacé, à sa mort, par son frère. 1274-1275. KALIFA, prince cruel et faible d'esprit détrôné au bout de quelques mois. 1275-1285. Le pouvoir revient alors à ABOu-BAKAHj, qui aurait été un neveu utérin de Soun Diata. 1285-1300. La faiblesse de ce prince provoque des troubles intérieurs qui permettent à un affranchi de la famille royale, SAKOURA, de s'emparer du trône. Il étend bientôt ses conquêtes parmi tous ses voisins et le renom de sa puissance parvient jusqu'au Maghreb et en Egypte. Il accomplit le pèlerinage à la fin du xni~ siècle et fut assassiné au retour par les Danakil. C'est probablement Sakoura qui asservit le pays des Sonrhaï. 1300-130S. GAOU. fils de Soun Diata, succède à Sakoura. 13054310. Il est remplacé par son frère MAMADou, et ce dernier par 1310-1312. ABOU-BAKAM, sur lequel on ne possède aucun renseignement. 1312-1337. MoussA 1~ ou KANGO MoussA (fils d'une femme nommée Kango, appelé aussi KANKAN MoussA), fait le pèlerinage et arrive au Caire en 1324. La tradition le présente comme un prince fastueux entouré d'une suite nombreuse et disposant d'une quantité considérable d'or. Mais ses prodigalités l'obligent à emprunter de l'argent en Egypte pour rentrer au Soudan. Accompagné à son retour par un cetrain nombre d'hommes de race blanche, Kango Moussa favorise et multiplie les relations qui existaient déjà entre son royaume, le Maghreb et l'Egypte. 1337-1341. MAGAN 1~ monte sur le trône à la mort de son père Moussa 1er. Son régne est troublé par une attaque des Mossi, qui, sous le commandement du Naba du Yatenga, s'emparent de Tombouctou et pillent les régions voisines. 1340-1360. Le successeur de Magan I" est son oncle SULEYMAN, frère de Moussa. Ce prince entretient les relations, affermies par ses prédécesseurs, entre le Soudan et l'Afrique Septentrionale, il en noue d'autres avec le sultan de Fez, et favorise les étrangers. En 1352, le voyageur et géographe arabe 76/Ba<ou~a visite le Manding il est frappé de l'ordre et de la sécurité qui régnent partout, de l'étiquette de la cour, de la bonne administration du pays et de Fêtât florissant des finances. Il constate, par ailleurs, l'impopularité du souverain et son avarice. 1360. KAssA, fils de Suleyman, succède à son père, mais règne seulement neuf mois. l360"1374. Il est remplacé par son cousin, MAHi DtATA II, fils de Magan, dont le règne assez terne est surtout connu à cause de l'ambassade que le souverain du Manding envoya, en Ï360, pom porter des présents à Abou Salem, sultan de Fez. 1374-1387. MoussA II succède à son frère Mari Diata. Il est habilement secondé par un de ses ministres, nommé aussi Mari Diata, et qui rétablit son autorité dans les provinces lointaines, notamment sur la ville de Takedda. 1388-1390. MAKAN 11 remplace, sur le trône, son fré!u ou cousin, mais il est tué un an après son avènement. 1388-1390. SANDIGI, usurpateur dont le véritable nom ne nous est pas parvenu, prend alors le pouvait et le garde deux ans. Presque tous les renseignements qui précèdent ont été fournis par Ibn-Khatdoun, mais cet auteur acheva d'écrire son Histoire des Berbères en 1396 et mourutt en 1406. Après lui, nous savons fort peu de chose des Manding, en dehors de quelques indications figurant dans le TwtA-A-cs-~oueMn et dans les vieilles relations portugaises. Au début du xve siècle, la puissance manding décii)! 1400. MAKAN III ou un de ses successeurs immédiats régnant, Bonga, souverain mossi du Yatenga, ravage le Massina orientât. 1433. Le chef touareg Akil s'empare de Tombouctou. Araouan et Oualata. 1465. Sonni Ali Ber, empereur de Gao et tributaire du Manding s'affranchit, refoule les Touareg de Tombouctou, annexe à l'empire la ville de Djenné. 1477. Le chef mossi du Yatenga, le naba Nasséré, ravage le Massina, pille Oualata et rentre dans ses Etats vers 1480. 1481. MAMADou, empereur du Mali, successeur f'f Mansa Oulé II et du père de ce dernier, Moussa III, envoie une ambassade au Portugal pour solliciter une alliance contre les ennemis qui le menacent. 1482-1485. Deux ambassades portugaises, l'une partie de Gambie, l'autre d'Elmina, se rendent à la cour de l'empereur manding. LES MANDING ET LEUR LANGUE 1500. Omar Komdiago, frère de l'askia de Gao, dévaste le royaume de Diara et l'annexe à l'empire sonrhaï. 1506. Mohammed I, empereur des Sonrhaï, s'empare de tout le Mali septentrional. 1530-1535. Les Peuls et Toucouleurs du Fouta Toto, conduits par Koli Tenguéla, cherchent à s'emparer des mines d'or du Bambouk et attaquent les Manding des rives de la Falémé. 1534. MAMOUDOU II, souverain de Mali, reçoit dans sa capitale une ambassade portugaise envoyée par le roi Jean III et conduite par Peroz Fernandez. 1542. L'Askia Issihak I, vient razzier la province du Bendougou. Peu après, son frère Daoud entre dans la capitale de Mali et occupe le palais du souverain. 1599. Le souverain de Mali, MAMOUDOU III, allié aux Peuls du Massina, cherche à s'emparer de Djenné. Il est repoussé par les habitants, soutenus par les Marocains maîtres de Tombouctou. 1630. Les Bambara de la région de Ségou, devenus nombreux et puissants, luttent contre les Marocains de Djenné et le souverain de 1645. Les Bambara païens attaquent l'empereur musulman de Mali et s'emparent des deux rives du Niger jusqu'à Nyamina. 1670. BiTON KULIBALI fonde l'empire bambara de Ségou. Il est attaqué sans succès dans sa capitale Mali. par MAMA MAGAN, dernier souverain manding de la dynastie des Keyta qui abandonne Nyamina après sa défaite et se retire à Kangaba. L'empire manding a vécu, CHRONOLOGIE DE L'EMPtRE DE SÉGOU Les XoaKMf 1660-1710: MAMARI, dit BtTON KOUUBAL!. 1710 BAKARI. 1710-1736: DEKORo. 1736-1740: TON-MASSA DEMBELÉ. 1740-1744 1744-1748 1748-1780 KANOU-BA-NYOUMA. KAFA DYOUGOU. anarchie. Les Dt/<ïra 1750-1787 1787-1808 1808-1827 NsoLO. 1879 MAMOUROU. 1879-1887 1887-1890 KÀRA-MOKo. MARt-DYARA. MA-N-soN. DA. 1827-1839: TYÉ-FOLO. 1840-1843 anarchie. 1843-1849 BEN. 1849-1851 KON-MAGAN. 1851-1854 DEMBA. · 1854-1856 TouRo-KORO-MAM. 1856-1862: ALI. Arrivée d'El Hadji Omar à Ségou. 16 mars 186t. 1862-1870 KÉGKÉ-MARt. 1870-1878 NYENE-N-BA. Après une tentative pour assurer l'autorité de Bodyan, la région de Ségou est administrée directement. CHRONOLOGIE DES CHEFS DU KAARTA 1670-1690 MASSA. 1690-1?00: BEM-FAU-SEKOLO. 1700-1709: GRAN, dit FoRO-Koao. 1709-1760: SEBA, dit MANA. 1760-1'780 1780-1789 DENI-BA-BO. SIRA-BO. 1789-1802: DESSÉ-Kono. 180!H811: NTiN-KORo. 1811-1815: SARA-BA. 1815-1818 Moussou-KouRA-so. 1818-1835 1835-1844 1844-1854 Bo-DYAN-MORÏ-BA. NYARALE-N-GRAN. MÀMARI-KAN-DYAN. Chassés par El Hadji Omar, les Massa-si du Kaarta se réfugient à Bangâssi (Foula-dougou). 1854-1870: DtRtNGA-MoRt. BoussEï. 1870 Les faits de l'histoire du Manding actuellement Connus montrent que les habitants de ce pays ont été en contact pendant le Moyen-Age avec l'Afrique du Nord, l'Egypte et l'Arabie. Il est probable que leurs relations avec des représentants de la culture méditerranéenne remontent beaucoup plus haut, comme le laissent supposer des découvertes archéologiques, ethnographiques et même linguistiques récentes. D'autre part, les Manding, qui trafiquaient avec les Arabo-Berbères du Nord, ont aussi fréquenté, depuis le xve siècle, certains points du littoral, de l'Atlantique et du Golfe de Guinée, établissant ainsi, bien avant l'occupation européenne, des liaisons avec des marins et des commerçants de culture occidentale. Ainsi s'expliquent des emprunts très anciens ou simplement anciens dont on retrouve la trace dans la langue, les techniques et les institutions des Manding. Les Genres de Vie Les sociétés manding, rustiques et villageoises, ont pour activités principales l'agriculture et l'élevage elles se livrent accessoirement aux industries domestiques et au commerce. Ainsi que les autres cultivateurs soudanais, les Manding sont retenus dans leurs champs pendant toute la saison des pluies, mais ils sont libérés de ces soins après la récolte, vers septembre ou octobre. La vie de relations devient plus intense à ce moment; toutes les cérémonies cultuelles et sociales d'importance s'accomplissent dés que la moisson est rentrée, et pendant la saison sèche. Les travaux agricoles s'effectuent au moyen de la houe, dans d'assez mauvaises conditions. Le Soudan occidental, qui emprunta tant de techniques au monde méditerranéen, n'a pas su importer du Maghreb la petite charrue nord-africaine; il ignore la pratique de l'assolement. Un terrain choisi est d'abord nettoyé par la hache et par le feu, puis retourné et semé. Il porte moisson, sans être fumé, durant trois ou quatre ans, parfois même pendant sept ans, après quoi il est épuisé; on l'abandonne alors à la végétation spontanée pour qu'il puisse se reposer et se refaire. Une autre parcelle est aussitôt débroussée et aménagée. Ce procédé de culture extensive oblige le soudanais à changer constamment son champ de place. Cette particularité explique, sans doute mieux qu'une prétendue défense formulée par la divinité du lieu, l'absence de véritable propriété rurale dans ce pays, qui connait seulement l'usufruit et l'usage. Le sol, traité par cette méthode imparfaite, fournit différentes espèces de mil et de millet qui constituent la principale ressource alimentaire dans toute cette zone géographique. Il donne encore de l'élensine, des haricots, des pois souterrains, des arachides, des patates, du manioc et, dans le Sud, des ignames de bonne qualité. En dehors de l'agriculture, les Manding se livrent à l'élevage, mais ils considèrent leurs troupeaux comme des signes apparents de richesse dont on ne saurait se priver sans raisons capitales. Des boeufs sont bien sacrifiés, en nombre restreint, pour les funérailles du chef de famille, quelques têtes de bétail serviront à conclure un accord matrimonial, de temps en temps un de ces animaux sera égorgé pour une cérémonie ou une fête, mais, en général, la viande n'entre guère dans t'alimen. tation, non plus que les produits de l'élevage, lait, beurre et fromages, car on ne veut traire ni vaches, ni brebis, ni chèvres. D'autre part, ces bêtes, gardées avec un soin jaloux, ne servent pas à la traction dans un pays ignorant les véhicules à roues, mais on utilise quelques bovidés pour porter des charges. L'administration qui s'efforce d'introduire la charrue dans l'agriculture manding, essaie depuis plusieurs années de faire dresser des boeufs à tirer le joug; elle rencontre une certaine résistance de la part des propriétaires. Ce désir de ménager les animaux ou cette insouciance pour les utiliser aboutit à un résultat paradoxal: dans ce pays, en période d'évolution, les transports se font soit à tête d'homme, soit au moyen d'automobiles importées depuis quelques années. Les industries locales, peu développées et toutes domestiques, sont d'abord celles de la production agricole, puis de la consommation pour récolter, préparer cuire les denrées alimentaires; viennent ensuite celles de protection pour confectionner des vêtements, édifier des maisons et, enfin, les dinérentes techniques. Aucune de celles-ci n'utilise le machinisme des appareils aussi courants et simples que le tour du potier sont inconnus des Manding. En générât, les artisans sont. ici, des cultivateurs, exerçant à leurs moment de loisir et pendant la saison sèche, un métier dont ils tirent de petits profits, mais qui ne les nourrit pas. Cependant, quelques rares ouvriers ambulants, fabricants de mortiers, pilons, plats en bois et réparateurs de calebasses, vivent à peu prés de leur industrie, de même que les tisserands, à condition de ne pas demeurer toujours au même endroit et d'aller chercher la clientèle. Enfin, une autre activité de plus en plus importante doit être mentionnée. Depuis que la sécurité, imposée par l'autorité administrative permet la circulation, le commerce s'est étendu de village à village, de province à province et même de peuple à peuple. Les Manding y participent, spécialement les d'ula, qui ont donné leur nom à tous les colporteurs et marchands ambulants. Mais la plupart restent cultivateurs. Attachés au village pendant la période des pluies, en général ils voyagent seulement durant la saison sèche. Les travaux agricoles traditionnels restent dans leur esprit les plus importants. Ainsi s'affirme, même dans Féîément mobile de la population, l'attachement de ces hommes à une forme de production dont leurs ancêtres tiraient, à peu près toute leur subsistance et qui se réalisait dans le cadre territorial, dans celui de la parenté classificatoire et de la famille agnatique. CHAPITRE II Les Groupements temterMM Cantons, Villages. Le Canton La tribu et le clan ont pu exister autrefois dans la société manding; on n'en trouve plus trace aujourd'hui, non plus que d'une ancienne organisation politique, imposée par les hégémonies diverses qui ont dominé le pays. Il est d'ailleurs probable que les gouvernements et les provinces administrés par des représentants du pouvoir central et qui ont tant frappé les voyageurs arabes du Moyen-Age, correspondaient en réalité à des groupements territoriaux anciens dont le rôle a été autrefois prépondérant, comme il l'est resté aujourd'hui. En observant le pays, on s'aperçoit qu'il est divisé partout en un certain nombre de territoires plus ou moins étendus, correspondant à des provinces ou à des cantons et généralement désignés sous le nom de kafo ou Aa/u, terme dont le sens est « réunion ». L'ensemble des districts est appelé d'amaana ou tfamaant, mot dérivé de l'arabe d'amas. Certains auteurs ont supposé que des villages isolés, dugu-lu, avaient formé entre eux des ligues, coalitions ou associations qui auraient déterminé la constitution du ~ra/o. Cette hypothèse ne semble pas fondée. Si l'on recherche, en effet, l'origine de ce groupement, on constate qu'il s'est organisé sous l'influence et l'autorité de la famille ayant exploité la première le territoire en question. Les droits de ses membres sur le sol ont un caractère à la fois religieux et juridique ils résultent. en premier lieu, du contrat passé entre le chef de famille et les dieux locaux, sous la protection desquels il s'est placé, et ensuite de l'occupation. Un exemple typique nous est fourni, entre beaucoup d'autres, par le canton de Mpyéni, l'un des plus anciens de la province du Bélédougou, au Soudan. La tradition rapporte qu'un chef de famille, Mpyeni Kulibali, après avoir reconnu le territoire, résolut de s'y fixer. Dans ce but, il offrit un sacrifice aux puissances surnaturelles du lieu et leur demanda l'autorisation de s'établir sur la terre qu'elles contrôlaient. La position de l'une des volailles égorgées et qui expira sur le dos, le poitrail tourné vers le ciel, montra que les divinités locales accueillaient cette requête. En conséquence, Mpyeni fonda, avec l'aide de ses gens, un village qui reçut son nom Mpyéta. Par la vertu des divers sacrifices accomplis, il était devenu l'intermédiaire entre les puissances occultes et les dieux, prêtre de la terre et maître du sol dugu-kolo-tigi. On suppose qu'en pareil cas les dieux accordent au groupe humain représenté par le suppliant, l'exclusivité des droits de chasse, de pêche, de cueillette, de récolte du miel, de paturage, d'extraction du minerai, de culture sur l'ensemble des terres reconnues par lui et mentionnées expressément au cours de la cérémonie marquant la prise de possession. Chef d'une petite collectivité, Mpyéni remplit des fonctions sacerdotales et judiciaires, intimement liées dans toutes les sociétés de ce type, où l'infraction est avant tout un péché. Il commande les activités et les contrôle. Son groupement, favorisé des dieux, prospère rapidement. Des familles moins bien partagées veulent s'établir à leur tour sur cette terre propice. Elles ne peuvent le faire sans l'autorisation du maître du sol qui les accueille d'abord à Mpyéla. Mais, au bout de quelque temps, cette agglomération devient trop peuplée Mpyéni fonde alors un nouveau village à Torokorobugu. Dans la suite, et avec son consentement exprès, des parents, des voisins des premiers occupants s'installent à Nyamabugu, qui donne naissance à Dongorola et à Ngatafuga d'autres s'établissent à Kulikoroni qui essaime à Bugultorola, Boindigné, Fenyela. A leur tour, les gens des contrées voisines sollicitent de Mpyéni la même favearl Les habitants de Sogonyé, village du canton voisin de Bassala, construisent Bandiugula. tandis que d'autres Bambara, émigrés du canton de Tyoribugu, fondent Sikoroni et Konokulu. Enfin, après la prise de Nioro par les bandes d'El Hadji Omar, en 1854, de nombreux Kagoro chassés de la cité et des environs se réfugièrent dans le canton de Mpiéla, et s'établirent à Dongola, Missira, Tyokombugu, Sirakoroba et Sirakoro. L'histoire de ce petit territoire montre comment Ja population, d'abord peu nombreuse et formée d'apparentés, se renforce successivement par l'arrivée d'anciens voisins, puis d'habitants d'autres villages et, en dernier lieu, par l'admission d'étrangers, les Kagoro, qui finissent pas adopter les usages et la langue des Bambara. Malgré ces apports hétérogènes, le canton demeure un ensemble traditionnel, religieux, judiciaire, politique et économique d'une remarquable unité. A l'heure présente, le successeur de Mpyéni, le fondateur, continue à exercer les fonctions de prêtre et de chef. A sa mort, ou bien s'il se révèle incapable ou indigne, il sera remplacé par son frère ou son cousin le plus âgé conformément à la coutume. L'ignorance de cette loi et la nomination inconsidérée d'étrangers, de gens de basse extraction, n'appartenant pas à la famille du chef, premier occupant, a souvent provoqué, en Afrique Occidentale, des troubles et entraîné des complications qu'une connaissance plus approfondie des sociétés eut permis d'éviter. Les différents villages qui occupent le territoire cantonal ont successivement reçu de son chef une délégation solennelle et formelle leur permettant d'exercer les droits énumérés plus haut, sur la portion de terrou qui leur est dévolue. Si tous ont des préoccupations individuelles légitimes, ils ont également des intérêts communs et admettent qu'ils sont solidaires. Avant l'occupation européenne, les villages d'un même canton déléguaient des représentants à l'assemblée qui se tenait chaqueannéeàla résidence du chef dans la période d'abondance et de repos comprise entre septembre et décembre. L'administration européenne ignora l'existence de ces congrès ou en redouta l'influence elle ne fit rien pour les encourager. Pourtant, une sorte d'assemblée générale subsista quelques années chez les Malinké de Kankan et de Siguiri qui la nommaient Gara. Sous la présidence du chef de canton, les vieillards discutaient les questions d'intérêt général et défendaient les droits de leurs commettants. Souvent, l'assemblée s'érigeait en tribunal pour juger les différends qui séparaient des villages ou des quartiers en conflit. La terre cantonale, limitée, exploitée par les différents groupes humains qui l'habitent, possède d'ordinaire un ou plusieurs centres d'échange, dans lesquels sont apportés, à jour fixe, des denrées brutes ou transformées, des produits ou des marchandises de traite. Ces marchés sont fréquentés par les habitants des villages voisins et par des colporteurs étrangers. Ils sont généralement consacrés au trafic interne, mais certains d'entre eux, bien placés à proximité des frontières de plusieurs territoires, servent à maintenir les relations avec les voisins. Tel était, il y a peu d'années, le canton avec sa terre, sa religion, ses villages solidaires, son gouvernement autonome, sa justice et son économie propre. Le Village Tout village manding exploite un territoire plus ou moins étendu, mais toujours soigneusement délimité et réservé à ses habitants. Il est représenté par un chef, dugu-tigi et tient ses droits du maître, du sol cantonal, du~H-Aob-~t, qui les a cédés au groupe villageois lorsque celui-ci s'est installé sur le communal. Ces droits sont les mêmes que ceux indiqués plus haut pour le Ac/o. Après la cérémonie de cession, ou si l'on préfère de délégation des droits. le du~u-~yt remplit pour le village le même rôle que tient ailleurs le dugu-kolo-tigi. Toutefois, il reste dans la dépendance religieuse de ce dernier; il lui doit des cadeaux annuels, fournis par les chefs de famille, pour le culte général. Il obéit à ses ordres en ce qui touche les fêtes locales et les cérémonies d'initiation. Par ailleurs, il se conforme à ses instructions politiques, le village étant toujours solidaire du canton. La cession des droits confère aux habitants sur leur communal un privilège exclusif d'exploitation, qui engendre parfois des conflits assez graves lorsque les gens des agglomérations voisines ont cueilli des produits naturels, fait paître leurs troupeaux, péché, chassé, extrait du minerai de fer ou coupé des arbres sur le sol réservé. Dans certains cas, le désaccord survient parce que les limites sont contestées, L'arbitrage est alors difficile à faire accepter par les parties en l'absence de bornes ou marques aux confins des terroirs. Autrefois, des conflits de ce genre se réglaient, le plus souvent, par des batailles sanglantes. Installé sur son communal, le village possède une identité grâce à son nom, thé d'une particularité d'a~a-Aoro, ~ana-AAoro, siralocale. On l'appellera karo, /ara-Aoro, le (village) à côté du caîlcédra, du fromager, du baobab, du rocher ou du rapide ou bien AoM~o-H-M, dugu-ma-to, wolo-so-bugu, sur la colline celui d'en bas les paillottes des captifs de case d'autres fois, on lui donnera simplement le nom de son fondateur Bilali-dugu, Bakari-dugu, Afp~e-/a, etc. Le village ainsi identifié a sa personnalité, toujours différente de celle des voisins et qui s'affirme par les manières de penser et d'agir des habitants, par leur façon de s'exprimer. Tous ont les mêmes qualités, les mêmes travers, le même sentiment d'orgueil local, engendrant le mépris ou la haine pour les voisins. Chacun d'eux se distingue des villageois des autres centres parce qu'il possède les droits et les devoirs du cfpM (dugu-le) et ceux qu'il tient de la cn~Os (dugu-le-nya). Ces sentiments sont la conséquence de l'unité religieuse, morale, juridique d'un groupe restreint, étroite- ment soumis aux règles imposées par les ancêtres, la religion et la coutume. Ainsi que le remarque M. Maunier, à propos des Kabyles, le village est aussi, peut-être avant tout, une communauté liturgique. Cette constatation s'applique absolument à l'agglomération soudanaise qui a ses dieux, son culte, ses cérémonies ordinaires et extraordinaires, son clergé et sa terminologie rituelle. A époque fixe, les protecteurs occultes du communal et de ses habitants reçoivent des offrandes c'est ce qu'on appelle du~u-sô on dira de même Nama ou ~omo sô; enfin, les initiations prétendues secrètes, la circoncision et l'excision sont des fê~s villageoises. La morale est locale comme la religion elle détermine l'attitude et la conduite de chacun, entraîne la réprobation à l'égard de tout acte non conforme aux habitudes du lieu sans considérer, semble-t-il, le bien ou le mal, tel que le conçoivent les Occidentaux. Pour assurer l'observation de la coutume, il existe deux sanctions l'une juridique, l'autre éthique. La première est inuigée par le tribunal de famille formé des anciens et qui juge les affaires domestiques suivant les principes de son droit interne; ou bien par l'assemblée des vieillards de la communauté, présidée par le chef de groupe et qui statue sur les litiges survenus entre membres de familles différentes. La sanction éthique est spontanée, elle atteint durement les coupables par le moyen de commentaires désobligeants, de surnoms, remarques, réflexions ou apostrophes, par des chansons satiriques et surtout par le transport du personnage blâmé sur la scène curieuse du théâtre villageois. A côté de la solidarité religieuse et morale, les habitants pratiquent la solidarité sociale et juridique. Il suffit d'observer les funérailles d'un vieillard pour constater les marques de la première. En ces occasions solennelles de nombreuses personnes, parentes ou amies de la famille du défunt viennent de loin pour assister aux cérémonies qui durent plusieurs jours. Elles sont hébergées et nourries gratuitement par tout le village, à charge de revanche en pareille occasion. La responsabilité collective des habitants était souvent engagé autrefois par les actes, les blessures, les meurtres commis par l'un d'entre eux; aujourd'hui, les violences sont plus rares, mais la solidarité juridique continue à s'affirmer dans le cas d'incendie allumé par des chasseurs et qui aurait détruit des maisons ou des récoltes. Les parents et voisins des coupables se concertent et prennent les dispositions utiles pour secourir ceux dont les habitations, les moissons ou les provisions ont été consumées par le feu. Le conseil des anciens, présidé par le chef de village, et que nous avons vu intervenir en matière judiciaire, agit également comme organisme politique. Réuni sur la place centrale, le /ere, sorte d'agora ou de forum, il discute les questions municipales en présence des mâles de la communauté, admis éventuellement à prendre la parole. II se prononce sur toutes les questions pouvant intéresser le groupe, imposant les solutions et les actions que son président ne saurait modifier, sans l'agrément de ce collège. On peut donc aliirmer que le village possède un gouvernement autonome et démocratique. Malheureusement, des interventions administratives, constantes et pleines d'imprudences contribuent à détruire une organisation encore bien adaptée aux besoins actuels Les membres de la communauté villageoise, autrefois soumis à des règles strictes, forcés d'accomplir les mêmes actions sont enchaînés, à l'heure présente, par les liens d'une solidarité non seulement religieuse, morale et politique, mais surtout économique, la production étant fondée sur l'effort commun et la collaboration des habitants répartis en familles. CHAPITRE III La Famille et la <[ Commnmauté Taisible » au Soudan. La Famille et la « Communauté Taisible n au Soudan (') Les événements politiques et militaires qui se sont déroutés dans le Soudan occidental du x~ au xvui~ siècle nous sont connus par les récits des voyageurs, des géographes, des historiens et des annalistes arabes, traduits, contrôlés, précisés et commentés par des savants comme Houdas, Gaudefroy-Demombynes, Dclafosse, Monteil, Vidai. Mais, en général, plutôt que ceux du présent, les faits du passé ont retenu l'attention des chercheurs. En particulier, des phénomènes sociaux aussi importants que la vie et la transformation de la famille ont été négligés; la plupart des observateurs se bornent à affirmer que les Soudanais forment des groupements de parentèle analogues au gènos grec ou à la gens latine, sans d'ailleurs indiquer les caractères propres de ces collectivités, dont l'existence serait marquée, suivant eux, par un communisme indiscu- table. La question mérite, pourtant, d'être examinée avec soin, car la famille apparaît de plus en plus comme l'élément principal sur lequel doit et peut s'appuyer le progrès dans les territoires africains. Or, pour en comprendre l'organisation et le fonctionnement, il ne semble pas nécessaire de remonter jusqu'à l'antiquité classique. Un parallèle s'impose entre la collectivité soudanaise c'est-à-dire qu'a constituée, en général, sans convention écrite connue notre moyen-âge. Héritière du manse et chaînon intermédiaire entre ce dernier et le simple ménage, cette forme d'organisation familiale nous fournît très à propos toutes les comparaisons désirables son histoire éclaire et illustre les phases d'une évolution commencée en Afrique tropicale il y a trente ans et dont le terme, facile à prévoir, n'est plus très éloigné. La communauté taisible s'observe chez tous les agriculteurs sédentaires. Ce groupement, composé en principe d'agnats, s'est constitué spontanément dans l'Europe du moyen-âge. On l'a retrouvé en Allemagne, cantonné dans des maisons communes, Geschlecthaüser, qui abritaient jusqu'à 70 personnes placées sous l'autorité d'un WtrM;. Il est attesté en Hongrie, en Lithuanie, en Norvège, en Suède, dans les Mes de la Baltique, en Lombardie, dans les Pyrénées, en Aragon, en Portugal. Il a subsisté en France dans le Berry, le Maine, le Limousin, dans une partie du Poitou jusqu'à l'époque de la Révolution, et s'est maintenu jusqu'au milieu du xixe siècle dans le Nivernais. En 1840, Dupin. observa encore dans un village de cette province, Saint-Bénindes-Bois, une communauté de ce type, celle des Jault. Elle vivait sur la même terre depuis 1500 et possédait des champs, des près, des vignes valant ensemble plus de 200.000 fr. à cette époque. Ses membres avaient, en outre, ainsi que les autres habitants, des droits de pâture sur 400 arpents et l'usage de 300 arpents de bois à bâtir et à chauffer (1). Une collectivité de ce genre comprenait toujours un bien commun, qu'elle maintenait intact en appliquant avec rigueur le principe que l'agnation fait la parenté, en conséquence seuls les mâles pouvaient hériter. Elle était administrée par un « Maître » élu par ses « compains », dit Guy Coquille dans un passage célèbre de ses Questions sur les Coutumes du Nivernais (n° 58). Ce Maître, correspondant au Wt/~t allemand, devait et la communauté tacite ou taisible consulter en toute circonstance importante ses électeurs. On les appelait souvent parçonniers, c'est-à-dire participant aux produits, on nommait leur société compagnie, coterie et, plus volontiers, fraternité ou /rerescAe, car ses membres vivaient ensemble comme des frères, à « pot et à sel '). En dehors des droits dont ils jouissaient sur le bien commun, chacun d'eux pouvait posséder un pécule personnel, le plus souvent constitué par la dot de la femme, la succession maternelle, les biens acquis par legs ou tout autre moyen. Rhamm nous informe qu'il en était de même dans les villages de la Hongrie septentrionale où les membres de l'association familiale pouvaient réaliser des gains en distillant du grain, en élevant un veau ou un cochon et en le vendant; ils disposaient librement de ce pécule. Ce genre de vie était encore très répandu dans la Vieille Serbie au début du siècle la communauté taisible de ce pays, la zadruga y existe encore, mais elle disparaît peu à peu, remplacée par le simple ménage Par contre, elle se maintient encore dans toute l'Afrique du Nord. R. Maunier la signale et la décrit chez les Kabyles du Djurdjura, il lui attribue les caractères suivants « C'est, avant tout, une communauté économique, un groupement de possession, de production et de consommation. Elle est aussi une communauté mystique et liturgique, un groupement d'adoration et de célébration ». Elle n'est pas autre chose chez les Manding mangeurs de mil du Soudan occidental. A la vérité, la communauté taisible de ce pays est plus facile à reconnaître sur le terrain qu'à dénommer, car aucun terme manding ne rend avec exactitude notre mot « famille C'est à tort que certains dictionnaires proposent pour le traduire n'ara ou n'a~a, qui signifie nid' ou nichée si et si-ga, qui exprime la descendance ~-o~ ou kore, qui indique une association et, enfin, kabila, terme étranger, fort imprécis dans l'esprit de ceux qui, l'emploient, et paraissant s'appliquer à tous les apparentés même les plus éloignés. Pour comprendre une pareille lacune, il faut se souvenir qu'en latin lamilia et domus sont synonymes et que, dans notre langue, on peut dire la famille et la maison de Valois. En manding, un seul terme couvre deux notions distinctes du ou lu exprime à la fois l'ensemble des maisons occupées par une famille et les habitants, c'est-àdire toute la maisonnée, y compris les esclaves; le contenant et le contenu ceux qui habitent et travaillent ensemble formant une communauté ou ~uru-6a, mais ce terme désigne également la communauté villageoise. Le du ou lu comprend, d'ordinaire, un groupe de maisons enfermées dans une enceinte quelconque les séparant nettement des autres et les isolants des rues ou ruelles. C'est, en somme, le ~fo/ ou GeM/~ ou compound des ethnographes allemands et anglais, que l'on appelle parfois « carré o ou « concession dans nos colonies d'Afrique tropicale. On y pénètre par une vaste pièce à deux entrées, sorte de vestibule ou de corps de garde, le &oM ou Mo, dans lequel on peut remiser des instruments, abriter un cheval et, au besoin, loger des étrangers de passage. Très souvent, les mâles de la famille y prennent leurs repas. IMo est souvent employé comme synonyme de du. Après avoir traversé cette pièce, on se trouve généralement dans une vaste cour (du-Aenc) autour de laquelle des maisons ont été édifiées sans ordre apparent. Cependant, il est aisé de voir qu'elles forment de petits groupes plus ou moins isolés, faciles à distinguer les uns des autres; ce sont les habitations des ménages. On les nomme gba ou gwa, c'est-à-dire appentis abritant une cuisine et, par extension âtre, foyer, feu et, enfin, famille conjugale. Ainsi, l'examen du du révèle l'existence d'un groupe de parents habitant en commun, mais qui est subdivisé en plusieurs fractions. L'ensemble est assez Soigné d'ordinaire. Dans les coins sont ménagés des lieux d'aisance, n'ege ou sutura ou su-nko, le fumier est placé sur le sol ou dans un trou à l'écart, mais dans un endroit d'accès facile. Les maisons, de forme ronde ou carrée, surmontées d'un toit en paille ou d'une terrasse à gouttières, sont plus vastes et mieux construites dans le Sud que dans le Nord, chez les MaHnké que chez les Bambara. Certaines comportent un bas-flanc surélevé en argile, dugu-ru, qui sert de lit, des sièges, également en glaise modelée et battue, une banquette circulaire, des aménagements le long des murs pour placer les objets et ustensiles domestiques. L'examen des petits groupes d'habitations séparées, occupées par des ménages, précise l'existence d'un certain particularisme à l'intérieur du du. Chaque gwa comporte, en effet, une cuisine, un ou deux magasins f~fc/x* ~tnnatM d'Hisloire Bcoftonn~u~ff .SoCtft!e CAJtHË DE NaOLO TAHAOHK A MftBM 2. Ménage de Samha. – 3. Ménage de Dotné. 4. Ménage de Denkoro. 5. Ménage de Fabugai. 6. Quartier des célibataires. 7. Cabinets et satle de douches. – 8. Cuisines. 1. Ménage de Ngolo. 9. Fumiez – x X .< Greniers. des greniers. Ainsi se confirme l'impression que cette communauté d'aspect si cohérent, est en réalité morcelée en un certain nombre de fractions jouissant d'une indépendance relative, préparant leur nourriture et gardant eux-mêmes leurs provisions et leurs richesses. L'étude d'un cas concret permettra de comprendre le détail et le fonctionnement de cette organisation familiale extrêmement répandue chez les cultivateurs soudanais. L'exemple choisi est pris à Mpiéla, subdivision de Kolokani, au Soudan Français; on pourrait en citer quelques dizaines d'analogues observés dans les diverses fractions Manding et ailleurs. Le du ou Mo de Ngolo Taraoré se trouve au Nord du village. Il abritait autrefois un père, ses trois fils et leurs enfants. A la mort du père, les trois fils ont continué à demeurer ensemble, sous l'autorité de l'aîné Bakoro, le défunt n'ayant pas de frère ou cousin de sa génération capable de lui succéder. Bakoro étant mort, son frère cadet Ngolo est devenu chef de cette communauté agnatique on le nomme la ou mieux an fa, père, ou notre père, il étend son autorité sur 46 personnes ainsi groupées 1. Ménage de 12" décédé. 131 Ngoto. IV. de Samba, frère de Ngoto., de Dotué, fils de Samba. de Denkoro, fils de Bakoro V. de Fabulât, fits de U. tit. Hommes Femmes Enfants i 1 Ngolo..11 8 2 S 10 a 3 i 2 VI. Quartier des célibataires mâles tous fils de Ngolo et de Samba. iS 46 17 x x 19 9 A la rigueur, on pourrait ne pas mentionner comme ménage celui de Dotné, fils de Samba, qui habite près de son père et travaille avec lui, mais les informateurs le comptent à part. On remarquera dans cette décomposition le nombre assez considérable de femmes qui vivent avec Ngolo, c'est qu'il a recueilli les épouses de son père décédé et qu'il est devenu le mari de ses bellessœurs après la mort de son frère Bakoro. Le la Ngolo est certainement le personnage le plus important de cette communauté. Il fonde son autorité sur la religion, qui est ici domestique comme la morale. Patriarche et grand-prêtre de l'église famiuale, il est à la fois le représentant et le mandataire du groupe, il est encore l'intermédiaire de ce dernier vis-à-vis des mânes et des puissances occultes. A ce titre, il est chargé d'accomplir diverses cérémonies, d'offrir des sacrifices pour se concilier les ancêtres et les dieux, attirer leur faveur sur ses gens. C'est en qualité de prêtre qu'il choisit dans le lot familial, concédé par le chef lors dp l'occupation du village, les terres propices à cultiver, car les opérations agricoles sont des actes religieux c'est encore lui qui indique le moment favorable pour entreprendre les différents travaux, l'ordre strict dans lequel ils seront poursuivis. Mais sa charge principale consiste à garder et à administrer le bien commun. Ce patrimoine comprend la part de terrain, en général très vaste, sur laquelle la famille possède un droit d'exploitation et d'usage, les gisements miniers, les champs cultivés et les champs abandonnés sur ce lot, les arbres fruitiers plantés par des parents, les armes, les outils, les instruments, les récoltes, le bétail, les cauris, le numéraire, l'or, l'argent, les parures et vêtements de cérémonie acquis par le travail en commun. A tout cela, il faut ajouter, et ce n'est pas le moins important, les secrets familiaux d'ordre technique, esthétique, religieux ou magique, se rapportant par exemple à la production matérielle de certains objets, à des chants, à des danses intervenant dans des circonstances particulières, à la confection d'amulettes, de poisons, de remèdes, à la connaissance de formules sacrées, en langage spécial inconnu du vulgaire. A vrai dire, l'administration de ce bien sous ses aspects multiples n'est pas assurée par le chef de famille seul, ainsi qu'on l'affirme souvent à tort. En réalité, le ta manding paraît moins libre de ses actes et décisions que le Maître de l'ancienne fraternité taisible loin d'être l'autocrate impérieux et volontaire que l'on se plaît à décrire parfois, il semble plutôt remplir le rôle d'un administrateur délégué, d'un agent d'exécution, tenu de se conformer aux directives arrêtées par le conseil domestique formé des vieillards et des chefs de ménage. Pour remplir cet office, le /a doit être habile et prudent. En principe, cette fonction revient au plus âgé de la plus ancienne génération des parçonniers, mais s'il est imbécile, incapable ou prodigue, on l'écarte pour choisir parmi les vieillards de son âge ou les hommes mûrs quelqu'un qui offre de meilleures garanties. Au reste, quand le nouvel élu se révèle à son tour indési- rable, lorsque ses actes imprudents sont de nature à indisposer les ancêtres et les dieux, à compromettre l'intégrité du patrimoine, le conseil n'hésite pas à le déposer pour lui donner un successeur. Ces obligations sévères, imposées par la coutume africaine, sont pareilles en gros à celles que Guy Coquille a décrites au xvi<* siècle, dans la Coutume du Nivernais, elles ont la même cause le désir d'administrer sagement un patrimoine qui restera toujours indivis. Aux yeux des Manding et des autres cultivateurs sédentaires de la région qu'ils habitent, le bien commun est un dépôt sacré, qui renferme présentement les acquisitions des ancêtres et celles des vivants, qui englobera plus tard, celles des descendants, si bien qu'il touche à l'éternité par les deux bouts, comme l'écrit Mary Kingsley. On peut l'augmenter par des opérations heureuses, il est interdit de le diminuer par des mesures téméraires ou de mauvais calculs, susceptibles d'irriter par leurs résultats des ancêtres vengeurs, qui continuent à s'intéresser à une prospérité favorable à leur culte. L'obligation de garder le bien commun intact explique pourquoi il reste constamment indivis, elle justifie la règle suivie d'ordinaire pour choisir son administrateur responsable parmi les vieillards pondérés, gardiens des traditions et de la région familiale. Il n'est, d'ailleurs, pas indispensable que celui-ci soit un apparenté. Une considération particulière très remarquable intervient, en effet, dans l'élection ceiïe de la demeure et du travail en Quiconque vit séparé du groupe familial n'est jamais qualifié pour devenit le ja d'une collectivité dans laquelle il sera considéré presque en étranger quels que soient les liens de sang qui l'attachent à ses membres. Il n'est point un parçonnier aux yeux de la communauté taisible africaine, qui applique la même règle que l'ancienne collectivité agricole d'Europe et l'exprime par ce dicton révélateur des Bambara <'e &e ta daba da-le, l'héritage tient à la houe. Ce bien commun, si jalousement gardé, est l'élément commun.. essentiel d'une entreprise de production et de consommation réalisée par le groupe familial, mais ce serait une grave erreur de lui attribuer un rôle purement économique. En intervenant pour la conclusion des mariages, il accomplit aussi une fonction sociale. Au point de vue économique, il s'affirme par des recettes, des dépenses ordinaires ou extraordinaires, que l'on peut ainsi ranger par ordre d'importance sous les deux rubriques parallèles suivantes RECETTES Recotte Vente d'animaux et de denrées. Dots encaissées pour des filles. Recouvrement de créances. Compensations reines pour dommages subis pof le groupe ou un de ses membres DEPENSES Nourriture. Entretien. Impôt. Dots payées pour marier des fUs. Remboursement t)~ dettes. Amendes. Cotttpenaat)on!S pour dommages causés à autrui. Recettes et dépenses sont le résultat d'une action orientée, dirigée et réglée par le /a, qui dispose, à cet effet, d'une autorité remarquable sur les personnes. Cette puissance domestique s'est atténuée progressivement depuis quelques années par l'intervention de la puissance colonisatrice; les vieux Soudanais déplorent sa disparition. A la fin du siècle dernier, elle permettait au chef de famille de mettre à mort ou d'abandonner les nouveau-nés suspects, de mutiler les adultes en leur coupant une oreille, un doigt, la main, de les priver de liberté lorsqu'ils se rendaient coupables de graves infractions. Sur l'ordre du fa, ils étaient saisis, mis aux fers, ou bien on leur immobilisait les pieds dans une buche trouée qui les maintenait les Malinké jiommaient ce supplice ~undH. Ailleurs, on pratiquait simplement une ouverture dans le mur d'une maison, les jambes du patient étaient tirées à l'extérieur et fixées par un piquet solide. Les droits du chef de famille sur les personnes se traduisaient encore par la faculté d'expulser, après avis du conseil domestique, les adultes qui commettaient habituellement des fautes graves et s'avéraient incorrigibles. Ces infractions à la règle coutumière étaient, par exemple l'inceste, c'est-à-dire le fait d'entretenir des relations intimes avec les femmes interdites, épouses du père, des oncles, proches parentes, etc. L'expulsion était encore décidée à l'égard du prodigue, du malfaiteur invétéré, du voleur de grand chemin dont les actes engageaient la responsabilité collective du groupe. L'expulsé, considéré comme ayant commis du dommage au 6/6 était qualifié de blô-tin'a-dë, c'est-à-dire qui a abîmé ou détruit son ~/o il devenait un isolé dans la société, et il n'y a pas de châtiment plus terrible aucune aide morale ou matérielle ne lui était plus accordée s'il était marié, ses beaux-parents lui reprenaient leur fille. Le ta possédait encore un autre droit, source de nombreux abus en cas de famine ou dans toute circonstance ~rave, il pouvait mettre en gage une personne de son groupe pour se procurer la nourriture ou les valeurs dont il avaiL besoin. C'était le tono-ma-sigi ou encore ~no-/na-d(t. Le prêteur ou vendeur à crédit (<ono-masigi-ba) profitait du travail du ~ono-7na-Stg't-/e tant qu'il n'était pas remboursé, il était obligé en retour de le loger, de le vêtir et de le nourrir. Cette pratique, voisine de l'esclavage, est devenue rare depuis qu'elle est sévèrement réprimée par les tribunaux locaux. Malheureusement, il est encore facile de tourner la loi dans tous les cas où une fille esL livrée au prêteur sous couleur de mariage, car en pareille matière, la famille reste théoriquement souveraine. D'après la coutume, que nous nous sommes engagés à respecter, le mariage est, ici, un contrat entre deux familles, les goûts et préférences des principaux intéressés n'entrent guère en ligne de compte. Les deux /a-u se mettent d'accord après entente avec leurs conseils, eL décident la compensation à donner ou à recevoir en échange des services domestiques et sexuels à intervenir. Le montant de ces compensations était, et est encore, pris en recette dans le bien commun, pour être employé à éteindre une dette, à acquérir des animaux ou de préférence pour marier les fils du groupe. En per- mettant de contracter des unions, en assurant une Atiation légitime aux membres de la collectivité, le patrimoine commun, géré par )e /a, prend donc bien une importance sociale. L'autorité du chef de famille, renforcée par l'appui du conseil, permet au la de régler au mieux le travail en vue de la production agricole. Il doit, avant tout, prévoir et pourvoir; décider quels champs épuisés et de petit rendement seront abandonnés, quels emplacements nouveaux plus favorables seront débroussés et ensemencés. II fixe les endroits où le bétail ira paître et s'abreuver. Après avoir consulté les ancêtres, et les dieux, il détermine le jour faste à l'aube duquel les travaux seront entrepris, il donne les ordres en conséquence, partage le labeur suivant 1 âge, le sexe, les aptitudes et les forces de chacun. Auparavant, il a pris ses dispositions pour compléter l'outillage commun en haches, houes, couteaux, paniers, etc., de manière que l'exploitation s'effectue au mieux. Il assure également la nourriture de ses gens au moyen de mil de la récolte, qu'il distribue aux ménages tous les quatre ou cinq jours, après avoir mis en réserve le grain de semence, et placé à part la quantité qu'il entend négocier ainsi que d'autres denrées ou animaux pour se procurer le sel qu'il doit aux cuisinières, l'argent de l'impôt, celui qui sera consacré aux dépenses d'intérêt général, au remboursement des dettes, etc. Ce travail en commun sur les champs familiaux, ces distributions périodiques de grain, la commensalité par sexe qui réunit deux fois par jour les hommes d'un côté et les femmes de l'autre autour de la bouillie de mil, tout cela donne bien l'impression d'unité solide et de communisme dont parlent certains auteurs. Cependant, un examen plus approfondi des conditions de vie montre bientôt que ce bloc si cohérent en apparence est loin de former un tout indestructible. Si bien agencé qu'il s'affirme, quelle que soit son harmonie apparente, il présente des fissures et des lézardes qui décèlent l'effort antagoniste de ses composantes, et l'action destructrice du ménage gwa opposé à la communauté turu-ha. L'observation attentive et prolongée des diverses activités dans le cycle du calendrier saisonnier ne tarde pas à révéler que le labeur effectué par les membres de la collectivité a lieu tantôt en commun, tantôt par ménage, tantôt par individu. Il peut se décomposer en travail masculin et travail féminin. Dans le premier cas, celui des hommes comporte des activités spécialisées ou mélangées dont les principales sont la culture, la garde du bétail, l'exercice éventuel de certains métiers, ceux de forgerons ou de tisserands par exemple, et enfin la chasse et la pêche. Les femmes, de leur côté, participent dans une assez large mesure aux travaux agricoles, pour semer, récolter, transporter et même sarcler. Mais leur tâche principale est la préparation de la nourriture et l'éducation des enfants du premier âge; elles se livrent aussi à diverses industries domestiques, préparant en particulier la graisse végétale qui sera vendue au profit du groupement. Le point capital à noter est que ce travail en commun, loin d'être quotidien, n'est dû que cinq jours par semaine. Le reste du temps et de plus le matin et chaque soir, hommes et femmes sont libres de faire ce qu'ils jugent convenable. Un autre point d'importance méritant d'être mentionné, c'est que la réserve commune fournit seulement des vivres aux membres de la collectivité durant les cinq jours du labeur familial, le dimanche et le lundi ils doivent se nourrir eux-mêmes. D'autre part, ils sont obligés de se vêtir. Pour parer à ces différents besoins, chaque ménage reçoit du chef de famille un ou plusieurs champs à cultiver, ce qui permet d'attribuer des parcelles individuelles aux enfants et aux femmes. Les lots de ménage comportent toujours du mil, du maïs, des arachides, des haricots, des pois souterrains, des patates, parfois du manioc qui sont rentrés, le moment venu, dans les greniers et magasins des gwa-u. Ces produits sont englobés d'ordinaire sous la même appellation révélatrice ula-n'o, le mil du soir, c'est-à-dire le grain obtenu par labeur personnel, après que le travail en commun est terminé. Un homme actif peut gagner assez, dans son champ de ménage pour nourrir ses femmes et ses enfants deux jours par semaine, les habiller avec le coton récolté et que fileront ses épouses et ses filles, enfin réaliser des économies lui permettant d'acheter des outils et des armes en dehors de ceux que lui doit le chef de famille, et même d'acquérir des animaux. Ainsi se constituera, peu à peu, un pécule de ménage que le fa peut théoriquement réclamer, mais auquel il n'ose toucher en fait et dont le propriétaire garde la libn disposition. Il n'est pas le seul à jouir de cet avantage. Ses femmes et ses enfants ont pu également réaliser des gains et faire des économies; ils ont, eux aussi, un pécule que leur père ou mari pourrait confisquer à son profit, mais qu'il leur laisse toujours. Ces biens individuels sont appelés, en manding, t~KÙ~tmM. Ils s'opposent à la richesse commune /ufU-~a-a/<~o. Depuis quelques années, ils ont augmenté en nombre, importance et valeur, par suite de la transformation rapide des genres de vie. L'économie caractéristique de la famille, du village, de la province, qui dominait dans le Soudan occidental il y a une génération, fait place à une économie urbaine déjà puissante. Le commerce était autrefois borné à des échanges locaux ou à des transactions opérées sur les terrains neutres de marchés cantonaux, limités, sacrés, protégés par les dieux et dans lesquels la trêve était strictement observée il est devenu un négoce à grande portée, d'abord intertribal, puis intercolonial et enfin intercontinental. La paix et la sécurité ont permis aux indigènes de se déplacer, de prendre contact avec d'autres pays et d'autres sociétés, ils ont acquis au cours de leurs voyages des idées nouvelles, des besoins autrefois inconnus. A l'heure présente, quelques cent mille Soudanais descendent, chaque année, vers le Togo, la Gold-Coast et la Côte d'Ivoire pour s'employer dans les plantations et sur les chantiers quatre-vingt mille autres se rendent au Sénégal pendant la saison des pluies et une partie de la saison sèche pour cultiver l'arachide. Ils constituent un prolétariat saisonnier dont l'importance a été niée à tort comme la qualité; ils s'adaptent sans peine aux modalités du salariat, qui leur permet de réaliser des gains et d'épargner pour renforcer le pécule dont la vie familiale leur a enseigné les bienfaits et tes avantages. De retour chez eux, les saisonniers font école en suscitant J'envie; ils se montrent indépendants, rétifs à l'obéissance due aux chefs de famille. Ils ont l'argent nécessaire pour acquitter eux-mêmes les compensations coutumières exigées pour le mariage, sans avoir besoin de recourir au bien commun. La vie en collectivité leur pèse, ils tiennent à s'y soustraire dès que possible, se bâtissent une maison, fondent un petit carré et demeurent à part. En somme, la communauté taisible, si unie et si forte au début de notre occupation, est partout en voie de désagrégation. Plusieurs causes ont déterminé ce résultat. C'est, d'abord, l'atteinte porté à l'autorité des chefs et des conseils domestiques par l'intervention des autorités administratives, se substituant à eux pour sanctionner des infractions réprimées auparavant par les règles du droit interne. C'est surtout l'existence du pécule personnel, que des conditions économiques nouvelles et des facilités de circulation ont permis d'augmenter au point que leurs possesseurs sont devenus indépendants de leur collectivité. De ce fait, le mariage, au lieu d'être comme autrefois un contrat entre deux familles, est devenu un contrat entre deux individus. Cette évolution a été précipitée par les décisions des tribunaux reconnaissant aux jeunes gens majeurs le droit de disposer d'eux-mêmes contrairement à la coutume. La communauté taisible correspondait à un état de fait réclamant la vie des apparentés en groupes au sein de l'économie fermée. Elle se traduisait par l'union dans la production et dans la consommation pour répondre aux besoins de la vie journalière. L'atelier de famille fabriquait tout ce qui était nécessaire au travail et aux diverses activités. L'ensemble des parçonniers formait un bloc de défense contre les entreprises hostiles des voisins. Elle a cessé d'être indispensable dès que la sécurité a régné et que le pays s'est ouvert au trafic. Le phénomène que nous observons dans le Soudan occidental est bien connu. Les communautés familiales d'Europe en ont manifesté toutes les phases; la dernière, la zadruga serbe, illustre par son exemple une situation que les autorités locales commencent à percevoir. La collectivité d'apparentés avec laquelle nous avons compté jusqu'ici se désagrège rapidement; un autre groupement lui succède, moins fort mais plus accessible, plus souple, d'une éducation plus facile le simple ménage ou, comme on l'appelle parfois, la famille instable ou conjugale. CHAPITRE IV Les Parenté* par alliance. Ligne paternelle. Ligne maternelle. Parenté classificatoire. Parenté Les Parentés Les membres de la famille étendue, comme ceux du simple ménage, sont unis entre eux et aux représentants d'autres familles, par les liens plus ou moins solides d'une triple parenté la parenté en ligne paternelle, fa-de-n'a; la parenté en Hgne maternelle, na-ma-de-n'a et, enfin, la parenté par alliance, bira-n'a; M. buda-n'a ou bura-n'a. Elle est proche ou éloignée dans le premier cas la consanguinité, 6aH-ma-ya (de bali ou 6eH, empêcher), détermine souvent des prohibitions au mariage. La parenté en ligne paternelle a, chez les Manding, une importance prépondérante ainsi, l'enfant prend le d'a-mu, nom honorable du groupe de son père et la dévolution des biens après décès se fait dans la ligne paternelle. Mais la ligne maternelle est à peine négligée pour cela; elle est définie et limitée comme l'autre et chacun de ses degrés est soigneusement dénommé. L'examen des termes appliqués aux ascendants et descendants montre qu'ils sont pareils dans les deux branches. Il révèle, en outre, que la parenté recouvre seulement six générations comme le prouvent les appel- lations ci-après 1" génération: /H; /my; /o{/; /o-st = rien. 2' 3e 4e 5e 6~ 7e 8e – – fo!o-ma-sama qui prend ou tire les oreilles. tolo-mina Mo-sonïa = grand-père. mo muso = grand'mère. /a = père. – ~e = f;ts, fille. – fno-d~ = petit-ûls, petite-fille. – Mo-mtna, etc., comme le 2. – /u; ~u! etc., comme ? N" 1. Cette expression singulière « tireur d'oreilles se rencontre également chez les Peuls, les Wolof, les Mossi, les Lobi, les Dagari, les Ashanti, etc. Les Manding en fournissent plusieurs explications pour les uns, si l'arrière-petit-fils frôle l'oreille de son bisaïeul, ce dernier devient sourd pour les autres, ce terme rappelle une coutume ancienne qui obligeait l'arrière-petitfils à toucher l'oreille de son ancêtre décédé. Il est facile de déterminer les degrés de parenté en ligne directe par contre, il est presque impossible de les préciser en ligne collatérale, lorsqu'il s'agit de la descendance de plusieurs frères à la troisième ou quatrième génération. Le souvenir de la parenté subsiste lorsque les différentes branches vivent dans la même localité ou des lieux assez voisins il se perd lorsqu'elles demeurent en des points éloignés. Ligne Paternelle On trouvera ci-après les diverses appellations se référant à la ligne paternelle. Elles sont disposées de manière à indiquer les termes réciproques usités par les apparentés. la = père. < de, dï = fils, Me. père. bina M. baba-ndi de = fils, fille. ba, ma, na = les femmes du K. benoro = frère du père. ba + Je nom femmes des frères du père. n~ene K. bingi-musu = sœur du père 0 ou ben-ke = mari de la sœur du père &en-As est un terme de politesse A.)r3 = frère aîné, fils des frères du père plus âgé que celui qui parle. A'a~a/ne==enfant de la sœur ou père. mo-ke = père du père. mo-muso = mère du père. de = fils, fine. de = fils, fille. dg~ K. Mn~tnyo -=s fils, fille neveu, nièce. le nom. doro, frère cadet, fils des frères du père moins âgés que celui qui parle. Acharne = enfant du frère de la mère. mo-de ou le nom = fils du aïs. mo-de ou le nom = fils du fils. Ces diverses appellations ne réclament aucun com- mentaire en dehors de n~ern* (sœur du père, terme dérivé d'une racine ta qui a donné aussi tana, tene, interdiction). La tante maternelle serait, aux yeux des Manding,-ta femme interdite de cette génération. Or, elle n'est pas la seule dans ce cas théoriquement, les femmes du père et celles qu'elles considèrent comme des soeurs sont dans la même situation, bien que la défense les concernant soit fréquemment violée. Quoi qu'il en soit, cette parente jouit d'une grande influence dans la famille, sa malédiction est redoutée. Un autre point à souligner dans cette terminologie c'est l'existence d'une expression particulière désignant les enfants de la n~ne-mu~o, on les nomme kalame et ils disent également Acharne aux enfants du frère de leur mère. Il est habituel que les kalame-u s'insultent et se plaisantent lorsqu'ils se rencontrent. Les mariages entre eux sont tantôt permis et tantôt défendus; nulle part, on ne les juge obligatoires. A l'origine ce terme n'était employé que dans la ligne paternelle il est, maintenant, en usage dans la ligne maternelle, mais dans ce cas c'est une simple marque de politesse. H en est de même pour ben-ke qui devrait s'appliquer uniquement au frère de la mère, mais l'étiquette et la bienséance incitent à se servir aussi de ce terme pour le mari de la n~M-mtMo, qui pourtant n'est pas considéré comme un parent. Ligne Maternelle Le tableau suivant donne la liste des termes de parenté et leurs réciproques dans la ligne maternelle ba ma ben-ke na = mère. ~e-vt~e bari-nke == frère de la de = fils, fille. 6e-/tf mère. kao (peul) i ba + nom = femme du frère de la mère. ba-ko (après la ba + nom mère) sœur de la mère. < ) M. bare-ndi =-= fils de la sœur. d~ = fils, fille. de tils, fille. ~a-nt-fe-n: (petite mère). 0 ou /a = mari de la sœur 0 ou de = fils de la sœur de la mère. kora = enfant du frère ou de la sœur de la mère s'il est plus âgé que celui qui parle. de = enfant du A~ ou du doro. mo-~e = père de la mère. mo-muso = mère de la mère. de la femme. doro = enfant du frère ou de la sœur de la mère s'il est moins âgé que celui qui parle. A:M~ ou doro du frère. 0 ou de = fils de la fille. 0 ou de = fils de la fille. Dans cette ligne, l'oncle maternel jouit d'une grande considération ce ben-ks, bele-nke ou bari-nks également appelé kao ou kau par les gens qui vivent en contact avec les Peuls, à l'obligation de marier son be-ni. Il lui doit une femme prise de préférence parmi les filles de l'un de ses frères. En revanche, le be-ni est tenu d'accorder son aide au frère de sa mère en toute circonstance, spécialement pour cultiver les champs de ce dernier, construire ou réparer sa maison avec le concours de ses camarades d'âge. Par contre, la sœur de la mère est à peine considérée comme une parente, pour la désigner on dira m ba tforo ou Aara-muso, la cadette ou l'aînée de ma mère. Les grands-parents que nous retrouvons sous la même appellation dans les deux lignes mo, sont dans une position particulière vis-à-vis de leurs petits-enfants. Il' y a, d'abord, rivalité de sexe entre le grand-père et le petit-fils, entre la grand'mèrc et sa petite-fille c'est pourquoi on les entend se défier et s'insulter. la: viens lutter. na an ka m b(s) t &/ je te ferai tomber. i te se ka m bi tu ne saurais me faire tomber. Le vieillard appellera l'enfant: fe-Ao~o, peureux, ~aMa, polisson. Le petit-fils répondra n't-ftfa, édenté, da-~a-AoM, bouche vide, i sa tuma se-ra, le moment de ta mort est venu. Le grand-père, par ailleurs, est supposé marié à sa petite-fille, la grand'mère à son petit-fils; ils s'appellent mari et femme, se querellent et se font des reproches en public comme s'ils formaient un vrai ménage. Toutes ces manifestations n'empêchent pas les uns et les autres d'être unis par des liens solides d'affection. Durant les funérailles de leurs grands-parents, les petits-enfants ont des privilèges analogues à ceux des senanku-u. Ils ont le droit de prélever ce qui leur convient sur les animaux, d'ordinaire des chèvres, sur les pagnes, les denrées, l'argent même que les proches parents par alliance doivent apporter à l'occasion de ces réjouissances solennelles. Parenté par alliance La patenté par alliance comporte peu de termes; chacun de ceux-ci s'appliquant à plusieurs personnes fe, k'e, &e = mari. Mra-n'6 = parenté par alliance. bean-pére. &tra-&e muso, moso, musu=épouse. Mra-n'a= parenté par alliance. belle-mère. bru gendre. beau-frère. beHe-sœur. parents mas- &!ra-muso. toutes les paculins du marentes du sexe féminin du mari ri ou de la de la femme. femme. ou Le terme birâ ne s'étend pas aux grands-parents; un mari dira, d'ordinaire, m muso /no-Ae, le grand-père de ma femme, le plus souvent il le désignera par son nom. En effet, par suite de la convention en vertu de laquelle l'aïeul est le mari supposé de sa petite-fille, il considère le véritable époux de celle-ci comme son rival et la coutume l'oblige à l'insulter e y(e) m muso bosi n(e)-na, tu m'as enlevé ma femme, dit-il. Le terme birâ ne s'emploie pas non plus à l'égard des parents de l'époux qui sont plus jeunes que ce dernier. On les appelle, quel que soit leur sexe, m-m~, B ni-ma on nomme cette relation nt-mara-ya ou ni-ma-ya. Mais, dans le cas d'un mari, alors que les frères, cousins, sœurs, cousines plus jeunes que sa femme seront tous des nt-m3r;)-~H par rapport à lui, il nommera les personnes du sexe féminin appartenant à ce groupe m muso, ma femme elles l'appelleront n fc, mon mari. Ses frères agiront de même à l'égard de sa propre femme et oes jeunes sœurs de cette dernière, car toutes sont des épouses possibles pour lui-même et pour eux. En effet, à la mort de sa propre femme, il pourrait se marier avec une de ses belles-sœurs, plus jeune que la défunte. D'autre part, à son décès, ses femmes reviendront à ses jeunes frères ou à ceux qu'il nomme ses frères. Cette situation provoque, entre les intéressés, un échange obligatoire de plaisanteries chaque fois qu'ils se rencontrent. L'homme dit muso kolo, vaurienne t's-la-dya-bali, qui ne soigne pas bien son mari. La femme répond seH-tara-to, paresseux; i sene-ke-bali, toi qui ne cultive pas et, naturellement, la plupart ajoutent i te i muso /t/ere-&a, n'habilleras-tu pas ta femme. Une coutume assez curieuse, surtout en usage chez les Bambara, permet au mari d'interpeller l'un des 7!7!:M':), proche parent mâle de l'épouse, comme si c'était une femme et de lui dire m muso, ce qui provoque des discussions et des rires. La bira-n'a comporte, en général, des obligations assez imprécises envers les alliés éloignés, elle impose au contraire des devoirs très nets à l'égard du beaupère, de la belle-mère, du frère du père de la femme et, enfin, du frère de celle-ci. Pour en avoir une idée, il sufRra de résumer ceux qui incombent au mari. Dans ce pays où la séparation entre gendre et belle famille est inconnue, des réunions assez fréquentes peuvent les mettre en présence. En ces occasions, le gendre gardera une attitude respectueuse, baissera les yeux, évitera de s'asseoir sur la même natte il usera enfin d'un langage que ses beaux-parents châtié, à l'exclusion de tout terme léger ou déplacé. Si les beaux-parents habitent dans un autre village, le gendre ne se rendra pas directement chez eux il descendra dans une maison amie, se fera annoncer et enverra en même temps les menus cadeaux que l'étiquette l'oblige à offrir. En échange, on lui fera parvenir de la nourriture dans beaucoup d'endroits, le beau-frère apportera un mouton vivant à t'hôte du mari de sa sœur. Le gendre bien élevé, observateur correct des coutumes, doit travailler avec ses camarades d'âge dans les champs de son beau-père et du frère aîné de sa femme avant et après le mariage. Il se montre très attentionné à l'égard de sa belle-mère, coupant du bois pour elle lorsqu'elle fait la cuisine, fabrique de la bière ou du savon, par exemple; il devance ses moindres désirs. Il n'est pas moins prévenant à l'égard de son beau-frère, qui a sur sa femme des droits égaux à ceux du père, la dot versée pour sa sœur étant généralement employée pour lui procurer une épouse. D'ailleurs, cadeaux, prestations et attentions appellent des réciprocités. Dans cette société comme dans toutes les autres, le don suscite le contre-don. La bellefamille est soumise, comme le gendre, à cette obligation rigoureuse. J'ai indiqué les règles d'étiquette présidant aux relations entre alliés. Ce ne sont pas les seules; il y en a d'autres qui règlent les rapports entre mari et femme. Une épouse bien élevée n'appellera jamais son mari par son nom elle lui dira maa ou maa-ke, maître et, en parlant de lui, le qualifiera n(e) so-tigi ou bien n(e) lu-tigi, ou bien n(e) d'a-tigi, le maître de ma maison; ou bien encore, le père d'un tel, en citant le nom de son fils. Parenté classificatoire La parenté manding est etassiSeatoire c'est-àdire que les termes marquant certains degrés dans la famille européenne sont étendus ici à des catégories de personnes dont la parenté physique avec le sujet parlant n'est pas toujours établie. A entendre les Manding appeler « mère », ba, non seulement leur propre mère, mais encore les sœurs de celle-ci et toutes les femmes qu'elle nomme ses sœurs, on pourrait penser qu'ils n'établissent aucune distinction entre la parenté individuelle et la parenté classificatoire. Il n'en est rien. Malgré l'emploi du même terme, on peut toujours être fixé grâce à l'omission ou à l'adjonction du nom de la personne dont il est parlé. Si l'on dit: m ba tout court, il s'agira certainement de la vraie mère; si l'on dit, au contraire: mère Une Telle, par exemple mère Nieté, m ba Niele, on marque ainsi que la femme nommée appartient simplement à la catégorie des mères d'étiquette. On procède de même pour différencier les pères. L'examen des termes de parenté montre, en somme, la répartition des membres de la famille en plusieurs classes superposées, de l'arrière-petit-fils au bisaïeul, les appellations étant à peu près générales dans chaque catégorie et d'une catégorie à l'autre. Cette distinction se retrouve également dans la famille elle a son importance pour le régime successorale du bien commun qui se transmet en principe de frère à frère. CHAPITRE V Divisions apparentes et cachées de !a Société – Intervention Classes d'âge. Fraternités d'âge. Circoncision et Excision. du ManMestatiOM nocturnes dn Home. Komo. Epreuves et RévéMte du Komo. Fêtes saisonnières et septennales du lation. Kmno Fonctionnement de !a Société. Divisions apparentes et cachées de la Société Classes d'âge La société manding est apparemment subdivisée en classes englobant tous les individus ayant à peu près le même âge et répartis par sexe. L'étiquette et la langue confirment l'existence de ces catégories, les membres de chacune d'elles étant désignés par des appellations propres. Voici la liste des termes courants applicables à FEMMES HOMMES 1" Un vieillard 2° Un personnes mûre: 3° TJn adulte 40 Un adolescent 5° Un enfant fe-m3r3-&<! f'e-m;~ ka-ma-le bila-koro dè muso-6a ba-muso xu-~uru sN-m~uru-t de La société est donc comparable à une famille avec ses grands-parents, ses parents et ses enfants des différents âges, chaque génération représentant une subdividion dans laquelle tous les membres sont désignés par le même'nom. C'est la base du système dit CLASSIFICATOIRE déjà mentionné. L'étude des appellations confirme cette première impression. En effet, les adultes qualifieront, par exem- pie, de fa, père, de ba, ma,ou na, mère, tous les hommes et toutes les femmes de la génération qui les précède ils diront aux vieillards: baba, grand-père, on mama, grand'mère, et aux enfants n(e) de-nfe ou n(e) demmM~o, mon fils ou ma fille. Mais l'examen d'autres termes révèle encore que, dans la même classe, les membres se traitent mutuellement et d'après leur âge de ~r~ frère ou sœur aîné <fo~o, cadet ou cadette. Ces dénominations bien connues de tous, imposées par la coutume et la bienséance, dissimulent, comme on va le voir, toute une organisation à rites secrets qui conditionne la vie manding à partir de l'enfance. Les premières fraternités d'âge Jusqu'à 7 ou 8 ans, les deux sexes placés sous l'autorité et la surveillance directe des mères ne font partie d'aucune association, ce sont des de-mmese-nu, des toutpetits. Lorsqu'ils atteignent l'âge dit de raison, il y a séparation des sexes, spécialisation des jeux et des tâches. Les garçons rejoignent le groupe des plus âgés, s'adonnent avec eux aux divertissements masculins, courses, luttes, lancement de projectiles, escalades, natation on leur confie la garde du bétail; ils accompagnent les hommes dans les champs, exécutent de petits travaux agricoles. Les filles s'amusent entre elles, jouent à la poupée, imitent les cuisinières et commencent à prendre leur part du labeur domestique féminin. De plus, garçons et filles entrent chacun de leur côté dans une confrérie enfantine possédant son culte, ses règles de conduite et ses manifestations périodiques. La plus connue de ces associations est, pour les garçons, celle du Morno bambara, décrit par Monteil (1). C'est, en général, un groupement de préparation et d'imitation qui reproduit les cérémonies en usage dans les fraternités recrutant des membres plus âgés. H développe la discipline et la solidarité. Les garçons qui en font partie sont appelés bilakoro-u; ceux qui ne sont pas encore des bila-u ou Ma-u ils n'ont pas le droit de porter le pantalon, kurusi ou kursi tant qu'ils ne sont pas circoncis et initiés., Une mutilation des organes sexuels, une éducation religieuse, morale et politique, la révélation d'un mystère, marquent le passage des adolescents dans la vie des adultes. La première opération, souvent décrite, n'est pas la plus importante. Aussi bien l'ensemble des actes, rites et formules qui interviennent durant cette période de crise et cette phase de transition mérite-t-il d'être exposé à nouveau, en dépit des excellents travaux que lui ont consacré le P. Henry Delafosse, Monteil, Tauxier et Moussa Travété. Les observations faites à ce sujet dans le cercle de Bougouni au Soudan montrent la liaison des pratiques encadrant les mutilations avec les confréries telles que le nama, le kore, le kono, le koma ou komo. C'est de ce dernier seul qu'il sera parlé ici. Il est représenté, surtout aux yeux du public, par un masque, do-ni, par des auiliés mystérieux et invisibles, les komo-suruku-u (hyènes du komo), qui se réunissent chaque année derrière le village, après la récolte, font retentir des instruments de musique et prédisent tes événements qui vont se dérouler dans les mois à venir. Les vieillards consultent les devins les jours suivants, afin de vérifier les dires des komo-suruku-u et de connaître les sacrifices à accomplir pour maintenir la prospérité et écarter le malheur. Si l'année est considérée comme favorable, on pourra pratiquer la circoncision, l'excision et les initiations au komo. Ces cérémonies ont lieu d'ordinaire tous les deux, trois ou quatre ans. Circoncision et Excision En décembre, les chefs de famille et les matrones choisissent les jeunes garçons à circoncire et les filles à exciser. Ils leur attribuent un rang pour les cérémonies le premier (/a-<*e) (~a-mt~o) étant le fils ou la fille du chef, puis leurs frères ou sœurs et, enfin, leurs cousins ou cousines. Lorsqu'il y a désaccord sur la personne, on tire à la courte-paille. Autrefois, les jeunes gens ainsi désignés avaient de 12 à 15 ans et au-dessus; aujourd'hui, la limite d'âge inférieure tombe parfois à 9 ans. Les candidats choisis sont avertis; ils se préparent aussitôt à la cérémonie, et vont, en groupe, couper le bois pour chauffer l'eau nécessaire à leurs ablutions lorsqu'ils seront dans le ~end'e, mot qui désigne à la fois l'enclos palissadé des circoncis et celui des excisées, l'intérieur sacré de l'enceinte et même l'arbre qui s'y trouve. Au début de décembre ou de janvier, les vieillards consultent encore les devins qui indiquent le jour reconnu faste où l'opération pourra commencer. Dans la quinzaine qui précède, les garçons activent leurs préparatifs; tandis que les filles, accompagnées de leurs aînées qui ne sont pas encore mariées, visitent toutes les maisons du village en quêtant et en chantant de vieux airs traditionnels; elles recueillent ainsi des denrées, des cauris et même de l'argent qui serviront aux fêtes et réjouissances marquant le terme des épreuves. L'avant-veille et la veille de la cérémonie, les deux pièces qui vont recevoir les 'garçons et les filles à circoncire ou à exciser subissent une préparation religieuse et magique. C'est dans ces chambres, dénommées &<)? ou blô, mais qui ne sont pas des vestibules désignés d'habitude par ce terme, que vont passer la nuit des jeunes gens extrêmement sensibles aux influences nocives des puissances occultes et des sorciers. Pour les préserver, ces pièces sont isolées et interdites au moyen de ~a/o. fils et ficelles noués trois, sept ou neuf fois sur des formules magiques elles sont purifiées par des boli-mugu. poudres sacrées, lancées dans tous les coins ou brûlées pour chasser de cet endroit les miasmes pernicieux. La veille de la cérémonie, a lieu la fête du soli-si, fort bien décrite par le P. Henry elle comporte des danses spéciales, mais sans caractéristiques remarquables, qui sont exécutées au son des tambours; les chants des griots les accompagnent. Les pères et mères des jeunes gens donnent des cadeaux aux musiciens, ce sont les choses du soli-si, les soH-s!e-nM. Vers une heure du matin, futurs circoncis et futures excisées, soli-ma-de-nu, regagnent le M<! immunisé et puntié, un seme ou sembe, initié lors d'une précédente cérémonie, accompagne les garçons, tandis qu'une ancienne excisée passe la nuit avec les filles. Les cérémonies qui concernent ces dernières sont à peu près les mêmes que pour les garçons; elles sont accomplies par une vieille forgeronne, mais ne comportent aucune intervention du komo, nous n'insisterons pas sur elles, souhaitant nous attacher surtout aux rites masculins, plus remarquables. Au premier chant du coq, le seme éveille les soli-ma-u, les fait sortir et laver à la lueur incertaine que répand l'étoile du matin (st~t-Mo). La veille, des jarres ont été déposées près de la chambre on a pris soin de placer des morceaux de fer dans l'eau pour la rendre plus froide. Les jeunes gens s'aspergent largement avec ce liquide glacé qui endormira leur sang. Aussitôt après cette épreuve, ils doivent absorber sans se faire prier un grand plat d'éleusine brûlante, i' e-tari-nio, la bouillie des braves puis, ils sont conduits par des chemins détournés au lieu de la mutilation, afin de dépister les sorciers. L'emplacement de la circoncision est appelé finin<a-n~, la termitière des vêtements parce que les solima-u s'y déshabillent pour se présenter nus à l'épreuve. Les effets qu'ils abandonnent sont réservés au forgeron opérateur. Les jeunes garçons placés dans l'ordre où ils ont été désignés par les vieillards, attendent ce dernier avec inquiétude. Il ne tarde pas à paraître sous l'aspect le plus effrayant. Sa blouse, de couleur jaune sale, teinte à la racine de wolo (combretacée ?), porte un nombre incalculable d'amulettes, dont plusieurs sont agencées pour émettre des sons inquiétants elle est hérissée de plumes et de dards de porc-épic, comme sa coiffure, surchargée en outre de coquilles d'escargots et de têtes de calaos. De tout cet accoutrement émane une odeur épouvantable. Il se présente plein de mépris, considère les garçons, et dit « On m'appelle pour peu de chose ». Le fa-te répond « Kana d'ô an-na, an b(s) i ba » (A quoi bon maugréer contre nous, nous ferons l'affaire). Le forgeron se précipite alors sur celui qui parle, l'adolescent se lève, marche à sa rencontre et le brave « Crois-tu donc que nous avons peur de toi ? », Le forgeron tourne sept fois autour des futurs circoncis en faisant résonner une clochette en fer, daro, utilisée dans les cérémonies du komo, en même temps il lance de tous côté des poudres protectrices, et pro- nonce des formules magiques. Quand il a fini, il s'arrête brusquement face aux jeunes gens qui sont tournés vers l'Est, tire de sa peau de bouc un morceau de bois, une sorte de massue grossièrement façonnée, un couteau à manche de bois et de la ficelle. Le premier des garçons s'avance, répond aux insultes que lui adresse le forgeron, lui crache à la figure et s'assied devant lui. L'opérateur examine la verge du jeune homme, tire le prépuce, en attache le bout avec une ficelle roulée autour de son gros orteil, place l'extrémité nouée sur le morceau de bois, dispose le couteau, détourne l'attention du patient et frappe la lame avec la massue. Le prépuce tranché est laissé par terre, plus tard on l'enterrera à cette place même. L'opéré se recule et s'assied au-dessus d'un trou creusé exprès pour laisser couler le sang. La cérémonie continue tandis que des infirmiers improvisés pansent les blessures. Lorsque le sang a cessé à peu prés de s'épancher, ils appliquent sur la plaie un petit capuchon formé de feuilles assemblées et retenu à la ceinture par un lien de coton, qui est un tafo, la ceinture elle-même est un autre tafa généralement l'opéré en a un aussi sous la langue pour se protéger contre les influences hostiles qui le menacent. L'une d'elles, la plus redoutable, va se manifester sans tarder. Une voix puissante, bourdonnante, surhumaine se fait entendre, elle semble dire lentement ko-ngo be n(e)-na, j'ai faim. Elle répète cette phrase, qui suscite un grand émoi chez les opérés, jusqu'à ce que le plus ancien des seme-u présents s'écrie « m ba-o-m-ba, i mun'u de-nu ma kon » (Mère, o Mère, patiente, les enfants sont trop jeunes). Alors, l'étrange voix se tait. C'est un bruit extraordinaire, produit par un grand rhombe de fer forgé, long d'une quarantaine de centimètres qui est manié dans le lointain par un homme vigoureux. Il indique l'approche et la présence de la komo-ba, mère du komo, dont c'est ici la première intervention. Les opérés revêtent une grande blouse flottante, se coiffent d'un bonnet de toile et rentrent dans le village en agitant le wasamba, instrument à bois frappés qu'ils font retentir à chaque pas. Une foule joyeuse les entoure, des cavaliers se livrent à des prouesses équestres, tirent des coups de fusil, en criant « Fari. fari n(e) doro-ni bravoure mon cadet a montré fari-ga-la (Bravoure » sa bravoure). Le cortège se rend sur la place où se déroulent d'ordinaire les divertissements des circoncis les tambourinaires et les musiciens les y attendent pour les conduire chez le chef de village, dugu-tigi, qui va les recevoir entouré de vieillards. Appuyé sur son long bâton, le chef leur dit « Alla ni dugu-n'ana-u ma a balo-la; su-koro-lu ka dvaa a ye, k(a) a n'u-ma mbo seri-de-mbo-nna » (Que Dieu et les bienfaiteurs de ce village vous gardent en vie, que les ancêtres vous protègent et que vous sortiez bien de la chambre des Seri). C'est la première fois que ce terme est prononcé; il s'applique, désormais, aux circoncis pour toute la période de réclusion. Après les souhaits du dugu-tigi, les seri-de-nu reçoi- vent les remerciements des vieillards à cause du bien que les jeunes gens leur ont fait en coupant du bois, en portant de l'eau, en chassant les rats, en aidant à cultiver la terre, en faisant les commissions, en grattant le dos des impotents. Ces compliments formulés, les seri-de-nu se retirent dans le seri-de-mblô, ils y passeront la nuit et en sortiront le matin pour se rendre au güende. Pendant cinq jours, ils y demeurent sans incident; les seme-u les gardent et les soignent au moyen de pansements humides, d'infusions de feuilles et d'écorce. Ils commencent aussi leur éducation, leur défendent de regarder la plaie et de s'asseoir la tête sous la blouse ils leur enseignent le respect dû aux seme-u, qui se traduit, par exemple par des saluts à l'aide an wasamba, cet instrument devant rythmer le refrain particulier à chaque seme et qu'il faut connaître. Les seri-de-nu jouent encore au wali, mari ou ivari (12 cases) ou au mpari ils chantent des chansons dunu ma kasi ye t'e-jari n'e ko sigi lolo dunu ma kasi ye soli-ma d'ito n'e ko fara nkomi. (Au chant du coq l'œil du brave est comme l'étoile du matin au chant du coq l'œil du solima poltron est comme la rosée du marécage). Au commandement des seme-u, ils imitent le cri du calao, de l'hyène, du léopard, du lion, du singe. S'ils l'exécutent mal, ils sont passibles de coups de bâton ou de cravache et surtout d'amendes à payer plus tard sous forme de sel, miel, tabac, pâte d'arachide, calebasses de bouillie et même poulets. Chaque soir, les circoncis rentrent du gùende en cortège en jouant du wasamba et en chantant pour écarter les femmes qui ne doivent pas les approcher durant cette période, ni même leur porter de la nourriture. Intervention du Komo Le sixième matin cette quiétude relative va être troublée par la seconde intervention de la komo-ba. Ce jour-là, les seri-de-nu, levés de bonne heure, sont conduits au point d'eau pour s'y laver. Ils trouvent le sentier obstrué par des branches, des épines et de l'herbe. Les seme-u leur ordonnent de se déshabiller; puis, armés de bâton et de cravaches, ils forment le cercle autour d'eux après avoir prescrit au fa-t'e de débarrasser la voie. Mais à peine celui-ci a-t-il porté la main sur une branche, qu'un komo-suraku, dissimulé près de là, s'écrie d'une voix terrifiante « a da ka sa » (touche-y pour voir). Les circoncis veulent s'enfuir ils sont maintenus sur place à grands coups de cravache par les seme-u, tandis que le komo-suruku menace et crie Bla-u a ye ba ye, a ye bo ni n(e)-ka sogo-u fe » (Initiés, sortez de là, retirez-vous, vous êtes entre moi et mes proies). Les seme-u crient pour augmenter le désordre, ils font des remarques comme « bi-ta te d'a a m(a) « so-guë na-to ye » (L'affaire d'aujourd'hui n'est guère favorable, ne voyez-vous pas sa trompe qui s'avance). Effrayés, les circoncis supplient les seme-u de les sauver, mais ceux-ci n'y veulent pas consentir ils sont impuissants, disent-ils, car trop de fautes ont été commises par les seri-de-nu, qu'ils se débrouillent Toute cette mise en scène a pour but d'effrayer les jeunes gens et d'en tirer d'autres cadeaux. Cependant, le komo-sutuku s'approche de plus en plus en chantant. On l'entend dire « n(e) na-na sogo no-fe, sogo-su-ma b6 n(e) nu-ntia » (Je viens attiré par la viande, j'ai l'odeur de la viande dans le nez). Les seri-de-nu, terrorisés, accordent aux seme-nu tout ce qu'ils demandent; aussitôt, l'un de ceux-ci s'écrie en s'adressant au komo-suruku « Ngoro be an fe » (l'iguane de terre est entre nous deux) et comme tout ce qui appartient au komo ne peut souffrir cet animal, le komosuruku se retire. Aussitôt, les circoncis vont se laver, puis se rhabillent et rentrent au gùende où, pour la première fois, de vieilles femmes apporteront leur nourriture. Les manifestations nocturnes du Komo Ce sixième jour, marqué par un début si tragique, ouvre une ère de terreur au cours de laquelle le komo interviendra fréquemment, surtout la nuit. Les seme-u l'appellent à chaque instant pour punir les circoncis qui ne sont point attentifs aux leçons des anciens et n'exécutent pas leurs ordres avec diligence. Ils s'efforcent d'obtenir par la peur de l'inconnu des présents coutumiers plus importants. Les seri-de-nu sont d'autant plus disposés à répondre à leurs exigences que les komo-suruku-lu semblent se multiplier. On entend leurs cris bien avant le crépuscule et la voix de la komo-ba retentit dès que le soleil est couché elle est entourée de ses satellites les n'a-ngoro-lu actionnant des rhombes moins puissants que le sien. Impressionnés, les seri-de-nu refusent de manger, malgré les menaces de seme-lu, remarquant avec insistance qu'ils sont trop peu nombreux pour résister aux forces mauvaises, attirées par l'odeur des pansements, des restes de nourriture et par celle des circoncis euxmêmes. Ces derniers se forcent pour absorber tous les plats servis, s'insultent, s'accusent et proclament que ce sera la faute des récalcitrants si la chose du dehors, bana-ma-fe, vient. Un soir, on fait coucher les seri-de-nu dehors en leur recommandant de se couvrir la tête, cela s'appelle seri-de-nu biri. A partir de neuf heures, les komo-suruku-u et les n'a-ngoro-u commencent à se faire entendre au loin, dans la direction du d'e ou d'aga ou bois sacré. Un peu plus tard, arrive un être mystérieux, invisible, sorte d'éléphant prodigieux, d'une force colossale, qui renverse des arbres, en casse les branches les plus puissantes pour les lancer à l'intérieur du village et jusque sur les circoncis. Sa marche est lourde, rythmée, elle s'accompagne des vibrations du rhombe. Les seme-u font ce qu'ils peuvent pour porter au paroxysme la terreur de leurs pupilles, en tirent de nouvelles promesses et finalement éloignent le komo et sa suite en prononçant la formule libératrice àgoro, tigoro ft(c) an-t'e, l'iguane de terre est entre nous. Dès lors, la même scène se reproduit presque toutes les nuits jusqu'à la complète guérison des circoncis. Elle nécessite une préparation mystérieuse, à l'insu des non-initiés et des femmes. Des hommes, choisis dans la komo-ya ou confrérie, entaillent les troncs et les branches, disposent les cordes nécessaires pour faire tomber les arbres avec fracas. D'autres sont désignés pour manœuvrer les se-mba-u les gros pieds, sortes de dames en bois, servant à imiter les foulées cadencées d'un animal gigantesque, le komo-sama, le komo-éléphant. Malgré les efforts apparents des seme-u et l'obéissance des circoncis, le komo et ses serviteurs prennent, chaque jour, plus d'audace. Les komo-suruku-u viennent maintenant à la lisière du village avant le crépuscule, à l'heure où les jeunes garçons vont en groupe satisfaire les besoins naturels. Ils crient bila-koro-u te bo-ke bo-ke bi, les bilakoro n'iront pas aux cabinets aujourd'hui. Bien mieux, ils appellent les circoncis dans la nuit et les menacent: seri-de n'e-imgo ou bien: seri-de nfla-na, n(e) konô, sibiri-dô sogo-ma, i ye n(e) wele, n(e) na-na i do ka n(e) konô, m b(e) i kunu (premier ou second seri-de, attends-moi, appelle-moi samedi matin, je viendrai; arrête, attends-moi, je t'avalerai). C'est la première fois qu'il est fait allusion à l'épreuve qui doit intervenir à la fin de la présente phase, l'avalement des circoncis et leur expulsion, par le komo, en d'autres termes, la mort et la résurrection des initiés pourvus d'une nouvelle personnalité, comme c'est le cas pour de nombreuses cérémonies analogues. Les seri-de-nu s'informent auprès de leurs gardiens qui leur expliquent ceci 1. Sa-ni nk(a) i ke t'e-ba-koro yefoo komo-ba k(a) i kunu n(i) a g(e) i ta tu-ma mi-na, k(a) i do a da, n(i) i kunad'a-ra, a b(e) i to a ne nkâ, a b(e) i kunu i bs ta da a kéno-ban nerge nerge ani mpâ mwooni-na. N(i) a ye ba-ke, i be fo. T'e-ba-koro be ta kala-ma ta k(a) i n'ini bo-t'e-ma, k(a) i tomo, k(a) i ko. N(i) i ma-kuna-d'a, i be dô a n'i-t'e u b(e) i s'i, kele ni dleki b(e) i ka-nna o be bala mpâ nwooni-na, Us In a bo-ke-fo, i be loti ge. (Avant de devenir un adulte (ou initié), il faut que la mère du komo t'avale, lorsqu'elle te prendra pour te mettre dans sa gueule, si tu as de la chance, elle te laissera sur sa langue pour t'avaler. Tu iras reposer au fonds de son estomac sur les épines. Quand elle fera ses excréments, tu sortiras en même temps un initié armé d'une callebasse à manche te cherchera au milieu d'eux, te dégagera et te lavera. Si tu n'es pas chanceux, tu te placeras entre les dents qui te broieront, et même, si tu portes une blouse, elle s'accrochera aux épines. Lorsque (le komo) fera ses excréments, tu ne pourras sortir et tu pourriras lâ). Ainsi, les jeunes garçons se trouvent préparés, grâce à ces informations, à la cérémonie finale, estimée par eux inéluctable, et qui a lieu dans le dernier quartier de la lune. Le jour de cette épreuve se nomme ku-mabo-dô (jour de l'avertissement). Epreuves et Révélation Le matin, on rase la tête des circoncis qui revêtent de nouveaux habits. La période de marge dans laquelle ils ont vécu depuis la mutilation va prendre fin on leur donne un autre nom pour marquer ce changement, ils s'appellent, pour un temps, ku-tna-ba-le-u ou bien ngand'e. A l'aube, ils sont conduits au point d'eau. Le chef de la komo-ya, le komo-tigi les attend. Il leur ordonne de se coucher par terre et de placer leurs mains ouvertes sur leurs yeux. Lorsque les ngand'e-u ont obéi, le komotigi crie trois fois n'i-o-n'i, terme assez difficile à traduire et qui peut aussi bien signifier « âme o que « vie physique a. La komo-ba manifeste aussitôt sa présence par un vibrement du rhombe, puis on t'entend dire (Je vais vous avaler). Le komo-tigi ré« n(e) na a kunu » pond « Bemba-koro-ma-u ye mi nke o ye ni-ge » (C'est cela qui a été fait pour nos ancêtres). Puis, il se retire avec les seme-u. La komo-ba s'aproche encore, fait retentir son rhombe en tournant sept fois autour des circoncis étendus sur le sol et terrorisés. Elle s'arrête enfin; le komo-tigi revient entouré des seme-u porteurs de torches enflammées, il ordonne à chaque ngand'e: « Uli\ i bolo ba i n'e-la » (Lève-toi, ôte tes mains de tes yeux); d'où l'expression n'e y de, ouvrir les yeux = initier. Le komo-tigi fait asseoir les circoncis en cercle autour de lui, leur dit qu'ils sont maintenant des hommes, on va pouvoir leur montrer des secrets inconnus des profanes. En même temps, il découvre les rhombes et les instruments dont se servent la komo-ba, les komo-suruku-u, les n'a-ngoro-ni-u; il les place successivement dans la main de chaque circoncis et lui apprend à s'en servir. Après quoi, il leur fait jurer de ne rien révéler aux enfants, aux femmes de ce qu'ils viennent d'apprendre, sinon le komo se vengera k(a) i so nta, k(a) i b'ê ta k(a) i si la-tunu i ma ko da-mîtie k(a) o t'è i ko kana-ks, i n'a kana ke (qu'il te prenne le cœur, qu'il te prenne le foie, qu'il perde ta race, perturbe ce que tu entreprendras, que ton ascendance et ta descendance n'exis- tent plus). Les initiés répondent l'un après l'autre « n(e) l(e) a fo » (je ne le dirai pas). Puis, ils rentrent au village, en cortège, se lavent et mettent des habits ordinaires. Les fêtes qui marquent la fin de la réclusion des garçons et des filles après la circoncision ou l'excision ont été souvent décrites elles n'offrent rien de particulier, en dehors de la destruction des nattes, ustensiles et objets divers dont les jeunes gens ont pu se servir durant leur réclusion on brûle cela ainsi que le güende, car le tout est n'a ma-ma, affecté de n'a-rna et dangereux pour qui le touche. Ces réjouissances coïncident avec la rentrée des jeunes initiés dans la vie commune, mais n'indiquent pas, comme on l'a cru, la fin d'une période d'éducation religieuse, magique et politique devant, au contraire, se poursuivre jusqu'à la vieillesse, et qui semble bien répartie en subdivisions de sept années chacune. Elle se réalise à l'intérieur du diaga ou d'e, dans un coin de brousse isolé ou à l'intérieur d'une maison, réservée à cet usage. On possède, malheureusement, très peu d'informations valables sur l'enseignement ainsi donné. Il comporte, à coup sûr, un programme chorégraphique destiné à apprendre aux jeunes gens les danses diverses du komo et les chants qui les accompagnent, la manière de revêtir les habits portés en ces occasions, de placer les accessoires et de les utiliser. Rôle du Komo Société hiérarchisée, le komo possède une étiquette stricte, qui règle les rapports entre les membres de cette confrérie il a ses obligations et ses interdits, sa langue secrète que doivent connaître tous les initiés. Ceux-ci suivent des cours généraux et particuliers correspondant aux diverses spécialités qui se rencontrent dans l'association. Il paraît bien, aussi, qu'un enseignement élémentaire, s'adressant à tout le monde, soit doublé d'une éducation plus complète, réservée à quelques membres destinés à devenir dignitaires de la société politique et religieuse. Il comporte l'étude des traditions et la pratique du culte, la science des formules religieuses et magiques, la fabrication et la consécration des protecteurs, boli-u, d'o-u, etc., la connaissance de certains secrets et de poisons redoutables, la manière de composer et de lancer le koroti, korti ou korte (maléfice et poison à la fois), la façon de préparer et d'opposer au korte son contraire, le korte-la-kari enfin, les différents procédés de lutte contre les influences ennemies et les sorciers. L'éducation morale et politique des jeunes initiés n'est pas moins soignée on leur enseigne les traditions locales, les règles de solidarité, la morale, les interdits, devoirs, droits et obligations concernant les membres de la confrérie ou qui pèsent sur eux, ainsi que les sanctions auxquelles ils s'opposent en contrevenant aux règles du komo. On imagine aisément la portée d'une telle éducation, d'autant plus qu'elle s'adresse, avec les modalités particulières indiquées plus haut, à l'ensemble de la popu- lation mâle. Sous peine de ne pouvoir tenir son rang dans la société, tout homme doit être initié; faute d'avoir subi les épreuves et reçu l'enseignement des différents degrés d'âge, il est considéré comme un enfant ou comme une femme. Certains auteurs ont pensé que de telles confréries avaient un effet destructeur sur les communautés de familles auxquelles ils les opposent. C'est probablement une illusion, car les deux groupements ne sont pas situés sur le même plan et ne répondent pas au même besoin ils peuvent donc coexister sans se gêner. C'est à tort également que l'on reproche à ces fraternités plus ou moins secrètes de servir de refuge aux indépendants qui trouvent dans leur sein des appuis pour lutter contre les membres de leur famille et consommer leur ruine. Ces groupements enrôlent tous les mâles initiés d'un village, chacun d'eux trouve par suite, dans l'assemblée, des moyens aussi efficaces pour se défendre que ses adversaires peuvent en employer pour l'attaquer. Par ailleurs, il est juste de reconnaître que, dans certaines régions, les associations de caractère religieux et politiques ont évincé parfois des anciens cultes locaux ayant pour fin la protection du territoire et de ses habitants contre les influences ennemies des sorciers et des puissances surnaturelles. On a parfois attribué aux confréries certaines perturbations sociales, certaines convulsions dynastiques dont les empires soudanais ont souffert. Ce reproche est assez fondé. Ces associations englobent, représentent et défendent la communauté territoriale en chaque circonstance. Elles ont donc rempli leur rôle en se dressant en quelques occasions contre toute domination qui constituait un danger politique pour les collectivités locales. En dépit des avantages qu'elles offrent à divers points de vue, il n'est pas douteux que les confréries n'aient fréquemment abusé de leurs pouvoirs d'investigation et de sanction pour mettre à mort, ou punir de manière quelconque des affiliés ou d'autres individus accusés d'indiscrétion, de trahison, de désobéissance, de sorcellerie, de vol, ou de toute autre action défendue. Elles trouvent, à ces sanctions, des avantages moraux, politiques et surtout matériels. Lorsque le komo exécute un coupable, la famille de ce dernier verse, en effet, une somme au trésor de la confrérie pour racheter la faute; dans certains cas graves, tous les biens du défunt reviennent à l'association. D'autre part, des amendes sont versées pour toutes les infractions peu graves. Ces diverses recettes s'augmentent des offrandes faites par les futurs initiés, puis par les initiés eux-mêmes quand ils passent d'une classe à une autre, ou bien lorsqu'ils apportent leur contribution aux fêtes saisonnières. Elles constituent un fond commun, destiné à parer aux dépenses de la confrérie, les principales étant l'achat des victimes à sacrifier au cours des cérémonies annuelles et septennales, l'acquisition des denrées pour les repas communs, des objets utilisés dans les diverses manifestations du komo. D'ordinaire, les recettes excèdent les dépenses, aussi le disponible est-il souvent utilisé pour consentir aux initiés des prêts en cauris, sans intérêt et pour une période limitée, soigneusement fixée. Autrefois, le débiteur qui ne s'acquittait point à l'expiration du délai était mis à mort par le komo. Les fêtes saisonnières et septennales du Komo Les initiations qui viennent d'être décrites sont des cérémonies exceptionnelles parmi celles que l'on accomplit obligatoirement chaque année et tous les sept ans. Pour l'intelligence des unes et des autres, il est nécessaire de définir au préalable certains termes qui vont être employés dans l'exposé les concernant. A) Les premiers se réfèrent aux lieux sacrés D'aga ou d'e désigne le bois sacré, interdit aux profanes, situé à proximité du village et dans lequel on remarque souvent de grandes poteries à moitié enterrées qui renferment les richesses et appareils du komo. Komo-kili-tu est un autre nom du bois sacré il signifie le bosquet où l'on appelle le komo, ou bien le bosquet de forme ronde réservé au komo. Komo-ko, rivière ou point d'eau du komo. Komo-iri, l'arbre sacré du komo, placé en dehors du village et sous lequel se réunissent les affiliés. Komo-kaba, très grosse pierre placée à côté de l'arbre par les initiés; on annonce aux profanes qu'elle a été transportée là sans effort par le komo lui-même. B) D'autres expressions désignent des objets utilisés au cours des cérémonies: Komo-sama, le komo-éléphant, trompe en fer ou en bois donnant un son terrifiant. Komo-ba, rhombe en fer manié au moyen d'un lien. Komo-swuku ou komo-güegüena, hyène ou conducteur du komo, tige de bambou fermée à une extrémité par une toile d'araignée et portant une embouchure au milieu. Komo-ulu-ni, petit chien du komo, rhombe en bois ou en fer d'une trentaine de centimètres. N'angoroni, rhombe plus petit que le précédent. Komo-se, pied du komo. Il est formé d'une seule pièce de bois avec une tête assez volumineuse à la partie inférieure il comporte aussi un manche terminé par un renflement au milieu duquel est ménagé un trou. C'est donc une sorte de dame qui sert à frapper le sol en cadence pour imiter le pas d'un gros animal, du komo- éléphant. Komo-d'ara, lion du komo est formé d'un corps cylindrique en bois évidé de 35 cm. de diamètre il est obturé à une extrémité par une peau de chèvre bien tendue. Cette membrane est percée d'un trou dans lequel on passe une liane ou une racine bien droite qui est fixée sur la peau. En faisant glisser les mains mouillées sur la liane, on transmet à la membrane des vibrations produisant une sorte de rugissement perceptible à plusieurs kilomètres. Komo-s'e, poule du komo, constitué par une callebasse sphérique, percée de deux trous aux extrémités d'un axe, d'un autre trou entre les deux premiers, dont l'un est obturé avec une toile d'araignée. Celui qui se sert de cet appareil place la bouche à l'ouverture médiane et imite les cris d'une poule et de ses poussins, le komo-s'e les reproduit amplifiés. Doni, charge. C'est un masque formé d'une carcasse en bambous et lianes de la hauteur d'un homme. On l'habille d'une blouse en coton sur laquelle sont attachées des plumes de vautour, de calao, d'outarde, de coq de pagode et d'autres oiseaux sauvages. L'ensemble est surmonté d'un masque en bois sculpté portant des dents de bœufs, une chevelure en crins de cheval, et deux longues cornes de koba parfois, une peau de panthère est adaptée au bord inférieure du masque et retombe sur les épaules du porteur. Celui-ci dissimule à l'intérieur de la carcasse un long bâton qui lui permet de soulever le masque, de le lever ou de l'abaisser pour en modifier la stature. Le komo comprend diverses catégories de personnes indiquées dans le tableau ci-dessous i j J\ Bla_u inités Classe l Komo-tigi chef du Komo, Dyalenfa = Dyenfa – Mura- kalatigi sacrificateurs, grands initiés Consel1 des Kle> I Komo-suruku-u ou Komosoma-u J guegiiena-u ou wara-da-u, Komo-d'elima ou daro-tigi, porteur de sonnette. Classe des Komo-sama-u Classe des '• î recrutée parmi les seme-u ou { tinnto-u. finitiés des deux ou trois der- Sembe-u seme-u,tùinto-u\ nières cérémonies. Dans les deux classes inférieures, il y a généralement une ou deux subdivisions correspondant à des catégories de personnes appartenant à des initiations succes` sives. Certains individus restent toute leur vie tînnlo, ils sont voués aux corvées et à l'obéissance. Pour se soustraire à cette situation, il leur faut offrir des victimes aux dieux, des denrées, un repas, aux affiliés des classes supérieures et subir quelques épreuves anodines. Il en est de même pour franchir d'autres degrés. La komo-ya ainsi organisée accomplit, en corps, des cérémonies saisonnières. La première a lieu à la fin des pluies. Au jour fixé, la population du village est avertie par des cris convenus et des signaux à partir de ce moment, les non-initiés et les femmes ne peuvent plus sortir sans s'exposer à être frappés. Autrefois, on les mettait à mort. Vers 18 heures, le komo-güegüena, représentant le komo et porteur du masque doni, sort du bois sacré pour se rendre sous le komo-iri ou arbre du komo. Il est accompagné par tous ses satellites faisant résonner autour de lui les différents instruments énumérés plus haut. Il chante pour annoncer son arrivée et demander des nouvelles du village il profère en même temps des menaces contre les affiliés qui oseraient lui désobéir, contre les femmes, les enfants et les étrangers. Le komo-d'elima, sorte de héraut, qui accompagne le komo-suruku, répète ces paroles en faisant l'éloge de son maître il porte à la main la clochette métallique daro et, pour cette raison, est parfois appelé daro-tigi. Lorsqu'il a terminé, le komo-giiegiiena recommence à parler, il articule doucement ses mots dans l'appareil en bambou, mentionné ci-dessus et dénommé aussi komo-suruku; les phrases ainsi prononcées sont à peu près incompréhensibles, c'est pourquoi le komo-d'elima les reditL'assemblée, qui garde un silence absolu, apprend ainsi les événements qui vont se produire pendant les saisons prochaines, en particulier, elle est avertie si l'année est propice pour la circoncision et l'excision. Elle est informée des infractions commises par ses membres, des moyens de racheter ces fautes par des sacrifices et des amendes. La vie matérielle et sentimentale du groupe humain est longuement passée en revue elle est ainsi sanction- née et réformée par les ordres ou les recommandations du représentant du komo agissant comme gardien des traditions et de la morale coutumière. On conçoit que cette scène dure assez longtemps. Quand elle est terminée, la fête commence. On boit, on mange, les affiliés dansent en chantant et les spécialistes des divers instruments utilisés par le komo les font retentir d'une' manière effrayante autour du village pour terrifier les non-initiés blottis au fond des maisons. Le lendemain matin, les chefs de famille apportent des poulets, une calebasse de bouillie de farine (dege) et des colas qu'ils remettent au komo-tigi. Celui-ci fait accomplir dans le bois sacré ou au pied du komo-iri, un sacrifice public pour remercier le komo des bienfaits accordés durant l'année écoulée et lui demander de les continuer dans l'avenir. Les autres fêtes du komo sont d'abord celle du nettoyage du d'aga ou d'e ou bois sacré, opéré par les tinnto-u et suivi d'un repas, de danses et de chants puis celle de la sortie des komo-së-u du ruisseau, c'est le ko-la-yele celle de la pêche du ruisseau, de la chasse sur ses rives en fin de saison sèche et, enfin, la remise solennelle des komo-së-u dans le ruisseau ou ka-la-d'igi. C'est généralement la dernière, car le komo ne peut se manifester durant la période des travaux agricoles sans nuire aux récoltes, bien qu'on lui demande en saison sèche de favoriser celles-ci. Tous les sept ans a lieu la grande fête du komo elle commence vers avril ou mai, c'est-à-dire quelques semaines avant l'hivernage, et dure une quinzaine de jours. Elle débute par une pêche dans le ruisseau sacré et une chasse sur les terres voisines. Poissons et pièces de gibier capturés ou abattus à ce moment sont séchés ou boucanés pour être mangés en commun au jour fixé qui est d'ordinaire un samedi. Le bois sacré est nettoyé, les initiés donnent du mil pour préparer de la bière s'il n'y en a pas assez, on prélève sur le fond commun les sommes nécessaires pour en acheter la quantité convenable ainsi que pour acquérir les victimes à sacrifier. La cérémonie capitale de cette période, marquée par les réjouissances habituelles, est le sacrifice offert à la komo-ba et à une sorte de dame en bois munie de deux espèces de cornes ou oreilles et qui est une autre personnification du komo. Ce sacrifice a lieu d'ordinaire le sixième jour au matin, en présence des initiés, dans le bois sacré. Après avoir fait vibrer tous les appareils et instruments de la confrérie, le komo-tigi remercie le komo de ses faveurs passées et en réclame d'autres, par exemple « an ma na n'o-kise kele mbla dugu-ma, a ka ba ni keme ye B (si nous semons un grain de mil, qu'il en produise cent). Il répète le même vœu pour tous les produits de la terre, puis s'approchant d'un bœuf abattu et lié sur le sol, il lui fait une entaille dans le cou. L'animal est ensuite égorgé par un sacrificateur; avec le sang, on asperge les outils du forgeron, les komo-sama-u, komosuruku-u, etc., qui ont été déposés pour cela dans des paniers, on en met aussi sur les komo-sê-u et sur la dame cornue. Il y a ensuite repas communie!, danses et chants. C'est à l'issue de ces fêtes qu'est nommé le nouveau komo-tigi, car il est à noter que ce personnage exerce son sacerdoce sept ans seulement. Il doit mourir à la fin ou dans le cours de cette période. Il y a des probabilités pour que, dans certains cas, la nature soit aidée par le poison, afin d'obtenir ce résultat. Ses funérailles durent sept jours elles s'accompagnent de chants et danses funèbres tous les instruments et appareils du komo sortent pour cette cérémonie, sauf les dames en bois qui ont, dans ce cas, un emploi particulier. Les komo-suruku-u prononcent l'éloge du mort, célèbrent ses vertus et chantent: sa-ga te mon to ndin'e-na (la mort ne laisse personne au monde). Le corps du komo-iigi n'est pas enterré, il est enlevé par les affiliés du komo, ceux des classes les plus anciennes, le transportent à un carrefour et là, armés des komo-sê-u, ils pilent le cadavre et déposent ses restes dans un endroit inconnu. Il en est de même lorsque le komo-tigi meurt pendant son septennat. C'est également au cours des fêtes de la septième année que les initiations et les passages de classe à classe ont lieu, le détail des actes accomplis en ces occasions n'est pas connu. En dépit de son caractère local et villageois, le culte du komo est certainement cantonal, puisque les divers komo-tigi-u prennent les ordres et suivent les indications de leur collègue du chef-lieu. Il serait également interclanique et interbribal si les divisions sociales correspondant au clan et à la tribu existaient encore. En tout cas, il domine à coup sûr cantons, provinces, régions et sert de lien entre des groupements territoriaux assez éloignés dont les habitants, initiés au komo, peuvent se faire reconnaitre dans les villages étrangers au moyen d'une formule et de rites manuels simples. CHAPITRE VI Rôle économique et social des Fraternités d'âge et de l'Alliance nommée Sanankuya Rôle économique et social des Fraternités d'âge Les garçons circoncis et les filles excisées la même année forment deux groupes parallèles portant le même nom, fila-xise, fula-nse, fla-nse et qui sont des confréries dont les membres se considèrent les uns par rapport aux autres comme des jumeaux, tula-ni ou fla-ni. On les désigne souvent par ce terme, ou bien on les appelle de-nn'ofô: enfants pareils, pour indiquer leur union et la solidarité dont ils font preuve. Chaque groupe possède un chef: c'est, pour les garçons, le ka-male-kû et, pour les filles, la su-nguru-kû. Ces associations sont identifiées et dénommées solennellement au cours d'une cérémonie qui a lieu deux mois environ après l'initiation et se déroule devant les notables. Toutes deux portent le même nom qui rappelle un événement marquant survenu au cours des précédentes saisons. On a, ainsi, les confréries de l'année de la prise de Nioro ou de Kangaba, de l'inondation de Kayes dans les endroits où des postes européens furent fondés, les associations de cette année-là s'appellent tubabu-d'i, saison des pluies des Blancs. On trouve encore to-nd'i, l'année des sauterelles; sa-ndima-nd'i, l'année d'abondance; iiga ou tia-nd'i, l'année des arachides et, enfin, lolo-ba-nd'i, l'année du grand astre, qui correspond à l'apparition de la comète de Halley, en 1910. La troupe ainsi baptisée est appelée communément Fla-mbolo, Fla-mbulu ou encore Kuru, troupe ou déta- chement des initiés. Mais comme la cérémonie qui lui donne naissance a lieu tous les trois ou quatre ans, les nouveaux membres de ces confréries s'agrègent, tout en conservant leur nom, aux deux ou trois Fla-mbolo-lu qui les ont immédiatement précédés. Ils forment ainsi un nouveau groupe de jeunes gens ayant entre eux une différence d'âge ne dépassant guère huit ou dix ans au maximum et parmi lesquels on distingue les anciens, t'e-koro-u, et les nouveaux, t'e-kura-u. Le groupement ainsi constitué par plusieurs Flambolo-lu à peu près contemporaines est appelé, chez les Bambara Fla-ntô les Malinké le dénomment plus volontiers Kari. Différents auteurs ayant étudié les Manding ont signalé avec raison que ces confréries se livraient à des réjouissances saisonnières dans lesquelles des repas copieux, largement arrosés, tiennent une place prépondérante. Ils mentionnent aussi, sans insister, que ces associations pratiquent le secours mutuel. En réalité, leur rôle est infiniment plus important, car elles forment dans le village une sorte de coopérative de travail, unie par la solidarité puissante que crée entre les initiés la fraternité artificielle de l'initiation. Le Fla-,ntô ou Kare ou Kari est un organisme commandé, administré, articulé en vue du labeur agricole. Son chef, le kari-kù, est chargé de l'expédition des affaires courantes il est parfois assisté d'un s'ere, terme qui signifie: témoin, répondant et intérimaire. De plus, comme l'association possède des biens, encaisse et dépense, elle a recours aux offices d'un de ses membres qui remplit le rôle d'un administrateur et d'un trésorier. Sa tâche consiste à recevoir les offrandes et les sommes dues à la société, à effectuer les paiements, en particulier lorsqu'il s'agit d'acquérir les victimes à sacrifier aux divinités protectrices et les denrées à consommer dans les repas de corps. Ce personnage, choisi avec soin, est l'homme de confiance du groupe dont il garde le patrimoine, on le,nomme fc-mmara-ba, celui qui préserve les choses. Mais ces trois fonctionnaires qui -^partagent l'autorité et la gestion ne sont pas les'seulvà côté d'eux est •:'• ». 7 placé une sorte de président d'honneur et de conseiller, pris parmi les notables et délégué par eux. Il surveille la société et oriente ses activités; dans les circonstances délicates, il donne des avis et formule des suggestions prudentes. Ainsi, se trouve établie la liaison entre le groupe des jeunes gens et celui des vieillards formant le gouvernement local. Une pareille mesure ne se concevrait pas si le Kari était simplement une association de personnes désireuses de s'amuser en commun et de secourir, le cas échéant, les sociétaires nécessiteux. Elle s'explique, au contraire, lorsqu'on examine l'importante contribution que le Kari apporte à l'économie du village. En Afrique, comme dans beaucoup d'autres pays parvenus à un stade de civilisation comparable à celui des Noirs du Soudan, l'organisme social repose en dernière analyse sur des échanges de services. Le Kari va intervenir pour les provoquer et les assurer. Tout d'abord, ses membres s'entr'aideront pour eflectuer, dans les champs de leurs beaux-pères ou futurs beauxpères, les prestations auxquelles les oblige la coutume. Ils recevront, en échange, un repas et de la boisson. Ce n'est là qu'un aspect de l'activité du Kari. Les habitants du village vont faire appel à ses hommes lorsqu'ils voudront débrousser de nouveaux emplacements, pour étendre leurs champs ou trouver des terres plus fertiles. En pareil cas, il' y a requête formelle, discussion, puis accord solennel. Le cultivateur, qui réclame les services du Kari, envoie près du Kari-kû un intermédiaire choisi qui est, d'habitude, son sana-nku ou sene-nku porteur de dix noix de colas. Le chef de l'association accepte ce présent, mais déclare qu'il ne peut répondre à une semblable demande il va réunir le soir même les membres de l'association et le messager parlera devant eux. Au coucher du soleil, les sociétaires se groupent et l'envoyé leur parle. Les assistants lui font détailler avec minutie la nature des travaux à entreprendre, leur durée, la date à laquelle ils commenceront ils s'enquièrent de toutes les difficultés que peut comporter ce labeur et s'il s'agit d'un défrichement font préciser la composition du sol, le nombre des souches, des rochers, de manière à pouvoir élever leurs prétentions dans le marché à intervenir. Ces premières informations recueillies, il s'agit de fixer le salaire. Il est habituel, dans ces régions, de fournir la nourriture aux ouvriers agricoles, volontaires ou payés. Les membres du Kari réclament du riz préparé d'une certaine façon, ou bien de la bouillie de mil, ou encore des ignames avec de la sauce, du poisson ou de la viande. Ils exigent, en outre, le salaire qui sera .remis à la société un mouton, un bœuf ou une somme d'argent. Les mêmes négociations interviendront entre les cultivateurs et le Kari pendant l'hivernage au cours de la période de sarclage qui exige un travail rapide pour desherber les surfaces ensemencéesi En fait, l'association toute entière est au service du village et met en état les terres cultivées. Elle contribue donc, dans une très large mesure, à la production agricole, réalisant une coopération qui, par plus d'un côté, peut se comparer à la Feldgemeinschaft de Tschuprow. Mais l'activité du Kari ne se borne pas à cela. Lorsque la collectivité a des tâches municipales à accomplir, elle s'adresse fréquemment à cette confrérie englobant les hommes les plus jeunes et les plus forts. Ce sont eux qui fournissaient autrefois les furu-ba-moro-lu ou hommes de corvée réclamés par les anciens souverains et les chefs territoriaux. De nos jours, les services qu'on leur demande sont d'ordre plus pratique. En dehors des prestations administratives, on peut citer un certain nombre de barrages, de canaux d'irrigation et de pistes aménagés par eux, Depuis que la circulation automobile s'est développée, les membres de plusieurs Kari ont établi des chaussées dans des marécages, détourné des rochers, amélioré les voies d'accès conduisant à leurs villages pour permettre aux camions commerciaux d'y arriver. L'exposé qui précède se réfère surtout à la société des jeunes gens. On retrouve la même activité solidaire et une organisation analogue dans le Kari féminin; seulement, le labeur est différent. Les membres de cette association interviendront pour les semailles et la rentrée des récoltes; à l'intérieur du village, l'entr'aide prendra surtout une forme domestique. Séparés en principe au cours des initiations et à l'occasion de leurs activités, les membres des deux Kari, employés à des tâches particulières ne s'ignorent pas. Dans la plupart des contrées, en dépit d'une hostilité apparente. qui se traduit par des brocards et des chansons, les deux groupes collaborent pour l'organisation des fêtes saisonnières et les repas du Kari masculin sont préparés par les membres du Kari féminin, sous la direction du la su-nguru-kû. Les kari-a ont leur orgueil et leur honneur. Partielslaristes, ils s'estiment supérieurs aux voisins, les chansonnent et les défient au travail, à la lutte courtoise ou au combat. De nombreuses hostilités entre villages proches n'ont pas d'autre cause que la défaite sportive d'un Kari. Mais la plupart du temps, les relations demeurent cordiales entre ces groupes qui s'invitent de village à village et s'hébergent réciproquement dans des conditions encore mal connues, méritant à coup sûr d'être étudiées. L'Alliance dite « Sananku-ya » En dehors des fraternités d'âge, il existe chez les Manding et chez d'autres peuples soudanais une relation curieuse signalée par plusieurs auteurs. C'est une sorte d'alliance qui unit et oppose en même temps les représentants de groupes déterminés partant des noms différents. Elle est appelée sananku-ya, en malinké, et sinanku-ya ou senanku-ya, en bambara et en d'ula; les Wolof la nomment gamu, les Sonfay basey les Peuls la désignent sous le terme de dendiragal. Mais, dans cette dernière peuplade, son origine est facile à déterminer^ car elle s'applique, avant tout, aux rapports entre enfants de frères et de sœurs, dendirabe elle s'étend ensuite à ceux qui se nouent entre représentants de familles différentes. Chez les Manding, l'origine de la sananku-ya est beaucoup plus délicate à découvrir. Les indigènes ne peuvent indiquer l'étymologie exacte de ce terme bien qu'ils en avancent plusieurs sans grande conviction. Certains insistent sur la présence dans ce mot de la racine sa ou se signifiant pouvoir, ou bien exercer un pouvoir sur quelque chose ou sur quelqu'un, D'autre part, les traditions, confuses et obscures, n'expliquent rien, mais indiquent comment la sananku-ya a pu naître dans certains cas. Humblot en a rapporté quelques-uns, page 533. Ce sont, en général, des faits d'alliance personnelle qui auraient engendré des alliances familiales. Ainsi, le chef des Kaba du Manding aurait accordé son assistance au roi Keyta de Kangaba, au moment où celui-ci engageait la lutte contre les habitants du Ouassoulou, du Sankaran et du Toron. Dans un autre cas, un chef de la famille des Koné serait parti en expédition avec un Taraoré, qui se montra brave et vigilant. Le Koné, pour le récompenser et se l'attacher, lui proposa une alliance solennelle qui fut acceptée et célébrée au cours d'un sacrifice offert à Ma-koûgo-ba (Mère grande Brousse), divinité vénérée dans la région de Ségou. Cet engagement fut ensuite confirmé par une alliance de sang entre les deux hommes. D'après Humblot encore, les Kaba et les Kouyaté seraient alliés depuis un incendie au cours duquel deux enfants mâles en bas-âge, appartenant à ces familles, furent retirés d'une maison en flammes sans qu'on puisse les identifier. On attribua au hasard le nom de Kaba à l'un et celui de Kouyaté à l'autre. Depuis cette époque leurs descendants sont alliés n'étant pas sûrs d'avoir droit au nom qu'ils portent. Les Kôma seraient devenus sananku-u des Kuruma dans des circonstances analogues. Enfin le mariage peut, éventuellement, provoquer c'est ce qui s'est ce genre d'alliance entre famille produit entre certains Kondé et certains Taraoré. Jusqu'à présent, la sananku-ya, n'a fait l'objet d'aucune étude méthodique et approfondie, il est donc impossible de dresser un tableau complet de ce phénomène. Humblot qui l'a sommairement observé à Kankan, note les alliances suivantes dans cette ville et les environs Keyta-Fofana. Kondé-Taraoré. Keyta-Bérêté-Serifu-Sissé. Kaba-Keyta-Kouyaté. Kourouma-Koma. Kourouma-Dabo. Kourouma-Konate-Kamara-Bagayoko. Konaté-Dougoumoko. Konaté-Sidibé. Il y a, dans cette énumération des noms de famille manding et des noms de famille peuls (Sidibé). S'il est difficile de déterminer l'origine de la sanankuya, il suffit d'observer ses habitudes pour en connaître les modalités. La plus curieuse, celle qui surprend tous les étrangers, est l'obligation, pour les sananku-u, de se plaisanter et de s'insulter en public lorsqu'ils sont en présence. Ces paroles n'entraînent aucune conséquence et amènent rarement des querelles suivies de voies de fait. Cependant, les coups sont admis en certaines circonstances. Chez les Malinké, au mois de d'o-mbende, le premier de l'année agricole, les jeunes gens munis de baguettes s'interrogent au coin des rues et s'ils se reconnaissent sananku-u, se frappent en échangeant des plaisanteries et des injures. Dans un seul cas, ces manifestations violentes peuvent amener des complications. Lorsque les coups portés ont fait couler le sang, il faut racheter cette faute par des sacrifices aux ancêtres et aux dieux de la victime. Cette coutume permet de penser que, dans la plupart des cas, il y a à la base de la sananku-ya une alliance de sang ou bien une action que les Manding considèrent comme telle. Insultes et violences ainsi échangées dans les rues et sur les places dénotent une manière étrange de penser et d'agir, mais elles n'ont qu'une importance très secondaire dans la vie sociale au regard d'autres pratiques méritant d'être signalées. Bien que tous les sananku-u se traitent de la même façon, on peut remarquer parmi eux des individus entretenant des relations plus ou moins suivies. D'ordinaire, les membres d'un du ont leurs alliés particuliers avec lesquels ils échangent habituellement des services. Enfin, il y a entre sananku-u une sorte de hiérarchie à deux degrés, qui rend les uns supérieurs aux autres qualifiés d'ordinaire d'esclaves (d'ô-u) sans qu'ils soient cependant de conditions servile. Les sananku-u ont entre eux des devoirs d'assistance réciproque dont l'exercice était plus fréquent dans le passé qu'aujourd'hui. Lorsque l'un d'entre eux apercevait son sananku réduit en esclavage, ils devait s'efforcer par tous les moyens de le racheter afm de le libérer; s'il n'y parvenait point, il intervenait prés du maître afin que celui-ci adoucit la condition de son captif. Le sananku de l'ordre inférieur sert très souvent d'intermédiaire à son allié dans les circonstances délicates, pour négocier un mariage, revendiquer un terrain, affirmer certains droits, réclamer le paiement d'une créance. Il est récompensé de ses bons offices par des cadeaux. Il a également des privilèges restreints sur les biens de son prétendu maître. Lors des fêtes du mariage, par exemple, il peut s'introduire chez lui et s'emparer d'objets sans valeur, de nourriture, de denrées et même de petites sommes d'argent. A la mort d'une personne âgée, le sananku lave le défunt, l'habille, le prépare pour la mise au tombeau, en échange de ces soins, il peut choisir le plus beau des pagnes qui sont disposés pour être placés dans la fosse et le prendre pour lui. Souvent aussi, il barre la route du cortège funèbre et laisse le passage libre seulement après avoir reçu des parents du défunt un petit cadeau. Mais, en revanche, il est tenu de planter sur la tombe, avec l'aide des esclaves, la pierre tombale qui recevra le sang des victimes à la fin des obsèques au jour du d'i-ku-nna-to. La sananku-ya a une importance et une valeur sociales car elle provoque et assure d'utiles échanges de services, en particulier en matière de travail agricole et domestique. Le sananku, en effet, s'occupe souvent de recruter la main-d'œuvre dont son allié a besoin pour débrousser son champ, réparer sa maison, transporter la récolte. La sananku-ya influe également sur certaines croyances et pratiques en matière d'interdictions familiales. Prenons, à titre d'exemple, le cas de deux sananku-uï Baba Koné ayant pour lana ou iene ou tne ou animal interdit, le lion, et Samba Dembele ayant pour tana la panthère. Si l'on tue devant Samba un lion, animal interdit de son sanaku, il devra tramper son doigt dans le sang du fauve et s'en toucher le front comme il le ferait pour un de ses alliés ayant péri de mort violente. Il semble bien, d'autre part, que la notion de tana, encore si mal observée et si confuse, se rattache à une idée d'alliance analogue à la sanankuya et entraîne les mêmes conséquences. Reprenons l'exemple précédent et imaginons que Samba Dembéle ait tué involontairement ou par accident, la panthère, son tana. Il est, de ce fait, obligé à des cérémonies de rachat et d'expiation comme s'il avait mis à mort un parent ou un sananku. Le fauve est porté dans un endroit désigné par le devin le meurtrier creuse sa tombe et ensevelit le cadavre dans un linceul qu'il a spécialement acheté. Mais, auparavant, il doit se débarrasser du n'orna ou pernicieuse influence qui enveloppe la victime et lui-même. Après avoir accompli des libations d'eau et de bière, il passe des torches enflammées autour du cadavre, se frappe la tête avec une poignée de paille en disant N'ama-on'ama be ge ni o-ye kara-o-kara be ge ni o-ye, da ye kali do, da ye kali ba (Que le nyama soit chassé par ceci, que la malchance soit chassée par ceci, la bouche a fait entrer le serment, la bouche a fait sortir le serment). La paille est ensuite jetée sur le cadavre. Quelques semaines plus tard, les funérailles définitives sont célébrées par des sacrifices et des réjouissances comme s'il s'agissait d'un parent. Un dernier fait remarquable relatif à la sananku-ya est le caractère intertribal de cette relation. Il a déjà été indiqué dans une étude sommaire sur la Parenté à Plaisanteries, il est nécessaire d'y revenir ici pour mentionner que les Manding se considèrent comme les alliés de certains de leurs voisins et, en particulier, des Peuls qu'ils traitent en sananku-u. CHAPITRE VIII Les Classes. Les Castes. Les ^Individus et leurs dénominations. Classes et Castes La société villageoise est hiérarchisée dans une certaine mesure, puisqu'on y remarque l'existence de nobles, to-ntigi-u, porteurs de carquois, dont les privilèges paraissent avoir une origine guerrière, de chefs de famille ordinaires, d'a-tigi-u, de libres, horô-u, forô-u, worô-u, parmi lesquels se rencontrent des gens eastés, n'ama-kala-u et, enfin, d'esclaves, d'ô-u. Autrefois, la distinction entre ces diverses catégories était très nette elle correspondait à un état de fait particulier, à des occupations spéciales. La to-nligi-ya permettait d'approcher le maître, de le servir au cours des événements politiques ou militaires, surtout de recevoir de lui des récompenses. La d'a-tigi-ya était le statut des gens libres, cultivateurs participant aux expéditions, puisqu'ils devaient, dans une certaine mesure, le service militaire, mais n'occupant aucun poste privilégié ou de commandement. Cette répartition n'existe plus, mais son souvenir demeure dans les traditions et dans la langue qui a conservé les anciens termes. La disparition de ces catégories s'explique par un nivellement récent les to-ntigi-u, privés de leurs attributions guerrières et des avantages que leur accordaient les anciens maîtres du pays, sont redevenus de simples cultivateurs. Le d'a-tigi est toujours chef de carré mais, comme il reçoit maintenant des étrangers de passage, son nom est aujourd'hui synonyme de « logeur, hôte » et aussi, bien entendu, de notable placé à la tête d'une famille considérée. To-ntigi-u et d'a-tigi-u se marient ensemble ou entre eux, mais ne peuvent contracter d'union avec les gens castés, englobés sous le nom de n'ama-kala-u (n'ama, ordure), qui sont endogames et répartis en plusieurs catégories assez méprisées. Dans certaines régions du Manding, et surtout en pays malinké, les to-ntigi-u et d'a-tigi-u devaient, dans certains cas, jurer sous la foi du serment qu'ils n'avaient jamais eu sciemment de relations sexuelles avec des femmes n'ama kala-u. S'il était prouvé qu'ils en avaient entretenues, ils étaient considérés comme souillés et, par suite, inaptes à certaines fonctions, incapables d'accomplir des rites publics ou privés déterminés. Ils tombaient alors au rang des gens castés. Ceux-ci comprenaient, en premier lieu, les forgerons ou numu-u, ouvriers en fer ou en bois, possesseurs de secrets techniques, très souvent magiciens et guérisseurs leurs femmes sont d'habitude potières. Ils jouissent d'une place privilégiée dans la société, car on a souvent besoin de leurs services, ce sont les sananku-u de tous les groupements et pour cette raison les intermédiaires obligés de bien des transactions et de nombreux conflits. Leur situation spéciale les a fait considérer comme des gens ordinaires par quelques auteurs, c'est assurément une erreur. Au-dessous des forgerons, viennent les cordonniers, qui sont en même temps tanneurs, savent colorer les peaux, les travailler, et même les broder. On les nomme geri-k'e; gara-nk'e M. kara-nke il est possible que cette appellation dérive de gala ou gara indigo, en tout cas, dans beaucoup d'endroit, leurs femmes sont d'habiles teinturières. Ailleurs, le gara-nk'e est parfois boucher. Le d'eli ou griot vient après le forgeron à peu près sur le même plan que le cordonnier; on en distingue plusieurs espèces. Les uns sont des généalogistes et des bardes, entretenus par les familles influentes, les autres sont de simples musiciens et chanteurs vivant aux dépens des riches et des naïfs. Il y a parmi eux des spécialistes étrangers d'origine peule ou toucouleure et que l'on désigne encore par leur ancien nom gaulo (du peul, 'aulude, émou- voir) et bambado (qui est porté sur le dos, c'est-à-dire qui vit en exploitant les riches). Les dernières castes sont celles d'artisans, fabricants de pirogues, réparateurs de calebasses, kule, fune ou fine, particulièrement méprisés ainsi que les fapuio ou tapurta. Au dernier degré de l'échelle sociale viennent les esclaves, d'ô-u. On sait que la captivité, abolie par décret depuis 1906 en Afrique occidentale, était surtout alimentée par les expéditions guerrières des chefs locaux, qui vendaient leurs prises contre des armes, de la poudre, des animaux, du métal précieux ou de riches étoffes. Les anciens auteurs, Dapper en particulier, nous enseignent qu'un esclave représentait autrefois une valeur à peu près fixe, suivant le sexe et l'âge. Dans beaucoup de contrées du pays manding, on compte encore en esclaves pour fixer des compensations matrimoniales, ou autres. Ainsi, quand une veuve refuse de se marier suivant la coutume avec un frère cadet du défunt et épouse un homme d'une autre famille, ce dernier doit verser aux parents du mort, d'à kelë ni tala, un esclave et demi. Cette valeur est naturellement transformée, de nos jours, en bestiaux ou en numéraire. L'origine de l'esclavage condamnait fatalement cette servitude à disparaître lorsque les guerres intestines auraient cessé. Le recrutement une fois tari, les captifs devaient, en effet, s'éliminer en quatre générations par le jeu normal de la coutume, comme l'indiquent les traditions et les termes qui s'appliquent à cette catégorie de personnes. On distinguait, autrefois, les captifs de traite qualifiée d'ô-du-ntâ et d'ô-féri-ia, esclave sans famille et esclave à vendre, et aussi le na-nko-ro-dé l'enfant (pris) sur le dos de sa mère. Tous pouvaient être cédés sur les marchés comme des animaux. Il n'en était pas de même pour les enfants des captifs qui naissaient dans la maison du maître, les wolo-so-u M. mulu-su-u. Ceux-là faisaient partie de la famille il n'était pas rare de voir un jeune homme libre épouser une fille wolo-so que l'on dénommait tara-rnuso, femme admise dans le lit, tara, mais il était anormal de voir une fille libre épouser un wolo-so. Ce dernier genre d'union se produit quelquefois aujourd'hui, les anciennes règles n'étant plus observées. A la deuxième génération, les descendants d'esclaves étaient des te-bere-nken'e-u « pas tout à fait assimilés ». A la troisième, on devenait dara-sigi-da-la, c'est-à-dire: « placés à l'orifice de la marmite », sur le point d'être affranchis. Enfin, à la quatrième, il n'y avait plus que des libres. Sans attendre aussi longtemps, il était possible de libérer, de racheter, d'affranchir un esclave on exprimait cette action par un verbe horo-nya, tiré de l'arabe et aussi par ku-mma-ba, dont le sens exact est payer la rançon. Les esclaves et leurs descendants n'étaient pas malheureux dans la société manding. Leur maître les traitait bien, il leur devait la nourriture, le logement, le vêtement, c'était son intérêt de les marier, car la progéniture des captifs augmentait sa puissance comme sa richesse. Les ménages des non-libres vivaient à peu près comme ceux de la famille, travaillant sur le bien commun durant cinq jours et sur leurs champs personnels, d'ô-foro, pendant deux jours, ils pouvaient aussi cultiver des parcelles ou se livrer à quelque petite industrie, le matin et le soir. Ceux qui étaient laborieux se constituaient un pécule, d'ô-gana, dont ils disposaient et avec lequel certains ont acheté leur liberté. Les Individus et leurs dénominations Les Manding se montrent volontiers prolixes lorsqu'on les interroge sur le mariage. Ce sujet particulier a été exposé avec de nombreux détails dans les études relatives à cette population, il semble inutile d'y revenir longuement ici; on se bornera à signaler quelques points d'importance, révélés par la langue et l'observation directe. Le premier à retenir est la place que tient ce contrat dans la vie et dans la morale. Le terme qui l'exprime furu, M. futu désigne l'union et aussi la collectivité villageoise au familiale, dans ce dernier cas on lui ajoute un augmentatif, luru-ba. Lorsqu'il s'applique précisément au mariage, on emploie volontiers un mot composé, furu-sebe, qui a le sens de bonne union, d'union correcte, opposée au concubinage, d'ato-ya. Son principale rôle est d'assurer à la famille une descendance légitime, issue de l'épouse régulière muso-sebe. Seule, cette progéniture peut prétendre au nom (d'a-mu) de son père et à la succession de celui-ci. La coutume et la langue la distinguent soigneusement des enfants nés hors mariage, par suite dépourvus de droits et auxquels on applique des termes méprisants par exemple so-dë, enfant de la maison iri-la-dô, litt. insecte xylophage, parasite du bois n'a-ma-dë, enfant du fumier; danga-dë, fils de la malédiction n'e-mofo-dè, enfant en avance; haramu-dè, enfant du péché; tolonke-dè, enfant du plaisir. Il existait autrefois une sorte d'exogamie, des obligations et des interdits sévères pour les mariages. Les unes et les autres ont, en partie, disparu pourtant, on les observe encore dans certaines provinces, Ainsi, au Gangaran, d'après Mamby Sidibé, les gens portant le même d'amu ne se marient pas entre eux ils contractent des unions avec des groupes dont les membres ont un autre nom commun, mais qui sont désormais sans organisation, aussi ne peut-on les considérer comme membres de clans ou phratries. (1). Les Dantumesi se marient avec les Segasi. Les Segasi se marient avec les Dyatasi. Les Dyatasi se marient avec les Kongosila. Les Kongosila se marient avec les Seligi-Makansi. Les Konte se marient avec les Deiûbélé. D'autre part, les Keyta et les Tunkara du cercle de Kita ne peuvent s'épouser. Toutes ces règles tombent peu à peu en désuétude. Dans beaucoup de contrées, on constate des unions fréquentes entre gens de même nom leurs enfants sont est vague désignés par un terme spécial: n'aga-me, qui semble dérivé de n'aga ou n'ara, nid ou nichée. Le mariage et la procréation étant, pour les Manding, le but principal de la vie, on conçoit qu'ils aient désigné par des termes exacts les personnes intervenant dans ce contrat. C'est, d'abord, le mari t'e également appelé, comme nous l'avons signalé p. 72, le maître, le chef de la maison ou le père d'Un Tel. Viennent ensuite les femmes du ménage polygame la première, muso-folo ou muso-koro-ba, qui jouit sur les autres d'une autorité reconnue et efficace pour diriger le travail commun et apaiser les querelles intestines. Elle est parfois qualifiée de bara ou M. bata-muso, femme préférée, qui s'oppose à gala ou galo-muso femme ancienne. Cependant, la bara-muso peut-être aussi une nouvelle épouse qui retient momentanément les faveurs du maître. La co-épouse dans le ménage polygame est la si-na-muso; la femme avec laquelle le mari passe la nuit, si on en a dérivé assez normalement si-na-ya, état et sentiment réciproque des co-épouses et, par extension, rivalité, jalousie. Le premier né se nomme soma lolo ou soma de-mfolo ou simplement de-mfolo. Lorsque, dans une famille, les garçons et les filles se suivent, les noms individuels ou prénoms ci-après sont utilisés: 1er. 2e 3e 4e 5e 6e Garçons Nt'i Nsâ Ngolo ou Nwolo Nio Mpe Nn'a Filles N'e-ba Koko ou N'o N'e-le Nze ou Nzele Mpene N'a-n'o Plusieurs explications ont été fournies au sujet de ces -appellations: celles qui traduisent Nt'i, par mon Nsâ, par mon âge Ngolo, par ma peau sont œuvre suspectes. Il est seulement probable que, pour les filles, N'e-ba correspond à « ce qui est bon, convenable Il et N'e-le, à « réussie, embellie, la belle ». Dans une société aussi préoccupée de sa postérité, on attache une grande importance à la puberté la fécondité est honorée. La formation des seins, chez les jeunes filles, annonce qu'elles sont bonnes à marier; on les nomme alors: Kaflo-fa, B. Kwa-fa, poitrines pleines; au contraire, les Kogo-bali-u ou Kwa-bali-u, les « sans poitrines », seront les impubères et les Kagole-u ou Ktva-le-u, les adultes. Toutes les épithètes louangeuses sont applicables à la femme qui a mis de nombreux enfants au monde, tandis que l'épouse stérile est désignée par un terme méprisant kona. Comme il n'est pas bon qu'elle parte seule dans l'autre monde, on place entre ses cuisses un crapaud ou bien on y casse une petite gourde, on écrase une boule d'argile, représentant l'enfant qu'elle n'a pas eu. Aucune cérémonie analogue n'est accomplie pour l'homme stérile, car il laisse toujours des enfants, ses neveux sont, en effet, considérés comme ses fils dans la parenté classificatoire. La femme mariée sans enfant est peu considérée elle est plaisantée, souvent avec méchanceté, par les mères orgueilleuses de leur progéniture, mais son sort est plus enviable que celui de la vieille fille, gwana ou gana, qui n'a pas trouvé de prétendant à cause d'un défaut physique ou moral. Ce terme, dans sa forme verbale, signifie exactement « ne pas trouver acquéreur » par exemple, sur un marché, on dira ni missi, ou ni saga, ou ni bagi in gwana-na, cette vache, cette brebis, cette étoffe n'a pas trouvé d'acheteur; c'est un fait qui ne provoque aucun commentaire malveillant. Au contraire, l'épithète de gwana-muso ou de gwana-ts, de vieille fille, de vieux garçon ou, mieux, de « laissé pour compte », est nettement péjorative. C'est une insulte, car elle implique l'idée d'un célibat involontaire et inéluctable tandis que les mots furu-bali, furu-bali-ya, célibataire et célibat (dans des conditions normales et momentanées) sont employés constamment sans qu'on leur attribue de sens fâcheux. Le caractère du mariage, chez les Manding, explique l'aversion que ces indigènes professent pour l'adultère, d'anka, et pour les personnes de mauvaise conduite, d'ado ou d'ato-Ve ou muso, bien que la fidélité conjugale soit peu observée. Mais c'est là une question de discrétion et de mesure si l'acte est caché, il n'a guère d'importance on peut facilement le racheter et en écarter les conséquences par des sacrifices aux ancêtres et aux puissances protectrices. Il en est de même pour certaines formes d'inceste assez répandues et dont on ne parle guère. Les individus de cette société comprennent encore, outre la catégorie des mariés et des célibataires, celles des laborieux et des paresseux. La première est désignée par plusieurs termes; on appellera une personne t'a-ke-la ou k'a-ke-la, qui fait du (bon) travail, ou bien ma-gwa-na ou encore ma-gwa-ni-ke-la, ouvrier de confiance le terme wali-ke-la a le même sens mais s'applique plutôt à l'artisan habile. Tous sont honorables. Le paresseux, au contraire, est très méprisé dans ces groupements agricoles ou chacun doit gagner sa vie, on le nomme sala, sala-bar a-to, sala-ba-to et son défaut sala-ya et sala-ba-to-ya. On estime que l'oisiveté engendre le péché ou, comme nous disons, est la mère de tous les vices hake bee be ba sala-ya-la. CHAPITRE VIII Les Croyances et ta Mentalité. Les Eléments de l'individu. Le Dualité et Si-présence de l'Individu. La Possession. – N'ama. La Terreur Interdits et Précantiom dans la vie journalière. ambiante2 Les croyances et la mentalité II ne saurait être question d'analyser, dans cet ouvrage élémentaire, toutes les croyances des Manding. D'ail- leurs, cette étude a déjà été réalisée par MM. Henry Monteil et Tauxier, qui ont indiqué divers aspects d'une religion et de cultes intéressant la famille, le village, l'état. Les pages qui suivent ont simplement pour but d'apporter une documentation nouvelle permettant d'éclairer et d'apprécier certains faits curieux et dignes de remarques sommairement traités jusqu'ici par les observateurs. Les éléments de l'individu Les Mandings croient que l'être humain se compose du corps, lari-kolo (litt. le squelette), mais en réalité la charpente avec tout ce qui la recouvre de l'ombre, d'a, terme qui signifie à la fois ombre, image, portrait, reflet, esprit et sens et, enfin, d'un élément imprécis difficile à définir, ni ou n'i, mot qui peut se traduire par âme ou vie physique, et donne ni-ma ou ni-na-ma, vivant; ni-la-kili, respirer, appeler la vie. De nombreux informateurs, interrogés sur le d'a, répondent que c'est le double de la personne, imh fla-na y(e) i d'a ye, il lui ressemble, a le même caractère, les mêmes goûts, les mêmes habitudes qu'elle. Quand le corps est endormi, le double sort de l'enveloppe charnelle, va se promener, parle avec d'autres doubles, travaille, pêche, chasse, mène en somme, une existence indépendante, que les rêves seuls permettent de connaître. Il y a pourtant liaison intime entre le d'a et le corps; si le premier est capturé au cours de ses pérégrinations, battu, blessé, mangé par les sorciers, le second est aussitôt gravement affecté, dépérit et succombe. Le folklore local est riche en anecdotes dans lesquelles interviennent ces sorciers, on entend leur nom, su-bota ou su-ba, à chaque instant dans la conversation de nombreux méfaits leur sont attribués. Pour se garder contre eux, les Manding prennent un n'a-wara, litt.t une bête sauvage protectrice, particulière, différente du tana ou tene et dont la fonction est de garder le corps et le d'a menacés à chaque instant, surtout la nuit, par les sorciers métamorphosés en gingin, hiboux, en fauves, léopards, hyènes ou lions, et tous englobés sous le nom de nuh-mina-wara, attrappeurs d'hommes. Le n'a-wara, leur adversaire, n'est pas un animal de chair, c'est un boli protecteur, cédé aux personnes qui paient le prix convenu, par des prêtres-magiciens spécialistes. Il existe un assez grand nombre de ces derniers dans la région de Siguiri; en lui remettant le n'a-wara, ils ordonnent au nouveau bénéficiaire des actions (rites oraux et manuels) et des abstentions, par exemple, ils lui défendront de manger le fruit du ficus Vogelii et la viande du lièvre. Si les notions sur le d'a, recueillies auprès des informateurs sérieux, sont généralement nettes et concordantes, les renseignements fournis sur le ni ou n'i que nous appelons « âme » sont beaucoup moins précis. Il semble bien qu'en dernière analyse, cet élément n'est autre que le principe vital servant à unir dans une personne le fari et le d'a. Les anciens Manding avaient certainement des conceptions particulières à son sujet elles se sont transformées au contact de l'islamisme et même de la religion chrétienne. Aujourd'hui, beaucoup d'indigènes assurent que le ni monte au ciel, transporté près d'Allah par des anges, d'aragil-u, également appelés ni-tnina-masa (chef attrapeur d'âmes). Il y demeure dans une situation imprécise en attendant que le d'a vienne le rejoindre pour former un nouvel être céleste immatériel. Le d'à reste, au contraire, dans le monde invisible, il se mêle aux vivants. Aux premières heures de la mort il est à peine séparé du corps placé à ses côtés, il l'anime, dans une certaine mesure, pour répondre aux questions posées par les parents soucieux de connaître les causes du décès. Cet interrogatoire a été souvent décrit, il est donc inutile de s'y arrêter; il est plus intéressant d'observer l'attitude supposée du d'a pendant les heures, les semaines, les mois, les années qui suivent l'instant de la mort. Les premiers jours après le décès, il reste dans sa demeure et aux environs de celle-ci; ses besoins sont encore à peu près les mêmes que ceux des vivants, c'est pourquoi les parents du nouveau mort, su-kura, disposent chaque soir dans la chambre qu'il occupait une part de nourriture (su-kura nto be 6a). Le d'a vient manger la nuit; le matin, la trace de sa main n'est pas visible dans le plat, mais les aliments ont perdu leur essence (to barka bêe ta-rd), c'est pourquoi le gâteau de mil abandonné pendant la nuit ne saurait rassasier les hommes (a t8 rmh balo). Cette cohabitation correspond à la durée du sangabo-nda-la-sigi (litt.: demeurer près de la maison en deuil) pendant lequel se déroulent les cérémonies coutumières, tandis que les parents et les étrangers apportent leurs condoléances à la famille du défunt (sanga-fo). Ces manifestations se poursuivent de 3 à 9 jours, avec interruption le mercredi et le samedi qui sont néfastes elles se terminent par le d'âsa-li, l'offrande, sur le caractère de laquelle nous reviendrons, et par la d'i-ku-nna-' mbo, libation d'amertume, qui précède le sacrifice de chèvres, moutons, bœufs donnés par les enfants du mort, ses parents, ses parents par alliance, et qui sont immolés sur la tombe. Ces offrandes semblent destinées à satisfaire le d'a pour l'écarter. Jusqu'alors, il a rôdé autour de sa maison et des personnes qui demeuraient avec lui pendant sa vie ses proches et ses veuves ont couché dans la chambre mortuaire, sans contact avec le monde, on pense qu'ils sont impurs et dangereux à cause du n'ama qui les enveloppe les épouses en parti- culier en sont affectées, il faudra une cérémonie particulière pour en débarrasser les uns et les autres le jour du d'i-ku-nna-mba. A ce moment, le défunt n'est pas encore résolu à partir seul, au séjour des morts, il voudrait entraîner avec lui ses enfants et de préférence ses femmes. C'est pourquoi celles-ci sont gardées constamment par des veuves âgées, afin d'empêcher le d'a de les frapper. Après la purification et les sacrifices qui interviennent à l'occasion du d'i-ku-nna-mba, le mort, satisfait par les cérémonies accomplies et les marques d'estime qui lui ont été prodiguées, s'éloigne et relâche sa surveillance. La décomposition du cadavre se poursuit; tant qu'elle n'est pas entièrement consommée, le d'a se montre jaloux de ses veuves, il n'hésiterait pas à faire périr avec leurs complices celles qui lui seraient infidèles tant que son squelette n'est pas décharné, c'est-à-dire avant quatre mois. C'est ce que les femmes Malinké expriment par cette phrase n(e) i(é) se ka si ke-fe foo n(e) ke ku nka boy (je ne partagerai la couche d'aucun homme tant que la tête de mon mari ne sera pas tombée). Cette période de continence et de viduité se prolonge jusqu'au d'i-bo-mba, grande libation finale qui termine les fêtes des funérailles. Le mort, réduit à l'état de squelette, se détourne des affections terrestres. Il n'éprouvera aucune jalousie quand ses femmes seront attribuées à de nouveaux maris au cours des divers cérémonies qui vont clore le deuil et l'engager à s'éloigner, satisfait une fois de plus par de nouveaux sacrifices. Le défunt ne cessera point toutefois de s'intéresser à la communauté familiale qu'il vient de quitter il veillera à l'observation des règles qu'il a imposées dans sa sagesse ou fait respecter parce qu'elles constituaient la loi des ancêtres. De concert avec ces derniers, il protégera ses descendants qui consulteront les défunts en chaque occasion importante et leur offriront des sacrifices ordinaires et extraordinaires lorsque les circonstances imposeront ces largesses. Le souvenir des parents et des grands-parents reste très vif chez les Manding, leurs noms sont prononcés assez souvent; ceux des ancêtres plus éloignés s'oublient facilement car on leur accorde moins d'importance. Dans beaucoup de contrées ayant subi des influences étrangères, il est admis que le d'à demeure dans le monde cinquante ans, il se rend dans tous les lieux qu'il a visités durant sa vie il y cherche le n'i. Au bout de ce temps, il monte au ciel, retrouve le n't et forme avec celui-ci un être céleste qui ne reparaît plus sur terre. Mais il arrive aussi que le d'a, fatigué de son existence errante, se réincarne dans l'enfant qu'une femme de sa famille porte dans son sein. II le fait d'accord avec les autres défunts. Un tel acte est présenté comme exceptionnel par les informateurs et ce serait singulièrement altérer leurs croyances que de considérer les d'a des morts comme animant à chaque naissance un nouvel être humain. Devant cette division très nette de la personne en trois éléments /ait, n'i, d'a, il y a lieu de se demander si les Manding n'auraient pas, en outre, d'autres conceptions, analogues à celles découvertes par Rattray chez les Ashanti, et ne concevraient pas, eux aussi, que l'homme est essentiellement formé par la réunion de deux principes la semence mâle, nforo, et le sang menstruel de la femme, abusua, ou mogya, ou bogya, pour employer les termes en usage dans la région de Coumassie. Les Soudanais ont certes des connaissances physiologiques suffisantes pour admettre que seule la rencontre de deux germes, l'un mâle, l'autre femelle, peut provoquer la conception d'un être qui en est la synthèse. Mais les Ashanti croient que l'enfant, doté du ntoro de son père et de l'abusua de sa mère, « transmet à ses descendants l'un ou l'autre, selon son sexe- à lui, exactement tel qu'il l'a reçu, sans rien y ajouter. Il suffit donc qu'il y ait eu changement de sexe dans l'hérédité pour que deux hommes qui, chez nous, seraient parents, n'aient rien de commun aux yeux des Ashanti. Par exemple, les enfants d'un frère et d'une sœur, n'héritant de celui-là que son ntoro, de celle-ci que son abusua, restent des substances étrangères. Et c'est pourquoi non seulement chez les Ashanti, mais dans presque toutes les tribus guinéennes, ils ont le droit de s'épouser (1). La règle manding est différente. Les rapports entre frère et sœur, sans être fréquents, ne sont pas extrêmement rares; ils sont considérés comme abominables et le fruit de ces relations est tenu à l'écart dans la famille, s'il réussit à vivre. Ceux qui se noueraient entre les enfants d'un frère et d'une sœur sont estimés incestueux dans beaucoup d'endroits. Les indigènes que nous étudions ne semblent donc pas avoir, dans l'état actuel de nos connaissances et de leur évolution, un double système de descendance celle-ci est, chez eux, toujours agnatique, le fils et la fille héritent du d'a-mu, nom honorable du père. Le « N'ama» Plusieurs auteurs, le P. Henry, Delafosse, Monteil, Tauxier ont rapproché du d'a un autre élément, le n'ama, niama, nyama ou gnama qui, d'après eux, serait une composante de l'individu. La première définition du n'ama semble due au P. Henry, en 1910. Elle figure dans le livre très intéressant que cet auteur consacre aux Bambara il note page 27: « Le n'ama est une force, une puissance ou, si l'on veut encore, une énergie, un fluide que possède tout homme, tout animal, tout être vivant, et qui ne disparaît jamais, car même après la mort, il continue d'exister. Cette énergie, ce fluide, c'est l'envoyé, le messager, l'émissaire de la haine, de la vengeance, de la justice, et il va là où le pousse une volonté, sa directrice et sa maîtresse, porter à tort ou à raison la malchance, la pauvreté, la maladie, la mort. Ce mot se rencontre à chaque instant sur les lèvres Bambara» (2). Et,àl'appui de cette définition, le P. Henry cite plusieurs phrases dans lesquelles le mot n'ama est d'usage courant; un peu plus loin, il remarque que les animaux ont aussi du n'ama et que celui de certains oiseaux, le calao, par exemple, est très redouté. En 1912, M. Delafosse, s'occupant à son tour de la même conception, écrit « Le noir estime que, dans tout phénomène de la nature, et dans tout être renfermant une vie visible ou latente, il existe une puissance spirituelle ou esprit dynamique ou efficient (niama, en mandingue) qui peut agir par elle-même de là, le culte des génies, personnifiant les forces naturelles et celui des mânes des défunts. .Le niama, esprit dynamique ou efficient, peut être l'esprit d'un génie, d'un ancêtre, d'un objet sacré, d'un animal; d'une montagne, d'une pierre, etc. (1) ». Quelquessemaines plus tard, M. Delafosse développait sa théorie dans une communication faite à l'Institut Français d'Anthropologie et intitulée « Souffle vital et esprit dynamique chez les populations du Soudan Occidental», il y étudiait deux notions distinctes celles du dya et celle du nyama. « Le dya, disait-il, est le principe qui communique la vie matérielle et visible à la matière c'est grâce à lui qu'un amas de cellules soit animales, soit végétales, peut respirer, croître, se nourrir, se reproduire et, dans une certaine mesure, en ce qui concerne les plantes, se mouvoir. Je traduis ces mots par souffle vital, plutôt que par principe vital, parce que, dans beaucoup de langues soudanaises, sinon en Bambara, le terme correspondant à dya sert aussi à désigner le et c'est le cas du Bamvent; dans d'autres langues bara il désigne, dans son acception matérielle, l'ombre projetée par un corps exposé à la lumière et, par extension, un dessein, un portrait. Le nyama est tout autre il ne communique pas la vie matérielle et n'engendre pas le mouvement visible, mais il donne la force d'exercer, par des moyens au moins en partie invisibles, une action qui se traduit par des effets parfaitement matériels et visibles; de là, l'expression d'esprit dynamique que j'emploie pour traduire le mot soudanais. Pour donner des exemples c'est le dya qui fait marcher et parler les hommes, c'est le nyama qui les fait penser et vouloir les actions qu'ils exécuteront à l'aide du dya; c'est le nyama du ciel, d'autre part, qu donnera à ce dernier le pouvoir de faire tomber ou de suspendre la pluie c'est le nyama d'un défunt qui permettra à celui-ci de rendre malade un de ses ennemis encore vivant et même de le faire mourir. Les êtres de premières catégories hommes vivants, bêtes vivantes, végétaux vivants ont chacun un dya et un nyama, mais ce dernier n'existe chez eux qu'à l'état pour ainsi dire virtuel et latent et ne peut exercer aucune action extérieure à l'être qu'il habite; il ne sert à celui-ci qu'à perfectionner, en quelque sorte en le coordonnant, le jeu des organes matériels et à lui fournir l'intelligence et la volonté, lesquelles ne sont pas du ressort du dya mais il ne peut pour prendre un exemple ni préserver de la maladie ou de la mort l'être qu'il habite, ni l'aider à triompher de n'importe quel mal invisible. .Les êtres appartenant à la deuxième catégorie peuvent avoir ou n'avoir pas de corps, tels un rocher, d'une part, et l'esprit d'un ancêtre, d'autre part. .La mort non seulement n'atteint pas le nyama, mais au contraire décuple sa puissance en même temps qu'elle le soustrait à l'obligation de résider dans une matière physique vivante. L'esprit dynamique ainsi libéré demeure d'ailleurs l'esprit du vivant, en ce sens qu'il a le même caractère, la même tournure intellectuelle, les mêmes vices ou les mêmes qualités; en un mot, il a conservé toute sa personnalité morale (1). Dans le livre qu'il a consacré aux Bambara de Ségou et du Kaarta, M. Monteil a repris et adopté la même théorie, il admet, comme M. Delafosse, que le nyama est une essence subtile associée à un corps fluidique, le dya, et à un corps charnel. Ces trois éléments constituent la personne humaine. « Après la mort, ajoute M. Monteil, le nyama demeure imprégné des contingences humaines et continue à se comporter, à certains égards, comme pendant la vie du corps. Ses manifestations sont évidentes pour le Bambara dans le domaine de la vengeance: le nyama de l'ancêtre veille tout particulièrement au respect des décisions que cet ancêtre à prises et il frappe impitoyablement ceux qui les transgressent; c'est le nyama du fa (père de famille, patriarche) qui tourmente le maudit. C'est le nyama de la victime qui poursuit le meurtrier, c'est le nyama de tout ce qui est interdit qui frappe l'impie. » (1) Dans sa « Religion des Bambara », M. Tauxier se montre, en somme, partisan des thèses développées par les précédents auteurs (2). Or, l'examen des faits paraît démontrer que, chez les Manding, le n'ama diffère essentiellement de la description qui en a été donnée jusqu'ici, je tenterai donc de l'esquisser d'après les témoignages de plusieurs indigènes avertis, notamment Moussa Travelé, Samba Niembélé, Mamby Sidibé et en me basant sur des observations que j'ai faites dans la région du Bani et du Niger en 1924, 1929, 1932. Signification diverses du mot n'ama Le terme n'ama a, en manding, plusieurs significations très différentes il désigne a) certains dieux b) des individus contrefaits et stupides; c) la vengeance, la maladie, une force mauvaise, susceptible d'avoir des effets pernicieux sur les individus. Les dieux auxquels s'applique le mot n'ama sont le woklo et le génie. Le premier est un petit être à grosse et à longs cheveux, dont les ongles sont si longs qu'on dirait des cornes de chèvres il a les pieds retournés, le talon étant dirigé en avant. Il n'est pas essentiellement mauvais, mais on en a vu s'acharner contre certaines personnes, et les frapper; le corps de leurs victimes se couvre alors de bosses, d'ampoules et de tète méchantes plaies sur lesquelles il faut, pour les guérir, appliquer le remède du n'ama. Les génies hantent les collines, les abords des ruisseaux ils se dissimulent dans le feuillage des caïlcedras, des ficus, des sounsouns, des tamariniers et surtout des figuiers, qui sont par excellence les arbres de ces petits dieux. C'est, d'ailleurs, pour cette raison qu'ils portent des fruits sans qu'on les voie jamais fleurir. Si vous marchez sur la trace d'un de ces êtres surnaturels ou si vous fréquentez les lieux dans lesquels ils séjournent, vous serez atteint par le n'ama, votre corps se couvrira de pustules, vous éprouverez de vives démangeaisons et, pour faire disparaître l'affection, il sera nécessaire de vous frotter la peau avec un onguent dans la composition duquel entrent du piment noir et de l'ail dont l'odeur fait fuir les génies. Les individus désignés en manding par le mot n'ama sont des idiots, des hémiplégiques aux membres paralysés, à la bouche déformée et baveuse, aux yeux bigles. On pense qu'ils sont nés de l'union d'un woklo ou d'un génie et d'une femme. Les êtres et les choses n'ama-ma L'acception de ce terme n'ama est infiniment plus étendue qu'on ne le croit en général, mais ne correspond en aucune façon au pouvoir décrit par le P. Henry, Delafosse et M. Monteil. On s'en aperçoit aisément en dressant un inventaire sommaire des choses, des animaux, des êtres humains, considérés comme n'ama-ma, c'est-à-dire affectés de n'ama. Des objets infiniment variés, cailloux, morceaux de bois, de métal, ustensiles, outils peuvent devenir n'ama-ma, si woklo ou génies sont entrés en contact avec eux. Les bêtes n'ama-ma sont, en général, des animaux saùvages; il y a parmi elles de nombreux oiseaux, des grands comme la grue couronnée, le calao, des moyens comme l'engoulevent, le pluvier, le dyokala, le gnama tutu, le kokanko, de petits comme le moineau. Les qua- drupèdes sont représentés par des fauves: le lion, le léopard, le chacal par des ruminants le koba, le bume le bubale, par des fouisseurs comme le founnillier et le porc épîc. Quelquefois, il n'y a qu'une partie de l'animal affectée de gnama, par exemple la tête et la queue du lièvre qui ne doivent jamais pénétrer dans un village il en est de même pour les poils qui couvrent la queue du rat palmiste, si une femme les touche, son mari est atteint aussitôt d'une hernie étranglée. On suppose également que la tête de la grue couronnée est dangereuse. Non seulement l'animal lui-même est nocif, mais il faut éviter tout contact avec ce qui provient de lui. Si vous cassez, par accident, des œufs d'engoulevent votre corps sera bientôt couvert de pustules et d'ulcères. à moins que vous ne subissiez le traitement approprié. Lorsqu'une vache marche sur les mêmes œufs, son lait se change en sang. Certains êtres humains sont aussi n'ama-ma: le nouveau-né, le pauvre et le déshérité, le vieillard. Les cadavres du suicidé, de l'assassiné, de la femme enceinte sont également porteur d'un n'ama redoutable, c'est pourquoi il est interdit aux enfants de se rendre à l'endroit où on les inhume. Ainsi, dans la conception des Bambara, le n'ama n'est nullement universel et répandu dans toute la nature il est, au contraire, spécialisé en quelque sorte seules certaines catégories d'objets, d'animaux, de personnes le possèdent. Il reste à découvrir pourquoi telle pierre, tel animal, tel être humain possède cette qualité, tandis que d'autres en sont dépourvus. Mamby Sidibé m'écrit, à ce sujet « Je crois que vous pourrez remarquer que, du n'ama, le peuple Mandé a plusieurs conceptions toutes aboutissant à cette idée mauvaise influence du génie incarnée ou non dans des corps animaux, végétaux ou minéraux ». Samba Nienbélé a exprimé, de son côté, une opinion analogue en termes plus précis et dont il a cru devoir souligner certains qui lui paraissent importants: « Le n'ama est une force spéciale, provenant de certains dieux (génies, fétiches), qui la communiquent à des animaux qu'ils protègent, à des végétaux, à des rochers, des cavernes, des clairières, des cours d'eau qu'ils habitent. Ces mêmes dieux donnent de leur influence à certaines personnes (jumeaux, nouveau-nés, etc.) qu'ils protègent et veulent faire respecter ». En examinant des textes en langue indigène, en recueillant les déclarations et les observations des Manding au sujet du n'ama, il ne semble donc pas que la notion, encore imprécise, qui se dégage de cet ensemble soit exactement celle qui a été décrite jusqu'ici. Les auteurs, qui ont eu le rare mérite de tenter les premiers une analyse délicate et difficile ont sans doute manqué d'éléments d'appréciation assez nombreux pour se former une opinion ils se sont peut-être trop attachés à considérer le n'ama par rapport à l'homme, alors que cette force s'applique comme on l'a vu à bien d'autres êtres et à des objets. Transmission du n'ama Je ne pense pas qu'on puisse rapprocher le dya du n'ama; aucun indigène ne le fait, à ma connaissance. Dans l'esprit des Manding, le n'ama est un fluide nocif une énergie malfaisante émanant de puissances occultes, ayant pour conséquence la maladie et la mort, mais susceptible d'être écarté par des sacrifices expiatoires, une purification et un traitement matériel approprié. Ce fluide nocif est particulier à certains dieux qui, en bambara, portent le même nom que lui: n'ama. Il rayonne de leur corps, se répand sur les animaux, les végétaux, les minéraux, les sentiers, les cavernes, les objets touchés par eux. Il peut également atteindre toute personne ayant transgressé les lois divines, offensé des êtres que les puissances surnaturelles veulent faire respecter, suivant l'expression de Samba Niembélé. JJn individu qui marche sur la trace des dieux, pénètre dans la grotte qu'ils habitent, touche un caillou sur lequel ils se sont posés, attrappe le n'ama, tout comme on contracte la gale. Certains animaux dangereux, remarquables ou ex- traordinaires, sont réputés appartenir aux dieux. Le folklore de l'Afrique Occidentale est, on le sait, rempli de contes sur le bétail des génies, ces animaux sont porteurs de n'ama et communiquent ce dernier à quiconque les touche. C'est un phénomène de contact comme les précédents. Cette croyance explique suffisamment cette expression manding extrêmement répandue et fré1 kana i bola maya a-la n'ama-ma ndo (Ne le quente touche pas de ta main, il est affecté de n'ama). En se basant sur certaines locutions du même idiome, on a conclu, probablement à tort, que le n'ama, fluide répandu dans toute la nature, mais pouvant s'incarner était en même temps quelque chose de personnel. Le P. Henry écrit « .évite donc ceci et cela, tue une chèvre. nionte f a gnama na ouli i la autrement la force lèvera contre toi ». Est-ce « vengeresse de ton père se bien sûr ? Des observations déjà nombreuses, la publication des documents du Dr Cremer, traduits de textes indigènes, semblent bien montrer que les morts ne sont pas considérés comme susceptibles de causer, à eux seuls, du mal aux vivants. Ainsi, lorsque la défunte Bobo voit son mari contracter une nouvelle union et que celle-ci est féconde, « une autre mort la tue », la jalousie la torture, elle voudrait nuire à sa rivale posthume, mais elle ne le peut, il luifaut pour cela s'adresser aux dieux et les supplier. N'en est-il pas de même pour les ancêtres irrités contre leurs descendants ? N'est-il pas vraisemblable d'admettre que les premiers implorent, eux aussi et dans le même but, les puissances occultes ? Dans ce cas, le n'ama fatal ne serait pas celui des ancêtres, mais bien celui des dieux. Quant aux personnes qui peuvent donner du n'ama à tort », suivant une « lorsqu'on leur cause du mal expression employée par Moussa Travélé, il est permis de supposer qu'elles rentrent aussi dans la catégorie des protégés de la divinité et que celle-ci entend les faire respecter, soit en les touchant et en leur communiquant le n'ama, ce qui les rend dangereuses, soit en lançant contre les malfaisants ce même n'ama. Certains cadavres, celui du suicidé, de la femme morte enceinte et de l'assassiné, sont également consi- dérés comme porteurs de n'ama et cela est naturel pour les deux premiers. En effet, l'interrogatoire qui intervient durant les funérailles révèle toujours qu'ils ont offensé les dieux, ceux-ci les ont châtié, leur fluide nocif demeure sur la dépouille des coupables. Il est plus malaisé d'expliquer pourquoi le corps de l'assassiné possède du n'ama. Un ensemble de notions confuses paraît contribuer à cette croyance. Le meurtre irrite toujours la Terre et les puissances occultes, le sang versé est n'ama-tna, il contamine aussi bien le corps d'où il est sorti que celui qui l'a répandu. Le terme « fâ » Le iïama est toujours fort dangereux aussi est-il nécessaire de le combattre, de le détruire, ou seulement de le détourner, de l'écarter. Dans ce dernier cas, une simple opération préventive est réalisée elle est exprimée, en bambara, par un terme spécial, le verbe fâ, qui n'est expliqué, à ma connaissance, dans aucun dictionnaire et que le P. Henry emploie sans en comprendre le sens. Dans l'Ame d'un peuple africain (1), il cite, en effet, la phrase suivante prononcée par les excisées manding n'ama fambali bo n'ye et la traduit par: n'ama, qui tuez, éloignez-vous de moi. L'analyse grammaticale du mot lambali démontre qu'il s'agit ici de la racine fâ = chasser, et du suffixe négatif bali, ce terme ne saurait donc signifier qui tue il doit se traduire par qui n'a pas été écarté ou neutralisé. Si le n'ama doit être effacé, comme le fait se produit par exemple à l'égard du meurtrier, lorsqu'un chasseur a tué un lion ou bien un animal n'ama-ma, toutes les explications fournies au sujet de la cérémonie intervenant alors, prouvent que cette opération tend à faire disparaître une souillure répandue sur le corps du p'atient. Nous savons que ce dernier est considéré dans le Lobi comme dangereux pour son entourage et doit être purifié avant de reprendre sa place dans le groupe domestique. Telles sont les observations que suggère l'étude sommaire du n'ama chez les Manding. Cette intéressante notion parait exister sous des appellations différentes parmi de nombreuses peuplades du Soudan Français et de la Côte d'Ivoire. Je l'ai retrouvée chez les Samoro, les Bobo, les Gourmantché, les Dagari, les Oulé, il semble bien que Rattray la signale dans l'Ashanti sous le nom de sasa. Dans l'ensemble, elle peut se résumer en deux propositions 1° Le n'ama est un pouvoir d'ordinaire malfaisant, apanage de certains dieux, mais que ceux-ci communiquent à des personnes, des animaux, des plantes, des objets, des lieux déterminés, lesquels peuvent le transmettre par contact; 2° Le n'ama peut être évoqué, dirigé et lancé pour atteindre certains êtres ou objets avec l'autorisation et le concours de la divinité. Dans ce cas, intervient la volonté de celui qui déclanche le n'ama et accomplit des. rites oraux et manuels. Dualité et bi-présence de l'individu S'il faut, à mon avis, écarter la notion de n'ama, qui n'est point un élément de la personne comme le corps, le d'a et le n'i, il convient de signaler, chez les Manding, une croyance qui a déjà été mentionnée chez les Mossi, les Foulsé, les Nounouma, les Kassonfra, les Bobo et aussi en Nigéria méridionale (1). Elle est, en somme, analogue à celles qui, dans plusieurs contrées, sont relatives aux loups-garous, aux hommes-léopards, aux sorciers et posent le problème de la double existence. Pourtant, elles s'en séparent assez nettement et rappellent plutôt la bush soul, l'âme de la brousse, décrite autrefois par Mary Kingsley. M. L. Lévy-Bruhl s'est intéressé à cette conception africaine qui se retrouve à peu près semblable à l'île Pentecôte, chez- les Eskimo du détroit de Behring. Il y voit « une identité mystique de l'individu avec un animal dans la brousse, telle que l'animal meurt quand l'homme meurt, et que l'homme aussi cesse de vivre si l'animal périt » (2). On rencontre dans beaucoup de villages manding non-islamisés, en particulier chez les Bambara, des iguanes d'eau, kana, très nombreux et qui se montrent d'une extraordinaire familiarité. C'est le cas, par exemple, à Tiola (cercle de Sikasso), habité par des Sangaré, à Komantou (cercle de Bougouni) peuplé de Koné, à Famana et à Dialakoro, à la limite du cercle de Bamako. Dans ce dernier centre, les Bakayoko sont entourés par une multitude de ces lézards, qui pullulent aux abords des maisons. Ils pensent que chaque être humain est, en quelque sorte, doublé par un iguane du même sexe, venu au monde en même temps que lui et qui périra quand l'homme mourra. Zié Bakayoko, vieux notable de Dialokoro avec lequel je discutais cette croyance, a pris soin de me faire remarquer qu'il ne s'agit point ici d'un interdit pur et simple comme il en existe pour défendre de tuer, blesser, manger, toucher et parfois regarder le tana ou tene, ou tne, ou tono, mais bien d'une identité réelle entre l'homme et l'animal. M'entraînant vers le point d'eau, il me montra un lézard d'assez grande taille se chauffant au soleil et qui n'avait que trois pattes « C'est le pareil (n'wâ) du soldat amputé d'une jambe et pensionné que nous avons ici », dit-il ». La possession Il est assez fréquent de rencontrer des personnes qui assurent être possédées par des génies. C'est, notamment, le cas de Maryam Taraore, originaire du Kaarta et qui habitait Bobo Dioulasso en 1932. Etant enfant, elles partit, un jour, dans la brousse avec trois autres petites filles de son âge pour cueillir des fruits; soudain, un violent tourbillon se produisit et elle fut emportée au fond d'une rivière voisine. Elle y aperçut une quantité de génies, les uns de grande taille, les autres tout petits il y en avait de noirs, de blancs, de couleur cuivrée, tous couverts de poils et portant de longs cheveux qui retombaient sur leurs épaules. Maryam fut accueillie dans la famille de l'un d'eux nommé Suragata Bundauda et demeura quatre ans avec lui. Au bout de ce temps, Son maître la renvoya, une vague l'apporta sur le rivage prés de deux femmes qui lavaient du linge et l'aperçurent sortant de l'eau elles la conduisirent à ses parents. Mais Suragata Bundauda ne l'abandonna pas pour cela, bien qu'elle fut mariée dans la suite et mère de quatre enfants. A certains moments, il s'empare d'elle (a &e-na m mine), elle crie aussitôt, profère des injures, s'agite, se tord, entre en transe. Dans cet état, elle peut dévoiler le passé et prédire l'avenir. Pour chasser le génie, il suffit de piler des oignons et de les placer sous le nez de Maryam qui reprend ses sens, mais ne se souvient ni de la crise qu'elle vient de subir, ni des paroles prononcées pendant qu'elle s'est développée. La patiente déclare ignorer comment Suragata pénètre en elle et comment il en sort. Elle évite de prononcer son nom de crainte de l'attirer. Des cas pareils à ceux de Maryama sont très fréquents il en est d'autres, un peu différents, mais qui montrent l'intérêt passionné que génies et woklo-u mâles et femelles portent aux représentants des deux sexes du genre humain. Il n'est pas difficile d'apprendre, dans les villages, que tels hommes, telles femmes entretiennent à leur corps défendant des relations intimes avec ces êtres surnaturels, qu'ils décrivent avec précision, dont ils rapportent les actes et les paroles. Ce commerce provoque, en général, la stérilité des femmes, aussi leurs maris s'efforcent-ils d'éloigner ces poursuivants. Ils y parviennent en employant des poudres magiques et des amulettes conseillées par les devins. Mais, d'autres fois, ces rapports provoquent des grossesses pénibles et la mise au monde d'un de ces êtres contrefaits et stupides que nous avons signalés au chapitre du n'ama. Interdits et précautions dans la vie journalière Les Manding pensent qu'ils sont entourés constamment par des dieux de diverses catégories qui se mêlent à leur existence. Les mieux connus sont les woklo-u précédemment décrits, ils rôdent autour des habitations et visitent les cuisines pour y chercher de la nourriture. Ils se rencontrent à chaque instant avec les revenants du village, poussés par les mêmes curiosités et des besoins analogues. Pour éviter que les uns et les autres ne souillent le liquide contenu dans les jarres, les ménagères ne puisent plus d'eau après le coucher du soleil, elles couvrent leurs poteries, leurs marmites et mettent leurs provisions à l'abri. Instruites des habitudes des dieux et des ancêtres disparus, elles se gardent de lancer des ordures par-dessus les murs de crainte de les atteindre. Les femmes ne pilent pas volontiers le grain dans les premières heures de la nuit de peur de broyer en même temps des matières nocives déposées dans les mortiers par ces hôtes invisibles. Enfin, pour ne pas les blesser, elles ne fendent pas non plus de bois dans l'obscurité. Les enfants peuvent être maltraités par les petits dieux, aussi ne les fait-on jamais sauter dehors la nuit tombée, les woklo-u en feraient autant et les enfants seraient malades; s'il faut les faire sortir, leurs parents les comment d'un bonnet pour amortir les coups que les petits dieux pourraient leur porter sur la tête en jouant. Les êtres surnaturels et les revenants ne sont pas les seuls à fréquenter les villages durant la nuit. Le sirantele, sorte de salamandre, vient aussi dans les cuisines et lèche les plats et les ustensiles que l'on n'a pas pris le soin de retourner et comme la langue de ces reptiles porte un poison redoutable, les personnes qui mangent la nourriture préparée dans ces vases souillés tombent gravement malades. Il faut aussi se garder contre les sorciers qui menacent les accouchées et leur progéniture, c'est pourquoi un couteau est toujours placé à côté du berceau des nouveau-nés. Par ailleurs, les Manding évitent d'accomplir certains actes qui seraient capables d'en provoquer d'analogues par sympathie. Voici quelques exemples de ces croyances Jamais une fileuse ayant besoin de se faire coiffer ne consentira à laisser démêler sa chevelure avec un fuseau, car cette opération est effectuée rituellement sur les veuves qui prennent le deuil d'un mari récemment décédé l'accomplir en dehors de cette circonstance spéciale serait provoquer la mort prématurée de l'époux. Pour une raison semblable, une ménagère qui rentre dans sa maison après avoir coupé du bois, lié en fagot, ne manquera jamais de dénouer ce fardeau, pareil à un cadavre prêt à être inhumé. Si elle négligeait cette précaution, une personne de sa famille périrait bientôt. On pense également que l'étoffe provenant de !'échancrure taillée dans une chemisette pour y faire le col ne saurait être utilisée. Quiconque se hasarderait à employer ce tissu aurait la tête tranchée dans un avenir proche. De même, il est défendu de battre une peau d'hyène à l'intérieur ou à proximité d'un village. Un tel acte suscite toujours des querelles et des rixes. On peut, enfin, considérer comme interdits basés sur la sympathie ceux qu'observe la femme enceinte en refusant de manger la viande d'une femelle pleine, et aussi ceux qui empêchent d'enterrer une femme stérile sans prendre les précautions relatées, p. 111. Les défenses alimentaires d'origines diverses sont fréquentes. En dehors de celles qui sont inspirées par le ~a/M, on peut citer l'acte du lépreux qui, pour ne pas aggraver sa maladie, s'abstient de manger de la chèvre, du silure et du poulet celui du syphilitique qui, dans le même but, n'absorbe aucune espèce de viande et refuse même de toucher l'eau de Cologne. Enfin, il convient de mentionner que les jeunes femmes et les jeunes filles ne goûtent jamais à la chair des victimes sacrifiées au cours des cérémonies religieuses, parce qu'elles redoutent d'avorter ou de devenir stériles. Ces conceptions spéciales se traduisent dans beaucoup de cas par des tabous linguistiques, qui empêchent de prononcer certains termes. On verra, plus loin, ceux qui frappent les noms d'animaux jugés dangereux à un titre quelconque il faut y ajouter ceux du caïman qualifié de lézard, bassa, et du scorpion remplacé par celui du cauri AoM. Les non-initiés, les femmes, les enfants ne peuvent proférer le mot komo, ni ceux des personnes ou objets qui se rattachent à son culte. Ils sont, en effet, sacrés et, par là même, séparés de la langue vulgaire ainsi que d'autres termes, se rapportant eux aussi à des objets sacrés comme l'or, sanu ou seni, le sel commun Aoro, et le sel indigène, Seye-nd't, dont les noms ordinaires ne sauraient être prononcés la nuit. C'est pourquoi on les remplace respectivement,après le coucher du soleil, par nege ba, le grand métal, na-d'ala, le condiment à sauces, et muso-d'i, l'eau de femme. Les interdits sexuels sont assez nombreux; nous en citerons seulement quelques exemples pour terminer cette série qui pourrait s'allonger presque indéfiniment On connaît la signification conventionnelle du mortier et du pilon, représentation traditionnelle des organes sexuels,masculins et féminins. Une ménagère qui porte un pilon ou une poterie ne passe pas devant un homme sans poser cet objet par terre. Si elle négligeait cette précaution à l'égard du vase, l'eau ne pourrait plus y bouillir, il deviendrait inutilisable, et, en ce qui touche le pilon, cet instrument gâterait l'effet des charmes contre les projectiles que porterait l'homme devant lequel il est passé. On évite aussi de laisser un enfant en bas-âge à côté d'un pilon, car il demeurerait imbécile et n'apprendrait jamais à marcher. La terreur ambiante ? On peut se demander si le Manding, entouré à chaque instant par des Influences occultes s'intéressant à sa vie, n'est'pas dans un état de crainte perpétuelle qui rend son existence insupportable. Beaucoup d'Européens affirment, à tort, semble-t-il, que sa mentalité et ses actions sont grandement anectées par une terreur ambiante capable d'annihiler son énergie. C'est là une conception, un raisonnement d'homme blanc procédant par analogie avec ce qu'il éprouverait lui-même en pareil cas c'est aussi une réminiscence classique de la formule Primos in orbe deos /ect~ timor, c'est la peur d'abord qui créa les dieux dans le monde. Mais ce vers fameux n'est nullement justiûé en ce qui touche les Manding. Bien loin de voir dans les puissances occultes qui les environnent des étrangers malfaisants, des adversaires, des ennemis, ils les considèrent comme des alliés, des protecteurs. Il est aisé de s'en rendre compte en observant que le nom appliqué aux divinités villageoises et autres est n'a-na, terme dérivé de n'a, arranger, favoriser, et qui signifie « bienfaiteur a. II n'y a pas à établir ici de distinction entre les bons et les mauvais dieux: elle n'existe pas dans l'esprit des Soudanais; ils constatent sans surprise l'attitude changeante d'une puissance surnaturelle qui tantôt dispense des bienfaits et tantôt provoque des châtiments lorsqu'elle est irritée~ Dans ce dernier cas, il faut rechercher les causes de sa colère et l'apaiser par l'expiation et des sacrifices. Voici, d'ailleurs, ce que déclare, au sujet du n'a-na, un informateur de confiance du~U-n'a-nd-U o-de ~c <fHyu-nc n'u-ma-H, a n'ama n'u-ma-u, a boli d'uyu-H, o-u-de 6e dugu-n'a-nd-u ue, ka-tugu u be dugu n'a. Toro fla yere &(s) u-/a a be /o tu-mu do-la dugu-da-siri. N:-m<ï-/e-u do-u yere &e-Ae tfu~u-da-strt !/e, i ko mM'a, i ko bama, kana, koro, sora, sa; iri yere &e-&6 dugun'a-na ye, tu &e-&(6) a ye, ~tc~ be-k(e) a ~e, kuru be-ke a ye. C'est-à-dire « Les bienfaiteurs du village sont les bons génies du village, les bons nyama, les boli efficaces (le komo, par exemple), tels sont les bienfaiteurs du village, parce qu'ils font du bien au village. Ils ont même deux noms, on les appelle parfois dugu-da-siri (ce terme est composé de verbe siri et du préfixe la ou da; il peut se traduire par: dispositions prises en vue de lier (la divinité) en réalité, ils représentent la divinité elle-même. Cette expression est à rapprocher de religare et de religio). H y a comme dugu-da-siri des choses vivantes, c'est-à-dire le python, le caïman, l'iguane de terre, l'iguane d'eau, la tortue, la couleuvre un arbre même peut être bienfaiteur du village, de même un bois, un ruisseau, un monticule ». Dans un antre passage, l'informateur explique que ces animaux, ces plantes, ces lieux sont respectés et honorés comme représentants ou siège de la divinité. Si l'on désire préciser davantage ces notions et les ordonner en système cohérent admissible pour notre esprit, on éprouve aussitôt d'insurmontables dimcultés. car ce système que nous cherchons ne paraît pas exister. Pour le déceler, le limiter et l'identifier, il faudrait une enquête approfondie, étendue à toute la contrée qu'habitent les Manding. Il conviendrait de classer les actions et les abstentions, les phénomènes, les cultes, les croyances, avant de bâtir une thèse définitive car, en cette matière comme en bien d'autres, nous sommes toujours à la période analytique. CHAPITRE IX La Psychologie et !a Ï.M9ne. La psychologie et la langue La vie a modelé le Soudanais, créant en lui une philosophie particulière, celle d'un cultivateur dont l'existence dépend des phénomènes naturels qui apportent successivement la pluie et la sécheresse, conditionnent la production et la consommation. Ce paysan a acquis le sens de l'orientation, appris à reconnaître d'où viennent les vents dominants et les tornades; il s'est exercé à prévoir l'arrivée des diHérentes saisons grâce à l'apparition dans le ciel de constellations comme les Pléiades (s'e-ba ni a dè-u, la poule et ses poussins, ou bien n'uyu n'ugu, l'amas, le tas d'étoiles), le baudrier d'Orion, (m~TT-Mo ou ma-dolo, l'étoile de l'homme, etc.) Le Soudanais sait observer la mâture; il a établi une longue liste des productions minérales ou végétales qui peuvent être utiles ou nuisibles à l'homme, il n'est pas difficile d'obtenir de lui une liste d'une centaine de noms se rapportant à des plantes diverses. Quelques-uns de ces termes sont singulièrement évocateurs et bien choisis, comme par exemple celui de la graminée épineuse qu'il appelle muso-~oro-nt-n't, la dent de la petite vieille. La nomenclature des animaux est aussi riche. Pour ce cultivateur resté occasionnellement chasseur, pêcheur et récolteur, le gibier c'est de la viande, soyo ou M. subu, tout se mange avec certaines précautions et en employant des rites spéciaux lorsque l'expérience a révélé leur nécessité. On nommera donc sopo ou subu le rat, le lièvre, l'antilope-cheval et le buffle mais ces diverses espèces ont toutes leur nom particulier, souvent doublé d'une ou plusieurs épithètes. Lorsqu'il s'agit de tauves ou d'autres animaux dangereux à un titre quelconque, on ne prononce pas leur vrai nom, sans doute par crainte de les évoquer ou de susciter leur mauvaise influence. Dans certains cas même, l'appellation exacte a disparu, est complètement oubliée, on n'emploie que des descriptifs ou des sobriquets. Par exemple kala-kala-ma, le tacheté le léopard. Pour l'hyène, on dira suru-ku, la mal abaissée; da-d'ugu, mauvaise gueule; d'u-d'u, qui surprend, arrive à l'improviste Ao~o, qui paraît à rapprocher de ko, mauvais, méchant, désagréable MMra-d'a~anA'o. fauve mal galonné, à cause de son pelage strié ou tacheté, etc. Pour des paysans se livrant à l'élevage, l'hyène est, dans certaines régions, un véritable fléau exerçant des ravages considérables sur les troupeaux son nom est devenu synonyme de « nuisible '), aussi s'applique-t-il à un certain nombre de plantes sauvages et vénéneuses comme suru-Au-A«-s</o, haricot d'hyène, sorte de légumineuse non comestible ~uru-Au-Aa-~ma, pas d'hyène tubercule vénéneux; suru-ku-ka-tomo, jujubier d'hyène à baies vénéneuses. Des gens qui marchent pieds nus sont souvent mordus par les reptiles, aussi le terme propre sa, serpent, n'est-il pas employé volontiers surtout par des personnes qui viennent d'être mordus ou par leurs proches On désignera l'ophidien, dans ce cas, par une péridu<yu-m<e, la chose de par terre du<~H-mad'tuu, la corde à terre ~e-n/o/o-fa, fofo-ni, ce qui rampe don<ya-/a, le maudit, terme qui s'applique surtout au phrase trigonocéphale d'Afrique. La constatation de certains phénomènes ou d'actions particulières et la dérivation des termes qui leur sont appliqués ont largement contribué à enrichir les expressions du manding; ainsi fe, f'e, /'e, fa indique l'action de soufller et, par extension, le vent sous la forme /e-n'e~ /<-n'e et ~o-n'o. Mais fi-n'e est aussi un adjectif signifiant léger, sans valeur en ajoutant un suffixe verbal, on obtient fi-n'e-ya, alléger, mais surtout mépriser, considérer comme de peu d'importance. folo /oM: flétrir, se faner, prend par extension la signification de se recroqueviller, se sécher et, enfin, être léger. Le participe passé de ce verbe donne /o~o-~e ou folo-ne, qui est léger, volage, étourdi. Ma; kuru kolo Mo: pétrir, modeler, façonner, s'emploie aussi dans le sens d'éduquer et, surtout, de corriger, dompter. Mais ce verbe peut prendre un sens péjoratif de corriger et dompter, il peut passer à se montrer obséquieux, et même être bon à rien. monde flamme, et surtout mono mana mené la longue flamme qui monte lorsque le feu est rechargé avec du bois sec. L'expression mono 63 signine faire sortir la flamme, l'étendre d'où bolo mono-~ ka /e nia, étendre le bras pour prendre quelque chose. /~r~ est, d'ordinaire, la place publique sur laquelle les habitants du village se rassemblent, dont ils usent à volonté, car elle est large. Le verbe /efe donne user librement et aussi avoir à discrétion an /ere-~o ~o-ma, nous avons eu de la bouillie de mil à discrétion. /oro: diviser, séparer, trier, composé avec t'i ou fi briser, souffler, éclater, prendra le sens de partir à l'aventure, de se montrer imprudent. Avec des sumxes de dérivation appropriée, on en tirera /<u'<<tctr<! ou lara-ti-la, aventurier; et, par contre, /ara-<t-&aH, qui n'est pas aventureux, homme de précaution; /aro! bali-ya, précaution. Certaines propriétés comme la dureté, la chaleur, le froid, la pesanteur ont également contribué à former de nombreuses expressions souvent pittoresques. gbere ~ere; B. yere; M. gele: être dur, résistant, compact, employé avec d'autres termes, permet de créer ~o-ma ka gele, avoir l'oreille dure, être désobéissant kongolo ka gele, avoir la tête dure dusu ka gele, avoir le cœur dur et avoir du sang-froid da-la-ngele, être dur de la bouche, être menteur; tege ka-gele, être dur de la paume, se montrer avare; kono ka-gele, être dur du ventre, être entêté; B. a hakili gere-na, son esprit est dur, obtus. ~M; ~<p< gba ga chauffer, être chaud exprime aussi le fait d'être pénible ou dimcile et, par suite, donne en composition n'e-~o, chauffer le visage, punir et même torturer; Aono-~tM!, chauffer le ventre, ennuyer; du~M-~ca, chauffer le coeur, mécontenter, fâcher. Dans certains cas, ce terme exprime l'ardeur d'une sensation ou d'un besoin &&myp ytMt-ne be ne-na, une faim ardente est en moi; on emploiera de même: /H/!<em ~wa-ne, chaleur ardente et, par analogie, nene gwa-ne, froid très vif. A gMK! s'oppose su-ma, être frais ou froid, rafraîchir, refroidir, calmer, apaiser, que nous allons retrouver dans plusieurs expressions. ~Mft ~MK B. giri et guri M. yili et kuli être lourd et alourdir, s'applique non seulement aux choses par exemple dont ~trt-no, la charge est lourde, mais aussi à l'intelligence, à des conceptions abstraites a hakili ~urt-ya-na, son intelligence s'est alourdie a ka g~t ka a ke, cela est lourd (difficile) à faire. Ce que l'on connaît le mieux est assurément le corps humain; les Manding ont consacré une nomenclature assez étendue à ses diverses parties, plusieurs de ces termes ont donné naissance à des expressions très imagées. da bouche et bord de quelque chose, en a fourni un nombre assez considérable, par exemple da mo, mûrir la bouche, l'arrondir et, par suite, faire la moue da mpere, éclater de la bouche, faire la grimace da-d*t l'eau de la bouche, la salive, exprime aussi le désir comme dans notre expression « faire venir l'eau à la bouche », ainsi ~a-M- n(e) y(e) a ye a da-d'i &e ne-na, depuis que je l'ai vu sa salive est en moi, c'est-à-dire la salive provoquée par telle vue ou telle pensée da-/at'è: critiquer de la bouche, censurer, donne désavouer, renier, se dédire; da-mina: prendre le bord et aussi commencer; da-~uya: fermer la bouche, boucher dans tous les sens sa-nd't ye yoro ~ee da-tugu, la pluie a bouché toutes les directions, le temps est bouché. La bouche étant le siège de la parole, on qualifiera de da-nM chose sans bouche, tous les êtres dépourvus de parole, c'est-à-dire les animaux. Les mots prononcés au fond de la bouche, do-d'u-toro-&u7n< ont un son particulier, remarqué par les Manding qui appellent ainsi l'action de nasiller. Il faut noter aussi des expressions comme da-n~ye, couper la bouche, ou révéler do-~Mnu avaler sa langue, ou mourir; et, enfin, certains termes évocateurs comme da-~MMMM ce qui brûle la bouche, te poivre. Après la bouche, l'œil est l'organe qui inspire sans doute le plus d'images. h'a; n'à; n'e signifie, en manding, œil, figure, âme et même caractère; en composition, il fournit de nombreuses expressions comme n'e-na-~e: dur de l'œil, insolent, mal appris; n'e-nakuna e-~oso dépouiller amer de l'œil, effronté t'œil, regarder fixement; n'e-na-d'e: blanchir l'œil, contenter, amuser; n'e-na-~m: noircir l'œil, attrister, être triste; n'B-suma: rafraîchir l'œil, rendre heureux; n'e-na-sisi: enfumer rœil, chagriner, désappointer n'e-ma-d'a faire sécher rœil, considérer sans bienveillance, refuser; n'e-<M entrer de l'Oeil, regarder fixement, braver; /e-&?: litt. avoir les yeux hors de la tête et, par extension: convoiter, désirer; n'e-dtmt: avoir mal à l'œil, envier, jalouser; n'e-na-mtnt: entourer l'oeil, le faire chavirer, étourdir et, enfin, éblouir. D'autres organes ou parties du corps interviennent encore pour enrichir la langue <fusu, cœur et caractère, d'où on tire dusu Aa-M, grand ou noble cœur dusu-d'a, sécheresse, dureté de cœur; dtMH-Ma-nAo, mauvais cœur, bourru, irritable, susceptible dusu-kù, courage et conscience, /asa ou pasa, nerf, tendon, muscle, et aussi dureté, résistance, maigreur; kolo, os, armature d'une chose, bouton, cauri, agrafe, etc. i /!(e) kolo kari ni (t) bara ye tu me casses les os avec ton bavardage nugu, intestins, quelque chose de lisse, d'aplani et aussi polir, aplanir d'une belle femme, on dira a /otrt-~o nH~H-~ la peau de son corps est lisse. Des verbes de qnaRtê entrent dans de nombreuses tournures; le plus remarquable est (fe, qui signifie être blanc, clair, pur, évident, blanchir, innocenter, acquitter a kono ka <f'e son ventre, ses intentions sont pures; d't d'e-ra a n~e M: l'eau (les larmes) a éclairé ses yeux à propos d'une femme dont on veut célébrer la beauté: a d'e-le ko nono kene: elle est blanche (de peau claire) comme du lait frais; enfin, a d'e-m&e ma-la-li-la signifiera il a été blanchi (innocenté) de l'acte de meurtre sur un homme. L'observation des gestes accomplis par les êtres humains et les animaux a également contribué à introduire des significations dérivées dans la langue. Par 6e/n6~ est, à proprement, tapoter les fesses exempte d'un enfant nouveau-né pour le calmer, mais cela veut dire aussi carresser, cajoler et consoler bugu est l'acte de la poule couveuse qui hérisse ses plumes lorsqu'on approche d'elle, mais on dira d'un bavard. a &s 'kuma &H~u il gonfle ses paroles, il est prolixe sa~o frotter avec la main, caresser, donnera dusu sa!o caresser le cœur de quelqu'un, le consoler suru vanner du grain et pour cela le faire tomber de haut dans un autre récipient, est aussi au figuré: mépriser, insulter, faire des avanies à quelqu'un mo, mûrir, cuire à point, grossir, peut donner: la-mo, faire mûrir et éduquer. Le Manding observateur et habile dans l'art de comparer traduit généralement ses remarques par des termes descriptifs qui sont parfois ironiques. Des épithètes sont ajoutés à beaucoup de noms propres: Samba fin Samba le noir; T"e-&a-u~: Tyeba le rouge; Sokolô kutu-ma Sokolon pleine de boutons, nom de la mère du légendaire Sund'ata N'a-Me N'a qu'un œil Karamaia n't-d'd Karamoko (n. p.) à la grande dent Berna suru-ni Bema (n. p.) le petit; Nki d'à: Nki le grand. Les particularités de la démarche peuvent inspirer des appellations imagées. Par exemple kere-nkere (de ~ef€, côté) est le nom d'un petit crabe d'eau douce il peut se traduire par « va de côté ». Avec un vocabulaire d'environ 2.000 racines et en employant les procédés qui viennent d'être exposés, les Manding ont réusssi à tirer d'expressions concrètes des termes abstraits souvent remarquables. Ainsi, kun-na-si-t'e signifie réunir les cheveux de la tête, les faire dresser, et par suite impressionner, effrayer et remplir d'admiration. On en tire normalement ~u-nnfe-~ara qui cherche à frapper d'admiration, orgueilleux, et par contre ~u-nnfc-eforo-ma, humble, modeste. De même, ~funa, chance bonne ou mauvaise, caractère, honte, donnera: kuna-da, poser la honte, faire honte dans le même sens &una-$u f, attacher la honte Auna-~eye, couper la honte, être impudent, et kuna<tn'e. abîmer la chance, causer du scandale. d'aK, sang, fournit tfoK-ma, sanguin, de sang, puis d'oli-ma-ko, de mauvais sang, triste, trabilaire, et d'olima-ko-ya, mélancolie. On rencontre fréquemment, en composition, le verbe <n~e, like, tege ou teke, couper, mais aussi traverser, avec lequel on forme Aa~t~e, couper un mensonge, mentir /'ere <tAe, conclure un marché d'uru tike, contracter une dette; dusu tike, briser le cœur d'igi tike, détruire l'espérance. Citons encore, pour terminer cette série, le verbe d'à grandir et être éloigné. En y ajoutant le suffixe ki, a sens parfois péjoratif, on obtient: d'a-nna-~a'a-nno-Me, qui se grandit de mauvaise façon, faiseur d'embarras. Proverbes et Dictons Les Manding sont volontiers sentencieux. Ils aiment à émailler leurs entretiens de curieux proverbes dont on possède quelques milliers. C'est un riche matériel qu'il faudrait ordonner et discuter, car aucune documentation n'éclairera mieux l'âme indigène que ces courtes phrases empreintes de bon sens, révélant des expériences parfois douloureuses et un jugement ~ain. Nous en citerons quelques exemples. Le cultivateur, soumis depuis des siècles aux violences des conquérants, au bon plaisir de chefs sans scrupules et sans loi, à la cruauté d'avides chasseurs d'esclaves, a appris, par de coûteuses expériences, que le faible doit s'écarter du puissant. Il exprime cette précaution nécessaire en disant sama ni s<MMa ~6 tama n'orà ye l'éléphant et le lièvre ne se promènent pas ensemble (sans dommage pour le second). n<of[ ni a A<MM- &ee t~e digo-nla ~e: le crapaud et tout ce qu'il a dans le ventre appartiennent au calao (grand destructeur de batraciens et de reptiles). ni Ae-ra nkele ni ~e ka-fere-nke ~e dere, a ma se tigema, ko ~e ka lige ba a ma se nkele-ma ko tige ka lige s'il est arrivé que l'arachide et le rat palmiste s'as- socient, quand c'est le tour de la première, elle fournit les arachides et quand c'est le tour du second il lui dit encore de donner des arachides. Le plus faible est toujours lésé. C'est ce qu'exprime également cet autre proverbe far.na d'o-o a d'ala-ki-o, a &ee t~e a d'o t~e qu'un chef ait raison ou tort, il a toujours raison. D'autant plus qu'il est impossible de lui résister car s'e te M dugu-ta ge le poulet ne peut refuser de partir en voyage (phrase qui évoque l'image des volailles résignées, suspendues par les pattes aux charges des colporteurs se rendant au marché voisin). Tous les hommes sont égaux devant le malheur tulao-<u/a sts! 6e &J a b6e (fu-Acro, de tous les chaumes la fumée sort. Jolie expression qui fait penser aux tranquilles soirées d'Afrique et aux nuages bleus s'élevant dans l'air calme au-dessus des paillottes. Elle interprète et colore singulièrement notre proverbe assez plat: à chacun sa peine. Quelle résignation fataliste exprime, d'autre part, ce dicton magnifique dans sa simplicité kesi te do sa-nd'i d'tt'&oro les pleurs ne se remarquent pas sous la pluie. A quoi bon se plaindre dans la tour- mente. Le peuple soudanais, si longtemps tyrannisé, en proie à une misère imméritée, trop souvent décimé par la famine et la trahison, a appris la prudence, il l'enseigne à ses enfants: sigi-ni-mble li ma mi ta faga, ma nto-nku-nni-ble ~c i na sird de celui dont le père a été tué par un petit buiHe rouge prendra peur à la simple vue d'une petite termitière rouge. Nou" disons chat échaudé craint l'eau i froide. basa-ni ku ma tigE a te dt~a-~a-/a dô tant qu'un petit lézard n'a pas la queue coupée, il ne sait pas retrouver l'entrée de son trou. Allusion à la familiarité de ces.petits reptiles dont l'appendice caudal est fragile et qui, cependant, ne s'effraient qu'après l'avoir perdu. la te <? n'e~erc-nt-na ka-ta dunu-nkoto-ni sogoma-la /6' le cancrelas n'est pas assez fou pour aller saluer le coq le matin. Il ne faut pas s'exposer inutilement. Les vieillards savent bien qu'il faut modérer les ardeurs des jeunes gens, car ils en ont éprouvé de semblables avant eux. Ils leur disent dugu-kolo n'u-ma &ee te sene-Ae-~oro de tous les beaux terrains ne sont pas propres à la culture. Ce qui signine toutes les places qui semblent avantageuses ne sont pas à briguer, toutes les belles femmes ne sont pas à courtiser. Comme ce précepte leur semble important, ils le répètent sous plusieurs formes, en voici une autre so n'u-ma bes te m;H~ M-yoro ye de toute belle maison n'est pas un endroit pour y passer la nuit. II convient aussi de ne point se laisser entraîner par l'amitié afin d'éviter la trahison ma le ma wers /<s<ya i ~ert !/e, nka i le i /en /tsa-pa i-ye-re ye.: ne pas préférer une autre personne à son ami, mais ne pas faire passer son ami avant soi-même. Très souvent, la colère impulsive vient déjouer tous les plans de prudence qui ont été bâtis, c'est que /anu ye /a'<o-ya ku-nkuru ye la colère est une courte folie. Heureusement, elle s'apaise vite n(i) t /Hf:u-/Mt ka ~ere ~a-/M!-Mse bô, sani k(a) i M a ~omo-na i dusu na suma si tu te mets en colère et renverses un panier empli de graines d'éleusine, ton cœur se calmera avant que tu n'aies fini de tout ramasser. Emportés et impulsifs, les Manding se laissent aller facilement à la vantardise et à la présomption, ce qui excite leur raillerie. Ainsi nson.m &.?-k fali-fe, nka (a) de nie: le lièvre ressemble à l'âne (par les oreilles), pourtant ce n'est pas son petit. d'ô-ke m(a) a /o k(o) a be se d'uru-kayo-la, mt Ma-fa a ka-nna a m(d) o kayo de l'esclave prétend savoir tresser des cordes; pourtant, il n'a pas tressé celle qu'on lui a mise au cou. Enfin, ces indigènes connaissent le sentiment né de la déconvenue et s'en moquent ni wara-ble-bolo dese-ra nguei-ma, a b(e) a /o k(a) a ka kumu si la main du singe ne peut atteindre le fruit de la liane goine, il dit qu'il est aigre. DEUXIEME PARTIE LA LANGUE MANDING CHAPITRE 1 Les ï.anguee negre-tMetine* et Langue. Langage. Linguistique. Le Mandiag et ses BMectM. le Mandtn? Langue. Langage. Linguistique Le langage peut être dénni: un système de signes susceptibles de servir de communication entre les individus. Ces signes peuvent être transmis ou perçus par les divers organes des sens. H existe, en conséquence, un langage visuel, auditif, olfactif, tactile et des langages complexes formés par plusieurs de, ces éléments à la fois. Le langage ne se conçoit donc pas sans l'existence des sociétés humaines dont il est l'instrument c'est essentiellement un fait soeial, au sens attribué à ce terme. Il est indépendant de l'individu, s'impose à celui-ci et ne lui permet aucune déviation de l'usage, la communauté réagissant aussitôt par la sanction du ridicule à laquelle s'expose l'homme qui ne parle pas comme tout le monde. Le mot langue est souvent employé comme synonyme de langage, mais on l'applique de préférence à une forme particulière de langage, limitée à un groupe social. Ainsi, on parlera du langage tambouriné utilisé en Amétique, en Afrique et dans le Pacifique, mais on dira la langue manding, la langue agni, la langue hausa. La langue est un système grammatical, cohérent et complet appartenant à un ensemble d'individus. La science qui se consacre à l'étude, à la comparaison, au classement des différents idiomes s'appelle la Mmgmstique. Elle a beaucoup évolué depuis une quarantaine d'années abandonnant peu à peu l'ancienne répartition qu'elle avait fondée sur les caractères distinctifs les plus apparents, elle observe désormais des familles de langues ayant une origine commune. La comparaison d'un certain nombre d'idiomes dérives et localisés à date historique a permis, en effet, de déterminer l'existenoe de groupes linguistiques issus d'un même parler. C'est le cas, par exemple, pour l'espagnol, l'italien, le français qui proviennent du latin. Mais une telle recherche, toujours délicate, devient souvent impossible lorsqu'elle prétend remonter jusqu'à un passé trop lointain. En effet, « sur des états de langue anciens, dit M. A. Meillet, on n'a que deux manières de s'informer: le recours à des documents écrits et la méthode comparative. Mais, naturellement, il n'existe de documents écrits que pour la période où la civilisation avait atteint un niveau élevé. Et ces documents sont, la plupart du temps, peu anciens ce n'est que dans la région babylonienne d'une part, en Egypte de l'autre, qu'on trouve des textes remontant au troisième millénaire avant l'ère chrétienne. Quant à la méthode comparative, elle ne permet pas de remonter très avant dans le passé. En effet, les langues changent vite. Il n'en est pas des langues comme des espèces animales ou végétales qui sont stables durant de longs siècles et où cette stabilité rend difficile la tache du biologiste désireux d'étudier l'évolution. Le linguiste rencontre une difficulté inverse les langues se transforment si rapidement que la comparaison de plusieurs idiomes séparés par trop de dizaines de siècles, ne permet presque pas de conclusion sur une période de communauté de ces idiomes (1). Les langues négro-africaines ne s'écrivent pas en dehors de deux ou trois pour lesquelles une graphie a été imaginée depuis peu elles n'ont donc fourni aucun document ancien aux investigations des chercheurs. Pour,tant, quelques-uns d'entre eux ont pu Mre état de certains termes relevés par des voyageurs arabes qui les ont incorporés dans leurs récits. Delafosse a retrouvé ainsi quelques mots figurant dans les relations d'El Bekri, d'ïbn Batuta et d'Ibn Khaldun; il en a conclu que les langues du Soudan Occidental représentées dans ce court vocabulaire semblaient avoir peu varié depuis le Moyen-Age (1). En l'absence de textes, la lexicologie a permis du moins de préciser, dans une certaine mesure, l'origine possible des idiomes négro-africains. En 1851. Koelle, plus tard Reinisch, Delafosse, Westermann avaient constaté, dans les langues du Soudan occidental et de la Guinée, la présence de mots qui semblaient apparentés à des termes hébraïques ou égyptiens. En t928. M"" Homburger, reprenant les données antérieures, les complétant et les discutant, s'efforça de montrer que les langues négro-africaines, qui constituent, comme on va le voir, une famille particulière, sont, en réalité, des formes prises par l'égyptien. Le groupe mandé, en particulier, continuerait, d'après cet auteur, la forme la plus récemment connue de l'égyptien, à savoir le copte. Dans ce groupe. le malinké, le bambara et le d'uh reproduiraient un dialecte du Nord de l'Egypte se rapprochant vraisemblablement de celui du Fayoum. Cette intéressante démonstration a soulevé un certain nombre d'objections. On a remarqué que, dans beaucoup de cas, les rapprochements lexicaux conduisent à apparenter les langues négro-africaines, non pas à l'égyptien seul, mais bien à tout l'ensemble chamitosémitique englobant le sémitique, l'égyptien ancien, le copte, le berbère, les parlers couchitiques. Les langues négro-africaines et le Manding Les populations de race noire, habitant en Afrique au sud du Tropique du Cancer, parlent des idiomes qui appartiennent à une même famille linguistique, dont l'unité a été démontrée depuis une vingtaine d'années par les travaux de plusieurs savants, au premier rang CARTE SCHÉMATtQUEJDES LANGUES PARLÉES EN AFRIQUE Bloc Chamtto-Sémitiqne Langaes Soudanaises III Lan~oes Bantoues IV Langnes des Bushmen V Lances des Hottentots desquels il faut placer Maurice Delafosse, D. Westermann et M"e L. Homburger. Cette famille, souvent appelée négro-africaine, se partage en deux fractions principales: la soudanaise et la bantoue; elles sont séparées par une ligne idéale, assez irréguliêre, dont l'origine se trouverait à l'ouest vers l'embouchure de la Cross River et qui aboutirait sur l'Océan Indien, à peu près à l'endroit où la rivière Tana se jette dans la mer. Au sud de cette frontière conventionnelle, s'étend le domaine du bantou, au nord celui du soudanais. L'étude des différences, des analogies et des ressemblances linguistiques, constatées dans ces parlers a permis de les classer provisoirement en dix-sept groupes un pour le bantou et seize pour les langues du Soudan et de la Guinée,. Le groupe ni<téro-sénéaa!ais, dans lequel figure le manding est un des plus importants, à cause de son étendue et du nombre des individus qui le représentent. Se classant en troisième ligne, après le groupe bantou et le groupe nilo-tchadien, il occupe les vallées supérieures et moyennes du Sénégal, du Niger et de leurs affluents, ayant pour voisins à l'est, les groupes voltaïque et mgére-tehadien à 1 ouest, le séméaat~-gmméen; au sud, celui des parlers du Hbéria et de la Côte d't voire; il touche, par le nord, au domaine de l'arabe et du berbère. Le groupe Nigéro-Sénégalais compte une trentaine de langues dont la plus remarquable est, sans contredit, le manding, incorporé dans un ensemble, parfois dénommé bloc mandé. On y distingue les idiomes dits msmdé-fu, qui expriment dix par tu, pu ou bu; et les idiomes dits mandé-<a qui nomment dix M ou ta. Parmi les premiers, on range le soso ou susu, le d~of/onAa, le loko, le mendé, le kpelle, le loma, le manô, le gio, le m<M, le kweni. Les autres comprennent le sofMn&e, le ligbi, le huéla, le ncmu, sur la Volta Noire moyenne le MM, au N.-W. de Monrovia le kono, dans la colonie de Sierra-Léone le ~ranto, aux sources du Niger et, enfin, le manding. OROOFK NtOttttO-SfiNÉGALA!!) Lançon. – Nom de langue ou de dialecte. – Limite du Mandê-tS et du Mande-t'n. Le Manding et ses dialectes Le mandé ou manding est une des plus grandes tangues de circulation ou d'extension de t'Ouest-AMcain. Il forme un bloc compact s'étendant du Sahel à la région sylvestre méridionale, et de la vallée du Bani à l'est à celle de la Gambie à l'ouest. De plus, de nombreuses colonies manding ont fondé des établissements au milieu de contrées habitées par d'autres indigènes on en trouve notamment en pays bobo, sénoufo, mossi, dagomba, agni, ashanti, dans les possessions françaises et anglaises. On admet que le manding est la langue maternelle d'environ 2.800.000 noirs ainsi répartis Senëgtd. Ffançais. Niger. Soudan <i'!voife. Française. SamMe. Portugaise. SierraMone. GotdCoast. Uberia. Côte Guinée 7T.OOO t. 100.000 X.OCO 3Kt.OOO SSO.OCO Guinée CSO.OOO &.793.0M Cette langue, parlée dans une contrée extrêmement étendue, s'est différenciée par régions. Elle possède un assez grand nombre de dialectes. On entend par dïateete un ensemble de .particularités linguistiques dont le groupement donne l'impression d'un parler distinct des parlera voisins, malgré la parenté qui les unit. Les indigènes qui en usent se comprennent facilement entre eux. Le manding est partagé en trois groupes de dialectes, subdivisés eux-mêmes en un très grand nombre de sousdialectes, presque un par village dans certaines régions peu fréquentées. On distingue d'ordinaire 1° Le d'ula, parlé à l'est du Bani; 2° Le bambara ou ramona, en usage dans la vallée moyenne du Niger et du Bani, depuis le parallèle de Tombouctou jusqu'à celui d'Odienné 3° Le groupe des dialectes dits malinké, qui se trouve à l'ouest d'une ligne tirée de Yélimané à Bouaké; on le divise en malinké du Nord, du Centre, de l'Est, du Sud et de l'Ouest. Ces différents parlera, autrefois marqués par des formes nombreuses, très particulières, tendent, depuis une trentaine d'années, à se simplifier et à s'uniformiser pour constituer un idiome commun, dit ka gbe ou langue blanche, compris partout. L'extension ancienne du manding s'explique par les circonstances historiques qui ont permis de l'imposer aux anciens tributaires des empereurs de Mali comme langue administrative. Sa diffusion récente est la conséquence de la circulation et du développement des échanges commerciaux entre régions éloignées, peutêtre aussi du service militaire, le manding étant utilisé dans presque tous les régiments dits « Sénégalais », comme idiome commun par les tirailleurs d'origines diverses. Le tableau ci-dessous indique l'importance approximative des principaux dialectes et sous-dialectes: MAMNKÊ BAMBARA D'PLA 30.00 Sénëgat. 66.000 Senëga). i2.000 Soudan Son<tan. SNZ.OOO Soudan. 781.000 Guinée F" SO.OOO GuinoeF" 48U.OOOC)mMeF" C0te<t'tv<tire. 210.000 Côte Gambie. Guinée P"f .n~ 19.000 GotdCoast. 10.000 d'h' lC.OOOCôtMd'tv"2<S.OOO J Sierra Leone Libéria. iota) t.MSOOO 828.000 39S.MÛ 2801.000 A ce chiffre, il convient d'ajouter un nombre au moins égal d'individus qui, ne parlant pas le manding comme langue maternelle, s'en servent néanmoins comme de langue de circulation, si bien qu'environ 5.600.000 Africains comprennent cet idiome. CHAPITRE UI Le Matériel phonétique et ses transformations. VoyeUes: Différentes espèces Nasalisation; Contraction. Consonnes Diverses catégories: Mouillure Labiatisation; GnttnraMsation; Nasalisation. SyUabe. – Variations dialectales Attermances Semi-voyelles. consonantiques et vocaliques Contraction DNatatton NasalisaLes Tons. tion SpéciScation par désinence o. Le matériel phonétique et ses transformations I. Tout langage articulé comporte un certain nombre de phonèmes. On désigne ainsi les éléments sonores, produits d'abord par la disposition des organes vocaux et les mouvements qui accompagnent ou provoquent le courant d'air inspiré ou expiré, puis par l'impression auditive qui en résulte. On distingue, en manding, comme dans les autres parlers, des voyelles et des consonances. § Voyelles § 2. La voyelle est un phonème caractérisé essen- tiellement par une émission de voix, c'est-à-dire par une résonance soit de la cavité buccale seule, soit de la cavité buccale et de la cavité nasale mises en communication, le canal vocal restant assez ouvert au passage de l'air pour qu'aucun bruit annexe ne soit perceptible. § 3. La position de la langue dans la cavité buccale, en modifiant le volume de celle-ci, influe sur l'émission, D'après le mode d'articulation, c'est-à-dire suivant que la langue se rapproche du palais dur, du palais mou, ou de la partie intermédiaire, on aura des voyelles amté- 1. Lèvres. 2. Dents. a) alvéole. 3. Palais dur ou Voûte Palatine. 4. Voite du Palais ou Palais mou, membrane mobile terminée en arrière par un appendice nommé « Luette M, permettant d'obturer les fosses nasales ou de fermer le passage de la bouche. S. Langue. 6. Pointe de la Langue. 7. Couronne de la Langue. 8. Dos de la Langue. 9. Racine de la Langue. 10. Epiglotte, cartilage mince nxé à la racine de la langue et qui s'abaisse sur l'orifice laryngien au moment de la déglutition. 11. Pharynx buccal. 12. Pharynx nasal. 1S. Œsophage. 14. Cordes vocales et Glotte ouverture comprise horizontalement entre les cordes vocales et la paroi postérieure du Larynx. 15. Trachée-artère. LES POSITIONS DE LA LANGUE POUR L'ÉMISStON DES VOYELLES Voyelles it antérieures em u e post~nenres 0 Î M a a e Palatates Voyelles Voyelle MMxte véhures ü rieures ou palatales des postérieares ou véMres et, en8n, des mixtes. manding possède huit voyelles; aucune n'offre de dURcuttés de prononciation pour un Français toutes sont assez rapprochées des voyelles cardinales ou moyennes de notre langue, comme en témoigne le tableau suivant: § 4. Le i Û U voyette c~dinate française, woye))e fnandmg EXEMPLES: t e e a kili, appeler bere, bâton bere, pierre saba, trois a A?r?, vieux, aîné o dogo, cacher u ü tulu, graisse suns~o, dormir § 5. Lorsque le voile du palais est relevé de manière à isoler la cavité buccale de la cavité nasale, la voyelle émise est dite erate ou bmeeaie. Au contraire, quand le voile du palais est abaissée et que la prononciation comporte une résonance de la cavité nasale, mise en communication avec l'arriére-bouche, la voyelle est dite nasale. § S. Toutes les voyelles du manding peuvent être nasalisées, mais il faut distinguer entre elles. Certaines donnent, en effet, un son plein, bien frappé par exemple a nasalisé = a comme en français e i o – – = <* – – o = t –– – pan mien vin bon 7. D'autres, au contraire, g, il y ont des sons beaucoup inoins nets. La nasalisation est, en quelque sorte, postérieure à l'émission de la voyelle pure, sans toutefois se traduire par l'articulation d'une consonne. Pour l'obtenir, il faut, après avoir donné normalement t, e, u, chasser l'air dans les fosses nasales et l'y maintenir quelques secondes. § La nasalisation est fréquemment dialectale dans ce cas, elle n'est pas significative. On entend, par § 8. exemple M et ka, couper de l'herbe. gbâ et ~&a, empêcher. &aM bala, empêcher. ~or6 et ~oro, embourber. 9. Lorsque deux mots sont intimement liés et qu'une voyelle nasalisée termine le premier, cette nasalisation amène l'insertion d'une des consonnes nasales m, n, n', M entre les deux mots. De plus, la nasalisation de la voyelle est invariablement diminuée, ainsi: dé, enfant, donnera de-e, enfant mâle, et non de-fe. do ou lô, jour, donnera do ou ~o M&e~, un jour. On dira de même muso kele /?!&a-ra, et non muso /feM ba-ra. § M. Les voyelles manding peuvent être brèves on longues. Ces dernières se rencontrent dans un certain nombre de radicaux monosyllabiques ou dissyllabiques. Cette longueur peut être significative § mère, et baa, chèvre. &e être, et tee tous. /o saluer, et /oo jusqu'à su nuit) et Suu: salpêtre. Elle ne l'est pas dans des radicaux tels que naani: quatre boori ou booli et bori ou boli. courir kaari casser; saagi ou seeat: retourner. ba EUaion H. L'éMsien est, en principe, l'amuissement, c'est-à-dire tantôt l'état dans lequel un phonème a cessé d'être prononcé, tantôt le processus d'affaiblissement qui conduit à cet état, et qui porte sur un élément vocalique final de mot devant un élément vocalique § initial. On aura, par exemple, en manding a y' (a) a <a pour a ~e a ta il a pris cela. ou bien a k' (a) a ta pour a ka a ta avec le même sens. § 12. Toutefois, lorsque la finale est une voyelle nasale, elle ne s'élide jamais devant une autre voyelle. Exemple i ka bô a ye tu es plus gros que lui. § t3. Dans cette langue, l'élision ne se borne pas au cas où deux voyelles, l'une finale, l'autre initiale, se trouvent en présence; elle se produit aussi devant une consonne. C'est ainsi que la voyelle finale de certains pronoms personnels s'èlide toujours devant la consonne initiale du mot ou du suffixe suivant le pronom. Ainsi n(e) <e <ara, au lieu de ne te <ara je ne pars pas. n(e) <e sô ne te sô je n'accepte pas. § 14. D'autre part la voyelle pure s'élide fréquemment devant certaines consonnes, en particulier les latérales et les nasales, par exemple – main blô pour &o~o antichambre dCaa pour daalaa disposer, arranger /~t pour fila ou /uh deux mna pour mina attrapper tle pour tele ou tile ou tili soleil, jour. Mo pour Mo Contraction 15. Un autre phénomène assez fréquent dans le manding est la tont~aetion, dont les modalités seront exposées avec les variations dialectales. § Consonnes t6. La consonne est essentiellement constituée par le bruit que produit le passage de l'air à travers le canal vocal, à l'exclusion du son ou émission de voix qui caractérise la voyelle. § i7. On distingue parmi les consonnes les eonstrtctives, lorsque le canal est seulement rétréci (/, m) les occlusives, s'ils se ferme d'abord pour s* ouvrir ensuite brusquement avec un bruit d'explosion, d'où le nom d'explosives, ou de plosives qu'on leur donne également (b, p). § 18. Les occlusives dont l'émission est brusque et sans durée appréciable sont dites momentanées les constrictives peuvent être prolongées tant que le souffle y suffit, d'où leur nom de continues on les appelle fricatives (/, ~), vibrantes ou routées (r), liquides ou tatéMdes (f), suivant que le resserrement du canal vocal détermine un bruit de frottement, de vibration ou d'écoulement. § M. En considérant leur point d'articulation, c'està-dire la région du canal vocal où les organes réalisent l'occlusion partielle ou totale, on peut répartir les consonnes du manding en labiales, iabw-dentalea, dentales, palatales, vétaïres, gutturales. Chacune de ces catégories se divise en sourdes, dont l'émis§ sion ne comporte pas les vibrations glottales caractéristiques des sonores, elles consistent dans une bruit d'expiration ou de soun!e d'où le nom qu'on leur donne parfois de semOées, et en sonafes, dont l'émission s'accompagne de vibrations laryngales. Il existe, en manding, 23 consonnes simples indiquées dans le tableau ci-après MMKs CONSONNES 's g Ptosives. p N&sa)es. ° = & m ~B~a ~B T~S s's~ ~ë'°ë?ë asaasc aa= DmMes H)aMes VH4!rM oô s < d n Latérales. Routées. r Fricatives. fS,sZz Senti-voyeltes § 20. r,<y A Il w, w Ces consonnes simples peuvent être modifiées par mouillure, laMaiisaHon, gutturalisation, nasalisation. § Si. La mouillure est une articulation caractérisée par un léger frottement de l'air contre le dos de la langue rapprochée de la paroi supérieure de la cavité buccale. Elle se traduit souvent par l'adjonction à une consonne simple, de la semi-voyelle palatale y. Nous la représentons ici par qui suit la consonne modifiée 6'-e: vagin d'i eau g'i eau A'e: mâle n'igi: humecter /'e: calebasse hémisphérique § 32. La labialisation est la qualité conférée à un phonème par un mouvement de rapprochement ou d'arrondissement des lèvres. Elle consiste, dans cette langue, à faire suivre la consonne simple de la semivoyelle w ou t~, des plosives labiales b et p. 9n la rencontre fréquemment en D. ~&aM battre /!M saluer <~e, ~!n~e, <)fHt6 blanc Apa sauter § 33. La !)uttmraIisatieM est le déplacement de l'articulation d'un phonème vers l'arrière, c'est-à-dire vers le voile du palais, aussi la nomme-t-on parfois vélarisation; elle s'applique seulement en manding aux plosives labiales b et p et ne présente pas de différence de prononciation avec la labialisation. § 34. La nasalisation est normalement le passage d'un phonème oral au phonème nasal correspondant et, surtout en mauding, l'addition d'une nasale à un phonème oral. § 25. En bambara et en dyula, la nasalisation de la consonne initiale d'un mot est, dans certains cas, significative. Elle indique que, le terme en question joue le rôle de substantif et non celui de verbe. Ainsi, on dira sm lier, et nsiri ou nztn chose liée, récit, conte kuna être amer, et nguna amertume, bile. Semi-voyelles § 3@. Les semi-voyelles qui figurent dans le tableau de la page 162 sont des éléments qui offrent, à la fois, les caractères des voyelles et ceux des consonnes. Elles sont formées par un glissement de la langue, partant de la position nécessaire pour émettre une voyelle fermée ou demi-fermée, comme i ou u, et se portant dans une nouvelle position correspondant à celle d'une voyelle de sonorité plus grande. Ainsi, ? a son origine en u et y, en i. Le caractère consonantique de la semivoyelle résulte du fait qu'elle est peu sonore, n'a pas les qualités d'une syllabe et ne peut porter un ton significatif. A cause de leur origine, les semi-voyelles mentionnées ici sont appelées dans le premier cas labiales (<P), à cause du rôle joué par les lèvres dans leur production et, dans le second (~), palatales, parce que sa relation avec i est manifeste. § S7. Syllabe § 3S. La syllabe peut être définie l'aiticulation ou le groupe d'articulations susceptible d'être considéré comme un des éléments composants du mot. Elle est limitée soit par une interruption entre deux séries de vibrations glottales, soit par une fermeture totale ou partielle du canal vocal. § 20. Il est facile de constater qu'une syllabe est toujours marquée par la prédominance d'un son sur les voisins. Ce son dominant est d'ordinaire la voyelle, c'est pourquoi on la qualifie souvent d'élément syllabique. 30. Cependant, des syllabes peuvent aussi se former au moyen de consonnes sonores, c'est le cas de l'allemand nebel prononcé neebl, et de l'anglais writien prononcé ritn. § 3i. En manding, on peut distinguer cinq types de § syllabes 1° Voyelle seule V. 2° Consonne, voyelle C. V. 3<* Consonne, consonne, voyelle 40 Consonne, voyelle, consonne C. C. V. C. V. C. 5" Consonne, consonne, voyelle, consonne C. C. V. C. premier: V. s'observe surtout dans les pronoms, par exemple i, e toi, tu, ton. ils, elles, eux, leurs. u a il, elle, lui, son. o ce, cet, celui-ci, celle-ci. § 33. La syllabe bilitère C. V. est la plus fréquente la consonne peut être simple, mouillée, labialisée, ou nasalisée; la voyelle peut être pure ou nasale. Ainsi § 32. Le di, donner, et d'i, eau. A.). laver, et Atc?, rivière. ba, mère, et M et m M, finir. § S4. Le groupe C. C. V. se présente généralement lorsqu'il y a eu chute d'une voyelle interconsonantique. Par exemple Aa/naetBAma: parole. kili et kli appeler. mina et mna attrapper. bila et bla laisser. § 35. La syllabe C. V. C. est le résultat de la disparition d'une voyelle après la seconde consonne. Ainsi: /naf/a ou malfa, fusil, pour marala ou malala. Ou bien, elle se rencontre dans des mots d'origine étrangère. Par exemple: soldasi, soldat pap, tulle ou gaze pour la coiffure féminine, etc. § 3C. Le type C. C. V. C. n'apparait guère que dans les onomatapées et les exclamations. § 37. Enfin, il y a, en apparence, un sixième type de syllabe en manding V. C., qui se retrouve dans les formes pronominales: al, il, e~, an, am; mais il est aisé de voir que toutes résultent de l'élision d'un élément u et que ces pronoms, dans leur aspect normal et régulier, sont en réalité a<u, ilu, elu, anu, etc. Variations dialectales § 38. L'étude comparée du matériel phonétique et des mots révèle que les principales différences dialectales du manding sont dues, comme dans d'autres langues, aux variations subies par des phonèmes ou des groupes de phonèmes. § 39. Ces variations sont appelées alternances L'alternance peut être fensonantique ou vwaMqae. Alternance consonantique § 4$. En se reportant au tableau des consonnes figurant p. 162 et en examinant chacune d'elles dans les divers dialectes, il est aisé de formuler les règles d'alternance consonantiques suivantes 1) La labio-dentale fricative sourde f passe à la plosive labiale sourde p. M /(MQ, B pasa: muscle, cartilage; M ~cfe, B père: fendre, éclater, pousser, germer. 2) La labio-dentale fricative sourde f passe, dans certain nombre de cas, à la fricative gutturale sourde h, surtout en maunké ta, M ha remplir /aart, M Aaan corps /u~a, M Ma deux ~oro, M /or6 homme libre. 3) Les dentales sonores d, r, à l'état initial ou in- tervocalique, alternent entre elles dans différents dialectes dont elles sont, dans une certaine mesure, des éléments caractéristiques. Ainsi a) Coucher M laa, B daa; miel M H, B di être (cop.) M ~o, B do et d'o entrer B do, D lô. b) Courir: B boli, D &ort; lever M B u~t, D urt; main M bulu, B &o~o, D buru. 41. Il est à noter que, dans les dialectes malinké, r devient souvent < ou d et, dans les dialectes du sud, y. § Par exemple B D stft, M siti court B D suru, M sutu; courber: B D kuru, M &H<u; sous, prés, au pied de: B D koro, M koto bon, brave, généreux: B D bere, M Me chemin, sentier B sila, sira, D sira, M sita. Attacher § 48. Ces alternances expliquent les formes des prin- cipaux suffixes locatifs dans les différents dialectes; on aura de préférence B D ta ou ra M <a La dentale sonore n intervocalique peut passer à ainsi l, r et, en malinké, à < maladie B bana, D bara, &a~a. M bata. Alternance vocalique § 43. On constate à l'intérieur de chaque dialecte, comme aussi d'un dialecte à l'autre, de nombreuses alternances vocaliques. Par exemple Passage de a à e ya et ye, ici ïan et <en, se hâter mana et mene, allumer; mina et mine, prendre. Passage de i à u sanu et sani, or; fila et /u~a deux; bila et bula, laisser et poser. Passage de i à e d[<M et dibe, obscurité Mst et Aest, secourir, sauver; d'i et d'e, eau; kise et kese, noyau. Le passage de o à u est surtout fréquent dans les dialectes malinké dans lesquels on note les formes su au lieu de so, cheval. bulu Me, main. lolo, oreille. <u<u ~uru wf~u du et efu <oro, malheur. tpo~, accoucher. do et do. Contraction 44. En dehors des alternances consonantiques ou vocaliques, il peut se produire des variations dialectales du fait de la contraction, cette dernière étant plus ou moins accusée dans les différents parlers, et se manifestant rarement en dyula. § 45. La contraction est ta réunion de plusieurs éléments vocaliques voisins en une émission unique soit voyelle, soit diphtongue. § 4S. Lorsque deux voyelles identiques ou analogues, c'est-à-dire brèves ou longues, pures ou nasales, se suivent, il peut y avoir contraction des deux voyelles en une seule qui est nécessairement longue. Ainsi i ka a dô, fais le entrer, donnera i kaa d6. a bi i fo, il te salue, donnera a M /o. a ma a me, il n'a pas entendu, donnera a maa me. § 47. On appelle eontraetien pMt<)re9stve celle § dont la voyelle résultante présente le timbre de la première voyelle. La contraction régresstve est, au contraire, celle dont la voyelle résultante offre le timbre de la seconde voyelle. C'est presque toujours cette dernière qui se retrouve en manding. Par exemple a nana i fo, il vint te saluer, donnera a nan(a) ft /o. a ka i mina, qu'il te prenne, donnera a k(a) tt mina. ne t/e o fo, j'ai dit cela, donnera n(e) y(e) oo /o. § 48. Deux voyelles, normalement séparées par une consonne, peuvent devenir voisines par suite de la chute de cette consonne. Dans la plupart des cas, la consonne est d'abord remplacée par un coup de glotte, c'està-dire par une fermeture brusque du larynx, réalisée par un mouvement de la glotte à la fin de l'émission d'une voyelle ou d'une consonne sonore, et qui donne l'impression d'une coupure ou d'un choc. On aura dans ces conditions kôgo faim Ao'o = Aoo. m.)~3 être humain == ma'.) = maa M S. 7!'or<?: ensemble = n'o'6 = n'oo. dugu terre = du'u = duu M S. maître possesseur = ti'i = M S. On voit, par ces exemples, que, dans certains cas, il y a des exceptions à la règle formulée § 47. Dans Mgo et n'oro, entre autres, le timbre de la voyelle résultante est celui de la première kôgo = kôô. § 49. Dans le dialecte bambara, les règles qui précèdent se vérifient lorsque les voyelles mises en contact par la chute d'une consonne intervocalique sont du type: a, e, e, i, u pur ou nasalisé. Mais lorsque les voyelles en contact sont o, a, (~ elles passent à aa. Ainsi nMA), être humain, donnera B maa au lieu de maa MS. eforo, frère cadet, doo B dwaa ~oro, nom, B ftpaa too < Aoro, sel, /or6, ensemble, ? –– BB &tcaa n'H~M koo n'oo § 50. Dans les groupements de ce type, un phéno- mène de labialisation se produit généralement en bam- dwaa, ftcaa, kwaa, au lieu de daa, taa, &aa. Ce phénomène n'apparaît pas en M S. bara La labialisation intervient également dans quelques mots du groupe ara 6aro6ara, termite, donne en B bwaabwaa. bara-na, tan, bwaa-na. § 52. La contraction est très fréquente dans les dialectes M S, dont elte est une caractéristique non seulement dans les groupes oro et oro, mais dans les groupes e<ye, ege, ege, ege, igi, igu, etc. Elle a souvent pour conséquence de transformer des mots connus au point de les rendre méconnaissables à première vue. Nous avons déjà cité tigi = <tt dugu = dus il y a aussi d'ege ou t/e~e = !/e' e == yet, poisson. § 51. – Dilatation 53. Delafosse mentionne ce phénomène à propos des dialectes dyula. Il est exactement l'inverse de la contraction puisqu'il consiste dans le passage de a ou aa final, par exemple à ara ainsi s Disposer, arranger B ~a-daa D la-adara et la-nlaia. Cage thoracique B &fda D kaloia. § Nasalisation 54. Les dialectes bambara et dyula, emploient la nasalisation, en dehors du ton chaque fois que celui-ci n'a pas disparu, pour bien marquer qu'un mot joue un rôle de substantif et non un rôle de verbe voir § 25. Aux termes précédemment cités, on peut § ajouter sirâ et sira, craindre, et nsira, baobab. Mo, heurter, et fda~o, araignée grise. tele, surprendre, et ntele, chauve-souris. tomo, trouver, et nfomo, fête des jeunes gens. § 55. D'autre part, les dialectes précités nasalisent un assez grand nombre de substantifs qu'il est impossible d'employer verbalement; ainsi: nka-ni-ba, plante aromatique d'usage culinaire. nkele et nkere, rat palmiste. n~o6o, luciole. nkolo-ni, petite antilope. nAtoo, jeu d'osselets. Spécification du nom par désinence 0 Les dialectes malinké du nord, du sud et de l'ouest caractérisent la valeur nominale d'un mot en donnant aux mots employés comme substantifs la désinence o. Ainsi § 5C. B D misi, nisi, bovidé, sali, scK, prière, Aam, piment, hakili, mémoire, sila, sira, sentier, kala-ba-nt'i, têtu, M 0 nins-o – sall-o Aan-o AaA~-o sil-o – – kala-ba-nte-o D'autres différences dialectales se réfèrent à la conjugaison elles seront exposées au chapitre du verbe. Les textes figurant à la fin du volume et choisis comme exemples des principaux dialectes permettent de se rendre compte des variations que peut subir un mot ou une tournure dans les divers parlers. Accentuation § 57. L'accent est, en général, une particularité de prononciation qui distingue une syllabe des syllabes voisines par la hauteur ou l'intensité, quelquefois par les deux. C'est pourquoi l'accent est souvent qualifié de syllabique. En manding, il porte sur la dernière syllabe. Les Tons § 5C. On appelle, en général, intonation les varia- tions de hauteur dans la parole, mais pour les linguistes ce terme a parfois un sens restreint il désigne la place obligatoirement attribuée dans certaines langues au ton ou accent de hauteur. Lorsqu'une syllabe s'élève notablement au-dessus de la hauteur moyenne des autres, on dit qu'elle porte un ton ou bien qu'elle est tonique, les autres étant atones. Le ton a joué et joue encore un rôle prépondérant dans certaines langues, comme le grec ancien, le lithuanien, le serbe, le chinois, l'annamite, le burma, le punjabi, dans un assez grand nombre de parlers bantous, dans des idiomes soudanais ou guinéens comme le wolof, le serer du Sénégal, l'ibo de Nigéria, l'ewe du Dahomey, le gola du Libéria, etc. Il permet de distinguer entre eux, au moyen des notes sur lesquellesils sont dits, plusieurs mots composés des mêmes consonnes et de voyelles de même timbre. Plusieurs auteurs ayant étudié le manding Abiven, Bazin, Delafosse, Westermann, M"s Homburger, Klingenheben, ont formulé des opinions contradictoires à propos de l'existence ou de l'absence de tons dans cette langue. Des investigations récentes permettent d'affirmer que cet idiome en possédait autrefois dans tous ses dialectes, qu'il en garde encore un certain nombre pour distinguer ses nombreux homophones, mais que ces tons sont partout en voie de disparition. Ce phénomène d'élimination n'est pas spécial au manding; il s'est également manifesté dans les langues indo-iraniennes et en négro-africain, on pourrait en citer de nombreux exemples. La disparition des tons est d'ailleurs loin d'être uniforme dans l'idiome qui nous occupe elle est fonction de la circulation et du contact. C'est ainsi que l'on retrouve le système à peu près complet dans de petits villages isolés de la vallée du Bani, dans les cercles de Nioro et de Satadougou, au Soudan, dans ceux de Kankan, Siguiri et Beyla en Guinée, dans la région d'Odienné à la Côte d'Ivoire. § 59. Au contraire, les tons n'ont pu se maintenir au complet dans les régions visitées par de nombreux étrangers, ni dans celles où le manding est devenu langue d'extension. Toutefois, dans l'état actuel de ce parler, le sens de certains mots, d'ailleurs peu nombreux, est encore déterminé par le ton sur lequel ils sont prononcés; par exemple chèvre 6aa sortir finir cheval dos bâ [.] et ba [~\j et ["\] et M t~\j cours d'eau [~] bambou [.] palmier raphia [~] et so [~] maison [*~] et Aa [~] ruisseau appeler kili [ ] et kili [ ] œuf foie Mn'e ["~] et &M'e [~] néche -rire ye~e [''] et yele [..J monter so § 60. Les tons sur lesquels sont prononcés les mots isolés subissent des modifications lorsque ces mots prennent leur place dans la chaîne parlée. Ces modifications sont d'ailleurs variables chez le même infor- mateur. Ainsi: so {~] cheval, donnera so 6a nono [*]:lait, muso {'~]: femme, grand cheval nono&ene["~]: lait frais. muso suru/!t[.): toute petite femme. [ Il est à présumer que, dans une ou deux générations, le manding aura perdu tous ses tons. Déjà, ils ne sont plus nécessaires pour l'intelligence de la phrase dans le parler ordinaire de circulation. C'est pourquoi, tout en mentionnant leur existence antérieure et actuelle, il n'a pas semblé utile d'en tenir compte pour la notation d'un ouvrage élémentaire comme celui-ci. § 61. CHAPITRE III Les Mots et les Affixes de Dérivation. Radicaux. Mots composés. Atnxes de Dérivation Suffixes nominanx Pluriel et Pluralité. de Nationalité de Filiation d'Agent d'Action d'Instrument de Possession ou d'Usage SutSxes à sens péjoratif SaMzes de qualité d'Etat d'Abstraction. – An~entatits Diminutifs. SaMxes PreBxes te D6nAdjectifs et Nominaux. – Suffixes Verbaux. vation Les mots et les affixes de dérivation § 62. Les mots mandingues sont formés de radicaux et d'affixes. On appelle radical l'élément irréductible du mot, obtenu par élimination de tous les autres éléments de formation secondaire, concevable comme caractéristique d'un concept donné, et susceptible de figurer intact ou niodilié, dans les termes dérivés qui constituent une famille de mots. Delafosse considérait que tout radical est essentiellement et avant tout un nom en manding, un radical comme 6.) signifiant à la fois « sortir, ôter » et aussi Mais il convient de remarquer « sortie et extraction que, si la disparition actuelle et presque générale des tons ne permet plus guère aujourd'hui de distinguer le nom du verbe, il n'en a pas toujours été ainsi. Ces deux éléments ont certainement été différenciés en manding par l'intonation comme ils continuent à l'être dans des langues apparentées, le va~, par exemple. § S3. § 64. La juxtaposition de deux ou plusieurs radicaux permet de former des mets composés, qui sont placés dans l'ordre inverse de celui usité en français. Ainsi no, trace, empreinte, et dogo, cacher, donnera no-dogo, effacer la trace et, au figuré, expier, effacer. man'e ou m<m'a, utilité; &), sortir, extraire, donnera man'€-&9, se débrouiller, se tirer d'affaire. § 65. Le mot composé peut encore être formé de dérivés, c'est-à-dire de radicaux modifiés par des affixes et réunis; c'est le cas par exemple pour; dM-mu-<u-Ae-<a convive, mangeur, compose de: la, celui qui; &e, fait; du-mu-ni, l'action de manger. Dans ce mot la et ni sont des affixes de dérivation. § 66. Cette juxtaposition des mots permet d'indiquer le genre. Le manding ne possède pas, en effet, comme d'autres langues négro-africaines des classes ou catégories différenciant ses noms, comme c'est le cas en peul ou wolof, par exemple. § 67. Dans un certain nombre de cas, il est vrai, les mots eux-mêmes impliquent le genre. Par exemple k'e, fe, ke: homme, mâle. musu, muso, moso femme, femelle. Aante~: jeune homme. sum~ufu: jeune fille. &< ma, na la: père. mère. 6aG chèvre. sara brebis. dôdo, dondo, dono, M dundu, duna: coq. sise, s'e, s'e: poule. d'ordinaire, le genre n'a pas de forme particulière il est alors exprimé par les mots A-' e, f e, Ae, homme ou mâle musu, muso, maso, femme ou femelle, ajouté au nom des êtres vivants dont le sexe n'est pas indiqué par un terme spécial. Ainsi numu-e: forgeron numu-mtMO:forgeronne d' cZt-f s griot d' e~t-muso griote <o-fe: étalon so-muso: jument tert-A'f: ami <er:-muso: amie § 68. Mais, 69. C'est encore par juxtaposition d'un élément qui n'est pas, à proprement parler, un affixe que s'indique § le nombre § 7$. Le pluriel des substantifs se forme, dans tous les dialectes, en suiHxant le pronom de la 3* personne du pluriel u aux noms terminés par une voyelle nasale et à certains pronoms. § 71. Toutefois, les Malinké et les Dyula joignent à ce pronom une sorte de consonne de liaison: 1 pour les premiers, r pour les seconds. On aura donc, au pluriel, les formes suivantes dans les trois dialectes: M. D. B. /a-ru fa-u fa-lu pères ba-lu ba-u ~a'-ru mères: 72. Lorsque le substantif est suivi par un déterminatif, le signe du pluriel est ajouté après ce dernier muso ni-nu ces femmes sotigi do-lu quelques cavaliers fe <f[MMf-nH: quels hommes. § 73. 11 en est de même quand le substantif est suivi par un adjectif qualificatif mara /f uma-u de bonnes gens. jfoma bere-lu: des rois généreux. § 74. Dans le cas où le substantif est suivi d'un qualificatif suivi lui-même d'un déterminatif, le signe du pluriel se place seulement après ce dernier, comme si l'ensemble formait une sorte de mot composé. Cette règle se retrouve dans un grand nombre de langues négro-africaines. En vertu de ce principe, on aura donc de nd'ugu ni-nu ces enfants méchants. § 75. Chaque fois que la pluralité est indiquée par un nombre, un terme impliquant la réunion de plusieurs êtres ou objets, ou la collectivité, le suffixe u n'est pas employé. Ainsi, on dira misi-muso saba trois vaches. sara woro six brebis. de-mmese-mbss borila tous les petits enfants s'enfuirent. d'anzo-e ~ama nana: beaucoup de chasseurs vinrent. § 76. Cependant, cette règle n'est pas absolument § on peut fréquemment entendre des phrases dans lesquelles elle n'est pas observée. On en trouve plusieurs exemples dans les « Proverbes et Contes Bambara de Moussa Travélé,; ainsi, p. 124: sâ-d'i be-ra ka sa nt a foro-u &cs <o (ta pluie tomba en laissant de côté le village et tous ses champs). Le pluriel /cro-H pourrait être remplacé par un singulier /oro, puisqu'il est suivi du collectif 6ec. rigoureuse w Affixes de dérivation § 77. LatSxe est un élément susceptible d'être incorporé à un mot pour en modifier éventuellement le sens, la valeur, la fonction, le rôle, sans en détruire l'unité. Suivant qu'il s'insére à la place initiale, médiane ou finale, il est dit pt'éBxe, infixe. suffixe. Le manding use seulement de prénxes et de suffixes. Ce sont des monosyllabes ou des dissyllabes ne pouvant s'employer isolément, ni constituer des mots à eux seuls, mais dont chacun a une valeur donnée qu'il communique à la racine, au radical ou au thème. SUFFIXES NOMINAUX § 7S. Les suffixes nominaux indiqués ci-après servent à former des dérivés employables seulement comme substantifs. I. Suï&xe de nationalité ou d'habitat § 79. Aa, nka, nka, nga, nga ajouté à un nom de peuple, de lieu, de clan, de famille sert à former celui du ressortissant ou de l'habitant ~unancf-nAa: un Bambara. mande-nka ou mane-m~a habitant du pays de Mande ou Manding. Voir Ire partie, p. 30. BamaAo-mAa, S~u-MAa: habitant de Bamako, de Ségou. Kulu-bali-nga personne du clan des Kouloubali. IL SafBxe de SUation § 80. ya ou ya placé à la suite d'un nom de personne ou de clan en indique la postérité. .St<K-s'a descendance de Sidi. X~t-ya, descendance de Koli. ~an~-t/a descendance du clan des Kante. ~u~M-~aH-t~a descendance des Koaloubali. IM. SuHixe du nom d'agent: 1 81. la, ra, na, M ta après un verbe d'action permet d'exprimer un nom applicable à qui fait l'action /afa, tuer, donnera /n.?~afa~a, assassin. L'emploi du suffixe bara, contracté en baa chez les Bambara, permet d'obtenir le même résultat mar~afa-~ora, B maa-/ara-&aa assassin. doni-ta-bara (B baa) porteur de charge. § peut encore dériver un nom d'agent en ajoutant au nom d'action le verbe ke, faire, et le suf§ S2. On Bxe la sene, cultiver; sene-H-~e-~a, cultivateur. tobi, tebi, faire la cuisine tobi-li-ke-la, cuisinière. IV. Suffixe du nom d'action § 83. L'exemple précédent montre la, formation du nom d'action par l'adjonction au verbe du suffixe li ou ri ou ni son'a (M sun'a) voler. so/t'a-H action de voler. te~e-H ~oe action de couper. couper. dumu damu-nf action de manger. manger. sa acheter. V. sa-nni action d'acheter. Suffixe instrumental § 84. M, ra, na sufnxé à un verbe d'action donne le nom de l'instrument permettant d'exercer cette action couper. ~e-M appareil pour couper, hache. st~t: être assis. ~t~t-M: ce qui permet de s'asseoir, siège. ~os!-M appareil pourfrapper, marteau. gosi frapper. tege Sui6xe du maître, possesseur, détenteur ou usager: VI. § C5. K~t, M S MM, ? na-/o<o, M na-tulu M/?a misi dugu A{< bonnet. M/?a- homme riche. porteur de bon- net. /ntst-< possesseur de bovidé. village. tête. richesse. /!a-/o/o-t bovidés, ou gardien. ~uyu-~t~t chef de village. ku-nligi: chef supérieur. 86. Le suffixe tigi peut s'employer avec le pronom personnel a; dans ce cas, il exprime l'auteur d'une action ou le sujet sur lequel l'action s'est exercée d'ô ~e mi M~e qui a fait cela ? A-tigi ye voici l'auteur. d'ô d'ogi-na ? qui a été blessé ? A-ftpt /?€ le voici. VÏI. Suffixe d'agent à sens péjoratif § 87. nft, fife, /:ftt s'ajoute à un verbe précédé d'un complément direct, ou à un verbe neutre, et sert à former des noms d'agents, auteurs d'actions mauvaises ou répréhensibles Ao~a-m&Q-nft celui qui refuse (M) la lecture et par suite l'étude, l'éducation (kala) et, par extension têtu, obstiné. tugu-ba-nt'i qui refuse de suivre (tugu), d'obéir, personne de mauvais vouloir, rebelle. M~a-nff qui a l'habitude de refuser (MM), entêté, de mauvaise volonté. yere-tra-nft, B yere-d'ira-nt'i (ira, montrer) qui se montre lui-même, vaniteux. Mo-nft menteur (A'aFo, mentir). VIII. Suffixe de qualité, d'état d'abstraction parfois D yara, ajouté à un verbe, à un substantif, à un adjectif, ou à un participe permet de créer des noms de qualité, d'état ou d'abstrac§ 88. ga, M d'a, yà, yc, tion être égal, pareil; ka-n'a, ke-n'ye égalité. ni être beau ou bon niya beauté, bonté. bô être gros ou grand bo-n'a grosseur, grandeur. dôso; chasseur; dôso-yaj chasse. numu forgeron numu-ya état, qualité de forgeron. f a-ma chef, roi fa-ma-ya royauté. suru court, petit suru-ya petitesse. n'u-ma beau n'u-ma-ya beauté. kolô: vain, vil, sans valeur; kolo-nya: faiblesse physique et morale, mollesse. miri-bali qui ne pense pas, étourdi miri-bali-ya: étourderie. ks-ta-bali infaisable, impossible; ke-ta-bali-ya impossibilité. kâ, B ken SUFFIXE AUGMENTATIF § 89. ba, suffixe à un nom ou à un adjectif, ajoute à ce terme une idée de grandeur, au physique ou au moral a fali âne fali-ba: âne de grande taille. musu-ba femme de bonne famille. musu femme couteau muru-ba sabre. muru ma-ndi-ya affection; ma ndi-ya-ba prédilection. na-foloi bien, richesse; na-jolo-ba: grande fortune. so-kala: quartier; so-kala-ba quartier considérable dans un village. SUFFIXE DIMINUTIF s'emploie exactement comme ba, mais il implique une idée de petitesse «o, su cheval so-ni petit cheval. § 90. ni petite femme. miiso-koro vieille femme musi-koro-ni petite vieille. de: enfant; de-nni petit enfant. t'e: homme; fe-nii jeune garçon. murw. couteau; muru-ni: petit couteau. li, le, ri, di, ti, nasalisé § 91. Un autre diminutif ou non est également employé dans tous les dialectes, mais il est beaucoup moins en usage que le précédent muso, musu femme; musu-ni il donne kôngo-li petite colline kuru-ni petite élévation bugu-ni bugu-ri petit hameau so-ni poussière village dôdo-ni ou dôdo-li (petit coq) mouche maçonne. 92. On peut encore former des diminutifs en faisant jouer au mot de, di, enfant, le rôle de suffixe de détermination. On aura alors: § so-dg tf ara-de poulain lionceau misi-de veau baa-dç chevreau iri ou d'iri-dei fruit d'un arbre. Le même mot de en composition peut désigner la partie du tout muru-de lame de couteau woro ou wuro-de une noix de cola, par rapport à l'ensemble d'un tas daba-de fer de houe so-de chambre dans une maison n'a-de oeil. SUFFIXES ADJECTIFS ET NOMINAUX Un certain nombre de suffixes ajoutés à un substantif ou à des radicaux peuvent former des adjectifs indiquant la possession ou l'absence de la chose exprimée par le substantif. § 93. I. Suffixes de qualité § 94. ma, ma, me, me semble indiquer une idée de contact et de possession force, puissance. fanga-ma: puissant. hakili: intelligence mémoire. hakili-ma intelligent. fanga or, dorure. kanga: écume, bave. sanu kono d'i ventre. eau. «f e, gbe, ge blanc et être sanu-ma: doré, en or, kanga-ma écumeux. kono-ma: enceinte. d'Uma: aqueux. blanc. d'e-ma, gbs-ma; blanc. fi noir, être noir. fi-mma: noir. ule, mule: rouge, être rouge. ute-ma rouge. § 95. Les exemples précédents montrent, dans plusieurs cas, l'existence de termes équivalents indiquant des qualités d'e et d'e-ma, fi et fi-mma, ule et ule-ma, suru et susceptibles d'être employés l'un pour suru-ma, l'autre. Toutefois, lorsqu'il s'agira de désigner expressément une personne ou une chose par sa qualité, on emploiera toujours la forme en ma k'e suru: un homme de petite taille. suru-ma le na-na c'est le petit qui est venu. etc. II. – Suffixe privatif 96. tâ, ta, da, nte s'emploie comme ma, mais exprime au contraire la privation ou l'absence ku-ntâ imbécile. ku tête. wari argent. wari-ntâ sans argent. d'i-ntâ: anhydre. d'i eau. lu, du maisonnée, famille. lu-ntâ: sans famille, étranger. SUFFIXES VERBAUX I. Suffixes en « ya » plupart des substantifs de qualité, d'état ou d'abstraction indiqués au § 88 et formés avec le § 97. La suffixe ga, etc. peuvent être employés comme verbes ka-nya être égal, égaliser, comparer. ài-ya: être bon, utile. bo-nya: agrandir, augmenter et, par ext., honorer. fa-ma-ya: rendre riche, puissant. suru-ya: raccourcir. § 98. Mais certains d'entre eux, dérivés d'un substantif ou d'un thème, ne peuvent ordinairement remplir le rôle de verbe que grâce à l'adjonction de ke: faire ou être fait. On dira donc dôso-ya-ke faire la chasse, chasser. numu-ya-ket exercer l'état de forgeron. § 99. Des termes comme ke-ta-bali-ya impossibilité ne peuvent naturellement se composer avec ke. II. § Suffixes en « ndi, ni, nde, nte, ri, li » 100. Un radical verbal affecté d'un de ces suffixes forme un dérivé impliquant, parfois, l'idée factitive ou transitive ga-ndi, gâ, gbâ, gwà être chaud, donnera donc gba-ndi, gwa-ni, B gwe-ni, go-ni, échauffer, faire chauffer. § 101, Toutefois, dans un grand nombre de cas, les dérivés en ndi etc. ne diffèrent pas du radical seul, quant aux possibilités d'emploi. II I. § Suffixe en « ka » 102. Il est d'un emploi très restreint en manding, et semble avoir une valeur essentiellement variable. On peut citer ntini: chercher, et n'ini-nka interroger. wala ouvrir en écartant, et ivala-ka dépouiller. et surtout démonter, disperser, battre. IV. --Suffixes en « ma, mu, mi, ke, ki, ge, gi » 103. Ces différents suffixes se retrouvent dans quelques verbes sans qu'il soit possible de déterminer § exactement leur rôle tara-ma et taa-ma marche. tara, B ta aller. dû du-mu manger. manger. n'i dent et ronger. n'i-mi mâcher. bisi presser, serrer, impribisi-gi représenter,penser mer. V. Suffixe « to » § 104. Le suffixe en to, M nto, no, nô, B t'o, D two donne un participe présent passif ou neutre tege-to étant coupé, coupant. legs: couper. na-to venant ou étant venu, na venir. kali-to pariant. kali parier. ke-to faisant, étant fait. ks faire. Suffixe « le, re, ne, M 11, ri, ni » 105. Permet de former le participe passé passif ou neutre mûrir, cuire mo-ne, B mo-re, M mo-ni: cuit. mo sigi asseoir, être assis sigi-le, M sigi-ni assis. tugu suivre, fermer tugu-le, M tugu-ni fermé. § Suffixe « ta » § s 106. Sert à former un participe futur sa: acheter. sa-nta à acheter, achetable. voir ke: faire. ye ye-ta ke-ta à voir, visible. à faire, faisable. Suffixe « bali, B beeli, M baali, baale, baare, baani» ~f 107. Forme un participe négatif présent ou passé, passif ou neutre kumu aigrir, fermenter kumu-bali non fermenté. moto, M molli avoir honte malo-bali, rnalu§ bali éhonté. (ara tuer fafa-bali qui n'est pas tué. § 108. Les suffixes ta et bali peuvent se combiner pour constituer un participe futur négatif passif ou neutre ye ke ye-ta-bali: invisible. ke-ta-bali infaisable. voir. faire. PRÉFIXES DE DÉRIVATION § 109. Le manding emploie trois préfixes de dériva- tion jouant un rôle analogue à ceux des suffixes nominaux ou verbaux. Ce sont 1° la, da, ra, na. 2° ma. 3° to (ro). Préfixe la, da, ra, na I. | 110. Il a une valeur factitive ou transitive. la-la faire sortir, emmener, remplacer. maga agiter; la-maga faire remuer. tomo :trouver la-tamo choisir. bs sortir d'e: grouper, réunir; la-d'eï faire rassembler. § 111. Il est à noter que les thèmes verbaux ainsi formés permettent de créer, par suffixation d'un nouvel élément, des thèmes nominaux dérivés des précédents. Par exempel la-ba donnera la-la-la remplaçant. la-dege, imiter, donnera la-dege-baa: imitateur. la-maga faire remuer, donnera la-maga-baa qui fait remuer. la-mo faire pousser, élever, donnera la-mo-baa rice, éducateur. II. nour- Préfixe ma § 112. Il ajoute au verbe une idée de préparation, de mise en état ou de réussite bo sortir ma-bo éloigner, détourner. dimi faire mal; ma-dimi panser (une blessure). lasa: distinguer, vérifier; ma-lasa: berner, mystifier. siri attacher; ma-siri orner, parer. § 113. La remarque faite au § 111 s'applique également ici; on pourra former un substantif en ajoutant un suffixe au thème verbal. On aura ainsi ma-siri-baa: coquet, personne bien parée. ma-sirï-li parure, toilette. Préfixe to, ro § 114. Il implique la répétition et se compose avec les verbes d'action lege: couper; to-tege hacher. kala coudre to-kala recoudre. gbosi et gosi frapper to-gosi frapper à coups redou- blés. CHAPITRE IV ProLes Pronoms Pronoms Personnels et Réfléchis Possessits. Pronoms Indéfinis; Distributifs; noms et Adjectifs démonstratifs. Collectifs; Relatifs; Interrogatifs. Pronoms et Adjectifs-Pronoms § 115. On distinguait, dans l'ancienne grammaire, des adjectifs pronominaux servant à désigner un objet en l'individualisant sans lui attribuer pourtant de qualité spéciale ce, chaque on les nomme aujourd'hui adjectifs pronoms parce qu'ils comportent d'ordinaire une forme pronominale. Ils ne se distinguent pas des pronoms en manding. § 116. Le pronom renferme implicitement un concept d'individu ou d'objet; on peut le considérer comme un substitut du nom. Il existe, dans cette langue, des pronoms personnels, des réfléchis, des possessifs, des démonstratifs, des indéfinis, des distributifs, des réciproques, des collectifs, des relatifs, des inter- rogatifs. Pronoms personnels et réfléchis 117. Le pronom personnel représente l'une des trois personnes du singulier ou du pluriel. Il indique le rôle § tenu par celui qui est en cause dans l'énoncé, suivant qu'il parle en son nom (première personne je, nous) qu'on s'adresse à lui (deuxième personne tu, vous) ou qu'on parle de lui (troisième personne: il, elle, ils, elles). § 118. Les variétés dialectales concernant ces pronoms sont indiquées dans le tableau suivant B at i 1" pera. ne, n g \ï# pers. m \3* pers. a i'2' MN D ne, n ne, ni, n i, e e, i i, « i a a l"i" pers. pars. anu, a'tM, an «nu, an <)«, anu, S <ttm, oM pers. au, a eu r v 3' pers. «, § a <tM au ) MO M ne, n ne, n i a a nelu, «J^'™ <»•«• «w» aru. ar alu, a ilu, iu alu, al. ai u i a(u i', ye, e 119. L'examen des formes pronominales du malinké montre que les trois personnes du pluriel sont des pluriels réguliers des pronoms du singulier ne ou ni, i, a. § 120. Il est rare que les pronoms personnels soient exprimés sous cette forme complète. Le plus souvent il y a élision de la voyelle finale (v. § 13) ne ou ni donnera, dans ce cas, n par exemple n de ou n di, mon enfant, au lieu de ne de ou ne ou ni di. § 12L Devant une consonne labiale, labio-dentale ou vélaire, n se change en m ou en n. Par exemple m jasa ou m posa mon nerf. m ba ou m ma ma mère. n ka so (ou su) ma maison. § 122. Au pluriel, les élisions de consonnes finales sont également fréquentes; elles fournissent les formes indiquées au tableau précédent. lre pers. pluriel an, au lieu de anu. 2e pers. pluriel a au lieu de au ar, au lieu de aru a, au lieu de alu. § 123. Les pronoms personnels du manding sont fréquemment emphalisés au moyen de suffixes variant suivant les dialectes.. La manière la plus simple d'obtenir ce résultat pour le pluriel est d'ajouter le suffixe de pluralité ru à un pronom déjà pourvu de l'indice de pluralité. On aura alors: Forme simple t 1» pers. anu, M nelu, nilu 2e pers.: alu, M ilu. 3e pers.: alu. Fobhe emphatique a anuru, M neluru, niluru. aluru, iluru. aluru. § 124. Au singulier comme au pluriel, la forme ren- forcée peut être obtenue par l'addition d'une sorte de déterminatif suffixé qui peut d'ailleurs s'ajouter aussi à un nom, à un qualificatif ou à un verbe B de, le D re M te, ti, de, di. En d'ula, re se change fréquemment en 'ne ou en nde après une voyelle nasale. sa D B « i«pers. ne-le M N MO M In-lc ne-re,ne-le\ ?''?'" n'de•'n-de n-de g 2e pars. i-le; e-le i-le e-le n-ti in-li <t-<),'tM-<t i-ie i-le i-tê 00 3* pers. a-le a-le a-le a-le a-te an-le an-le in-le in-tu an "y 2- pers. a-le ar-le alurte i-t>*> ) %£& al-to-h~ u-le «-te i-le i-te a-te-(uS i-te-lx` a-le-lu 1 1" pers. j |g2.p<-rs.~ L ` 3e \3« pers. u-te u-le an-de-lu S j" 12S. Les pronoms personnels ainsi renforcés sont souvent associés à un autre suffixe de détermination ge, e, ou M yi qui donne alors les formes ge-le, ge-re, e-le, e-re, et M ye-te, ye-ti, yi-te, pouvant, en général, se traduire par « même ». ne- ,ye-re m be na j'ai l'intention de venir moi-même. § 126. Associé à un verbe, le pronom ainsi modifié donne à ce verbe un sens réfléchi a (e) y a-ge-re yelema i ka ke suruku ye il s'est changé en hyène (litt. il a lui-même changé pour faire hyène). § Pronoms possessifs 126. La dépendance, la possesssion, la propriété peuvent s'exprimer par le pronom personnel qui, dans ce cas, précède le nom m fa mon père i ba ta mère u ku-ntigi leur chef, § 127. Mais lorsque l'on veut marquer plus nettement la relation de dépendance, de possession ou de propriété, on ajoute au pronom personnel le suffixe ta ou ka, M la n-ta marfa mon fusil. i-ka muso ta femme. a-ka tye: son mari. § M i ni i-la misi ka tafra toi, avec ta vache, pars. § iïîJî. De ces modalités, on tirera des expressions comme n(e) la lo ou n(e) ta do c'est le mien, c'est à moi. M nÇé)le-la le: c'est à moi-même. 129. En outre, ta ou ka ou la peuvent également rendre un de nos possessifs lorsqu'ils sont placés après un nom. Par exemple ne-ta nana, muso-ta ma-na folo: le mien est arrivé, celui de la femme n'est pas encore venu. sunguru-ta ka-fisa celui de la jeune fille est meilleur. § Pronoms et Adjectifs démonstratifs 130. Le pronom démonstratif est un terme propre à noter la situation occupée dans le temps, dans l'espace ou dans la pensée par un être ou un objet que désigne § le sujet parlant. § 131. On distingue l'adjeetii et le pronom démonstratif suivant qu'il est construit en accord avec un substantif (cet homme) ou absolument (celui-ci). § 132. Dans plusieurs langues négro-afrieaines de l'ouest, notamment en wolof, en serer, on use de démons- tratifs particuliers pour désigner, d'une part, les personnes et les objets rapprochés; d'autre part, les personnes et les objets éloignés. Il est possible qu'une distinction analogue ait existé autrefois en manding, on ne trouve plus aujourd'hui que des indications permettant de le supposer, § 133. Deux formes de pronoms démonstratifs se rencontrent dans cette langue¡ 1 Singulier B ni, ni D mt, mi, ni ni, nin, n'i, n'in, in N M nin M M n'in 0 Pluriel ni-u, ni-nu, ce, ces, ceci, cela nu mi-u, mi-nu celui-ci, celle-ci ni-nu j ceux-ci, celles-ci ni-lu, n'inu celui-là, celle-là ceux-là, celles-là cette chose-ci, niA-lu cette chose-là n'in-lu, ces choses-ci n'in-u ces choses-là. 134. En bambara, le substantif déterminé par ni ou ni prend généralement la désinence in. On dira § donc: ni moso-in: cette femme-ci, et, au pluriel, ni moso- ces femmes-ci. La même règle s'applique dans ce dialecte à l'égard du pronom o ou wo ni-nu II § 135. B" o D M N M M Singulier O o, wo o, wo, vo o o, wo Pluriel o-u o-lu, wo-lu o-lu, wo-lu, vo-lu o-lu o-lu, wo-lu 1 mêmes sens que ni et mi. que ces deux catégories de pronoms démonstratifs s'emploient normalement l'une pour l'autre, o ou wo désigne, en général, la personne, la chose ou l'idée qui a été mentionnée après l'autre ou les autres dans une phrase. o ou wo pourra donc se traduire dans ce cas par: celui-ci ou celle-ci,.» ce dernier ou cette dernière. Par exemple n(i) o ke-ra: lorsque cela (dont on vient de parler) fut fait. u fla ka dinga se ka te mbla o kono ka o da-tugu eux deux ont creusé un trou, ont mis quelque chose dedans (dans son (o) intérieur), l'ont fermé. muso-koro-ni tata-la sise-kili dali sise-tigi-fe o ye muso-koro-ni gwê'. une petite vieille alla demander des œufs (à une personne) qui possédait des poules, cette dernière la chassa. § 136. Bien Pronom indéfini § t37. Le pronom indéfini présente le concept sous son aspect le plus général, sans le rapporter à un être ou à un objet déterminé; il s'exprime en français par des termes qui ont leur équivalent en manding, comme un, certain, de cela, en, autre, quelqu'un, quelque, quiconque, on. 138. Un ou un seul s'exprime assez souvent par l'adjectif numéral kele, B kele, M kile, kili, kili par ex. dô kele ke-ra, fe fera a ka sunkuru-ka tige-f oro-la: un jour l'homme alla au champ d'arachides de son amie (litt.: jour un fut fait, homme alla son amie de arachides champs dans). § 139. Le même terme est aussi rendu par B d'o, pl. do-u autres dialectes do, pl. do-lu D d'à, pl. d'a-lu musc do uli-la sogoma-na ka-tara a ba segere une femme se leva au matin pour aller visiter sa mère (litt. femme une se leva matin dans pour aller sa mère § visiter) 140. Certain est également traduit par do par ex. masa-¥e do ye de-mmoso kele nsoro certain roi n'avait qu'une seule fille (litt.: roi mâle certain a fille une § obtenue). § 141. De cela, en ont enfin pour correspondant cette même expression do, qui prend dans ce cas le sens de « un peu ». Exemple do di ne ma (do di m ma) :donne m'en (litt. de cela donne moi à). m' be do ft: j'en veux. § 142. Autre, concernant une personne ou une chose, s'exprime par: gbere, wers, B gors, M gers, gete, kets, toete, pl. en lu, B u, dont il faut rapprocher woli, wandi, M wandi autrui. were ta ka-na prends l'autre et apporte-le (litt. autre prends pour venir). muso gwere nana une autre femme vint. were et ses correspondants dialectaux peuvent s'associer à do, ainsi do were do-nna so kono un autre entra dans la maison (litt.: maison intérieur). kana woli-fe ntin'a n'abîme pas le bien d'autrui (litt. ne pas autrui chose abimer). Enfin, to le reste, l'autre to-lu, to-u les autres, est également synonyme des termes précédents. § 143. Quelqu'un se traduit par « une personne »; on dira tantôt mrfy, mogo, B maa, mara do. et tantôt § 144. Quelque, dans le sens de « un peu », se rend par do. § 145. Quiconque s'exprimera comme chaque ou chacun. (Voir § 148), et plus rarement par -« mi-o-mi, do-oo-do, si-o-si. '§ 146. ON n'a pas d'équivalent propre en manding; on le rend par les termes mah, B maa, au singulier ou au pluriel. et plus volontiers par le pronom de la 3e personne plur. u. Pronoms distributifs § 147. Le pronom disiributif indique que le terme mentionné est conçu comme s'appliquant à une unité ou à un total figurant dans plusieurs catégories; ce sera, par exemple, en français chaque et chacun. § 148. Ces deux termes ne sont pas différenciés nettement en manding; on les exprime l'un et l'autre par la répétition du substantif et l'infixation entre les deux du pronom o, wo, ou vo. Ainsi, on dira mah-o-noto chaque personne* den-o-'den chaque enfant. san-o-san chaque année. don^o-doni chaque jour. § 149. Lorsqu'il est nécessaire de traduire chacun seul on emploie la même tournure que pour chaque personne nah-o-moro (B maa-o-maa). Pronoms réciproques pronoms réciproques correspondent aux pronoms français l'un, l'antre, les uns, les autres § 130. Les le manding les rend par le pronom do indiqué plus haut, et qui est répété. Par exemple M do ban-ta, do sa-ta l'un est malade, l'autre est mort. do-lu be uli ka-tara kôgo, do-lu be to ye les uns se lèvent pour aller dans la brousse, les autres restent là. Pronoms collectifs § 151. Le pronom eolleetif représente une somme, un assemblage ou une réunion de plusieurs objets ou personnes, abstraction faite des unités composantes. Tout, tous ont, en manding, deux formes. On peut dire, par exemple mara bse ou Vee, M O b'eey: tous les hommes. bes yele-la so kâ tous montèrent à cheval. Lorsque « tout » ou « tous » correspond à « chaque » ou il est encore rendu par le même terme. Par « chacun exemple tama na bt di doni-ta-la bee ma on donnera 2 francs à chaque porteur (litt.: francs deux sont à donner porteurs tous à). § 152. D'autre part, quand il s'agit de traduire des termes comme « quiconque », « quelconque », « chaque », à un collectif, on emploiera la « chacun », répondant forme indiquée au § 148. moro-o moto bs sô tama fia na toute (chaque) personne sera gratifiée de deux francs. § 153. Plusieurs, beaucoup, beaucoup de sont des expressions pronominales qui s'expriment en manding par s'ya-ma, s'ya ma, B t'a-ma. Pronoms relatifs § Ï54. Le pronom relatif est celui qui rattache une proposition dite relative à un terme précédemment énoncé ou simplement concevable. § 155. Dans tous les dialectes manding, les expressions à valeur relative, telle que ce qui, ce que, celui qui, celle qui, cet. qui, cet. que, etc., se rendent par le pronom démonstratif mi ou mi, parfois mi-ni, pluriel mi-nu. fe mi na-na su-fe, a ye sofa kele nson'a l'homme qui est venu pendant la nuit a volé une brebis (litt. homme celui qui vint nuit dans il a brebis une volé). § 156. Lorsque le pronom relatif est sujet des deux propositions, la construction manding est analogue à la construction française, mais on emploie généralement un pronom personnel ou démonstratif de rappel dans celle des propositions où ne se trouve pas le relatif. C'est ce que montre l'exemple prédédent § 155. § 157. Mais, dans la plupart des cas, la construction française ne pourra être suivie il faudra employer une inversion, que le pronom relatif soit .complément d'un nom ou complément d'un verbe. Ainsi « L'homme dont on a abimé le mil a réclamé », se tournera par: « Cet homme ils ont abimé son mil, a réclamé », t'e mi u y(e) a n'o tin'a, a y(e) a kani. « J'ai vu la bête que tu as tuée » se tournera par « La bête celle tu as tuée, je l'ai vue », ou bien « La bête tu as tuée, je l'ai vue », sogo mi i y(e) a fara n(e) y{e) a ye, ou bien sogo i y(e) a Jata, n(c) y(e) a ye. « Le champ qu'il a cultivé est stérile » se tournera par « It a cultivé ce champ il est stérile », ou bien « Ce champ stérile il a cultivé »: a y(e) a fofo mi sene a wula-ra, ou bien foro ivula-ra mi a y(e) a sene. Pronoms interrogatifs 158. Le manding use de quatre pronoms interrogatifs l'un, d'ô, qui représente uniquement les personnes le second, d'uma, représentant à la fois les personnes et les choses, de même que le troisième, d'oli. Le quatrième, mu, s'applique seulement aux choses. On remarquera que les trois premiers semblent provenir d'une même racine une dentale palatalisée d'. § 159. Chacun de ces pronoms affecte plusieurs formes suivant les dialectes. Ainsi, on entendra pour § 160. Qui: en général, d'ô; parfois, d'o-n, D g'6. Le pluriel de ce pronom est régulier dans les formes d'ô-u, d'o-nu, g'ô-u. Elles sont peu employées, alors qu'au singulier on dira M d'à ye nô ? B d'o mbe ye ? qui est là ? On emploiera plus volontiers au pluriel M d'à ni d'ô ye nô ? qui et qui est là ? que d'ô-lu ye nô ? § 161. Lequel, laquelle, lesquels, lesquelles. M d'uma .parfois d'umâ, d'oma et d'omâ; B d'urne et d'ume; D g'uma, g'umâ, g'oma, g'omâ. M i ye na d'uma sqto ? Laquelle obtiendras-tu ? litt. tu vas laquelle obtenir). § B i tara dugu-la ka-bi tuma d'urne ? Tu es parti dans le pays (en voyage) depuis quel moment. § t82. Le pluriel de ces différentes formes est régu- lier il est assez peu employé et souvent remplacé parr le singulier. 163. Combien M d'eu, M N, M 0 d'elu B d'eli, d'oli D d'oli, g'oli, g'ori, g'iïri. M i ye na uli tili d'eli kono ? Tu partiras dans combien de jours (litt.: tu vas te lever jours combien dans ? ). B e be a songo bla d'oli kâ ? Combien l'estimes-tu (litt. tu es sol1 prix mettre combien sur ?) § 164. Quoi, quelle chose mu et mu, M N u, um, un, un. M i ye mu miri lai A quoi penses-tu ? (litt, tu ri* quoi penser dans ?). B i be mu n'ini ? Que cherches-tu ?'? § 165. En bambara, mu est parfois affecté d'un déterminatif ne ou le qui donne mu-nne ou mu-nle et, par contraction, m'le avec le même sens. § CHAPITRE V La Conjugaison Les Verbes. Voix. Aspects et Temps. Aspects Habituel Progressif Duratif Iujonctif ou Subordonné Les Temps Imprécatif Ordinaire ou Initial; les Imparfaits. Présent; Passé Futur; Imparfait du Futur. – Verbes de qualitd. La Conjugaison Le verbe est un terme exprimant essentiellement, un procès, c'est-à-dire les différentes notions qui peuvent être contenues en lui action, état, devenir. On distingue, en manding comme dans d'autres langues, des verbes d'aetion, des verbes d'état, des verbes de qualité et aussi des verbes transitifs qui admettent un complément direct et les verbes intransitifs qui ne peuvent en recevoir. § 167. Certains verbes intransitifs en français sont toujours transitifs en manding on leur attribue un Complément direct qui est représenté .par le pronom de la 3e personne du singulier a. Tels sont, par exemple, fo, dire; g'ate, croire; fe, désirer; dô ou lô, savoir; me, entendre, comprendre, etc. On aura donc des expressions comme a uli-la ka-tiso, ka a fo il se leva, éternua et dit (litt. il le dit). a g(e) a me: il (l')a entendu, ou il (l')a compris. Les Voix § 168. On appelle voix en grammaire, un aspect du verbe défini par le rôle que l'on attribue au sujet, suivant qu'il accomplit l'action, qu'il y est intéressé d'une certaine manière ou bien qu'il la subit. 169. Dans le premier cas, l'ensemble des formes verbales, propres à exprimer que le sujet est considéré comme agissant, constitue la voix active. § 170. Dans le second, les formes verbales marquent que l'action émanant du sujet s'applique à lui-même elles composent la voix réfléchie. § 171. Dans le troisième cas, les formes verbales indiquent que le sujet est touché par l'action et la subit leur ensemble représente la voix passive. § 172. Il ne paraît pas exister de voix passive en manding, beaucoup de verbes exprimant une double § valeur que nous traduisons en français par la voix réfléchie ou passive par exemple, ke signifie se faire ou être fait fafa se tuer, ou être tué. § 173. Pour indiquer que l'action s'applique particulièrement au sujet lui-même, on peut ajouter au verbe un pronom personnel emphatisé. Ainsi a y(e) a-yere {ara il a lui-même tué, il s'est suicidé. § 114. Dans les dialectes bambara, on emploie fréquemment dans le même but le pronom de la 2e personne singulier i ou e. Par exemple, on dira a y(e) i fara, littéralement: il t'a tué, ce qui exprime, comme dans le cas précédent: il s'est suicidé. § 175. Des explications qui viennent d'être fournies, il résulte que nous avons surtout à nous préoccuper dans cette conjugaison, de la voix active et de ses deux formes l'affirmative et la négative. Aspect et Temps 176. On distingue, dans la conjugaison, les aspects et les temps. § 177. L'aspect peut être défini: la manière dont est envisagée dans son développement l'action exprimée par le verbe, suivant qu'elle est instantanée ou comporte une durée considérée à son début ou dans son développement. § 178. Le temps est le moment où le sujet parlant situe l'action exprimée par le verbe, ou le moment où l'état est acquis. § 179. Dans un grand nombre de langues négroafricaines, comme autrefois dans l'indo-européen, le phénomène important à manifester est l'aspect verbal, à la différence de ce qui se produit dans des parlers modernes, comme l'allemand ou le français, préoccupés surtout de marquer le temps. Pour les Noirs en général, et pour les Manding en particulier, le fait capital, dans une action, n'est pas le moment où elle s'accomplit, mais bien son développement, suivant qu'elle est envisagée à son début, dans sa continuité, à un point quelconque de sa réalisation. En se fondant sur les constatations faites en indo-européen, la grammaire comparée a distingué des formes verbales instantanées et duratives, pertectives et imperfectives, parfaites ou § imparfaites, inchoatives, itératives, terminatives. Certaines de ces expressions doivent être employées pour exposer le mécanisme de la conjugaison manding qu'un vocabulaire plus courant ne permettrait pas d'expliquer correctement. Les Aspects § 180. Un des aspects les plus fréquents de la conju- gaison manding est celui que Delafosse nommait « aoriste », par analogie avec un aspect des langues sémitiques auquel on applique parfois cette dénomination. Sans exprimer une idée particulière de temps, il marque que l'action s'accomplit ou que l'état s'acquiert d'ordinaire, ou bien que l'action est en train de s'accomplir ou que l'état est en voie d'acquisition. C'est pourquoi l'on peut distinguer deux formes l'habituel et le progressif. Habituel 181. Cet aspect comporte essentiellement un préfixe variable suivant les dialectes et une racine verbale. Ce préfixe est, en M C, be ou M en M, ye ou gi à la § voix affirmative, il est assez fréquemment omis en D. A la voix négative, il est partout te ou ti. On dira donc M C wula-la a be d'igi j a bi d'igï wula-ta a ye (yi) d"iki le soir il descend d'habitudee D ura-ra a d'igi § 182. Au négatif, on aurait wula-la a ts (ti) d'igi j le soir il ne descend pas M C D d'habitude. ura-ra § 183. Lorsque le verbe est transitif, le complément direct s'intercale entre le préfixe et la racine verbale. so be n'o du le cheval mange (d'ordinaire) du mil (cheval est habituellement mil manger). § 184. La forme de l'habitude exprime aussi l'ingressif ou initial, c'est-à-dire l'action à son début et wula-la M a 1 u 1 – – S le fulur immédiat. Ainsi a be tara pourra signifier il commence à s'en aller, il est en marche, ou bien il va partir dans un instant. a bi sinoro il commence à dormir, il va dormir bientôt. Progressif 185. Le Progressif se construit de la même manière que l'habituel, mais il comporte un élément de plus, un suffixe la, ra, na, ta, to, ro, no, suivant les dialectes la meilleure façon de le traduire est d'employer la périphrase « être en train de. ». a be sene il cultive d'ordinaire, son occupation normale est l'agriculture Tandis que a bee sene-la il est occupé en ce moment à cultiver. § 186. Cette forme est d'un usage constant avec les expressions comportant un nom d'action et le verbe ke: a bi dumu-ni-ke-la: il mange (il est en train de faire l'action de manger). a yi sene-ke-la il est occupé à présent à faire de la culture. § 187. A la voix négative du Progressif, be, bi, ye, yi est remplacé comme au § 182, par te ou fi. § Parfait § 188. Il indique une action définitivement accom- plie et dont les effets durent, ou bien un état définitivement acquis et résultant d'une activité antérieure. On peut donc le qualifier de duratif. C'est un aspect souvent usité en manding. § 189. Dans les verbes intransitifs, sa forme affirmative se compose d'une racine verbale et d'un suffixe variable suivant les dialectes M C la, fa, na M ta;r M 0 ro, to. M C n(e) tara-la M n(e) tafa-ta je partis. M C a so-nna M a so-nta il accepta. 190. Il correspond, dans beaucoup de cas, à des présents français. Pour les Manding, l'état est acquis, l'action est considérée comme accomplie lorsque la résolution concernant l'un ou l'autre a été arrêtée c'est pourquoi ils ne disent pas comme nous j'accepte, je consens, je pars, j'achète. Ils se servent du duratif j'ai accepté ou j'acceptai, je consentis ou j'ai consenti,etc. § 191. A la voix négative, on emploie le préfixe ma ou me devant la racine verbale sans suffixe n(e) tara-la je partis n(e) ma tara je ne partis pas. § 192. Dans les verbes transitifs, le parfait manding s'exprime par un préfixe de conjugaison et le radical verbal le complément direct est intercalé entre ces deux éléments. Les préfixes varient suivant les dialectes, mais sont à peu près constants dans chacun d'eux. Ce § sont: ka, ye, e. B ka, ke, li, ye, e. M ka, ye, di, ti, bara. § 193. Dans les verbes de qualité ou d'état, le préfixe est généralement M C ka, ke. D ka, k'a(il est souvent omis dans ce dialecte). M C Ainsi, la phrase « (la) femme a pilé (du) mil » affectera les formes suivantes M C muso ka (ye, e) n'o susu femme a mil pilé. B maso ka (ks, li, ge, e) n'o susu M musu di (ti, bara, ka, ge) n'o susu – – 194. Les verbes intransitifs emploient la même forme à la voie négative elle comporte un préfixe ma, ma, me. L'exemple précédent deviendra donc M C muso ma n'o susu femme (a) pas mil pilé. De même, on dira n(e) ma sô n(e) ma (a) sa je n'accepte pas, je n'ai pas accepté; je n'ai pas acheté cela, etc. § 195. Les diverses formes du duratif sont utilisées pour rendre le passé narratif et le parfait reeulé. Par exemple B a bori-la, ka dô da were fe, ka i(a) i sigi (il courut, entra porte autre dans, alla lui asseoir) il courut, entra par une autre porte et alla s'asseoir. M C fe kele nnana terne, a y(e) a n'ininka o k(a) a la-mina ka tems (homme un vint passer, il a lui interrogé ce dernier a répondu et passa) un homme vint à passer, il l'interrogea, cet homme répondit et s'en alla. § 196. La voix négative est exprimée comme il est dit § 191 o k(a) a la-mina il lui a répondu a m(a) a la-mina: il ne lui a pas répondu. § Injonctif ou jussif ou subordonné § 197. Cet aspect correspond à des fonctions diverses. Il indique, en effet, une înjonelion et double souvent l'impératif; il marque, d'autre part, que l'accomplissement de l'action ou l'acquisition de l'état est subordonne à l'acquisition d'un autre état ou à l'accomplissement d'une autre action, il est donc à rapprocher du conditionnel français. § 198. Enfin, il s'emploie pour réunir deux proposi- tions coordonnées ou juxtaposées et devra se traduire le plus souvent en français par et, pour, que. C'est donc aussi une sorte de eopuîatif. § 199. A la voix affirmative, cet aspect est rendu par ka, ke, M N ka, ke, plus rarement par ye quelquefois, ces préfixes sont omis dans des propositions impératives ou optatives. § 200. L'injonctif proprement dit se retrouve dans des phrases comme i k(a) a mina ou a mina attrappe le. i ka a bla ou a bla laisse le. i k(a) a fo salue le. § 201. Il peut affecter une allure conditionnelle: ni dugu d'e-ra i ka marifa ta: lorsque le jour aura paru (si terre a blanchi) prends (ton) fusil. § 202. Mais il est surtout employé comme organe de liaison entre deux propositions subordonnées ou successives B sigi-moso-ni y(e) i yele-ma k(a) i ke sunkuru-kiva-ja ye, ka ta donso-ke bara. (petite bufflonne s'est changée pour se faire jeune fille a poitrine pleine, et aller chasseur maison) la petite bufflonne se métamorphosa en une jeune fille à la poitrine rebondie pour aller chez le chasseur. M C a tile nani-na, a sege-ne k(a) i sigi iri do d'u-koro, k(a) a la-n'ô (lui jour quatrième, lui fatigué il s'assit arbre un sous pour se reposer) le quatrième jour, étant fatigué, il s'assit sous un arbre et se reposa. § 203. A la forme négative, le subordonné se traduit par un auxiliaire mâ, ma, me préfixé à la racine verbale seule. Ainsi, l'exemple précité deviendra au négatif ma nsigi iri do d'u-koro, a ma la-n'ô: il ne s'est pas assis sous un arbre, il ne s'est pas reposé. § 204. A la même forme, l'injonctif ou jussif devient un prohibitif; il est rendu par un préfixe négatif kana, kana ou kene et (tsne. Ainsi i kan(a) o ks, ne fais pas cela. i kana tara: ne pars pas. .a ceci ne peut se faire en mon absence (litt.: derrière moi). B sa ke na yoro bee-ra, sa nkana dugu ni ye que la pluie vienne en tout lieu, que la pluie, de ce village, ne o kana ke ne ko soit pas aperçue. Imprécatif § 205. On peut rapprocher de l'injonctif ou du jussif l'aspect qui traduit les souhaits et les imprécations. Il se forme au moyen de l'auxiliaire ma qui se place entre le sujet et le complément direct, le verbe étant au parfait. Ainsi Alla m(a) i sagi-r(a) i-yere ma que Dieu te fasse rentrer en toi-même (souhait que l'on adresse au malade). Alla ma hera ke-ra i ge que Dieu fasse la paix en toi. Alla ma barika do-nna a na que Dieu entre la force en lui. Alla ma Setane daûga-ra que Dieu maudisse Satan. Ordinaire ou initial § 206. Le préfixe ma composé avec une racine verbale, sans addition de suffixe, exprime un fait quelconque vrai en toutes circonstances et dans tous les temps; c'est pourquoi cette forme est employée dans un grand nombre de proverbes, de maximes et de sentences d'usage courant. Par exemple imn ma ka mi sori, i b(e) o d'ege mina de (homme (qui) cours d'eau ce vide va de ceci poissons prendre certes) il faut d'abord épuiser l'eau de la rivière pour en attrapper les poissons, c'est-à-dire chacun récolte les fruits de son travail. i ma mara fula kele-to ge f'en-to no-fe, n' e-gele-basi be do bolo si tu vois deux personnes se battant à cause d'un aveugle, (c'est que) l'une a en main le remède pour'ouvrir les yeux, c'est-à-dire on travaille généralement par intérêt. nkalô ma-sa ta ks ka-lama, t'ë sogoma-da-la lama be kwâ a-la le mensonge (depuis) dix ans fait route, la vérité en une matinée de marche le rejoint. § 207., Dans la conversation ordinaire, la même forme indique qu'une action particulière, un état spécial s'accomplira ou sera acquis quand un action, un état préalable aura été accompli ou acquis. On la traduit par « lorsque, dès que », etc. i ma se, i na so-mars-u fo: dès que tu sera arrivé, tu salueras les gens de ta maison. dwa-kû ma da-fa a na-na tugu lorsqu'une semaine fut écoulée, il revint. a ma sigi a ye d'i mi à peine assis, il but de l'eau. o ma ks. lorsque ce fut fait. su ma ko. quand la nuit fut venue. o wara ma sa. dès que le fauve fut mort. Imparfait L'imparfait exprime d'ordinaire l'aspect inachevé du procès à un moment indéterminé. Il existe, en manding, un imparfait de l'habituel et un imparfait du progressif. § 209. L'imparfait de l'habituel indique l'aspect habituel du procès en dehors de toute considération de temps. § 210. A l'affirmatif, l'imparfait d'habitude se rend par un auxiliaire préfixé variable suivant les dialectes M C tû et, plus rarement, no. M tara, tara, tere. Cet élément se place devant la forme de l'Habituel, qui n'est pas modifiée, ainsi en reprenant un exemple précédent § 181, on aura: M C wula-la a be d'igi le soir il descend d'habitude. Et à l'imparfait de l'Habituel wula-la a tu-mbs d'igi M C wula-la a no-mbe d'igi le soir, il avait lliaou bitude de descendre. wula-ta a tara-mbe d'iki M mula-ta a tere-mbe d'iki J ou § 20Ô. § 211. Au négatif, la forme est la même à cette seule différence près que be ou bi est remplacé par tE ou fi. wula-la a tu-nts d'igi M C le soir il n'avait pas wula-ta- a tara-nte d'iki $ l'habitude de descendre M § 212. L'imparfait du progressif exprime un aspect inachevé de l'action en voie d'accomplissement ou de l'état en voie d'acquisition et cela en dehors de toute considération de temps. § 213. Ses formes affirmatives et négatives sont celles qui sont indiquées aux §§ 181-185, précédées de l'auxiliaire préfixé tû, no, tara, tara, tere. Ainsi M C a tu-mbe sene-la il était en train de cultiver a no-mbe sene-la ou M a tara-mbe sene-ta ) M C a tu-nte sene-la il n'était pas en train de cultiver. § 214. L'Imparfait du parfait ou prétérit correspond assez généralement à notre plus-que-parfait. § 215. On distingue, comme pour le Parfait, s'il s'agit d'un verbe intransitif ou transitif. Dans le premier cas, on place tû, no, tara, tara ou tere à la voix affirmative devant le radical ou le dérivé verbal augmenté d'un suffixe. Voir § 189. On aura donc M C a tu-ntara-la il était parti. M a tErs-mbog-ta était tombé. § 216. A la voix négative, le préfixe se combine dans chaque dialecte avec le négatif ma, ma, me. M C a tu-mma-tara il n'était pas parti. id. M a tere-ma-taka § 217. Les verbes transitifs dont le parfait est indiqué au § 192 forment leur imparfait en préfixant tû, no, tara, etc. à l'auxiliaire dialectal. Ainsi tû [ ka l no i tara ( j. < Complément Complément direct Radical verbal a I tere di f 1 il ige \<' a tu-nka di soro il avait trouvé du miel. M a tu-ndi saga sa il avait acheté une brebis. M S a tara-ntl saga fire il avait vendu une brebis. § 218. A la voix négative du verbe transitif le préfixe se combine avec ma comme il est indiqué § 216. M C a tu-mma di soro il n'avait pas trouvé de miel. M C Les Temps § 219. Les temps absolus, par rapport au moment où s'exprime le sujet parlant, semblent être au nombre de trois en manding à savoir § 220. Le présent, qui se confond avec l'aoriste habituel ou progressif; § 221. Le passé, qui est identique au duratif § 222. Le futur qui comporte un auxiliaire préfixe dans les verbes M C na, M se ou si, et un radical verbal transitifs, le complément direct est intercalé entre ces deux éléments, comme il a été exposé § 192. Par ex. a na tara il va partir, il partira. a na bi nkâ: il coupera de l'herbe. Au négatif, on use de l'auxiliaire te ou ti placé devant na. a te na tara il ne partira pas. a te na bi nkâ il ne coupera pas d'herbe. § 223. En M et en D, on rencontre fréquemment une forme "particulière du futur qui est une sorte de progressif ou de futur immédiat; elle se compose d'un auxiliaire préfixé be ou ye, de l'auxiliaire na et du radical verbal. M: a be na taka t partira (bientôt) a bs se ta,ka a ye si laka D id. a ye na tara § 224. L'imparfait du futur est un conditionnel ayant à peu près la même valeur et le même emploi il qu'en français; il est constitué par deux préfixes, tû et na, ainsi que par un radical verbal à l'affirmatif au négatif, par tû, te. na et le radical verbal. n(e) tu-nna n'o dà j'aurais semé du mil. n(e) tu-nts-na n'o dû je n'aurais pas semé de mil. Verbes exprimant la qualité § 225. Il existe, en manding, un certain nombre de verbes exprimant des qualités ou des états être grand, être loin, être beau, être noir, etc. Ils ne comportent que deux aspects à l'affirmatif et au négatif ceux du duratif et de son imparfait, le prétérit. Il s'exprime au moyen des auxiliaires ka (affirmatif) et ma (négatif), tu-nka (afflrmatif) et tu-mma (négatif). a ka d'à a ma nd'à il est grand il n'est pas grand. a tu-nka d'à a tu-mma d'à il était grand il n'était pas grand. CHAPITRE VII Les Co putatifs Les Copnlatifs 226. On nomme ainsi les mots qui font office de verbes copulatifs, c'est-à-dire qui servent à unir l'attribut au sujet. Ils sont au nombre de onze, en manding. § 227. 1° be, être, exister, être présent, que l'on emploiera dans des locutions comme a be so il est à la maison u be yd: ils sont ici a bc sa-mfe il est en haut; a bs mi ?i où est-il ? § 228. be permet aussi de rendre, en manding, notre verbe avoir. Ainsi j'ai faim, soif, sommeil, chaud, froid, se traduira par: la faim, la soif, le sommeil, la chaleur, le froid est en moi (moi dans) kôgo, nû-miy, si-noh, funte-ni, nene be ne-na. § 229. La possession peut également être exprimée par une locution dans laquelle entre be. On dira « telle chose est dans ma main » ainsi j'ai deux chèvres btia jula (fila, fla) be m bolo; as-tu une femme (es-tu marié) ? muso b(e) i bolo wa (est-ce que) ? J*en i § ai do be m bolo. « unissant le sujet à l'attribut se place entre le premier et le second. Par exemple il est chef de village a bs dugu-tigi il est § 230, Comme copulatif simple, be a fie fama. § 231. Toutefois, dans la plupart des cas, on suffixera à l'attribut la particule ye. Par exemple il est chef de village a be dugu-ligi ye qui est-tu ? i be d'ô ye roi c'est une belle femme (celle-ci est.): o-de be musu d'u-ma ye. § 232. be s'emploie également à l'imparfait. Par ex.: il était cavalier du chef: a tu-mbe fama-so-tigi ye c'était son père (il était son père) a tu-mbe a fa ye. § 233. Le plus souvent, l'attribut de 6e se place après lui, mais lorsque cet attribut est un participe passé en le, re, ne, ou un participe négatif en bali ou beeli, be se place d'ordinaire avant lui. Ainsi il est assis, debout, rassasié, tué, etc.: a sigile, do-le, ta-le, îara-le-mbe il est invisible a ye-ta-bali-mbs. § 234. Cette règle n'est pas générale. Dans certains dialectes malinké, elle n'est pas toujours observée par exemple en kassonké cette aiguille est cassée ni mesendi mbe katili. § 235. 2° ye est employé dans la plupart des dialectes malinké, avec le sens d'exister et d'être présent, comme be dans les autres. Il a la même valeur et se construit de même. On pourra donc dire comme dans les exemples ci-dessus a ye dugu-tigi ye i ye d'Ô ye', o-le ye musu n'uma ye\ a sigi-le nye; a la-le-nye, etc. Mais ye est essentiellement copulatif et ne s'emploie guère dans le sens d'avoir ou de posséder, comme bs. § 236. 3° lo ou do peut être considéré a) comme démonstratif; b) comme verbe. § 237. a) Dans le premier cas, il répond au pronom ce et se traduira par c'est: dugu-tigi lo ou do c'est le chef de village ne do: c'est moi kalo ndo c'est un mensonge musa lo c'est une femme. § 238. b) Comme verbe copulatif, il est employé d'habitude avec des participes en to ou eu ta par ex. il est malade a bana-to lo il est visible a ye-ta do. § 239. Il est à noter que lo ou do comporte un imparfait formé au moyen du préfixe tû l'attribut s'intercale généralement entre ce préfixe et le copulatif. Ainsi il était malade a tu-mbana-to-do. § 240. 40 le, de, re, nde, ne se présente, le plus sou- vent, sous la forme le il est surtout usité, en malinké, à peu près dans les mêmes fonctions qu'il vient d'être expliqué pour do ou lo. On aura donc nta le ou nna le c'est moi; lama le c'est le chef numu le c'est un forgeron. § 241. Le plus souvent, lorsque la forme est inversée le dernier terme de ta proposition est suivi de la particule ye Ii en M. Ainsi i Il est le chef f ama le a-ye je suis malinké mane-nka le n-ti il est forgeron numu le a-ti. § 242. Le copulatif le employé à l'imparfait usera du préfixe malinké iere ou tarâ, correspondant à tû dans les autres dialectes. Par exemple c'était le roi lama le a tere-nti. § 243. 5° mu, compris partout, est employé de préférence chez les Dyula et chez les Malinké du nord, de l'ouest et du sud. Il est souvent utilisé avec le C'est mon hôte M N nte-la lu-ntan-o le-mu nia musu le-mu c'est ma femme. § 244. Il est généralement employé avec le suffixe attributif ye, M ti. Ainsi Samba est un travailleur M N baka-la le-mu Samba fi. § 245. 6° te est le négatif de be, ye, do ou lo, le, ma. 11 s'emploie et se construit comme l'affirmatif. Nous aurons donc les expressions a te so il n'est pas à la maison mi-non te ne-na je n'ai pas soif baa te m bolo je n'ai pas de chèvre; a te dugu-tigi ye il n'est pas chef de village a tu-nte famaso-tigi ye il n'était pas cavalier du chef a sigi-le nte il n'est pas assis dugu-tigi te il n'est pas chef de village. § 246. 70 tere et tara M N peuvent être considérés comme des copulatifs particuliers aux dialectes malinké Ils ont toujours une valeur d'imparfait. Ainsi a tere dugu-tigi il était chef. § 247. 8° ko est un copulatif ayant le sens de « dire », « se dire », « être dit » et, par extension « avoir l'intention de », « se préparer à ». On l'emploie dans les conditions suivantes i tofo ko di ? ton nom est dit comment (comment t'appelles-tu ?) B a ba-koro-ni nkele k(a) a dô ka moso-i nie maa ye une de ses tantes maternelles savait que (ko) cette femme n'était pas un être humain (c'est-à-dire que c'était une sorcière). Dans cet exemple, on voit que ko peut avoir le sens de notre conjonction que. § 248. On emploie encore ko dans le sens d'avoir l'intention de. Ainsi: Bfs g(e) a-ka marija bla, k(o) a ka mpa ta: l'homme laissa son fusil dans l'intention de prendre son sabre. 249. 9° /ere, fêle B fle: regarder, examiner, voir, employé à l'impératif a le sens de « voici, voilà » (Voir I 86.) | a-ligi fêle le voici. absmi ? A fêle où est-il ? le voilà. § 250. En B, fle peut. s'employer comme copulatif, soit à l'habituel, soit à l'imparfait de l'habituel; dans ce cas, il est précédé d'une particule te qui parait correspondre à un imparfait, la phrase se termine par une post-position te. Cette forme, peu fréquente, se rencontre dans le «Proverbes et Contes » de Moussa Travélé, p. 125. digo de te fis kono d'e leu-leu te (calao certes était regardé dans le blanc complet) le calao était autrefois complètement blanc. § 251. fers, fêle ou fie jouant le rôle de copulatif est suivi fréquemment d'un participe présent accompagné de la postposition ye. <*g fêle natô ye: voici l'homme qui vient. 252. 10° ye M d'e, voir, joue le même rôle que fêle et s'emploie exactement comme lui dans le sens de | voici, voilà. 11° ke, faire, se faire, être fait, devenir, s'emploie comme copulatif; l'attribut qui le suit réclame une postposition ye, M li. a kE-ra fa-nta nye il devint pauvre. § 253. CHAPITRE VII Conjonctions de Subordination Les Conjonctions. Adversatives Disjonctives Assévératives. Copulatives Les Conjonctions 254. Le manding emploie un nombre relativement élevé de conjonctions, ou mieux de particules et locutions conjonctives (on entend par là des particules propres à servir d'union entre deux termes ou deux propositions). On distingue, parmi elles, les conjonctions de subordination, qui marquent un rapport de dépendance entre deux termes; la conjonction de coordination, qui relie l'un à l'autre deux termes de fonction identique. Elle est dite copulativo quand elle sert à grouper; adversative, quand elle oppose disjonelive, quand elle dissocie les termes; assévérative, lorsqu'elle confirme. § Conjonctions de subordination 255. Les conjonctions de subordination si, quand, lorsque peuvent se traduire par ni (M et M N i). Si ce n'est que eela ni o dama do. Si tu veux le mien n(i) i bc ne-ta-fe. Lorsque. la lune se leva, la colonne se mit en marche (se leva) ni kalo bo-ra kele-ba uli-la. § 256. La même conjonction ni, suivie d'une disjonctive prend le sens de selon que ou suivant que Suivant que tu seras riche ou pauvre on t'honorera ou l'on te méprisera N(t) i ke-ra fama-ye, voala la§ ntâ-ye, main-u n(a) i bo-nya wala u n(a) i doro-ya. § 257. Avec et sans que s une négation ni, traduira aussi sans Sans lui nous ne pouvons rien faire n(i) a te an-le, an te se ka foy ke. § 258. Répété, ni signifiera soit que Soit qu'il parte, soit qu'il reste. n(i) a be tara, n{i) a be sigi. § 259. Enfin, ni avec le négatif te traduira l'expres- sion sinon: n(i) o te litt., si cela n'est pas. Conjonction copulative § 360. La conjonction de coordination et de groupe- ment et s'exprime par ni, quelquefois par ne L'homme et la femme t'e ni muso. Il m'a donné une vache et une brebis a ye misimuso ni sara di ne-ma. § 261. On peut préfixer à ni l'un des pronoms a ou o, lui ou ceci. Dans ce cas, le verbe qui régit plusieurs régimes se trouve généralement, mais pas toujours, placé avant le second. Ainsi Je t'ai donné des colas et des cauris B n(e) ye woro d(i) i-ma a-ni kolo. 362. Par contre, on pourra dire correctement: ceux qui étaientlà et ceux qui n'y étaient pas M mi-nlu tsre d'e, a-ni mi-nlu tere-le d'e. § 263. La conjonction ni employée avec un verbe négatif peut exprimer le français ni. ni. Parjexemple Il n'y a ni mil, ni riz, ni viande n'o ni malo (M malu), ni sofo (M suba) te yâ. § 264. La même conjonction ni, appuyée d'une par| ticule postposée signifie ti, après le avec: ye, e, placée Apporte un siège (viens avec un siège) ndo ye. mot na ni sigila L'homme sortit avec sa femme te ba-ta n(i) a-ka muso ye. § 365. Enfin, on peut considérer comme un copulatif le préfixe de l'injonctif ka devant un radical verbal, dans des locutions comme ka-bo à partir de ka-tugu ensuite, pour que, parceka-ta depuis que depuis que ka-soro alors que, qu'il se trouve ka-bt pour ka-bi-ni f après que ka-to que ka-to-ni j parce que Conjonction adversative 26fi. Les conjonctions adversatives mais, cependant, or, toutefois se rendent, en général, par nka Il est parti de nuit, mais n'y est pas arrivé a uli-la su-fe, nka a ma-se o yoro-la (en ce lieu). § 267. Les Malinké emploient de préférence bari ou bali. Ainsi Ils sont arrivés, mais ne sont pas encore partis a-lu nafa, bari a-lu ma-niafa folo. § 268. Les expressions bien que, alors que, quoique se traduiront par hali-ni Je partirai bien que je sois malade n(e) na-tata hali ni mbanane-mbe. § Conjonction disjonctive 269. Notre conjonction ou, ou bien s'exprime, en manding, par wala, M C wola, waa, M O baa. Ainsi C'est un homme ou une femme ? V do wala muso do M ke le wola musu le. De même, on pourra dire Est-ce un homme ou une femme t'e waa muso do ?`Z § 270. Enfin, les Malinké emploieront parfois baa. Par exemple Neuf ou dix: kono-nto bau ta, au lieu de kono-nto § wola tà. Il faut encore ranger parmi les conjonctions disjonctives foo qui a le sens de manquement, négligence, erreur et s'emploie pour traduire jusqu'à, excepté, sauf et, par extension jusqu'à ce que, afin que, pour que, à moins que. Par exemple Il entra jusque dans le village a do-nna too dugu kono. Il restera jusqu'à samedi a na sigi too sibiri-dô. Tous sont morts à l'exception de trois seulement: u bee sa-ra foo saba dama. Le soleil chauffa le sol jusqu'à ce qu'il fut sec tile gba-na foo dugu-kolo d'a-ra* Nous travaillons afin de gagner de l'argent an ka bara-ke foo ka wari soro. Ce dernier exemple montre que foo peut s'associer à l'auxiliaire préfixé d'un injonctiflimpersonnel. § 271. Conjonction assévérative 272. Les confirmations même, même si, au moins se rendent, en manding, par hali ou hali ni. T ous s'enfuirent, il n'en resta pas un seul (même pas un) bse bori-la, hali kele mma to ge. Même s'il ne te voit pas, il te prendra hali ni a m(a) i ye, a n(a) i mina. § CHAPITRE VIIII Adverbes; Particules et Locutions exprimant; la Manière la Localisation. Syntaxe le Temps; Adverbes, Particules et Locutions exprimant la manière Abri (à l') solo-ma. Accord (d') fey, convenir, s'entendre. Nous sommes an fey-na fe-mmi-na ou fe-mmi-nkâ on peut dire aussi efe do mfe-nna entrer en réunion à propos d'une chose et aussi be n'oro-mfe être ensemble. Activement: B kiss-ma, M kese-nta. Agréablement di-ma, du-ma, limi-ma. Ainsi te, tè, iâ, le-nid. Anciennement folo, folo-folo, galegale. d'accord Aplomb (d') tele-na. Assez: rendre par wasa, suffire. J'en ai: n(e) wasa-ra a-la M o wasa-ta. Traduire encore par bo, suffire. J'en ai assez = ce que j'ai me suffit mi mbe m/e, o ge mba. C'est – a to te (laisse le ainsi). Aussi fa-na (litt. de son côté, fa). M 0 fa-ne n'exprime pas la comparaison. Autrement ? were-ma, ko mers, gbere-ma, ko gbere, M kete-ma. Beaucoup: s'a-ma, t'a-ma. Il a d'argent wori t'a-ma b(e) a-je; de personnes vinrent rmt> s'a-ma na-na. Je n'en ai pas M bu-mba te m bulu (grandement n'est pas dans ma main). Bien ko-sobe, ko-sebe, ko-n'i-ma, ko-n'u-ma, M ku-. – n'u-ma, bere, M beis. Tiens-le a mina ko-sebe II me connaît aye nde 15 ko-sobe. Cela est fait M o ke-ta ku-n'u-ma. Bon Voir Bien. Bout (jusqu'au) maa-laa-ku-la. Continue – M a to la-bâ (laisse le faire finir). Bref suru-ma, M sutu-ma. Brusquement t'un-na, balaki-balaki, guruko-guruko. Carrément (sans ambages) ko-kulu. Cas (en tout) fogo-o-t'ogo. Cause (à de) à cause de quoi? o kû e mu nye ? (de cela cause est quoi). Les vaches s'agitèrent des taons misi-d'a uli-la de-nu-fe (esprit ou double des vaches se leva). Certainement ange, anke, koy, ton'a, tin'a (vérité). Comme (traduire on dirait) i na fo, t ko de cette manière i'ogo mi. Contre kama. Il est parti se battre le fils du roi a ta-ra kelE-la fa-ma-de nkama; ma. Ils se sont révoltés le roi M a-lu ye muru-ti fa-ma-ma. Contre-cœur (à) ni ngani-nya d'Ugu ye. Dire (c'est -à) o be, o-le be, o ye, o-de ye. Durement gwele-ma, gbere-ma, gere-ma. Encore (pas) folo, gale, bà, avec un verbe au négatif. Il n'est pas venu a ma-na f olo ou M. Encore Voir de nouveau. Facilement trad. par ka di, être facile ou tourner par le négatif ma-ndi, ma-gwele. Façon (de) fog'o et l'oko. De toute – t'ogo-o-fogo. Cela s'est produit de cette :a ke-ra t'ogo mi. Fois se-n'a, si-n'a, B si-rfe, M si-n'a, sin. En une seulement: seule – B si-n'e kele-nna. Cette M ni nsin drô. Une autre – ko, se nwere. kwo, M ku. Une par an M ku kili nsâ-o-sâ. Forcément fanget-ma, wad"ibi-la, d'tiko-ya-la, bargama, barka-ma. Fréquemment: ko-sa-mâ, M ku-s'a-mâ. Le plus possible B ko fa-ma n(i) a ye se. ni gaani-nya gaani-nya, gaani-nye. De bon – ni gaani-nya ttugu ge. n'u-ma ge. De mauvais Hâte (à la) tari-ya-la, tari-ya, teri-ga. Inunédiatement d'ona, g'ona, sisâ, sa, sa, M sasa, sige, saïn. Importe (n* comment) t'ogo-o-t'ogo, M n'a-o-n'a. Improviste (à 1'): n'ine-ma, n'ine-ma kolo-nio, barali-ro, M bara-ni-nto, tele-na. Incontestablement lasakajî. Intention (dans 1' – de) ko-sô. Jamais abada, bada. Justement te, ta, te-ne. Lentement neme-neme. Longtemps Il y a B a mee-na, M a mee-ta. Il n'y ka-bi-ni tu-ma d'à a ma mec. Depuis a pas (un temps long). Mal, mauvais ko-d'ugu, d'ugu, d'ugu-ma. Manière: Voir Faeon. Même identique kele, M kile, kilin. Mieux fisa. Moins je nt(e) a d'e, fe nt(e) a kà. Nouveau (de) tugu, B tu ko kura, M ku ku-ta. Part a: f a-na da-na-da-na. Peu do-ni. Un petit peu filini. Peu à peu do-ni-do-ni. Peu s'en faut: fe-nt(é) a d'e, bere t(e) a d'e. Peur que (de): wasa. kana, walasa, de peur que l'autorité ne les prenne: wasa janga kana u mina. Peut-être a do-lu ba (il s'en trouve); ni an soro; M d'ika (prép.). Plus tugu, B tu (encore) n'a-na-kâ. Propos (à) kan'a-na, ken'e-na, Rapidement d'ona, g'ona, tari-ya-la, B teli-ya-la. Sauf: foo, haali. Secret (en) gundo-ro, M gundu-to. Selon Voir de façon. Gré Seulement dorô, drô, gbâsà. gbâzà, D guiâza dama. Souvent ko t'a-ma, ko s'a-ma (beaucoup de fois). Suffisamment Voir assez. Surplus (au ou en) yere-ke. n'a-na-kâ, n'a-na-la-kâ, yere-ye, Tardivement tourner par être en retard, s'attarder mee. Ils parlèrent tard dans la nuit u mee-na koro-fo-la su-le. Très dans le sens de beaucoup, haali avec un sens péjoratif, ko-d'u-gu koûgo be n(e)-na haali j'ai très faim. Trop: ko-d'u-gu, titi. Vain (en) ka dese (manquer, rater). n(e) y(e) a n'ini yoro bee ka dese je l'ai cherché partout en vain. Violemment fanga-tna. Adverbes, Particules et Locutions exprimant le temps i y(e) a ge yoro mi jolo Abord (d') jolOi folo-folo (tu as cela vu endroit ce d'abord) l'endroit où tu l'as vu d'abord. Ku, tête, peut s'employer au figuré dans le sens de « sommet, extrémité, bout » dans et, par extension, « début », ainsi d' l'hivernage. au début de l'hivernage; sa-nd'i- ku-nna. Alors o tu-ma, M O tvo tu-mo, o tu-ma-na, o tu-ma kono. Année sâ, sa, B s'a, sa-nd'i (pluie continuelle). Cette n'inû, n'ina, n'ine, n' ine. Saison de l' – sa-tala, B sa-tla. L' prochaine sa-ndo, sa were. Dans deux sa-ndo-ko-ba. L' – sâ were ko. Dans trois dernière salô, salo, saro, selo, M sera, B sâ-wo, sa-ngo, sa-nna-sini, sa-nna-sini-wo. Il y a deux – sa-nna-siniB sa-nna-sini-ko. Il y a trois – sa-nda-mina tu-ma, wo-ko. Au début de l' – M sa-nda-mita-tu-ma, B sa-nda-mene tu-ma. A la sa-mbâ-tu-ma. Annuellement sa-nosà. fin de – l' Après o ko, D ma kwo. Cours lui boli (M bori) a no-fe (cours lui trace sur). Marche sur ses traces (propre et figuré) tara (B ta) a no-fe. Après-demain si-ni-kende, si-ni-kene, sf-ne-kene, M 0 si-aken-den. Aujourd'hui bi. D' en huit M M-ku-n'orô, B bi-ku-n'wâ ou bî-ku-n'wâ-tu-ma* D' en quinze M bi-ku-n*ofô-jula-na, B bi-ku-n'wâ- fla-na. A partir d' ka-tata bi-la, B ka-ia bi-la. Aussitôt o ma-ke, o ke-le, o tu-ma mi-na. Autrefois koro-ma, koro-le. Il ne peut plus marcher comme a te-se ka-tama i ko koro-le tugu. toi M ana-ta i Avant n'a, n'a, rie. Il est arrivé – n'a. Bientôt sa, so, so-ni, M koroto, d'ona, D g'ona. Il viendra a na-na d'ona. Déjà bi-tugu, bi-tu, sa, sa folo gale. Depuis ka-bi-ni, ka-bi. longtemps ka-bi-ni tu-ma d'à. commencement: ka-bi a kg-folo-la. n est arrivé hier M a na-ta ka-bi-ni-kunu. Dès employer l'aspect initial. que nous y arriverons M an ma-na-si d'e (nous venir atteindre là). l'aurore dugu ma-na-d*e (terre devenir blanche). que cela fut fait o ma-ke (cela fait). On peut également user, dans beaucoup de cas, du partil'aurore dugu d' ele. cipe passé. Par exemple que ce fut fait o ks-le. Encore tugu, tu, bele, M bete. Ensuite Voir depuis et après o ko, o ke-le. Heure,: en général tu-ma. Moment sa, so, so-ni. Tout-à-1'heure tu-ma do, sa-o-sa. Heure, moment wakati, waati (ar.). Toutes les heures: waati-owaati. L'heure de partir est arrivée tafa-waatid'ona, g'ona. se-ra. De bonne – Hier: kunu, kunu-wo. Avant-hier kunu-ko, ku-nna- -le – si-ni-wo. Jour espace de temps entre le lever et le coucher du soleil B tile tle, kle, D tere, M tili, M O tilo. Tous les jours, chaque jour, journellement: tile-o-tile. Jour» espace de vingt-quatre heures et date dô, là, M lu, dû, M O lungo. Chaque – do-no-dô, • M. lu-ào-lû. Espace de vingt-quatre heures englobant une nuit da, la. Longtemps se rend en général par le verbe mes D m'es, durer, retarder, prolonger, rester. Tu as i mee-na si-noh-la (tu es resté longtemps dormi sommeil dans). Il est parti pour a tara-la ka ka-bi-ni tu-ma d'à. après: o mte. Depuis ko mee-ne. Lorsque ni (prép.) avec le verbe suivant au parf. o lu-ma mi, tu-ma mi-na, dô mi, dô mi-na, la mi, la mi na, o tu-ma ni, tu-ma mi-na, dô mt, dô mi-na, la mi, la mi-na. Maintenant sisâ, sisa, sisa-nno, sisa-nni-no, M sasà, sain, sigen. Partirons-nous maintenant ? a mbe lafa sisâ wa ? (nous être partir maintenant est-ce que ?). Mensuellement kalo-o-kalo (chaque lune). Moment voir heure. Nuit: de – su-ra, M su-la, su-ro, su-to. Proinptement tari-ya-la. Récemment: o ma-mee (il n'y a pas longtemps), kosa-la, o ko-sa-la, ko-kura, M ku-kuta. Tard ko-sa. Temps tu-ma. En tout – tu-ma bes-la. Dans quelque(moment) où sortent les tu-ma do-la. Au – bœufs: misi bo-tu-ma-na (bovidés sortir temps tu-tna-kele-na. dans). En même – Tôt d'ona, g'ona. Tôt ou tard folo wala ko. Toujours tu-ma-o-tu-ma, lu-ma-bee-la. Vite voir promptement. Adverbes, Particules et Locutions exprimant la localisation La relation d'origine et de loealisation dans l'espace et dans le temps se rend, en manding, par un assez grand nombre de termes qu'il est indispensable de connaître. En dehors des expressions particulières indiquées ci-dessous, il est fait un large usage des suffixes: M C la, ra, na M ta § 275. io, ro, no, M to ma te. que l'on retrouvera dans beaucoup d'exemples. Un certain nombre de verbes manding se construisent toujours avec un locatif tels sont ira ou yira, montrer; di, donner se, arriver, atteindre ï sô, consentir et gratifier. 0 yira an-na montre le nous (à nous). do di ne-ma donne m'en (moi à). an se-ra Bamako-ma: nous arrivâmes à Bamako. i y(è) a sô misi-la tu l'a gratifié d'une vache (en une vache), Auprès de da-fe. Il était assis près de toi M a tere sigini i da-fe. Il rôde autour de nous B a bi munud'eux a munu an da-fe. Son fils est assis den-ke sigile^rnbe u da-fe. – da-kùro dans le sens de aux environs, sur le point de, sa-ya- da-koro sur le point de mourir da-la il passa près de la maison M a twnbi-la bu-nda-la. Ils arrivèrent auprès du fleuve u se-ra ba-da-la. Koro, M koto. Il demeure auprès de la forêt M a sigini le tu-koto. Retire-toiî bo n-koro (sors d'auprès de moi). Autour employer une périphrase avec l'un des verbes la-mini, da-mini, ma-mini, meleke, munu et munumunu. Mettez-vous autour du feu a y(ë) a tasama la-mini (vous le feu entourer). Avant (en) n'd, n'a, n'e. Les autres sont partis en – M dolu laka-ta n'a. Marche en B i ka ta-ma n'e. n'e-na, n'e-ma, n'e-koro, ifa-mfe, n'efe. Va en – B ta foo n'e-fe (va jusqu'en avant). Avec voir ehez. Chez le. Va lui ou va avec lui i ka tata a-fe. Reste lui ou avec lui i ka sigi a-fe. Bara, M bala. So, Je vais mon père M n tata-la m la bata. so-kono. Il est -lui a bs so a bs so-kono. Bolo, (ou avec) le chef B blo, D buru, M bulu. Ils sont Yoro. Il est chez de village u be dugu-tigi bolo. B tle. sa belle-mère a sigi-ra a bira-muso yoro. Allons chez ta mère an ta ba tle. Contaet (en, ou au de) ma, koro. Voir contre, dans. kama. Il s'appuie un mur a b(e) a sinsin kogo kama. II est entré en guerre le roi a do-nna kele-la fa-ma kama. Koro. Il est fâché contre toi a dimi-na i koro. Côté (à) kere, kere-fe, ker-fd Ne t'arrête pas du grand chef: i kana do (lo) lama-ba kere-f e. Dans kono. Il est tombé un grand trou M a boy-ta diûa-ba-kono. Il est couché dans la maison B a daa-ra so-kono. la, lo, ra, ro, na, to, ma. Il s'est engagé( il est entré au service militaire soldasi-ya), B a do-nna soldasi-ya-la, M a du-nta soldasi-ya-to. Le souper (repas pris dans la nuit) B su-ro ou su-ra-fana, M su-to-fana. Mets cela dans le feu Qu'est-ce qu'il y a (quoi est o bila ta-su-ma-ra. cela dans) mu mbz a-ra. Le plus âgé parmi eux (dans eux) u-ra fe-koro-ba. – Laisse-moi tranquille (sépare-toi de moi dans) i ka tara n-na. –r Demande-lui la cause de ses pleurs (son pleurer cause dans) Consens-tu à a n'ini-nka a kasi ku-nna. cela i so-nna o ma (cela dans, au contact de). Jusqu'à aujourd'hui foo ka-se bi-ma (jusqu'à arriver aujourd'hui dans). De f très souvent ne se traduit pas. Les bêtes de brousse kôgo-sogo-u. Peut se rendre par les suffixes la, Io, ra, ro, to ma, na marquant la localisation ou la relation. Vêtement de corps: lari-la-fani. Bête aquatique d'i-ra-le. Peut également se traduire Centre – 1 par le suffixe d'appartenance ou de dépendance ka, ta, M la. Le champ d'arachides de la jeune fille B su-nguru-ka-tige-joro, M su-nkatu-la-tiga-futu. Dedans voir dans. Dehors kene-ma (dans un lieu découvert), kene-kâ (même sens avec kâ: sur). L'expression tata banako, M bantâ-ko (aller derrière le fromager, aller dehors) est une périphrase signifiant aller aux cabinets. Derrière Il est ko, D kwo, ko-fe, kwo-fe, ko-ra, kwo-ra. le siège a be ko, M a ye ko. Il est resté M a tu-ta sigila nko-fe. Derrière la maison so kofe. L'enfant est sa mère (elle le porte dans le No-fe (de no, trace, emdos): de mbe ba ko-ra. preinte, marque, vestige). Pars lui tara a no-fe. Dessous voir sous. Dessus voir sur. Devant voir en avant. Droit tele, tile, tele-ma. Droite (â) kini-bolo (main avec laquelle on mange le kini, plat soudanais), M kini-bulu, kini-bolo-fe, M kini-bulu-fe, kini-fe, kini-nfe – bolo-n'u-ma, bulu n'u-ma, bolo-n'uma-fe, bulu-n'u-ma-je (du côté de la bonne main). voir dans. Entre fe, te-ro, fera, M te, t'e-ma, M te-ma, l'e-ma-nt'e, Ce-ma-nt'e-ra. – Qu'y a-t-il entre eux mu mbe u-fe. Entre nous deux M an fula te-ma. Le fromager qui est entre les autres (celui du milieu) t'e-ma-nt'e bana. Faee (en): n'd, n'a, n'e. Voir avant. Fond (au) koro, M koto, d'u-koro. Au fond de l'eau d'i-koro, M d'i-koio. Au fond du fleuve ba-d'id'u-koro. Au fond du panier sagi-d'u-koro. Gauche (à) nu-ma-bolo-fe (du côté de la main du nez), M nu-mâ-bulu-fe, nu-ma-mbolo-ra, nu-ma-fe. Haut (en) sa-mie, sa-nna, M sa-nto. Il monta en Kuhaut a yele-la (M yele-ta) sa-mfe (M sa-nto). En Il est en haut de la nna (sur la tête, en haut). L'oimaison a be bo-nku-nna (maison tête sur). seau s'envola pour se poser en haut de l'arbre kono pa-nna k(a) i sigi d'iri ku~nna. Ici yd, ya, ye, M d'à. Que fais-tu ici M i ye mu nke d'à. Par – ya-mfe, M d'a-mfe. Importe où (n') fâ-o-fâ, yoro-o-yoro. foo sibiri-dô. Il vint foo. Jusqu'à samedi jusque dans le villages M a na-ta foo dugu kono. Là yë, ye, d'e, d'e, d'ï. Il n'est pas allé a ma tara ye. bas: ye-mfe, d'e-mfe. M nô. Qui est là ? d'à ye nô ? Loin foo yoro d'à, jusqu'à un endroit éloigné. Milieu (au) t'e. du village dugu te, te-ma-nt'ee (tout à fait le milieu). chemin sira t'e-ma-nt'e. Où mi, M tni-nto, mi-ni. Où est ton père ? i fa be mi ? D' viens-tu ? M e bo-ta mi-nto ? B e bo-ra mi-ni ? Où relatif se tourne par yoro mi, duhami, duga mi ou duga mi-na, ce lieu, cet endroit. Partout yoro-o-yoro, duga-o-duga, fâ-o-fâ, M. yorobee-to, ula-bee-to, fà-be,s-to> Pendant se traduit par un suffixe ra, la, na, ro, no, to. ce temps: o tu-ma-ra. Sous koro, M koto. Il est sous l'arbre a ye d'iri koro (M koto). Sur kâ. Monter à cheval (sur cheval) yele so-kâ. Il tomba sur moi M a boy-ta n(e)kâ. Dans beaucoup Jusqu'à -du – de cas, on emploie les mêmes termes que pour en haut. Voir ces expressions. Terre (â) dugu-ma. Vers ma. Il marcha Ségou a lama-ra Segu-ma. Syntaxe 276. On nomme syntaxe l'étude des procédés grammaticaux par lesquels les mots d'une phrase sont rattachés les uns aux autres, de façon à exprimer les rapports établis entre les notions. § § 277. Dans les langues dites flcxionnelles, les rapports grammaticaux sont exprimés par des modifications ou flexions de la partie variable du mot. En latin, par exemple, un nom fléchi comporte un certain nombre d'aspects que les grammairiens anciens considéraient comme des déviations par rapport au nominatif forme de base. En dehors de ce cas, on aura le génitif, le datif, l'ablatif et l'accusatif; ce dernier est le cas du complément ou du régime direct. Il est facile à distinguer du nominatif, par exemple, à cause de sa flexion particulière par conséquent, il peut occuper dans la phrase une place quelconque sans que le sens général soit modifié. Ainsi, on dira aussi bien Petrus occidit Paulum, que Paulum occidit Petrus ou Peirus Paulum occidii. Pierre a tué Paul. § 278. Un pareil résultat est possible grâce à la variation de forme exprimant l'accord, c'est-à-dire le rapport établi entre les appartenants syntaxiques, sujetverbe, substantif-épithète, etc., dont l'un apparaît comme déterminé par rapport à un autre déterminant. § 279. Le manding ne possède aucune syntaxe d'accord. Dans cette langue, les relations des éléments d'une proposition les uns par rapport aux autres sont uniquement marquées par la place occupée par ces éléments dans beaucoup de cas, la fonction grammaticale de ces éléments est essentiellement déterminée par la place qu'ils occupent dans la proposition. Pour cette raison, la syntaxe manding est souvent dite syntaxe de position. § 280. Lorsque la place des éléments mentionnés ci-dessus n'est pas respectée, le sens de la proposition est complètement modifié. Ainsi do-nso-t' e ye sama bi le chasseur a abattu un éléphant tandis que sama ye do-nso t'e bi l'éléphant a abattu le chasseur. Dugu-ku-ntigi le chef du pays, et ku-ntigidugu, le pays du chef, etc. Dans ces conditions, on comprend l'absolue nécessité de connaître parfaitement les procédés par lesquels les mots d'une phrase sont rattachés les uns aux autres et la place assignée à chacun d'eux. Position respective de quelques éléments II est rappelé que § 281. l°"Le complément d'un nom, d'un pronom précède toujours ce nom ou ce pronom. Par exemple bête de brousse kala-n-de kongo-sogo écolier (enfant de l'enseignement) a muso sa femme a tenemuso sa tante paternelle. § 282. 2° L'adjectif et le déterminatif suivent le nom dans l'ordre nom, qualificatif, déterminatif. Par exemple fani n'u-ma ni ce beau pagne ka-male koro ni ce jeune homme circoncis. § 283. 3° Le nom de nombre suit celui de la chose nombrée su saba trois chevaux; mogo mugâ ni ta sonnes sagi woro: six paniers. trente per- 284. Lorsque le nom est suivi d'un nombre, d'un qualificatif et d'un déterminatif, l'ordre est celui de la présente énumération. Ainsi misi kono-ma ni saba, ces trois vaches pleines. § Position des divers éléments dans la phrase 285. 1° Conjonction régissant la proposition 2° Complément circonstanciel ou adverbe; 3° sujet; 4° préfixe ou auxiliaire de conjugaison; 5° complément direct du verbe si la proposition est transitive 6* radical ou dérivé verbal 7° complément indirect du verbe 8° adverbe déterminant la proposition. § CHAPITRE IX Les Monnaies. Les Mesures. La Numération et les Nombres. Formules d'Etiquette. Le Calendrier les Jours les Heures. La Nttmération L'examen du tableau qui suit montre que la numération manding est quinaire pour la première dizaine; c'est un trait commun avec un grand nombre de langues négro-africaines. § 2<<6. § 287. Il est permis de penser que les nombres 6, 7, 8 et 9 s'énonçaient autrefois 5+1;5+2;5+3, etc. â8S. On trouve, en effet, tco 5 dans plusieurs parlers de ce groupe, notamment en mende, qui donne § wo-t~a: 6 (5 +1); Hw-/e/a: 7 (5 +2); K/o-yag~a: 8, (5 + 3) de même, en loko, Mgo-AKo 5 + 1; M~o'/e~a 5 + 2 M~o-~a~a 5 + 3. 2S9. La syllabe ro, do, <b, du a la signification de 1 en dyula, en manon, en mwi, en kweni. Le terme wo-ro en manding peut donc s'expliquer § par 5+1. 290. Le chiffre 7 est évidemment 6 bis (woro- fia), c'est un mot qui en remplace un autre qu'il est interdit de prononcer en raison de l'emploi fréquent de 7 en magie. § § 29t. 8 est probablement le reste d'une ancienne expression 5 + dont le premier terme aurait disparu ne laissant subsister qu'un 3 de forme archaïque ana- Les Nombres B 1. kele 2. f ula, fla 3. saba 4. naani 5. duru, dulu 6. woro M)ofomft!a wolongla 8. seegi 9. kononto 10. ta 11. M-7tt-M<; 12. ~d-nt-a 15. <a-nt-du!u 19. <d-nt-A<Mton<o 20. mu~d ni-saba 23. -naani 24. 30. mu~a-nt~ 40. debe D kere, kele MN M ~t~t MO kili Ma A /u~a sa&~a naani l fila, /t7'a sawa, saH'a naani luuri /u~ /H~a saba saba naani luulu naani lulu woro [Morom~a woro woro M'oyo s'eegi konondo M, ta <d-n!-Me seegi kononto M, Ma~t kononto secy Ao~H~/u tâ-ni-kili tà-ni-jula lâ-ni-kili MA-At/u; keme-woro keme-woro kemme-woro keme-seegi keme-saagi ~emme-see~ M-nt-cf tforoMU~a worongla lulu K~ofom~u/a ?? M-nt-/H/a MM-7![-/u~a M-ftt'/urt M)!f-/H/H <a-M-Mu M-nt-/u/u tâ-ni-konondo tâ-ni-kononto M-t-Aonon<o Mn~f~onunfu mu~a mu~a mu~a mnaK -m-sa6~ – -nL-sawa -ni-saba -ni-saba -ni-naani /nuan-naaf!: – -nt-naant -ni-naani M-sata tâ-saba <aA-sa<'&a mu~a-M M-naa/u moro-/t~a MA-~a~tt <a-c;a~t mu~a-/H<ï mo~o-/T/<t<a tâ-lulu M-Mu Mtt-~t/u 50. de&E-nt-~d MM-moro 60. ynant-M~evne moro-sat~a M-Hwro M-~OFO <d-H/oro/n~H~<! 70. mani-nkeme- mo/'o-sotM-nt- M-H)oroMU~a tâ-worongla ni-tâ tâ 80. keme tâ-saagi tà-seey moto naani M-se~t M-~onu/u moro-nt-M tà-kononto <d-Aonon<o 90. ~ne-nt-~a Aemme 100. Aeme-nt-muya keme, k'eme keme keme Ae/nMë-nt-M~ keme-ni-tâ keme-ni-tâ 110. ma~tt-M~eme- Aerne-nt-M nt-de&e-nt-M A'e/nnïe-/u/a keme-fula ~me-/u~a 200. ~7ne-/H~<7! kerne-fila <~e66 600. m<UH-M~me- keme-woro woro keme-s'eegi 800. ba kele 1000. 6a-m-A~nM-6[ wuru, ba wulu, ba H~u wulli logue à ceux qui sont demeurés en susu (sakka;) en vaï (sakpa) en sarakollé (~tJMfo) en bozo (sike). § 293~ 9 est comme 7, un chiffre d'un usage constant en magie, c'est pourquoi il est remplacé, en manding, par un autre terme kono-nto, qui peut s'expliquer de deux façons, Il est ou bien le participe présent du verbe kono, attendre, et signifie alors: en attendant; ou bien, c'est un mot composé de kono, ventre, et de <o, loi, règle il fait alors allusion à la durée de la grossesse. § S*Mt. Dans certains dialectes, comme le bambara et le dyula, le nombre 9, même sous sa forme de kono-n-to, sans être interdit, est en général évité. Au lieu de dire, par exemple 19, 29, 39, etc., on emploiera une périphrase 20 1, 30 1, 40 1, qui se forme avec le verbe <f e, manquer. Ainsi 19 = 20 1 mugà, kele ~A-a-d'e. § 294. La suite des nombres de 10 à 20 se constitue en ajoutant les 10 premières unités à la dizaine. On aura – 42= donc: 10 -i 1 = 11 10 12, etc. § 295. 20 s'exprime par un terme spécial mupa, mH/!a, fnHM qui paraît correspondre à une très ancienne racine négro-africaine. On peut aussi le rendre par: 10 x 2 = M-/H~o, etc. § SOS. On peut ensuite compter par vingtaines (30 mudâ-ni-tâ), ou bien, en pays malinké, par dizaines qui sont exprimées tantôt par M, tantôt par bi (40: M-nont ou bi-nâni). § S9T. La suite des autres nombres ne souléve de dimculté qu'à propos de 40 et de 100. Le premier s'exprime, comme il a été dit, par 10 x 4 et aussi par 20 x 2: mu~a-~a ou bien par 2 hommes n!oro-a soit quarante doigts ou orteils; ou bien encore le terme debe, natte sur laquelle couche le mari avec sa femme, totalisant aussi quarante doigts ou orteils. § 298. La centaine est variable chez les Manding. Autrefois et jusqu'au début de ce siècle, le mot keme, qui l'exprimait, correspondait à 60 chez certains grou- pements malinké païens, à 80 chez les Bambara, à 100 chez les islamisés en général. § 29&. Pour distinguer entre eux ces divers keme, on emploie des expressions particulières quiles désignent suivant les régions. Ainsi mont-~eme ou keme, du pays de Mané ou Mandé équivaut à 60. Chez les Bambara, keme tout seul, ou mieux bamanakeme, le 100 des Bambara, correspond à 80. Chez les musulmans, keme, ou de préférence silamiya-keme, le keme de l'islamisme, vaut 100. § 3CO. La circulation et l'extension du commerce qui en résulte contribuent à supprimer ces différences sur les grands marchés et dans les pays fréquentés par les musulmans où le keme, de l'Islam tend de plus en plus à remplacer les autres. Il n'en demeure pas moins utile de connaître ces différentes valeurs et de les préciser avec soin dans certaines contrées éloignées, puisque le calcul du keme varie. Ainsi 3 keme dans les villages éloignés du cercle de Beyia = 180. 3 keme dans les villages éloignés du cercle de Ségou = 3240. 300. keme chez les musulmans = Les opérations mathématiques 301. Les Manding connaissent tous l'addition, la soustraction, la multiplication ils ont, de plus, certaines idées sur la division et les tractions. § 302. Comme beaucoup d'autres peuples du Soudan Occidental, ils pratiquent l'addition par 5, puis par 10. Il est facile d'observer leur procédé lorsqu'ils comptent des cauris, petites coquilles blanches originaires de l'Océan Indien et servant encore de monnaie dans certains endroits. L'opération se réalise par terre, sur une surface plane où le tas de cauris a été déposé. Ceux qui les dénombrent prennent d'abord 5 coquilles, puis § lorsque 10 5 autres et les groupent en un tas de 10 tas de 10 ont été formés, on les réunit en un tas de 100 et 10 tas de 100 donneront un tas de 1000. S'il s'agit de mani-nkerne ou de bamana-nkeme, les tas à base de 5 et 10 se feront par 60 ou 80. En pareil cas, l'ensemble des 10 tas sera de 600 ou de 800 unités. § Ses. Un tas de 1000, 800 ou 600 cauris est appelé keme-ba, un grand keme; toutefois, ce terme n'est employé que lorsqu'il est nécessaire de préciser, dans le langage courant, on dit simplement un ba: un grand (sous-entendu keme). Ba a pour synonyme wuru, tputu et wulli. 304. L'addition par dix est également pratiquée au moyen de cailloux, de noyaux, de fruits ou de bâtonnets dont chacun représente une dizaine. § 305. La soustraction s'opère généralement en partant de la dizaine. Un exemple a été cité au § 293 19 = 20 1. On peut employer deux tournures pour ce calcul en usant de deux termes équivalents: (f'e et § /a. Par exemple 47 = 50 70 = 80 3 deM-M saba Aa-d'e. 10: keme <a n'a. muttiplicatMn ne porte pas, d'habitude, sur des nombres élevés on emploiera, pour la faire § !KM!. La les mots sen'a, sen'e, M sin, se, se et aussi ko, Awo, M ku. 2 x 3 = 6: /u~ sin'a saba ma-Ae woro ye (deux trois fois font 6 ou bien /uZa ko saba ma-ke woro-ye. On peut aussi rendre la multiplication en se servant du terme n'oro, B n'H'a, signifiant pareil ou équivalent. Ainsi /oro /u~ le double n'oro naani le quadruple. § 307. La division est moins connue que les opéra- tions précédentes; elle se réalise par le moyen d'un partage matériel du tout à diviser. § SOS. H s'agit donc surtout de fraetions simples désignées par le terme tara, <a~a, fla, B kla partager. On y ajoute parfois le mot t'e avec le sens de « milieu et « entre », ce qui donne <!a-nfe, exprimant une « moitié)'. Une part ou un élément fractionnaire se dira <!a~oro kele. 309. La fraction s'exprimera au moyen de tara, tala, tla auquel on ajoutera un adjectif numéral ordinal. § Par exemple la moitié tala xa&a-na le tiers tala naant-na: le quart; tala lulu-na le cinquième, etc. tala /H~a-aa Nombres ordinaux 318. Comme l'indiquent les exemples ci-dessus, pour former un nombre ordinal) il sumt d'ajouter au cardinal le suffixe na, quelquefois nâ, sauf pour rendre les termes « premier », lolo, et « der nier », kosa, /m~a, cette expression permettant de rendre également avant-dernier, Ao~a dame, mi no M (dernier placé, « celui) nasalisation de mi reportée sur o (ce dernier sur). De 2 à 10, on aura donc tula-na, fila-na, fia-na: 2** sa6a-na, satoa-na 3e § naani-na 4e, etc. A partir de 11, le suffixe est rejeté à la fin du dernier terme du nombre. Ainsi trente-cinquième ntH~a-~t-M-m-Mu-no. Nombres distributifs § 3H. La distribution se marque par la répétition du nombre cardinal. Ainsi: un par un deux par deux kele AMe /~a-/u~<! saba-saba trois par trois quatre par quatre naani-naani la-ntà dix-par dix vingt par vingt mu~-mM~a § 3t3. La répétition du nombre exprimera encore la part qui doit revenir à chaque personne d'une catégorie. Par exemple lama ~a!'(Wtsa&a di dont ta-la-u ma donne trois francs à chaque porteur. Enfin, par le même procédé, on indique le prix fixé des objets pour chaque catégorie u bè-sà M~cnfa~a ils sont vendus 0 fr. 50 pièce. LES MONNAIES § 313, Les moyens d'échange du Soudan Occidental ont d'abord été les férèates et produits vivMeas, les bandes de coton valant 2 fr. 50 les 7 m. 50 ou fama le salpê!t*e, sege; puis le sel, l'of, les canu'is et les monnaies emepéennes. Les céréales, le mil et le riz, en particulier, servent encore d'étalons dans certaines contrées assez évoluées. § 314. Le sel (&o~o, M koko, B A'!pa) a alimenté pendant des siècles un important commerce dont les ramifications s'étendaient dans toute l'Afrique de l'Ouest. § 315. Quant à 1'<M' (saani, saanu, seeni), il a puissamment contribué à établir, à maintenir et à intensifier les relations qui s'établirent depuis une époque très reculée entre le pays des Noirs et le monde méditerranéen. § SIS. Les canris ont été introduits dans le continent par les marchands arabes et indous qui trafiquaient dans l'Est. Plus tard, ils furent répandus à partir du xve siècle dans tous les ports de la côte occidentale par des navires européens qui visitaient ces parages et auxquels les cauris servaient de lest. Les Manding le nomment kolo, kolô; B kolo, klo; D A.)b, Aara M &o<o, ~u, kulu M N A~u, kuru M 0 kodo M. S kodo, Ao~o. Ce terme indique un objet dur, os, agrafe, bouton, noyau de fruit et, par analogie, les coquillages en ques- tion. La manière de compter ceux-ci change suivant les contrées. Le seul terme qui soit compris à peu près partout est sira Me ou silo kele il a été répandu par les Dyula et correspond à 200 cauris. § M7. La valeur de ces coquiUages varie dans l'es- pace et le temps; elle est cotée sur les marchés africains au moins depuis le début du xvt'* siècle. Léon l'Africain indique, à cette époque, que 400 cauris s'échangeaient contre 4 gr. 50 d'or. § 318. Aujourd'hui, cette monnaie disparaît de plus en plus, étant remplacée par des pièces ou des billets européens. H faut distinguer la manière de calculer et d'énoncer les sommes selon qu'elles sont inférieures ou supérieures à 5 francs. § 319. Dans le premier cas, on disposera des valeurs suivantes 5 francs (pièce ou billet) d~~me (drachme, dirhem), dc~H-st, dal-si, dara-si, daf-sï (graine de métal), wari-ba (grande pièce d'argent). 2 francs dubale, du6(d~ 1 franc lâmba, lamba, lama. 0 fr. 50 tânka, MAa, tâga (tanka oriental). 0 fr. 25 ptM/tt 0 fr. 10 koporo (copper angl.). 0 fr. 05 su. § 3SO. Soit à exprimer avec ces éléments une valeur de 7 fr. 95 on décomposera cette somme ainsi 5 fr. +2 fr. + 0 fr. 50 +0 fr. 25+2 koporo, soit (brame kele, ni dubali, ni tanka, ni pikini, ni Aoporo /uhï On pourra également dire lama se~[ su kele M~a-tTc huit francs manque un sou. Ou encore eb/~me ni lama saba su kele nka d'eE (5 fr. + 3 fr. 1 sou). SS1. Au-dessus de cinq francs, on compte par unités de 5 francs 100 francs étant représentés par 20 pièces ou billets. Dans ces conditions une somme de 238 francs § s'exprimera ainsi darame (ou dala-si, ou wart-~o) debe ni woromvla ni ~rma saba ( (5 x 47) + 3 fr.). Par contre, 25 fr. se dira dala-si lulu. § 333. Lorsqu'il s'agit de sommes élevées, les Dyula emploient volontiers les termes ci-après, empruntés à l'ancien décompte des cauris: toko = 20 pièces de 5 fr. ou 100 fr. sira = 200 pièces de 5 fr. ou 1000 fr. On aura alors 3210 fr. sira saba, ni toko f ula, ni wari-ba /Mfa. Mais, dans la pratique, commerçants et chefs appelés à manier de grosses sommes comptent simplement en français. POIDS ET MESURES Poids § 323. Le commerce de l'or a favorisé l'adoption dans les grands marchés comme Tombouctou et Djenné des poids arabes destinés à peser les métaux et spécialement les métaux précieux. Dans ces deux villes, il existait des poids étalons, conservés par le Conseil des Notables, et qui servaient aussi bien pour les contestations que pour les vérifications périodiques. § 324. Ce système assez complet permettait des pesées échelonnées entre 0,025 et 167 gr. 5. Il ne s'est guère étendu dans le pays mandingue dont les habitants, en dehors de quelques spécialistes, connaissaient seulement L'once, H~M~a, de 32 à 36 gr. Le manna (mann indien) ou &an-/trt, de 16 à 18 gr. Le muttakale ou mutukale (mithqâl) de 4 gr. à 4 gr. 50. Le tali-kise ou 1/2 mutukale, de 2 gr. à 2 gr. 25. § 325. Aujourd'hui, ces poids sont abandonnés de plus en plus presque partout, les trafiquants d'or et d'argent usent de balances et de poids européens. Certains termes anciens sont encore en usage, mais leur valeur a été rectifiée. Ainsi le bari-firi, qui oscillait entre 16 et 18 gr. de métal, correspond désormais à 20 gr. Il est à prévoir que, dans une génération ou deux, aucun de ces termes ne subsistera. § 3SC. L'extension du commerce et de la production a eu un effet analogue sur les autres unités de poids Il est d'ailleurs naturel que l'indigène opérant désormais ses transactions habitelles au moyen de bascules, de kilos et de grammes existant dans tous les villages, abandonne un système imprécis et variable pour adopter celui que lui impose le commerce avec les Européen. et assimilés. Mesures de capacité 327. Les mesures de capacité pour les grains qui sont utilisées sur les marchés éloignés, ont gardé, pour la plupart, les noms anciens, empruntés à l'arabe. Elles sont représentées par des paniers, des calebasses, des plats en bois et des récipients divers dans beaucoup d'endroits, le quart militaire européen est devenu une mesure appréciée. Les plus répandues actuellement sont &ofo-~a une poignée &oh)-~a-/a: contenu des deux mains jointes; nt~t/e (ar. nt/Aa) mesure de 5 poignées à l'origine mure ou mura-<<~a: la demi-mesure de 1 kg. 500 à § 2 kg. 500 mure, mule, mude (ar. mudd) mesure de 3 à 5 kg. mure-ba grande mesure de 6 à 10 kilogs. Toutes ces mesures sont essentiellement variables les tentatives faites par quelques souverains en vue de les uniformiser n'ont donné aucun résultat durable. Elles sont appelées à disparaître, comme les poids, devant les mesures européennes. Mesures de longueur 33S. Les mesures de longueur usitées autrefois pour les tissus étaient le lama, équivalant à une bande de coton de 7 m. 50 le para-n'e ou enjambée la coudée nôko-n'a, nôko-n'e; parfois, no~o-n'a ni kari, la coudée plus la moitié des doigts; et enfin la mesure bolo-koni-n'a, correspondant à quatre travers de doigt. Ces termes et moyens de mesure ne sont plus guère utilisés que dans les villages peu fréquentés et spécia§ lement pour évaluer la longueur des bandes d'étoffe fabriquées par les tisserands indigènes. § 329. Pour les tissus européens, on se sert du mètre, metere, et d'un demi-métré formé d'une baguette, kala, de 0 m. 50. Il n'y a pas d'unité de mesure pour les terrains on évalue les distances au pied, se-,nn'a, ou au pas § S~tO. se-mj~a-n'a. § S31. Aucune manière précise de calculer les étapes n'est connue des Manding. Il faut se garder d'accorder foi aux déclarations des anciens tirailleurs qui prétendent compter par pauses horaires, posi, théoriquement évaluées à 4 km. 500. L'ANNÉE AGRICOLE Le calendrier saisonnier 3S2. Toutes les populations agricoles du Soudan occidental et central ont l'habitude d'observer les phénomènes météorologiques dont la succession règle leurs activités. Un certain nombre de vieillards dans chaque groupe est chargé de surveiller, dans le ciel, l'apparition des Pléiades, qui indique la venue prochaine des premières pluies et la nécessité de préparer le sol pour recevoir les semences. Les Manding ont identifié et dénommé depuis longtemps l'année, qu'ils désignent par le retour des averses du printemps, sa-nd'i; ils ont également détaillé les saisons et réservé à chacune d'elle une appellation spéciale /oo-jt6ne saison froide (novembre à février). <tH-jna, B Me-ma saison chaude (mars à mai). sa-ma, sa-ma-n'a, B sa-mi-n'a: saison des pluies (juin à octobre). kâ-ule ciel rouge, période intermédiaire (novembre). § 3S3. En dehors de ces désignations particulières pour les saisons, les Manding emploient encore des termes spéciaux pour chaque mois. Ces termes sont de deux § sortes. H y a, d'abord, les dénominations arabes correspondant à des lunaisons, ce sont les mieux connues; elles ont donné à penser que les agriculteurs de cette partie du Soudan calculaient par mois lunaires. § 384. Mais s'il en était ainsi, l'année manding, composée de 12 lunaisons de 29 jours et demi, compterait seulement 354 jours et ses mois ne correspondraient qu'exceptionnellement aux périodes de l'année solaire. De ce fait, les fêtes religieuses et les travaux inscrits au calendrier saisonnier n'auraient aucune régularité et ne s'effectueraient pas aux époques où ils s'affirment nécessaires. 335. Les Manding ont remédié à cet inconvénient en observant les solstices et en faisant invariablement commencer leur année agricole avec la première lunaison qui suit le solstice d'hiver. Ils ont obtenu, de cette façon, douze mois qui tirent leurs noms des fêtes ou événements saisonniers. Ce sont, mis en correspondance théorique avec les mois musulmans § TEMtES EMHHJNT~E A L'ARABE 1. moharamu (mo- Aorrem). TEMtES MANDINGUES d'o-m&enc!e, d'o-mntMe (rassem- blement, capture des esclaves pour le sacrifice humain saisonnier) 2. sataru (~a/af). 3. ra6mhMa!tt (ler rett'). 4. rabiulahiru 2' reM'). muso-koro (contact. de la femme). do-mba-ma-kono (attente du grand jour) t' e-koro (contact du mâle, à cause des liba- tions, pour provoquerla chute de la pluie). do-mba (le grand jour, la fête inaugurale des premiers travaux agricoles). la-siri-gale, ~a-Stn-/o/o (début de la grossesse); d'tM-n!ï-~c~ (début de l'enfantement). 5. d'omadulawalu (1~ d/omada). 6. d'omadulahiru (2e d~omaaa) 7. rad'aba (fea;e&). 8. saa~ana (cAa' t'en), 9. ramaMna (ramadan). 10. satuaH (cAaouaQ. 11. d'ulkadati (zoulqa' da). 12. d'ulhigati (zoulhidia). la-siri-t'e-ma-ni'e (milieu de la grossesse); d'tM-nt'/ana, repas de l'enfantement (repas offert aux travailleurs à l'occasion du nettoyage des champs). !a-stft-~a-M (un de l'enfantea'tM-nt-~a-M, même ment) sens. Aa-mu-do (jour de pluie, c'està-dire fête des grandes pluies), sise-kili-t'e-kalo (mois du sacrifice des œufs pour obtenir la continuation des pluies). ~a-M (fin du sarclage); sa-Mla-gale (début de la fin du sarclage). su-nkalo (mois du jeûne, de la soudure en attendant la récolte). mi-nkalo (mois des libations ou des offrandes faites avec les prémices). do-nt'i-ma-kono (attente du battage des grains). ao-n<'t (battage des grains. 336. Les Manding, comptant leur année agricole à partir de la première lunaison suivant le solstice d'hiver et se servant de mois lunaires à 29 jours 1/2, se trouvent donc en retard de 11 jours au moment ou recommence leur année. Pour remédier à cet inconvénient, ils ont alternativement des années de douze et de treize lunaisons. Dans ce dernier cas, ils intercalent un 13e mois entre le 3e mois d'hiver et le 1<~ mois de printemps. Ce mois supplémentaire est appelé do-mba-karo-ko ou simplement koro-ko, la suite du grand jour. Ce procédé a pour but de permettre la concordance des appellations avec le printemps (~a'&tn), qui doit toujours commencer durant notre mois d'avril. § Le Mois § 337. Les Manding, comme beaucoup de peuples africains, emploient le même terme pour le mois et pour la lune kalo, D kaari, M kaalu, kaaru, M 0 karo. Ils savent distinguer et dénommer les phases et les aspects de la lune Lever de la lune A'a~oCoucher de la lune kalo-bi. Pleine lune Ac~o-aa-/a-ra, A'c~o-Mt-i'e-~e. Croissance de la lune kalo-bo-n'a. Décroissance de la lune Mo-aoro-ua. Absence de la lune kalo-sa. Nouvelle lune kalo-kura, M karu-kuta. Claire de lune kalo-gbe, M A'aru-~e. La Semaine § 338. La semaine est l'intervalle qui s'écoule entre deux marchés, comme l'indique son nom: ~oro-~M, B thpa-~u (tête du marché), ou ~ofo-Au-m~e, dM'a-Au'/n~e (rencontre de la tête du marché). § 339. II est vraisemblable que dans les diverses régions habitées par les Manding, comme dans les autres, la longueur de la semaine a varié de 3 à 7 ou 8 jours suivant le nombre des marchés voisins qui se succédaient avant de revenir au point de départ. Il ne reste plus trace de ces anciennes semaines qui ont fait place à un espace de temps uniforme de 7 jours auxquels on a donné des noms empruntés à l'arabe Dimanche: alaadi, faAadt, quelquefois kari, keri. Lundi tene, tene. Mardi: talaala. Mercredis araba, waraba, laraba. Jeudi alaamisa, Zacm~a. ard'uma, ald'uma, ged'uma, wod'uma. Vendredi Jour tile, tele § 340. Deux termes expriment le jour B tle ou Me, D tere, M <tM, M 0 tilo, qui est le nom du soleil; et lô, d6, M lu et do, qui est plutôt destiné à marquer une date. do d'urne quel jour ? <enc-d<! le jour de lundi. Le premier servira plutôt pour les décomptes Combien de jours aujourd'hui tile d'eH bi. On emploiera dans le même sens da ou la, signifiant un coucher ou une étape. Les Heures de la Journée kene-bo-nda (début, da, de la sortie § 341. Aurore de la lumière), dugu-d'e-nda (début de la terre blanche), dugu-d' e-le (terre blanche), dH~tMnana-d' (même sens), ni dugu d'e-ra (même sens); en M, ce au lieu de d's; en dyula, gbe. Lever du soleil soleil B tle, Me D fere M tile, tili. Tile 63 tuma (moment où le soleil sort), tileba-nda (moment où le disque solaire commence à croître). Matim, matinée sogo-ma. Le matin de bonne heure so~o-ma d'ona. 7 à 8 heures mtst-fa-u-ma (moment de faire sortir les vaches). tile gâ-tu-ma (moment où le soleil 9 à 10 heures chauffe). Midi tile sc-~u <tFe se-nku-nt'e (soleil arrive sur la tête). 14 heures sali-fana (repas de la prière). Après-midi u~a-/e, ula-da-la. 17 à 18 heures !ag'asara-<u-ma (heure de la prière musulmane de l'après-midi). Coucher du soleil: tile-bi-ntu-ma. Crépuscule /M!rt-<u~ma. Début de la nuit: su-ra-fana-tu-ma (moment du souper), su-su-ma. 22 heures saa/o. Minuit dH~M-ffa-~a. 3 ou 4 hemfes M duntu-kasi-tu-ma (moment où le coq chante.) Lever de la ImM kalo-t'i-tu-ma. L'ÉTIQUETTE § 342. Les Manding, comme presque tous les Noirs de l'Afrique, attachent une grande importance aux formules d'étiquette imposées par le savoir-vivre. I! a été indiqué, page 105 et s., que la société comporte des chefs et les représentants d'un certain nombre de métiers et de classes d'âges auxquels il faut attribuer les titres et appellations convenables. § 343. S'il s'agit de chefs politiques ou territoriaux, on les saluera du nom de d'amana-tigi ou d'amani-tigi, chef de province ou même de région. Au Soudan, le Gouverneur est souvent qualifié ainsi. Au-dessous, viendra le chef de canton; puis, le dugu-figi, chef de village le sokala-tigi, chef de quartier le lu ou dH-ftat ou gba-ligi, chef de famille. § 344. Parmi les notables, on peut citer le Aafa-m~ ou kara m3<p, l'homme qui sait lire, le savant et aussi le chasseur initié, connaissant les secrets et considéré, à ce titre, comme un maître. § 345. II est habituel de désigner les gens de métier par leur nom de caste d'eli-l'e, d'eli-muso, griot, griote gara-nl'e, cordonnier, bourrelier; gala-do-na, teinturière ot/e~-aa-ht tisserand numu-muso, forgeronne, etc. 34@. L'homme bien élevé, chez les Manding, appellera les personnes d'âge mûr: fe-m.)f3 ou ba-muso, suivant te sexe; les vieillards: fe-m~a ou muso-ba. II traitera ceux de sa génération de frère ainé ou cadet, de sœur ainée ou cadette A~ra ou aoro les individus beaucoup plus jeunes que lui seront ses enfants: de. Aa/o- § 347. Mais, le plus souvent, on emploiera les termes fa ou ba, père ou mère, qui désignent d'habitude un chef de famille et, par extension, une personne respectable. S'il y a interpellation directe, on dira simplement m ta ou m ba; mais, dans la plupart des cas, on ajoutera le nom de celui à qui l'on parle ou de qui l'on parle, afin de lui témoigner de la déférence m la Musa, SaFn&a Nfî; mon père Moussa, Samba, Nt'i; m &a N'efe ma mère Nyélé. § 348. Enfin, la politesse exige que deux Manding qui se rencontrent après une absence prononcent à diverses reprises leurs noms de famille réciproques. Le premier appartenant à la famille des Kulubali appellera l'autre Taraore, par exemple, et celui-ci répondra Kulubali. Salutations salutations sont aussi importantes à connaître que les appellations de rang, classe ou caste. Elles commencent toutes par un vocatif le pronom de la 2'* personne du singulier ou du pluriel i, e ou a, suivi de ni conjonction et du nom se référant au moment où elles sont prononcées. Ainsi, dans la journée, on dira successivement so~onMt toi, vous et le matin. i ni ~e ;le: toi, vous et le jour. ou ou vous et le soir. a ni n su toi, vous et la nuit. mba, abréviation de l'arabe On répond à cela 7n<!f~a6&a, et l'on répète la formule mba i ni so~onM. Cette formule, modifiée suivant les circonstances,s'emploie dans beaucoup de cas. On aura, par exempte Ar' e toi et le travail (encouragement ou remerciement pour un service rendu ou une satisfaction accordée). i ni l se/te toi et la culture (s'adresse aux travailleurs dans un champ). ou t AoM~o toi et la brousse (chasseurs et cultivateurs qui partent ou rentrent). a ni r segs toi et la fatigue (voyageurs ou travailleurs malades). § 349. Les formules de § 350. Après avoir prononcé l'une de ces formules et lorsqu'il y aura été répondu, on continuera ainsi en disant le matin: kori hera si-ra ? ou kori i si-ra Aera-~a ? As-tu reposé dans la paix ? ou hera-la ? e si-ra ou St-~oro ko L'affaire du repos. ? On répondra Toto ma-ke ou bien Toro le (il n'y a pas eu de mat) ou bien F(oo) i sago (sauf ta volonté), c'est-à-dire j'ai passé une bonne nuit, mais peut-être pas comme tu aurais voulu. L'interpellateur prononce alors une formule de bénédiction empruntée à l'arabe el hamdu lillay, louange à Dieu ou bien, il dit a mbi Alla ~antt, nous glorifions Dieu. Si la salutation intervient de 10 heures du matin à 18 heures, on remplace le terme si par tili, tile, tele, kle kori Aéra tele-na? et l'on continue comme précédemment. § 351. On demande ensuite des nouvelles de la personne rencontrée, de ses parents, de ses voisins, de ses amis: D. ~ïbr! (i) ka-kene ? Comment vas-tu ? ou R~t't hera &c ? Y a-t-il la paix ? R. T– Toro <e <oro-st n(e) na, il n'y a pas de mal il n'y a aucun mal en moi. D. .~o-m-M Aa-Aene, les gens de la maison vont-ils bien ? Toro te <oro ~(e) u-la, il n'y a pas de mal, il n'y R. a pas de mal sur eux. D. – 7 /a (ba ,muac, de) ka-kene ? Ton père (ta mère, ta fèmme, ton enfant) va-t-il bien ? R. Toro te, il n'y a pas de mal. D. – Sigi n'oro ka-kene ? les voisins (habitant ensemble) vont-ils bien ? roro-~e, il n'y a pas de mal. R. Puis, on échange les nouvelles D. Mu nke-ra bi ? qu'est-il arrivé aujourd'hui ?2 R. Foy ma-te Aéra ko, rien n'est arrivé sauf la paix. On dit alors hamdu HMay. ou encore a mbi Alla tanû. § 35S. En se quittant, la formule habituelle est k(a) an soni, à bientôt. § 353. A la tombée du jour et la nuit, elle est toujours ¡ k(a) an si, que nous passions (bien) la nuit suivie des vœux tels que D. Ka dugu n'u-ma <fe, qu'une heureuse aurore blanchisse (pour nous). R. Amina. D. Ka /a<f!n dt-o, que l'aurore nous soit propice. R. ~nttna. D. – ~(a) an kele-nkele n~Hnu, que (Dieu) réveille chacun (un par un ). § 354. D'autres formules sont encore employées quand on part en voyage D. 1 ka se ni n'H-rnS ye reviens avec le bien 1 R. .4m!/M. D. Ka sira dt-</a que la route te soit agréable. ~ImMa. R. § 355. Des personnes qui se rencontrent se disent 1 ni se ou i ni l'e, toi et l'arrivée, toi et le travail. 1 ni n'a, toi et (ce qui est) devant. 1 ni ko, toi et (ce qui est) derrière. I ni /an!a toi et l'absence. Puis, elles se demandent des nouvelles du pays d'où – = vient le voyageur: Segu-ka-u ka-kene ? les gens de Ségou vont-ils bien ?2 D'a-tigi-u ka-kene ? les hôtes vont-ils bien ? .So-~Mfa-u ka-kene ? les gens de chez toi vont-ils bien ? A quoi il est répondu comme au § 354. § 356. Avant de se quitter, on prie de transmettre des salutations aux absents 1 na ~o-m~-u /o ) tu salueras les gens de chez toi. U na me i!s entendront (ton salut). 357. L'étiquette commande aussi de prononcer certaines paroles à l'occasion du mariage, de la naissance et de la mort. Par exemple Alla ma te-ra /urH tunanat ye, que Dieu fasse votre mariage heureux. Ka te /Ufu barka-ma ye, qu'il en fasse un mariage § béni. Ka naja &.) au-yere <a, que l'utilité sorte de vous. A la naissance d'un enfant, on souhaite à la mère Alla dâ k(a) ~o dca i ~e, que Dieu t'accorde de calmer les douleurs de ton dos. Au père Alla ma ~e-ra i ge nata /e t/e que Dieu fasse (de ton enfant) quelque chose d'utile pour toi. Après un décès, les islamisés disentt Alla ma hinena a ma que Dieu ait pité de lui. § 358. Enfin, dans la conversation en général, il est fait un grand usage de vœux d'étiquette comme Alla ma hera Ae-f(a) ye, que Dieu te donne la paix ou le bonheur. Alla m(a) i kisi-ra bone ma, que Dieu te protège contre le mal. Alla m(a) i so-nna St-fa, que Dieu te consente une postérité. CHAPITRE X Dialecte Malinké de la Guinée Française Textes de Comparaison. Dialecte Bambara de Sé~ou Le Le jeune garçon et le caïman. jeune {farçon et le caïman. – Dialecte Malinké de la région de Kita Dialecte Malinké de KonLa récompense d'une bonne action. Dialecte D'ula du Djirousse La bonne action et l'ingratitude. mini et de Kong à la C&te dïvotre Le siège de Kong. MateCte Malinké de l'Ouest (Gambie): Le coq et les chacals. Dialecte parlé par tes Marka ou Dafing dans la région de Dédougou. Dialecte Malinké de la Guinée Française f) Bamba, t'e-nîn N! sôsâ Bamba ~ef-n!K\ Ba /a-fa. Bamba ~e~E-fa* ba-da-la D'i a <a~a-<< ka <aya, ka taga, ka ~a~a /oo ula sa~f-fa' 6a kono, ka bamba tu' g'ers-~o*. T'e-~fM na-<a' k(a) a sofo pe. A ko Sam~a-~ « 1 be mu-nna ya ? N(e) !;(e) d le ka tala t-/c &a kono, bari. » Bamba ko a-~e: [< N(t) i <<<ya-~a~ m /e, m be na /e m&eB-fo° keme d(i) i-la ». T'e-~t mAo: « Oo! ». A < /H /ara, k(a) a sM', ka <a~a n(i) a f!' /oo ba-la. T"B-m ~&o a-ye K N(e) k(a) i bil a sa~a ? ». '< ~d ~a~a m /c too d'i k(a) [ m[<a' kimri-la ». T'e-n! AAo Oo ». A fa~a-~ a-te jfoo d't of m[~ At/nrt-~a <a~a m-te, a ko a-ye « N(e) k(a) i bila sasâ ? ». « /oo d'i k(a) i tntta' i ~(t-nna". T'e-nt Ao « Oo". taga-ta, a-/e /oo d'i a mt/a' a ka-nna; a ko <' N(e) k(a) 1 bila sasâ ? ». « Oo, m bila )). A tie a bila; fe-nt Ao « M &ea tala ?. A ko a ~e « Aa 1 Kakala tili Id-ni-lulu m /e~e M~o-~o*, m ma dumu-ni-ke, m ma d'i mi, i ka « m &6 ~a~< Ao i te tala, /oo n(e) k(a) i dumu T'e-nf nko d' <' 1 a f(o) t-ye, a <u* an ka seea<' so~o' ». Bamba Ao: « Oo ». Fali natal, fali koro-ba. T'c-m ~Ao: « Ey ~a~ jK~u* n'u-fna, mu mbe a sard ? x. « Bone le b(e) a sara ». T'e-ni M&o « A mu-~t-a-~o i <(t)' o /o ? n. « MuM<t-a-<o n(e) t(i) o ~o ? N(e) ~u-mte n(e)-tigi-fe tuma min, a tu-mbe taga d'amaani tee-~o*, ka doni la n(e) Ao-<o*; n'e tala ula &ec-<o* ka d'6 d(t) a-ma ka sanu d(t) a-/ne, ka t~ort d(t) a-ma sasâ n(e) Ao~o-~a', a <(t)'e m bila, m ~e 60~ n'ini n(e)-~ere-~ ». Bamba du M&o fe-nt-t/e « A 6s di ? N(e) k(a) i dumu sasa ? » T'e-~t M~o a-~e: « A6, i tus seede* ka da-/a /u~a la ». Bamb a « N(e) ~(t)" A'o « Oo ». Su na~a*. T'e-nt M~o « A ku n'u-mcf mu mbe a sara ? ». Su ko a-e « Bone le b(e) a sara ». T' e-ni ko a-yc « Su mu-nti-a-to i t(i) o /o ? » Su ko a-ye Mu-nti-a-to « n(e) t(i) o /o ? Fama-o-fama mt-n~u ye duna-<o*, sant a-lu cf'o ~o% ka sanu so<o', ka wort ~o~o~ a-~u &e ~efe n(e) M ~mr-~a~a ~fe~~o', ka dugu ~e. N(e) Ao<o- tu-ma mi, a ~t" m bil a ». T"e-fn nko su-ye « I H ton'a /o ». Bamba ko t' e-ni-nye: « N(e) k(a) i dumu sasa ? )). T'e-ni ~a, a tu seede ka da-/a saba-la Bamba ko: K/fo « « Oo x. Sonsd na-ta. T" e-n! AA'0 « E~ Sonsa ». So/Ma ko ~'s-~tt-n~e: « Mu ? ~V(e) na-ta, m ma-mi, fH ~e n'ini ka sa mt-ft.)r~e, i bc n(e) kili, Ao Sonsd Sonsd M Ma, &<<da T'e-m m~o « A Sonsd, Aa~e <u x. Sonsd a mt/u" ka, a &e t'e-ni n'ininka: « 1 6e n(e) kill mu-nna ? Son~d! n(e) faga-ta bamba soto « A AoM~o-~o*, n(e) ko a-ge: « n'e na ~adc i ta ba kono ». Son~d ko a-ye « ~Ca/o! i !/e" se ka ntM bamba ta ? ». T'e-nt i ~?0 a-ye « Oo, n(e) t(i) a ta ». Sonsd ko « Ton'a te ». T'e-nt nko « Ton'a le Sonsd f ula &ee ka-ba « A ya H. Bamba ni fe-m m&.)-<a'. ? Sonsd ko: « N(i) i ye se k(a) a ta, a siti <uyH, i k(a) a ta, an ka ~a~a /oo ~(t)~ a ta ula mt-n~o* ». T'e-m <t' bamba siti k(a) a la a ku. ~[t.<ada~~a /oo fe-nt t(i) a ta ula mi-nto. Sonsd &o mtn- i <e mone 63 abada ~a te &am&a dumu 6a ? )). T'E-nf ~Ao « A y(e) a aumu a. « J ba au ~a~a a ta k(a) a dumu ». « A ~(c) a aumu °e. « A ku n<e f e-n~-n~e « TH ». (1) Forme malinké de participe passé au lieu de la-le, en B et D. (2) gela-ta, au lieu de ~e-/M B ou yele-la D. Les verbes de ce texte offrent tous au même temps cette particularité caractéristique de la conjugaison malinké. (3) tu = fo dans les autres dialectes. Exemple d'alternance vocalique u = o signalée § 43. (4) Forme spéciale du locatif malinké <o ou ro ailleurs, la, ra, na. (5) Noter la tournure m na /e mbee-to keme d(t) t-~a je vais en toutes choses (choses toutes dans) t'en donner cent. (6) Autres dialectes ka ou ye ou e. (7) Alternance consonantique < – r, § 41 sf<t = siri. (8) <[ = t/e en B. D. (9) seede = seere, ici témoin, juge ailleurs intermédiaire et remplaçant. (10) Ailleurs mun-ge-a-to, rnun-ka-to, pourquoi. (11) Dans les autres dialectes, le participe passé de mi serait mi-ne. (12) Forme malinké en bambara, on dirait i &e se, tu peux. (13) Ailleurs wa, est-ce que ? !t= O! LE JEUNE GARÇON ET LE CAÏMAN (I) (Le) caïman (est) couché. (Le) fleuve s'emplit. (Le) caïman monta sur la berge du fleuve; il est parti, est parti, est parti, est parti jusqu'à (un) endroit éloigné (L)eau retourna dans le fleuve, elle laissa le caïman sur la terre ferme. Un garçon vint, l'a trouvé là. Il dit au caïman « Pourquoi es-tu ici ? Je désire partir avec toi dans le fleuve, certes ». (Le) caïman lui dit « Si tu pars avec moi, je vais te donner cent de toutes choses ». (Le) garçon dit « Oui ». Il a arraché des lianes pour attacher le (caïman) pour partir avec lui jusqu'au bord du fleuve. (Le) garçon lui dit & Que je te laisse maintenant ? ». « Non 1 va avec moi jusqu'à ce que l'eau te prenne au genou s. (Le) garçon dit: « Oui". Il partit avec lui jusqu'à ce que l'eau le prenne au genou il lui dit « Que je te laisse maintenant ? ». « Non va avec moi jusqu'à ce que l'eau te prenne au cou ». (Le) garçon dit « Oui x. Il partit avec lui jusqu'à ce que l'eau le prenne au cou il dit «Que je te laisse maintenant ? Oui, lâche-moi ». Il l'a laissé (le) garçon dit Je pars ». « Il lui dit & Non Polisson, (depuis) quinze jours me voici avec la faim, je n'ai pas mangé, je n'ai pas bu d'eau, (et) tu (me) dis « Je pars ». Tu ne partiras pas avant que je te mange ». (Le) garçon dit « Je te l'ai dit; laisse que nous trouvions un juge ». (Le) caïman dit (Un) âne vint, (un) très vieil âne. (Le) garçon dit: ci Oui '). He 1 âne, une bonne action, quel est son salaire ? « « (Le) mal est son salaire ». (Le) garçon dit « Ah 1 Pourquoi as-tu dit cela ? « Pourquoi j'ai dit cela ?2 J'étais chez mon maître dans un temps, il était (accoutumé de) partir dans tout le pays, il me poait des charges sur le dos je suis allé en tous lieux, je lui ai donné des captifs, je lui ai donné de l'or, je lui ai donné de l'argent, maintenant je suis vieux, il m'a laissé, je cherche moi-même ma nourriture ». (Le) caïman dit alors au garçon « C'est comment ? Que je te mange maintenant ? ». (Le) garçon lui dit « Non, attends que nous prenions un deuxième juge ». (Le) caïman dit Oui ». « (Un) cheval arriva. (Le) garçon dit « (Une) bonne action, quel est son salaire ? N. (Le) cheval lui dit: (Le) garçon lui dit « Cheval, « Le mal est son salaire pourquoi as-tu dit cela ? (Le) cheval lui dit « Pourquoi j'ai dit cela ? Chacun des rois qui sont dans le monde, avant qu'ils ne possèdent des esclaves, qu'ils ne possèdent de l'or, qu'ils ne possèdent de l'argent, ils montent sur moi pour aller en guerre, pour détruire des villages. Je suis vieux en ce moment, il m'a laissé (Le) garçon dit au cheval « Tu n'as pas dit (la) vérité o. (Le) caïman dit au garçon t Que je te mange mainte- nant?". (Le) garçon dit: "Non, attends que nousayions un troisième juge (Le) caïman dit: « Oui (Le) lièvre arriva. (Le) garçon dit « Hé 1 Lièvre » (Le) lièvre dit au gardon « Quoi ? Je suis venu, je n'ai pas bu, je suis en train de mourir de soif, tu m'appelles en disant Lièvre Lièvre laisse-moi polisson ». (Le) garçon dit Ah Lièvre pardonne ». (Le) lièvre but, après (avoir) bu, il demande (au) garçon « Tu m'appelles pourquoi ? )). « Ah Lièvre, je partis trouver (le) caïman dans la brousse, je lui dis je vais aller te porter dans le fleuve ». (Le) lièvre lui dit « Mensonge Tu peux porter ce caïman ? ». (Le) garçon dit « Oui, je l'ai porté ». (Le) lièvre dit: « Ce n'est pas vrai! o. (Le) Vous, tous (Le) lièvre dit garçon dit « C'est vrai deux, sortez d'ici M. (Le) caïman et (le) garçon sortirent. (Le) lièvre dit « Si tu as pu le prendre, attache le encore, prends le, allons jusqu'à l'endroit où tu l'as pris ». (Le) garçon a attaché (le) caïman, l'a posé sur sa tête. Ils partirent jusqu'à l'endroit où (le) garçon Laisse tu ne sorl'a pris. (Le) lièvre dit au garçon tiras jamais du malheur (immérité). Est-ce que ton père ne mange pas (la viande du) caïman ? ». (Le) garçon dit « Il en mange ». Et ta mère ? '). « Elle en mange ». « Casse sa tête va le prendre pour le manger ». 1». << BAMA Dialecte Bambara de Ségou Bama ~o kungo bs n(e)-na haali '). Bama n(i) a de-u <<t-ra* gala ka /e nn'ini. D'i d'a-ra ka ba u-koro. Donso-Ae na-na, a ko « Bama mu" nye d* t d'a-ra f-Aoro?)). A ko n N(e) na-na yala, d'i d'a-ra M-~ n(e) Aoro » Do/Mo-~e ko « N(i) a-ka /tStr!-nya-y6; te, ~) na t(a) i bla d'i-la ». A ko « N(e)-ta, ne te fisiri-nga-le ye ». Donso-Ae ye' fu a ue &om<! siri &(a) a d(a) a tH-n~a, « (1) Extrait du Dictionnaire BambMa-Franj;ats du R. P. BaMn. Farb 1900, p. 690. k(a) a de-u t's, ka-ta n(i) u-ye ba-da-la. Ko « Bama, n(e) k(a) i bla pa wa ? ». A ko « Ta nye do-ni ». A fa-ra /oo d'i ~(e) a mené" a Aum~e-re'/a'; a ko « N(e) k(a) i bla ya tpa ? M. Bama &o « Owo m bla ~a ». Donso-ke ~(e) a loni, k(a) a n(i) a ae-u Ma' d'i-ro. Bama y(e) a mené' a se-mma; a Ao « A~(e) n(a) i ke ka n(e)-ka kungo &.) ». A Ao « M Ma' de )'. Bama ~o « N(e) <(e) i Ma' koy Donso-ke e ~o N(e) ko i ue fisiri-nga-le ~e Sonzà na-na~ a ko «Donso-ke, i d'o-~e-m~e' ~a munna ? ». A ko <' M &e bama bolo ». Sonza ko « Bama y(e) e mene~ mu-nna ? ». A ~o « Ne <u-n<a-fa" 6a-aa-~a, d'i d'a-le, n(e) <u-m&e ka-ba bama n(t) a de-u koto. N(e) ~o N(i) q-ka /tS!r!-n~a-i'e-ya <e, ne <tt-(a) a ta, ka ~(a) a bla d'i-la. A ko n(e) A(a) a ta n(c) ko n(e) <(E) N(e) y(e) a a ta, a na n(e) au a ko an le /t(a) i du. ~a k(a) a bla d'i-la, a ~e n(e) mené n(e) se-mma. N(e) ko a ka m Ma a ko k(a) a <(e) na m bla ». Sonza-ni Ao « Bama, a /o o ye /!n'e e ? ». Bama ko « Otuo, <tn'e do )'. Sonzà ko « Ne te da o-la, /ûo i m(a) a ta n(e) n'e-na; bama i so-nna wa ? ». Bama ko « N(e) so-nna* ». Donso-Ae ~(e) a siri, ka-ta n(i) a-e a no-na. Sonza-ni Ao « A /a" sa 1 ». A y(e) a la, ka-ta n(i) a sogo ye a-ka so. Ka-bi-ni o Ae-ra, m~-s! ma bama ta k(a) a bla d'i-la. (1) Forme contractée de tara-la ou ~a/'o-M; ~ara donne, en B, ta. (2) mû ye = mu nye, à cause de la dénasalisation de la consonne finale et du report de la nasale sur l'ini- tiale suivante. (3) Comparer les tournures analogues dans le texte précédent; </e = ti. (4) Comparer cette phrase avec la pareille du texte malinké. (5) mene, forme B de mina; M mita, prendre. (6) bla, forme B de bila M ~a, laisser. (7) d'o-~e, forme B de do-le, participe passé de do, être debout, arrêté. (8) tu-nta-ra, forme B pour ~u-n~arct-~a, j'étais allé. (9) Remarquer /ï(e) xo-nna, j'ai accepté pour j'ac- cepte. (10) Autre exemple de contraction B /a pour tara, tuer. LE JEUNE GARÇON ET LE CAÏMAN (lï) Caïman dit '< Beaucoup de faim est en moi ». Caïman et ses enfants partirent promener pour chercher (quelque) chose (à manger). (Cependant) l'eau sécha, sortit Caïman, de dessous eux. (Un) chasseur vint, il comment (se fait-il que) l'eau a séché sous toi ? ». Il dit Je suis allé promener, l'eau sécha et sortit de dessous moi ». Chasseur dit « Si ce n'était votre ingratitude, j'irais te mettre dans l'eau ». Il dit « Pour moi, je ne suis pas ingrat. » Chasseur a arraché des lianes, il a attaché caïman, l'a mis sur sa tête, a rassemblé ses petits, est parti avec eux au bord du fleuve. Il dit « Caïman, est-ce que je te laisse ici ? ». Il dit «Va un peu devant ». Il alla jusque ce que l'eau l'a pris au genou il dit « Est-ce que je te laisse ici ? ». Caïman dit « Oui, laisse moi ici ». Chasseur l'a délié, l'a mis dans l'eau avec ses petits. Caïman Fa saisi par la jambe, il dit « Je vais faire (avec) toi (de telle sorte que) ma faim sorte ». Il dit '< Hé laissemoi ». Caïman dit « Je ne laisse pas, certes ». Chasseur dit « Je dis (que) tu es un ingrat ». Lièvre arriva, il dit: « Chasseur, pourquoi es-tu arrêté ici ? Il dit « Je suis (dans la) main du caïman n. Lièvre dit: « Pourquoi caïman t'a-t-il pris ))?. Il dit: l'eau (a) séché, j'étais (en « J'étais allé prés du fleuve, train de) sortir caïman et ses petits. Je dis c si ce n'était votre ingratitude je vous aurais pris pour aller vous mettre dans l'eau. Il dit que je le prenne, je dis (que) je ne prends pas (car) il va me manger. Il dit « nous n'allons pas te manger. Je l'ai pris, l'ai mis dans l'eau, il m'a saisi par la jambe. Je dis qu'il me laisse; il dit qu'il ne me laisse pas ». dit: w Petit Lièvre dit Caïman, dis-le, cela est vérité ? ». Caïman dit « Oui, c'est vérité ». Lièvre dit « Je ne pose (je ne crois) pas sur cela, à moins que tu le prennes devant moi. Caïman, est-ce que tu consens ? ». Caïman dit « Je consens ». Chasseur l'a attaché, est parti avec lui sur sa trace (ancienne). Petit Lièvre dit: « Tue le maintenant ». Il l'a tué, est parti avec la viande à sa maison. Depuis que cela fut fait, personne n'a pris un caïman pour le mettre dans l'eau. « < Dialecte Malinké de la région de Kita LA RÉCOMPENSE D'UNE BONNE ACTION (1) S'étant t;(e)* a-yere ye~e-ma do ndo ma~e. A ~a~o fa-ra* yc!~ kala-di-u nM. A ko u-ma « A-u JPCcfra-mora ye mu m/o a-u-ye &! ? x. A ko an ka kâ ka ~e d'ugu sara ni o~fe n'u-md t~e ». Seyant ka « 0 te ti-n'a ye; ~Ma ~a~t!-7n~-sar<! !/e d'ugu-mâ pe. M be od'c-~aa-u ma stsa ». A ye a-yere yele-ma Ac-~e sa bele-bele ~e; a <a-ra ka kon'o-moso ft kon'o-de-u 6oH-~a. ~on'o-A'e ni a de-nn'c~H moso-sa-t/a-Ao me. U &ee ye bere ta ka-ta sa n'tnt. Sa ye kon'a-ke ~c mt n&e a ko a-ma « Ne-de ~(e) i moso /ay<t% nka m &e i dali i ka n(e) to Alla ye, t ka n(e) ~o* a kira )'. ~o/o-~e y(e) a ta, ka &î<a~ a-ka foroko kono. A tara- ni a ~e kongo d'à kono a y(e) a b3 ka bilas. Sa 6.)-~e, a ge ~'e minas; a ko a-ma «M be i tfM nka m ~e /ï do tolo, /oo an ka n'ini-nka-li-ke. Ni a /o-ra ko n'M-ma sara ge ~'u~u-ma t/e, m be i du ». U ye misimoso-koro n'ini-nka. 0 ko: « Ad<mM-de-H mbe bi /M-ma sara ni d'uyu-ma t~e. Ne <u-nde misse, maa tu-nka-di; m &e nono df, m be (ne) de mbalo, ka waH-~a-H &<t~. Sisa n(e) Aoro-ftt' n(e) ft~t ~e n(e) ~t a te /o-St dM' m-ma; a-yefc ko a 6s n (e) /aya ka n(e) sogo /scr~. A-u y(e) a dô o ma-n't de ». <f Sa ~(e) i ro-& k(o) a be fe du. Alla ~e meleke do ~ema jna~ye ka ft, ka ta <'e kanta. 0 <'e &o s Nt sa tu-mbe ? ». « A <M-mte /cfcto kono ». « 0 te <t-n'a ye; a ka-dô <uoa n(e) k(a) a ye ». Sa do-nna meleke ko a fe-ma: Foroko-da strf ». 0 &e-~e, a ~(e) a /o fe-ye:t T'e y(e) o ka. « Foroko gosi fara kâ too a ka maya-~a kisi-ra. sa sa-ra, mt- t' Ce texte enregistré dans le cercle de Kita nous offre un dia~cte maMnké beaucoup plus proche du bambara que le premier. (1) ye est employé au lieu du li habituel chez les MaMnké de la Haute-Guinée. (2) Forme B au lieu de tara-ta. (3) Au lieu de !~e. (4) /aya, tuer, au lieu de fa du texte B précédent. (5) <o, au lieu de tu, laisser, et bila au lieu de 6uht; mina au lieu de mita. (6) Cf. le premier texte malinké &oro-<a. (7) du au lieu de B et D di. (8) /eerc au lieu de M C fiire B D /'Efe. (9) Forme dialectale de ~a-&g, préparer et se préparer à LA RÉCOMPENSE D'UNE BONNE ACTION Satan s'est métamorphosé un jour en homme. En se promenant, il alla trouver des écotiers. Il leur dit: « (A) vous, qu'a dit le maître aujourd'hui ? ?. « Il a dit que nous payions une mauvaise action par une bonne action '). Satan dit « Ceci n'est pas mérité, maintenant le salaire d'une bonne action est une mauvaise action, je vais vous le prouver de suite ». Il se métamorphosa et devint un très gros serpent, il partit et mordit une nouvelle mariée les gens de la noce s'enfuirent. Le mari et ses compagnons ont appris la mort de la femme. Tous ont pris des bâtons, ont cherché le serpent. Le serpent qui a fait cela au marié lui dit « Moi-même ai tué ta femme, mais je te prie, laisse moi avec Dieu, laisse moi avec son Prophète ». Le marié l'a pris, l'a mis dans son sac. Il partit avec lui dans une brousse lointaine il l'a (fait) sortir, l'a laissé. Le serpent (une fois) sorti a attrappé l'homme, il lui dit « Je vais te manger, mais je vais attendre d'abord jusqu'à ce que nous interrogions (d'autres personnes). S'il est dit que le salaire du bien est le mal, je vais te manger )\ Ils ont demandé à une vieille vache. Celle-ci dit a (Les) enfants d'Adam paient aujourd'hui le bien par le mal. (Quand) j'étais petite, (mon) maître était bon. (A ce moment) je donne du lait, je nourris mon petit, je nourris ceux des autres. Maintenant je suis vieille, mon maître m'a rejetée, il ne me donne (plus) rien; il dit même (qu')il va me tuer pour vendre ma viande. Vous savez (que) cela n'est pas bien ». (Le) serpent s'est préparé, dit (qu')il va manger l'homme. Dieu a métamorphosé un ange en homme, l'a envoyé pour aller protéger le marié. Cet homme dit Ce serpent était où ? ». « Il était dans (le) sac ». « Ceci « n'est pas vérité, qu'il entre encore que je le voie ». (Le) serpent entra l'ange dit à l'homme « Attache l'ouverture du sac », Cela fait, il dit au marié « Tape le sac sur la roche jusqu'à ce qu'il devienne souple (L')homme a fait cela, (le) serpent mourut, (l')homme fut sauvé. Dialecte Malinké de Kouroussa LA BONNE ACTION ET L'tNGRATtTUDE (1) Do.!o-&e ba-to H'a-ro~, ka fere" ta tara' wa-n'â mina. ïe Sa a-~t de-nnu-ye bori-la. Sa ko « Dc~o-Ac nima, n(e) ni de-nnu bila f-~a boro kono, ta kana n(e) d'cm ? ». (l) ~«nmetet~ ANSUMANA KElfTA. Doso-Ae Aa* a-lu bes bila boro kono. A d'om/a-n~, a ko boro kono. Sa Ao « JV(t) i ka ye sa a-ni de-nnu n(e) na-&?* boro &«no, n(e) n(a) i /ara.)' Dôso-Ae ko a-lu A-lu ~ara sise-bara. Bce k(a)i-ta n'a fo. Sise &o !ye « D'o t/e sa le le. Ni ~A~a, a-lu te n(e) kili ~o' ye, a-lu <e n(e)-yere <o ye too ka fo domU-nna. /ara 1 ». Doso-~e kiti nko. A-lu wa-ral nisi-bara. NM~ to « D'o ye sa-/e. M &e n(e) de soda, a-lu /ï nono &ee mi, ka n dg <o ~Hm~o-~a tu-ma-tu-ma, a-lu di n(e) subu !<a' H< d! domu. A ~cra ». So /a-na ?0 « 0 tuma n(e) ye ka-mbere-ya-ro alu-te de yele-la n(e) kâ ka <aAa kele-to. N(e) bara ~oro-t~a, a-lu te le ndi ne-ma /oo n'ara. A /ara/ ». wa-ra' so-/aH-nt-6ara. A ko «Doso-Ae d'o f(e) t-/€. A-lu ~e ~o mi n~e-~a n-de-la o ka s'~H. Su ni tele a-fu ye gbeleke fa-~a" ka n(e) gbasi, o ka-n'i ? Sa, d'o le a ye, A /ara wa-ra s<t-nt-&<ïr< A-lu &M k(a) i-ta n'a /o. Sa-ni ko sa-ma « i-le ni de-nnu se-ra boro-ni kono di ? ». Sa komo-ba a-ni de-nnu du-nna boro kono ka f a. ~a-nt ko dôso-ke-ma ka da la-siri. Dôso-ke ka boro-da /a-~tf! sa-ni ~o « Tara gbeleke ta; doso-Ae ~arc gbeleke ta. Mo-!a ». Donso-t'~ ka boro ~'<t-7t! ~o « 1 &o~o~e y(e) gbasi, ka gbasi, ka gbasi, ka sa <mt de-nnu &ee /aya. Donso-~e kisira, a ka 6ar~a di sa-ni-ma. ~u ~u 1». (1) wa-ro, terme dialectal affecté d'un locatif ro – dans la brousse. (2) ~ere = soro, dans d'autres dialectes trouver. (3) bara, auxiliaire prénxé, voir § 192. (4) Cette tournure montre l'usage parallèle dans ce dialecte de bara et de ka. (5) ye. la-ba-la, forme de progressif avec ye: il est occupé à faire sortir. (6) Forme dialectale pour la-ba. (7) At~t, ailleurs kiri, aller en justice. (8) <o comme en B et en D, les autres dialectes M donnent d'ordinaire tu. Cf. note 3 du premier texte. (9) M'a, verbe de mouvement aller, se rendre à. La forme du parfait est, ici, en ra: Ma-ra, au lieu d'être en fa, comme dans les autres dialectes M. (10). Voir 192. (11) Même observation que pour (5). (12). Forme dialectale de sunzan:, petit lièvre. LA BOJ<XE ACTtO~ ET L'tXGHATITUUE Chasseur sortant de la brousse a trouve (que) le feu avait pris à la brousse devant (lui). Serpent et (ses) Chasseur généreux, ne petits fuyaieut. Serpent dit mets-tu pas moi et mes petits dans ton sac, (que le) feu ne puisse me brûler. » Chasseur les a tous mis dans le sac. Eloigné, il diL (qu'il va) faire sortir de son sac le serpent et ses petits. Serpent dit: « Si t u me fais sortir du sac, je te tuerai ». Chasseur dit (qu')ils (vont se faire) juger. Ils partirent (à la) maison de la poule, tous expliquent chacun son affaire. Pouie dit Le serpent a raison. Ces hommes ne me laissent pas mes œuis. ils ne me laissent pas moi-même sinon pour me mettre dans la nourriture. Tue-le Chasseur s'est (fait) encore juger. Ils aUèrent (à la) maison de la vache. Vache dit « Serpent a raison quand je mets bas, (les hommes) boivent tout mon lait et abandonnent mon petit avec la faim. A chaque instant ils mangent ma viande. Tue-le Cheval de son côté dit: « Au moment où j'étais dans ma jeunesse, ils montaient sur moi pour aller a la guerre, j'ai vieilli, ils ne me donnent plus rien sauf de l'herbe sèche. Tue-le Ils auèrent (à la) maison du petit âne. il dit: Chasseur, tu n'as pas raison ils m'ont fait cette chose qui est dure, jour et nuit ils prennent des bâtons pour me frapper, est-ce bien ? Serpent à raison. Tue-le ». Ils allèrent (à la) maison du petit Lièvre, eux Lous expliquent chacun son affaire. Petit Lièvre dit au serpent Toi avec tes enfants pénétras comment dans '< '< ce petit sac ? j<. Serpent ignorant et ses petits entrèrent dans le sac et l'emplirent. Petit Lièvre dit au Chasseur d'attacher l'ouverture. Chasseur a attaché l'ouverture du sac. Petit Lièvre dit « Va prendre un bâton ». Chasseur alla prendre un bâton. Petit Lièvre dit « La chose de ta main (ton affaire) est dans ta main ». Chasseur a tapé le sac, a tapé, a tapé, il a tué serpent et ses petits. Chasseur fut sauvé il a posé son remerciement sur le petit Lièvre. Dialecte dyula du Djimini et de Kong LE SIÈGE DE KONG (1) La mi-na Nanzara ar~ ka a me Samori ka mar/a dan' k'eme kele, a ka gbele dari kele, ar ka a /o « A n'ini ka ~re* ke tugu; a ma n'ini ka kere ke a ti mar~a n'ini, a ii gbele n'ini o. Ar ka a ~o « Araman dara ka a mina; ani ka a mina, kere b'ee ba-na ». Stsa Fra~t-ru b.)-ra Guru-nga dugu-la, ar ka Kumwezi tigE, ar do-nna Ku-nna. Ar be Nanzara A'e ~!a gfMza, soldasi. te ar-/e s'a-ma. Samori ka a me, a ka mar/a-~yt s'ama nd'i, gbele fila mi-o a ka a ta Anglezi.-fe a &e a-re-fe; so-/a-ru do-nna Xtï m~oro* ar ka so ma-ment, la t'ee ar ka maria ff, ar ka gbele ti, la ta-ni-naani af ka mar/a <'î ar ka gbels i'i. G'e' te Nanzara-fe, ar ma se ka ba-ra ~H na so-/a-fH a te </a ~o mô, g'e be ara /ara gbers-ma. ~t n'ini ka Nanzara Sara-n&'e' Mori ka a /o datpan' So-fa-ru de~oe" b(e) a-/e, a-ne Nanzara soldasi ar-<a delege kele-ni ~e. Sara-nk' Mori ka ara kiri ka a /o ara-ge ar t/frs' /ara Aa a be ta a g'â; ar t/tr-fOi ar ka ny'o-ny'6 nda frazt-<a na'oy'o lo, ar ka a siri koro-ma-na a o'a", ar ka &oro-ma o6a duyu-ma. Nanzara ar ka ny'o-n~'o t/e. ar ka g'ate Nanzara do-gbre ar &e/!a-ra, ar ka a /o soldasi-ye: « Ar kana mar/a <*t fuou ». Soldasi ka a /o: « Nanzara te, so-/a Io Nanzara ~o, Sara-nk'e Mori a marta fi are-ra ». Sisa Nanzara ka a /o: « Ar mar/a ft <Hou ». Ma-ra, kondo na-ra s'a-ma, nene &e /'e-n<t wo lo. Nanzara soMaM &o « Kondo be na-ra, Nanzara <'e na-ra ar ~e kondo o~e-ra '). Nanzara 6ec na-ra fa, ar be bo-ra <ere-63-ye, ar ka kere &e d'ugu &e, ar ka so-/a &'ee a6e, ar ka Sara-nkee Mori gbe, ar du-ra Ku-nna. Nanzara mi e ar be Ku-nna, a-ne soldasi, ar &' ee ~um!'3-ra, ar ka a fo « Tabarakalla ani se ka a*e mi x. Ce texte raconte l'héroïque fait d'armes des lieutenants d'infanterie de marine Demars et Méchet, enfermés sans eau dans un fortin avec une poignée de tirail- leurs près de Kong et qui résistèrent victorieusement aux attaques de Sarankye Mori, fils et principal lieuteuant de Samori, du 12 au 27 février 1898. (1) Pronom de la 2e pers. pluriel employé pour celui de la 3e du pluriel. (2) dari pour aaH, demander et chercher; alternance consonantique typique du D (Voir § 40). De même, plus loin, kere pour kele. (3) &'ee pour bee, mouillure spéciale au D. (4) M C koro, près de. (5). g'e = d'i, de l'eau. (6) Sarantye Mori, fils de Samori et l'un de ses principaux lieutenants, commandait cette expédition. Après la capture de son père, en 1898, il fut interné au Gabon, puis autorisé à rentrer en Guinée, son pays d'origine. Il est actuellement en résidence obligatoire à Kankan. (7) aaM'art = dabali dans les autres dialectes, exemple de la labialisation fréquente en D, voir § 22. (8) delege, ailleurs doloki ou aJ'oAt vêtement. (9) ~tre pour gels: monter. (10) a a'a, suppression de l'auxiliaire préfixé du par- fait, voir § 193. LE SEÈGE DE KONG A ce moment, les Blancs ont entendu (dire que), Samori cherche (à se procurer) des fusils, un cent, cherche un canon ils ont dit « Il veut faire la guerre encore (s')il ne veut pas faire la guerre, il ne cherche pas de fusils, il ne cherche pas de canon ». Ils ont dit si nous le prenons toute a Allons, partons le prendre guerre sera finie ». Alors, les Français quittèrent le pays Gourounga, ils passèrent la Comoê, ils entrèrent à Kong. Ils sont deux hommes blancs seulement; ils n'ont pas beaucoup de soldats avec eux. Samori a appris cela, il a réuni beaucoup de fusiliers, les deux canons qu'il a pris aux Anglais sont avec lui. Les Sofa arrivèrent prés de Kong ils ont entouré la ville tous les jours, ils tiraient des (coups de fusils), ils tiraient (des coups de) canon. Les Blancs n'avaient pas d'eau, ils ne pouvaient sortir de Kong, les sofa sont là, c'est le (motif); (le besoin d')eau les tuait violemment. Sara-ntye-ni-Mori a dit K Je vais essayer de tromper les Blancs ». Des vêtements de sofa sont en sa possession et aussi des vêtements de soldats de Blancs. Sarantye-ni-Mori les a appelés, il leur a dit de monter sur un (plateau) rocheux, d'aller (un peu) loin ils montèrent, ils ont pris un drapeau, c'est un drapeau de Français, ils l'ont attaché à une perche pour l'élever, ils ont planté la perche dans le sol. Les Blancs ont vu le drapeau, ils ont cru (que c')étaient d'(autres) Blancs qui arrivaient, ils ont dit aux soldats « Ne tirez plus (de coups de) fusil ». Les soldats ont dit (si) « Ce ne sont pas (des) Blancs, ce sont (des) sofa; ce sont des Blancs, Sara-ntye-ni-Mori leur aurait tiré (des coups de) fusil ». Alors, les Blancs ont dit « Recommencez à tirer ». Le soir, beaucoup de sauterelles arrivèrent. Le vent soufflait, c'est pourquoi. Les soldats des Blancs dirent « Les sauterelles arrivent, (c'est que les) Blancs arrivent ils chassent les sauterelles ». Les Blancs arrivèrent en vérité, ils sortaient de l'est, ils ont fait la guerre avec violence, ils ont chassé tous les sofa, ils ont chassé Sara-ntye-ni Mori, ils entrèrent à Kong. Les Blancs qui sont à Kong et les soldats, eux tous crièrent ils ont dit « Dieu soit loué nous pouvons boire de l'eau », Dialecte Kassonke LE JEUNE HOMME SAUVÉ PAR UNE AIGUILLE (1) Ke-n-dt/too' H/t* <twna-MO-fu-ma a t <aÀa* H~o-fo* a &u~t!' <o-~un<yo. A /a ~(o) a ye: « N(e) dfn, tara <a~a' ulo-to. i &u~u* /o-~ung'o', haali mesendi ka doko ~ufH* '). A m(Gf) a /<ï-~a kumul la-me. Lun* do a taka-tal <u~û, a ni tagire-lu &e'-n<a. I A(a) a mutai. ~e-n~tn~o" ~o c M la n'in fo n(e) ye, ni haali mesendi ~e m bulu bi, a-lu m(a) in muta no ». Tagire kili ~o « I Ira /an[ messndo' /dc ?. Ke-n-dingo a ~a /nesendo' nuMo' ma-fele, a Ao « Nin yn~ssndt-m-&eAa<t- ». Tagire Ao « « A &e /nt ? A ~(a) a so~o a ~t'a-<o*. Tagire ~a gido /[~ a Ao n(e) n'a te-ta ~e-n-dM~o A(e;) a <~do ta, a « Wo~o A(a) do Aost, o ooy-~a'. Tagire-lu ke bori, ~e-ne-dtnyo kisi-taa. A Tta-~a, a ko: « Baba ». A Ao « din n'a-n~a* a fa-la Aumu me-la '). A Ao « Tagire-lu le an muta bi, mesendi le Aef n(e) kisi 1». (1) On remarque, dans ce texte, de nombreuses alternances vocaliques, caractérisant les dialectes ma- linké en général, celui du nord en particulier. Par ex. kili = kele un bulu = bulo et bolo main Aumu = Aoma et komo parole lû = lô jour. (2) De même, on trouve des alternances consonantiques telles que taka =~ <ara aller <a~a-<a = ~ara-~a alla ~e-nta = &e-nna t rencontra muta – mina prendre, saisir, qui offre le cas d'une alternance vocalique, == u et d'une autre, consonantique, t = n kali = kari casser boy-ta = &t-na tomba kisi-ta = &Mt-ra fut sauvé na-ta = na-na vint n'a-nta = n'a-na est favorisé. (3) Ce texte renferme, en outre, plusieurs exemples de détermination par sumxation de o pour marquer les noms dingo = d? ou dë ou de enfant ~u~unyo = kolo vide mesendo = mesendi = meseH = mtSBH aiguille; Tiumo = nu le nez, l'extrémité, le sommet. On notera que cette sumxation n'est pas une règle absolue puisqu'on trouve dans le même texte dingo et dtn mesendo et mesendi. (4) La post-position locative affecte ici la forme to au lieu de B ro, no, na M C !<t, ra, na. LE JEUNE HOMME SAUVÉ PAR UNE AIGUILLE Un jeune homme, à chaque moment, allait dans la brousse la main vide. Son père lui dit « Mon enfant, cesse d'aller dans la brousse la main vide, sans même une aiguille cachée dans ta main ». De son père, il n'a pas entendu la parole. Un jour, il partit encore, il se rencontra avec les coupeurs de route. Ils le saisirent. Le jeune homme dit Mon père me l'avait dit, si seulement j'avais une aiguille « dans la main aujourd'hui, vous ne m'auriez pas pris ». Un Coupeur de route dit: « Tu as menti; voici une aiguille ». Le jeune homme a regardé attentivement la pointe de l'aiguille, il dit « Cette aiguille est cassée Le Coupeur de route dit « Où est~elle ? ». Le (jeune homme) lui a percé l'œil avec (l'aiguille). Le Coupeur de route a jeté son fusil, il a dit « Woyo 1 mon œil est ~Mmé )). Le jeune homme a ramassé le fusil, il a frappé l'autre (Coupeur de route), ce dernier tomba. Les Coupeurs de route s'enfuirent, le jeune homme fut sauvé. Il (re)vint (chez lui), il dit. « L'enfant est favorisé (lorsqu'il) écoute la parole de son père ». Il dit: « Les Coupeurs de route m'ont attrappé aujourd'hui, c'est une aiguille qui m'a sauvé ». Dialecte Mandingue de l'Ouest (1) Tu-m-o kilid solo-ta, &u~H-!ou!-o-/u sila-ta dun<u~-o n'a. LHM kilin, dunfUM-o !fe AuM&u-wHt-o tara-ndi AuMAu-tMUf-o buri-ta. Dun<HM-o k(o) a-~e ko « Bat-u do-ma-ndin mun-e-N-H-na i 6urt-fa ? ». XumAH-tcu~-e d'aa&t-<a, a k(o) a-ye &o « N(e) sila-ta ka-tuko i e di-mba M<o i ~UM-o ~a~ Dun<UM-o &o maA « Hant-Ao di-mba solo, n'e dun<UM-furo duroA. Na yaiè, n(e) ~UM-o ma, a sumeya-ia a man ka-ndi ». ~um&u-tNH~-o ka tala a turo ma, a Ao: « A 1 t AuM-o sumeya-ta, a man ka-ndi ». Bi faM a <a-fa, a-tft teri-ma-lu a-n~ Aa//u-7i'o-!u be-nia, a ko i y(e) a ~o: « fnH n'ee kungo se<o, ka-tuko n(e) sila-ta duntuno n'a; a ma ndimba samba a &umo ~M, a turo doroM ne sofo ?. 1 bey <a-<a duntuno-lu muta kunku-taulo-o-kunku-wulo a ye dun~UM fa. m Le dialecte manding de l'ouest oSre de nombreuses analogies avec le dialecte kassonka. Il a les mêmes alternances vocaliques et consonantiques, la détermination par suffixation de o; il emploie, en outre, assez fréquemment l'M comme finale. Ainsi jK~tm, au lieu de MH a-ntM, au lieu de a-ni dcroM, au lieu de doro. Cette consonne précède souvent le suffixe o, comme dans dttn~um-0, coq ~UM-o, tête. TRADUCTION Une époque se trouva, les chacals craignaient les coqs. Un jour, un coq a rencontré un chacal, le chacal s'enfuit. Le coq lui dit que « Attends un peu pourquoi t'es-tu enfui ? )). Le chacal répondit, il lui dit que Le coq « J'ai peur, parce que tu as du feu sur la tête Nullement Je n'ai pas de feu .c'est ma crête de coq seulement. Viens, (approche-toi) de ma tête, elle est froide, elle n'est pas chaude ». Le chacal est allé près de la crête, il dit « Ah ta tête est froide, elle n'est pas chaude ». Aujourd'hui encore (ensuite), il partit, se rencontra avec ses amis et compagnons d'âge, il leur dit « Moi, j'ai eu faim parceque je craignais le coq mais il n'a pas de feu sur la tête, (c'est) sa crête seulement (que) j'ai trouvée w. Tous partirent attrapper des coqs, chaque chacal a tué (son) coq. dit M 1 Note sur le dialecte Marka ou Dafing parlé dans la région de Dédougou Les Sarakollé établis dans la région de Dédougou ont abandonné presque complètement leur langue d'origine pour adopter un dialecte manding dont le texte ci-après fournira un échantillon. Il est dû à M. Séré Douani, instituteur qui l'a recomposé d'après les jeux intellectuels qui interviennent le soir, en saison sèche, pour mettre aux prises de jeunes garçons et même des personnes plus âgées groupées autour des feux de la veillée. On pourrait le nommer le jeu des objections. Un protagoniste enjoint ici à la vache maigre de grossir, mais celle-ci réclame de l'herbe, l'herbe demande de la pluie, qui refuse de tomber tant que le fruit du néré n'est pas séché sur l'arbre, etc. Vache, herbe, pluie, néré, etc.. sont représentés par des assistants qui doivent parler à leur tour et sans marquer aucun arrêt, toute hésitation de leur part, tout arrêt de leur faute dans la chaîne des réparties étant sanctionné par les moqueries des auditeurs et le paiement d'un gage. Le petit texte ci-après (sans doute le premier qui ait été publié dans cet idiome) montre la fréquence des alternances consonantiques et vocaliques indiquées dans une liste sommaire, il révèle en outre la chute de nombreuses consonnes intervocaliques (ma = may) ta == &o~o). ga == d'à, sécher; ya-re = d'a-le, sÈché <o = Mo ou tlo, engraisser. nu = nugu, pousser. fe = tege ou <~e, couper, se déchaîner. ne == nere, parMa biglobosa. suro = sH~a, singe vert. ma = n!.)~, homme, personne. were = t~e~e. appeler. &o – bolo, main. linse = ~ese, sculpter. pas = ~a, forger. t'u, braise (terme local) ailleurs, kami. ka = M, grosse paille à tresser. kei = &art, casser. On notera également une forme de futur indéterminé we-H + RV, p. ex. suro H~-M-<a, le singe partira, et une autre forme analogue à la première, mais comportant en plus un préfixe li ou la et un suffixe a, p. ex. m3 tM-!a-!fere-a, quelqu'un t'appellera. Dialecte Marka ou Dafing de Dédot~oti Mtsst-ta ~a-re li-to-a, LA VACHE. N(e) ka-to ni 6nt ma-nu. L'HOMME. Bt~ tuc-H-jtu-d. L'HERBE. – N(e) ka-nu ni sa ma-fe. L'HoMME. – Sa tce~t-fe-a. LA TORNADE. – N(e) fe ni ne ma-ya. L'HOMME. L'HoMME. – N(e) M'c-H-~a. LE NëR~. – ~(e) Aa-~a ni suro-t kâ. L'HoMME. – Suro M~-H-~a. LE SINGE. – N(e) ka-ta ni m~ ma n(e) were. L'HoMME. – Ma tpe-~a-tùere-a. L'AUTRE HOMME. – ~V(c) &a-mere ni fie <(e) bo-ra. L'HoMME. – F/f tW-K-na. N(e) ka-na ni m~ ma n(e) Hnse. Le SIFFLET. L'HoMME. – Ma HM-/a-Mn~e-a. LE FORGERON. – N(e) Aa-Mnse ni seme Ii mbo-ra. L'HoMME. – Semé we-li-na. LA HACHE. – N(e) ka-na ni ma ma pas. L'HoMME. – Ma we-la-pa. N(e) ka-pas ni tu ta mbo-ra. LE FORGERON. L'HoMME. – T'u u~-H-na. LA BïtAts~E. – ~V(e) ka-na ni ma ma m6~. L'HoMME. – Ma !ce-~a-&.)-o. LE FORGERON. N(e) ~a-~ ni ka ta mbo-ra. L'HOMME. – Ka !CC-H-fM. N(e) ka-na ni m? ma n(e) ksi. LA PAILLE. L'HOMME. Ma we-la-kei-a. LE FORGERON. N(e) ka &et ka m bo <tC. TRADUCTION L'HoMME. – Mère vache maigre engraisse. Que j'engraisse quand l'herbe n'est pas LA VACHE. poussée. L'HoMME. – L'herbe va pousser, L'HERBE. – Que je pousse quand l'orage n'éclate pas. L'HoMME. – L'orage va éclater. LA TORNADE. Que j'éclate quand le néré n'est pas sec (mûr). L'HoMME. – Le néré va sécher. LE NÉRÉ. – Que je sèche quand le singe est sur moi. L'HoMME. – Le singe partira. LE SINGE. – Que je parte si personne ne m'appelle. L'HoMME. – Quelqu'un t'appellera. L'AUTRE HOMME. – Que j'appelle sans avoir de sifflet sous la main. L'HoMME. – Le sifflet viendra. LE SIFFLET. Que je vienne si personne ne me taille. Quelqu'un te taillera. L'HOMME. LE FORGERON. Que je le taille sans avoir de hache à la main. L'HoMME. – La hache viendra. LA HACHE. – Que je vienne si personne ne me forge. L'HoMME. – Quelqu'un te forgera. LE FORGERON. Que je forge sans avoir de braise sous la main. L'HoMME. – La braise viendra. LA BRAISE. Que je vienne si personne ne me retire (du feu). L'HoMME. – Quelqu'un te retirera. Que je Fenléve sans avoir de paille LE FORGERON. à la main. L'HoMME. – La paille viendra. LA PAILLE. – Que je vienne si personne ne m'a cassée. L'HoMME. – Quelqu'un te cassera. LE FORGERON. –_ Que je la casse pour me couper la main. ROCHEFORT-SUR-MER. IMPRIMERIE A. THOYON-THÈZE LES PÊCHEURS DE GUET N'DAR par N. LECA Licencié ès-lettres Breveté de l'Ecole Coloniale et de l'Ecole Nationale des Langnes Orientales Vivantes Avec une note sur les Wolof, leur parler et le8 langages secrets par Henbi LABOURET PREMIERE PARTIE Le Milieu CHAPITRE PREMIER LA TERRE LE SOL A 30 kilomètres de l'Océan Atlantique, le tleuve Sénégal renonce brusquement à sa direction Ouest-Est, et, se tournant vers le Sud, resserre peu à peu sa rive droite en un mince ruban sableux dont il entaille de biais l'embouchure. C'est à une quinzaine de kilomètres au Nord de la pointe de cette zone basse et aride, nommée Langue de Barbarie, que l'Ile Saint-Louis s'allonge par 16° 01* 31" de latitude nord et 16° 30' 23" de longitude ouest (1). A 200 mètres en face, parallèle à sa moitié méridionale, Guet N'Bar, le village des pêcheurs. Bloqué au Nord par le village de N'Dar Toute, auquel il est relié par le marché, pressé entre le petit bras du Sénégal et l'Océan, Guet N'Dar s'étire sur un kilomètre environ vers le Sud, pour s'arrêter à la hauteur de l'extrémité de l' Ile. Une large avenue de sable (mbed u mbur) (1), sensiblement décalée vers l'Est, la coupe longitudinalement et c'est de part et d'autre, le morcellement des « carrésqui forment deux principaux quartiers Pôdohole et Dak. Mais, tandis que les cases de la zone orientale (wet u penku) se rapprochent du fleuve à le toucher presque, celles de la zone occidentale {wet u (jyetï) s'éloignent le plus possible de l'Océan. C'est qu'en effet les raz de marée ont été nombreux qui, balayant la plage basse, emportaient les frêles habitations. Les eaux se sont avancées, réduisant de plus de moitié le rivage qui dépassait autrefois 200 mètres. Devant ce danger toujours présent, on entreprend actuellement (2) la construction d'une forte digue de pierre qui prolongera celle de N'Dar Toute. Tels sont, rapidement esquissés, les grands traits du plan de Guet N'Dar. L'emplacement de cette agglomération ne semble pas très heureux au premier abord, et le capitaine de frégate Aube l'exprimait en 1864 « La Langue de Barbarie n'était et n'est encore qu'une vaste plaine de sable dont les points les plus élevés ne dominent pas d'un mètre le niveau des eaux et dont les parties les plus basses sont souvent recouvertes dans les raz de marée par les bancs de l'Océan. Dans cette plaine, pas un brin d'herbe ne vient reposer le regard partout du sable que le vent soulève en le creusant en sillons parallèles. De loin en loin se montrent des mares d'eau saumâtre sous laquelle une vase molle et sans consistance apparaît bientôt sous l'ardeur du soleil. « A partir du Sémaphore n° 2, cette plaine monotone disparait et fait place à des dunes plus ou moins élevées, et se succédant sans interruption. A l'abri de ces dunes, une végétation rabougrie se montre sur presque tous les versants protégés contre les vents du N.-O. ce sont, la plupart du temps, des plantes rampantes sur tiges fortes et flexibles. « A la hauteur de Gandiole, les dunes vont en s'abais- sant. » (1). Ce sol aride semble repousser toute vie aucune agriculture, à peine quelques rares palmiers qui ont surtout un rôle décoratif. Si l'on excepte les petits troupeaux de bovidés conduits par les bergers maures, les rares moutons nourris dans le village, quelques chameaux de passage et des ânes, les types les plus fréquents de la faune sont les oiseaux de mer et du fleuve, les milans, et surtout les charognards (Neophron monacus) dont la voracité bienfaisante débarrasse en partie les habitants de tout souci de nettoyage; enfin, les innombrables crabes de terre (Dyôgop) qui émergent du sable le soir, pour chercher leur nourriture. Il y a pourtant 5.000 habitants qui vivent sur ce sol ingrat. C'est que, pour être équitable, il faut replacer Guet N' Dar et Saint-Louis dans leur cadre naturel, et tenir compte de l'arrière-pays. Essentiellement agricote, les régions du Oualo, du Cayor, du Dyolof, du Fouta-Toro, et une partie du 'Ferlo, ont une faune assez riche qui comprend, entre autres espèces, le lion sans crinière, en décroissance, (Felix senegalensis), l'hyène commune (Hyaena striata), le chacal (Canîs anthus), le phacochère (Phacochoerus africanus), très commun dans les marigots pendant l'hivernage, le rat palmiste (Sdurus annulatus), etc., diverses espèces d'échassiers et de palmipèdes: l'aigle pécheur des marigots (Halioetus vocifer), la corneille à collier blanc, l'alouette, la perdrix, la pintade, etc. Les cultures vivrières sont à stade avancé plus de 650.000 hectares sont ensemencés en mil dans la colonie, environ 500.000 tonnes d'arachides ont figuré sur le marché en 1929. On peut aisément se procurer, outre l'outillage et les produits européens, les bois de fromager et de caïlcédrat pour la construction des pirogues, l'êbène pour la mâture, le gonakier, le ven, le rônier pour la confection des madriers, et des charpentes, le baobab pour le tressage des fibres en câbles. CHAPITRE II LE CIEL Le climat est influencé par le voisinage de l'Océan et de la Mauritanie. Il convient d'indiquer au début de cette étude la répercussion que les principaux éléments peuvent avoir sur la pêche. Température. Elle monte très rarement à 35°, mais peut s'abaisser à 9° et même 8°. Les variations diurnes sont supportables, la différence entre le maximum et le minimum est comprise entre 10° et 15°. L'alizé du N. ou du N.-E. souffle à terre pendant la saison sèche; frais et humide, il est quelquefois violent, sa vitesse variant entre 5 et 20 mètres-seconde. Les vents du large, chauds et très humides, soufflent au contraire de l'Ouest ou du Sud-Ouest pendant l'hivernage. Leur vitesse est très faible (1 à 4 mètresVents. seconde). Pendant la période sèche, l'harmattan, chaud et sec, venu de l'Est à une vitesse moyenne (2 à 5 m/s) peut remplacer temporairement l'alizé qu'il domine nor- malement en hauteur, mais il peut atteindre le sol pendant la saison des pluies, en donnant des grains très brutaux. Enfin, les vents du N-0. échelonnés sur toute l'année, très variables, se lèvent en général l'après-midi ils gênent assez la navigation. Etat hygrométrique et pluie. Les caractéristiques en sont fournies par le tableau suivant PLUIES ETif BÏ6M>IÊTRItU£ LOCALITÉS ifa-el^âS l«s POtra LES MOIS “- – -L-l– DE – _– – jLJL __L – -s-JL l'année ninim« mojeOB pour mois Port-Etienne. 45 55 63 55 0 Saint-Louis. 45 75 70 70 50 55 70 65 Dakar PLUIES 0 0 O 0 0 0 60 10 350 0 0 90 60 506 Les mois les plus arrosés sont, par ordre décroissant août, septembre, octobre, juillet et juin. Les tornades d'hivernage, accompagnées de coups de vent violents et d'éclairs, rendent la navigation tout à fait incertaine en cette saison. Cessant aux premières pluies, la brume, très fréquente pendant la saison sèche, forme un voile composé d'un grand nombre de poussières végétales et de grains microscopiques de quartz, elle est due aussi, pour une très grande part, au refroidissement de la vapeur d'eau sur le sable de la plage plus froide. Pendant toute la saison sèche, il est bien rare d'apercevoir la côte d'une façon nette en venant du large. Elle est presque toujours masquée par une ligne de brume qui s'épaissit généralement davantage le matin à l'aube et le soir au crépuscule. » (1). Brume. «. i TABLEAU SYNOPTIQUE. DE LA CONJUGAISON MANfclNG NÉGATIVE COPULATIF VERBE Habituel Progressif j/j n h y ( » » Parfait » Injonctif » Imphécatif » Ordinaire Initiai "l™^ » OU ;) de l habituel Imparfait" du Pboobessif p^ÉMT · ?" U H I » I VEHBETHAUSm VBBBEXNTHAKSmr te; le; li + RV «e;«+Cd+RV ma; me-J-RV te; ti + Cd +,RV + Suff. ma me -h Cd + RV » kana; kene -- RV kana; kene + Cd 4- RV » » ma'+RV ti + RV + Sutt. ;C ";™i+t.;ti +tE; + ti-RV RV M tara etc. )y MC • «+«.+rv iû • ("+ + u ti ++RV + Suft "° M tara etc. ? ;cj;ja™!+-+Rv V. Formes du Parfait. » ti -na RV M<«;« + se; st + RV MC te » T Même forme que le Futur- t jMpA~FArr,,MCM;n~ MC'10(-|H+ Futuk » iMPAHFArr du forme de l'injonctif fO(/«+Cd+RV te ti -j- Cd -f- RV M <aro, etc. ) > | MC M "° -|- h te M tara, etc. )1 titz + + Cd -h RVSuff. -f- Gd ;Uî^!ta^:wete-+cd+Bv. etc. Passé » forme de l'injonctif “ p V. Formes de l'Habituel et du Progressif. FUTUR FuTl'R ti Vi7RHE TPAN$ITIf' VERBE INTRANBITIF Présent Fdtur Immédiat <J <! » DÉBITÉ VERBE M tara etc.') fui '~J + n« + RV y MC U M ti te; fi + na Cd -h RV + se; « + Cd + RV r r ~+~;h--)-M+Cd+RV MG <* -T- + RV + te; « + na+Cd "° { M /ara, etc. ) [! ' ~Ç'' 'y TABI^AU SVNdPTlQUE DE tA CONJtIGiÙSaSMANDING AFFÎBMAtlA'E VI1RB" 1: VElRBE DE^SflTE CoISStIF CÓPULATIF HABrrUEL Habituel Progressif P11J raRBETRAHSinr VEME VEBBE INTBAaSlTlF VERBE «THAiœiTIF 1)" QUALITÉ MC be ou bi +Cd (°)-RV RV (•) (,) MC ba ou bi-RV RY MCisouM Mneouji + + RV » » » + SnB. » M se ou 91 + R V + Sufl. MC M-j/e MC beou M ou ou 91 6i + + Cd Cd + RV MC be ou »i 4- Cd + RV + SuH. M ge ou gi + Cd + RV + Suit. RV + Tta ia Parfait fe » • fi} y H Oji k ka!+ j 1 INJONG'rlF taONCOF Ialenscxrre Imphécatif ORD.NAIRE ou INITIAL I» j Impabfait D An ) l™ RV RV + Sufl. MC s u Jf/ M ka; ye; di; ti; tara+ CA + KV ro MN •. ka;ye;e+ Cd + RV B ta; ke; H; ge; e+ Cd+ RV MC “ + ““ 1'» ka ke ye+ } ka; ke Mfi ka; ks ;ye+ Cd+ RV j,0; fee+ CdH- RV ma+Cd+RV+Sun. ma-F- Cd. RV-1- Suff. RV 0M RV SCMl MN »a » ma*+Cd + RV ° n u MC M'ara;'»™» de l'habituel • M tara; toâ · Impabfait ta; no + 6s; W+RV' MC WUû iere-i-l/e ou 91 +-RV ffl; no+ &«; M + HV + sufl. M tara; tarà; 1ère + je ou yi + Cd MC iù no + te; M 4- Cd + RV + Suit. Phétébit tù ka M. M+Jta+RV Sufl.. M no+}ye MC « +RV+ RV + "CHi"' tara tara V. formes du Parfait I MC n'a + RV ? FcT™ » » M D f-l 'n.;uTÙB li Cd + RV na+Cd+ RV M«;s(+Cd-hRV MC 6s; M+ na+ Cd 4- RV MC Mse;si+RV MC be;bi + na-KV l' A W Futur Immédiatr 'j_ V. formes de l'Habituel et du Progressif Présent UTUH fi} F Passé « in+;Cd+(HV Sf-H-Jnv (sre-f-jH (ara; (ara; 1ère B ta 1 + RV Mtam;larâ;lere+ge;yi±BN+SuR. Mtarà; tara; (s«+ye;9i+Cd + RV+Sufl. Db PROGRESSIF I M+ Cd + RV no + be • ge yi 4- se si -f RV Mye; yi 4- se ge4-n<H-RV MCJrâ;etc.i nI larâ etc. + (1) RV = Radical Verbal. D n 's^S' + RV – (2) Cd ^Complément (lirccl si 4- Cd 4- RV ye 4- no 4- Cd 4- RV Mêmes formes qu'à l'intransitif avec Cd intercalé. CHAPITRE III L'EAU Devant les médiocres possibilités offertes par la Langue de Barbarie, l'activité humaine devait naturellement s'orienter vers le fleuve et l'Océan, qui abondent en espèces comestibles. 1° Le fleuve Après avoir parcouru à peu près 1.700 kms depuis le Fouta Djallon, le Sénégal longe la côte en s'étalant largement sur plus de 500 mètres, insinuant dans le gonpays plat de nombreux bras ou « marigots flent rapidement à la saison humide. Son régime est déterminé par le rythme des saisons de juillet à novembre, la chute de pluie amène la crue et la prédominance de l'eau douce et limoneuse la saison sèche, au contraire, provoque la baisse du niveau, et augmente la salinité générale. Le flot de marée qui se fait sentir à cette époque atteint 1 m. 20; on constate ses effets à plus de 200 milles en amont de SaintLouis. Les fonds sont de l'ordre d'une dizaine de mètres, mais s'élèvent, par contre, à l'embouchure, du fait de la présence d'une barre mouvante et particulièrement dangereuse. Cette barre est une des plus mauvaises de la « côte d'Afrique; sa profondeur varie suivant les saisons, et son gisement change après chaque violent raz-de-marée. La sonde accuse un fond moyen de 10 mètres une fois en dedans du fleuve, dont les eaux tranquilles contrastent avec les lames bruyantes et blanches d'écume au milieu desquelles on vient de qui passer. » (1) En ce qui touche la navigation, il en résulte que seuls, les bateaux calant moins de 0 m. 40 peuvent atteindre Podor de février à mai, les petits vapeurs ne remontent à Kayes qu'après le milieu de juillet, et les gros transports qu'en août et septembre, et pour une période très courte. La navigation maritime, jadis florissante, est en recul. Saint-Louis, en 1929, se classait au septième rang des ports du Sénégal pour le nombre des navires entrés et sortis au sixième pour le tonnage de jauge et la valeur des marchandises débarquées et embarquées. Mais au point de vue de l'économie indigène, cette disposition de la barre est loin d'être un mal car beau- coup d'espèces marines viennent frayer dans les eaux du fleuve, où elles trouvent de meilleures conditions de vie, à cause de la température, de la salinité, de la nourriture et des abris naturels. 2° La mer De Guet N'Dar à la Baie d'Yof, la côte est en conformité avec le relief du sol, plate, rectiligne, bordée de dunes sableuses, peu élevées. Le plateau continental s'étend donc assez loin Les fonds sont formés de sable coquillier plus ou moins fin, généralement de couleur jaunâtre; ce sable est recouvert de vase, en plus ou moins grande partie, au niveau de l'embouchure du Sénégal, et suivant un éventail irrégulier dont le plus grand diamètre se trouve vers le S. O., à cause de la direction générale des courants. La vase molle amenée pendant l'hivernage par les grandes crues du fleuve et déversée dans la mer avec le torrent d'eau douce qui coule pendant 4 ou 5 mois de l'année, s'étale en éventail sur les fonds très agités. Elle est poussée par conséquent assez loin du large, un peu au nord par les courants d'hivernage et beaucoup au sud par les courants marins réguliers N. S. qui régnent sur cette côte pendant toute la saison sèche, avec une vitesse variable, mais qui peut atteindre jusqu'à 2 noeuds à l'heure, particulièrement au voisinage de la côte. « Ces fonds de sable vasard verdâtre, mélange de sable coquillier avec la vase du fleuve, sont excellents «. pour les engins de pêche, et les soles de diverses espèces les fréquentent en grande abondance à peu près toute l'année. Déjà, en face de Guet N'Dar et à environ 4 milles « au large, par 25 à 30 mètres de fond, on trouve des platiers rocheux sur lesquels les pêcheurs noirs se rendent par beau temps 'et où ils pèchent en très grandes quantités parfois, les grandes daurades (Dentex vulgaris), et les énormes fausses-morues (Epinephelus aeneus) » (1). Les fonds sont encore d'une centaine de mètres à 18 ou 20 milles de la côte. Il en résulte pour la navigation de sérieuses difficultés au départ et au retour des pirogues qui ont à traverser trois lignes de brisants « où des canots ordinaires seraient le plus souvent remplis, chavirés et brisés contre la plage ». (2). Les courants sont particulièrement intéressants pour la question qui nous occupe ici, car la plus ou moins grande abondance des poissons est liée à celle du plank- ton qu'ils transportent. Pendant toute la saison sèche, et même une « é partie de l'hivernage, les courants généraux sont dirigés, entre Guet N'Dar, et la pointe des Almadies, parallèlement à la Côte, c'est-à-dire N. S., et ils ont même une tendance à porter à terre, avec d'autant plus d'intensité qu'on est plus rapproché de la côte. «Dans la période d'hivernage, surtout après les grosses tornades avec vent de S. ou S.O., on trouve parfois sur cette même côte des courants allant du S. au N. Mais, comme ils sont purement accidentels, leur présence ne peut qu'être signalée. » (3). La température des courants croît de l'Est à l'Ouest de 18 à 28°; elle varie quelquefois brusquement de plus de 4° et détermine des différences de coloration qui permettent de distinguer les eaux noires, voisines des côtes, des eaux bleues plus éloignées. Le vitesse des courants est assez faible, elle ne dépasse pas 10 à 12 nœuds en 24 heures (4). De la température et de la vitesse des courants dépend Ht concentration des solutions salines, et par suite, la biologie des espèces qui forment le phytoplankton. Les plus importantes sont Siephanopysis turris qui donne à l'eau une coloration verte, puis Rhizosclemia alata, Nitzchia seriata et Bacillaria paradoxa. Le Zooplankton comprend les œufs pélagiques des poissons tels que, les Clupeidés, les alevins mangeurs de diatomées à peine silicifiées, certains copépodes (Paracartia spinicaudata et Calamus brevicornis), des Radiolaires, des larves de crustacés au stade zoé, etc. (1). 3° La faune aquatique Elle est particulièrement riche et variée. De Rochebrune la décrit ainsi (2). » C'est à l'époque de l'hivernage qu'il (le PseÙus sebaé) apparaît en bandes tellement innombrables, qu'à cette espèce surtout peut s'appliquer l'expression d' Adanson ces bancs de poissons si serrés qu'ils roulaient au-dessus les uns des autres ». (Histoire Naturelle du Sénégal, page 98). Il ajoute plus loin ¡ « Il arrive en effet qu'en parcourant en pirogue tes divers marigots des environs de Saint-Louis, le soir principalement, le sillage de l'embarcation, en déplaçant les bancs épais de Chromis, précipite leur marche et que, pressés, ils sautent par dessus bord ». D'après le Professeur A. Gruvel (3): en évaluant à près de quatre cents les espèces différentes qui vivent, soit d'une façon permanente, c'est la majorité, soit d'une façon transitoire, sur les côtes ou dans les différents cours d'eau du Sénégal, on serait certainement encore au-dessous de la véri- «. té. ». Enfin, pour J. Pellegrin (4) nombreuses sont les formes curieuses, rares ou mêmes nouvelles qu'on peut encore rencontrer en Afrique Occidentale. » «. DEUXIEME PARTIE Les Hommes par Henri LABOURET CHAPITRE PREMIER LA RACE Les traditions communes aux Toucouleurs, aux Sérères et aux Wolof s'accordent pour placer l'habitat ancien de ces populations dans le Hodh mauritanien, d'où elles furent expulsées peu à peu par la pression des chameliers berbères qui les refoulèrent vers le fleuve, les obligeant a se réfugier sur la rive gauche du Sénégal aux environs du xie siècle. Les Wolof, comme leurs voisins, appartiennent au type nigritien ou soudanais, habitant les plaines qui s'étendent entre le bassin du Nil et l'Atlantique, du Sahara à la forêt dense. Ils ont été souvent décrits, mais l'observation la plus détaillée et la plus sincère est celle du Dr Lasnet. Il Le type ouolof, dit-il, est l'un des plus beaux types de noirs; de haute stature, robustes et dégagés, les traits réguliers, la peau luisante et d'un noir d'ébène, ils tranchent sur les autres Sénégalais, représentent pour ainsi dire la race fine et aristocratique du pays. Le crâne est dolichocéphale, l'indice céphalique est d'environ 70 chez l'homme et près de 73 chez la femme, qui a ainsi la tête un peu moins allongée que l'homme. La capacité cranienne est de 1.495 c. c. (Hovelacque), l'emportant d'une manière sensible sur les autres crânes sénégambiens. Comme chez toutes les races nigritiennes les os du crâne sont épais et peuvent supporter des chocs extrêmement violents. L'indice nasal est moins élevé que chez les autres noirs. Les lèvres sont grosses et saillantes mais d'une teinte plus mate que la peau du visage. Le prognathisme est souvent à peine sensible, la mâchoire est peu saillante et le menton à peine fuyant, de sorte que les incisives ne sont pas projetées en avant et restent verticales. Les dents sont en général fort belles, très blanches et ne subissent aucune déformation; ils en ont d'ailleurs grand soin, se nettoient la bouche après chaque repas, remplaçant la brosse par l'index, et dans l'intervalle se frottent les dents avec une tige de bois dont l'extrémité s'épanouit en brosse et qu'ils appellent sautiou. Les pommettes sont peu saillantes, les parties latérales du visage presque planes. La colonne vertébrale s'insère assez obliquement sur le bassin, il en résulte une courbure très sensible de la région lombaire et une saillie des fesses dans la station debout, surtout chez la femme. Cette ensellure proviendrait, d'après Tautain, de l'habitude de porter l'enfant sur le dos elle serait transmise et fixée par l'hérédité. De haute stature en général, les Ouolofs ont un buste parfaitement conformé; la moyenne de la taille dépasse 1 m. 70 ils pèchent par les membres inférieurs qui sont relativement grêles, la saillie des molets est peu marquée, le talon est légèrement proéminent, la voûte plantaire est presque effacée, le gros orteil est très détaché, mobile et indépendant, les mains sont longues, les doigts effilés avec ongles grands et plats de couleur bistrée comme la paume des mains. Les seins des femmes sont piriformes, horizontaux et bien fermes au début de la puberté, puis, comme ceux de toutes les négresses, tombent vite sous forme de cones aplatis sur le devant du thorax. Les cheveux sont laineux et épais, mais sur le corps le système pileux est peu développé; la tête, les moustache&, le pubis sont rasés ils laissent pousser la barbe et arrachent les poils des aiselles après application de cendre chaude qui sert d'anesthésique. Pas de tatouages de races, les femmes se teignent les lèvres et les gencives en bleu, elles piquent la mu- queuse avec des épines de sing (acacia) et les colorent avec des arachides grillées et pilées (1). Le Sénégal et ses habitants ont été observés en détail pour la première fois en 1555-57 par Alvise de Ca' Da Mosto, fils du provéditeur de Vérone, qui fit deux voyages à la côte occidentale d'Afrique et descendit au Sud jusqu'à la hauteur des îles Bissagos. Cet écrivain exact, amoureux de la couleur locale, nous fournit des renseignements précieux sur le fleuve Sénégal, l'organisation du pays, le Damel du Cayor, sa cour, les productions de la contrée, la flore et la faune. Ceux qui connaissent la coquetterie et la recherche vestimentaire des Wolof d'aujourd'hui apprécieront le chemin qu'ils ont parcouru en cinq siècles, s'ils prennent la peine de relire le chapitre consacré aux manières et coutumes des Noirs. « Ces peuples cy, dit le voya« geur italien, vont quasi continuellement sans se « couvrir d'aucune sorte d'habillemens, fors qu'ils « portent un cuir de chèvre façonné en forme d'un hault « de chausses avec lequel ils se couvrent les parties « secrettes. Mais les seigneurs et gens d'autorité vê« tent des chemises de cotton, pour ce que ce païs en produit en grande quantité, que les femmes filent, « « et duquel elles font des draps de la largeur d'une « palme, mesure qu'elles ne peuvent excéder, à cause « qu'elles ne savent faire les pignes pour les tisser. Telle« ment qu'il faut coudre quatre ou cinq pièces de ces « draps ensemble, quand on veult faire quelque ou« vrage de largeur. Leurs chemises viennent jusques à « demye cuisse et sont les manches larges qui ne pas« sent la moitié du bras. de certaines chausses de ce « On y use, outre ce, « même drap, qui leur montent jusques à la ceinture « et batent jusques sur la cheville du pied, d'une lar« geur démesurée. «Les, femmes vont toutes découvertes depuis la « ceinture en sus, tant mariées qu'autrement et de «la ceinture en bas, s'affublent d'un petit linceul de « ces draps de cotton, ceint à la traverse, lequel leur my-jambe et vont tous pieds nus tant « va jusques à « hommes que femmes, tenant la tête nue, sinon que de leurs cheveux, ils font quelques tresses assès mi« gnonement ajaneées et liées en diverses manières « mais naturellement, ils ne portent leurs cheveux plus « long que d'une palme. aux maniements des choses qui ne leur sont « « expérimentées, on les trouve fort simples et peu rusés « mais ils ne se montrent pas moins expers en ce qu'ils « ont pratiqué que nous autres. Ce sont gens de grandes « paroles et n'ont jamais fait qu'ils n'ayent toujours « quelque chose à répliquer; au reste menteurs au « possible et grans trompeurs, autrement fort charilairront passer aucun étran« tables, pour ce qu'ils ne « ger sans luy donner à boire et à manger pour un « repas en leur maison, ou bien le logent pour une « nuict» sans en demander aucune récompense » (1). La description du costume porté par les Wolof au xve siècle ne correspond plus aux modes actuelles qui évoluent constamment, mais l'appréciation des qualités psychologiques et morales de cette intéressante population reste exacte. Ca' Da Mosto souligne avec raison les traits principaux du caractère de ces Noirs qui, sont: l'intelligence, l'orgueil, la faculté d'adaptation, la générosité, mais aussi une indépendance et une susceptibilité qui contribuent souvent à faire mal juger les Wolof par les observateurs superficiels, auxquels apparaissent les défauts sans qu'ils prennent toujours la peine de rechercher les qualités. « REMARQUES SUR LA LANGUE DES WOLOF Les Wolof parlent une langue négro-africaine appartenant à la famille dite sénégalo-guinéenne, à laquelle se rattachent également le serer et le peul. Elle ne s'écrit pas, cependant quelques lettrés musulmans la notent avec des caractères arabes, cette pratique est exceptionnelle. D'autre part, un certain nombre d'indigènes chrétiens ont appris à utiliser en wolof les lettres de l'alphabet latin, mais cet usage est peu répandu et l'orthographe n'a pas été fixée. Les premiers renseignements sur le Wolof qui soient parvenus à notre connaissance, datent du xvne siècle, ils figurent dans les Vocabulaires GUIOLOF, MANDINgue, etc. recueillis à la Côte d'Afrique pour le service de la Compagnie Royale du Sénégal. Découverts parmi les manuscrits de la Bibliothèque Nationale par d'Avezac, ces documents ont paru en 1845 dans le Tome II des Mémoires de la Société Ethnologique. Vingt ans avant cette publication, le wolof avait été étudié par un instituteur européen J. Dard, qui eut le premier l'idée de se servir des langues indigènes pour l'enseignement en Afrique. Depuis cette époque ce parler a fait l'objet de divers travaux dont les meilleurs sont cités à la fin de cette note. D'après les traditions locales, le domaine territorial du wolof s'étendait autrefois beaucoup plus à l'est qu'aujourd'hui- Au premier siècle de notre ère ou antérieurement, il était peut-être en usage dans le Fouta Sénégalais, l'ancien Tekrur, où il aurait fait place au serer p uis au peul. Actuellement le wolof est la langue maternelle des habitants du Walo, du Djolof, du Cayor, du Cap Vert, d'une partie du Baol, du Sine, du Saloum et du Rip. Elle tend à remplacer au Sénégal le serer et peut être considérée à ce titre comme langue d'extension, d'autant plus qu'elle est également utilisée dans les escales commerciales du Sénégal par les Maures, les Toucouleurs et les Serer, qui trafiquent avec les Wolof ou vivent en contact direct avec eux. On estime à 800.000 environ le nombre des personnes qui l'emploient. Le wolof est une langue à tons, c'est-à-dire que ses homophones sont distingués entre eux par des variantes dans l'intonation. C'est de plus une langue à classes ou à catégories nominales caractérisées par 1° Un pronom de classe spécial qui sert de pronom personnel, de relatif, de démonstratif, et, en modifiant sa voyelle suivant le degré de proximité, de déterminatif. Il est à noter que le pronom de classe a actuellement tendance à disparaître comme pronom personnel; il est presque toujours remplacé par un pronom commun mu; 2° La nature de l'initiale de la racine, constrictive dans certaines classes, occlusive dans d'autres; 3° La nature des êtres ou choses représentées par les noms de la classe; 4° Un préfixe de classe, qui est le pronom de classe lui même ou sa partie essentielle. Ce pronom a disparu assez souvent devant le nom, mais il est toujours employé devant l'adjectif. CLASSES OU CATÉGORIES NOMINALES Les classes ou catégories nominales du wolof sont au nombre de 10, à savoir 8 pour le singulier et 2 pour le pluriel les pronoms qui les distinguent sont SINGUUER – 1. ku 2. d'u ou gu ` 3. bu 4. gu 5. lu 6. mu 7. su 8. wu piiCRiEt – 9. n'u 10. yu L'examen des termes englobés dans les classes nominales permet de penser que le classement a d'abord été logique, et s'est ensuite fondé sur'des analogies phonétiques c'est pourquoi chaque catégorie renferme des substantifs constituant un ensemble à peu près cohérent, à côté duquel se trouvent d'autres substantifs n'ayant avec les premiers aucun lien logique apparent. I. Cl. ku initiale nasale ou occlusive non nasalisée. Cette classe ne semble renfermer que deux noms: nit, être humain, et ksf, chose faite ou pouvant être faite par l'homme ou lui appartenant. Ex.: nit-ku-n'ul, homme noir kej-ku-raf et, belle chose. II. CI. d'u ou g'u initiale occlusive non nasalisée ou initiale nasale ou latérale. Elle ne comporte pas un très grand nombre de mots et, parmi eux, la plupart se rapportent à la famille maternelle et à la descendance utérine. Ex.: cTigen-d'u-rafet, belle femme; dom-d'u-gur, enfant mâle. IIL CI. bu initiale occlusive, non nasalisée ou initiale nasale ou roulée. Elle comprend un très grand nombre de noms désignant des êtres et des objets assez différents, des noms d'agents, d'instruments, de détermination, etc. on y fait également entrer les noms empruntés à des langues étrangères. Ex. bur-bu-bâx, bon roi; til-bu-dôl, brouillard épais; tapukay-bu-tûti, petite aiguille su-bu-tûti, petit sou. IV. CI. gu initiale occlusive, tantôt non nasalisée et tantôt nasalisée. C'est la classe des noms d'arbres, des produits du bois, des noms d'animaux elle contient garab-gu-tûti, petit aussi des noms abstraits. Ex. tir-gu-gud, grand palmier à huile gayende, arbre lion; ngor-bu-bax, grand honneur. initiale occlusive nasalisée. Cette catégorie comprend surtout des abstractions et des noms verbaux. Ex. nd' eg-lu-meti, prix lourd (élevé); hf-lu-iûti, petite affaire. V. Cl. lu VI. CI. mu initiale occlusive nasalisée ou nasale. On range, dans cette classe, les noms des liquides, des oiseaux, des herbes, des abstractions. Ex. ndok-mu-lâg, eau chaude; mpit'-mu-n'ul, oiseau noir; n'ûk-mn-wow, herbe sèche. VII. CI. su: initiale constrictive, ou bien initiale occlusive nasalisée. Elle renferme tous les diminutifs et un certain nombre de noms feu, jeune fille, terre, sable et plusieurs termes d'origine étrangère. Ex.: safara-su-ler, feu brillant; nf afara-su-ler, petit feu brillant; sa-kar-su-tûti, petite fumée; ndaw-su-rafet, belle jeune fille. VIII. Cl. wu initiale constrictive ou nasale ou liquide» Cette classe groupe des noms d'animaux herbivores» d'insectes, de petits animaux, et des termes très divers fas-wu-we%, cheval nag-wu-rey, grosse vache blanc; yôn-wu-tùti, petit sentier. Les deux dernières classes sont celles des pluriels. Ex. IX. CI. n'u: initiale nasale, forme le pluriel de mit et les noms de nombres de 2 à 4. Ex.: nit-n'U-tûti, de petits hommes; n'ar-n'u-tûtt, (les) deux petits; n'en'entn'vt-mag, (les) quatre vieux. X. Cl. yu initiale quelconque, comprend tous les pluriels sauf ceux de nit et tous les nombres à partir de 5. Ex. fas-yu-wek, chevaux blancs; yef-yu-bak, bonnes choses d'ûrom-yu-tûti, (les) cinq petits. Le pronom de classe sert de pronom sujet ou complément à tout nom de Sa classe toutefois, pour cet usage, on use de préférence du pronom mu comme sujet, pour représenter l'une quelconque des huit classes du singulier; du pronom ku sous la forme ko, comme complément pour représenter tout nom de l'une quelconque des huit classes du singulier; du pronom n'u comme sujet ou complément pour représenter tout nom de l'une quelconque des deux classes du pluriel. Le pronom de classe sert de pronom démonstratif, relatif, interrogatif et remplace tout nom de sa classe nit ku rew mi, un homme (celui) du pays ku rew mi, celui du pays An gis-na, celui que j'ai vu ku n'ew-na, qui est venu. Le pronom de classe sert encore de déterminatif en se suffixant au nom dont on veut marquer l'état déterminé. Dans ce cas, la voyelle du pronom varie selon le degré de rapprochement dans l'espace ou dans le temps de l'être ou de l'objet dont il s'agit. La voyelle u indique un degré imprécis i est employée lorsque l'être ou l'objet est actuellement présent; o, lorsqu'il est éloigné; a quand il est tout à fait en dehors du domaine de celui qui parle ainsi bûr-bu, le roi (en général) bûr-bi, le roi (qui est ici, ou bien le roi d'ici) bûr-bo, le roi (qui n'est pas ici); bûr-ba, le roi (d'un autre pays). Dans les noms déterminés, le nombre est marqué par le déterminatif de classe dans les autres, il n'est pas indiqué, en général cependant, certains noms modifient leur consonne initiale en changeant de nombre, passant de la constrictive à l'occlusive correspondante ou inversement, sans que la règle soit toujours bien observée, comme en peul par exemple. On aura ainsi wa (individu), ga (des gens) baram (doigt), waram (des doigts) bakan (nez), wakan (des nez) pan (jour), fan (des jours); fâgo, branche de palmier, avec un pluriel en fâgô. CONJUGAISON Les verbes simples ou dérivés ont généralement la voix active, la voix réfléchie et la voix passive. Chacune d'elles comporte quatre temps principaux marqués respectivement par un suffixe spécial qui se place immédiatement après le thème verbal et trois temps secondaires formés chacun à l'aide d'un auxiliaire préfixé au thème verbal. Temps principaux: action accomplie, état acquis R + na. Prétérit l'action était accomplie ou l'état était acquis antérieurement R + on. R + kon suivi ou non de na. CONDITIONNEL INJONCTIF: correspondant à l'impératif et au subjonctif français R + un suif. à la 2e pers. du sing. al ou et à la 2e pers. du plur. len. PARFAIT Temps secondaires Présent: ngi + R. di-na ou de-na + R. IMPARFAIT: don (di-on) + R. FuTUR A la voix négative on ajoute au thème verbal l'un des suffixes de dérivation en ul, dont la finale tombe devant une nasale. Le suffixe na du parfait est supprimé; le pronom sujet s'intercale entre ul et les suffixes on et à l'injonctif, le thème négatif s'emploie seul, sauf kon à la 2e personne, où l'on rétablit le thème affirma tif que l'on fait précéder de bul au singulier et de bulen au pluriel. Au présent, on emploie ngi avec le thème négatif; au futur, di-na ou de-na est remplacé par du ou dul suivi du thème affirmatif. L'imparfait ne semble pas usité au négatif. Procédés DE DÉRIVATION Les règles qui viennent d'être exposées concernant les substantifs et les verbes doivent être complétées par quelques remarques sur les procédés de dérivation employées dans cette langue. En ce qui touche les substantifs, certains suffixes ajoutés au radical permettent de former des noms 1° d'agents avec kât bôtn, tuer; bëm-kët, assassin. bers, lutter; bere-kât, lutteur. ligey, travailler; ligey-kât, ouvrier. 2° d'instruments avec kay ligey, travailler; ligey u kay, outil. 3° indiquant le résultat de l'action avec it dog, couper; dog-it, morceau coupé. damd, briser; dam-it, brisure meti, faire mal metit, douleur. 4° marquant l'état avec ay set, être propre setay, propreté. 5° indiquant l'action avec te ¡ sohor, être méchant; nt'ohor-te, méchanceté. 6° la manière avec in dok, marcher dofr-in, façon de marcher. bere, lutter bere-in, manière de lutter. De plus, un grand nombre d'autres suffixes peuvent modifier dans des sens divers la valeur primitive de la racine et former des thèmes dérivés servant comme noms ou comme verbes. Nous en citerons quelques exemples pour ces derniers yi ou d'i, suffixe inchoatif sungu, se baigner sungu-d'i, aller se baigner. ale, suffixe de simultanéité: yobu, porter; yobu-ale, emporter avec soi. ando, suffixe d'association dem, partir, aller; dem-ando, s'en aller ensemble. ante, suffixe de réciprocité sopa, aimer; sop-ante, s'aimer réciproquement. antu, suffixe d'habitude ou de continuité fo, jouer; fù-aniu, jouer habituellement et passer son temps à jouer. argni, suffixe du contraire faia, boucher; fata-rgni, déboucher. Il s'agit, comme on le voit, d'une langue des plus intéressantes, relativement compliquée, dont les racines et la morphologie sont très proches de celles du peul et du serer, comme le montrerait sans peine la comparaison lexicologique, celle des procédés de conjugaison et de dérivation. Les langages secrets des castes et des jeunes gens La société wolof compte plusieurs castes; chacune d'elles paraît user d'un langage secret analogue au gane, signalé chez les Toucouleurs du Fouta Sénégalais par le gouverneur Gaden (Cf. Le Poular, dialecte peul du Fouta Sénégalais, p. 327 et s.). Les langues des différentes castes, remarque cet auteur, « sont basées sur un double modification systématique de la langue principe ordinaire et substitution à certains mots de cette langue de mots à valeur conventionnelle dérivés de radicaux du poular ou empruntés aux langues voisines ». I. Au cours de notre dernier séjour au Sénégal, nous avons pu étudier sommairement le langage secret employé par une caste dans laquelle sont rangés les forgerons (tëg), les tanneurs et cordonniers (ude), les lama-kat ou joueurs de tama, les chanteurs joueurs de guitare (kalmban), les tisserands (triabà). Le procédé employé semble basé sur l'emploi d'un grand nombre de termes à sens convenu, empruntés au wolof, à des idiomes voisins ou construits spécialement, comme le montrent les quelques exemples ci-après ftorom, en wolof. cuire œuf demande pas sel. te II n'y a pas besoin de sel pour cuire un œuf », deviendra dans le langage des griots: gond'ôl gi rok motutô tengen asfap. On trouve, dans cette phrase, les substitutions: toga nen 1. motul gond'ôl pour toga cuire. rok pour nen œuf. ast'ap pour korom sel. De plus, le verbe au négatif molul devient motutô; lengen est fréquemment ajouté avec le sens général d'obtenir et aussi de chercher. dur dure dom-u-bur, tubab M,en Svolof. so si (on) frappe fils de chef, Blancs font frapper. 2. Lorsqu'on frappe un prince, les Blancs punissent », se traduit en langage de caste par bo damase ndimo's palmagdoe kallakau yi damas lô. « On note ici les substitutions bo pour so ou su damas pour dur si. frapper. ndimôs pour dom fils. kallakau pour tubab porteur de pantalon européen. Le terme pal-mag-doe correspondant à bur, roi ou chef, paraît composé des mots wolof: pal = fal, synonyme de tanâ, élire ou choisir; mag, grandir, et doe, être utile. suma d'abar defa wadin, da ma d'ende nkar. ma1 femme a accouché aussi je acheter mouton. « Ma femme a accouché, aussi lui ai-je donné un mouton » ( pour la récompenser et, en échange de l'enfant qu'elle m'a apporté, d'ende indique surtout le fait d'échanger et, par extension, l'idée d'acheter et de vendre). En langage secret, on dira 3. sana nd'one de fa Vap asti ndim mai tengen msmu ngan', avec les substitutions sana pour suma ou soma ma. d'one pour d'abar femme. fap ou t'ab pour am: avoir, obtenir. asô ndim pour ben dom un fils. mai pour ma. tengen pour wud ou ut chercher. memu ngan' désigne, dans la langue secrète, tantôt un mouton, tantôt une chèvre. II. De tout temps, il a existé, à Saint-Louis, des rivalités de quartiers, qui motivent rhostilité, la jalousie et l'émulation parmi les élèves des écoles maraboutiques installées respectivement dans la partie Nord et au Sud de la ville. Cette population scolaire use de langages secrets, à l'exemple des gens castés elle emploie des codes particuliers à chaque établissement. Nous donnons ci-après quelques exemples des procédés les plus en faveur en commençant par ceux du quartier septentrional 1. sômâ karit daf a mo mayon l'ere, en wolof ordinaire, Mon camarade m'a donné du couscous ». La même phrase, en langage secret, devient mosâ rakit fada am yamon reVe. signifie « Il y a donc transposition de syllabe: dafa = fada; refs = tête; et, d'autre part, modification de syllabe par déplacement des éléments vocaliques et consonantiques soma =- mosâ karit = rakit. 2. sô mbubu mi defa rafet do mô ko may ? en wolof Ton vêtement est joli, ne me le donneras-tu pas ?`I s'exprime en langage secret os umbu mi fada far et od ko mô yam ? On y retrouve les procédés indiqués ci-dessus. « 3. En wolof commun di lek; may ma t'i Que manges-tu ? donne m'en. lo En langage secret al di ket, yam am Vi. Les écoliers de l'école maraboutique du quartier sud emploient des procédés analogues, mais un peu perfectionnés. dsma yobu soma h.at genau kor go « J'emmène mon mouton derrière la maison ». En langage secret amada ayibu amasa arha anauga orgoka. On remarque, outre la pratique constante de retourner les syllabes, la préfixation d'une voyelle devant k>s termes ainsi transposés a-mada; a-masa; a-nauga; et, parfois, la sumxation de la même voyelle arh-a, orgok-a enfin, il y a substitution de voyelle à l'intérieur d'un mot a-yibu = gobu. 1. n'evâl n'u bere, vante bul hoti sômâ mbubu. « Viens, luttons, mais ne déchire pas mon vêtement », donnera en langage secret avaln'a un' rebu tanve ulbu diha amasa ubumbu. Cette phrase nouvelle montre, en outre, que la voyelle sufflxée peut être u bul = ulbu, et que si deux voyelles pures se suivent, on les sépare au moyen d'une consonne otify-a au lieu de hoti-a. Les règles qui président à la formation de ces langages secrets sont simples aussi ces parlers ont-ils connu autrefois une rare fortune. De nos jours ils sont de moins en moins usités. Si celui des gens castés est encore employé par beaucoup de griots et d'artisans, celui des écoliers, très en honneur il y a une vingtaine d'années, cesse peu à peu d'être compris, bientôt il sera entièrement oublié. C'est pourquoi nous tenons à remercier tout spécialement ici M. Limalé N'diaye, instituteur du Cadre de l'Afrique Occidentale, qui nous l'a fait connaître. Henri LABOURET. 2. BIBLIOGRAPHIE LINGUISTIQUE DU WOLOF Dictionnaire français-wolof et français bambara, suivi du dictionnaire wolof-français. Paris 1825, 2e édit. à Dakar, 1855. DARD (J.). Grammaire wolofe ou méthode pour étudier la langue des Noirs, etc. Paris, 1826. BARON (Roger). Recherches philosophiques sur la langue ouolofe suivies d'un vocabulaire abrégé français-ouolof. Paris. 1829. Boilat (Abbé). Grammaire de la langue wolofe. DARD (J.). Paris, 1858. Kobès (Mgr A.). Principes de la langue walo fe. Dakar, 1855. Grammaire de la langue wolofe. Kobès (Mgr A.). Saint-Joseph de Ngasobil 1869. Dictionnaire ouolof-français, préKobès (Mgr. A.). cédé d'un abrégé de grammaire. Saint-Joseph de Ngasobil, 1873. Dictionnaire Wolaf-français, nouKobès (Mgr A.). velle édition, revue et considérablement augmentée par le R. P. O. Abiven. Dakar, 1923. Dictionnaire français-wolof, revue Kobès (Mgr A.). et augmenté par le R. P. O. Abiven. Dakar, 1924. Guide de la conversation en PP. DU Saint-Esprit. quatre langues français, wolof, diola, sérère. Saint-Joseph de Ngasobil, 1880. Nouvelle édition en 1907. RAMBAUD (J.-B.). La langue Wolof (Bibliothèque de l'Ecole des langues Orientales Vivantes). Paris 1903. Rambaud (J.-B.). La détermination en wolof. Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 1898, p. 122 à 136. Homburger (Mlle L.). Le wolof et les parlers bantous. Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, 1912, pp. 311-336. Delafosse (M.). Les classes nominales en wolof. Festschrift Meinhof-Hambourg 1927, pp. 29-44. Chapitre II LES FAITS DE PROTECTION 10 L'HABITATION On ressent, en parcourant l'île Saint-Louis, une impression complexe, faite à la fois de beaucoup de calme et d'un peu de mélancolie provinciale. Les maisons très basses, groupées par petits pâtés à intervalles fixes; les rues à angle droit, dont le grand nombre augmente la régularité géométrique du tracé la chaussée étroite, qui semble uniquement réservée aux piétons les minces trottoirs qui fuient au premier tournant, chargés de fonctions nouvelles car, le matin, les laitières wolof s'assoient sur la bordure, près des calebasses, en attendant l'acheteur et, le soir, les amateurs de fraîcheur s'allongent côte à côte, la tête au tout exprime, avec quelque chose de légèmur-;suranné et de monotone, la règle, le plan. rement Guet N'Dar, au contraire, est le royaume de la fantaisie, voire de l'extravagance architecturale. Les matériaux de construction les plus divers y voisinent et se compénêtrent: roseau avec fer blanc ou tôle ondulée, ficelle en fibres de baobab avec clou et fil de fer, planche avec pierre ou étoffe les styles les plus variés s'y manifestent en des rapprochements bizarres, des synthèses inattendues suivant le goût et les ressources budgétaires des occupants. Deux influences sont cependant nettement visibles c'est tout d'abord, mais faiblement, celle des maures avec quelques échantillons des tentes classiques en tissu de poils de chameau ou de chèvre; c'est surtout, de plus en plus, celle du monde occidental, avec les maisons de briques ou de planches, calquées sur celles d'Europe. Le contact de ce dernier apport a profondément altéré les caractères primitifs de la construction wolof, mais malgré ses acquisitions, souvent disparates, le type original résiste et constitue encore de beaucoup le fond de l'ensemble. C'est à son étude que nous nous bornerons. Comme dans le reste de l'Ouest africain, la véritable unité n'est pas l'habitation particulière* mais le carré (kôr ou kr), groupe de 5 à 6 cases, dont les habitants, individus ou ménages, sont en général unis par des liens de parenté. Le carré est séparé des autres et de la rue par une légère palissade (saket u gnaw kr) qui limite une surface à peu près rectangulaire où les cases sont édifiées. Des tiges de roseau verticales (sôk) de 2 mètres de hauteur environ, sur une épaisseur de Om. 02 et une largeur de 15 à 20 mètres, constituent l'élément principal de la clôture. Elles sont attachées par faisceaux tous les 0 m. 05 à des pièces de bois parallèles et horizontales (lâf), au moyen de ficelle ou de fil de fer. Les lût, équidistantes de 0 m. 50 environ, ont une épaisseur de 0 m. 03, une longueur de 2 à 3 m., que l'on augmente en les liant bout à bout. La matière employée est le bois de filao, ou la nervure centrale de la palme de cocotier. Pour maintenir cette cloison verticale, on l'attache, par l'intermédiaire des làt, à de solides poteaux de bois grossièrement taillés (piket) qui la dépassent à peine. Ils ont un diamètre de 0 m. 10, et sont enfoncés dans le sable, tous les 4 mètres, du côté interne de la palissade. Certains sont quelquefois surmontés surtout quand ils sont à un angle d'un crâne de bélier blanchi par le soleil. L'entrée du carré, dite bût u kr, est généralement une simple discontinuité de la clôture sur 1 ou 2 mètres. A) La clôture. B) La case. La case, quadrangulaire, est essentiellement constituée par les parois et le toit; elle n'a pas de plancher. a) Les parois (saket u fkk), sont des rectangles de 4 m. sur 2 m., ne pénétrant que très peu, ou pas du tout dans le sol. Leur architecture, semblable à celle de la palissade externe, se renforce souvent par l'augmentation du nombre des lût (5 ou 6) et l'adjonction de matériaux d'origine européenne (tôle ondulée, fer blanc et planches, provenant de bidons d'essence et de caisses déclouées). L'entrée de la case (bût u nek) peut être fermée au moyen d'un panneau rectangulaire amovible, en planches ou en roseau c'est quelquefois seulement un rideau d'étoffe. La fenêtre (polâter), quand elle existe, n'est qu'une simple ouverture de 0 m. 50 de côté. b) Le toit (dyâk), consiste en une pyramide à base carrée, de 2 m. environ de hauteur, qui se termine par Aji.«^s. Détails de la maison une pointe verticale (puty u fiek). La base est un cadre composé "de quatre branches de filao à peu près rectilignes, non écorcées, de 4 m. de long, sur 0,05 à 0,08 de diamètre, tantôt clouées, tantôt attachées. Chaque branche se nomme walplet. Dans le plan vertical passant par les milieux de deux côtés opposés du carré de base, deux môtû se reunissent à l'axe du toit, le putg g nek, qui dépasse de 1 m. environ le sommet de la pyramide, de part et d'autre. Il est solidaire des deux môtâ par deux pièces horizontales, les dyég, sur lesquelles il s'appuie. La charpente du toit se complète enfin avec les quatre poh, arêtes de la pyramide servant de soutien tous les 0 m. 25 aux làt épaisses de 0 m. 03. La couverture en paille (hod) attachée par petits faisceaux à la carcasse de bois, nécessite une quinzaine de bottes vendues 1 franc pièce au marché de la ville. On opère la ligature, tantôt avant, tantôt après la mise en place du toit sur les poteaux fourchus des cloisons. Un vieux filet de pêche étalé assure quelquefois la protection de l'ensemble en cas de tornade. Il est très fréquent d'observer, au sommet de l'édifiée, un petit drapeau rectangulaire, d'étoffe grossière, à couleur délavée, mesurant environ 0 m. 30 de longueur. Son but est à la fois esthétique et pratique il achève la décoration de la case, et indique la direction du vent aux pêcheurs qui vont partir. c) Construction et prix. La construction de la case wolof ne présente pas de sérieuses difficultés. Elle n'est pas le fait d'une main-d'œuvre spécialisée ni considérable, et l'individu isolé peut en venir à bout. Ainsi, le pêcheur Abdullah Fall, qui montait pour sa belle-mère l'habitation décrite plus haut, travaillait seul et comptait achever en 4 jours, les matériaux étant à pied d'œuvre. Néanmoins, à Guet N'Dar, comme dans Je reste de l'Afrique noire, l'échange des services est chose courante, et l'édification de la case peut être collective, le futur habitant fournissant alors à ses collaborateurs la nourriture et la boisson. En ne tenant pas compte de la valeur du travail humain, le prix de revient moyen d'une case est compris entre 100 et 200 francs. La durée des éléments de surface (paille et roseau) peut, malgré leur apparence fragile, être supérieure à trois années. < 20 LE MOBILIER Ici, encore, la géographie et l'histoire déterminent une telle mosaïque d'éléments qu'il est presque impossible de retrouver le type initial. Ces variations aux limites très larges souvent liées à celles du logis sont avant tout fonction de la richesse des individus ou des familles. Pourtant, à l'intérieur d'un même carré, un autre facteur de divergence intervient celui de l'âge les cases des jeunes générations éprises de modernisme manifestent en effet des besoins nouveaux, tant bien que mal satisfaits. Si l'on constate d'autre part que les récentes acquisitions s'ajoutent aux héritages familiaux, sans les supprimer, dans une co-existence pleine de libéralisme, on aura défini le premier caractère général du mobilier wolof, à savoir son manque d'unité. Un deuxième caractère, non moins essentiel, est son haut degré d'européanisation. L'Islam, en cette matière, a une influence pratiquement négligeable, d'autant plus restreinte qu'il y a non loin des exemples concrets d'ameublement moderne dans les maisons indigènes de N'Dar Toute ou de Saint-Louis exemples appuyés en outre par les prestigieux catalogues imprimés des maisons de commerce, dont les images constituent un puissant levain de transformation. Lorsque le pêcheur ne peut se procurer un objet, il le confectionne avec ses propres ressources, et cette imitation, souvent ingénieuse, parfois naïve, est remarquable en soi, parce que révélatrice d'une tendance profonde citons, par exemple, ces magnifiques chaiseslongues, genre transatlantique, à profil en X à branches asymétriques, à dossier rigide, totalement composées de planches brutes provenant de vieilles caisses déclouées. On rencontre sans doute des sièges bas, circulaires, taillés dans un seul bloc par les Laobé, mais aussi en très grand nombre des petits bancs cloués, des chaises paillées ou métalliques. La literie confirme la même mode le lit européen, avec sommier, matelas, draps et couvertures, s'il n'est pas encore totalement adopté, se multiplie au détriment de ces appareils fréquents dans l'intérieur du pays, et constitués par des planches ou des douves de tonneaux reposant sur quatre pieds fourchus enfoncés en terre, et recouvertes de peaux grossièrement tannées. Même sous une pauvre tente maure qu'il occupait presque en totalité, nous avons noté un lit-cage en fer à sommier métallique, aux pieds directement engagés dans le sable mou. Les coffres, suivant leur volume, remplissent les fonctions d'armoires, de bahuts, de cantines. Ils sont en bois bardé de fer, généralement peints de couleurs vives, agrémentés en arabesques multiples de gros clous de cuivre à tête bombée. Reportons plus loin les ustensiles de cuisine et de ménage, et terminons par la décoration de l'habitation. Accrochés aux murs, chez certains musulmans, des tableaux encadrés et sous verre, où le rouge et le vert dominent en des motifs variés joints à des petits textes en caractères arabes. Puis, les photographies des parents assis dans la pose classique. Enfin, ce que l'on pourrait appeler l'exotisme du point de vue wolof calendriers-réclames de maisons ou de produits européens, cartes postales à personnages sentimentaux. gravures découpées dans les périodiques, etc. Lorsque le carré est en fête, le nombre de nattes s'accroît de celles prêtées par les voisins, l'éclairage ordinaire (lampes à pétrole et bougies) est fortement multiplié, tandis que des guirlandes et des serpentins en papier sont disposés en arrangements agréables. 3° LE VÊTEMENT ET LA PARURE La race provoque, entre wolof et maures, une première différence vestimentaire. Mais il y a de plus celles dues au sexe, à l'âge, à la richesse des individus, à la saison et à l'activité. féminin. Une semaine après la naissance de la fillette, on lui rase le crâne en respectant la délicate région des fontanelles l'opération se répète au cours du temps, de manière à laisser subsister des touffes symétriques plus ou moins rondes qui croissent peu à peu. Pendant toute cette première période, si l'on excepte les grosses perles colorées ou les morceaux de corail fixés dans la chevelure, ou encore A) Le vêtement enfilés sur une ficelle autour du cou et des reins, l'enfant vit presque nue, légèrement recouverte d'un petit pagne à la saison fraîche. A la puberté, la jeune fille n'est désormais rasée que sur le pourtour de la tête, au-dessus des oreilles de sa chevelure en forme de calotte, pend, sur le front ou la joue, une courte natte très serrée, terminée souvent par une médaille ou une pièce de monnaie. C'est alors que chez certaines, l'élégance se manifeste par une mise en valeur systématique de la lèvre inférieure, tatouée en bleu. La jeune fille se pare, en outre, d'une perruque où est cousue, sur la coiffe d'étoffé noire, une multitude de petits disques plats de 2 centimètres, obtenus par l'enroulement en spirale de tresse mince et teinte en noir, cependant qu'un orifice au sommet permet le passage de la natte de cheveux naturels. Le vêtement acquiert une grande importance le pagne en est l'élément essentiel. C'est une pièce de cotonnade importée, quadrangulaire, à large rayures transversales de couleurs vives et variées. Il tombe du sommet des hanches à la base du mollet, ou à la cheville, un peu comme une jupe. On l'enroule autour de la taille, de telle façon que le bord vertical de l'extrémité terminale vienne se superposer un peu en avant et à l'extérieur de la jambe gauche. L'attachage s'obtient par simple enroulement du coin libre sur la région déjà placée. Il est ainsi fragile et demande à être très souvent refait. Un petit pagne très court, d'étoffe très simple et non décorée, se trouve sous ce vêtement, à même le corps. La deuxième pièce vestimentaire importante est le boubou. Il est communément en indienne, mais les jeunes filles le portent léger, transparent, en mousseline, voile ou gaze. Sa forme est celle d'une blouse très vaste et simplifiée, à encolure circulaire pour le passage de la tête, sans manches, l'étoffe tombant en cloche sur les épaules ou, relevée, démasquant les flancs. De dimensions très variables, il s'arrête en moyenne au genou, mais l'idée de richesse et d'élégance est intimement liée à son ampleur. Enfin, lorsque cela est possible, la femme wolof aime à se ceindre les reins d'une autre pièce d'étoffe roulée qui l'épaissit beaucoup, et à se parer les épaules d'un large pagne porté à la façon d'un châle. Les pieds sont tantôt nus, tantôt chaussés de ces babouches importées ou imitées de l'Afrique du Nord, à semelle de cuir épaisse, à empeigne de velours à broderies de cuivre ou d'argent. La façon de traîner ces chaussures sur le sol augmente encore la lourdeur et la lenteur de l'allure. Les perruques des femmes mariées présentent une assez grande variété de formes. La calotte, s'il y en a, est faite d'étoffe et de papier, couverte de fibres végétales teintes en noir. Des mouchoirs aux tons chauds, noués autour de la tête achèvent la coiffure. La parure proprement dite est très goûtée: bagues et bracelets d'or massif ou filigrané; boucles d'oreilles qui pendent en grappe de leur support lobé; colliers dont le motif central est la corbeille de fleurs lourds bracelets de pieds, jadis en argent massif, maintenant en aluminium, plus accessible. Toutes ces pièces, travaillées sur place par les forgerons-bijoutiers (tôg), dénotent en partie les influences extérieures adaptées comme il ressort des deux derniers exemples. Il y a, de plus, les bijoux de bois noir à inscrutations de métal, apportés par les Maures, et les vulgaires marchandises de traite en moderne galalithe. Enfin, toutes sortes de produits à fonctions magico-religieuses, tels que verroteries, et perles colorées, corail, ceintures en chapelet à grains de bois odorant. Le nouveau-né, rasé s) Le vêtement masculin. d'abord comme plus haut, l'est en général totalement vers le troisième ou quatrième mois, et ce que l'on peut appeler son vêtement diffère peu de celui des fillettes du même âge, essentiellement constitué par un petit boubou pendant la saison fraîche, et quelques amulettes ou gris-gris. Plus tard, le jeune homme et l'homme fait, mettent un caleçon ou un pantalon, parfois une chemise ou un tricot, et un boubou par-dessus. Cette pièce a les caractères généraux de celle des femmes, mais elle est notablement plus ample et plus longue, tantôt teinte à l'indigo, tantôt les jours de fête musulmane, complètement blanche. Partant de l'encolure, et s'arrêtant au creux de l'estomac, un motif de broderie descend obliquement, décorant une vaste poche carrée sans rabat extérieur. Mais pour le travail en mer ou au village, les pêcheurs préfèrent un vêtement plus simple et moins vaste, sorte de chemise à manches courtes, descendant au genou. Certains arborent aussi d'authentiques chemises européennes à pans flottants complètement sortis du pantalon court, d'autres, des maillots genre sport largement échancrés et collants. Les chaussures les plus usuelles sont les babouches jaunes et souples en cuir de mouton, où les pieds entrent nus ou protégés de chaussettes. Pendant le travail le pêcheur se garde bien de s'en servir même à terre, car elles sont fort gênantes pour marcher dans le sable. En général, le wolof de Guet N'Darva tête découverte la coiffure présente cependant des formes multiples casques blancs ou feutres d'origine européenne, voire bonnets de laine de couleur tendre à gros pompon. Le fez, rigide et haut, tronconique et sans gland, est aussi très fréquent. En résumé, le costume est en voie de transformation. Cela ressort de l'examen du présent, et se confirme par la comparaison avec le passé. Les changements sont rapides. Il y a 50 ans, on notait (1) chez les femmes, la légèreté des vêtements, chez les hommes, la prédominance des couleurs voyantes dans les boubous jaune serin, violet, vert, bleu clair; la coiffure en temps ordinaire était « un bonnet cylindrique en calicot blanc ». Les femmes se sont couvertes, les couleurs se sont éteintes, le bonnet à disparu, et le fixe-chaussettes est vendu communément. CHAPITRE III LA VIE ECONOMIQUE 10 LE marché Il est situé sur la Langue de Barbarie, au nord et dans le prolongement de la partie orientale de Guet N'Dar, le long de la rive droite du fleuve. C'est une construction rectangulaire, au toit haut, au sol maçonné et légèrement surélevé, où les produits sont classés par catégories sur des travées voisines. Ses abords immédiats sont entourés d'éventaires très rapprochés, posés sur des nattes, des pièces d'étoffe usagée ou même directement sur le sol on rencontre en premier lieu, près de la fontaine, les marchands de bouteilles vides, et d'herbes médicinales, puis les vendeuses de volailles, de lait, d'œufs, etc. Plus loin, sur la berge, les vendeurs de bois sont alignés, fendant à coups de hache les grosses branches débarquées des pirogues de fleuve et des chalands, puis les disposant en petits fagots près des tas de Charbons de bois. Plus loin encore, dans la même direction, les vendeurs de boltes de paille pour les toitures et d'herbe pour les animaux domestiques. Le côté opposé du marché est moins varié, mieux tenu, occupé surtout par les négociants en tissus et vêtements. Le poisson est débité dans un bâtiment qui s'oriente transversalement au Nord du marché général. Comme lui, il a une couverture, un sol cimenté où sont élevées des tables en maçonnerie, hautes de 50 centimètres environ, au milieu desquelles les marchandes sont assises, entourées de leurs produits. Tout autour de ce bâtiment, les petits commerçants ont installé de minuscules éventaires pour les crevettes et les amorces destinées aux pêcheurs. 2° LA CONSOMMATION ET L'ALIMENTATION Elle doit satisfaire aux besoins des habitants de Saint-Louis. Parmi les produits d'origine végétale, les deux essentiels sont le mil et le riz (1 fr. 20 le kilog) on trouve en outre le maïs, les haricots européens, les haricots indigènes (nebe), les patates, les pommes de terre (2 fr. 50 le kilog), les pois du Soudan, le manioc, les tomates, les aubergines, les carottes, l'ail, l'oignon, les piments, le soumbara soudanais, et la feuille de baobab (lâlo) qui sert à confectionner les sauces; puis les fruits citrons, mangues, goyaves, papayes, etc. A côté des produits alimentaires, les médicaments la décoction de feuilles de papayer, la pulpe du tamarinier comme laxatifs; la décoction de feuilles de kinkiliba comme diurétique; les feuilles de manioc et de l'acajou ven, comme fébrifuges*, la farine du fruit du baobab en cataplasmes, comme curatif des maux d'veux, etc. Enfin, parmi les huiles l'huile d'arachides, l'huile de palme (2 à 3 francs le litre), l'huile dite de Beref, extraite de certaines cucurbitacés. Pour les produits d'origine animale, on remarque l'abondance et le prix de la viande de bœuf ou de mouton, en raison de la proximité de la Mauritanie 2 gros biftecks reviennent à 1 fr. 50, une portion moyenne de veau coûte 1 franc, le poulet vaut 4 fr. 50 l'œuf de poule 0 fr. 50 le litre de lait est vendu 2 fr. 50. L'alimentation des pêcheurs est loin d'être aussi variée. Elle est en revanche fort substantielle, d'une composition très riche en matières azotées, et s'adapte ainsi au dur travail de la mer. Elle parait efficace, si l'on en juge par la musculature des hommes et la prolificité des femmes, la vigueur des jeunes enfants. Ce sont les femmes qui préparent la cuisine, effectuant dès l'enfance leurs premiers essais. Parmi les nombreux instruments ménagers, il faut citer les mortiers en caïlcédrat ou fromager qui atteignent 75 cm de hauteur, et résonnent bien avant le jour sous le choc des pilons; les jarres (nda) en poterie, placées près de la porte des cases, la base enfoncée dans le sable, l'orifice mal protégé par un grossier assemblage en planches, et qui servent pour la teinture des étoffes, la conservation de l'eau nécessaire aux usages domestiques, etc. les calebasses hémisphériques dont le diamètre varie de 10 à 40 centimètres environ des marmites de fonte vénérables, dont une variété curieuse est cette marmite à trous, demi-sphère servant à la confection du cous-cous, placée au-dessus du récipient où l'eau chauffe. Enfin, les adaptations ingénieuses et pittoresques d'instruments d'origine européenne ne sont pas rares, entre autres les cuvettes émaillées, les bidons à essence en fer blanc, garnis de poignées en fil de fer, les récipients en caoutchouc, provenant de vieilles chambres à air d'automobiles, patiemment réparées et consolidées. La cuisson des aliments se fait au charbon de bois, ou, le plus souvent, au bois que l'on achète au marché de la ville, et dont le prix relativement élevé semble augmenter sensiblement les frais de la cuisine. Voici, d'après une ménagère wolof, quelques types de plats tyep, tah, basi, beignets. Pour 4 personnes, un plat de riz (tyep) demande 1 80 t kilog. 500 de riz à 0 fr. 60 112 litre d'huile Poisson Tomates Oignon Eau Bois de chauffage. 2 25 2 00 0 75 0 10 » 0 50 7 40 TOTAL Le lah est à base de mil. Dans de l'eau suffisamment salée (sâkhôl), à l'ébullition, on verse le mil que l'on agite avec un bâton de bois, le boku, de 40 cm de long. et 1 cm de diamètre. On laisse réduire jusqu'à consistance désirée, puis on verse cette bouillie, à l'aide d'une petite calebasse (batu lahu) dans une grande calebasse où elle se refroidit. On arrose avec du lait caillé sucré (sumbaynik). Un tel plat pour 4 personnes se prépare en deux heures, y compris la réduction du mil en farine, et nécessite les produits suivants Sel 2 pots de mil à 1 fr. 25 4 pots de lait caillé 250 grammes de sucre 2 50 3 00 Bois de 0 50 chauffage. TOTAL 0 75 0 05 6 80 Le basi se compose essentiellement de mil et de sauce. Suivant la nature de celle-ci, on peut obtenir avec des haricots indigènes, le basi nebe avec du poisson sec, le basi gedg. On pile tout d'abord le mil deux fois afin d'en extraire le son, puis obtenir la farine. Dans une calebasse de 50 cm. de diamètre environ, on fait des grumeaux que l'on verse dans la marmite à trous lorsque l'eau commence à bouillir, dès que l'on a obturé, avec la farine, les fentes et les orifices de l'appareil. Au bout du temps convenable, ce « tyere trans- est vasé à raide d'une petite calebasse à manche dans une calebasse propre, et les grumeaux trop volumineux sont écrasés. On prend alors des feuilles de baobab (lâlo) coupées en morceaux et séchées au soleil, on les tamise sur les mets en préparation, on ajoute de l'eau aux grumeaux obtenus, et on replace dans la marmite à trous pendant 20 minutes. On refroidit enfin par petites quantités étalées sur les parois d'une calebasse à laquelle on communique un mouvement de va et vient pour augmenter le contact avec l'air. Il faut maintenant cuire la sauce. Pour cela, on prend trois quarts de litre d'arachides, on les grille, on les débarrasse de leur enveloppe rouge, on les pile. Cette farine est mêlée à de l'eau froide et la bouillie qui en résulte est jetée dans l'eau légèrement salée qui chauffe sur le feu. On verse ensuite la viande de mouton ou de bœuf (ya.p), les haricots indigènes (nebe), le dyôbôs (c'est-à-dire, ce avec quoi on fait les calebasses), de l'oignon et de l'ail en quantité suffisante. Après ébullition de l'ensemble, on fait réduire lentement et on couvre le tyere avec la sauce obtenue et les éléments qui le constituèrent. Il ne reste plus qu'à se laver la main droite, puis toujours avec les doigts et la paume de cette main, pétrir de petites boulettes que l'on porte à la bouche. Le plat de basi pour 4 personnes nécessite de 2 fr. 50 à 3 francs de mil, et revient de 6 à 10 francs. C'est essentiellement le repas du soir dont les restes serviront au premier repas du lendemain. Les beignets sont préparés aux fêtes, en versant dans une calebasse de la farine française » (c'est-à-dire,de la farine de blé), de l'eau, du sucre, de la flor d'ordz (fleur d'oranger). On agite le tout et on fait frire dans l'huile par petites quantités. L'alimentation, comme les autres faits sociaux n'échappe pas à la loi du contact. De plus en plus, l'usage se répand de consommer du pain, du sucre, du café, et, à l'imitation de l'Européen, de varier les menus. L'alcool, interdit par la religion musulmane, est remplacé par la limonade et les sirops, et il n'est pas rare de voir les Maures venir de loin s'approvisionner aux comptoirs de Saint-Louis, acheter le liquide par caisses, et, le crayon en main, vérifier impertubablement leurs calculs sur un carnet au moyen de la règle de trois. 3° LA PRODUCTION ET LA vente a) C'est évidemment la pêche qui est l'industrie prédominante. Chaque jour, 40 tonnes de poisson frais sont portées au marché, et 35 tonnes sont mises au séchage. Les droits perçus annuellement sur cette denrée par la municipalité s'élèvent à 350.000 francs. Le grand nombre des artisans travaillant pour la pêche indique, d'après les renseignements officiels, une spécialisation intense il y a 7 charpentiers, 100 toiliers, 300 cordiers, 200 fabricants de filets, 50 marchands ou marchandes préparant le poisson sec. Il convient donc d'étudier particulièrement les opérations de la pêche, ce que nous ferons plus loin. A Saint-Louis, l'abondance des produits se marque par des prix très bas la vente a lieu à la pièce ou au morceau une langouste vaut de 1 fr. 50 à 2 francs une très grosse sole de 1 fr. 50 à 2 fr. 50, et l'on peut trouver d'appréciables tranches de poisson à partir de 0 fr. 20. Les marchandises en excès trouvent facilement des débouchés dans l'arrière pays, où elles sont très estimées, soit fraîches, soit séchées; elles s'écoulent par la ligne du chemin de fer de Dakar-Saint-Louis par Louga, Kelle, Thiès et Diourbel jusqu'à Kaolack. b) Il y a, à côté de la pêche, des industries de complément que les pêcheurs pratiquent suivant les circonstances* La manutention dans les maisons de commerce européennes satisfait leur besoin d'argent liquide, et les libère des liens sociaux. Le transport des marchandises sur le fleuve Sénégal est aussi une ressource. Sur ces bateaux, semblables aux pirogues des fleuves mais de tonnage plus considérable, les 3 ou 4 voyages annuels ont lieu pendant l'hivernage le frêt d'aller est essentiellement constitué par le sel de Rosso, le frêt de retour par le mil, le beurre, etc. Les femmes des pêcheurs ont aussi d'autres activités que celles du ménage, entre autres, la pratique de la teinture à l'indigo. Voici les différentes phases des opérations qui sont effectuées dans la cour du carré 1° dans une vieille cuvette émaillée à fond percé, de 50 cm de diamètre environ, qui contient sur un vieux sac de la cendre de bois brûlé (heme), on verse de l'eau froide que l'on recueille après infiltration dans une calebasse. L'indigo en boule (ngédy) est lavé, puis cassé dans une jarre et enfin, dissous. C'est dans cette jarre que l'on verse à la fois et jusqu'à réplétion l'eau du heme et un corps appelé wâda. Le mélange repose 4 jours en saison chaude, 7 jours en saison fraîche. Appareil pour la teinture à l'indigo 2° Pour colorer le boubou, on le plonge dans la teinture et on le sèche sur des bois tendus, tandis qu'il noircit. On pratique ainsi, chaque jour pendant 3 jours, 3 séchages après trempage le matin, et 3 séchages après trempage le soir. On lave ensuite à l'eau douce, sans frotter, et l'on étend au soleil. 3° On dissout dans un 1/2 bidon d'essence contenant de l'eau bouillante une boîte d'un corps nommé hôgmet que l'on* agite. Après refroidissement de l'ensemble, on trempe le boubou rapidement, on l'égoutte, on le sèche, au soleil à l'endroit. 4° On achève en tapant le boubou pendant une heure sur un rondin à l'aide de maillets ou de massues. Il acquiert un beau glaçage. Un boubou d'homme demande environ 9 mètres d'étoffe. Le prix de revient est donc wâda. Indigo en boule heme 9 m. à 3 fr. 50 TOTAL. 3 00 250 100 3150 4800 Un tel boubou est actuellement vendu de 60 à 75 fr. Le produit de son travail est réservé à la femme qui en dispose librement. Elle peut ainsi acquérir des moutons ou des bovidés qu'elle confiera à la garde du berger maure moyennant une rétribution. Enfin il faut signaler la fabrication de petits bateaux décoratifs, creusés dans un morceau de fromager, pyrogravés et peints de couleurs vives. Leur forme, leur nature et leur gréement témoignent d'une grande fantaisie, mais n'ont plus que de lointains rapports avec la réalité. Ces curiosités locales, vendues par des enfants ou des jeunes gens, sont destinées aux blancs de passage et aux fonctionnaires nouveaux venus. CHAPITRE IV LA SOCIÉTÉ 1° LES SURVIVANCES' La société de Guet N'Dar camprend une aristocratie de familles issues de guerriers ou de marabouts, des hommes libres, des gens castés. Tels sont, parmi ces derniers, les bijoutiers-forgerons (tôg), les tisserands (ralkàf), les cordonniers (ude), et les différentes sortes de griots. Nul ne peut sortir de ces groupements fermés appelés neno, ni par le talent, ni par la richesse, ni par le mariage. Les unions ne sont permises qu'à l'intérieur de la caste, ou à parité de rang social. En fait, malgré le caractère absolu de ces interdictions, il se produit un nivellement sous l'influence de tout d'abord la désagrégation de causes multiples l'ancienne armature sociale consécutive à l'abolition des puissances politiques indigènes; en second lieu, la naissance et le développement d'une petite bourgeoisie locale, avec pour corollaire immédiat, une exaltation des valeurs matérielles au détriment des anciens impératifs coutumiers; enfin, la diffusion des idées démocratiques développées au cours des campagnes électorales et plus ou moins assimilées. Tons ces facteurs concourent à la prédominance d'un individualisme que renforce encore le potentiel d'action contenu dans le salaire régulièrement payé. Dans cette société en pleine transformation, certains traits de la structure primitive percent sous la façade islamique. La position de la femme est ici remarquablement élevée. Très libres d'allures dans le jeune âge, les épouses vivent rarement recluses dans un harem, mais continuent au contraire à demeurer longtemps chez leur mère elles jouissent d'une véritable autonomie budgétaire, puisque, grâce à leur travail, elles peuvent se constituer un pécule dont elles disposent librement. Mais ce qui nous semble plus significatif est le rôle joué par la sqeur du pêcheur. Béranger-Férault le signalait lors des cérémonies funéraires « Les veuves sont obligées de rester accroupies et sans mouvement dans la case où était le défunt jusqu'à ce que la sœur du mari vienne leur dénouer les cheveux et faire leur toilette de deuil. Sous le nom de sœur, le wolof comprend, à défaut de la fille de la même mère, la plus proche parente du mort. » (1). La même importance lui est accordée au moment du partage des poissons. Enfin, ce sont encore des femmes qui accomplissent en partie les rites propitiatoires à l'ouverture des campagnes de pêche. Nous reporterons plus bas l'étude détaillée de ces manifestations qui sont intimement liées à la technique. Mais, si certaines survivances sont respectées, beaucoup d'autres sont dangereusement menacées par le monde moderne qui dresse devant elles des assaillants résolus. A titre d'exemple, rappelons rapidement quelques-unes des obligations imposées par la coutume au jeune homme qui désire prendre femme. C'est en premier lieu, lors de la demande officielle, le versement aux parents de la jeune fille du Bal), ou varugar qui, à Guet N'Dar, s'élève à 200 francs environ, et à N'Dar Toute et Saint-Louis, à 1.000 francs. La demande adressée au père est renvoyée devant la mère. Après accord, on fixe le montant de la dot (1.000 fr.), le jour, l'heure et le lieu de la cérémonie on choisit en général le lundi ou le vendredi après-midi. Pendant la durée des fiançailles – parfois systématiquement allongée par les parents le fiancé prodigue à sa future famille de nombreux cadeaux babouches, pagnes, mouchoirs, bijoux, travail bénévole. L'acquittement de la dot a lieu le jour de la cérémonie nuptiale. Celle-ci se déroule à la mosquée. Par trois fois les paroles solennelles sont prononcées: nous demandons la main de telle fille. ». Par trois fois, la réponse retentit: « nous accordons la main de telle fille. ». Puis, c'est la prière en commun (hudbo). Aussitôt après, l'enthousiasme de la foule éclate, les griots commencent un grand vacarme, et si l'on tient à sa réputation, il faut procéder à une large distribution de kolas et de bonbons. La consommation du mariage s'aecomplit dans une case décorée, grâce aux soins des parents et des amis, par des nattes, des serpentins, et des guirlandes de papier, et dès la pointe du jour, le nouvel époux part discrètement après avoir placé sous l'oreiller de sa compagne un nouveau cadeau variant entre 200 et 500 fr. et appelé ngeganôl. La belle-mère pénètre alors dans la case et s'en retourne vite proclamer la perte de la virginité de sa fille. Nouveaux coups de tam-tam de la part des griots, nouvelles récompenses qui peuvent monter à 200 francs. Cependant, les jeunes amies de l'épousée apportent leurs félicitations et témoignent bruyamment leur allégresse; elles resteront en sa compagnie plusieurs jours, gracieusement invitées. Le mari, s'il ne l'a déjà fait, prend à sa charge les frais divers occasionnés par la cérémonie en versant une nouvelle somme appelée hogmet. Il confie enfin à sa belle-mère le mbrenii (100 fr. à Guet-N'Dar, 500 fr. à Saint-Louis) qu'il destine à sa jeune femme. «. Toutes ces formalités financières dûment réglées, l'édification de la case conjugale peut être entreprise* Il est aisé de voir qu'un tel système favorise avant tout les unions des riches vieillards. Il ne peut persister que dans une société à transformations infiniment lentes. Ici les influences extérieures le combattent victorieusement. 20 LES INFLUENCES EXTÉRIEURES Elles agissent sur tous les aspects de la vie sociale. Nous avons déjà relevé un certain nombre de phénomènes matériels dus au contact; il est inutile de les rappeler ici; par contre le moment est venu de jeter un coup d'œil sur l'évolution psychologique. Elle est de toute évidence et croît en fonction du développement de l'instruction générale. Ce n'est plus la tradition qu'invoque le « Jeune Wolof », mais au contraire une grande variété d'idées occidentales qu'il n'a pas toujours assimilées, mais dont le manque d'homogénéité le touche peu. Elles viennent nourrir un esprit naturellement porté à la discussion, à la chicane même, et dont le particularisme s'exprime jusque dans la religion tout musulman se recommande de tel marabout et non de tel autre, comme seul détenteur de l'orthodoxie. Ces oppositions se manifestent par des actes En 1905, des manifestations tumultueuses et « répétées à Guet N'Dar (Saint-Louis) contraignirent l'autorité à fermer la mosquée. L'arrêté était rapporté le 6 mai 1907 et la mosquée ouverte, mais les passions, n'étaient pas encore apaisées. Les scènes scandaleuses suivies de rixes à main armée, recommencèrent dans le temple, et il fallut à nouveau procéder à sa fermeture. Ce n'est qu'en 1909, et sous les auspices du Gouverneur que l'entente put se faire. » (1). L'introduction de la politique électorale dans ce climat excessif n'a nullement contribué à répandre le calme. Les journaux locaux engagent des polémiques de personnes d'une rare violence, dans un style sou- vent 'pittoresque Les femmes wolof sont, tout comme leurs maris, susceptibles de réactions immédiates: nous avons été témoin de l'unanimité avec laquelle, pour protester contre une augmentation de droits municipaux, elles désertèrent le marché et s'installèrent sur le sable de la grande avenue Nord-Sud. Pour terminer ces quelques vues sur le dynamisme actuel de la société wolof de Guet N'Dar, il nous semble indispensable de reproduire ici dans toute son intégrité le document authentique suivant, qui est d'ailleurs un monument de modération et de bon sens. VILLE DE SAINT-LOUIS CONVENTION Le dimanche 17 août 1930, à la place de la Mosquée, la population de Saint-Louis, constituée en comité, s'est réunie à l'effet de procéder à la réforme de certaines mœurs et à la suppression totale de quelques pratiques touchant le mariage et le baptême, et instaurées ici, à l'encontre des principes coraniques, par la frivolité et l'imprévoyance de la jeunesse. Etaient présents Les chefs de Quartiers, Les Notables de Saint-Louis. Le Comité, considérant que les cérémonies par trop tapageuses des mariages et des baptêmes occasionnent des dépenses injustifiées, atteignant souvent des proportions insensées au seul profit de quelques flagorneurs et au grand préjudice des époux Considérant la nécessité de mettre un frein à ces pratiques qui, si elles étaient tolérées davantage constitueraient un désastre pour la collectivité Considérant que l'évolution intellectuelle dont nous nous réclamons est en contradiction avec de telles pratiques motivées par le ridicule mode laudatif et flagorneur, mis ici trop en honneur et entretenu par les griots Considérant l'opportunité de réduire et d'unifier la dot pour faciliter à tout homme l'accès au mariage, et amoindrir ainsi le nombre des fUles-mères dont l'accroissement s'accentue chaque année à la faveur de l'incurie d'une collectivité mal organisée; Considérant enfin que, pour faciliter la tâche ardue de nos éducateurs, nous devons extirper de chez nous tous les éléments freinateurs de la civilisation EMET LES VŒUX SUIVANTS ADOPTÉS A L'UNANIMITÉ: Article J~. La dot d'une fille est fixée à 1.000 fr., celle d'une veuve et d'une fille-mère à 500 fr. Ces chiffres sont impératifs et ne peuvent être dépassés sous peine d'encourir des poursuites judiciaires. Article II. Les bakhes, khoymettes, varougares (dépenses accessoires) sont supprimées. Article 271. –Les noces et les festins institués comme réjouissances et qui d'ordinaire se changent en orgie et en débauche sont supprimés. Article IV. N'ont droit à aucune indemnité ni remboursement les personnes qui, bénévolement, avaient apporté à l'occasion de la célébration des mariages ou baptêmes de leurs parents ou amis, une contribution, soit en argent, mets, ou effets. Article V. La célébration des baptêmes des enfants légitimes se fera dans la plus grande intimité familiale et ne devra sous aucun prétexte sortir des limites prescrites par la loi coranique. Article VI. Les célébrations des baptêmes des enfants naturels est interdite. Il est formellement interdit de battre le tam-tam dans n'importe quelle occasion (réjouissances publiques, réceptions de grands personnages, exceptées). Article VJ7. Article VIII. Il est convenu, par respect pour une tradition séculaire, de prélever à l'occasion de la célébration de tout mariage une somme de 50 francs et sans autres, qui sera répartie entre les griots, bijoutiers et cordonniers de la ville. Article J.X. – Aura droit à 40 francs seulement la griote dont la mission consistait à entretenir et à tresser la coiffure de la mariée. Article X. Pour toute personne morte, le fidae (prière) est facultatif et doit être fait avant l'enterrement. La maison mortuaire ne devant, sous aucun prétexte, servir de lieu de réunion, seules, tes femmes de parenté très proche du défunt, y sont admises au moment des préparatifs des funérailles; les autres femmes n'y auront accès qu'après l'enterrement, et ce, pour un temps limité, leur permettant tout juste de faire leurs condoléances. Article XJ. Il est formellement défendu aux griots, qui, intentionnellement s'introduisent dans les maisons pour flagorner les jeunes gens et les obliger de la sorte à leur donner de l'argent. Les pères et mères de famille sont tenus d'empêcher de pareils actes sous peine d'être poursuivis. Toute personne qui violera ces articles sera passible d'une amende de 500 à 4.000 francs qui seront versés au fisc. Entendant faire respecter à la lettre la teneur du présent procès-verbal, nous le soumettons à votre haute approbation et à celle de toutes les autorités compétentes pour lui donner force de loi. Saint-Louis, le 17 août 1930. Les DeMyues de la population. TROISIEME PARTIE Le Tra~v&U CHAPITRE PREMIER LES EMBARCATIONS LA PIROGUE DE MER Les pêcheurs de Guet N'Dar utilisent en mer deux sortes d'embarcations à font plat, très légères, très élancées, terminées par des éperons d'égale longueur. Ce sont la pirogue cousue (j~a! u &é-Mnt) et la pirogue clouée (<~a! u m&u~) aux proportions semblables, et toutes deux actionnées par la voile ou la pagaie. Ces engins de pêche, très élégants, présentent une symétrie presque parfaite, si l'on excepte la place du mât et quelques rares détails de construction. Nous examinerons d'abord la pirogue seule, puis la la mâture, la voile, les pagaies, enfin, les accessoires. A) La pirogue seule Trois éléments forment la pirogue Le corps, Les éperons, ajoutés de part et d'autre du corps et composant avec lui la partie inférieure de l'embarcation. Le bordage ou partie supérieure. Le corps de pirogue (gmf) est formé d'un tronc de fromager ou de caïlcédrat, évidé en forme d'auge aux extrémités fuselées. Sa longueur est de 10 mètres Pirogue de mer environ dans sa partie creuse, ce qui donne 15 mètres pour la longueur totale de l'embarcation, de la pointe de l'éperon avant (~op) à celle de l'éperon arrière (j~én). Le fond, qui atteint 0 m. 36 dans sa partie médiane, est plat dans le sens transversal, mais se relève doucement dans le sens longitudinal en une courbe très faible. A peu près au 1/3 antérieur, dans l'axe, est clouée une pièce de bois dite tsMp (1) qui sert de logement au mât. C'est, vue de profil, un trapèze isocèle ayant 50 cm. de grande base, 20 cm. de petite base, 11 cm. de hauteur; vue en plan, un rectangle de 11 cm. de largeur. A sa face supérieure horizontale est creusé un trou de 9 cm. de diamètre, 6 cm. de profondeur. Sur chacune des faces obliques 3 grands clous fixent l'ensemble au fond de la coque. Les parois, légèrement obliques, sont distantes de 0 m. 90 à la base, 1 m. 30 au sommet. Les 3 bancs en bois plein, qui les réunissent, ont 12 cm. de largeur 7 centimètres d'épaisseur, et une longueur variable suivant leur situation: on trouve le premier au 1/3 antérieur de la pirogue, à partir de la base de l'éperon le deuxième au 1/4 postérieur, le troisième près de l'arrière, sans toutefois coïncider avec lui. Aux extrémités de cette coque parfaitement homogène, il y a des éperons rudimentaires sur lesquels on place des éperons définitifs. Ceux-ci sont des triangles très allongés situés dans le plan vertical qui passe par l'axe du corps de pirogue. Ils ont pour dimensions 1 m. 96, 0 m. 25, 0 m. 17. La jonction à la coque se fait par une ligne brisée (empâture en siftlet) et la face oblique qui ne coïncide pas avec le prolongement du profil en long de l'embarcation détermine avec celui-ci un angle dénommé sikin, c'est-àdire menton. Mais la symétrie des éperons n'est pas rigoureuse, et on ne trouve pas cette disposition pour l'éperon arrière qui, par contre, est bordé latéralement sur la presque totalité de sa longueur d'une barre de bois large de 3 cm. c'est le <o/ H ~ten, dont le rôle est de servir d'appui à la pagaie gouvernail. Une troisième barre de bois est clouée en crête sur le plat extérieur de l'éperon, entre les deux précédentes; elle porte un anneau métallique (kas) où passe l'écoute de la voile. Le bordage, ou partie supérieure de la pirogue, est un cadre composé de 2 plats-bords latéraux et de 2 cloisons terminales. Les plats-bords ou fargues (1) sont formés de 2 planches en sapin superposées par leur tranche le dyok, planche inférieure, et le ~o&, planche supérieure. Leur hauteur totale est de 30 cm., leur épaisseur 3 cm. Une troisième planche (longueur 2 m. 50, largeur Om. 22) les rend solidaires l'une de l'autre par leur face interne c'est le ta~ u bir. Leur partie antérieure est renforcée par 4 ou 5 règles de bois (bar) obliques, clouées de même du côté interne. L'existence des plats-bords augmente la profondeur de la pirogue à 0 m. 60 et la largeur à 1 m. 70. Les cloisons terminales (mbap) servant de trait d'union aux plats-bords sont des trapèzes ayant pour base supérieure 32 cm. et pour base inférieure 17 cent. Ils sont obliques et s'appuient directement sur la coque. PaïaIIélemtnt au mbap avant, il y a un fil de fer qui joint les deux <yo~ c'est le /H do fer u &op, auquel on attache la poulie portant le câble de mouillage. Enfin, les bordages sont réunis entre eux au moyen ~–T–~–- de J~ bois d' u n cylindre transversal de 10 cm. de diamètre, le M u kao, qui repose sur la tranche libre du lyok, et ~– t, s'attache au dyok par un fil de fer solide. Il sert d'appui au mât et se trouve donc, vu en plan, un peu en avant du trou de l'istèp (&o<-M<) tandis que le premier banc est situé légèrement en arrière. Ayant ainsi passé en revue les principaux éléments de la pirogue, il importe de savoir quels en sont les rapports, et, en particulier, comment la partie supérieure est solidaire de la coque, Dans cette région de contact, dite ~Otc, nous avons vu que le th~cA repose par sa tranche sur le ~a<; mais il est de plus lié à lui par une longue ficelle (/îMt wo~) qui passe dans des trous symétriquement placés de chaque côté de la fente. L'ensemble, par sa forme, et surtout la façon dont il est réalisé, donne l'image d'une véritable couture, caractérisant l'embarcation. A la fois pour assurer l'étanchéité et servir de support amortisseur aux liens, la fente intermédiaire est masquée sur toute sa longueur, et aussi bien du côté interne que du côté externe, par un bourrelet de paille (dyoho) de 5 à 10 cm. de diamètre. Elle est ensuite recouverte d'une bande de toile à voile ou de bâche goudronnée, dénommée parla, fixée au bois par de petits clous à tête plate et large, très rapprochés. La liaison des cloisons terminales au bordage d'une part, à la coque d'autre part est identique à la précédente, ce qui porte donc à 8 le nombre des zones de contact. Tout différent, et beaucoup moins souple, est le mode de fixation dans la pirogue clouée ici, le <~oA coïncide par une partie de sa face interne avec la face externe de la coque, et les deux bourrelets ne sont plus symétriques, celui de l'intérieur étant évidemment plus haut. s) Z.e n~~Hre Entièrement amovible, elle se compose de 3 éléments en bois Le ma vertical, Le M horizontal, Le verg oblique. Le ma est une perche cylindrique de 6 à 10 mètres de longueur, de 8 cm. environ de diamètre à la base. Il va s amincissant légèrement au sommet, tandis que sa partie inférieure s'arrondit pour pénétrer dans le trou de l'istèp (&<H-6<M) oh il repose. Il s'appuie tangentiellement, à la hauteur du bordage, sur le M u &ao, auquel il est attaché par une corde épaisse, formant le nœud dit <aA u M. A un mètre environ de sa base est une boucle en corde figurant à peu près un 8, dans lequel le verg s'enfonce c'est l'istrob u verg (1). Plus haut, c'est l'attache de la corde appelée brigâtin servant à maintenir le verg dans sa position oblique. Plus haut encore, les deux haubans ou darigu, fixent le mât au premier banc. Enfin, presque à l'extrémité, le dan~u-~op rejoint l'éperon antérieur. La deuxième pièce de la mâture ou bô (2) est plus courte que le mât. Tous deux sont solidaires au moyen d'un nœud appelé ts<ro& u bô de plus, le M s'appuie sur la barre transversale précédente, dite ba u kao. II est donc mobile dans un plan horizontal autour du mât comme axe. Une écoute (kut u su~) sert à la manœuvre elle passe dans l'anneau de l'éperon postérieur (kos) et vient s'attacher au premier banc. Le verg est plus long et plus mince que le ma c'est souvent une simple tige de bambou taillée en biseau à l'extrémité inférieure, et qui, par l'action de son propre poids, appuie sur l'istrob u verg. Le verg fait avec le mât un angle constant, car il est tendu par la corde M~dftn. Il décrit donc autour du mât comme axe, un cône dont le sommet est à peu près l'istrib u verg. Cette rotation est assurée par un cordage fixe à son extrémité supérieure, le kut u kao, qui, ainsi que le kut u sn/, passe dans le &os et rejoint le premier banc. c) La voile C'est un assemblage de 4 ou 5 bandes rectangulaires (wir) formant un carré d'environ 6 à 7 mètres de côté. Son pourtour est bordé d'une corde, la ~orM~, à laquelle elle est fixée par de la ficelle à intervalles réguliers, tous les empans. Des cordelettes, les rakas (1) s'en échappent par paires, distantes de 30 à 50 cm, qui ceinturent le mât. D) Les pagaies Il y a dans toute pirogue une grande pagaie, maniée par le chef de l'embarcation, et autant de petites pagaies que de pêcheurs. La matière employée pour leur construction est le bois de Casamance dénommé wen. La grande pagaie (watu-lahu) se compose essentiellement d'une partie plane (pel) qui figure à peu près deux triangles isocèles opposés par leur base commune de 24 cm. et qui ont pour hauteurs respectives celui du haut 0 m. 70, celui du bas 0 m. 16. L'épaisseur de cette région est 1 cm. 5. Le manche (yu!) est presque cylindrique son diamètre s'amincit de la base (8 cm.) au sommet (3 cm.); sa longueur égale celle du plan inférieur, mais elle est souvent augmentée d'un prolongement, fortement noué par de la ficelle. Il est bien évident que ces dimensions n'ont rien d'absolu, et qu'elles varient en fonction de celles de la pirogue. La grande pagaie sert de gouvernail; elle s'appuie pendant la manœuvre sur la partie de l'éperon arrière appelé <a/ u gièn. La petite pagaie (watu dyou) a des proportions plus réduites que la précédente (1/2 ou 2/3), mais elle est presque semblable. Son rôle est exclusivement propulseur. On l'emploie au moment de franchir la barre, au départ et à l'arrivée, et, en haute mer, pour les petits déplacements sur les lieux de pêche. E) Construction Entre autres qualités, la pirogue de Guet N'Dar doit être légère, capable d'être rapidement remise à flot lorsqu'elle chavire, ce qui est. surtout fréquent au passage de la barre. On emploie donc pour sa construction le bois de fromager. C'est en Casamance que l'arbre est abattu et dégrossi par les Laobé. La pirogue est alors réduite à une simple coque ayant deux éperons ruelle est transportée à Dakar, puis à dimentaires Saint-Louis par bateau à vapeur. Son propriétaire la confie au charpentier de Guet N'Dar après s'être mis d'accord avec lui sur le genre de travail et la rétribution. En plein air, et avec des instruments très simples, dont les principaux sont: l'herminette, le rabot, une sorte de racloir incurvé à 2 poignées, le charpentier se met à l'oeuvre. Il affine le corps de la pirogue, achève de le creuser à l'épaisseur voulue, polit les parois à l'intérieur et à l'extérieur, ajoute, s'il y a lieu. des éperons solides aux rudiments qui existaient déjà, enfin, place les 3 bancs et l'ts<ep. Quelquefois, il met en place le bordage. Mais souvent le patron de la barque se charge de cette tâche, assisté de ses parents ou amis. Il se procure, aux Comptoirs européens de Saint-Louis, 4 planches de sapin, de taille et d'épaisseur convenables. qu'il assouplit d'abord en les maintenant durant une demi-heure dans le fleuve ou la mer, et qu'il courbe par l'action du foyer allumé dans un trou creusé en terre. La couture du bordage au corps de la pirogue s'effectue A l'aide de la cordelette dite fil di H~, attachée au préalable à une aiguille sur quelques centimètres. L'aiguille est un simple morceau de ni de fer rigide, ou bien, comme nous l'avons observé, l'extrémité légèrement arrondie d'une baleine de parapluie plusieurs marins travaillent à la fois. Une couche de goudron recouvre maintenant la coque, les éperons, les parois, le naw. Mais la pirogue est souvent agrémentée de couleurs vives et de motifs décoratifs divers, dont voici un exempler Eperons rouges, duo& (partie inférieure) noir; ~o& (partie supérieure) rouge. Au milieu des faces latérales des éperons, un drapeau triangulaire, vert et rouge, termine, par un croissant bleu. Plus loin, une cocarde noire et rouge. De chaque côté, et au milieu de la coque, un cœur bleu et vert situé à l'intérieur d'un autre cœur rouge et noir. Deux arcs symétriques, l'un vert, l'autre bleu, s'en échappent, terminés par une boule (rouge et blanc). A l'avant du <o~, deux drapeaux tricolores encadrant une cocarde; ensuite, en caractères arabes, le nom du marabout protecteur (te ) embarcation. Enfin, au-ttessus dn cœur déjà vu, un croissant ron~e. une ellipse rou~e, puis rouge, b)eue. rou~e. A l'avant ()u<nA'.)c nom du bateau en caractères latins. Nous avons vu que ta mature n'est pas très compjiquée; sa construction ne nécessite pas (te spécialistes. La tuHL' à voi)c csL d'ori~mc (.'uropccnnc. Les pa~an's. en bois (k* «'<). sont achetées grossièrement taitK'es aux Laobe (te Casamat~ce. Les pécheurs tes terminent enseserva!)) de t'herminette (&(n;~S) ou toutsimplemott'in cunk'au(p«A'ë)ennn travail d'mie a <)eux heures. – – i)P/f.) Ils ont subi. a Guet N'Dar comme aiHeurs. une diminution considerabie (h) fait (ie )a crise eeo!)omit)ue mon- <)iaie. Ainsi. )a pagaie-nouvernaii <<)/<n/) qui vaiait 25 francs, n'est pins estimée que i2tr.)(t, et )a petite pagaie (H'~u-f/t/««) tombe de 10 a 2 fr. 50. Y.e t'pr~ et !e ma se paient environ 75 francs chacun. cotée LOOOirancs. ne t'est plus t.'ne pirogue que 750. Une pirogue </r</ n ~c /<'??/. (te dimensions moyennes, toute armée, nécessite a peu près 2.000 francs d'après les indications des pécheurs. Il est délicat de prétendre a rexactitude absolue eu /n~ cette matière les engins de pêche ne sont pas, à proprement parler, des « marchandises » au sens classique du mot, puisqu'il n'y a pas de « marché fixe de pirogues, ni de pagaies. G) Les accessoires de la pirogue Pour fixer l'embarcation sur le lieu de pêche, pour l'empêcher de chavirer sous le vent, pour vider l'eau introduite dans la coque, il faut des engins accessoires. a) La masse de mouillage est un solide, presque cylindrique, de 50 cm de long et 20 cm de diamètre, composé de morceaux de métal, fer et fonte, débris de marmites, etc. enroulés dans un réseau de fil de fer. Un demianneau tressé, également en fil de fer, et semblable à une poignée de valise, relie la masse à la corde de mouillage. Celle-ci, nommée da~t, roule sur une poulie puis s'attache par son extrémité au premier banc de la pirogue. Il peut arriver que les pécheurs de Guet N'Dar achètent leurs cordes, complètement achevées aux Comptoirs de N'Dar Toute ou de Saint-Louis. Le plus souvent, ils les confectionnent eux-mêmes en partant de cordes plus minces, simplement roulées sur la face antérieure de la cuisse avec la paume de la main droite, tandis que la main gauche maintient le fil horizontal et suffisamment tendu. Lorsque, par ce procédé, on a obtenu un câble de 2 torons (raw), on peut l'épaissir par l'adjonction d'un troisième élément (roQ. Dans ce but, le pêcheur s'asseoit à terre, les jambes mi-allongées et écartées de part et d'autre d'une fourche de bois en forme de Y, plantée dans le sable. Cette pièce, appelée dtu~ a 50 cent. de hauteur totale, 3 à 5 cent. d'épaisseur, et se divise à 25 cm. du sol en 2 branches distantes de 25 cm. environ. La <~<îMH déjà commencé se trouve enroulé sur le~sol à droite et en avant du travailleur (raw-kat). Il rencontre la plante du pied, se glisse entre l'orteil et le deuxième doigt, s'enroule ensuite en spirales de plus en plus serrées autour d'une branche du dtUtï, s'échappe en ligne rigide, tendu par la main gauche, puis retombe à terre, en rouleau, à gauche et en arrière du marin. La main droite tient un cylindre en bois de 30 em. de long, le so~fn, servant de support au troisième fil (rot) de 0 cm. 5 d'épaisseur, qui s'échappe entre l'index et le médius. L'enroulement se fait dans le sens des aiguilles d'une montre. Chaque tour est suivi d'une rotation du ro sur lui-même dans le même sens. Le travail, pour un câble de mouillage moyen, demande deux jours pleins. En fait, le pêcheur ne peut agir que l'après-midi, au retour de la pêche, ou le matin en cas de très mauvaise mer, ce qui prolonge la durée à 5 et même 6 jours. Tous les pêcheurs ne savent pas confectionner des cordes. Cependant, cette technique n'est pas un métier, et, comme dans beaucoup d'autres cas, les pêcheurs pratiquent ici l'échange de services. b) La poulie en bois (poli) est une ellipse ayant pour axes 15 et 11 cm., et pour épaisseur, 7 cm. Elle est solidaire de l'embarcation par l'intermédiaire de cordes attachées au fil de fer u &op qui, on s'en souvient, est un fil de fer voisin de la cloison antérieure et reliant transversalement deux <yo~ opposés. c) Les sacs de lest atteignent en tout 100 et même 200 kilogs, que l'on place en contre-poids sur le côté de la pirogue, lorsqu'elle penche un peu trop. Enfin, il y a toujours dans l'embarcation quelques petites calebasses qui servent à écoper quand le besoin s'en fait sentir. d) En nous plaçant strictement au point de vue de l'effet technique mais ce n'est pas, il s'en faut de beaucoup, celui du pêcheur wolof nous devons simplement mentionner certains détails de la pirogue. Il s'agit de petits sachets, de cornes de bélier bouchées avec de la peau et renfermant une amulette on les trouve en nombre variable attachés aux bancs, aux cloisons des bordages. Une observation plus attentive du fond de la coque et des parois révèle des petites faces de tôle, clouées, obturant des orifices où s'abritesurde même le produit de la science du marabout et du féticheur. LA PmOGUE DE FLEUVE Si, par l'allure générale, la <arë du fleuve rappelle la pirogue de mer, elle est cependant plus massive, plus haute sur l'eau, et bien plus complexe quant à la struc- ture. Le fond plat, au profil en long légèrement incurve, a pour éléments des poutrelles transversales (tfatrom) (1) à section carrée, de 8 cm. de largeur, de longueur variable, et dont la distance (~a-u!o) est constante (20 cm. environ). A la face inférieure de ces poutrelles sont clouées les planches longitudinales qui forment le des- Plan et coupe d'une pirogue de fleuve t. tforOm. – 2. htt-tt-g~. 3. /<u-A/r. 4. md&r. – 5. cortM. – 6. «er. sous de l'embarcation (tat u ~<tf) à la face supérieure, un plancher de 1 m. 70 de largeur maxima, interrompu en son milieu pour laisser émerger un istèp de grandes dimensions c'est le M u bir (M = lit, bir = intérieur); Aux faces latérales antérieures et à leur extrémité sont clouées des pièces de bois coudées vers le haut, placées dans des plans verticaux équidistants de 40 cm environ ce sont les m<!tr (2), à section carrée qui, en prolon- geant les warSm, composent avec eux l'ossature de la pirogue. Il en est 4 qui dépassent légèrement le bordage, les deux plus antérieurs servent à maintenir la corde de mouillage car il n'y a pas ici de trous pour passer le fil do fer u ~op comme dans la pirogue de mer; les deux plus postérieurs, appelés ~dna, servent à amarrer la corde double où l'aviron-gouvernail s'appuie. Les parois sont de deux sortes la paroi externe (ter u ya~ est constituée par 3 planches de 5 cm. d'épaisseur, coulées aux mâbr côte à côte. La planche supérieure, dont la largeur a été réduite aux 3/4. est bordée d'un coftfd hémicylindrique de 4 cm de diamètre. La paroi interne (ser) clouée de la même manière, mais Eperon avant (profil plein) 1. ~e<c-~etp-&op. 2. mbap u 6op. 3. cordo. 4. ~<!n<t. – 5. ser. sur les faces opposées des mâbr, est un plancher de 3 cm. d'épaisseur et 41 cm de largeur elle a surtout pour rôle d'assurer la solidité de l'embarcation, ce qui explique l'absence d'étoupe entre ses éléments. Il y a 2 cloisons terminales ou mbap. Mais elles sont ici bien plus massives, plus obliques et plus rectangulaires que celles de la pirogue de mer. Sur leurs faces latérales aboutissent, clouées, les planches de la paroi externe, taillées en biseau et réunies, en outre par une pièce de bois horizontale ayant à peu près la forme d'un trapèze isocèle. La cloison arrière (mbap u yfcn) est presque identique à celle de l'avant, mais la pièce précédente a une surface plus considérable c'est le M u yfen (lal = lit) abritant une cavité utilisable (su/ u lai). Les éperons, distants de 6 à 8 m. environ, sont identiques à ceux de la pirogue de mer, tant au point de vue de leur nature, qu'à celui de leur forme. Cependant, la direction de leurs pointes (lew-lew) semble faire un angle plus grand sur le plan du fleuve. Ils ont un rôle important dans la charpente de l'embarcation, puisque les mbap s'appuient sur eux, à la fois par leur base et par leur face externe. Leurs dimensions sont 1 m. 50 pour la longueur, 0 m. 34 pour la hauteur maxima, Pirogue du fleuve 1. lew-lew top. – 2. mbap u &o/t. 3. co~c. 5. lal ~en. – 6. 6or!t f~a/no~. – 7. 6of u tndeyor. 4. ~-(tna. – 8. lew-lew y<t'n 0 m. 10 pour l'épaisseur. Les bancs (1 grand, 2 petits) sont des pièces de bois plein, transversales, rectangulaires, réunissant bâbord (bot u <~<Mn<ti/) à tribord (bor u mdeyor). Le grand banc à 8 cm. d'épaisseur, 0 m. 23 de largeur, 2 m. 20 de longueur totale. Il est placé au milieu de la pirogue à 0 m. 65 environ du fond, juste au-dessus du trou de l'istèp. Pour laisser passer le mât, un orifice rectangulaire de 0 m. 07 de largeur est creusé en son milieu. Ce système de liaison pourrait faire jouer le banc sous la poussée directe du mât. On répartit donc cette poussée sur l'ensemble de la barque en rendant le banc solidaire du bordage interne par l'intermédiaire de 4 mâbr symétriques situés dans son plan. Les deux autres bancs sont situés entre le grand banc et le plancher arrière. La pirogue est mue quelquefois au moyen de la per- che ou de la corde de halage. Sa mâture et sa voilure sont presque identiques (nom, matière, rôle, etc.) à celles de la pirogue de mer. Le mât est ici toujours ver- tical. La pirogue de fleuve est entièrement construite sur place à Guet N'Dar. Etant donné sa complexité, le travail est généralement effectué par des charpentiers spécialistes. Le chantier est établi sur les rives du Sénégal, en plein air. Les matériaux de constructions essentiels sont les planches en sapin, achetées à des maisons européennes, le bois du Oualo dénommé Aos, destiné à fournir les mâbr, enfin, les clous. On met d'abord en place les extrémités de l'embarcation à distance voulue, dans un même plan vertical. On les joint par le plancher du milieu. On termine la carcasse par les côtés et en dernier lieu, par le fond. La barque construite, il s'agit de Ift calfater. Elle est alors retournée, les éperons inclinés vers le sol, mais ne le touchant pas, le corps soutenu par 3 ou 4 fourches de bois enfoncées verticalement en terre. Le Aa~af-M, qui travaille seul, apporte ses outils personnels dans une cassette 3 ou 4 ciseaux d'acier (sisu) à base large (4 cm.) ayant 15 cm. de hauteur et 2 cm. de largeur au sommet, 1 ciseau étroit (même longueur, largeur uniforme de 3 cm.), maillet de bois (m~e) de 15 cm. de hauteur, cerclé par 2 anneaux de fer de 5 cm. de diamètre, et qui a un manche de 35 cm. 1 marteau, 1 tenaille, des clous d'importation européenne. A côté de lui, à terre, il y a une boîte de sardines ouverte contenant du suif, du karité ou de l'huile de machine. Non loin, sur un feu de bois, dans un bidon d'essence (ts~ctKÔ) le brai (sâdôl) est en train de chauffer. Le &a!/a<-Aa< l'agite avec un dyipô, c'est-à-dire, une tige de bois de 1 mètre à 1 m. 50, terminée à une extrémité par un renflement de 0 m. 20 de diamètre, le &d<. Il y a enfin des accessoires divers, craie, étoupe, peinture. Le 7M~/<S-/f<~ commence d'abord par desserrer, avec son ciseau large et son maillet, les fentes ou At~u< situées entre les planches; il les bourre avec de l'étoupe et du mastic, et en dernier lieu, passe le tout au brai, réalisant ainsi l'étanchéité de la pirogue. Il opère en même temps un travail de révision en remplaçant tel clou enfoncé 1 de travers, en joignant telle planche qui a tendance à jouer, etc. Toutes les matières employées sont fournies par le propriétaire de la barque. Le travail dure de 5 à 8 jours il est rétribué de 125 à 150 francs. Le prix d'une <afè (bois, construction, calfatage, peinture), sans le gréement, atteignait avant~la~crise 2.000 et même 2.500 francs. Il est actuellement abaissé à 1.500 francs environ. LES FILETS Les pêcheurs de Guet N'Dar emploient les~&lets suivants ` Le AtH Le sa&S!; Le sa&<~ u mbaran Le tiah u sado Le tiah u tubab. Le kili, entièrement déployé, est une poche de 3 mètres de profondeur, à entrée rectangulaire de 2 m. 50 de large sur 1 m. 10 de haut, à mailles carrées de 1 cm. 5 de côté. L'orifice est maintenu à hauteur constante au moyen de 2 bâtons de bois verticaux (degem) de 2 à 3 cm. de diamètre, formant les petits côtés du rectangle. A chaque extrémité arrondie, est une encoche circulaire. Une corde solide ou nder, de 1 cm. d'épaisseur, s'y attache par le nœud appelé dtm! kala, obtenu de la façon suivante on fait sur le kili deux boucles de même sens, l'une après l'autre, et l'on passe le plan de la deuxième derrière le plan de la première, jusqu'à coïncidence. Cette corde, dont la longueur totale est égale au périmètre de l'entrée, en forme le véritable cadre, puiqu'elle traverse les mailles extérieures en leur servant de support. On utilise le Mt dans les endroits peu profonds où l'eau arrive à hauteur de ceinture ou de poitrine, tels que les marigots en saison humide et les berges du Sénégal. Il est manié par deux hommes placés à ses extrémités latérales, et qui tiennent chacun un manche verticalement. Ils avancent très lentement, en raclant le fond du cours d'eau et en relevant de temps à autre. Quelquefois trois hommes emploient deux kili, le pêcheur du milieu tenant un engin dans chaque main. On prend, avec ce filet, certains poissons atteignant 7 cm. de long sur 4 de large, et, en général, les amorces les lignes de fond pour JH-O!~ krab ~< ~tM< Un kili coûte de 50 à 60 francs. Le soM~ a la forme du filet précédent, mais il est solidaire de perches verticales, les sa. Chaque su mesure de 3 à 8 mètres, est enfoncé dans le fond du lit de 1 à 2 mètres, et émerge au-dessus du niveau de l'eau de ~m.50 à 3 mètres. Un seul pêcheur peut avoir ainsi 10 à 15 perches espacées de 3 à 4 mètres, alignées perpendiculairement au rivage. Deux pêcheurs peuvent se mettre d'accord pour placer leur rangée de perches bout à bout, et, en augmentant le barrage, obtenir de meilleurs résultats. Cependant, ils doivent toujours laisser un passage pour la navigation du fleuve. La pêche au sa6M s'effectue à la marée montante ou descendante. <= Le .SaM~ u m~aran, c'est-à-dire, le plus grand, a une maille en losange dont les diagonales sont respectivement comprises entre 10 et 15 centimètres, et 3 et 5 centimètres. Sa longueur est environ 6 mètres, sa profondeur 3 mètres, sa hauteur varie de 2 m. 50 à 4 mètres. Il possède une ralingue supérieure (nder u A~H~ (nder u su/). et une ralingue inférieure Les flotteurs utilisés sont des pièces de bois cylindriques, de 0 m. 10 de diamètre et près d'un mètre de long. Ils sont reliés aux côtés du filet (sauf celui du milieu ou st~ fixé directement) par une corde longue d'une envergure et demi. Le Mre~t, de 2 cm. d'épaisseur, et dont la longueur totale est égale à la profondeur du fleuve, plus une brasse, se termine par une masse métallique ou simplement une grosse pierre qui fixe le tout au fond. U peut y avoir sur le même lieu de pêche ou sêd jusqu'à 15 ~o/. Ce filet est entièrement construit par le pêcheur qui utilise dans ce but une navette ou so~om, simple plan- chette de bois de 10 cm. de long sur 2 de large. Il faut environ deux paquets de fil que le pêcheur achète chez les commerçants européens ou syriens. Le travail dure environ de 7 heures du matin à 2 heures de l'après-midi, si l'on y comprend aussi la passage au coaltar. Un sabôl revient à peu près au même prix qu'un kili, c'est-à-dire de 50 à 60 francs. Les poissons pris sont les suivants dyanè. sokhobit; Md; !<MM; nïonon <jfHnd! Le TtoA u sado. Il a pour dimensions respectives, 6 m., 4 m.. 1 m. 50. Sa maille est un carré de 0 m. 04,· de cote environ. Un l'emploie de ~novembre à janvier, à la barre, avant la marée montante, dans la pêche collective dénommée ~<HP, que nous verron s plus loin. Le poissons le plus souvent capturé est le poisson dem. Le ~<th u sado est un instrument maniable par deux personnes. Son prix est voisin de 100 francs. rt '1 f '~e T~oA u tubab. Comme son nom l'indique, ce filet est d'origine européenne. Sa forme générale est celle d'un fuseau placé dans un plan vertical, dont le grand axe atteint 40 et même 50 mètres, et dont le petit est compris entre 3 et 6 mètres. A la partie supérieure, espacés de 0 m. 50, des flot- teurs en bois ou liège, de 0 m. 10 de diamètre, appelés &us~. A la partie inférieure, également espacées et servant de poids tenseurs, des pierres amarrées en un réseau solide, les brie. Dans le plan antérieur du ~a~, et derrière lui, est une grande corde dénommée fobra. De part et d'autre du filet, aux extrémités aigues, deux fortes cordes (cord) d'une longueur voisine de 10 mètres, et qu servent à la la traction. Le tiah u tubab est manié par 10 ou 15 personnes, souvent plus. Il sert à prendre les poissons appelés SM soAAaM, dem, ~tp, Mt, ~eray, ndyanè, Un tiah u tubab vaut environ 5.000 francs. LA LIGNE DE FOND Employée aussi sur le fleuve, la ligne de fond (ttMMn u napo) constitue l'engin essentiel de la pêche en mer. Elle se compose de 5 parties 1° La corde nue, 2<* La boucle terminale, 3° Le poids tenseur, 4° Les avançons, 5" Les hameçons. La première partie de la ligne (bwum) est une corde de 3 m/m de diamètre, obtenue par la torsion, puis gou- dronnée. Sa longueur atteint 60 mètres et dépasse 150 et 180 mètres en saison sèche. L'extrémité supé- rieure se termine par un simple nœud qui évite l'effilochage. La deuxième partie de la ligne (fe~ = double) n'est qu'une boucle de l'extrémité inférieure, fermée et tendue, ayant 1 m. 20 de longueur totale. Elle sert de support au poids et aux avançons. Le poids tenseur (<Hyo/) est une masse constituée par trois ou quatre morceaux de fonte qui semblent être des débris de gouttière ou de marmite. Cet ensemble. vaguement rectangulaire, forme un solide de 5 cm. de haut sur 3 de large, enveloppé dans un réseau (/et) de ficelle et fil de fer d'où s'échappe une boucle de 10 cm. de tour. Pour fixer le poids au bas de la ligne, on fait d'abord pénétrer la partie inférieure de la ligne au tel) dans la boucle de ce poids, puis le poids lui-même dans la boucle qui dépasse (cf. fig.). On utilise en saison sèche une masse plus lourde, nommée <yum&H. Les avançons (lei) au nombre de 3 ou 4 sont des cordelettes de 2 m/m d'épaisseur, 16 cm. de longueur fixées à intervalles réguliers au ~eA par des nœuds coulants. La pêche de certains poissons dont la mâchoire est bien armée et la vitalité intense, par exemple, le nd!;Mn<fo, fait préférer les montures en fil de fer, dites mago, qui ne craignent pas le cisaillement. Les hameçons (pwor) utilisés à Guet N'Dar sont des hameçons métalliques en forme de J, et à barbe unique, conformes à ceux d'Europe. Ils se fixent au lei par leur tête aplatie (<tM). Leur partie terminale (nt/a~h) est une entaille oblique dans le cylindre de métal, relevée et amincie à la pointe (<ya<). Certains d'entre eux ont un périmètre de 33 cm, un diamètre de courbe de 7 cm., une tête et une pointe de 3 cm. Nous avons relevé 15 sortes de hameçons adaptés à la prise de poissons diSérents, numérotés par ordre de grandeur décroissante de 0 à 14, et dont on pourra trouver la collection à peu près complète au Musée d'Ethnographie du Trocadéro. Voici la liste des poissons que l'on prend en mer avec les hameçons qui leur correspondent N" 0 SoMtoM, kuty, rur, hèd. La pêche a lieu de septembre à novembre. Pour les 3 premiers poissons, on utilise une monture de corde et des amorces ordinaires. Pour le dernier, il faut en mayd en fer et, comme amorce, le poisson /oM vivant qui atteint 40 cm. de long; ?? 2 DyaMo/ appelé 3 C'est un petit ? 4: Rufisque, Basé); 1 ~fu~y, N" Selsel. ~t&m a NyuA (à Tt/o/ à Rufisque <~<McAo/e< F<K/(à Rufisque, Ycwa~; F6M Do&aA (à Rufisque, jKe) Sikètnbaw. C'est un petit poisson barbu, semblable au capitaine, appelé T~Aam à Rufisque. On peut prendre aussi ~y< espèce de petite sardine (à Rufisque Dt/ey). N" 8: Koron (à Rufisque Sompàt). L'amorce utilisée est le Sebat, dont on écrase la coquille. N°s 9, 10, 11, 12 manquent. Même amorce que précédemment. N"13: ~umMft/, avec pour amorce Wo&o ou S~M~ ou ~om, en petits morceaux; ? 14: Was et SeM~y, poisson de fleuve. N" 5 N" 6 ?7 Afin de terminer complètement l'étude de la ligne de fond, dressons de même la liste des poissons du Sénégal qu'elle peut capturer Ne 0: So~oM. Hèd, N" 1 Dyane, I~a&a (à Rufisdue Ya~); No 2: Bilik, grand Silure du Oualo; No 3 Bèdy Yes; N"4 Nd~aM~-nd~atp: c'est un petit capitaine; N* 5: N"6 Sès c'est un poisson semblable au poisson Dota~; N" 7 No 8 No 9 J~o!; Soïo; J~oro~; N~ 10, 11,12 manquent. No 13 Was et Selêty, No 14: y~a~a<. AUTRES INSTRUMENTS DE PÊCHE lo Une aiguille en bois, cylindrique, à bout pointu. Elle a 1 cm. de diamètre et 25 cm. de long. on y fixe au moyen de ficelle une corde de 1 cm. d'êpaisseur. Cet instrument est utilisé après la capture des gros poissons, lorsqu'il faut les enfiler par l'ouïe et la bouche en un chapelet que l'on arrimera aux bancs ou qu'on laissera trainer à l'arrière de l'embarcation. 2" Plusieurs barres de fer ou massues en bois, dites pugu, de 50 cm. de long, et 4 cm. de diamètre. On s'en sert pour assommer les poissons qui, en mordant ou en donnant des coups de leur queue piquante, présentent quelque danger. 3" Le sac à amorces attaché au deuxième banc, à l'arrière. Il contient généralement les espèces suivantes W06o, J!om ou en petits morceaux, StpaA ou Dek; à défaut, LoA. 5t~, Ces amorces élémentaires sont vendues au marché par les femmes des pêcheurs du fleuve. Le poisson qu'elles capturent peut à son tour servir d'amorce pour une pêche plus importante il en est ainsi pour le Fo<6, dont la taille peut égaler 40 centimètres et que l'on emploie pour la pêche en haute mer. Une campagne d'un jour nécessite une quantité d'amorces valant en saison humide de 3 à 6 francs, et de 10 à 15 francs en saison sèche. CHAPITRE 1 T LA TECHNIQUE DE LA. PÊCHE LA PÈCHE EX MEU La pêche en mer peut avoir lieu en toutes saisons. mais c'est surtout en saison sèche–eL en particuuer du mois de janvier au début de 1 hivernage qu'elle présente un gros intérêt. A cette époque en effet, océan est souvent agité, et seules, les grosses pirogues peuvent prendre le large, pour un travail qui dure jusqu'à la nuit. H en résulte une collaboration provisoire entre les pêcheurs et les propriétahes de petites embarcations, les uns devenant les auxiliaires des autres. Une répartition des produits, conforme aux intérêts en présence. est un problème qui se pose nécessairement. Au contraire, la, saison humide, caractérisée par la raréfaction relative du poisson, le calme des flots, le travail moins long puisqu'il cesse vers midi ou une heure–détermine un retour vers i'individuaiisme familial: car les petites pirogues peuvent alors sortir et tes auxiliaires, peu nombreux, sont aussi très peu rétribués. L'équipage de pêche est déterminé en partie par ces variations saisonnières des tonnes de l'activité. Sa composition inégale, en qualité et en quantité va, suivant la capacité de la pirogue de 3 à 8 personnes parentes ou associées, en âge de travailler utilement. U y a un chef de pêche, le plus souvent chef de famille et propriétaire de la pirogue. C'est lui qui équipe et dirige l'embarcation, commande les manœuvres, euéctue le partage des produits du travail. Examinons ces actions en détails C'est le moment de la première prière, entre 4 et 5 heures, et il fait encore nuit. Le pêcheur se lève et sort S'il pense pousur la plage observer l'état de la mer.exemple, voir partir, il avise son second, par son fils ou son jeune frère célibataire. Celui-ci transporte auprès de la pirogue la mâture et la voile qui séchait sur le sable, il les fixe l'une à l'autre par les cordelettes, puis attache en les couchant, le mât à tribord, le bô et le verg à bâbord. Cependant, le capitaine a pris son repas: c'est le plus souvent le reste de la veille, à base de riz et de poisson, que sa femme a fait réchauffer; c'est aussi, de plus en plus et quand les moyens le permettent, du café noir et du pain. Puis, après avoir mis ses vêtements de travail, légers pendant l'hivernage, plus épais en saison sèche, le pêcheur transvase les amorces apportées par sa femme, de la calebasse dans le sac, emporte celui-ci en même temps que les lignes, la pagaie-gouvernail, la poulie, etc. C'est maintenant que la délicate manœuvre du départ va avoir lieu. Les wolof de Guet N'Dar y déploient leur vigueur physique, leur adresse et leur perspicacité. L'embarcation a été poussée de la plage à la mer, droit dans la direction du large. De part et d'autre de son éperon postérieur, deux pêcheurs, baignés par moments jusqu'à la taille, la maintiennent solidement sur place, luttant contre la vague qui tantôt la rejette et tantôt l'entraîne. Et, lorsque l'accalmie survient, presque imperceptible à nos yeux, la pirogue est lancée, elle glisse, et l'équipage déjà placé pagaie avec énergie. Le frêle esquif bondit à l'assaut de la barre qu'il pique de front, surmonte, et laisse derrière lui. Mais, malgré l'habileté des marins, c'est quelquefois l'échec, et il faut recommencer l'entreprise. La zone dangereuse franchie, on range les pagaies, puis on monte la mâture et la voile, et, en prenant des points de repère sur la ville, on se dirige vers la haute mer. La côte, très plate, s'efface avec rapidités Au bout d'un voyage d'une ou deux heures, en utilisant les vents et courants qu'il connaît à la perfection, le chef de pirogue arrive sur le lieu de pêche où il sait pouvoir trouver ce qu'il cherche. Sur l'ordre du chef qui s'exprime en français (muye, file, amarre), on amène la voile, on jette le poids à la mer, on laisse un moment filer la corde que l'on attache ensuite au premier banc. Le ma est ensuite rangé à tribord, le verg et le bô, et la pagaie-gouvernail à bâbord les lignes de fond sont détachées de la corde commune qui les unissait ensemble au fil <fo fer u bop, puis, distribuées individuellement. Le capitaine répartit les amorces, on les accroche solidement aux hameçons et la pêche peut commencer. Quand ils lancent la ligne, les marins sont placés sur le bord opposé au sens du courant, de façon à empêcher le plus possible qu'elle ne passe sous l'embarcation, et aussi pour pouvoir sentir mordre le poisson. Lorsque la corde de mouillage est trop tendue, on pagaie contre le courant ou le vent, puis on laisse filer l'amarre, de façon à revenir sur le lieu de pèche. On change d'endroit suivant les besoins. Pendant l'hivernage, les pêcheurs se tiennent assis sur les bancs ou à genoux. Ils sont debout en saison sèche, les poissons abondent, mais la mer est démontée. L'effort physique est alors considérable, le pêcheur, presque nu, transpire énormément, luttant de toutes ses forces contre des poissons d'une vitalité, surprenante, qui peuvent à tout instant faire chavirer l'embarcation. La capture du t!<!A7to/ë< et du rur est d'une telle dimculté que, seul, un adulte vigoureux, peut l'effectuer. On opère en haute mer où l'on peut, disent les indigènes wolof, rencontrer des tortues et des baleines. Les poissons, dont la longueur et la circonférence atteignent 1 mètre environ, sont d'une extrême voracité quelquefois la ligne n'a pas encore atteint le fond que les hameçons sont happés à la fois. La pêche dans ces conditions peut être terminée en une heure, la pirogue étant remplie. Mais, hors de l'eau, le di/dAho/Èf est encore dangereux, pour les doigts du pêcheur imprudent qui s'est laissé mordre. Il faut donc après sa prise, le tuer avec des barres de fer acérées ou des massues de bois. En utilisant comme aiguille un morceau de bois pointu, on enfile les poissons sur une même corde qui leur passe dans l'ouïe et la bouche, et que l'on attache ensuite au banc. Il arrive, au cours d'une navigation, que l'en rencontre des tortues de mer, parfois de grande taille. On approche alors avec précautions, sans bruit, tandis qu'un des pêcheurs déshabillé se tient prêt; soudain, directement, il se jette sur le dos de la tortue qu'il saisit à pleines mains par les côtés de la carapace, hors de l'at- teinte du bec corné. La tortue essaie de plonger, mais reculant le son cavalier, têtu, se penche en arrière, en genou, et elle ne peut que remonter à la surface. Pendant ce duel, la pirogue accoste l'animal qui est chaviré, saisi par les pattes, amarré ventre en l'air dans l'embarcation. Il y a là la promesse d'une soupe commune très appréciée parles pêcheurs qui partageront la viande avec parents et amis. La carapace, autrefois achetée pour 25 à 30 francs par les Blancs des comptoirs, sera conservée comme souvenir, sans être utilisée. La pèche de la tortue n'est pas sujette à des recherches particulières, et de plus, étant don~é ses difficutés, elle ne peut être que l'oeuvre d'un homme entraîné. C'est donc une technique, en quelque sorte, accidentelle, qu'il fallait cependant mentionner. Vers midi ou une heure en saison humide, au soleil couchant en saison sèche, la pêche est terminée~ On roule les lignes, on les lie par une corde attachée au fil do fer u bop et on ramène le poids. Examinons par le détail la série des opérations, et pour simplifier la question, réduisons l'équipage à 3 matelots que nous appelerons L 2, 3. 1 est au banc avant (c'est-à-dire à gauche sur la figure), mais ses pieds sont entre le premier et le deuxiè- me banc. 2 est au banc du centre, 3, le capitaine, est au banc arrière. Les matelots 1 et 2 se dirigent vers l'avant de l'embarcation, de façon à se trouver de part et d'autre du premier banc. Tandis que 2 libère le mât, le soulève, et le maintient dans le trou de l'ts~p, son collègue 1 attache la base solidement, puis relie le sommet à l'avant par l'intermédiaire de l'étai (darigu &op). 3 place le verg et le bô dans la direction du vent, mais en sens contraire 2 déplie la voile, renvoie l'écoute à 3 qui la passe dans l'anneau arrière (~os), la ramène dans la pirogue et la maintient avec le pied. 2 fait les nœuds du verg et M~ c'est-à-dire, ceux des coins supéro et inféro-postérieurs; lorsqu'il a achevé et quand 3 a commandé « pus )', il agit ainsi dans la direction du vent, plaçant verg d'abord, bô ensuite. Le capitaine a pris le gouvernail et se tient prêt, orientant convenablement la pirogue. 2 place les haubans (darigu), et, aidé de 1, monte les sacs de lest du côté d'où vient le vent. Tous deux re- prennent leurs places, comme au début de la manœuvre, mais 2 tient l'écoute solidement. Lorsque 3 commande Borde w (1) il tire plus ou moins fort suivant la force du vent. Il arrive souvent que 1 et 2 montent sur le bordage et se cramponnent aux haubans, pour contrebalancer la violence du vent, lorsque le bateau risque de perdre l'équilibre. 3 manie le gouvernail et tient l'écoute, qu'il laisse filer en cas de danger. La pirogue, vent arrière, vogue droit sur le rivage. L'arrivée présente les mêmes difficultés que le départ, d'où la tactique suivante à environ 200 mètres de la terre, le chef de pêche oriente l'embarcation parallèlement à la plage il commande « Lofe )' (2) l'allure diminue; l'équipage défait la voile et la mâture, qu'il attache avec soin à leur place normale. Puis, changeant de direction, la pirogue fait front à la barre, la franchit, et violemment portée par les vagues sur lesquelles elle semble rouler, tandis que les hommes pagaient pour conserver la ligne droite, elle échoue sur le sable de la plage. Comme pour le départ, le retour des pirogues est marqué par quelques bains forcés, mais sans conséquences graves, puisque à part les petites pagaies et les calebasses, tout est solidement lié. Il s'agit maintenant de garer la pirogue à sa place habituelle, en plein air, hors de l'atteinte des flots. On ne peut songer à la soulever, ni à la pousser sur un long espace, à cause de son poids et de la résistance opposée par le frottement du sable. Aussi, une partie du groupe formé par l'équipage, les parents restés à terre, les aides bénévoles, pèsent fortement sur un des éperons, comme sur un bras de levier, l'autre partie soulevant l'extrémité opposée fait décrire à l'embarcation un arc de cercle autour de son point demeuré fixe. On recommence l'opération en alternant autant de fois qu'il le faut. Rarement, on pousse la pirogue sur un billot qui roule. Il faut, pour manœuvrer les gros engins, jusqu'à 8 hommes et 3 enfants. Voici donc la pirogue sur deux pièces de bois, isolée du sable qui, en s'accumulant autour de ses parois rendrait pénible le prochain départ. Le poisson, dès l'arrivée, a été confié aux femmes, et nous verrons ultérieurement ce qu'il devient. Les dernières opérations ont lieu la voile accompagnée du mât est étalée sur la plage, au soleil, pour être séchée les lignes, poulies, pagaies, etc., sont portées à la case. Cependant, le plus jeune de l'équipage pour éviter la putréfaction des débris de poissons mêlés au sable racle, avec sa petite calebasse de 20 cm. d'ouverture l'intérieur de la pirogue qu'il lave enfin soigneusement. Avant de terminer ce rapide exposé, il faut mentionner la pêche nocturne qui utilise les mêmes engins que plus haut et de la même manière. Elle ne se pratique pas en saison sèche, et si les marins wolof passent quelquefois la nuit en mer, mouillant assez loin de la côte, c'est malgré eux, dans l'impossibilité où ils sont d'effectuer les manœuvres en pleine obscurité contre une barre trop dangereuse, En saison humide seulement, après avoir terminé leur travail habituel, et pris un peu de repos dans l'aprèsmidi, les jeunes gens frètent une pirogue, partent avec le coucher du soleil et retournent avant la fin de la nuit. LA PÊCHE SUR LE FLEUVE La pêche sur le fleuve se pratique au long de l'année et supplée heureusement aux insuffisances des campagnes de mer pendant l'hivernage. Sa technique est plus variée, moins exigeante il n'y a pas d'heure fixe pour le départ ni pour l'arrivée le travail dure au gré du pêcheur qui peut passer tout un jour et une nuit en pirogue, s'il a suffisamment de provisions pour se nourrir. Même isolé, l'individu est capable d'obtenir des résultats remarquables qui seraient impossibles en mer. Les lieux de pêche, sont situés de part et d'autre de Saint-Louis, surtout en aval, on s'y rend avec la pirogue appelée <<H-e, et l'on utilise les engins de pêche étudiés plus haut. Nous avons déjà vu le maniement de la ligne de fond et du kili. La pêche avec cet engin est une pêche accessoire qui a pour but de fournir les poissons servant d'amorces dans la pêche à la ligne. La pirogue qui part emporte 5 filets avec leurs propriétaires. On arrête le travail quand on le juge utile. La pêche au sabôl est nommée tok par les wolof, et ceux qui la pratiquent sont les rok-kat. Elle a lieu sur le Sénégal en saison sèche, de décembre en mars, et sur les marigots voisins dans la période humide. Le départ de Guet N'Dar se fait vers 2 heures de l'après-midi. On se dirige tantôt vers la barre, tantôt vers l'aval, et on remonte ainsi jusqu'au lieu dénommé Mâjônak (Magenac). On pose les filets que l'on lève vers 6 heures et aussitôt le pêcheur prélève sur la prise une partie des poissons pour son repas. La cuisine est faite à bord, le feu est allumé dans une des ces grandes cuvettes d'émail à usages variés, que l'on trouve communément dans la boutique des commerçants, et qui a été préalablement remplie en partie avec du sable et de la terre. Le retour a lieu dans la nuit. La pêche au Mah u tubab se pratique en toutes saisons, de jour et de nuit. Mais elle est interdite à la barre depuis 1925, parce que trop dévastatrice. Les pêcheurs, au nombre de 10 à 20, opérant sous le commandement d'un chef, travaillent pendant 3 heures environ de Guet N'Dar au lieu dénommé Tasiner. Le !aw, c'est-à-dire, la pêche au moyen du tiah, mérite une attention spéciale, tant au point de vue social qu'au point de vue technique. Elle a lieu, disent les indigènes, «quand l'eau du fleuve est propre a, soit de novembre à janvier, avec un maximum en décembre. 3 ou 4 pirogues, portant 80 à 90 membres de l'association appelée Dt/d~o, partent sous la direction du chef de pêche, le mag u dyayo, choisi pour sa vigueur physique et intellectuelle, sa réputation d'habileté, son prestige moral. Il est le dépositaire responsable des engins il organise la campagne, sauf des tiah prévoit les fournitures pour l'alimentation, les combustibles après la pêche, il partage Ic8 produits. Trois adjoints transmettent ses ordres et veillent à leur parfaite exécution. On quitte Saint-Louis entre 1 heure et 4 heures, on arrive vers l'embouchure du fleuve entre le coucher du soleil et 7 h. 1/2. Les opérations ont lieu à marée montante '< lorsque la lune se lève à l'est et au midi », suivant l'expression des pêcheurs wolof, et durent de 2 à 3 heures. De nombreux essais les précédent « ceux qui savent se mettent à l'eau, et déterminent le lieu et l'importance des bancs de poissons. Le reste de la troupe se divise en deux colonnes, perpendiculaires à la rive à 100 ou 150 mètres d'intervalle. Chaque colonne comprend de 15 à 20 tiah, par exemple, séparés l'un de l'autre par un pêcheur. Au moment convenable, les pêcheurs entrent dans t'eau, en gardant la formation indiquée, jusqu'à ce que l'extrémité atteigne la rive, ils opèrent ensuite le banc des un mouvement tournant, et encerclent poissons surpris. Il n'y a plus qu'à diriger la capture vers les pirogues. Sitôt terminée, la pêche est suivie de la préparation du repas on a apporté du bois, du pétrole, des allumettes. On fait cuire le poisson au court-bouillon, et on le mange avec le cous-cous assaisonné de piment et de sel qui a été préparé par les femmes. Vers 10 heures du sc;ir, le retour se fait au moyen de la voile, de la pagaie, ou de la corde de halage. L'expédition arrive à Saint-Louis entre minuit et 2 heures du matin. Mais avant d'atteindre Guet N'Dar, à hauteur du cimetière musulman, les trois pirogues sont mises à sec et le partage commence. CHAPITRE Ml LE PRODUIT DE LA PÊCHE Apres avoir examiné les engins et la technique, le moment est venu de jeter un coup d'œil sur le produit de la pêche, au double point de vue de l'identification et de la préparation des poissons. 1" IDENTIFICATION DES POISSONS Pour qui veut avoir une idée exacte de la faune aquatique de Saint-Louis (1), il est indispensable de consulter les travaux des naturalistes spécialisés, où chaque espèce est étudiée dans le cadre d'une classification vraiment scientifique. Nous nous bornerons seulement ici à dire quelques mots sur les poissons les plus communs indiqués par les pêcheurs wolof, en suivant l'ordre alphabétique des noms indigènes (2), et en puisant largement dans les œuvres magistrales du Professeur A. Gruvel, de J. Pellegrin, de A.-T. de Rochebrune (3). Bédy. Si l'on identifie au Bettjhe de de Rochebrune, ce serait Bagrus Bayad « un des siluroïdes les plus communs du fleuve et de tous les marigots, estimé, qui dépasse 0 m. 78 » (4). La description complète se trouve dans Pellegrin, page 176. Parmi les 40 genres voisins, citons CTtrysM'A~s, Clarotes, Aurhenoglanis, Arius, Synodontis; dans ce dernier genre, S. membranaceus est assez curieux: décrivent Cuvier et Valenciennes, nage « ce poisson, presque constamment sur le dos, se dirigeant librement, tantôt en avant, tantôt de côté mais, lorsque quelque danger se montre, il reprend pour s'enfuir la position ordinaire ». Ce qui confirme cette curieuse remarque, c'est que, dans cette espèce, le ventre est de couleur plus foncée que le dos, contrairement à la règle générale chez les vertébrés ». (5). C'est aussi un siluridé, Reterobranchus senegalensis la hauteur du corps est comprise 6 à 9 fois dans la longueur, la longueur de la tête 2 fois 4/5mes à 3 fois 1/4. La tête, très déprimée, à Surface supérieure fortement granuleuse, est 1 fois 1/4 à 1 fois 1/2 aussi longue que large. Le processus occipital est habituellement pointu la largeur de la bouche est un peu inférieure à celle de l'espace interorbitaire. La bande des dents prémaxillaires est environ 5 fois aussi longue que large celle des dents vomériennes, villiformes, disposée en croissant, est une fois 1/4 à 1 fois 1/2 aussi large en son milieu que les dents prémaxitlaires. L'oeil est contenu 4 à 6 fois 1/2 dans la longueur du museau, 7 à 10 fois 1;2 dans la largeur interorbitaire. Le barbillon nasal fait de 2/3 à 1 fois la longueur de la tête, le barbillon maxillaire 1 à 2 fois celle-ci, s'étendant jusqu'au delà de l'extrémité de la pectorale, parfois jusqu'à la ventrale; le mandibulaire externe est un peu plus de 1 à 1 fois 1/2 aussi long que l'interne qui mesure 1 à 1 fois 1;2 la longueur de la tête. Les branchiospines, assez courtes, sont au nombre de 20 à 30, en bas du premier arc. La première dorsale est séparée du processus occipital par un espace faisant de 1/8 à 1/6 de la longueur de la tête; l'adipeuse, aussi élevée ou presque, commence juste en arrière et s'étend jusqu'à la base de la caudale, ainsi que l'anale; la pectorale, à épine nue fait environ la moitié de la longueur de la tête la ventrale, plus courte est environ aussi rapprochée du bout du museau que de la base de la caudale. La caudale, arrondie, fait des 3/5 à la moitié de la longueur de la tête (1). Portion supérieure du corps, jusqu'au niveau de la ligne latérale, brun violet à marbrures plus foncées; ventre blanc rosé, ces deux teintes séparées sans transition par la ligne latérale, à tubulures rouges, casque brun violet, à maculature bleuâtre toutes les nageoires rose sale, à rayons plus foncés adipeuse bleu foncé à la base, blanchissante au sommet barbillon brun violet iris rose » (2). Selon le même auteur, le Bilik est « très commun, on le trouve dans le Sénégal et tous les marigots sa taille varie de 0 m. 18 à 1 m. 23 et plus (3). Bilik. Da&a~. Si on l'identifie au Dac& (1), c'est un scombridé Echeneis Remora et E. Naucrates. M. Gruvel signale aussi Stromateus fiatola, et S. mi- crocltirus K scombridés voisins des Carangues, par bancs énormes sur la côte sénégalaise » (2). Genres voisins Thynnus, Pelamys, Cybium. =.% Le Dek (Pr~~ponta ronchus) est a très commun sur tout le cours du Sénégal s'observe toute l'année très rarement péché au large ». Il abonde dans les eaux saumâtres « tandis que sa capture en mer est un fait presque exceptionnel. les échantillons pris en mer dépassent rarement 0 m. 17. ceux des eaux douces ou saumâtres atteignent 0 m. 65 à 0 m. 68 » (3). Parmi les Pfts~poma~tdes, on trouve encore les genres Diagramma et Dentex. Dek. ')' II appartient à la famille des Carangidés < poissons scombrif ormes, à corps généralement comprimé, oblong, ou élevé, nu ou recouvert de petites écailles. Ils sont avant tout marins. les quelques formes remontant dans les rivières appartiennent au genre Trachynotus. un petit nombre d'autres carangidés peuvent être rencontrés exceptionnellement dans les eaux saumâtres, ce sont les Carangues et lesLiches(4). « Le Dt/a&o ou Yah (à Rufisque), est Carana; Denlex péché en août, mais très peu estimé (5) l'espèce voisine, C. A~andrtnas, dépasse souvent 0 m. 895 de longueur » (6). Genre voisin Temnodon. Dyaba. ')' C'est le Polynemus quadriiUis. Cette Dyane. espèce carnivore « vit peu dans les eaux très salées, mais surtout à l'embouchure des fleuves et des marigots. Excellent poisson, qui atteint souvent 2 mètres et 80 kilogs, a la chair délicate qui reste blanche après préparation (1). « La hauteur du corps est contenue 4 à 4 fois 1/2 dans la longueur, la longueur de la tête 3 à 3 fois 1/2. Le museau, plus ou moins pointu, dépasse la bouche et égale l'œil ou presque. L'œil, grand, latéral, recouvert par une peau transparente et amincie, fait le 1/4 environ de la longueur de la tête. La bouche est grande. Le maxillaire s'étend bien au delà du bord postérieur de l'œil. Il y a des écailles assez larges sur la tête. On compte 13 à 15 assez longues branchiospines en bas du premier arc branchial. Les écailles sont denticulées. La première épine de la première dorsale est très courte, la troisième la plus longue, fait des 2/3 aux 3/4 de la longueur de la tête. La deuxième dorsale est pointue, et son bord est émarginé. L'anale, semblable à la deuxième dorsale; la pectorale, pointue, fait des 2/3 aux 3/4 de la longueur de la tète. Il y a 4 filaments pectoraux, le supérieur ne dépassant guère la longueur de la tête, les autres plus courts. Le pédicule caudal est 1 fois 2/3 aussi long que haut. La caudale, très grande, a la forme d'un croissant. La teinte est grise ou violacée en dessus, blanche en dessous; les nageoires sont jaunes ou grises; il existe une tâche foncée sur l'opercule (2). Genre voisin Galeoides. Dt/d~o/e~. C'est un Sparide:s le Chrysophrys Gibbiceps. « Ce qui le distingue de tous ses congénères, c'est l'énorme développement de la partie antérieure de la tète, développement situé en dessus et en avant des sur des individus de 0 m. 65 (taille moyenne), la largeur de la tête est comprise 4 fois 1/2 dans sa hauteur; cette hauteur fait 2 1/2 de la longueur totale; le diamètre de l'œil, compris 61/4 dans la hauteur de tête, l'est 3 1/2 dans sa largeur; le profil de la face, presque vertical, forme un angle droit avec celui du dos qui s'incline brusquement vers la queue. ') « La couleur de ce poisson est rouge laque, glacé d'argent, s'éclaircissant sur le ventre qui est d'un blanc rosé brillant une bande d'un bleu intense couvre la partie supérieure du dos, ainsi que toute la bosse frontale des séries de points bleus s'étendent en lignes parallèles, de chaque côté la ligne latérale est marquée de points brun rougeâtre; les nageoires sont d'un rouge lavé de brun violacé l'iris, blanc rosé ». Les indigènes de Saint-Louis pèchent cette espèce pendant la plus grande partie de l'année, mais principalement d'avril à septembre ils en font une énorme consommation pour la confection de cous-cous, dont il est la base en outre, ils le sèchent, et réchangent avec les maures et les nègres de l'intérieur (1). Genre voisin Pagrus. yeux D:/e! D!/e!/ ou j!Vey6 (conger mar~nc~us) est un murénidé « commun en rade de Guet N'Dar et dans les marigots du fleuve ». L'auteur ajoute que, en général, les wolof « ne mangent pas les espèces de la famille des murénidés. Ils redoutent ces animaux qu'ils considèrent comme des serpents, et prétendent que leur morsure est mortelle. Les noms de Dian, Dieye, Schick, dont ils le baptisent veulent, en effet, dire serpent; ils ont soin de faire suivre ces noms d'un qualificatif, afin de distinguer les espèces qu'ils savent très bien reconnaître (2). Dèm. Le Mug~ cf~p~oc/)Hus est « peu commun il remonte plus rarement le fleuve, avec ses congénères juillet-août longueur 0 m. 55 (3) ». Les Mugilidés « dont on compte une centaine d'espèces, sont répandus dans toutes les mers du globe plusieurs pénètrent dans les eaux douces, et quelques uns s'y sont fixés. Un seul genre se trouve représenté ils ont Je corps allongé, en Afrique Occidentale légèrement comprimé, couvert de grandes écailles parfois finement pectinées, ainsi que la tête. Pas de ligne latérale, mais certaines écailles percées en leur centre ou munies d~un canal. Bouche petite, transverse, garnie de petites dents. LesMuges sont des poissons fort appréciés au point de vue alimentaire (1). Ces poissons sont généralement d'une abondance extraordinaire. Nous en avons vu des bancs qui atteignaient des centaines de mètres de long sur 20 à 30 mètres de large, et 1 à 2 mètres de profondeur. Lorsqu'on peut entourer avec une senne une partie d'un de ces bancs, c'est par milliers de kilogrammes qu'on capture ces poissons » (2). Espèce voisine M. Cephalus, M. Capito, M. Saliens, M. ~ufc~tM, M. Ffbtptnnfs, M. Grandisquamis. ». C'est un Siluridé Clarias seneya~nsM. Les Clarias ont le « corps allongé, cylindrique. Tête aplatie, garnie de pièces osseuses, en dessus et sur les côtés, formant un casque lisse ou grenu, recouvert de peau. 4 paires de barbillons, une nasale, une maxillaire, 2 au menton. 11 espèces ont été rencontrées en Afrique Occidentale. Ce sont des poissons qui peuvent résister plusieurs jours à la privation d'eau, grâce à l'appareil ressemblant grossièrement à un chou-Heur qui surmonte leurs branchies et leur permet de respirer l'air en nature. Leur régime alimentaire est assez variable. Ils fournissent une chair, en général, assez estimée, et ils peuvent atteindre parfois une grande dimension ? (1). Yès est « assez commun Sénégal et marigots pendant toute l'année (2). Sa longueur varie entre 75 et 85 cm. Yès. La hauteur du corps est comprise 6 à 7 fois 1/2 dans la longueur. la longueur de la tête 3 fois à 3 fois 1/2 La tête, à surface supérieure granuleuse, est 1 fois 1/2 à 1 fois 2/3 aussi longue que large. Le processus occipital est pointu en arrière la fontanelle frontale, en forme de semelle, est 3 à 4 fois 1/2 aussi longue que large, et contenue dans la longueur de la tête 4 à 4 fois 1/2 la fontanelle occipitale, minuscule, est en avant du processus occipital. L'œil est compris 3 à 4 fois dans la longueur du museau, 4 fois 1/2 à 7 fois dans l'espace interorbitaire. La largeur de la bouche égale ce dernier ou presque. La bande des dents prémaxillaircs, pointues, est 6 a 8 fois plus longue que large; celle des dents vomériennes. granuleuses, forme un croissant environ celle de la bande prémaxillain'. sa Le barbillon nasal est compris 2 à 3 fois dans la longueur de la tête, le barbillon maxillaire fait des 4/5e à 1 fois cette longueur, et arrive au moins au milieu de l'épine pectorale le mandibulaire externe est contenu 1 fois 4/5 et l'interne 2 fois 1/2 environ dans la longueur de la tête. Les branchiospines, longues et étroites, sont au nombre de 30 à 40 à la base du premier arc. Les clavicules, striées, sont recouvertes par la peau. La dorsale est séparée du processus occipital par une distance faisant de 1/7 à 1/4 de la longueur de la tête, et de la caudale, par un espace égal ou un peu supérieur au diamètre de F œil. L'anale est très rapprochée de la caudale, mais non réunie à celle-ci. La pectorale est contenue 2 à 2 fois 1/3 dans la longueur de la tête son épine est denticulée sur le bord externe. La ventrale s'insère à mi-distance, entre le bout du museau et l'origine de la caudale, ou un peu plus près du museau. La caudale, arrondie, fait la 1/2 environ de la tête. La coloration est brune ou olivâtre en dessus, blanche ou jaunâtre en dessous, avec parfois quelques taches ou points noirs; les nageoires sont grisâtres, l'anale est bordée de blanc. Longueur totale 85 centimètres (1). w égale j.'SM. galensis. Il appartient au genre Oto~~thus~ 0. Se/!e- C'est un sciénidé: < commun en juillet-août; atteint Om. 45(1)". La hauteur du corps est contenue 4 fois 1/4 a 4 fois 1/2 dans la longueur, la longueur de la tête 3 fois 2/5 à 3 fois 2/3. Le profil supérieur est droit. La mâchoire inférieure est légèrement proéminente. Le museau est un peu plus long que l'œi!, qui est compris 5 fois 2/3 à 6 fois 1/2 dans la longueur de la tête, et égale environ la largeur interorbitaire. Le maxillaire s'étend au moins jusqu'au-dessus du bord postérieur de l'œil, et souvent un peu au delà. La tête est recouverte d'écailles, à l'exception des lèvres, qui sont bien développées. On compte 9 branchiospines, aussi longues que les lamelles à la base du premier arc. La ligne latérale complète s'étend jusqu'à l'extrémité de la caudale la première épine de la première dorsale est très courte, la troisième, la plus longue, fait un peu plus de la 1/2 de la tête, en longueur. Les plus longs rayons nous égalent le 1/3 de la longueur de la tête. L'anale, très courte, débute sous le milieu de la deuxième dorsale, sa deuxième épine fait le 1/4 de la longueur de la tête. La pectorale pointue, est un peu plus courte que la tête. La caudale est lancéolée. Le dos est argenté, verdâtre et olivâtre sur le dos 'et les côtés existent des lignes noires obliques sur chaque série d'écaillés le ventre est argenté, les nageoires sont grisâtres. Longueur totale 50 centimètres. C'est un poisson carnivore, remontant plus ou moins haut dans les rivières » (2). Espèces voisines: 0. Macro~a~M et 0. BrachySfnafus. X!~ar&. Ce Sparidé (Pagrus Au~a) est péché septembre-octobre. Il pèse de 1 à 2 kilogs environ. en ~oroM. – Le P/~tpo/na Jn&eHnt, « assez commun, pèche large; se août et septembre; rapporté au par Adanson sous le nom de Corct » (1). '< La teinte générale est argentée le dos est gris Meuâtre avec des lignes de points noirâtres suivant les séries obliques d'écaillés; à la base de la dorsale, on voit, entre les rayons, une série de points noirs. Longueur totale 29 cm. (2). If< Ce Clupéidé (E~ops ~ace~a) atteint 56 cent. – La famille des Clupéidés, dont le Hareng est le type La&. « bien connu, comprend environ 200 espèces, la plupart marines. Beaucoup sont comestibles. Quelques formes remontent dans les rivières pour y frayer ou se sont plus ou moins adaptées à la v ie dans les eaux douces ou saumâtres (3). t Ndyaw-ndyaw. – C'est un petit Capitaine. ~< – (voir Dye~). <=% N~o<.– Le TcmnodoTt Mf~afor est un carangidé « très commun en mars et avril (4). « La 1/2 caudale a peu d'arêtes. Les noirs du Sénégal en sont extrêmement friands )' (5). Genre voisin: Trac/H/no~M. =.% – A~uA. Identiné à A~o~o/A, c'est No~efamus etnereus « commun dans tous les marigots, quelques fois pris au large ') (6). N~non. Ce poisson (Sciaena eptpercus) est « péché eau douce il parvient à la taille de 0 m. 50 au large et en à 0 m. 82 coloration brun violacé sur le dos, nageoires jaunâtres, vermiculées de brun et à rayons de la même couleur, iris jaune orange » (1). R&n. –.De Rochebrune identifie le ~'oum à Hpperoptsus occMe/MaKs (MormyrMc), et ajoute « assez rare Sénégal et marigots peu estimé atteint 0 m. 49 et plus N (2). Pour M. Pellegrin, Monn~fM rume ou Morm~re roumé a été décrit d'après un magnifique spécimen du Sénégal de 530 m/m. Le nom de roumc est celui que donnent à ce poisson les pécheurs du neuve a (3). Genre voisin Sorcodaces odoe ou poisson-chien, ou { ~brochet d'eau douce. Rur. Le Lourr ou Serranus acultrostris est un 'serranidé qui « parvient à une taille de 0 m. 45, péché en octobre-novembre » (4). Cybium tritor est un scombridé « très commun, surtout en juin-juillet atteint 0 m. 84 ». J'?M. t !X !)! Po!. Si on l'assimile à Dembes ~ta!, c'est Pagrus M~arM (5). Genre voisin Sargus. { t Q Le serranus aeneus est « peu commun Huty. péché au large; vient quelquefois jusqu'aux brisants près de la barre du Sénégal juillet-août; atteint jusqu'à 0 m. 75 « H est d'un brun métallique, plus sombre sur le dos 8 à 9 bandes d'un brun noirâtre se montrent de chaque côté et ne dépassent que faiblement la ligne latérale le ventre est blanc, légèrement nuagé de brun, avec un pointillé de couleur plus foncée dorsale blanc grisâtre à rayons bruns, portant au sommet 4 lignes de points également bruns; pectorales et anale d'un gris lavé de rose caudale brune à rayons rougeâtres; iris blanc rosé N(l). SeM<y.– Le -Mtn~ue est ~4/e~es baremose « très commun; Sénégal et ses marigots; n'est pas mange les plus grands individus ne dépassent pas 0 m. 11. Brun grisâtre très brillant, plus pâle dans la région inférieure adipeuse plus foncée ainsi que le lobe supérieur de la caudale lobe inférieur, rougeâtre pectorales violacées; les autres nageoires grisâtres; iris jaune très clair (2). L'exemplaire étudié parM.PeMegrin mesurait 312 m/m Genres voisins Citharinus, .H~rocyon, Dts~cAo~ns, Sarcodaces, etc. !): Selsel. C'est un petit D~Mo/ !)! !)! Clarias anguillaris « habite avec le Yès dans les mêmes localités; s'en distingue surtout par sa coloration ') (3). Sès. t SoAAo~f. Pour le Professeur A. Gruvel, le Sekebi est Sctae/M aquila « la courbine ou maigre. Très commune, n'aime pas les eaux douces. Peut atteindre 1 m. 50 et 50 à 60 kilogs. La chair est blanche après salage et séchage (4). Pour de Rochebrune, le « Saccaby » ou Sciaena Smwagei ne peut être confondu avec S. Aquila, Il a « le corps oblong, fusiforme, faiblement comprimé profil du front légèrement concave, celui du dos s'inclinant assez brusquement vers l'extrémité caudale hauteur contenue 6 fois 1/2 dans la longueur totale diamètre de l'œil compris 8 fois dans la longueur de la tête; les deux maxillaires égaux, à peine protactiles, portant une rangée de dents fortes, coniques, éeartées en arrière, une large bande de dents en velours disparaissent au maxillaire inférieur. 75 écailles latérales; 9-10 dans la série transversc rayons de la dorsale épineux, robustes, le premier plus court, les deuxième et troisième les plus longs; pectorales aigües; les épines de l'anale faibles, la première courte, la deuxième égalant la moitié de la longueur des rayons; caudale crénelée. Teinte générale violet métallique foncé sur toute la partie supérieure ventre blanc lavé de violet clair, opercule teinté de bleu brillant la première dorsale brun pâle à rayons plus foncés; deuxième dorsale vert brunâtre; pectorales, ventrales et anales jaunâtres à rayons brun clair caudale brune iris blanc orangé. Longueur de 0 m. 91 à 1 m. 80. La tête est la partie la plus estimée et réservée uniquementpourlecous-cous fendus longitudinalement, les individus de taille moyenne sont desséchés et échangés avec les Maures » (1). Le Sokhobi est pêche « en janvier et février par 12 à 16 brasses de profondeur (2). Genre voisin Corvina. # Sôtô. – Appelé Sotisapajh par de Rochebrune, le Caranx Carangus est «péché plus spécialement dans le Sénégal à peu de distance de l'embouchure, juillet en et août ne dépasse pas 0 m. 75 » (3). Siketnbaw. Comme le Dydne, c'est un polynénidé (Galeoides Decadadglus). Il est appelé Tyekam à Rufis- que. Ce poisson est « commun, péché en juin et juillet peu estimé ne dépasse pas 0 m. 25 à 0 m. 30 ». Il est en effet utilisé comme amorce. > Mugil Schlegeli est également utilisé pour la capture d'espèces plus importantes. Il est « assez commun se rencontre rarement dans les brisants et à la barre du Sénégal, d'où nous nous en sommes cependant procuré un de 0 m. 11 (1). Sincd. Sempâh – Pristipomatidéj (Macrophtalmun) qui est péché en octobre et novembre (2) ». « atteint 0 m. 21 Les espèces du genre voisin (dentex vulgaris, D. Filosus) sont d'excellents poissons alimentaires ils sont très carnassiers et vivent sur les fonds de rochers. Leur chair est fine et délicate. 3 espèces sont appréciées en France sous le nom de Daurades de Maurétanie (3). Teray. Liscia glatica, avec les espèces voisines, se trouve « par bancs immenses pendant la saison froide, de décembre à Mars » (4). Tyahat. Ce poisson (Galeocerdo tigrinus) « est rare rade de Guet N'Dar un exemplaire de 3 m. 40 provient du marigot de Thionk » (5). Tyof. Le serranus fuscus « assez commun; péché en février et mars; habite de préférence les brisants et les anses où la mer est agitée rade de Guet N'Dar, pointe de Barbarie atteint souvent 0 m. 80 » (6). Ce terme générique désigne 18 espèces dont Was. la coloration « est tellement tranchée que les nègres savent les distinguer et leur appliquent à chacune un nom particulier » (1), l'auteur étudie en effet parmi ces Ouasshass, Ouasban, etc. Certaines espèces Chromis parviennent à une taille assez grande; alors on les recherche pour la bonté de leur chair, et elles. sont désignées par les Européens sous la dénomination de Carpes » (2). Wôbô. – Dénommé Hoboh par de Rochebrune, c'est Clupea senegalensis. Les pêcheurs wolof prennent, non seulement les poissons précédents, mais encore les langoustes royales (Panulirus regius), les crevettes (Sipah), les crabes (Callinectes diacanthus) ou Koty, les crabes de terre (Cardisoma armatum) ou DyÔgop, les moules (mytilus a/er) ou Sebat. 2° Préparation DES POISSONS Au retour, dès que la pirogue est mise à sec, les poissons sont retirés de la corde ou du sac et jetés à même le sable de la plage. La répartition finale a lieu (3) et, tandis que les hommes achèvent leurs travaux, puis cherchent un coin d'ombre pour se reposer en bavardant, les femmes commencent à préparer le produit de la v v pêche. Les poissons destinés à la vente sont lavés, quelquefois coupés en tranches, puis, placés dans les calebasses et portés sur le marché voisin. Ceux qui, au contraire, doivent être conservés, sont traités sur place avec pour tout instrument un long couteau à lame de 20 centimètres sur 2 centimètres, et pour étal, une simple planche ou un rondin de bois. On sépare en premier lieu la tête du corps; puis, le poisson mis sur une face latérale, est ouvért parallèlement à son plan de symétrie sur presque toute sa largeur. On le retourne, on le vide, et on opère sur l'autre face de la même façon, mais en taillant dans le sens opposé au sens primitif. Vu de face, le poisson se présente alors grossièrement comme un N. On écarte ces 3 parties de manière à les étaler dans le même plan. Le poisson est ainsi porté sur des claies servant de séchoir, en plein soleil, mais quelquefois à l'intérieur des « carrés» ou sur les palissades. On ne le fume pas; on ne le sale pas non plus, sauf s'il pleut afin d'éviter la vermine. Au bout de 2 jours, en le retournant alternativement, on obtient un produit brunâtre, apte à être consommé directement ou vendu à l'intérieur du pays. Les principaux poissons traités sont Fôtô, Dâkak, ffôl. Il serait superflu d'insister sur les nombreuses défectuosités d'une telle préparation: odeur pestilentielle attirant surtout vers l'extrémité sud du village les insectes et créant un foyer d'épidémies rendement médiocre, car le poisson ainsi séché est vite réduit à l'état de simple squelette noirâtre où les quelques fibres de chair restant sont creusées de galeries de larves et parsemées de grains de sable; impossibilité totale d'une conservation de quelque durée. Dans ses ouvrages magistraux, le Professeur A. Gruvel traite à fond le problème et y apporte les solutions de ses expériences personnelles. Il faut, d'après lui (1), environ 6 à 10 jours pour obtenir un produit de bonne qualité, en opérant suivant une technique légèrement améliorée, mais cependant adaptée aux possibilités des indigènes de Guet N'Dar. Les résultats obtenus sont les suivants Opérations Poids Après bruts. tranchage. Après salage très léger. Après séchage Mugil cephalus Otolithus senegalensis 40 kgs 29 kgs 47 kgs 26 kgs 15 kgs 500 34 kgs 16 kgs 500 37 kgs Malheureusement la technique traditionnelle résiste aux enseignements de la science. Au fond, la question est d'ordre social. Elle dépend, en définitive, de l'éducation et de l'amélioration générale du niveau de vie. CHAPITRE IV TECHNIQUE, DROITS ET CROYANCES TECHNIQUE ET DROITS Il n'entre pas dans notre esprit de traiter ici la question, beaucoup trop vaste, de l'organisation juridique chez les wolofs de Guet N'Dar. Cette section exposera simplement quelques observations relatives aux pêcheurs, aux engins, au produit de la pêche. Le terme « droit sa généralité, est commode il évite l'emploi du mot propriété et du mot salaire qui ne correspondent pas à la réalité. Par contre, il peut prêter à confusion. En fait, les choses sont complexes dans leur nature et simples dans leur manifestation. Le pêcheur lésé dans un partage sait bien quels droits lui confère la coutume, il les revendique sans s'adresser aux tribunaux par l'intervention des parents, des voisins, des amis, de ceux qui ont le prestige de l'expérience ou du savoir. Le sujet étant ainsi limité, examinons-le. Et tout d'abord, existe-t-il des « droits à la pêche »? Nous n'avons rien relevé de semblable au sujet des campagnes en mer ou sur le fleuve. Il ne paraît pas y avoir d'interdiction pesant sur telle catégorie d'individus au profit de telle autre. Signalons toutefois deux faits Le premier concerne la pêche au sabôl qui nécessite l'emploi de perches ou su, plantées verticalement dans le lit du fleuve. Le pêcheur qui opère cette installation crée ainsi, de part et d'autre, et pour un temps indéterminé, une zone appelée sêd, aux limites matérielles non fixées. Ce travail demande à la fois un effort physique préparation des éléments, transport, quelquefois lointain, mise en place, etc. et des qualités par d'observation concernant le choix de l'emplacement, sa plus ou moins grande richesse en poissons, sa fréquentation par les bancs d'espèces migratrices. Il en résulte pour le pêcheur un certain droit sur cette région, droit de nature malaisée à définir. Nul ne le conteste en arrachant les perches ou en s'installant à proximité, et il est facile de voir que les sêd sont espacés de 500 à 1.000 mètres. D'autre part, ce lieu peut être prêté, mais il ne vient jamais à l'idée de le vendre. Les enfants du pêcheur ont sur lui des droits de jouissance héréditaires, et en cas de désaccord entre eux, c'est le fils aîné qui continuera à travailler sur le chantier paternel, les autres s'installant ailleurs. Le deuxième fait à mentionner est relatif aux rites d'ouverture des campagnes, que nous verrons plus loin. Pour la cérémonie de la mer, par exemple, une seule famille, qui n'a ni pouvoir politique, ni privilèges particuliers, détient la fonction droit? de-voir? la d'agir au mieux des intédiscrimination est difficile rêts collectifs. Ce rôle était autrefois assuré à Guet N'Dar par 4 familles, dont 3 ont émigré. On peut induire de tout cela qu'il y eut sans doute dans le passé de véritables droits à la pêche, dont les faits cités seraient des survivances affaiblies. Passons maintenant à l'examen de réalités plus communes. Nous avons décrit plus haut les opérations variées de la pêche en mer, le rôle de chaque membre de l'équipage. Lors d'une campagne, c'est le propriétaire de la pirogue qui est en même temps le chef de la manœuvre. Il a l'obligation de l'armer, en presque totalité, fournissant la mâture, la voilure, l'aviron-gouvernail; il doit de plus, donner aux pêcheurs, sur terre, le repas, et sur mer, les amorces nécessaires. En revanche, chaque marin apporte dans l'entreprise ses engins personnels c'est-à-dire, ses deux lignes de fond en prévision d'une rupture de la première, et une petite pagaie. Supposons, par exemple, un équipage composé d'un père, de ses deux fils, de deux auxiliaires, et une pêche de 100 poissons d'égale valeur Comment s'effectue le partage? Dès que le travail est terminé, on divise le produit en trois parties 1° A l'avant, est attaché, un sac contenant du poisson, 2° A l'avant encore, sur une corde (kalô u bop), 30 poissons sont enfilés par l'ouïe et la bouche, suivant le procédé déjà mentionné, 3° Au banc du milieu, une autre corde (kalô u digô) avec, de la même façon, 60 poissons. A terre, la première part, nommée saku, est réservée à la sœur du marin, qui la vendra et gardera le produit en dépôt* Ceci a lieu, même si cette sœur est mariée, auquel cas le mari n'a pas de droit sur la somme. Interrogés sur le sens de cette coutume, certains marins répondent qu'ils ont plus de confiance en leur sœur qu'en leurs femmes. D'autres plus nombreux, disent simplement qu'il a toujours été fait ainsi. Le saku constitue donc une réserve intangible en prévision de réparations de la pirogue, ou d'accidents possibles. La deuxième part, composée de 30 poissons, est d'abord diminuée d'un ou de deux poissons que l'on donne en récompense à chacun des deux aides bénévoles qui, au retour de l'embarcation, s'emploient à la remettre à l'endroit convenable. Le reste est divisé en quatre parties égales, correspondant à chaque membre de l'équipage, le chef excepté. La troisième part, la plus importante puisqu'elle forme les 3/5e de l'ensemble est distribuée aux femmes du marin. On en distrait d'abord 5 à 6 poissons pour la cuisine, les cadeaux aux parents. Le reste est conservé ou vendu on prélève sur le produit de cette vente, les dépenses de la famille, le prix de la nourriture, des amorces et des fournitures de pêche. Comme on le voit, cette forme d'entreprise est particulière il n'y a pas de salariat, puisque chaque producteur possède personnellement ses engins de pêche, lignes et aviron il n'y a pas non plus coopération d'artisans libres, puisqu'on tient compte de la rétribution du capital privé qui est la pirogue. Nous avons donc à faire ici à une économie mixte. Beaucoup plus simple est le mode de répartiLion dans le cas de la pêche de nuit. Nous avons vu que cette pêche est pratiquée pendant l'hivernage par les jeunes gens. Alors, le poisson est vendu aux marchés par les jeunes filles ou femmes, qui conservent le 1/10e de la recette. Le reste est partagé en autant de parts, plus une, qu'il y a eu de jeunes marins, la pirogue prêtée ayant aussi sa rétribution. Chacun a le droit absolu de disposer de son gain, de le conserver, d'en faire cadeau ou de le dépenser à sa fantaisie. Il y a là un trait d*individualisme bon à noter. Passons à la pêche au filet. La pêche avec le kiil ne donne pas lieu à des accords très importants car cet engin, de prix relativement modéré, est objet d'appropriation personnelle, et son maniement est assez aisé. D'après la coutume, le patron de la pirogue qui a transporté les pêcheurs sur les lieux de pêche reçoit. outre sa part normale, une calebasse de petits poissons, dont la valeur est comprise entre 0 fr. 50 et 1 fr. La pêche au sabôl (rok) est généralement individuelle. Lorsqu'il y a eu accord entre deux pêcheurs pour la mise en place des perches, de façon à augmenter la surface du barrage et les chances de succès, chaque pêcheur vient lever lui-même ses filets, ou bien on lève en commun et on partage à égalité. Contrairement à la précédente, la pêche au tiali u lubab est collective. L'engin lui-même, étant donné son prix élevé, peut ne pas appartenir à un seul individu. Les poissons pris sont d'abord vendus au marché de Saint-Louis, par 3 ou 4 femmes, qui prélèvent le l/10e de la recette, soit, par exemple, 50 francs. Le 1/3 du reste (150 fr.) forme la part du tiah, les deux autres 1/3 (300 francs) sont répartis entre les pêcheurs, la ou les pirogues comptant chacune pour une unité. Il reste maintenant à voir le law, ou pêche au tiap. u sado, dont nous avons dit plus haut qu'elle était pratiquée par les membres d'un groupement appelé Dyâgo, Quest-ce que le Dyâgol Cette association temporaire dure de novembre à janvier, elle compte de 90 à 100 personnes, suivant les uns, de 120 à 130, suivant les autres. Vieillards, femmes, enfants an-dessus d'un certain âge peuvent en faire partie. Les membres qui ne pêchent pas, par incapacité, ou maladie, ont la charge de fournir des filets aux 80 ou 90 travailleurs effectifs. Nous avons vu que le partage était fait, au retour, près du cimetière musulman, après avoir mis les pirogues à sec. On divise la récolte par le nombre approximatif des membres du dyâgo, actifs ou non, auquel on ajoute une unité' par embarcation employée. La part des vieillards et des enfants se nomme son elle est mise de côté la première, puis vient la part du chef de pêche, la plus belle au point de vue de la qualité, qui le dédommage de son activité directrice et de ses frais de fournitures pour les engins et le repas. Enfin, les parts ordinaires, ou nar. Il était nécessaire, pour expliquer ce mode de distribution, de définir rapidement l'institution du dyâgo. En 1931, il existait 5 groupements de cette sorte à Guet N'Dar dans les quartiers Pôdohole et Dak. Selon la coutume, ils effectuaientleur campagne de taw à tour de rôle. L'association du Dyâgo est un exemple de cet esprit coopératif aux formes si variées que l'on trouve dans les Sociétés africaines, et que, selon nous, il faut maintenir et orienter. Sa disparition au contact des institutions européennes serait, pour l'expérience sociale des indigènes, une perte grave, probablement irréparable. Techniques ET CROYANCES Sénégal et Islam sont unis par de solides liens histo- riques. Cette terre qui vit éclore le mouvement almoravide et, plus récemment, le mouridisme, possède ses mosquées, ses écoles coraniques. Les fidèles se prosternent pour la prière, portant les versets du Livre sur la poitrine, dans une petite sacoche de cuir. On y célèbre les cérémonies appelées Kori (Ramadan), Tabèski (Aït el Kebir) TamharU (en fin d'année), Gamu (juilletaoût, naissance de Mohamed). Mais, comme l'ont signalé déjà de nombreux auteurs, il semble bien que cette islamisation ne corresponde pas à la réalité profonde (1), dont elle ne serait qu'un écran partiellement brisé sous le choc de la vie présente. On peut voir en effet certains indigènes modernisés utiliser la petite sacoche précédente pour y loger leur paquet de cigarettes, et d'autre part, les individus, les cases, les pirogues, s'orner d'une innombrable quantité de gris-gris. Suivant l'usage, les pêcheurs -musulmans sont enterrés au cimetière qui, au sud de Guet N'Dar, forme cette légère colline de sable où sont plantées des dalles en pierre portant des inscriptions en caractères arabes. Autour et au-dessus des tombes, on aperçoit fréquemment un réseau de fil de fer ou un filet de pêche. Si l'on en croit les fidèles, il s'agirait tout simplement de protéger les morts contre les attaques des fauves. Mais alors, pourquoi la corde? On peut prétendre, après le lumineux exposé du Docteur Corso (1) qu'il y a peut-être là une survivance animiste venant d'un passé lointain. Quoi qu'il en soit, et pour nous en tenir à notre sujet, signalons les cérémonies d'ouverture de la pêche que sont le Sefali et le Sahror. La cérémonie du Sefali ou Safali était tombée en désuétude vers 1928. Mais en 1932, des accidents se produisirent en mer les pêcheurs les interprétèrent et ils jugèrent opportun comme des sanctions divines de rétablir la coutume. Elle a perdu cependant son caractère absolu d'autrefois, où toute pêche était interdite de novembre à février. Les marins sortent leurs pirogues, mais ne s'éloignent pas trop des côtes, de sorte qu'ils prennent peu de gros poissons (dyâkhofèt, nu). Ils ne travaillent en haute mer avec sécurité et succès qu'après l'ouverture de la campagne. C'est en février que 3 ou 4 notables, à la demande des pêcheurs, vont notifier au chef du quartier Lodo, Abdullah Gaye, l'opportunité du moment. Celui-ci se rend alors chez la famille Gaye, dont les membres ont pour fonction sociale d'accomplir les rites de la cérémonie le plus âgé d'entre euy, capable encore de diriger un équipage, fixe la date au plus proche lundi ou jeudi; il reçoit du chef de quartier 20 à 25 francs pour l'achat de petit mil (dugup u sunô}. Sa sœur mais non sa ou ses femmes partage le droit de toucher les espèces ou le produit en nature. C'est elle qui confie le mil à des fillettes impubères (halèlbu dyi sogul dèrat, qui n'ont pas encore eu, le sang) pour être, par un double pilonnage, débarrassé du son et réduit en farine après lavage. C'est elle aussi qui prépare, sur la marmite à trous, le cous-cous grossier ou karaw dont lès grumeaux sont semblables à de grosses lentilles, et auquel on ajoute le miel et le lait caillé. Cependant, la veille de la cérémonie, le marabout a inscrit sur ses tablettes (aluô) quelques versets du Koran. Il les lave à l'eau, recueille ensuite le liquide (safrô), le laisse reposer la nuit entière. Au matin, à l'extrémité nord de la plage, dans une calebasse qui n'a jamais été cassée ni réparée, le safrô est apporté» Les 4 pêcheurs s'en lavent les mains et le front, le plus jeune de l'équipage prend dans la deuxième calebasse une poignée du repas, la mange, puis une autre, qu'il jette à la mer. Il se dirige vers le sud, et environ tous les 5 pas, il recommence. Après avoir longé ainsi toute la rive devant le village, il reporte dans la pirogue le reste de la nourriture qui est achevé par les jeunes enfants. L'eau du marabout est jetée sur la pirogue, de l'avant à l'arrière. Tout est prêt. L'embarcation part seule. La pêche est distribuée au retour, et le lendemain, la flotte de Guet N'Dar prend le large. Le Sorah ou Sohor est, sur le fleuve, la cérémonie homologue de la précédente. A une première enquête, participaient des vieillards et une femme, appelée Syèn, dans le famille de laquelle on effectue les opérations rituelles. Les vieillards prétendaient que tout se passait comme pour la mer. La femme affirmait le contraire, en refusant toutefois de parler. Des précisions obtenues dans la suite permettent de croire que la cérémonie n'a pas lieu à une date déterminée de plus, il n'y a intervention ni du chef de quartier, ni du marabout. C'est une femme seule qui agit, après préparation du mil par les fillettes impubères. Le but avoué de tout ceci est d'éviter les accidents, perte de matériel, noyades, etc. Une autre version confirme ces traits généraux mais, ajoute que, pour être efficace, le mil doit être pilé sans arrêt par les fillettes d'autre part, le « repas » se compose de grumeaux de lait caillé et de sucre enfin, la cérémonie a lieu pendant l'hivernage « quand le fleuve a l'eau douce », au soleil levant, en barque, sans qu'une formule spéciale soit prononcée. D'après cet informateur, les familles des pêcheurs étaient autrefois « dans le fleuve », et encore une fois, la cérémonie a pour but d'éviter toute possibilité d'accidents. BIBLIOGRAPHIE R. Arnaud, – L'Islam et la Politique Française en A. 0. F. Paul Mahty. – L'Islam en Mauritanie et au Sénégal (3 volumes). La Société de l'A. O. F. CHERON. A. T. DE Roghebrune. – Faune de la Sénégambie. Poissons. Doin, 1883. Les poissons des eaux douces de l'A. J. Pellegrin. O.F. AUBE. Le fleuve du Sénégal. DORDOLOT DES ESSARDS. Renseignements sur la Navigation dans les fleuves du Sénégal. L'Hydrographie du Sénégal. BRAOUEZEC. A. GRUVEL. La pêche dans la préhistoire et chez les peuples primitifs. Larose, 1913. A, Gruvel et A. Bouyat, Les pêcheries de la côte occidentale d'Afrique (Challamel, 1906). A. GRUVEL et A. BOUYAT. Les pêcheries des côtes du Sénégal et des rivières du Sud (Challamel, 1908). A. GRUVEL et A. Bouyat. – A travers la Mauritanie occidentale, première partie scientifique. A. GRUVEL et A. BOUYAT. A travers la Mauritanie occidentale, deuxième partie économique. A. GRUVEL. L'Industrie des pêches sur la côte occidentale de l'Afrique. Larose, 1913. BOUET-WILLAUMEZ. Description nautique des côtes de l'Afrique occidentale. Robiquet, 1859. TABLE DES MATIÈRES PREMIÈRE PARTIE sol. Ciel. aquatique. Le Milieu CHAPITRE I. La Terre CHAPITRE II. Le CHAPITRE III, L'eau le Pages 275 » le fleuve la mer 279 la faune 281 DEUXIÈME PARTIE Les Hommes I. CHAPITRE Remarques sur la langue – La race. des Wolof les langages secrets des castes et des jeunes gens; bibliographielinguistique du Wolof. vente CHAPITRE II. – Les faits de protection le mobilier; le vêtement et la parure. 285 l'habitation 300 La vie économique le marché; la consommationet l'alimentation; la production et la CHAPITRE III. La société: les survivances; les influences extérieures une CHAPITRE IV. convention. 308 315 TROISIÈME PARTIE Le Travail pêche. pêchesurtefleuve. Les embarcations ta pirogue de mer la pirogue de fleuve les filets autres engins de CHAPITRE I. CHAPITRE II. Technique de la pêche 323 pêche en mer; 348 Produit de la pêche identification 355 des poissons préparation des Technique, droits, croyances 372 CHAPITRE IV. CHAPITRE 111. poissons. BIBLIOGRAPHIE. TABLE DES MATIÈRES. 379 381 ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 10 JANVIER 1935 Rochefort-sur-mer. Imprimerie A. Thoyon-Thèze. Contribution à l'étude du Fleuve Sénégal par A. MINOT Ingénieur des Ponts et Chaussées Le fleuve Sénégal ne constitue qu'une voie/ de navigation naturelle assez médiocre. Sans doute pendant deux mois et demi de crue (août, septembre et mioctobre) est-il accessible de Saint-Louis à Kayes (925 kilom.) à des navires de 4 m. 80 de tirant d'eau, et pendant toute l'année, de Saint-Louis à Mafou (330 kil.) à des unités de 3 mètres. Mais au-dessus de Mafou la hauteur dont on dispose sur les seuils diminué au fur et à mesure que l'on remonte vers l'amont et que la saison sèche s'avance. Déjà à Cascas (425 kilom. de Saint-Louis), on ne peut compter de façon continue que sur 0 m. 50. A Diouldé Dabé (435 kilom.), un seuil rocheux ne permet aux basses eaux le passage qu'aux petits chalands. Mais surtout l'embouchure du fleuve, irrégulière et instable percée à travers un cordon littoral sablonneux, est obstruée par une « barre » sur laquelle on ne trouve que des fonds variant généralement de 2 à 3 m. 50 sous la pleine mer. Cette barre constitue un obstacle considérable à la navigation hauturière. Tel quel, le Sénégal n'en offre pas moins une voie naturelle, permettant d'accéder assez aisément vers l'intérieur. Il devait attirer la colonisation et de fait c'est par sa vallée qu'a commencé notre pénétration dans le pays. Aussi longtemps que les transactions se limitèrent à la région voisine du confluent de la Falémé, où l'on fonda Fort Saint-Joseph, remplacé plus tard, sur l'initiative d'André Brue par Bakel, et tant que le commerce d'échanges avec les indigènes put se contenter de communications saisonnières, le fleuve facile- ment navigable pendant la crue suffisait largement aux besoins. Mais du jour où, nous heurtant aux roitelets indigènes de la vallée du Niger, nous fûmes amenés pour défendre nos possessions, à étendre de proche en proche notre occupation et à créer à notre tour un vaste empire soudanais, le Sénégal, voie unique d'accès et de ravitaillement, devait s'avouer inférieur aux nécessités nouvelles. Il ne faut cependant pas oublier que c'est avec cet instrument de fortune que la conquête a pu se faire. Pour parer à la discontinuité des moyens de communication, on créa à l'extrême limite de la section navigable en hautes eaux, un centre de stockage, véritable base stratégique, Kayes, bientôt reliée ellemême par un chemin de fer à la vallée du Niger. Pour prolonger la période d'utilisation du fleuve on poussa ensuite ce railway en aval de Kayes jusqu'à Ambidédi c'étaient des palliatifs insuffisants, et pour coloniser et mettre en valeur les pays pacifiés et soumis, l'existence d'une voie de communication accessible en perdès le début du manence, s'avérait indispensable siècle le problème était d'ailleurs nettement posé. Deux solutions étaient en présence aménager le fleuve ou créer un railway qui partant de la côte irait se relier à la ligne existante Kayes-Niger. On sait que c'est cette seconde solution que M. le Gouverneur Général Roume fit prévaloir. Du moins le problème du fleuve fut-il examiné avec conscience, et c'est de cette époque, que datent les premières études techniques sérieuses, faites sur le Sénégal (mission Mazeran, mission Mathy, mission Thibaud, etc.). Aussi bien la construction d'un railway de 630 {kilom. ne pouvait-elle se faire en un jour le fleuve devait continuer à assurer le ravitaillement de l'intérieur pendant encore pas mal d'années, et de fait au lendemain de la guerre, c'est encore par la voie Dakar-Saint-LouisKayes que les transports s'effectuaient vers le Soudan. De plus la décision de créer un axe direct DakarKayep avait pour conséquence inévitable de détrôner Saint-Louis de son ancienne primauté. Trop de souvenirs, trop d'habitudes, trop d'intérêts se trouvaient ainsi heurtés pour que cette transformation n'allât pas sans soulever des résistances, sans provoquer des tentatives de retour en arrière. Aussi le problème du fleuve ne fut-il pas entièrement abandonné. Sans parler de l'amélioration des conditions de navigation par la création d'un balisage très développé (mission Fromaget) des projets d'aménagement furent étudiés, quelques dragages furent effectués (seuil de Keur Mour); surtout la question de la barre, obstacle principal au développement portuaire de Saint-Louis, ne fut, malgré des fortunes diverses, jamais abandonnée. On peut cependant dire qu'au moment de la guerre, le fleuve avait cessé d'être pour l'administration, une préoccupation immédiate. Pendant longtemps on ne l'avait considéré que comme voie ae navigation. Mazeran avait bien, dans son rapport de mission, jeté quelques suggestions sur des possibilités d'irrigation. Hardel avait dit quelques mots sur le même sujet. L'idée n'avait pas fait son chemin, parce qu'elle ne correspondait pas aux besoins et aux possibilités de l'heure l'activité du pays se tournait vers l'arachide, dont la construction de railway étendait chaque jour les zones de culture. A la veille et au début de la guerre cependant, un premier revirement se fit sentir, et les missions Younès et Yves Henry prospectèrent la région du lac de Guiers. Vers la fin et au lendemain des hostilités, le mouvement s'accentua. Les besoins sans cesse accrus de la métropole, l'orientation de son activité, d'abord vers les industries de guerre, puis vers la reconstruction des régions dévastées, la chute progressive de sa monnaie rendant d'année en année plus redoutable la domination économique de l'étranger, incitèrent les gouvernements à rechercher dans les colonies un supplément de production nationale et l'on commença à s'occuper activement de la vallée du Sénégal, au point de vue agricole. Les études de Younès et d'Yves Henry amenèrent à construire sur la Taouey, un barrage en béton, qui devait permettre d'étendre et de régulariser des cultures par submersion. Une mission Belime remontait le fleuve, et déposait des conclusions qui devaient en fin de compte aboutir principalement en vue de cultures cotonnières à la construction de l'usine hydro-électrique du Félou. Nous-mêmes étions appelés fin 1923 à la colonie, en vue d'examiner les aménagements susceptibles de refertiliser la vallée du Sénégal. Mais c'est vers la vallée du Niger, plus peuplée, mieux dotée en main-d'œuvre que l'administration portait son premier effort. Le Sénégal d'ailleurs avait à ce moment son attention et son activité tournées vers l'arachide. Vendue en livres, alors que les moyens d'existence se payaient en francs, cette graine bénéficiait indirectement et apparemment de la bataille des changes et son commerce subissait le développe- ment prodigieux que l'on sait. La chute ne devait en être que plus brutale et la crise mondiale n'en a que davantage secoué l'économie du pays. Elle a eu pour résultat de faire vivement sentir la nécessité de développer sous toutes les formes, les ressources du Sénégal et elle rend au problème de la mise en valeur de la vallée du fleuve, un intérêt plus actuel.que jamais. Il n'est pas dans nos intentions de traiter ici de ce point particulier de l'aménagement de la production. Nous dirons seulement que l'augmentation de celle-ci peut donner un regain d'actualité aux questions de navigation et poser également des questions de production d'énergie. Ainsi donc comme nous l'écrivions en 1923, l'aménagement du fleuve doit rationnellement être étudié au « triple point de vue ». Nous voulons dans la présente note résumer l'état actuel de nos connaissances sur ce fleuve. Sur le chemin qui mène à la réalisation de son aménagement, nous allons faire le point. *• L'ensemble de la documentation que nous possédons sur le Sénégal est moins importante que l'on pourrait le supposer a priori. Ce ne sont cependant pas les siècle, < missions » qui ont manqué depuis le début du mais, outre que le problème est vaste, il n'y a pas eu, pendant longtemps, une continuité suffisante dans l'effort, parce que dans l'intervalle de ces missions, aucun service n'était financièrement mis en mesure, ni même simplement chargé comme cela existe aujourd'hui pour chaque bassin fluvial de poursuivre les observations et mesures, voire d'assurer une centralisation raisonnée de la documentation. CARTOGRAPHIE ET HYDROGRAPHIE 1° En aval de Kayes Nous possédons, indépendamment de l'ancienne carte marine de Buchard, une excellente carte refaite en 1903, par M. le lieutenant de vaisseau Mazeran. Cette carte, à l'échelle du 1/15.000, donne, en 79 feuilles le lever du bras principal du fleuve, de Saint-Louis à Kayes, avec les hauteurs d'eau sous le zéro, zéro qui a été pris en chaque point, au niveau le plus bas observé au cours de l'étiage 1902. Le lever individuel et détaillé des seuils, a été effectué par les missions Mathy. Nous avons ainsi 42 cartes, à l'échelle de 1/2.000. Les missions auxquelles nous devons tous ces levers, avaient pour but essentiel l'amélioration de la navigation. Aussi n'ont-elles recueilli que peu de renseignements, soit sur les marigots parallèles, soit sur les affluents, dont certains la Falémé, la Kolimbine, le Gorgol sont loin d'être négligeables. Pour combler en partie cette lacune, nous avons fait lever au cours des années 1925 à 1928, par photos aériennes, l'ensemble de la vallée du fleuve de SaintLouis à Kaëdi. Disons tout de suite que, théoriquement parlant, l'assemblage de ces vues photographiques ne constitue pas une carte au sens rigoureux du mot il y a pour chaque cliché des causes accidentelles et des causes systématiques de déformation du terrain. Pour faire disparaître cette déformation, une resti- tution eut été nécessaire, mais elle aurait exigé la réa- lisation, sur le terrain, d'une triangulation dont le prix eut été considérable. Aussi bien, en tant que carte de reconnaissance, l'assemblage des vues photographiques est-il infiniment supérieur à tous les levers d'itinéraires que l'on pouvait posséder. Nous ajouterons que, sauf pour le trajet Saint-Louis-Richard-Toll, où par bonheur nous disposions de levers géodésiques du service géographique de l'armée, il n'y a eu aucune difficulté à faire coïncider la partie commune de deux passes successives, prises généralement en sens inverse, et que pour l'Ile à Morphil, on a même pu constater la bonne superposition de l'assemblage des photos, prises par passes parallèles, avec deux bandes prises en diagonales, à titre de vérification, en fin de mission. 2° En amont de Kayes En amont de Kayes, le problème direct de la navigation ne se posait pas, eu égard au nombre et à l'importance des seuils rocheux. Mais c'est indirectement pour la navigation, qu'on a commencé à prospecter les vallées dans l'idée d'y construire des réservoirs permettant de régulariser le débit. La création de réservoirs a été envisagée ensuite au point de vue de l'électrification du railway, et au point de vue des irrigations. Nous dirons en passant que la mission Thibault, en 1907, avait indiqué la possibilité de créer à peu de frais 400 millions de mètres cubes de réserve. Dans toute cette région l'intérêt de la planimétrie cède le pas au nivellement. Nous y reviendrons tout à l'heure. Nivellement a) Section Saint-Louis-Kayes. Le nivellement du fleuve a été exécuté en 1904 de Saint-Louis à Kayes, par la mission du capitaine du génie Mathy. La planche annexe n° 1 donne les résultats de ce nivellement limité au lit principal du fleuve. On y cons- tate l'allure extrêmement plate de la basse vallée dont la pente est de l'ordre de 1/100.000. Le nivellement Mathy s'était refermé de façon satisfaisante sur le nivellement exécuté d'autre part pour la construction du chemin de fer de Thiès à Kayes. Toutefois certains doutes subsistaient sur sa précision et d'autre part il ne donne aucun profil transversal. Un nouveau nivellement plus complet a été repris au cours des dernières années, sous la direction de l'Office du Niger et de M Belime. Les résultats n'en sont pas encore publiés. Nous croyons savoir que les secteurs Kayes-Falémé et Dagana-Richard-Toll seraient à revoir. Un nivellement effectué par le même service en direction du Ferlo a montré l'impossibilité de détourner, comme certains le pensaient, les excédents de crue du Sénégal vers les vallées mortes de l'intérieur. Les résultats de ces levers ont confirmé les conclusions de Mathy concernant la platitude de la vallée dont la pente va en diminuant de 4 à 1 cm. par kilomètre. De Kayes à Bakel, les profils en travers sont du type « horizontal ». En aval de Bakel ils sont du type « convexe ». Indépendamment du profil en long du grand bras du fleuve, nous possédons une carte nivelée de la région du lac de Guiers, où des aménagements spéciaux ont été envisagés et une carte nivelée de la zone de marigots qui courent parallèlement au fleuve dans la région de Matam. b) Section en amont de Kayes. La planimétrie et le profil en long du fleuve, le plan de détail des seuils principaux ont été levés une première fois par la mission Thibault. Le Sénégal a été étudié entièrement jusqu'à Bafoulabé. Le Bafing de Bafoulabé jusqu'au village de Bamako, le Bakoy de Bafoulabé aux chutes de Billy. Les planches n° 2 et 2 bis, donnent les profils en long correspondants. On voit que, de l'aval de Gouïna à Bafoulabé, la chute est de 44 mètres pour une distance de 50 kilomètres, soit une pente moyenne de 1/1.340. 75 = La puissance hydraulique utilisable est de l'ordre de 59 x 1,000 x 0.?5 mètre cube 590 chevaux par de débit. Le seuil de Gouïna représente à lui seul près de 15 mètres de chute. La disposition de ce seuil rend d'ailleurs a priori possible la construction d'un barrage permettant à la fois d'augmenter la chute locale et de créer un réservoir d'eau. Le seuil du Félou, à quelques kilomètres en amont de Kayes, bien que dans une situation technique moins favorable, présentait également une chute naturelle utilisable et économiquement plus intéressante. C'est donc par l'étude de ces deux chutes qu'on a entamé l'examen de l'aménagement du fleuve. On a été amené à procéder à des levers, soigneusement nivelés, depuis Kayes jusqu'à Bafoulabé. La mission Thibault a ainsi levé à l'échelle du 1/10.000, et avec courbes de niveau à l'équidistance du mètre, la vallée du Sénégal de l'amont du Félou à l'aval de Gouïna. La vallée de Gouïna à Bafoulabé a fait l'objet en 1928 d'un lever stéréophotographique, qui a donné lieu à production d'une carte au 1/10.000 avec courbes de niveau à l'équidistance de 2 mètres (7 feuilles). Les chutes de Gouïna elles-mêmes, ont été levées à la même époque et ont donné heu à production d'une carte au 1/1.000 en 8 feuillets, avec courbes de niveau à l'équidistance du mètre, Latéralement à la vallée principale du fleuve, deux régions ont été levées dans le but d'y chercher éventuellement des emplacements de réservoirs régulateurs ce sont la vallée inférieure du marigot de Galougo, ou Deremé-Ko, (carte au 1/20.000, courbes à l'équidistance du mètre, 5 feuillets) et la dépression du lac Magui au N. de Kayes, dépression qui communique avec le fleuve par un émissaire, la Kolimbine. Nous ajouterons que les autres marigots qui, de Bafoulabé à Kayes, se déversent dans le fleuve, n'ont pas été examinés plus en détail, une prospection rapide, «6e ivofNfs aAnats na Hanxsj,i v NOixnaïuxNoa que nous avons faite en 1928, ayant montré qu'ils ne se prêteraient guère à l'établissement de barrages réservoirs. Seule, peut-être, la Kétiou-Ko, affluent rive droite qui débouche un peu en aval de Bafoulabé, serait à revoir. En amont de Bafoulabé, la prospection était loin d'avoir été poussée avec autant de détails. Sur le Bafing on avait simplement constaté que, jusque vers une centaine de kilomètres de Bafoulabé, la répartition des seuils, et la faible altitude des berges laissaient peu de place à l'établissement de barrages. Le Bakoy avait été reconnu sommairement jusqu'en amont de Toukoto. M. Belime, directeur général de l'Office du Niger, a repris en main ces questions. Le profil en long du Sénégal a été refait de Bafoulabé à Kayes. D'autre part, la prospection des vallées supérieures a été systématiquement reprise dans le but d'y rechercher des emplacements de barrages réservoirs susceptibles, d'une part, de régulariser le débit d'étiage, d'autre part d'écrêter le débit de crue pour réduire, en moyenne et basse vallée, la zone des submersions. A l'heure actuelle, les études faites auraient permis de faire ressortir la possibilité de créer 1° Sur le Baoulé un réservoir de 900.000.000 de mètres cubes régularisant l'étiage à 50 mètres cubes seconde 2° Sur le Bakoy un réservoir de 5 milliards de mètres cubes fixant l'étiage à 150 mètres cubes seconde et réduisant de 400 mètres cubes seconde le débit maximum de crue. Les études se poursuivent sur le Bafing. Hauteurs d'eau. C'est certainement le genre d'observation pour lequel notre documentation est la plus riche. Depuis 1906, et en vue de fournir à la navigation des renseignements et des prévisions au sujet des hauteurs d'eau sur les seuils, une série d'échelles a été posée, dont la lecture est faite soit quotidiennement, soit même parfois bi-quotidiennement pendant la durée de la crue. Les mesures faites dans certains postes sont irrégulières des transformations administratives (ex. suppression du cercle de Diourbivol) n'ayant pas toujours permis de trouver sur place un observateur idoine. Mais dans l'ensemble nous avons là une documenta- tion fructueuse. Les planches du N° 3 au N° 6 donnent, à titre d'exemple, un certain nombre de graphiques de hauteurs d'eau dans différents postes pour l'année 1931. Il serait intéressant, au point de vue même de la navigation, de pouvoir trouver une loi de correspondance entre la hauteur d'eau à une échelle et les observations de hauteurs de pluie dans les diverses stations météorologiques du bassin versant à l'amont de l'échelle de crue envisagée. Ce travail n'a pas encore été amorcé. L'organisation et le développement du service météorologique vont nous permettre de nous occuper de cette question. Nous avions par contre les éléments pour faire rechercher une loi de correspondance entre les observations faites à une échelle de crue, et les observations faites à une échelle plus aval. L'étude en a été faite sur nos instructions, au début de 1932, par M. l'ingénieur contractuel Bernatzky. L'examen a porté sur une analyse des stations de Bafoulabé, Kayes, Bakel, Matam, Boghé, Podor, Dagana et Saint-Louis, d'après les observations faites de 1906 à 1931. En se basant sur les observations journalières des crues de 1914 à 1931, on remarque sur les stations du cours supérieur deux à trois ondes principales successives, le maximum de la crue correspondant soit à la dernière onde, soit à la pénultième. Aux stations du cours moyen on peut aussi distinguer le passage de ces ondes. Mais à partir de Boghé, sauf cas exceptionnel, les ondes les plus récentes ont fini par rattraper les plus anciennes, et l'on n'observe plus qu'une élévation continuedu niveau jusqu'au maximum. Le tableau suivant donne pour les différentes sections, les dates extrêmes et moyennes du passage du maximum des ondes de crue, ainsi que la vitesse moyenne de propagation. ` Sans nous étendre davantage sur les résultats de l'étude de M. Bernatzky, nous indiquerons, à titre d'exemple, la relation qu'il a pu établir entre le niveau maximum de la crue à Bakel et le niveau maximum de la crue à Dagana. Le graphique ci-joint (annexe ne 7) montre comment les points observés se groupent sensiblement autour d'une courbe qui est représentée par l'équation H Dagana = – 0,01108 H* Bakel + OM68 H Bakel 0,80 L'étude des débits peut être envisagée à trois points de vue différents a) Quel est sur un seuil donné, le débit correspondant à une hauteur d'eau minima. b) Quel est en un point donné le débit maximum qu'aurait à laisser passer en crue, sous peine de submersion Débits. dangereuse, un ouvrage en rivière. c) Quel est, en un point donné, le cube total annuel que l'on puisse emmagasiner pour procéder à une régularisation du débit? En fait le premier problème s'est surtout posé en aval de Kayes, le troisième en amont. Dans l'ensemble notre documentation sur les débits est irès sommaire. Dans la moyenne et basse vallée, aucune des échelles de crue n'a été tarée de façon à permettre la transformation immédiate de la hauteur d'eau en débit. L'Office du Niger a par contre effectué des jaugeages dans les vallées du Bakoy et du Baoulé. Dans son rapport de mission de Débits d'étiage. 1905, le capitaine de génie Mathy, donne le résultat d'une série de jaugeages effectués aux basses eaux sur les seuils; nous avons reproduit ces chiffres dans l'annexe 8 ci-jointe. On y voit le caractère torrentiel du cours d'eau, dont le débit tombe à peu près à rien en fin de saison sèche. Deux phénomènes viennent d'ailleurs à cette époque exercer, en sens contraire, une influence sur le débit propre de la rivière. C'est d'une part l'évaporation, d'autre part les résurgences le long des rives. L'évaporation d'après les observations faites sur le marigot de Lampsar (alimentation en eau de SaintLouis) et d'après les expériences de Mathy, oscille en saison sèche autour de 8 à 12 mm. par jour, soit en moyenne 10 mm. Supposons que cette action se fasse sentir de Saint-Louis à Kayes, soit environ sur 925 kilomètres, sur une rivière de 200 mètres de largeur moyenne le cube évaporé quotidiennement correspond 925 x 1.000 x 200 x 0.01 àa un de instantanéde un instantané 24 x 3.600 soit environ 21 mètres cubes par seconde. C'est supérieur à ce qui passe à Kayes au mois de juin. Par contre, le long des berges, des suintements viennent apporter au fleuve, un débit supplémentaire. Ces suintements proviennent des eaux qui, pendant la crue, et du fait de l'inondation, sont emmagasinées dans les vides des couches argileuses qui constituent à peu près uniformément les couches supérieures du sol de la vallée. Nous avons été à même d'observer très nettement ce phénomène, déjà mis en lumière par Mathy, lors de la construction, près de Cascas, d'une galerie souterraine destinée à mettre en relation avec le fleuve un puits qui, tout en étant descendu à un niveau inférieur à l'étiage, n'avait qu'un débit insignifiant. Nous avons rencontré au cours du percement de cette galerie, des suintements permanents, d'ailleurs faibles, puis de temps à autre des poches d'eau, se vidant en quelques heures, avec un débit de l'ordre de plusieurs litresminutes la vidange de ces poches était suivie par des éboulements de l'argile, en gros blocs. Hardel, en 1907, a effectué une mesure directe de l'importance de ces infiltrations latérales de la nappe phréatique vers le fleuve en notant la durée de remplissage d'un récipient rectangulaire encastré dans la berge. Il a trouvé pour ce débit, un chiffre de l'ordre de 25 litres par seconde et par kilomètre de rive pour l'ensemble des deux rives. Si l'on applique ce résultat aux 925 kilomètres du cours moyen et inférieur, on trouverait un débit total de 0,025 x 925 = 23 mètres cubes, du même ordre de grandeur que celui dû à l'évaporation. En réalité le problème est plus complexe, et le chiffre de 25 litres par kilomètre et par seconde ne peut. sans doute pas s'appliquer uniformément pour les raisons suivantes 1° Il ne tient pas compte de l'infiltration au-dessous du niveau de l'eau le débit total doit donc être plus grand. De fait Hardel et Mathy ont constaté, dans la région où ces mesures ont été faites, que le jaugeage direct du débit du fleuve était plus fort sur un seuil aval que sur un seuil amont. 2° Il correspond aux rives argileuses. Dans les régions rocheuses ou sableuses, l'eau s'écoule beaucoup plus vite lors de la décrue de sorte que, même compte tenue de ce que dans le sable, le volume emmagasiné est plus grand, le débit restitué en fin de saison sèche, doit être plus petit. 3° Il dépend de la différence de niveau entre les berges inondées et le niveau d'étiage, c'est-à-dire de la hauteur de crue. De ce chef, il doit être beaucoup moins important dans la basse vallée. 4° Il doit également être moins important dans certains marigots parallèles au fleuve et dont le fond est plus élevé que le fond de ce dernier. Ces marigots sont en général bouchés à l'amont par un seuil qui émerge rapidement à la décrue et ils ne sont plus alimentés que par leur confluent aval. Au total, eu égard à tous ces éléments, le débit du bras principal devient rapidement négatif: et comme le fleuve est, par son embouchure, en communication avec l'océan, c'est-à-dire avec une masse d'eau à niveau moyen constant, il finit par être alimenté par la mer. Aussi, alors qu'en pleine crue l'eau est douce, en mer, au-delà de la barre, voit-on, au lendemain de l'hivernage, l'eau salée remonter progressivement dans le fleuve, pour atteindre en fin de saison sèche un point variable avec l'importance de la crue précédente* mais qui oscille entre Podor et Dagana. Quant à l'onde marée, elle se fait encore sentir dans les circonstances les plus favorables à Diouldé-Dabé, c'est-à-dire à 500 kilomètres de l'embouchure. Disons tout de suite que le débit de crue observé à Saint-Louis, à l'aide de flotteurs lancés du pont Faidherbe, est de l'ordre de 4 à 5.000 mètres cubes p/s. Des mesures de débit de saison sèche ont été également faites, au cours des années 1918-1922, par les services du chemin de fer de Kayes au Niger, dans la région de Galougo, en vue d'étudier les possibilités d'électrification de ce railway. Le graphique de ces débits est annexé à la présente note (N° 9). Les services du railway ont en outre, par diverses considérations hydrauliques (application à la crue de 1906, à Kayes, de la formule de Bazin), établi une relation approximative entre les hauteurs de crue et le débit au droit de l'échelle de Galougo. On a pu ainsi dresser une courbe complète des débits moyens aux diverses périodes de l'année (graphique n° 10). Le caractère de torrentialité est nettement accusé. On voit combien est sommaire notre documentation sur le débit. En aval de Galougo, des affluents importants comme la Kolimbine, la Falémé, le Gorgol, n'ont jamais été étudiés à cet égard. Si l'on se borne à rechercher le débit annuel en vue de la constitution de réserves, on peut se faire une idée approximative de sa grandeur, d'après la superficie du bassin versant, la hauteur d'eau tombée, et une estimation du coefficient de ruissellement. A cet égard, voici comment nous avons été amenés à raisonner, au cours d'une mission de prospection, qui nous fut confiée en 1928, en vue de rechercher précisément des emplacements de réservoirs. La vallée du fleuve, entre Kayes et Toukoto se trouve dans la zone 500-750 mm. Les précipitations y sont concentrées en quelques mois. Le nombre moyen de jours de pluie y est par mois de 5 à 10 en juin avec 100 mm. 5 à 10 en juillet avec 100 à 200 mm. 10 à 15 en août avec 200 à 300 mm. 4 à 5 en septembre avec 100 à 200 mm. • c'est-à-dire qu'au moment des grosses précipitations il pleut en moyenne tous les deux ou trois jours. Il est donc vraisemblable que, même si le sol est perméable, il a un assez fort coefficient de ruissellement. En tablant sur le chiffre de 1/3, il en résulterait par kilomètre carré de bassin versant, un débit annuel de 0.750 +0.500 31 = 10« x 208.000 mètres cubes. 1 x rt. Dans les mêmes conditions le débit du mois d'août o -1 1 250 .t par seconde, d en ressortirait à 10» 10 x luUv t»j^. x 3' soit, ^r= x 31 kilomètre carré admettant a «. 4. un écoulement uniforme, •« 24 ou environ 31 litres secondes par de bassin versant. 83.333 ma Si l'on applique ce résultat à Galougo dont le bassin versant est de l'ordre de 100.000 kilomètres carrés, on devrait trouver un débit de crue moyen de l'ordre de 3.100 mètres cubes. C'est supérieur aux résultats des observations directes et il est plus prudent de ramener le coefficient de ruissellement à 0.25. Pour compléter l'exposé de la situation actuelle, nous allons sommairement indiquer quels sont, présentement, les services que l'on tire du fleuve Sénégal. A. Navigation. Nous avons indiqué au début les conditions de cette navigation. En fait le trafic est très restreint. Pendant la saison sèche un service régulier bi-mensuel relie Saint-Louis à Podor, avec prolongement par bateau à roue, jusqu'à Matam, tant que le tirant d'eau le permet, c'est-à-dire jusque vers fin mars. Pendant la crue, quelques unités montent sur Kayes. Le tonnage transporté, infime à la montée, n'est guère que d'un millier de tonnes à la descente. Cet exposé ne fait pas état du mouvement des pirogues, capables de porter 15 à 20 tonnes de marchandises, et qui servent en particulier à descendre vers Kaëdi et Dagana, le mil en provenance du cercle de Matam ou de l'Ile à Morphil. Indépendamment des besoins pro- pres à la population sédentaire, ce mil sert en partie d'objet d'échange avec les Maures qui viennent vendre de la gomme. B. Agriculture. Hormis un peu de coton, dans la région de Matam et les plantations industrielles de sisal, près de Kayes, la culture principale, de beaucoup la plus importante, est celle du mil. Elle se pratique, au moment de la décrue, au fur et à mesure que les terres sont libérées par la baisse des eaux. Aucun aménagement hydraulique même sommaire, n'est exécuté par les indigènes, comme par exemple il est procédé en Basse Casamance pour les rizières. Un petit essai d'irrigation avait cependant été amorcé en 1929, en aval de Cascas, par le gouvernement de la Mauritanie, par l'intermédiaire d'un chef indigène. Cet essai a été abandonné. V Dans la basse vallée une région a, à plusieurs reprises, attiré l'attention des agronomes c'est celle du lac de Guiers vaste dépression dont la largeur atteint par endroits une dizaine de kilomètres et qui mesure plus de 100 kilomètres de long. Ce lac est en relation avec le fleuve par un petit émissaire, la Taouey. Les apports que le lac reçoit directement de son bassin versant du moins aujourd'hui très faibles et c'est sont par le fleuve qu'il est alimenté Mais quand l'onde de crue commence à se faire sentir à l'embouchure de la Taouey, à Richard Toll, l'eau, dans le Sénégal, est salée. Ce n'est donc pas de l'eau douce qui pénètre en premier lieu dans la cuvette du Guiers. Tous les ans s'introduisait ainsi un tampon d'eau salée, et dans le fond même du lac on pouvait en saison sèche, exploiter des salines. En 1917, un ingénieur agronome, Younès, reprenant d'ailleurs l'idée d'un conducteur des T. P. Lollivier, proposait et faisait approuver la construction, à Richard-Toll, d'un barrage qui n'aurait permis au courant de circuler dans le sens fleuve-lac de Guiers, que lorsque l'eau aurait été douce dans le Sénégal. Ce barrage, insuffisamment encastré dans la berge, fut contourné dès sa mise en charge. Mais si on point de vue génie civil le projet Younès se confirmait défectueux, par contre l'idée était juste quant aux possibilités de dessaler le lac. Une digue en terre, refaite chaque année au début de la saison sèche, et ouverte au moment de la crue, a permis en effet de faire tomber la teneur en sel à 0 gr. 0711 par litre d'eau. On dispose donc ainsi aujourd'hui d'une vaste nappe d'eau douce servant à l'abreuvement des troupeaux peulhs revenus en nombre sur ses rives, mais qui malheureusement n'a jusqu'ici reçu aucune utilisation agri- cole. Les tentatives n'ont pourtant pas manqué depuis plus d'un siècle à Richard-Toll: indigo, coton, cochenille, café, bananes, riz, etc. On trouve, dans le lac, du riz sauvage provenant, paraît-il, des essais tentés par Richard, un jardinier qui a donné son nom à l'escale mais les indigènes n'ont nullement cherché à étendre cette culture. Soit dit en passant, le problème de mise en valeur de la basse vallée du Sénégal, doit tout d'abord se poser comme un problème agricole et démographique. En l'état naturel du fleuve, il est possible à l'hydraulicien, au technicien de génie civil de trouver et d'amener de l'eau. Sans doute reste-il beaucoup à faire dans cet ordre d'idées. La régularisation des débits tant d'étiage que de crue sera vraisemblablement indispensable. Elle ne pourra s'obtenir que par le jeu des vastes barrages-réservoirs dont l'Office du Niger étudie la création dans les hautes vallées. Mais ce qu'il faudrait d'abord savoir, c'est ce que l'on peut et veut cultiver. Y a-t-il qui eu une plante et si oui, quelle est-elle? égard aux possibilités et au rendement de la maind'œuvre indigène -^r eu égard aux dépenses de préparation du terrain, aux dépenses de culture et aux dépenses de transport eu égard aux prix pratiqués sur le marché mondial puisse se vendre en Europe en laissant un bénéfice rémunérateur au cultivateur du Sénégal? Y-a-t-il pour les terres argileuses, mais irrigables malgré quelques difficultés, de la vallée du fleuve, l'équivalent de ce qu'est l'arachide pour les terres sablonneuses du Cayor, du Baol et du Sine. C'est à peu près la question que nous posions au début de 1924. A dix ans d'intervalle, le problème n'a pas changé. Il doit être résolu à l'occasion des études, reprises depuis quelques temps, de l'aménagement de la vallée. Il n'existe sur le Sénégal qu'une seule usine hydroélectrique, celle du Félou. Les caracteristiques essentielles en sont les suivantes Débit d'extrême étiage 1 m"/ 5/s. Débit caractéristique d'étiage (En dessous duquel on ne descend pas plus de 10 jours psr an) 3 m8/s. Débit des basses eaux (3 mois) 20 ms/s. Débit d'eaux moyennes (6 mois) 30 à 500 m'/s. Débit de hautes eaux (3 mois) 500 ms/s. au minimum. Débit de crue moyenne, 2.500 m*/s. Débit de crue extraordinaire (1906) 5.000 m'/s. Canal d'amenée établi pour un débit de 4.500 1/s. Hauteur de chute brute variant de 15 m. à 5 m. 50 1 seul groupe Turbo alternateur. Turbine de 750 Kw. Alternateur de 650 Kva, courant triphasé, 5.500. Cette usine sert essentiellement à alimenter la ville de Kayes et sa station de pompage du Papara. C. Production d'énergie. D. Alimentation en eau. Le Sénégal sert enfin à assurer l'alimentation en eau de la ville de Saint-Louis. Comme nous l'avons déjà dit l'eau dans le fleuve est salée à Saint-Louis pendant toute la saison sèche. Il a donc fallu constituer un réservoir. Celui-ci est formé par un marigot latéral, ancien bras du delta du Sénégal, le marigot de Lampsar ou de Kassack, long d'une centaine de kilomètres, large de 30 à 100 mètres. En crue ce marigot est comme le fleuve parcouru par de l'eau douce. En fin de crue on le ferme à chaque extrémité de façon à y emmagasiner l'eau douce, par des barrages refaits chaque année. L'eau est puisée par une usine à vapeur située à 18 kilomètres de Saint-Louis. On envisage de rapprocher, en construisant un barrage plus près de la ville, le point de pompage. En même temps et par un phénomène analogue à celui du lac de Guiers, on dessalerait toute la région du marigot de Menguèye et du N'Diael. Ces projets sont à réaliser sur l'emprunt. Dans l'exposé qui précède, nous sommes restés muets presque --sur un pioblème important– nous -ou pourrions même dire vital pour la ville de SaintLouis l'amélioration de la barre. Notre silence est volontaire. Economiquement ce travail fait partie intégrante de l'aménagement du fleuve. Si l'on peut créer une « richesse » dans la vallée, il faudra lui donner des moyens d'évacuation. On peut même dire que cette « richesse » ne se développera que si ces moyens d'évacuation existent. Mais techniquement le problème de la barre doit être dissocié de celui du fleuve. Nous n'hésitons pas à heurter ici une idée fréquemment admise, d'après laquelle la régularisation du débit d'étiage du Sénégal contribuerait à l'amélioration de son embouchure. indépendamment de considéraNotre opinion tions doctrinales sur le mode d'aménagement des embouchures dans les mers à marée repose sur l'observation des faits suivants. Pendant la crue, le débit propre du fleuve est de plusieurs milliers de mètres cubes (4 à 5.000). Or c'est l'époque où il y a le moins d'eau sur la barre. Il est vrai que ce n'est pas la période où cette barre est le plus fréquemment impraticable. Mais ce résultat est dû à l'état de la mer qui en hivernage est généralement calme. Les facilités de passage d'un navire dépendent, en effet, non pas de la hauteur d'eau moyenne, mais de la hauteur minima au creux de la houle. L'amplitude de cette dernière est en outre une gêne à la manœuvre du navire qui sous le choc des paquets de mer fait des embardées d'autant plus dangereuses que le chenal est étroit. C'est la raison pour laquelle la barre est plus souvent « mauvaise » de janvier à avril que d'août à novembre. Il n'en reste pas moins que la profondeur du chenal est mois grande pendant ces mois-ci que pendant ces mois-là. Il serait donc vain d'attendre de débits de l'ordre de quelques centaines de mètres cubes/seconde des effets que ne peuvent obtenir des débits de l'ordre de plusieurs milliers de mètres cubes/seconde. L'aménagement du Sénégal est, au point de vue génie civil, un problème d'hydraulique fluviale. L'aménagement de la barre est un problème d'hydraulique maritime. Il doit s'appuyer sur les phénomènes de propagation de la marée. Les deux questions, liées économiquement de façon étroite sont, techniquement, indépendantes. Etude sur le phénomène de virescence des caféiers à la station de Bingerville par ROLAND PORTÈRES Ingénieur d'Agronomie Coloniale ingénieur agricole La virescence ou étoilememt des fleurs de caféiers consiste en une atrophie plus ou moins prononcée des différentes parties florales corolle, androcée, gynécée. A Bingerville, ce phénomène ne s'observe que sur toutes les provenances de COFFEA ARABICA et sur l'ExcELSA BANGE~AN 121-02, originaire de Java. Nous pensons que la virescence constitue au point de vue cultural une caractéristique de non adaptation au climats Le fait que l'on peut distinguer dès le huitième jour après une pluie déclencheuse de floraison (c'est-à-dire au 1/3 de la durée de l'évolution du bourgeon floral), un bourgeon qui vire d'un autre bourgeon qui ne vire pas, nous fait penser que la virescence est préformée de bonne heure dans les bourgeons floraux. Nous ne savons pas à quel moment débute la genèse de ce phénomène. En tous cas il est lié à des variétés complètement étrangères au pays et à son climat, et même récemment importées dans le cas du Bangelan. Nous n'avons jamais observé de virescence sur les 43 autres variétés et espèces introduites au jardin de Bingerville. Nous verrons en fin de cette étude l'influence de l'individualité sur le phénomène de virescence. DEGRÉ DANS LA VIRESCENCE 11 existe trois formes nettes de virescences lo Virescence au 1" degré Cette forme est caractérisée par la réduction proportionnelle des lobes corollaires et de l'androcée. Le gynécée tend à conserver les dimensions de la fleur normale. La fleur est de dimensions réduites. Les organes sexuels sont fertiles. L'hyperposition des stigmates par rapport aux anthères rend la fécondation croisée très facile. Cette forme de virescence courante sur Excelsa Bangelan n'a pas été reconnue sur Arabica. Les caractères botaniques sont les suivants Dimension 1" degré Virescence ler degré Long. du tube corollaire. Envergure de la fleur Largt des lobes corollaires Longueur des anthères Longueur du style 5 m/m 18 2 t 9 Fleur normale 20 m/m 60 11 9 40 X 100 ––––––––––– Dimensions normales 25% 22% 18% M% 22,5% Il y a donc réduction des organes au 1/4 ou au 1/5 par rapport aux fleurs normales, sauf pour la longueur des anthères, qui n'est réduite que de moitié. Les lobes corollaires sont franchement pétaloïdes, ce que l'on n'observe pas dans les deux autres degrés d'atrophie. Très fréquemment les pétales sont bilobés à l'apex. Le bouton floral, peu avant l'épanouissement, est de forme ovocylindrique, largement obtus au sommet et mesure 1 cm. de long sur 4 cm. de large. Le bouton floral d'une fleur normale peu avant l'épanouissement est ovofusoïde, assez aigu et ensiforme à l'extrémité; il est de plus unilatéralement gibbeux à la base, ses dimensions sont: longueur 13-14 m/m, largeur 4 m/m. Le bouton viré présente donc des carac- tères spéciaux. Nous appliqueronsle terme de fleur minute à la fleur virée au premier degré. 20 Virescence au 2e degré Les fleurs virées au 2e degré possèdent des organes sexuels entièrement stériles. La fleur ne s'épanouit jamais et présente la forme d'un œuf ou d'un tonnelet surmonté d'un très long style. Les lobes ont tendance à devenir pétaloïdes; roulés en cuiller ils présentent apparemment une forme linéaire. Les lobes sont succulents, cassants, ce qui ne leur permet pas de s'entr'ouvrir. Ils sont de couleur jaunecrème. La longueur des anthères est réduite de, moitié, celle du tube corollaire des 2/3 aux 5/6. Les lobes ne dépassent pas 7 mm. de longueur. Le style est assez variable, tant dans sa longueur que dans la forme des stigmates. Les anthères sortent quelquefois sur le coté du tonnelet corollaire. Alors que la fleur minute s'épanouit en même temps que la fleur normale en découvrant l'appareil sexuel, la fleur virée au 2~ degré présente une croissance des organes sexuels plus forte que la croissance du périanthe. Celui-ci reste assez grand pour cacher les anthères, mais le style, de très bonne heure, jaillit hors du périanthe (environ au 158 jour après la pluie déclancheuse de floraison), soit à peu près une douzaine de jours avant l'épanouissement des fleurs normales et des fleurs minutes. La fleur virée au 2e degré peut rester sur l'arbre 15 jours après la floraison des fleurs normales. 30 virescence au 3~ degré C'est la virescence dite à étoilement qui cause parfois une baisse énorme dans la production des plantations des Indes Néerlandaises et du Tonkin. La fleur de couleur vert-jaune, extrêmement petite possède une envergure allant de 1 à 6 mm. (en moyenne 3 à 4). Les pétales roulés longitudinalement sur le dos ont une texture succulente prononcée et cassent facilement au premier choc. Le style est plus ou moins atrophié et parfois peu exsert. Dans les fleurs normales des caféiers Libéria et Excelsoïdes on observe que l'insertion du filet staminal ne porte pas sur la gorge du tube corollaire comme cela devrait être d'après la loi d'alternance, laquelle joue pour les Robustoïdes mais que les filets sont insérés sur un bord du lobe libre or, dans les fleurs d'Excelsa Bangelan qui virent au deuxième degré et au troisième degré, la loi d'alternance fonctionne les filets staminant sont insérés sur le tube. Une fleur étoilée reste vert-jaunâtre pendant des semaines. Les anthères ne mûrissent jamais, le style ne subit aucune modification et reste en permanence. En général, mais ce n'est pas une règle, la virescence en étoile sur Bangelan se traduit, à l'origine par un bouton naissant recouvert d'une forte couche résineuse brune qui semble gêner longtemps le développement du bourgeon. Mais les fleurs normales peuvent aussi posséder à l'Origine cette couche épaisse de résine, laquelle est générale chez tous les caféiers. CARACTÉRISATTfON PROPRE DE CHAQUE DEGRÉ DE VIRESCENCE Un caféier qui vire porte en principe un seul degré de virescence. Un arbuste à virescence en étoile porte des étoilements allant d'un format minuscule à un format assez large. On observe surtout chez l'Arabica une tendance de certaines fleurs à passer au type de virescence au deuxième degré. Mais la virescence d'ensemble chez l'Arabica participe de l'étoilement. ChezI'Excelsa Bangelan étoilé, il est rare de trouver quelques fleurs virées au deuxième degré. La virescence au deuxième degré ne se rencontre jamais dans l'ensemble chez l'Arabica. C'est un mode très rare sur Excelsa Bangelan. On trouve alors très rarement des fleurs minutes (le' degré). Un arbuste virant en fleurs minutes ne possède pas en même temps des fleurs normales mais porte d'assez nombreuses fleurs du deuxième degré. Dans certaines floraisons d'Arabica, on trouve en mélange des fleurs normales et des fleurs en étoile. Nous n'avons jamais rencontré ce phénomène sur l'Excelsa Bangelan. L'Excelsa Bangelan est caractérisé par de grandes fleurs. Dans la fleur minute, les étamines, le style et parfois les lobes corollaires sont vert-jaune. On trouve quelquefois parmi ces fleurs quelques types non colorés en jaune-vert et dont la déhiscence des anthères se fait en même temps que dans la fleur normale, tandis que celle de la fleur minute s'établit environ 2 jours plus tard. Ces fleurs dont les anthères mûrissent en même temps que les fleurs normales sont de dimensions intermédiairesentre la fleur minute et la fleur normaleetpeuvent être considérées comme tendant à virer au premier degré. Cet examen explique que l'on a pu croire que l'Excelsa Bangelan introduit en Côte d'Ivoire possédait une forme à très petites fleurs et une forme à grandes fleurs par le fait que certains pieds ne possédaient que des fleurs petites ordinaires semblant ne présenter aucune anomalie. L'examen attentif des fleurs d'un tel type, conduit à trouver de temps en temps une fleur minute et même parfois une virescence du deuxième degré. Nous n'entendons pas par là infirmer le fait que l'on puisse distinguer dans l'Excelsa Bangelan de la Côte d'Ivoire des formes à grandes fleurs et des formes à petites fleurs. Il existe en réalité de tels types, mais leur caractérisation de format floral semble en relation avec le nombre de lobes corollaires. LE PHÉNOMÈNE DE VIRESCENCE DEVANT L'INDIVIDUALITÉ 1" Arabica. Pour toutes les provenances de Co//ea ~IraMca de la station de Bingerville, à une flo- raison donnée, il y a égalité du taux de virescence d'un individu à l'autre. Aucun arbuste ne réagit particulièrement plus qu'un autre. Si l'action du climat est cause de virescence, l'Arabica à Bingerville se trouve hors de sa zone cul- turale. 20 Excelsa Bangelan 121-02. Chaque individu réagit différemment à chaque floraison. Il en est qui ne virent jamais, d'autres qui possèdent un élément de floraison viré, d'autres plusieurs. On trouve même des plants qui virent en permanence. Les causes influant sur la virescence sont des plus complexes. A la même floraison, un pied qui vire en général assez rarement peut virer au troisième degré, tandis qu'un autre qui vire continuellement peut ne fournir que des fleurs normales. PERTE DE PRODUCTION DUE A LA VIRESCENCE Sur les Arabica de Bingerville, la perte moyenne peut être estimée à 95%. Sur Excelsa Bangelan elle atteignit pendant la campagne de floraison 19321933, près de 25%. La floraison 1933-1934 s'est améliorée légèrement mais le taux de virescence est encore d'environ 15-18%. Le Dr VoN FABER (1) signale des floraisons stériles ou floraisons étoilées pendant les années humides. Pour lui les mauvaises conditions extérieures qui provoquent la virescence ou les organes <?et $ des hybrides, résideraient dans les grosses pluies, la trop grande humidité du sol, le faible éclairage, le manque de fertilisants, etc. La carence en éléments fertilisants semble devoir être écartée à Bingerville pour les Excelsa Bangelan, dont la plantation remonte à 1931, et qui font l'objet d'un essai de fumure à base de fumier artificiel et d'engrais minéraux. On y constate dans l'ensemble autant de virescence sur les témoins que sur les parcelles fumées. Les grosses pluies et la forte humidité du terrain seraient-elles Ses causes de la virescence ?'? Chaque floraison est déclenchée à Bingervillc par une pluie supérieure ou égale à 10 mm., ce qui correspond pour une plantation faiLe sur 3 m x 3 m à un cube d'eau de 90 litres par pied. En deçà de cette quantité, nous n'avons jamais observé de floraison sur les Bangelan. Il faut noter que les terres de la région proviennent de la désagrégation d'un grès ferrugineux d'origine probablement fin tertiaire et sont par suite sableuses, très poreuses. Sur des terrains argileux ce besoin de 10 mm. de pluie doit être considérablement abaissé. En tous cas, la pluie de 10 mm. est pour Bingerville (et probablement pour toute la bande littorale qui part de Frcsco (Côte d'Ivoire) jusqu'à la Gold Coast un seuil de ~orat.s'o/ Or, à ce seuil nous constatons la présence de vircscencc et, comme toutes les floraisons Je toutes les espèces et variétés de caféiers de ta station de Bingerville possèdent le même seuil déclencheur de noraison, il nous est interdit de prendre en considération la grande quantité d'eau tombée comme cause provocatrice de la virescence puisque les sortes de caféiers autres que l'Arabica ne virent pas. Même les variétés d'Excelsa cultivées à Bingerville Excelsa de Long Khoï (Annam), de Kisantu (Congo Belge), du Chari (Excelsa d'Aug. Chevalier), ne virent jamais. Nous nous trouvons donc pour t'Ara&[cc en face d'une espèce, et pour l'E~ceba Bangelan 121-02, en face d'une race, en dehors pour la première et proche pour la seconde de la limite des conditions climatiques nécessaires à la vie normale de ces populations. Il semble que l'on doive rechercher cette limite dans les données d'un climat défini par son hygrométrie et sa température et non par sa pluviométrie ellemême (celle-ci déterminant l'hygrométrie). L'évaporation doit aussi jouer un rôle important mais se couple additivement avec l'entraînement dans le sous-sol. PROPAGATION CULT~RALE DES 1 ORMES VIRESCENTES Cette étude montre qu'il faut être circonspect dans la multiplication des plantations de caféiers d'origine exotique que l'on n'a pas encore observé pendant quelques années dans la région d'introduction. Elle montre que le caféier, si rustique et s plastique qu'il soit, peut trouver dans des régions où il semblerait pouvoir particulièrement être recommandé, des conditions écologiques et peut-être édaphiques qui en rendent la culture très aléatoire dans l'ensemble. L'Arabica ne peut .pas être économiquement cultivé dans la région de Bingerville. Ce serait aller avec légèreté à un échec cruel. L'Excelsa Bangelan 121-02 à sa limite écologique de culture ne peut être recommandé pour la région de Bingerville. Toutefois, il reste à déterminer si dans la population introduite ne se trouverait pas une forme héréditairement non virescente et dont la culture serait à propager. Même sans suivre assidûment toutes les floraisons, le critère productivité peut servir dans cette recherche concurremment avec celle de la sélection. Le Dr P.-J. S. CRAMER (1), à la demande des planteurs du Tonkin, étudia dans celte région le phénomène de l'étoilement chez l'Arabica. Différentes causes d'ordre physiologique peuvent déterminer la virescence des fleurs l'abondance de la précédenLc récolte, l'époque des floraisons, les fortes pluies continuelles, les fortes sécheresses, une suppression brusque de l'ombrage, l'érosion du sol, les piqûres des branches et des racines par certains parasites tels que le pantratoma plebya, le ver blanc, etc. Sur les terrains en pente où les caféiers tendent à se déchausser, le D~ CRAMER observe une tendance à la virescence. Le bois jaune laisse couler moins facilement les fleurs que les vieux bois. L'ombrage, en tempérant l'amplitude des variations de température et d'humidité, diminue la virescence. Les terres fumées ne portent que très peu de plants virés. D'après M. ToucHAY (1) l'Arabica au Tonkin présenterait plus de virescence sur les arbres de 6 à 8 ans que sur ceux de 4 à 6 ans. La proportion de fleurs anormales serait plus forte sur les glomérules de 12-15 fleurs que sur les glomérules pauciflores. Les caféiers sous Aleurites cordata semblent s'étoiler beaucoup plus que sous Albizzia Lebbek. A ce sujet, M. FAucmsRE (2), signale que dans l'Etat de Saint-Paul, au Brésil et dans le massif de Elue Mountain, à la Jamaïque, l'ombrage diminuant la récolte avait été supprimé. L'Aleurites Cordata fournissant un ombrage beaucoup plus violent quel'Aibizzia Lebbek, il est normal que l'avortement signalé au Tonkin sur Arabica soit plus fréquent sous Aleurites. FAuciïÈRE signale en outre avoir souvent observé à Madagascar que l'ombrage diminue énormément la fécondité du Libéria, mais que le plein ensoleillement développe exagérément la fructification et que la vigueur des arbres ne peut être maintenue que par de bonnes fumures souvent répétées. Il conseille aux planteurs tonkinois de cultiver l'Arabica en plein soleil pour combattre la coulure des fleurs. Toutefois, il ne faut pas confondre la coulure ou défaut de nouaison avec la virescence ou atrophie des organes sexuels et corollaires. Le crachin, le froid ont été invoqués par divers auteurs comme causes probables de l'étiolement des fleurs d'ARABICA au Tonkin et en Annam. W. BuRcK (3) et A. ZIMMERMAN (4), ont émis l'op nion que lorsque la production sur l'Arabica a été très forte, les floraisons qui suivent marquent une augmentation très prononcée de l'étoilement lorsque le pourcentage de jours de pluie est très élevé. Cet effet de la quantité d'eau ou de la fréquence des pluies semble jouer considérablement. A. ZtMMERMÀN signale que pendant la période des moussons orientales sèches, les arbres des plantations soumises à l'irrigation présentent un taux d'étoilement assez élevé alors que les plantations installées en terrain nu ne développent que des fleurs normales. Le Dr VoN FABEH chercha expérimentalement à obtenir des étoilements artificiels par culture comparés de plants de caféiers en terrains secs et en terrains humides. Dans l'un de ses essais, les plants arrivèrent à s'adapter à une humidité exceptionnelle mais fournirent des fleurs petites, penchées, où les éléments sexuels étaient dégénérés. Le Dr BALLV (W.) (1), botaniste de la station expérimentale du caféier de Malang (Java), signale la virescence sur Coffea Libéria, Coffea Robusta, Coffea Abeocuta, Coffea Arabica. Nous faisons remarquer que dans les zones de culture du caféier du golfe de Guinée, les espèces précitées autres que l'Arabica ne présentent pas le phénomène de virescence, toutes tes espèces étant spontanées sur les territoires côtiers. L'Abeocuta, dont l'Imdénié de la Côte d'Ivoire n'est qu'une forme, ne présente jamais de fleurs virées. RÉSUMÉ Pour la première fois est signalée la présence de la virescence des fleurs du caféier sur la côte occidentale d'Afrique. Les formes sujettes à cette affection physiologique sont le Coffea Arabica, l'Excelsa Bangelan 121-02. Trois degrés d'atrophie florale ont été recon- nus, dont une ne présentant pas de stérilité des organes sexuels. Les fortes pluies ne paraissent pas avoir d'action sur la détermination du phénomène. Il en est de même pour l'ombrage et la nature du terrain, sa richesse en éléments fertilisants. II faut penser à une action réciproque de la température et de l'humidité sur des formes non adaptées localement. Bingerville, novembre 1934. La Pluie, cause première du déclenchement des floraisons des caféiers par ROLAND PORTÈRES Ingénieur d'Agronomie Coloniale tngenieut agricole A. OBSERVATIONS De décembre 1932 à avril 1934, nous avons suivi à la station de Bingerville (Côte d'Ivoire) les floraisons des 42 espèces, variétés ou ;provenances de caféiers des carrés de collection. Leur examen attentif nous a permis de faire les observations suivantes: 1~ observation. A Bingerville, la floraison s'étend sur toute l'année et sur l'un quelconque des types de caféiers en présence. 2~ observation. Le maximum de ~'tn~s~c de rc'pa/~omssemen~ a lieu de décembre à mars (période sèche) et le minimum en aou~-scp<em&re-oc<o~/e (période relativement peu pluvieuse). L'arrêt de floraison dans cette petite saison sèche (août 73 m/m, septembre 40 m/m, octobre, 140 m/m) ne semble aucunement relié directement à une cause d'ordre strictement climatique mais elle coïncide avec un développement actif des fruits qui atteignent courant octobre leurs dimensions de maturité et qui seront récoltés en novembre. L'appel énergique de sève vers les fruits ne permet plus aux bourgeons iloraux de se préformer. A cette époque on ne peut observer que quelques fleurs assez rares. H est probable que si les fleurs des caféiers étaient enlevées dans le courant de l'année au fur et à mesure de leur formation, ou obtiendrait à la petite saison sèche une floraison abondante. Par suite, les affaiblissements d'intensité dans les floraisons ne s'étendraient que sur les deux saisons des pluies (avril à juillet et octobrenovembre). La courbe qualitative de l'intensité des floraisons suivrait alors les variations saisonnières. 3e observation. Toute floraison est déclenchée a l'origine par t~e pluie importante de Fordfe de 10 m/m ou plus. La moyenne des chutes d'eau ayant déclenché la 700 m/m mise à boutons iloraux est de ––~?–– == 20 m/m. Aucune des pluies ayant agi sur la floraison n'a dépassé 45 m/m. Les fortes pluies enregistrées pendant l'année 1933 5 juin 22 juin 23 juin 8 juillet 14 juillet 60 "V"' 5 111 118 78 196 » » a a 8 3 8 5 n'ont déclenché aucune floraison. 4s observation. La somme de plusieurs pluies inférieures cAacu/te à 10 m/m peul déclencher la floraison lorsque ces pluies .~e suivent quotidiennement et totalisent plus de 10 m/m. Ainsi la floraison du 30 mars est déclenchée par les pluies des 5 et 6 mars (total 10 m/m 7). Les floraisons des 13-14 et 15 novembre ont été provoquées par les pluies des 23-24 et 25 octobre (total 15 m/m 75). 5~ observation. Une pluie importante peu< par/ois déclencher deux floraisons successives séparées par quelques jours. La pluie du 21 mars (17 m/m 7) qui déclenche les floraisons du 11-12 et 13-14 avril. La pluie du 3 février (21 m/m 5) qui déclenche les floraisons du 3 et du 5-6 mars. 6e observation. N pluies su/~tsan~es (c'est-à-dire de l'ordre de 10 m/m) séparées par un jour d'intervalle déclenchent N floraisons différentes. Exemple donné par les pluies des 23 avril (9 m/m 3), 25 avril (9 m/m 4), 27 avril (10 m/m 3, qui provoquent respectivement les iloraisons des 23-25 mai, 26-27 mai, 30-31 mai et 1~ juin. 7e observation. Le temps nécessaire pour qu'une floraison déclenchée arr~e à épanouissement varie suivant les floraisons entre 21 e~ 24 jours. Le temps moyen est de 25 à 27 jours. Se observation. Les Robusto-Canephoroïdes s'épanouissent un jour après les Lt6ero-Ba;ce~soMes. Les Arabica demandent généralement autant de temps que les Robusto-Canephoroïdes, mais ce n'est pas un phénomène constant. Il en est de même pour les Stenophylloïdes, qui marchent généralement avec les Libéro-Excelsoïdes~ (quant à la durée d'épanouissement floral). Qe observation. La ou les pluies déclencheuses de floraison a~et~nen~ soit le groupe des Robusta-Canephoroïdes, des Arabica et des Sfenopht/Hoides seuls soit le groupe des LtMro-E~ceboMes seul; soit tous les groupes à la /ofs. Sur 66 floraisons de groupes épanouies en 45 époques différentes, allant du 12 décembre 1932 au 6 avril 1934 Le groupe Robusto-Canephoroïdes, Arabica, Stenophylloïdes ont fleuri seuls 16 fois. Les groupes Libéro-Excetsoïdes a fleuri seul 8 fois. Les 2 groupes ont fleuri ensemble 21 fois. D'après nos observations, ils ne nous semble pas possible d'interpréter ces phénomènes de floraison monopolyspéciûques. Peut-être l'étude du rapport C/N fournirait-il à ce sujet quelques indications ? Voir au oeMo le tô6!eaH. Tableau de relation entre les pluies et les floraisons de caféiers à la station de Bingerville Dates de la floraison Intensité de la floraison B.. XL C 12-13 décembre 1982 19 dëeembre T. F. F. 1933. < 22-Z4 décembre 11 janvier 20 janvier » Mvner. 3 février 7-8 28-2~ ~vriet-ler mars.. T. B. B 3 mats B. 5-6 mars T. B. m-13 mais T. B. B. 30 mars T. F. 7 avril T. F. 11-12 avril T.F. 13-14 T. F. 21 avril F. 8-4 28-25 mai < B. 2T-28mats. avr! mai. juin. 26-27 mai 30 mai-1" juin a-10-n juin 33 36-27-28 juin 10-12 juillet qs. N. qs. H. qs.N. 30 4 13-14-15 novembre .t. T. F. F. 25 A.B. 22 décembre 26-28 décembre A.B. 9 janvier 1934 29 janvier novembre. Nota. Dates 11-13 novembre 30 novembre 24 novembre 18déeembte 25déeembte B.. A. B. < 3 février B. 3 février F. 4 mars S-6 mars 10-13 mars 21 mars 21 mars 7 avril 23 avril 25 avril 27 avril 10-14 mai 25 mai 29 mai 1S-I8 ja.n A.B. qs.B. qs.B. qs. mlm 16,7 29 11,2 Nombre de jours S. A. B. B. B. B. qs.a. qs. S. qs. fl. qs. S. qs. <L qs.a. F.. octobre. novembre. F. 28 octobre qs. B. qs. H. Pluies ayant déclenché la Boraison qs. fi. '1 f F. B. qs. a. F. n.~ < 21,S 21.5 n 25,0 10,7 20,2 17,7 17,7 M,S 9,8 9,4 ~3 41,2 35,5 30,2 Bl 6 octobre 42,7 8 octobre 6-8 octobre 1?2 21 28-24 octobre Z8-30-S1 octobre 24-25 novembre 2-3 décembre 19 9 décembre 4 janvier 63,7 12,7 M 33,7 18,75 10,5 38,5 F. = très faible. – F. = faible. –T. – B.C. = bonne. groupe Robusto-CanephomMe. XL. = groupe Libéro-Exeelsoide. 31 29 80-32 23 26 28 30-81 23-24 24-25 26-28 21-22 23.24 26-27 31-88 31-32 33-34 28-30 28 27-28-29 29-89 22 22 28-30 21-23 25-28 27-S8 24-25 21 25 Canephora Canephora, Exceia ? x x n Groupe botanique do Exeetsa Excelsa Canephota Excetsa s~i Canephottt Canephora, Exceht d° d° d° Canephora 0° Canephora, Excelea do d" do Exeelsa Exeelsa Canephora, Ex<t)M d" d" d" Canephora d" d" d" d" Canephora, Exoettt Canephom Excelsa Canephofa,Exee)«! Canepbcra Extraits du Rapport de la Station Expérimentale du Palmier à huile de la Me ANNÉE 1933 LABORATOIRE DE PHYTOPATHOLOGIE ET D'ENTOMOLOGIE Etude systématique et biologique des principaux animaux et insectes parasites des plantes cultivées en Côte d'Ivoire. Etude de quelques maladies nouvelles des plantes cultivées en Côte d'Ivoire. par A. MALLAMAIRE Assistant Ingénieur d'Agronomie Coloniale Directeur du Laboratoire de Phytopathologie *t d'Entomologie 1 Etude systématique et biologique des principaux animaux et insectes parasites des plantes cultivées en Côte d'Ivoire Cultures arbustives ou industrielles CAFÉIERS Parasites des racines Maladie vepynicnlairc – Cette maladie est causée par l'Heterodera radicicola MùL., Nemathelminthe, lequel est un parasite très fréquent à la colonie, notamment pour les cultures potagères (pour étude complète et traitement, cf. le compte rendu des travaux de 1932), J'ai reçu en juin, provenant de Candjé, un lot de jeunes caféiers Robusta, très parasités. A la station de Bingerville, quelques jeunes pieds de caféiers de FIndénié ont été attaqués ils ont été détruits à l'arrachage. Les plantes attaquées par l'anguillule en Basse Côte sont les suivantes Epinard de Malabar (Basella ru&ra), Aubergine, Tomate, Haricot, Carotte, Betterave, Poireau, Salades diverses. Navets, Concombre, Melon et Cacaoyers. Termites. Isoptères. Ces insectes causent de gros dégâts dans les immeubles coloniaux dont ils dévorent les charpentes et parasitent aussi les plantes cultivées. Ils ont déjà été signalés sur certaines cultures telles que théier (Indes Anglaises), caféier (Réunion), canne à sucre (Indes Anglaises). A la Côte d'Ivoire, j'ai constaté de nombreuses fois que des pieds de caféiers âgés ou dépérissants étaient attaqués par les termites. Les ouvriers creusent des galeries dans le pivot et au-dessus du collet, d'abord dans le bois mort et ensuite dans les parties saines. Les caféiers parasités finissent par mourir assez rapidement. M. le professeur P. P. Grassé, de l'Université de Clermont-Ferrand, en mission à la colonie pour l'étude de la biologie des termites, a eu l'extrême obligeance de me communiquer quelques renseignements les concernant. L'espèce parasite du caféier semble la même que celle que M. P. P. Grassé a trouvé communément dans les boiseries des maisons. Cette espèce se reconnaît facilement à son soldat, dont le corps est presque entièrement occupé par une glande secrétrice d'une sorte de latex blanchâtre c'est le Copïofermes S/osfe<M Holmgren (Rhinotermidae). Ce termite existe au Mozambique, au Cameroun, au Nigéria, en Gold Coast, à l'île du Prince et en Guinée, Les ainsi que le signale E. Hegh dans son ouvrage termites, publié dans le Bulletin Agricole du Congo Belge, Vol. XII, n" 4, décembre 1921. Les dégâts causés par les termites dans les plantations de caféiers sont peu importants, et ne font disparaître que des arbustes âgés ou dépérissants. Si, pour protéger les boiseries et les charpentes, les badigeonnages de carbonileum s'avèrent suffisamment efficaces, on ne peut rien recommander pour les caféiers, si ce n'est la destruction des termitières, l'arrachage, le brûlage des caféiers attaqués et le retournement du sol. Parasites des caiéiers en pépinières Myriapodes. En 1930, M. Castelli, a constaté le parasitisme de certains myriapodes, lesquels coupent les caféiers germés au ras du sol. Recueillis par M. le professeur Chevalier en 1931, ces parasites ont été connés au regretté spécialiste H. W. Brôlemann qui les a déterminés (A. Chevalier: Myriapodes ennemis des jeunes caféiers à la Côte d'Ivoire. Revue de Botanique appliquée et d'Agriculture tropicale, novembre 1931, n<* 123, pp. 942). Ces diplopodes sont les suivants Ophisireptus rugosus Attems. Pachybolus !<mHn(!<us Coo&c var. C~tc~a~eft Biolem. La seule méthode de lutte consiste dans le ramassage de ces iules. Grillon eoupe-tiges Brachytripes membranaceus Drury. Gryllidae-Orthoptères. Corps brun, jaunâtre en dessous, long de 50 m/m, large de 15 m/m tête à mandibules très puissantes, antennes iiuformes de 30 m/m de longueur thorax noir avec une bande jaune en son milieu élytres brunâtres; première et deuxième paires de pattes jaunâtres, troisième paire jaunâtre tachetée de noir, à fémurs très puissants et tibias épineux; abdomen terminé par deux cerques de 20 m/m de longueur. DESCRIPTION. L'insecte coupe les caféiers en pépinières, et même les caféiers en place quand ils ne sont pas très grands et quand leur tige est encore peu épaisse. Le grillon emporte dans son terrier les parties coupées et les dévore. Les terriers de Brachytripes se reconnaissent facilement à leur entrée, constituée par un gros orifice, toujours accompagné d'un monticule de terre fraîchement travaillée, notamment après une pluie. Les galeries sont étendues elles dépassent quelquefois un mètre de longueur et s'enfoncent jusqu'à 40 et 60 c/m de profondeur. BioLOGtE. Le moyen de lutte le plus pratique consiste à suivre les galeries et à déterrer les insectes, que LUTTE. l'on tue ensuite. Les fumigations des terriers avec un toxique quelconque ne sont à recommander qu'en cas d'attaque importante, et au cas où la destruction des nombreux terriers amènerait le bouleversement complet des pépinières. On peut alors utiliser soit le sulfure de carbone, soit même le carbure de calcium. Parasites des tiges et des rameaux Ce sont les perceurs de tiges que l'on connaît déjà. Monohammussierricola. White. Cerambycidae (Coléoptère). Apate .MonNchiM F. Bostrychidae (Coléoptère). Cf. pour l'étude systématique, biologique, ainsi que pour les moyens de lutte A. Mallamaire Les Borers du caféier en Basse Côte d'Ivoire. Bulletin du Comité d'Etudes Historiques et Scten~~ue de /'A. 0. F. T. XV, n° 2-3, 1932. Scolyte des rameanx yleborus Morstatti Haged. Scolytidae. Coléoptère. Les rameaux des caféiers, et des caféiers Canephora notamment, sont fréquemmentparasités par ce petit scolyte noirâtre de 1 m/m 5 à 1 m/m 6 de longueur. Les dégâts s'étendent aux petits rameaux dans lesquels les femelles creusent des galeries qui vont jusqu'à la moëlle, qu'elles suivent alors dans une direction ascendante ou descendante (galerie en accolade)~ Pour lutter contre ce parasite; élagage des rameaux desséchés et incinération rapide. X Parasites des bourgeons et des feuilles CochemiHes. Les différentes espèces de caféiers sont parasitées par trois cochenilles Cochenille verte, Cochenille brune, Cochenille farineuse. CoeheniUe verte. Lecanium viride Green. CoccidaeLecaninac. Hémiptères. Bouclier ovale, aplati sur les bords, légèrement caréné au milieu, de 2 m/m 5 de longueur et 1 m/m 8 de largeur, de couleur vert jaunâtre. Cette cochenille se fixe sur les extrémités des jeunes tiges, sur les bourgeons, et sur les deux faces des feuilles, le long des nervures surtout. Elle se trouve souvent dans les nids de fourmis rousses en association avec la cochenille brune. Elle est très souvent accompagnée d'une fumagine très intense. Elle parasite tous les caféiers, et je l'ai rencontrée très souvent sur les caféiers de Libéria, de l'Indénié, Excelsa, tous les Canephora, ainsi que sur les Stenophylla et formes ainnes. Coehenille brune. Lecanium Col/ae Walk. CoccidaeLecaninae. Bouclier ovale, aplati légèrement sur les bords, très bombé au centre (en forme de cloche aplatie) de 2 m/m 2 à 2 m/m 5 de longueur et 1 m/m 5 de largeur, de couleur brun rouge ou brun foncé. Se rencontre le plus fréquemment dans les nids d'CEcop/u~a smaragdina F., le long des jeunes tiges, des bourgeons et suivant la nervure centrale des jeunes feuilles. J'ai constaté la présence de cette cochenille sur toutes les espèces de caféiers et notamment sur les caféiers de Libéria et de l'Indétuè; les caféiers à petit grain sont aussi parasités, mais moins fréquemment. Alors qu'à Ceylan, ces cochenilles et notamment le Lecanium viride, ont causé de gros dégâts, il semble que jusqu'à présent on ne puisse leur imputer, en Côte d'Ivoire, des dégâts trop élevés. Cela est probablement dû aux conditions de milieu,'lesquelles favorisent beaucoup le développement du champignon parasite Cephalosporium Lecanii Zimm. que l'on rencontre fréquemment sur les colonies âgées de Lecanium Coffae et surtout de L. viride. Cochenille blanehe ou farineuse. Pseudococcus sp. Coccidae. Pseudococcinae. Corps ovale, globuleux, de 1 m/m 8 (larve) à 3 m/m 5 de longueur et 1 à 2 m/m de largeur, recouvert d'un duvet cireux blanc, formé par 34 prolongements cireux autour du corps, pattes visibles. Vit en colonies très peuplées à la base des pédoncules des fruits et aussi dans les jeunes bourgeons. Exude un liquide sirupeux et sucré, lequel favorise le développement intense d'une fumagine. Cette espèce est très fréquente sur les Coffea canephora (Robusta, Kouilou, Niaouli, Petit Indénié) et sur Coffea Arabica (station de La Mé). Ce Pseudococcus sp. dont la détermination a été confiée à M. le professeur P. Vayssière, de l'Institut National d'Agronomie Coloniale, et à M. Green, le savant spécialiste des Coccides, de l'Imperial Entomological Institute, est un parasite redoutable et répandu. Il provoque la mort de nombreuses cerises et les plantations de caféiers canephora des régions de Gagnoa, Oumé, ont été sérieusement parasitées cette année. MOYENS DE LUTTE A APPLIQUER CONTRE LES COCHENILLES Les moyens de lutte à appliquer contre les cochenilles sont les suivants En cas d'attaque massive de Lecanium, et même de Pseudococcus, détruire tous les foyers par la taille rapide et le brûlage des rameaux parasités; ceci afin de détruire, dès leur apparition, les foyers d'invasion. En cas d'attaque généralisée, il faut recourir aux traitements insecticides. TAILLE. PULVÉRISATIONS iNSEGTicmES. On peut utiliser les formules suivantes BoMttKes au p~ro~ Pétrole. enivre. Eau. Savon noir Sulfate de kilog. 4 litres i kilog. 100 litres 1 ~MM&MM tf~MNe de vidange dM me<eMM manioc. Huiteusagee.t. noir Colle de farine de Savon Eau Savon. Eau. ~mM~~m d'huile: Huile d'arachide. vive. Eau. 2 kilog. SMtog. 1 kilog. 100 litres 1 kilog. 1 kgSOO 100 litres Bouillie <M~/bca&t9Mc~ot< Chaux Soufre en fleur ou en poudre. Bouillie aux résinates <~eo~tM* Résine du Cristaux de commerce. soude. 2 kilog. 2 kilog. 100 litres 0 kg 880 0 kg 400 Pour cette dernière, on fait une pâte en chauffant avec 4 à 5 litres d'eau les produits précités, puis 1 kilog. de ce mélange nouveau est dissous dans 3 litres d'eau chaude, on y ajoute une dissolution de 8 kilog. de cristaux de soude dans 3 litres d'eau et on complète à 100 litres. On ne peut recommander pour la Côte d'Ivoire le traitement par fumigation d'acide cyanhydrique, avec cloehage par bâches des arbustes, car si ce traitement est très actif, il est d'un prix de revient très élevé, que peut supporter seulement une culture riche telle que celle des Agrumes (Afrique du Nord, Floride). Les heureux résultats obtenus en Californie et aux Iles Hawaï contre une cochenille farineuse causant de graves dégâts aux Citrus (Pseudococcus cM Risso) par l'utilisation d'une coccinelle très vorace le Cryp/o~fnus Montrouzieri Muls. conduisent à rechercher en Côte d'Ivoire les parasites locaux du Pseudococcus des caféiers. Après étude et contrôle du comportement parasitaire du prédateur trouvé, des élevages seraient faits au laboratoire puis dans des cages de multiplication LUTTE BIOLOGIQUE. et les adultes seraient ensuite lâchés dans les plantations parasitées. Cependant la rupture de l'équilibre biologique Fsemdoceeens Parasite demande la réunion de nombreuses conditions et de telles recherches exigent non seulement du matériel mais aussi du personnel. L'introduction du Cryp/o~emus Montrouzieri est aussi à envisager. Teigne des îemiMes. Gracillaria co//e!/oHeHa. Motsch. Tineidae. Lépidoptères. La larve de ce petit papillon dévore les tissus de la face supérieure des feuilles en respectant l'epiderme. La galerie est étendue, sinueuse, contournée, de 2 à 3 m/m de large et plus ou moins argentée (par suite de la lame d'air qui se trouve entre le fonds de la galerie et l'épiderme desséché). Je l'ai rencontré de nombreuses fois sur caféiers de Libéria, de l'Indénié, Robusta et de l'Arabie, mais les dégâts causés sont absolument insignifiants. Criquet puant. Zonocerus variegalus. L. Pyrgomorphi- dae. Orthoptères. Ce criquet endémique en Côte d'Ivoire, fait chaque année de sérieux dégâts. Il n'est pas spécifique du caféier, car il dévore de nombreuses plantes, mais ses larves et ses adultes dévorent les feuilles des caféiers, les jeunes bourgeons à fleurs et à feuilles, les jeunes tiges et même les écorces. La description sommaire de ce criquet est la suivante corps de 45 m/m (mâle) à 55 m/m (femelle) de longueur, tête jaune chrome ou verdâtre, tachée de noir et de rouge, antennes noires, de 18 articles avec deux bandes orangées à leur extrêmité; pronotum jaune chrome ou verdâtre poitrine jaune clair élytres jaune verdâtre à vert olive; abdomen jaune avec bandes noires; fémurs et tibias de la première et deuxième paire de pattes noirs avec taches jaunes et rouge vermillon, fémurs postérieurs avec anneau jaune et noir à leur extrémités, tibias postérieurs noirs avec 8 épines jaunes à pointe noire de chaque côté. L'accouplement a lieu en septembre– octobre et la ponte commence peu après. Les femelles BIOLOGIE. creusent un trou dans le sol meuble, à l'aide de leur abdomen qu'elles rendent turgescent par afflux de sang. Elles pondent 30 à 90 œufs qu'elles agglomèrent dans une oothèque brunâtre de 40 à 50 m/m de longueur. A la surface du sol, les trous de ponte se remarquent facilement. Les jeunes larves sont noirâtres avec des bandes jaunes longitudinales. Elles sont excessivement voraces et dévorent de nombreuses plantes; la plupart des graminées (Pennisetum, Andropogon, Panicum, Stenotaphrum, Eleusine), les palmiers divers, les bananiers, les papayers, les crotons, les orangers, les citronniers, etc. Les moignons alaires sont d'abord noirâtres puis deviennent verdâtres. Le Zonocerus est un mauvais voilier et il se déplace peu. LUTTE PROCÉDÉS MÉCANIQUES Labourage à la daba dans les lieux de pontes repérés, et destruction des oothèques par écrasement et enfouissement profond. Conù-e les pontes. Capture au filet fauchoir et destruction par écrasement, incinération, asphyxie (récipient avec eau et pétrole) et enfouissement. Ce procédé est supérieur à la récolte manuelle, car il est d'un rendement beaucoup plus élevé. Pour récolter les insectes perchés sur les branches, il suffit de secouer ces dernières et les criquets tombent dans le filet. Contre les larves el les adultes. PROCÈDES CHIMIQUES Confre les larves. Puh'en.MftWM <T émulons savonneu~es de pétrole à 4-5% de savon dissous dans l'eau chaude et 1% de pétrole. Ce procédé économique est utilisé couramment et donne de bons résultats, avec des pulvérisateurs à jet moyen. Contre les adultes: a) Appâts empoisonnés: à base d'arsénite de sodium ou de fluosilicate de sodium, suivant la formule As'O~ As'O" Arséaite de sodium;à 80% ou Arsénite de sodium & 6S% ou Fluosilicate de sodium à 98% pureté. Mélasse ou miel de Guinée de préférence. Eau (suivant ta base excipiente). kg 800 2 kilog. 2 kilog. 6 à 8 kg. 80 à 75 1. 1 Il faut employer une substance alimentaire facilement consommée par le criquet graminées fraîches, jeunes feuilles de bananiers, fruits de papayers coupés, que l'on imprègne de la solution toxique. Ces appâts sont ensuite distribués dans les plantations infestées. Ils ne peuvent jouer leur rôle qu'à condition que le terrain soit entièrement débroussé. b) Pulvérisations afs~nîea~s dans les plantations non débroussées, on peut pulvériser les herbes et les caféiers avec la solution suivante Eau. écrémé. Caséine. AMënite de sodium à 80% ou Fluosilicate de sodium 5 à 6 kg. 8 kilog. i.OOO litres Avec adhésif convenable: 50 litres Lait SOO grammes ou 20 kilog. ou Colle de farine de (On prépare un empois à 20% avec 100 litres d'eau à SO-70" et on dilue ensuite). manioc. Ces pulvérisations agissent comme toxique de con- tact et comme toxique d'ingestion. Les criquets com- mencent à mourir au bout de 24 heures et au bout de 72 heures, tous ceux qui ont ingéré de la substance toxique sont morts. Cette formule préconisée par les Services de la Défense des Cultures d'Algérie et du Maroc, a fait ses preuves et je l'ai recommandée vivement à plusieurs planteurs. Si, en Afrique du Nord, les appâts empoisonnés constituent la méthode de lutte élective, nous devons leur substituer en Côte d'Ivoire, pays à végétation très riche, les pulvérisations d'arsénite ou de fluosilicate de sodium, et ce dernier produit doit être employé de préférence, car il est beaucoup moins toxique pour l'homme et pour les vertébrés. Contre les larves on peut aussi utiliser ces pulvérisations arsénicales, ainsi que le recommande H. J. Bredo (contribution à l'étude de Zonocerus variegatus L. Bull. Agri. du Congo Belge. Vol. XX. n<' 4 déc. 1929) à la dose suivante Sucre. Arsénite de sodium. i Eau Okg.SOO kilog. 78 litres – Prix de rcMen~ Le prix de revient des pulvérisations arsénicales n'est pas très élevé. Il s'établit comme suit Par hectotitre de pt~p<M'<!<MH sodium. ISfr. x FhMSiticate.i.. 5fr. Arsênite de caséine soluble industricHe. 1,5 = i8fr. 00 x 2 = iOfr.SO i2& x 0,06 = 0 fr. 60 ce qui donne un prix de revient variant de 11 fr. 10 (fluosilicate) à 18 fr. 60 (arsénite). Les prix des produits sont ceux de la métropole, au détail. Comme ces produits n'existent pas à la colonie actuellement les planteurs ont intérêt à se grouper en Coopérative de Défense afin de les faire venir en quantités suffisantes d'une part et afin de bénéficier d'autre part des prix de gros, des ristournes et des détaxes. Chenilles des feuilles du caféier. M€<<!<frepana glauca Hmp. Drepamdae. Lépidoptères. Papillon gris brunâtre de façon uniforme, de 32 m/m d'envergure ailes antérieures en triangle tête petite et cachée antennes pectinées thorax bombé et poilu pattes poilues, sans épine aux tibias, corps assez gros, régulier, poilu, de la même couleur que les ailes, plus gros chez la femelle; long de 18 à 20 mm. ADULTE. Chrysalide brune de 18 à 21 m/m de longueur, placée dans un cocon mince, déposé dans une partie de feuille que la larve enroule avant la nymphose. NYMPHE. Très curieuse, de couleur générale brun violet avec des maculatures tigrées vertes et noires. Tête jaune, suivie d'une bosse prothoracique proéminente, dernier anneau prolongé en appendice caudal très emié (15 m/m.) 4 paires de fausses-pattes. Longueur maximum 45 m/m. LARVE. Œups – Discoïdaux, ovales, aplatis, de 8 m/m. 75 x 0,50 X 0,25, de couleur rosée à la ponte, accolés les uns aux autres dans le sens de l'épaisseur en une sorte de bâtonnet plus ou moins courbe de 15 m/m de long. environ contenant une trentaine d'œufs. Chaque femelle pond ainsi 5 à 6 bâtonnets, lesquels sont accolés aux feuilles. L'éclosion a lieu au bout d'une dizaine de jours environ les œufs passent du rosé au verdâtre et après l'éclosion les bâtonnets sont blanchâtres. Après l'éclosion, la larve minuscule, de couleur verdâtre foncé avec des maculatures noires commence à dévorer le parenchyme des feuilles; elle s'accroît rapidement et prend alors cette couleur brun violet bien caractéristique. J'ai rencontré plusieurs fois cette espèce à Eloka notamment (Cercle des Lagunes) sur des caféiers de Libéria cultivés par les Ebhés. Les chenilles de cette noctuelle commettent de gros ravages sur les caféiers qu'elles parasitent; j'ai vu en effet des caféiers de 4 à 5 ans entièrement défeuillés. Tout le parenchyme des feuilles est dévoré ainsi que l'extrémité des nervures et il ne reste que la nervure centrale et le commencement des nervures latérales. Le cycle évolutif de ce papillon est le suivant 8-12 jours Incubation 30-40 jours Vie larvaire Repos prénymphal. 2-3 jours 8-10 jours Nymphose BIOLOGIE. soit un cycle dont la durée varie de 48 à 65 jours. Le nombre de générations annuelles n'est pas encore bien fixé je l'estime supérieur à 4, car dans l'espace de 5 mois, j'ai trouvé deux générations. Cette noctuelle est répandue dans toutes les zones de cultures du caféier M. Sibert m'a signalé sa présence en 1932. à Agboville, M. Bernard Fa signalé, au début de 1933, à Man, M. Piellard en octobre 1933 à Oumé et Gagnoa et je l'avais trouvée moi-même en juillet, octobre et novembre 1933, à Eloka. MOYENS DE LUTTC Ramassage et destruction des chenilles; Pulvérisations d'émulsions savonneuses contre les chenilles Pulvérisations arsénicales pour la destruction des Jeunes larves au sortir de F œuf et des chenilles de tout âge. Parasites des fruits jy Ces parasites sont les suivants Pseudococcus sp. Z<~<-<~ ~<~ Zonocerus variegatus l VOIr Prudemment. prece emmcnt. Scolyte du grain (cf. Le Scolyte du grain de ca/e en Cô~ d'Ivoire el sa destruction par la chloropicrine, par A. Mallamaire. Agronomie Coloniale, sous presse). Proboseidiens. Les éléphants (grand et petit éléphant) causent certains dégâts dans les plantations de l'Ouest et du Centre de la Colonie (Man, Gagnoa, Tiessalé.). Ils arrachent les caféiers et dévastent les plantations lors de leur passage. Ruminants. De nombreuses biches dévorent aussi les baies des caféiers et les jeunes pousses Antilope de Maxwel ou biche-cochon; Cephalophus dorsalis; Cephalophus rufilatus; Cephalophus niger. Primates. des caféiers: Les singes mangent aussi les cerises Colobe rouge noir; Colobe à camail Pain à cacheter Capucin Cynocéphale. Cf. Pour étude plus complète des ennemis ci-dessus F. de Coutouly: Gros e~ petits ~t6:ers en Afrique Occi- dentale Française. Bulletin d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'A. 0. F. Tome VIII n" 2-4, 1925. CACAOYERS Parasites des racines Maladie vefmicnIaM'e.– Attaque aussi le cacaoyer auquel elle occasionne une pourriture mortelle. J'ai rencontré quelques cas d'Heterodera radicicola, dans une vieille cacaoyère à Aboisso. Cette maladie ne semble pas étendue jusqu'à présent, alors qu'au Congo Belge, ainsi que le relate J. Ghesquière, c'est une maladie grave (J. Ghesquière Nouveau parasite du cacaoyer. Maladie vermiculaire du cacaoyer. Bul. Agric. du Congo Belge, N" 4. décembre 1921). Termites. A la station de Bingerville, j'ai trouvé quelques cas de parasitisme réel de termites sur pivots et tiges de cacaoyers. M. le professeur P. P. Grassé, à qui j'ai soumis ces parasites, caractérisés par leur corps gros et jaunâtre, les a déterminés comme étant le Neotermes sp (Mésotermites) H.-C. Navel signale, à San Thomé, 3 espèces parasites des cacaoyers, étudiées par A. Seabra Neolermes Gestri Silv. Mtcrocerofef/nes pondus Theobromae Dess. Microtermes Amarilli A. Seabra (1). et Patterson signale en Gold Coast Neotermes aburienSMSp.(l). Parasites des troncs, des tiges et des rameaux Perceurs des tiges Mallodon Downesi Hope (Cerambycidae) Coléoptère. Apale Monachus F. (Bostrychidae) Coléopterp. Eulophonotus myrmeleon Feld. Lépidoptère. Mallodon Downesi H<~pe – C'est le gros perceur des tiges du cacaoyer, sa description est la suivante ADULTE. -Mâle corps brun marron foncé et brillant long de 50 à 60 m/m, large de 19 à 22 m/m tête de teinte plus foncée et ponctuée, mandibules puissantes, une fois et demie plus longue que la tête antennes de 11 articles longues de 23 à 25 m/m, thorax rectangulaire vu de face, bombé, en dents de scie sur les côtés, brillant, lisse; tégument élytral brillant, lisse, dépassant l'abdomen; dernier segment abdominal bordé de poils roux. plus petite en général 45 à 50 m/m de longueur, mandibules moins développées; antennes de 11 articles de 20 m/m de longueur (moitié du corps FemeHe environ). NYMPHE. Corps de teinte blanc jaunâtre, ayant déjà tous les caractères de l'adulte (mandibules développées, antennes visibles, élytres et ailes repliés sur les côtés et l'abdomen). Longueur 53 à 63 m/m. Larve typique de longicorne, blanchâtre, tête petite brune segment prothoracique plus volumineux que les suivants, chitinisé, jaunâtre longueur maximum 70 à 80 m/m. LARVE. Le Mallodon Downesi n'est pas spécifique du cacaoyer. La femelle pond surtout dans les parties mortes des vieux troncs, des chicots et des branches. C'est un parasite que l'on rencontre très fréquemment dans les vieux troncs d'arbres abattus. Les galeries creusées sont énormes elles augmentent BIOLOGIE. l'affaiblissement des vieux cacaoyers, sont la porte d'entrée de nombreuses cryptogames et finissent par causer la mort des grosses branches et même des troncs. Apate Monaehus F. Parasite actif du cacaoyer, dont il attaque les jeunes troncs, dans lesquels les adultes creusent de nombreuses galeries ascendantes. (Cf. A. Mallamaire Côte <f7Mtre). Les Borers du Ca/eter en Basse Eulophonotus myrmeleon FELD. envergure des ailes 40 à 42 m/m; ailes presque totalement transparentes, ailes antérieures à nervures jaunâtres et possédant 4 taches noires, ailes postérieures plus petites de moitié et de couleur blanc grisâtre; tête couverte de soies brunâtres, antennes pectinées; thorax garni de soies brunâtres; abdomen rougeâtre avec anneaux de soies brunes. ADULTE. M<Më taille plus grande envergure des ailes 48 à 50 m/m ailes antérieures noirâtres avec ornementation en mosaïque ailes postérieures enfumées et plus petites de moitié, tête couverte de soies brun foncé antennes sétiformes thorax brun abdomen rougeâtre avec anneaux de soies brunes et terminé par une touffe de soies gris argenté. Femelle De couleur brune, longue de 18 à 20 m/m, de forme cylindrique apiculée à l'extrémité NYMPHE. antérieure. La chenille de l'Eulophonotus myrmeleon est de couleur blanc jaunâtre, avec de petites macules brunâtres, elle a 30 à 32 m/m de long tête jaunâtre avec mandibules brunes; 5 paires de fausses-pattes; LARVE. premier segment avec plaque chitinisée en forme de selle dernier segment chitinisé, petites touffes de soies brunes et courtes sur tout le corps. La ponte des femelles a lieu sur les branches, les troncs, et le plus souvent sur les branches et sur les tiges d'un diamètre moyen elle~a lieu fréquemment sur les tissus plus ou moins nécrosés des blessures mal cicatrisées, au-dessous du pétiole des feuilles ou du pédoncule des fruits. A la naissance, la larve tisse une toile légère, dont elle se protège; elle commence ensuite son forage. La galerie est d'abord perpendiculaire à la direction de la branche, puis elle devient ascendante et suit le bois de cœur. Les dégâts augmentent rapidement, car la chenille est très vorace et arrive à forer 10 m/m de galerie par jour, quand elle est d'une certaine taille. Il s'échappe constamment, par l'orifice d'entrée, une sciure rougeâtre, constituée par les déjections de la larve (il n'y a pas de fibres mélangées comme dans le cas de Monohammus sierricola). A la nymphose, la larve redescend et se transforme en chrysalide à l'orifice de la galerie. BIOLOGIE. La plupart de ceux que j'ai rencontrés concernaient les petites branches, lesquelles meurent rapidement ou se cassent facilement. On trouve quelquefois aussi les larves d'Eulophonotus dans les grosses branches et dans les troncs. Ce parasite semble~commun à toute la Côte d'Ivoire, cependant aucune invasion massive ne m'a encore été signalée. Il est très probable que les Tachinides et autres prédateurs jugulent le développement de ce Lépidoptère et l'empêchent d'être un parasite trop dangereux. DÉGÂTS. MOYENS DE LUTTE A APPLIQUER CONTRES LES PERCEURS DES CACAOYERS La technique défensive contre les perceurs des tiges de cacaoyers est la même que celle appliquée contre les borers des caféiers. H faut toujours couper les petits rameaux parasités et les brûler. Punaise des tiges et des rameaux. ~oM&er<yeHa singularis Hagl. Capsidae. Hémiptères. C'est à l'heure actuelle le parasite le plus grave du cacaoyer en Côte d'Ivoire et dans toutes les plantations de la côte occidentale d'Afrique. DESCRIPTION ADULTES. Femelles: 10 m/m de longueur, 4 m/m 5 de largeur. Mâles 9 m/m de longueur, 3 m/m de largeur. Coloration brune (du brun clair au brun foncé); tête rétrécie, yeux très proéminents; antennes de 4 articles en massue, écussons très développés thorax et écussons recouverts de petits tubercules arrondis. Sont d'abord aptères et rosées puis sont munies de moignons alaires et deviennent de couleur brun clair. LARVES. ŒuFS.– Allongés, cyclindroïdes, légèrement incurvés, blancs à la ponte et roses à l'éclosion, mesurent 1 m/m de longueur et se terminent par deux appendices filamenteux blancs de longueur inégale (0 m/m 7 pour le plus grand et 0 m/m 3 pour l'autre). L'accouplement a lieu la nuit sur les BIOLOGIE. cacaoyers. Chaque femelle pond ensuite une cinquantaine d'œufs. L'œuf est inséré par la femelle dans l'écorce l'extrémité basale de l'œuf touche le cambium et son extrémité supérieure, munie de ses appendices inégaux, affieure la surface de l'écorce. Avec une certaine habitude, les lieux de ponte sur l'écorce se repèrent facilement ils se trouvent le plus souvent sur les tiges jeunes (1 et 2 ans) et très souvent sur les gourmands (toujours attaqués par les adultes, d'ailleurset recouvertsde pseudo-chancres). Les œufs sont pondus de façon solitaire, ou par petits groupes (5-6). A Féclosion, la jeune larve mesure 1 mjm seulement de longueur, elle est de couleur rose vineux et ses antennes ainsi que son rostre sont plus longs que le corps. Il semble qu'il y ait en Côte d'Ivoire deux périodes de ponte, dont la plus forte coïncide avec le début de la grande saison des pluies. Les larves et les adultes piquent les jeunes rameaux, les gourmands, les pédoncules des feuilles, les pédoncules des cabosses et les cabosses elles-mêmes. On les rencontre dans la journée abrités au creux des fouches et sur les pédoncules des cabosses. Après le coucher du soleil, ils essaiment sur les cacaoyers et les piquent. Les piqûres de Sahlbergella singularis provoquent des dépressions accentuées, des sortes de chancres, dus à la mortification des tissus à l'endroit piqué. Le rameau continue sa croissance, il se produit un fendillement de tissus morts, puis des tissus sains sousjacents. Ce fendillement livre l'entrée aux parasites des blessures tels que le LastcdtpMta Theobromae comme le démontre la mise en chambre humide de la plupart des rameaux morts nettement chancreux par suite des piqûres de la punaise. Les piqûres sur les cabosses jeunes provoquent leur avortement et dans beaucoup de plantations le nombre de cabosses avortées dépasse facilement celui des cabosses saines. Sur les cabosses d'un certain âge, les piqûres deviennent des pseudo-chancres et sont la porte d'entrée habituelle de tous les agents des pourritures des cabosses (Lasiodiplodia Theobromae surtout). Le cacaoyer n'est pas la seule plante hôte du Sahibergella singularis, ce qui rend la lutte encore plus difficile. Il parasite également le fromager (Paterson) et un colatier: Cola diversifolia (Bredo); mais néanmoins le cacaoyer demeure sa plante élective. – Bredo signale dans une Résistance des cacaoyers. étude très documentée (Contribution à Fe~ude de Sahlbergella singularis, Bull. Agr. du Congo belge, tome 22, n" 1, mars 1931) que les cacaoyers à cabosses rouges, sont plus résistants aux piqûres du sahlbergella que ceux à cabosses jaunes. Cette observation judicieuse est aussi valable pour la Côte d'Ivoire et j'ai remarqué que les cacaoyers à fruits jaunes (Creoulo Amarillo de San-Thomé) étaient beaucoup plus parasités que les cacaoyers à fruits rouges (Creoulo vermelho de SanThomé). MÉTHODES DE I.UTTE. PROCÉDÉS MÉCANIQUES a) Récolte manuelle des parasites ne constitue qu'un moyen secondaire, car elle ne permet pas la capture de toutes les larves et de tous les adultes, lesquels se cachent facilement et volent d'un arbre à l'autre b) Enlèvement de tous les rameaux c/MMcreua:; tous les rameaux de 1, 2 et 3 ans couverts de pseudo-chancres sont coupés et incinérés. Ces rameaux qui ne sont que des gourmands le plus souvent, ne donneraient que des branches malades; il est donc préférable de les couper et de les détruire car on extermine ainsi de nombreuses pontes. PROCÉDÉ PHYSIQUE Flambage rapide des troncs et des fourches avec la flamme d'une lampe à souder procédé pratique et peu coûteux. PROCÉDÉS CHIMIQUES Les essais faits par Bredo au Congo Belge avec des pulvérisations à base de lysol, jus de tabac, savonde tétrachlorure de carbone, pétrole, savon à 2-4 ont démontré que la formule suivante Savon. Eau. Tétrachlorure de carbone. 4 kilog. 4 100 détruisait les SaMbergeHa (adultes et larves) en quelques minutes, sans nuire à la végétation, à la floraison ou à la fructification du cacaoyer traité. Ce traitement doit être exécuté par badigeon au pinceau suivi d'un deuxième badigeonnage à 10-12 jours d'intervalle, il assure la destruction complète des Sahlbergella. Sur l'initiative de M. CasteUi, Chef du Service, un traitement analogue, à base de trichloréthyléne, a été expérimenté à Agboville par M. Soulat, conducteur des travaux agricoles, et a donné des résultats comparables à ceux obtenus au Congo belge. Le prix de revient de ces traitements n'est pas des plus élevés il peut s'établir comme suit Prix de revient d'un hectolitre de préparation Tétrachlorure de carbone 8 f. Il x 4 = 32 fr. 7 f. 50 x 4 = 30 fr. ou trichloretyléne 3 savon ? x 4 = 12 fr. soit 42 à 44 francs l'hectolitre. Ces prix sont ceux de France, au détail en les augmentant de 50% pour frais de port, taxes et frais divers, l'hectolitre reviendra à 60 francs au maximum. Nombre d'arbres traités avec l'hectol.: 7.000 arbres environ (70 arbres pour 1 litre). MoM-d'CEHM-e. Un ouvrier peut traiter par jour 70 à 75 pieds de cacaoyers de 4 à 5 ans, chiffre qui s'abaisse avec l'âge des arbres, leur homogénéité végétative, leur manque de régularité et suivant les conditions d'entretien de la plantation. Le prix de revient par pied traité est donc le suivant 60.00 7.000 == 0 fr. 0085 Insecticide Main-d'osuvre. 6.00:70 = 0 fr. 085 0 fr. 0935 ce qui fait pour 1 badigeon et 0 fr. 187 pour un traitement complet. Le traitement des cacaoyers est donc bonne opération car au lieu de récolter 1 kil. seulement de cacao marchand par arbre non traité, le planteur en récoltera au moins 2, ce qui porte le revenu brut d'un arbre à 2 fr. 10 au lieu de 1 fr. 05 (cours de cacao sur la place d'Abidjan, le 5 février 1934) pour une dépense supplémentaire de 0.187 + 0.27 = 0 fr. 45 seulement, en admettant que les frais de récolte, de fermentation et de séchage grèvent le 2e kilog de cacao marchand de 0 fr. 27. Parasites des feuilles Dévm'ateut' des feuilles. Adoretus hirtellus Cast. Rutelidae. Coléoptères. Cet insecte dévore les feuilles des cacaoyers et des kolatiers il commet aussi de gros dégâts, dans les jeunes plantations notamment en ralentissant considérablement le développement des arbustes ainsi que j'ai pu le constater de nombreuses fois. DESCRIPTION ADULTES. Petit hanneton brunâtre ou brun grisâtre, de 12 m/m environ de longueur élytres pubes- cents, garnis de poils raides, courts et peu serrés. LARVE. Petit ver blanc, de 14-15 m/m de longueur vit dans le sol où elle se nourrit de racines diver- ses sans pour cela parasiter les racines des cacaoyers. L'insecte adulte dévore la nuit le parenchyme des feuilles et ne laisse que les nervures. Dans son article, J. Vuillet (Note sur un mse~e nuisible au Cacaoyer dans l'Ouest-Africain. Adoretus hirtellus Cast. Rutelidae. Bu/. du Comité d'Etudes N~or~ues Scientifiques de l'A. 0. F. Tome VIII, no 2, avril-juin 1925) signale ce parasite sur Cacaoyer. Kolatier, parasolier (Musanga Smithii). Celtis (Celtis guineensis). Palmier à huile. et quelquefois aussi les caféiers (Basse Côte d'Ivoire: région des Lagunes), DÉGÂTS. MOYENS DE LUTTE J. Vuillet préconise les traitements suivants: Ean. Contre les adules: pulvérisations arsénieales Arséniate de plomb. 300 grammes 100 litres Ces pulvérisations utilisées préventivement en Gold Coast et au Nigéria ont donné d'excellents résultats (Patterson, Peacock). Contre les carpes émulsion de produits provenant de la distillation des goudrons à 3% à raison de 1 à 2 litres suivant la taille de l'arbre, en arrosage autour des arbres attaqués, où les larves se terrent. Ombrage des jeunes plantations afin de diminuer l'intensité des attaques et placer les jeunes cacaoyers dans de meilleures conditions de végétation. Thrips des feuilles. Heliothrips rubrocinctus, Giard. Thysanoptères. Ce parasite redoutable, qui a causé des ravages importants aux Iles de San-Thomé et Principe, existe en Côte d'Ivoire où je l'ai trouvé sur cacaoyer et sur manguier. Ses dégâts, que j'ai pu constater de nombreuses fois ne sont pas excessivement graves, tout au moins en Basse Côte d'Ivoire. DESCMPTMN Voici la description exacte donnée par H. C. Navel dans son ouvrage Les principaux ennemis du cacaoyer aux Iles Son-TfMme et de Principe. Paris 1921. Long de 1 m/m à 1 m/m 5 couleur générale brun plus ou moins foncé, deux paires d'ailes bordées de poils; pattes brunes à extrémité beaucoup plus claire. Chez les adultes venant d'éclore, le premier segment abdominal est teinté de rouge. ADULTE. NYMPHE. – Couleur générale variant du jaune paille au vert clair taches rouges sur la tête, bandes rouges très nettes sur les premier et deuxième segments abdominaux sur tous les autres (sauf le dernier), taches latérales rouges, irrégulières; dernier segment rouge; antennes redressées en arrière, s'appliquant contre la tête; quatre rudiments d'ailes. Couleur variant du jaune paille au vert clair, bande rouge sur le premier et le deuxième segments abdominaux, taches rouges latérales et irréguliéres sur les autres segments; le dernier est couronné par 6 poils longs, foncés et arqués; au centre de ces poils se trouve un prolongement conique translucide. Les larves ont une forme plus ou moins allongée suivant leur degré de développement les plus jeunes ont la tête relativement grosse et les poils très longs. LARVE. Les œufs sont déposés sous la cuticule des feuilles et la ponte est recouverte par une secrétion qui prend une teinte brunâtre. Plantes hôtes il en existe une trentaine parmi lesquelles il faut signaler kolatier, caféier de Libéria, manguier, avocatier, goyavier, amandier de Cayenne, manioc à caoutchouc, arbre à pain, jacquier, oranger, mandarinier, rosier. PONTE. Les thrips parasitent les feuilles et les fruits des cacaoyers dont ils puisent la sève en perDÉGÂTS. forant l'épiderme. Ils se fixent par colonies de 10-20 et plus, à la face inférieure des feuilles, et changent de place quand la partie attaquée se déssèche. Les feuilles parasitées se décolorent par taches jaunâtres puis rougeâtres plus ou moins étendues ensuite, elles se dessèchent et tombent. Les cacaoyers se dénudent ainsi plus ou moins complètement et les petits rameaux se dessèchent et meurent. Les nouvelles pousses ont le même sort et il arrive que les cacaoyers entièrement épuisés finissent par mourir. Les cabosses attaquées près de leur maturité résistent et achèvent leur maturation. Quand l'attaque se produit sur les jeunes fruits, ceux-ci noircissent et se dessèchent. Les cacaoyers mal cultivés, peu ou pas ombragés, sont les plus attaqués par les Thrips et résistent d'ailleurs peu à des attaques répétées et ce, d'autant plus qu'ils sont très souvent envahis par des cryptogames et d'autres parasites. MOYENS DE LUTTE Il faut recommander a) Hygiène des cacaoyères et technique culiurale convenable, dont j'ai déjà signalé la nécessité en notant surtout que l'absence d'ombrage favorise l'attaque des Thrips. b) Lutte biologique- H. C. Navel signale plusieurs prédateurs de l'Heliothrips rubrocinctus. Coccinellide ReocTtOTntM flavipes. Hemerobiide Chrysopa sp. Arachnéide Vicinia lupula. Les essais faits avec les champignons entomophages ci-après n'ont pas donné jusqu'à présent des résultats bien encourageants t Sporotrichum globuli ferum. Me~arrMztum Anisopliae Metch. c) Lutte chtfnfgue les meilleurs résultats obtenus à San-Thomé, l'ont été avec des pulvérisations de jus de tabac, selon la formule titré. 2% Jus de tabac Bouillie bordelaise à · 2 à 3 litres iOO litres Parasites des cabosses Punaises des fruits. Helopeltis sp. (~f. Bergrothi, H. ~c~ou/edent. H. sanguineus) Capsidae. Hémip- tères. Ces punaises sont caractérisées par leur corps mince, long de 7 à 10 m/m, à pattes grêles, à antennes beau- coup plus longues que le corps, et à une fine protubérance érigée, en forme d'épine mousse que porte l'écusson. Les Helopeltis, larves et adultes, piquent les fruits avec leur rostre, très long, aux premières heures de la journée. A chaque piqûre correspond une lésion au voisinage de la piqûre les cellules meurent et cela se manifeste par l'apparition de dépressions brunes ou noirâtres de 3 à 4 m/m de diamètre, à la surface des cabosses. Les jeunes cabosses ainsi attaquées ne tardent pas à se déformer puis elles avortent et se dessèchent. Quand les fruits ont déjà une certaine taille, ils résistent plus ou moins bien aux innombrables piqûres qu'ils reçoivent. Ils se couvrent de nombreux chancres noirs et beaucoup, infectés, pourrissent avant d'arriver à maturité. MOYENS DE LUTTE Récolte manuelle, peu a) Moyens mécaniques. pratique en raison du faible rendement de ce procédé imparfait. b) Moyens biologiques. Une fourmi Dolichoderus bilurberculatus Mayr. a été utilisée à Java contre les Helopeltis, avec succès. c) Moyens chimiques en cas d'attaques très accusées, ajouter aux bouillies cupriques, recommandées pour la lutte contre les pourritures des cabosses de l'arséniate de plomb, selon la formule 4. plomb. Enu. Sulfate de cuivre. Chaux récemment Arséniate de éteinte. 2 kilog. 3 kilog. 1 kilog. 100 litres Altise des cabosses. Nisotra Theobromae Labois. Chrysomelidae. Coléoptères. J'ai constaté quelquefois les dégâts de cette chrysomélide, elle creuse dans les cabosses des sillons de 2 à 3 m/m de large, 1 à 2 m/m de profondeur et 3 à 4 cm. de long, plus ou moins sinueux. V. Laboissière (Bul. du Muséum d'Histoire Naturelle, N" 1, 1920) décrit cette altise de la façon suivante longueur 3,25 à 4 m/m. largeur 1,75 à 2 m/m; tête testacée, extrémité des mandibules noire, antennes filiformes, jaune roux à la base, brunes à l'extrémité vertex avec tache brune thorax jaune roux élytres vert bleuâtre plus ou moins bronzé, dessous du corps testacé jaune brunâtre; pattes jaune brun. MOYENS DE LUTTE – a) Moyens mécaniques. Chasse avec un entonnoir à altises spécial, ou bien avec des toiles étendues sur le sol sur lesquelles on fait tomber les altises, en secouant les cacaoyers. b) Moyens chimiques. Pulvérisations cupro-arsénicales en cas de fortes attaques, identiques à celles contre les Helopeltis. Parasites divers des cabosses De nombreux parasites se développent dans le péricarpe des cabosses, y creusent des galeries plus ou moins profondes et en amènent la pourriture par suite de l'introduction de nombreuses cryptogames. Mouche des cabosses. Ceratitis puntata Wied. Trypetidae. Diptères. Cette mouche dépose sa ponte sous la cuticule du fruit, les larves dévorent le parenchyme et se transforme en pupe dans le sol. MOYENS DE LUTTE Pulvérisations arsénicales. Chenilles des cabosses. Characoma sp. Noctuidae. Lépidoptères. Chenille gris rosé de 1 m/m 5 à 2 m/m de longueur, qui vit à l'intérieur du parenchyme des cabosses qu'elle perfore de nombreuses galeries et souille de ses excré- ments. MOYENS DE LUTTE Pulvérisations arsénicales et ramassage des vieilles cabosses pour empêcher la propagation des adultes. Animaux parasites divers Les cacaoyères sont souvent mises en coupe réglée par les rats de diverses espèces qui ouvrent les cabosses et mangent les graines. Les indigènes leur font la lutte avec des pièges rustiques souvent ingénieux. Les singes arrachent aussi de nombreuses cabosses qu'ils ouvrent afin d'en sucer la pulpe sucrée. PALMIER A HUILE Rhynchophorus phoenicis L. PM~entCt &or&a<a Mac Leay. Rhynchophorus phoenicis. F. Curculionidae. Coléoptères. FOREURS DESCRIPTION Corps allongé, de 38 à 40 m/m de longueur (avec un rostre de 11 m/m) et large de 15 m/m; noir velouté avec des raies longitudinales rouge vif sur le thorax et sur les élytres antennes de 9 m/m terminées par une spatule fémurs et tibias des 3 paires de pattes garnis de poils roux à l'intérieure dessous du corps brun noirâtre métallique; pygidium non recouvert par les élytres. ADULTE. Allongée, cylindrique, de couleur blanc crème, longue de 50 m/m et large de 19 m/m quand elle a LARVE. sa taille maximum, apode tête proéminente de codeur brune, à fortes mandibules. Consommée de façon courante par les indigènes, notamment par les Yakoubas, qui la nomment « m'Bin &. De couleur brune, avec tous les caractères de l'adulte, de 42 à 44 mlm de longueur. La nymphose se fait dans un cocon de fibres de palmier tressé par la larve. BIOLOGIE. La femelle pond ses œufs au niveau d'une blessure et à la base des feuilles le plus souvent. Les larves pénètrent ensuite à l'intérieur du stipe; elles dévorent les tissus de la couronne et se dirigent vers le cœur. Quand le chou palmiste est atteint, c'està-dire le bourgeon, la pourriture envahit le palmier. Le Rhynchophorus attaque les palmiers à huile et les raphias (Raphia vinifera, R. ethiopium). Sur palmier à huile, j'ai constaté quelques atteintes, mais les ravages causés ne sont jamais étendus. Les indigènes permettent la multiplication facile de ce Curculionide, en extrayant la sève des palmiers pour la fabrication du vin de palme (bangui). Quand le palmier est épuisé ils l'abandonnent, et les femelles, attirées par l'odeur acétique de la sève en fermentation, viennent pondre dans les choux palmistes blessés, NYMPHE. MOYENS DE LUTTE Ramassage et destruction des adultes et des larves. Visite des couronnes dans les palmeraies aménagées et dans les plantations: dès que l'on constate un jaunissement suspect des palmiers, nettoyage des couronnes et injection d'essence minérale dans les orifices des galeries repérées. Platygenia barbata Mac Leay. Scarabceidae. Coléoptères. DESCRIPTION Corps aplati, noirâtre, de 30 m/m de longueur en moyenne et 17 m/m de largeur; élytres striés longitu- dessous du corps roux foncé fémurs et tibias robustes. dinalement pattes avec Blanchâtre, de 32 m/m de longueur moyenne, avec tous les caractères de l'adulte. La nymphose a lieu dans un cocon de fibres préparé par la larve. LARVE. De 50 à 55 m/m de longueur et 10 à 12 m/m de largeur, de couleur blanc jaunâtre, avec mandibules noirâtres. BIOLOGIE. C. Frappa, dans son article Sttr Platygenia Barbata Mac Leay, insecte nuisible au palmier à huile en A. 0. F. L'Agronomie Coloniale, n" 182, février 1933, signale cet insecte en Gambie, Guinée, Sierra-Leone, Dahomey, Cameroun et Congo Belge. Il écrit que cet insecte a causé des dégâts appréciables dans les plantations du Dahomey où l'on rencontre les larves en fin février et les adultes dans le courant du mois de mars (observations de M. Rancoule, à la station du palmier à huile de Pobé). DÉGÂTS. La femelle pond ses œufs le long des pétioles des feuilles que la larve ronge en descendant elle parvient ainsi à la couronne et même parfois dans le cœur. Les feuilles attaquées meurent le plus souvent, et parfois aussi, Tte palmier, quand le cœur est attaqué. J'ai rencontré ce parasite en Basse Côte d'Ivoire, mais je ne crois pas que l'on doive l'accuser de méfaits bien graves. En ce qui concerne le Dahomey, ainsi que l'écrit Frappa, il s'agit peut-être d'un simple phénomène de pullulation locale. NYMPHE. MOYENS DE LUTTE Couper les feuilles dépérissantes avant la sortie des adultes et les incinérer le plus rapidement possible. Destruction des adultes et des larves, par incinération des palmiers abattus, après fabrication du vin de palme (interdite en fait par abatage, suivant un arrêté local). Cochenilles des fruits Je signale deux espèces sur le palmier à huile Aspidiotus destructor. Sign. Chionaspis sp. Aspidiotus destmeter Sign. à « Cocotier "). (Voir étude complète Chionaspis sp. Coccidae-Diaspinae. Hémiptères. Cette cochenille blanche, non signalée encore sur le palmier à huile à ma connaissance, est très fréquente sur les fruits de l'Eloeis, à la station de La Mé notamment. L'insecte se montre surtout sous l'aspect de petits bâtonnets blanchâtres de 0 m. 75 à 1 m/m de longueur, pourvus de 2 sillons longitudinaux. Il recouvre les fruits d'une couche blanc grisâtre de 1 à 2 m/m d'épaisseur. il est la cause que de nombreux fruits restent petits, au lieu de se développer normalement. DÉGÂTS. – Cet~hémiptére est très fréquent MOYENS DE LUTTE Des plus réduits, car la cochenille est des mieux protégées au sein du régime. Autres parasites animaux Rongeurs. Aulacode (Aulacodus swinderenianus). Cet herbivore encore appelé agouti, dévore le cœur des jeunes palmiers, notamment des jeunes palmiers en pépinière et même en plantation. On lutte contre lui par la chasse et par l'entourage des palmiers avec du grillage. Oiseaux Les Tisserins, encore dénommés gendarmes, déchirent les feuilles de palmiers (palmier à huile, cocotier, kentia, oreodoxa.) auxquels ils prélèvent de longues lanières qu'ils utilisent pour l'édification de leurs nids curieux. Ils arrivent ainsi à défeuiller entièrement les palmiers. Le meilleur moyen de les détruire est de les capturer la nuit dans leur nid. COCOTIER Foreurs. Oryetes divers. Scarabœidae. Coléop- tères. Divers Dynastidés parasitent le cocotier en Côte d'Ivoire. J'ai constaté leurs dégâts sur les jeunes cocotiers plantés récemment dans la région de Port-Bouët, sur les cocotiers de Mossou et sur ceux de la Société agricole et minière de Marcory, à Cocoville (100 ha). Les espèces collectionnées en Basse Côte d'Ivoire durant mon séjour et reconnues parasites sont les suivantes Oryctes gigas Cast. Oryctes boas F. Oryctes latecavatus Fairmaire. Archon censures F. Ces Dynastini sont commnns sur toute la Côte Occi- dentale d'Afrique. BIOLOGIE Les femelles déposent leurs œufs dans les matières organiques en décomposition (fumiers, amas de détritus divers). Ces œufs sont placés dans des boules façonnées par la femelle avec les détritus. Les larves ne sont pas parasites; elles vivent dans des amas de matières plus ou moins pourries. Au bout de quatre à dix mois environ, elles se nymphosent et donnent naissance aux adultes. DÉGÂTS. Ce sont les adultes qui s'attaquent aux cocotiers; ils perforent les pétioles de la couronne et pénètrent dans le cœur, à la recherche de tissus tendres et riches en sève. En Asie (Ceylan) et à Madagascar, les dégâts sont parfois très graves (Prudhomme Le Coco~er), ainsi qu'au Congo Belge (R. Magné Insectes nuisibles aux Palmiers de FA/r~ue Tropicale et cfppa~cnan~ à la famille des D~asMe-s. Annales de Gembloux, volume XXXIV, 1928). MOYENS DE LUTTE Récolte et destruction des larves et des adultes. Destruction des adultes dans les galeries par injection d'insecticide. Piégeage des larves avec des tas de détritus divers. Nettoyage complet des cocoteraies et enlèvement de tous les débris de palmiers. CoehcnSUe des feuilles. AspMiotus destruftot Sign. Coccidae-Diaspinae. Hémiptères. Cette cochenille a cause de gros dégâts au Togo, au Dahomey eL nu Lagos, à tel point que le Dahomey a dû prendre en 1907, un arrêté (arr. du 3 juillet 1907) édictant de couper les feuilles attaquées deux fois par an. L'insecte possède les caractères suivants bouclier conique très aplati, circulaire, de 1 m/m de diamètre, blanc jaunâtre à la loupe, on constate que le bouclier est transparent et que la couleur est due,.pour le centre, à la masse jaune verdâtre du corps de la cochenille et pour la périphérie aux œufs. Ceux-ci sont oblongs, longs de 150 à 200 m/m, de couleur jaune verdâtre. Ils sont au nombre de 30 à 50 sous chaque bouclier. DESCRIPTION. Dès la fixation de la jeune larve, la sécrétion de la pellicule cireuse se produit; puis la cochenille devient adulte et mature; elle expulse alors ses œufs, qu'elle abrite sous son bouclier translucide. Les petites larves brisent ensuite le bouclier de leur mère et se fixent à côté de son corps. J'ai rencontré l'Aspidiotus destructor sur les plantes hôtes suivantes cocotier, palmier à huile, bananier, manguier, papayer, goyavier, avocatier. De nombreux auteurs signalent encore d'autres plantes diverses. BIOLOGIE. Dégâts. Sur le cocotier, l'attaque débute généralement par les feuilles basses la multiplication du parasite y devient très intense et les feuilles jaunissent rapidement. Elles se dessèchent et j'ai vu des cocotiers très attaqués, végéter péniblement et ne donner que des récoltes très réduites et de peu de valeur. Les fruits du cocotier sont aussi atteints, mais sans gravité. Les cocotiers de Cocoville et de Mossou sont sérieusement attaqués, ceux d'Assuetti le sont moins. Dans tous les villages lagunaires, l'Aspidiotus destructor est répandu Elima, Assinie, Mossou. Abata, Eloka, Akandjé, Anyama. MOYENS DE LUTTE a) Lutte biologique naturelle. Une coccinelle est signalée par J. Adam comme prédatrice de la cochenille du cocotier (1). (La cochenille du cocotier. L'Agriculture Pratique des Pays chauds, n° 125, sep. 1913). b) Moyens mécaniques. Le seul traitement réellement pratique, consiste à couper les feuilles très malades et à les incinérer. On ne peut recommander les pulvérisations d'insecticides à cause non seulement de leur prix de revient mais aussi des difficultés matérielles d'emploi. On peut cependant les préconiser pour traiter les jeunes cocotiers. KOLATIER Le Kolatier se trouve en Côte d'Ivoire dans son habitat naturel. Il est exploité sous forme de kolateries naturelles aménagées et aussi sous forme de plantations. Il est attaqué par deux parasites redoutables Le f oreur ou borer des tiges et des rameaux Le charançon de la noix. Foreur des tiges et des rameaux. Phosphorus Jansont Toms. Cérambycidae. Coléoptères. DESCRIPTION Longueur 26 à 30 m/m, corps allongé, – régulier, pubescent, de couleur orange brun mat avec ADULTE. rugosités noires et brillantes sur le thorax antennes grisâtres; élytres à extrémité antérieure carrée et extrémité postérieure arrondie, avec 2 taches noires à leur base et une tache noire en forme de Y à leur partie postérieure. Dimorphisme sexuel. Marqué chez les mâles, corps mince et antennes plus longues que le corps; chez les femelles, corps élargi et antennes moins longues que le corps. LARVE. -De couleur blanc grisâtre à tégument transparent tête petite avec mandibules brunes premier anneau très élargi 40 à 45 m/m de longueur maxima. La femelle dépose sa ponte sur les tiges et sur les rameaux des kolatiers. La larve, dès sa naissance, creuse une galerie plus ou moins sinueuse, ascendante ou descendante (ascendante le plus souvent) cette galerie est assez analogue à celle du Monohammus sierricola, ainsi que la sciure, faites de grosses lanières de bois rougeâtres. Dans les kolatiers de grande taille, on peut trouver de nombreuses larves. BIOLOGIE. L'habitat de ce parasite s'étend à toute la Côte Occi- dentale d'Afrique, ainsi que lefdéclarent les professeurs Chevalier et Perrot dans leur ouvrage Les Kolatiers et les noix de kola, Paris, 1911. M. Briccos, Directeur en 1932 de la FermeEcole de Soubré, déclare dans son rapport que tous les kolatiers de la région sont très attaqués (Cercle de DÉGÂTS. Sassandra). Le parasite semble exister partout en Côte d'Ivoire et j'ai rencontré de nombreuses fois des kolatiers parfois très parasités. MOYENS DE LUTTE 'II faut couper et brûler les rameaux très atteints et badigeonner les plaies de taille avec un antiseptique (goudron végétal, permanganate de potassium, etc.). Repérer les galeries où s'échappe de la sciure et injecter de l'essence minérale dans les galeries des troncs et des grosses branches. Parasites des feuilles hirtellus Cast Cast. Adoretus hirtellus Zonocerus oanegatus L. j précédemment. précédemment. ( F Parasites des graines. Balanogastris Kolae (Desbr.) Faust. Curculionidae. Coléoptères. Ce parasite très grave du kolatier a été découvert par le professeur Perez J. étudié et décrit par J. Besbrochers des Loges sous le nom de Balaninus Kolae, ainsi que le relatent A. Chevalier et E. Perrot. DESCRIPTION Petit charançon de 4 m/m de longueur – ovale brun ferrugineux ou sur 2 m/m de large ï ADULTE. corps brun foncé, rostre puissant, recourbé, de 1 m/m de lon- gueur; tête petite et triangulaire; thorax tronconique, élytres convexes, de 2 m/m 5 de long, ponctués et striés longitudinalement. ponctué Possède tous les caractère de l'adulte blanchâtre, 4 m/m 2 à 4 m/m 3 de longueur. NYMPHE. Blanchâtre tête testacée, plus longue que large, avec mandibules brunes; corps épais plus ou moins recourbé en croissant, garni de très petites spinules chitineuses dirigées en arrière, ainsi que des soies tactiles peu développées longueur maxima 5 m/m. à 5 m/m 5. LARVE. Œufs. Dans un certain nombre de noix, mises en flacons pour différents essais de traitements, j'ai pu observer les pontes du Balanogastris Kolae. L'œuf est blanc translucide, oblong, assez résistant à la pression sous le tégument, il laisse voir un contenu d'abord granuleux, puis une petite larve blanchâtre repliée sur elle-même. Il mesure 220 u de longueur et 136 de largeur en moyenne (moyenne de 100 mensurations.) Les pontes étaient en amas globuleux et groupaient une trentaine d'œufs. [*• Le- Balanosgastris Kolae vit dans les amandes des différentes espèces de kolatiers de la section Eucola de A. Chevalier = Cola acuminata et ses variétés; C. verticillata et C. Ballayi Cola nitida et ses variétés; C. pallida. C. rubra, C. mixta, C. -alba. Il est répandu dans toute la zone des kolatiers spontanés ou cultivés, depuis la Guinée jusqu'au Cameroun et San-Thomé. La femelle dépose l'œuf dans un petit trou qu'elle creuse avec son rostre dans le tégument des cotylédons. Les femelles pondent sur les follicules voisins de la maturité elles profitent toujours d'une lésion quelconque de la cabosse, provoquée et entretenue le plus souvent par les fourmis, lesquelles recherchent avidement le liquide mucilagineux qui s'en écoule. BIOLOGIE. La galerie creusée par la larve est irrégulière et sinueuse celle-ci tasse derrière elle ses excréments. Elle se nymphose dans une petite chambre de nymphose à peu près sphérique, située à l'extrémité de sa galerie. J'ai trouvé quelquefois plusieurs nymphes dans la même loge. Le cycle évolutif du charançon de la noix de kola n'est pas encore connu avec précision des adultes que j'avais placés dans un tube ont vécu 34 jours, sans prendre de nourriture. Les dégâts causés par le Balanogastris Kolac sont très élevés. L'infection se produit sur les arbres avant la récolte, ou dans les paniers après la récolte. Aussi est-on oblig de procéder à des examens minutieux des noix de kola, chaque fois que l'on renouvelle les feuilles à kolas destinées à leur conservation (orofira divers, bahia). Toutes les noix piquées doivent être impitoyablement rejetées ou être consommées dans un délai très court. Pour la conservation des kolas pendant 3 ou 4 mois, le déchet peut être évalué à 50 et même 70 ce qui grève considérablement le prix de revient des kolas. DÉGÂTS. MOYENS DE LUTTE P. Lesne et Joanny Martin, du Muséum, ont essayé en 1898, divers insecticides (Bull. de la Société Entomologique de France, 1898, pp. 280-282). Ces essais ont donné les résultats suivants Vapeur de sulfure de carbone pendant 2 à 3 jours; efficace contre les insectes mais altère considérablement les noix. Vapeur de chloroforme pendant quelques heures, même résultats. Gaz d'éclairage avec raréfaction d'air, cet essai fait avec quelques noix contenant une seule larve, a montré qu'elles n'ont presque pas été altérées. Plus récemment, en 1928, Hargreaves a utilisé le sul- fure de carbone et l'acide cyanhydrique gazeuse, mais les noix out été altérées (1). En septembre et en octobre 1933, j'ai procédé à quelques essais de traitements dont les résultats sont les suivants Traitement à la vapeur de chloropicrine. Adultes placés dans des nouets de gaze fine, dans des flacons de 1 et 2 litres bouchés hermétiquement avec des bouchons de caoutchouc. La dose voulue de chloropicrine est introduite à l'aide d'une pipette capillaire donnant des gouttes uniformes de 10 à 12 milligrammes le flacon est rapidement bouché après introduction de la chloripicrine et du nouet de gaze, lequel est maintenu à mi-hauteur du flacon en coinçant le fil qui le soutient entre le col et le bouchon puis on agite convenablement afin de répartir la vapeur de chloropicrine, plus dense que l'air, de façon uniforme. TABLEAU I Lots de 10 charançons placés en nouet de gaze « a ™. DATE ,““ ““, ““““ DOSE DCHÉE T' VIVANTS24 H. MORTS APRÈS ^r^ THAITEMENT 86-9-33. 7 S S H 26-9-33. 7-»» S 10 H. 28-9-33. 10-s 5 11; 24-26 9 1 24-26 10 0 24-27 10 0 28-9-33. S»* 24-27 10 0 15 11. 1 1 1 -«W~ Ce tableau permet de remarquer que les doses de 5 gr. par mètre cube pendant 15 heures f gr. 5 par mètre cube pendant 10 heures. 10 gr. par mètre cube pendant 5 heures sont suffisants pour assurer la destruction des Balanogastris adultes et que la dose de 7 gr. 5 pendant 5 heures constitue le seuil. TABLEAU II Lots de 10 noix de kola parasitées JBggjraltemeBt T. DATE DOSE DUBÉE o m" MOHl'S après^h. VIVANTS VIVANTS "~lT" A L A N 4 60 18 N L » » ISS 1-10-33. 7»«55 10 H. 24-27 » 1-10-33. 10»* 5 H. 24-27 12 7 23 9 » » 1-40-33. S»* 18 H. 24-27 5 11 28 17 » » 17 2-10-33. 7 -s5 40 H. 23-27 8 4 32 11 » » 2-10-33. 23 -« 24 H. 23-26 2 8 27 12 » -1- 1 1 1 » 9 9 7 Comme on peut le remarquer si les adultes et les nymphes sont sensibles à l'action de la chloropicrine, il semble qu'il n'en est pas de même pour les larves 24 heures après le traitement, celles-ci sont encore mobiles et réagissent parfaitement au toucher, par contre, celles qui sont mortes sont noires et déjà en décomposition. Bien que les doses aient été doublées et les temps quadruplés, l'action de- la chloripicrine est insuffisante cela tient probablement à ce que les larves sont très bien protégées par leurs déjections qu'ellestassent fortement derrière elles et qui s'opposent à la diffusion de la chloropicrine. D'autre part, le fait suivant, très curieux se produit dès l'ouverture du flacon, quand le traitement est terminé, il est possible de respirer très fortement le contenu gazeux du flacon sans être incommodé par la chloropicrine pourtant suffocante et occasionnant des brûlures aux poumons. On respire au contraire une sorte d'odeur éthérée. Il y a donc eu une absorption très marquée de la chloropicrine par les cotylédons des noix de kola cela conduit à penser de suite que les noix de kola ainsi traitées doivent être altérées; en réalité, aucune altération n'est apparente et j'ai fait consommer ces noix, après quelques jours. Il faudrait pouvoir procéder à ces traitements avec raréfaction d'air, dans une station de désinfection appropriée, dont j'ai déjà demandé la création, car elle doit répondre à des besoins urgents. Ces essais seront poursuivis avec d'autres insecticides (oxyde d'éthylène.) afin de pouvoir trouver un procédé qui permette de détruire les Balanogastris dans les noix; ne pas altérer les noix (du point de vue goût comme du point de vue durée de conservation) être réellement pratique afin de pouvoir être appliqué de façon courante par les récoltants et les commerçants. Je signale cependant que l'on peut très facilement réduire le parasitisme du charançon de la façon suivante destruction immédiate et totale de tout ce qui a servi à l'emballage des noix de kola – propreté très méticuleuse de tous les magasins à kola désinfection de ces magasins à l'aide d'un insecticide. L'indigène ne prend absolument aucune précaution en ce qui concerne la protection des kolas. Il les trie évidemment avec beaucoup de soins, mais le procédé n'est pas curatif et il n'empêche pas la ponte. A. Chevalier et E. Perrot signalent que dans la Haute Côte d'Ivoire et en Guinée, les kolas sont lavés à l'eau de savon de Marseille ou au savon indigène fait à l'aide de cendres et de graines de Kobi (Carapa Touloucouma), procédé qui diminuerait le parasitisme du Balanogastris. Je suis persuadé qu'une bonne chasse, par les moyens indiqués plus haut, aussi bien chez l'indigène, que chez le syrien ou l'européen, demeure un des meilleurs moyens de lutte contre le Balanogastris Kolae, car tous les magasins que j'ai pu visiter étaient d'une pro- – preté douteuse et constituaient par cela même des salles d'élevage parfaites pour le charançon, lequel niche facilement dans tous les coins. CULTURES FRUITIÈRES Bananier de Chine Le bananier de Chine n'est attaqué actuellement par aucun parasite réellement dangereux. J'ai déjà signalé qu'il était un hôte pour YAspidiotus destructor Sign. sans paraître en souffrir; néanmoins c'est un parasite à surveiller. A la bananeraie expérimentale de la station de Bingerville, j'ai constaté la présence, peu alarmante, de quelques chenilles dévorant le parenchyme des feuilles; elles semblent appartenir aux Limacodidae. Lépidoptères. Le Sphenophorus sordidus. Curculionidae, qui est le parasite le plus redoutable du bananier, ne semble pas exister en Côte d' Ivoire. Ananas L'Ananas (Ananas dit de Guinée, Cayenne à feuilles lisses) est parasité en Côte d'Ivoire par un Pseudococcus le Pseudococcus brevipes Ckll. bien caractérisé par son aspect ovalaire, convexe, blanchâtre par la cire, et rose orangé sous le tégument, de 3 m/m 5 de longueur et 2 m/m de large garni de prolongements latéraux réguliers. Cette cochenille parasite la base des soropses et la tige où elle est protégée par les gaines des feuilles. Elle provoque, sur les fruits notamment, une fumagine très intense. Quand le fruit attaqué est jeune, son développement est gêné, mais quand il est âgé et bien formé, il ne semble pas trop en souffrir. Néanmoins la présentation en est défectueuse et il semble que ces fruits aient une tendance à se conserver moins bien que les autres. Agrumes Les différents Citrus cultivés à la colonie pour la production fruitière Oranger et ses nombreuses variétés Citrus auraniium L. Citronnier et ses nombreuses variétés C. Limonum Risso. Mandarinier et ses nombreuses variétés C. nobilis Lour. Cédratier et ses nombreuses variétés C. medica L. Pamplemoussier et ses nombreuses variétés: C. decumana L. sont parasités par les insectes suivants Chenille verte et noire du Papilio demodocus Esp. Cochenille des feuilles, des rameaux et des fruits. Mouche des fruits ou Ceratite. Papilio demodoeus Esp. (Papilio demoleus auct.) Papilionidae. Lépidoptères. DESCRIPTION Papillon de coloration noire avec des taches jaune citron, envergure 100 m/m ailes postérieures dépourvues de prolongement caudal, munies de 7 dents arrondies, avec tache jaune à chaque creux petite tache de 8 m/m bleue, bordée de noir et de rouge au niveau interne de la première dent; tache rouge bordée de bleu et de noir au premier tiers du bord externe antennes en massue yeux noirs et proéminents, trompe de 20 m/m, 3 paires de pattes; corps allongé de 30 à 33 m/m jaune citron strié longitudinalement de noir. ADULTES. • Nymphe. – D'abord verdâtre, elle est ensuite brunâtre elle est suspendue par des fils de soie, verticalement, la tête en haut. D'abord noirâtre quand elle est jeune, elle a ensuite la partie postérieure et antérieure de son corps jaunâtre et sur le milieu de la face dorsale un dessin blanchâtre^en forme de V, le corps est couvert de petites épines noires. Après la dernière mue, quand elle atteint sa taille maximum, la chenille devient verdâtre avec des taches variant du jaune au noir; les épines disparaissent et il ne reste plus que deux petites protubérances derrière la tête et à l'extrémité postérieure du corps deux appendices rougeâtres rétractiles à la partie céphalique longueur maximum 42 à CHENILLE. 45 m/m. La femelle dépose ses œufs, sphériques, jaune pâle, à la face inférieure des feuilles et à l'extrémité des rameaux le plus souvent. Les jeunes larves attaquent d'abord les jeunes feuilles dont elles dévorent le parenchyme quand elles sont plus âgées elles dévorent même les nervures. La durée de la nymphose est variable R. Mayné cite 16 à 17 jours pendant la saison des pluies et 169 Jours pendant la saison sèche (Le papillon des Citrus, Papilio demoleus L. Bull. Agr. du Congo Belge, Vol. V, N° 4, déc. 1914). Un élevage fait en avril 1932 à la station de La Mé m'a donné une moyenne de 20-21 jours. Il y a plusieurs générations par an car j'ai remarqué la présence des larves à plusieurs reprises. Ce parasite est cosmopolite et d'après R. Mayné sa distribution géographique est la suivante Transvaal, Natal, Afrique Orientale, Soudan Anglo-Egyptien, Congo Belge et Indes Orientales. BIOLOGIE. Les chenilles du Papilio demodocus attaquent surtout les jeunes arbustes en pépinières (citronnier, mandarinier, oranger, cédratier.) ou mis en place mais encore de petite taille il arrive parfois que les pieds sont entièrement défeuillés. DÉGÂTS. MOYENS DE LUTTE a) Procédé mécanique. Ramassage des chenilles à la main. b) Procédé chimique. Pulvérisations d'émulsions savonneuses d'arséniate de plomb selon la formule. Eau .7. Savon. Arséniate de plomb 200 gr. 100 litres 4-6 kgs. Cochenille des Citriis Si les cultures d'agrumes du bassin occidental de la Méditerranée sont attaquées par de nombreuses cochenilles, les Citrus cultivés en Côte d'Ivoire sont encore peu parasités. Cela tient probablement au fait qu'ils sont peu nombreux et encore très disséminés dans les villages et dans les plantations. Je signale surtout le parasitisme de Lepidosaphes citricola Pack. (Mytilaspis citricola Comst.) ou cochenille virgule, Coccidae-Diaspinae. La femelle a un follicule brun de 2 à 3 m/m de longueur sur 1 m/m de largeur, en forme de coquille de moule, allongée le mâle a un follicule plus petit/brun, progressivement élargi vers sa partie postérieure. Cette cochenille est cosmopolite (Japon, Chine, Amérique, Afrique du Sud, Asie Mineure, Afrique du Nord) et A. Balachowsky la signale comme très dangereuse (Delassus, Balachowsky, Brichet, Lepigre Les ennemis des cultures fruitières en Algérie). MOYENS DE LUTTE Méthode de lutte contre les cochenilles (voir précédemment). Mouehe des fruits. petidae. Diptères. Ceratitis capitata Wied. Try- DESCRIPTION 3 m/m 5 à 5 m/m de longueur; présente une teinte générale ocrée, ornée de noir sur le thorax envergure 10 m/m chez la femelle, 8 m/m chez le mâle au repos ailes à demi-écartées. Tête globuleuse en avant, aplatie en arrière, reliée au thorax par un col ADULTE. mince; yeux globuleux brun rouge, thorax noir brillant avec un dessin blanc grisâtre, garni de longues soies noires. Abdomen jaune ocre, avec deux bandes transversales bleutées; ailes transparentes à nervures brunes décorées de taches brun noir et de bandes brunes et ocrées. L'abdomen de la femelle est pourvu d'un oviscapte brun. Elliptique, brune, de 4 m/m à 5 m/m de longueur sur 2 m/m à 2 m/m 5 de largeur. PUPE, Petit ver blanchâtre orné de teintes jaunâtres ou grisâtres (aliments contenus dans le tube digestif, vus par transparence). Corps légèrement arqué LARVE. à convexité dorsale, formé de 12 segments, long de 7 à 8 m/m et large de 1 m/m à 1 m/m 8. Après leur sortie de la pupe, enfouie dans le sol, les adultes prennent leur vol. Ils s'accouplent au bout de 4 à 5 jours la ponte commence peu après; elle dure plusieurs jours et chaque femelle peut arriver à pondre de 600 à 800 œufs. Ces œufs sont déposés à l'intérieur des fruits grâce à l'oviscapte. L'éclosion de la larve se produit 2 à 5 jours après, la larve se développe durant 9 à 15 jours; la vie nymphale dure de 10 à 20 jours et les adultes vivent en moyenne 1 à 2 mois Le maximum de ponte rencontré à Bingerville a lieu en avril et en juillet. Actuellement, la cératite est répandue dans tout le sud de l'Europe, en Asie, dans toute l'Afrique et en Amérique. BIOLOGIE. Le Ceratitis capitata parasite les fruits de très nombreuses plantes. Il est le gros ennemi des Citrus, et il attaque aussi ananas, anones, papayes, mangues, bananes, passiflores, avocats, goyaves, tomates, aubergines, melons, courges, haricots, fruits de Thevetia nerriifolia, etc. dont il provoque la pourriture (accélérée très souvent par la présence de Penieîllium glaucum, DÉGÂTS. italicum.). MOYENS DE LUTTE 1° Moyens mécaniques. a) Destruction des fruits tombés par enfouissement assez profond (80 c/m à 1 m.) avant que les larves aient le temps de se nymphoser dans le sol. b) Destruction des chrysalides, sous les arbres par un léger ameublissement de 10 à 15 c/m. 2° Moyens chimiques Visent la destruction des adultes à l'aide des appâts empoisonnés, composés de la façon suivante fruits. fruits. Déchet de xm Jus de Borax. soude Eau Arséniate de i.. 18 kilog. 8 à 10 kg. 5 kilog. 0 kg. 200 100 litres Ces produits sont mélangés intimement, et on décante ensuite le liquide, lequel est utilisé comme appât. Ce liquide est placé dans des bottes en fer-blanc à rebord, que l'on suspend dans les arbres, en les fixant aux branches-maîtresses, à mi-hauteur et à proximité des fruits, à raison de 3 à 4 par pied. Ce procédé a fait ses preuves dans les pays de culture' fruitière intensive (Floride, Californie, Algérie, Maroc). Il a. l'avantage d'être simple, peu coûteux et de ne nécessiter aucune surveillance. Il doit être appliqué toute l'année et son usage devra être obligatoire lorsque la Côte d'Ivoire intensifiera sa production fruitière pour l'exportation. CULTURES VIVRIÈRES MAis Les principaux parasites du maïs en Basse Côte d'Ivoire sont les suivants Mineuse des tiges, Sesamia vuteria Stoil. Charançon des graines: Calandra Oryzae L. Mineuse des tiges: Sesamia outeria Stoll. (S. nonagrioïdes). Noctuidae. Lépidoptères. DESCRIPTION Envergure 40 m/m ailes supérieures gris jaunâtre, plus ou moins ombrées de brun ailes inférieures blanches à nervures fines et jaunâtres, tête petite et poilue antennes pectinées chez le mâle thorax poilu de la même couleur que les ailes supérieures; abdomen poilu, blanc jaunâtre, plus gros chez la femelle longueur du corps 17 à 20 m/m. ADULTES. Brune, allongée, garnie d'une petite pointe à sa partie postérieure, de 19 à 22 m/m de long. CHRYSALIDE. De couleur rosée, à tégument lisse et brillant, garni de petits poils blonds, tête brune à mandibules plus foncées 5 paires de fausses-pattes mesure 30 à 35 m/m de longueur maxima. LARVE. Œufs. – De couleur jaune crème à la ponte celle-ci est faite en rangées parallèles (3 à 4) de 10 à 75 œufs. Les adultes se cachent le jour sous les feuilles, ils volent au crépuscule; l'accouplement a lieu peu après l'éclosion et la ponte commence aussitôt. Les femelles pondent sur, les feuilles et surtout sur les tiges; au bout d'une dizaine de jours les jeunes larves éclosent. Elles perforent les tiges, dans lesquelles elles vont creuser de nombreuses galeries ascendantes BIOLOGIE. (intéressant toute la moelle) remplies de leurs excréments. Au bout de 30 à 40 jours, survient la chrysalidation qui s'opère dans un léger cocon, placé dans une loge nymphale situé à la base de la tige le plus souvent; la nymphose dure une quinzaine de jours. Les générations sont nombreuses et se succèdent toute l'année. En Basse Côte d'Ivoire, les dégâts dus à la sésamie sont toujours très importants ils rendent presque impossible toute culture industrielle de maïs. Les deux cultures de maïs faites dans l'année sont DÉGÂTS. très attaquées la plupart des tiges sont perforées et laissent échapper une sciure rougeâtre qui révèle le parasite. Dans les tiges attaquées, de nombreuses chenilles évoluent: 8-10 et parfois 15. Elles affaiblissent considérablement la plante et celle-ci se brise facilement. Quand l'attaque est tardive, le poids des épis déjà formés provoque la rupture de la tige, et les épis sont alors dévorés par les insectes et les rats ou bien pourrissent. Le Sesamia vuteria est cosmopolite Sud de l'Europe toute l'Afrique du Nord, Asie (Indes, Ceylan, Indochine, Chine, Java.) Madagascar, Réunion, Maurice, et tout le continent africain. Cette noctuelle parasite de nombreuses graminées; canne à sucre, maïs, sorgho, millet et d'autres graminées spontanées. En Basse Côte d'Ivoire, je l'ai surtout trouvée sur maïs et aussi sur sorgho et millet (essais de cultures faits à la station de Bingerville). MOYENS DE LUTTE a) Destruction par le feu des premières tiges atteintes. Cette incinération des premiers parasites empêche la ponte des nombreuses noctuelles détruites; elle constitue un procédé réellement pratique et efficace qui permet d'éviter une propagation trop rapide du parasite. L'indib) Destruction de tous les chaumes récoltés. gène a la fâcheuse habitude de ne récolter que les épis et d'abandonner les chaumes qu'il n'arrache même pas. Il permet ainsi la multiplication du parasite et il y a lieu de recommander vivement l'arrachage et l'incinération de tous les chaumes, après la récolte^ a) Cultures intercalaires. J'ai constaté en effet que les cultures associées, de maïs et d'arachides sont toujours moins attaquées par la noctuelle, probablement à cause de la faible densité des tiges de maïs. Charançon du grain. Calandra Oryzae L. Cureulionidae. Coléoptères. DESCRIPTION Corps de 3 m/m de long avec un rostre de tête avec rostre 1 m/m. de couleur générale brun foncé recourbé; antennes coudées, brun clair; thorax ponctué finement; élytres ponctués et striés longitudinalement, avec 4 taches orangées. ADULTES. De couleur brune avec tous les caractères de l'adulte, longue de 4 m/m 2 en moyenne. NYMPHE. Blanchâtre, apode, avec tête brunâtre; – en forme de croissant, mesure 5 m/m à 5 m/m 5 de LARVE. longueur. – Les adultes vivent à l'intérieur des grains de maïs dont ils se nourrissent. Les femelles pondent à l'intérieur en forant une petite cavité avec leur rostre. Toute la vie larvaire a lieu dans les grains, où s'effectue aussi la nymphose. Le cycle évolutif du charançon est très rapide et il y a une nouvelle génération tous les 30 à 40 jours environ. Le Calandra Oryzae est très cosmopolite; il existe en Europe, en Afrique du Nord, en Amérique et en Afrique. BIOLOGIE. Il s'attaque aux grains de riz, de maïs et de céréales diverses (sorgho, petit mil.). En Côte d'Ivoire, les dégâts sont parfois très importants; la conservation des grains de maïs est rendue très difrieile par l'invasion très fréquente de ce charançon. Celui-ci attaque aussi bien les épis de maïs en spathes que les grains qu'il réduit en poussière. DÉGÂTS. MOYENS DE LUTTE La production du maïs étant uniquement dans les mains de l'indigène, il est bien difficile de lutter efficacement. Néanmoins, l'indigène, observateur, sachant que le charançon n'aime pas les situations éclairées, suspend les épis de maïs en spathes à l'extérieur, en plein soleil, et cela également afin d'éviter les déprédations des rats et de la volaille. La conservation est ainsi assurée pour quelques mois il y a bien quelques attaques de charançons, mais elles sont toujours de peu d'Importance. Pour les maïs destinés à l'exportation, il y aurait lieu de les soumettre au préalable, à une désinfection avec de la chloropicrine ou avec du sulfure de carbone, et d'empêcher la réinfestation, toujours possible, soit dans les silos, soit dans les cales des navires. Arachide Je signale simplement sur cette papilionacée la présence d'un puceron, que j'identifie à Aphis Laburni Kalt Aphididae. Hémiptères. Il est de couleur brunâtre et l'on rencontre les femelles, les mâles ailés et les larves sous la face inférieure'des folioles. Cet hémiptère est surtout dangereux car il est l'agent vecteur de la mosaïque ou rosette de l'arachide. Manioc Sur cette plante vivrière, je signale simplement la présence de Bemisia sp. Aleurodidae, Hémiptères, qui semble être l'agent vecteur de la mosaïque de cette Euphorbiacée. Les recherches de Kufferath, au Congo Belge en 1932, ont montré que le Bemisia mosaïcivecta Kuff. était l'agent transmetteur de |la mosaïque du manioc dans cette colonie. M. le Professeur P. Vayssière, Directeur du Laboratoire de Zoologie Agricole de l'Institut National d'Agronomie Coloniale a toujours eu l'extréme bienveillance de me prodiguer ses conseils, et je suis heureux de lui exprimer ici, mes vifs sentiments de reconnaissance. II Etude de quelques maladies nouvelles des plantes cultivées en Côte d'Ivoire CAFÉIERS MALADIES DES TIGES, DES RAMEAUX ET DES FEUILLES MALADIE DU FILAMENT J'ai surtout observé cette maladie sur les caféiers de Libéria et de l' Indénié. Cette maladie est caractérisée par la présence d'un mycélium, aggloméré en pseudo-rizomorphes blancs, de 0 m/m 5 à 1 m/m de large, plus ou moins anastomosés entre eux et très fortement fixés sur les parties parasitées, que l'on rencontre sur les tiges et les rameaux des caféiers. Ces pseudo-rizomorphes atteignent les feuilles et ils irradient leurs filaments à partir du pétiole. Les feuilles atteintes se dessèchent progressivement, puis elles se détachent et restent pendantes car retenues par les filaments. Les fruits sont parfois envahis aussi. Les branches, les feuilles et les fruits atteints se dessèchent parce que les filaments envoient à l'intérieur de leurs cellules des suçoirs qui épuisent le contenu cytoplasmique. Des branches entières se desséchent ainsi et c'est une maladie, qui bien que peu contagieuse peut devenir économiquement grave, par l'abondance des caféiers attaqués. L'agent causal de cette maladie du filament (Thread blight des Anglais) est un Marasmius: le Marasmius scandens Massée de la famille des Collybiées, Agaricacées, Hyménomycètes. Ce parasite est très fréquent dans toute la Basse et la Moyenne Côte d'Ivoire. Je l'ai rencontré fréquemment dans les plantations de La Mé, de Bingerville, d'Eloka dans toute la région d'Aboisso, Elima, Adiaké et je l'ai déterminé sur des envois provenant de plantations de Mamini, d'Oumé et de Gagnoa. Traitement. Le traitement le plus pratique, et qu'il y a lieu d'employer le plus fréquemment, consiste dans l'enlèvement et l'incinération des organes malades ou morts. En cas d'attaque très étendue, et au début c'est-à-dire avant que les branches ne meurent, on peut utiliser la pulvérisation de bouillies cupriques à 3%, fortement adhésives. Le champignon parasite étant externe, je me propose d'expérimenter prochainementdes pulvérisations de colorants électro-positifs tels que le bleu Victoria, le bleu de nuit, les dérivés de l'acridine (jaune et orangé) et l'auramine, avec des floculants qui ont la propriété de rendre les solutions de ces produits mouillantes (sels biliaires, brécolane, oléate de soude.) dont les propriétés ont été remarquablement étudiées en France par Truffaut et Pastac (C. R. Académie d'Agriculture de France, T. XV, 1929) et par Boutaric, Dodadilhe et Piettre (C. R. Académie d'Agriculture, T. XVIII n° 24 1932). MALADIES DES FRUITS POURRITURE DES CERISES DU CAFÉIER DE Libéria Les baies du caféier de Libéria sont sujettes à une pourriture très grave causée par le Trachysphaera fructigena Tabor et Bunting, Phycomycète, que j'ai déjà signalé en 1932 dans mon compte rendu, comme agent causal d'une pourriture grave et répandue des cabosses de cacaoyer. Je l'ai retrouvé en 1933, au mois d'août, à la station de Bingerville, au mois d'octobre dans toute la région d'Aboisso-Elima et au mois de novembre à Eloka. Caractères de la maladie. Les baies malades des caféiers de Libéria commencent d'abord par brunir par plaques plus ou moins étendues puis la brunissure envahit toute la cerise les parties brunes se couvrent ensuite rapidement d'une pulvérulence de couleur blanc rosé, assez épaisse. Les cerises malades se dessèchent ensuite elles se rident et restent fixées à leur pédoncule. Elles sont alors la proie d'autres champignons et insectes, scolytes no- tamment. Les cerises sont attaquées à tout âge; j'ai constaté que les plus gros dégâts avaient eu lieu en 1933, aux mois d'août. septembre et octobre au moment où les cerises avaient déjà atteint les 3/4 de leur grosseur. La maladie semble se manifester surtout sur les cerises voisines de la maturité. Etude du champignon parasite. Le champignon est caractérisé par des filaments mycéliens non cloisonnés qui pénètrent et se développent rapidement dans les espaces intercellulaires du tissu péricarpique de la baie. Ces filaments émettent des prolongements plus minces, qui se ramifient librement et pénètrent dans les cellules celles-ci ne tardent pas à mourir et leur cytoplasme 'y brunit. Quand le mycélium s'est établi, il fructifie et émet des conidies. Celles-ci sont portées par des conidiophores, et la pression de tous les organes fait éclater l'épiderme de la baie. Les conidiophores se terminent parfois simplement par une conidie le plus souvent, ils se terminent par une vésicule renflée laquelle donne naissance à un certain nombre de conidies pédicellées. Ces conidies sont sphériques ou subsphériques, fortement échinulées et mesurent en moyenne 35 y. de diamètre (20 à 38 p) elles sont hyalines et quelquefois plus ou moins jaunâtres. Les pédicelles qui les portent mesurent en moyenne 30 p de longueur sur 4 à 6 largeur. On rencontre ces conidies à l'extérieur et quelquefois aussi à l'intérieur des cellules de l'hôte; dans ce cas de elles sont plus grandes et leur paroi est plus épaisse ce qui fait penser que ce sont des chlamydospores. La germination de ces dernières n'a pas encore été observée. Les conidies germent facilement dans l'eau pure et dans les solutions nutritives. Elles émettent un tube germinatif, qui fructifie dans les milieux de culture con- venable et donne un mycélium. Des cultures pures ont été obtenues par Tabor et Bunting, et ont permis de réaliser des infections. Reproduction sexuelle du parasite. Les organes de la reproduction sexuelle du parasite se rencontrent en abondance dans les cellules du péricarpe des cabosses de cacaoyer atteintes de la pourriture. Les oogones sont de forme plus ou moins allongée et mesurent en moyenne 40 x 24 n; leur paroi est plutôt épaisse et couverte de protubérances irrégulières. Les anthéridies sont amphigynes et entourent complètement la tige de l'oogone, comme dans certains Phytophthora. L'oogone jeune est multinucléé, l'oospore est uninucléée. La paroi de l'oospore est relativement mince et Tépispore est très fine ou absente. Position systématique. R. J. Tabor et R. H. Bunting qui ont étudié en Gold Coast et décrit ce champignon (On a disease of Cocoa and Coffee fruits caused by a /ungus hitherto undescribed, Annals of Botany Vol. XXXVII; no CXLV. January, 1923, pp. 153-157), en ont tait avec juste raison une nouvelle espèce, dé- nommée « Trachysphaera fructigena » laquelle possède quelques caractères de certains Phytophthora (anthétidie amphigyne) et des Muratella (conidies échinulées). Dégâts. L'année 1933, très humide, dans tout l'Est de la Basse Côte d'Ivoire, a permis la multiplication intensive de ce champignon qui a causé des dégâts sérieux sur les caféiers de Libéria, des plantations indigènes et européennes d'une grande partie de la Basse Côte d* Ivoire. Traitement. Le traitement que j'ai conseillé et qui a été expérimenté avec succès est le suivant 1° Cueillette de toutes les baies malades et incinération sur place la maladie étant très contagieuse, il faut toujours éviter le transport des baies malades lesquelles disséminent très facilement le parasite, 2° Pulvérisations cupriques à 3% de sulfate de cuivre, sur tous les glomérules de fruits des caféiers attaqués, ainsi que sur tous les Caféiers voisins et limitrophes des foyers de Trachysphaera. Ce traitement, avant tout préventif, doit être appliqué dès la première apparition de la maladie, afin d'éviter la propagation du parasite. 3° Durant les périodes très humides, surveillance sanitaire constante des caféiers afin de pouvoir déceler la maladie dès son apparition. 40 Pulvérisations préventives des anciens foyers à chaque saison des pluies et période très humide afin d'empêcher la germination des spores. CACAOYER MALADIES DES TIGES, DES RAMEAUX ET DES FEUILLES 1° Maladie du filament blanc La maladie du filament blanc (Thread blight) causée par le Marasmius scandens Massée, parasite fréquemment les cacaoyers cultivés en Côte d'Ivoire; à de nombreuses reprises, au cours de mes tournées, j'ai constaté ses dégâts. Ceux-ci se manifestent de la même façon que sur les caféiers, les branches atteintes meurent et les feuilles restent suspendues par les filaments blancs qui les retiennent. Sur les cacaoyers, cette maladie est bien connue elle a déjà été signalée à Sainte-Lucie, Dominique. Tobago, Guyane anglaise, Gold Coast, Cameroun. Traitement. Comme pour le caféier, on ne peut recommander que J'enlèvement des organes malades ou morts, et la pulvérisation de bouillies cupriques fortes, en cas d'invasions dangereuses. 2° Maladie du crin de cheval Cette maladie encore dénommée Horse hair blight, est caractérisée par la présence sur les tiges, les rameaux et les feuilles des cacaoyers de longs filaments brun noirâtre ou entièrement noirs, ayant absolument l'aspect de crins de cheval. Les parties atteintes par le mycélium du champignon ne tardent pas à mourir et à se dessécher. Cette affection du cacoyer est beaucoup moins importante que la précédente. Le mycélium noir et filamenteux recouvre les feuilles et les agglutine plus ou moins avec les rameaux, et les filaments pendent en crinière. Cette maladie est due aussi à un petit marasme; le Marasmius equierinis Mull. que j'ai rencontré parfaitement fructifié, en pleine forêt, sur une petite Bambusée parasitée par le champignon. Les carpophores atteignent 3 à 8 m/m de diamètre ils sont de couleur jaune brun et les lamelles peu serrées sont blanches. Le pied est plus ou moins allongé (1 à 5-6 cm.) et naît directement sur un filament. Traitement. Il faut couper toutes les parties atteintes et les brûler. On peut aussi recommander en cas de fortes attaques les pulvérisations de bouillies cupriques. KOLATIER MALADIES DES TIGES,. RAMEAUX ET DES FRUITS MALADIE DU CRIN DE CHEVAL La Marasmius equicrinis Mull., parasite aussi fréquemment les kolatiers et leur cause des dégâts analogues à ceux qu'il cause aux cacaoyers. Le même traitement est à préconiser, ainsi qu'un élagage périodique des arbres. HEVEA Pourridié. Les Hevea BrasilîenSis, plantés à la station de Bingerville, sont attaqués depuis ces deux dernières années par un pourridié mortel causé par le Fomes lignosus Klotzeh, qui attaque aussi les caféiers, les cacaoyers, les Leucoena, les Tephrosia candida, les fromagers, les benjoins, les gorlis (Onchoba echinata). Les arbres attaqués se reconnaissent à leurs racines et à leur pivot recouvert de mycélium aggloméré en cordonnets blanc jaunâtre. Ce mycélium est hyalin, cloisonné, mesure 3,5 y. à 5 large et présente de nombreuses anses d'anastomose qui sont des cellules à 2 de noyaux. Le parasite fructifie facilement à l'extérieur, sur les arbres morts et laissés en place, et émet des carpophores qui- ont les caractères suivants Chapeau jaune orangé à brun rouge, devenant gris brunâtre quand il est âgé, présentant des zones chromogènes de faible amplitude, bordé de blanc sur son pourtour quand il est jeune. Hyménium d'abord blanc crème devient ensuite brun fauve à brun rouge quand il est âgé. Spores d'abord crèmes puis brunâtres. Dimensions des carpophores très variées, épaisseur variable aussi, en moyenne 1 à 1 c/m 5; en coupe, chair épaisse de couleur crème avec hyménium peu profond. Les carpophores se rencontrent fréquemment, à la base des troncs morts, en consoles superposées. Traitement. Méthode générale de lutte contre les pourridiés. PHANÉROGAMES PARASITES En 1933, j'ai eu l'occasion d'étudier, à de nombreuses reprises, les Loranthacées parasites, en collaboration avec M. Porteras, adjoint au Chef de Service les déterminations de ces hémiparasites ont été faites par M. Portères, et je signale dans ce rapport les plantes parasitées ainsi que la diagnose des parasites, afin de permettre aux chercheurs éventuels, la détermination rapide de ces phanérogames. Loranthacées. Caractères généraux de la famille Buissons parasites sur arbres. Feuilles généralement opposées ou verticillées, simples, entières, sans stipules fleurs actinimorphes, hermaphrodites ou unisexuées souvent brillamment colorées. Calice petit, ou obsolète soudé à l'ovaire pétales valvés, libre ou unis en un tube étamines en même nombre que les pétales et insérées sur eux ou à leur base anthères à 2 loges (quelquefois divisées en plusieurs petites loges) et rarement à 1 loge déhiscence longitudinale ou par pores terminaux ou par fentes transversales; disque présent ou absent; ovaire rudimentaire souvent présent dans les fleurs mâles; staminodes dans les fleurs femelles; ovaire infère habituellement sans placenta et sans ovule distincts style simple ou absent stigmate plus ou moins capité. Fruits: baies ou drupes; graine solitaire sans intestat distinct endosperme présent ou absent; grand embryon. Genre Loranthus Linné. Pétales libres ou unis, habituellement brillamment colorés; calice présent, lobé ou tronqué; fleurs hermafeuilles alternes opposées ou verticillées, phrodites bien développées. Pétales unis jusqu'en haut; Anthères transversalement septées; Lobes corollaires dressés Corolle jusqu'à 5 c/m de longueur; Feuilles largement ovales, obtuses pointues, arrondies à la base 6-12 c/m. L. jusqu'à 8 c/m. 1. dessous tomenteux, gris pétiole de 2 »Jm de L. environ fleurs densément cimeuses 4-5 c/m L. corolle glabre ou légèrement lépidote lobes linéaires 1 c/m L. corolle jaune avec un anneau vert à la partie supérieure et extrémité rouge fruits bleuâtre à rouge, baies. Loranthus incanus Schumaker et Thonning. Pétales unis jusqu'en haut Anthères non transversalement soptées Lobes corollaires ne s"onroulant pas; Corolle à 5 lobes Lobes corollaires réfléchis de bonne heure; Boutons corollaires non cornés au sommet Protubérance apicole non ailée, ai; nhis cordée; Feuilles 5 c/m en plus L. elliptiques ou ovales. Feuilles non acmninces, 5-12 c/m L 1,5-7 c/m. L. protubérance apicale ovoïde ou oblougue corolle rouge pourpre d'abord verte, protubérance apicale verte fruits baies. Loranthm lanceolalus Pal. Bcauv. D'après Flora of West TropicalAfrica, par J. Ilutchinson et J. M. Dalzicl. Loranthus incanus. Cette Loranthacée .parasite les plantes suivantes Oranger. Leucoena glauca, Iroko (Chlorophora excelsa), Ficus a^perifulia, Spondias lutea, Funtumia elastica. Loranthus lanceolalus. suivantes – Elle parasite les plantes Avocatier, Oranger, Mandarinier, Citronnier, Caféier, Cacaoyer, Kolatier, Filao, Hibiscus rosa sinensis, Tephrosia candida, Leucaeua glauca, Grevillea, Hevea, Funtumia, Spondias lutea, Fromager, Ficus asperifolia, Thevetia neriifolia. Epiphytes divers, Ces plantes épiphytes se ren- contrent notamment sur palmiers à huile, sur caféiers, sur cacaoyers, sur kolatiers et sur de nombreuses plantes de la forêt. Elles ne sont pas parasites au sens strict du mot, mais elles gênent leurs plantes hôtes d'une part, et sont d'autre part, des refuges à insectes et à cryptogames. Moracées Ficus Leprieuri Miq, autour des palmiers, manguiers. Ficus Kamerunensis Warb. sur Eloeîs. Ficus urceolaris Wel., autour des Eloeis. Orchidacées Angroecum Kostchyanum Reich. sur oranger. Angroecum sp. très répandue. Bulbophyllum sp. Listrostachys Colarum A. Chev. déjà signalée par A. Chevalier sur les kolatiers cultivés en Guinée. Foudres Asplenium sp. Pteris sp. Polypodium sp. Platycerium stemmaria Desvaux, épiphyte sur de nombreuses plantes eloeis, cacaoyer, caféier, manguier, • kolatier.. « (Travaux du Laboratoire de Phytapathologie et d'Entomologie à Bingerville). Note sur les parlers touaregs du Soudan par André BASSET J'ai pu, pendant mon séjour au Soudan (1), de décem- bre 1933 à février 1934, entendre, de Goundam à Ansongo, une cinquantaine de touaregs. Ces sondages linguistiques sont, pour la plupart, restés limités à une centaine de mots mais, en chacun des points où j'ai séjourné Goundam, Tombouctou, Gharous, Bourem, Gao et Ansongo, l'un de ces sondages au moins a été poussé plus avant. Le plus riche atteint un millier de mots – 250 verbes et 750 noms environ. Au total, c'est 1.500 noms et 500 verbes dont j'ai, à ma disposition, de 1 à 50 notations. Ces matériaux suffiront, je pense, pour déterminer les caractères des parlers de cette région. En outre, à Tombouctou, j'ai pu, sous la dictée de l'informateur même qui les avait données, retranscrire, dans leur presque totalité, une quarantaine de pages de textes des Kel Sidi Ali, dont M. Benhamouda m'avait, il y a quelques années, confié le manuscrit. Ces matériaux linguistiques ne prendront leur pleine valeur que quand, selon notre intention, ils seront situés dans l'ensemble des parlers touaregs et même des parlers de tous les berbèrophones, nomades et sédentaires, du Sahara. Les comparaisons que l'on peut déjà faire avec les données du dictionnaire du P. de Foucauld, qui concerne essentiellement les touaregs du Ahaggar et avec nos notes encore manuscrites des parlers des Ksours qui s'échelonnent dans le sud-Oranais d'Aïn Sefra à Adrar, sont riches de promesses à cet égard. On apercevra, en particulier, avec un relief saisissant combien et comment, à l'encontre de ce qui se passe partout ailleurs dans le monde berbère, ces parlers touaregs constituent un groupement dialectal précis* Mais, comme il se produit toujours dans une langue qui n'est pas une langue de civilisation et dont l'emploi reste limité à des besoins locaux, à l'intérieur de ce groupement dialectal des variations se font jour variations de phonétique, de grammaire, de syntaxe ou de vocabulaire. Nous avons pu en saisir un certain nombre dans la zone, relativement limitée pour un pays de grand nomadisme, que nous avons étudiée l'hiver dernier et ce sont des exemples significatifs de ces variations que l'on trouvera dans les quelques cartes qui suivent. A ne considérer que ces cartes, on pourrait penser que les variations entre parlers touaregs sont surtout phonétiques. Les cartes IX, XII, XIII, XVII et XVIII d'une part, X, XI entre autres d'autre part, montrent que variations lexicographiques et morphologiques tiennent aussi leur place et sans pouvoir encore indiquer l'importance de chacune d'entre elles, nous pouvons cependant dire qu'il résulte d'un premier examen, sujet à révision, des matériaux que nous avons recueillis que sur 500 verbes une centaine et sur 1.500 noms plus de 800 ne se retrouvent pas dans le dictionnaire du P. de Foucauld consacré aux touaregs du Ahaggar. Les variations phonétiqueselles-mêmes ont, d'ailleurs, une grosse importance au point de vue théorique. L'évolution de z en en ch, de s en ch, de t devant i en ch, la chute de i en finale absolue, la présence d'un élément h, fort obscur pour nous, sont des phénomènes en effet qui, jusqu'ici, paraissent bien particuliers aux parlers touaregs. Ces traits sont de ceux que nous aurons à retenir au premier plan quand nous voudrons dégager les caractères propres des parlers touaregs à l'intérieur des parlers berbères. et Pour en revenir à l'étroite zone que nous avons étudiée l'hiver dernier, il apparaît nettement que, dans l'ensemble, les parlers à l'ouest de Gao ont une forte homogénéité et qu'à l'est, avec les Ioulemedden, commence une nouvelle région; l'enquête de l'hiver prochain nous dira jusqu'où, vers l'est, s'étend cette région. Si une limite sous-dialectale passe à hauteur de Gao, il s'en faut que cette limite soit absolue la carte du (carte XVII), en est un indice « foie ». par exemple probant. D'ailleurs, quand cette limite existe, son tracé ne se superpose pas toujours exactement de carte à carte, même pour un même phénomène c'est ainsi que l'informateur du point 46 nous a donné z dans irez talon » (XVIII),dans tinjar, « narines » (V) et ch dans « akehal « bras ». Une dernière observation plus importante encore a sa place ici. Fréquemment, dans la région de Grourma Gharous, chez les Igouhadaren nobles (Imajoghen, points 12, 13, 14 et 15), nous avons eu des notations qui tranchaient avec celles de la région occidentale et coïncidaient avec celles de la région orientale. C'est qu'en effet des nobles Igouhadaren ont d'étroits liens de parenté avec' des Ioulemedden. De là, la transplantation de phénomènes linguistiques qui, d'ailleurs, en raison du changement de milieu, sont nettement instables. LISTE DES POINTS D'ENQUÊTE Cercle de Gaundam 1. Chaboun, chef des Tengérégif. 2. Tengérégif, Inataban. 3. Kel Antessar, Ouankadamet. Cercle de Tombouctou 4. Kel Sidi Ali. 7. Kel Antessar de l'est (Kel Tadjant). Cercle de Gourma Gharous 8. Irguenaten, Ifoghas. 9. Kel Gowsî, Medidaghen. 10. Souyoukhan de l'ouest. 11. Kel Tamalay. 12. Igouhadaren (imajoghen). 13. Igouhadaren (imajoghen). 14. Igouhadaren (imajoghen). 15. Igouhadaren (imajoghen). 16. Igouhadaren, Kel Horma, Kel Haoussa. 17. Igouhadaren nouakitan. 18. Ikoursaten. 19. Cherifen de Sahmar. 20. Cherifen de Gheighagou. 21. Cherifen d'Abakoyra. 22. Ifoghas d'Adyata (Ifoghas de l'est). Subdivision de Bouremr 23. Kel Takarangat: Iloukaynaten. 24. Kel Takarangat: Iloukaynaten. 25. Kel Takarangat chaggaghnin. 26. Kel Takarangat: Kel essouq ikaoualnin. 27. Imakalkalan. 28. Iguelladh, Kel Tebhou. 30. Chemanemmas: Kerbaghenen.31. Chemanemmas: Kerbaghenen. 32. Idnan Targeregit tacheggaghet. 34. Idnan. 35. Idnan, leggin tekna. Subdivision de Kidal 37. Ifoghas. Cercle de Gao 38. Ighaouilen (bella des Cherifen). 39. Cherifen, Ihaouanakal. 40. Iboukhanen. Subdivision d'Ansongo 41. Daousak, Ihannakaten. 42. Kel essouq, Kel Crounhan. 42. Kel Arokas. 44. Kel Defourafrag. 45. Dakal, Kel Tamadast. Subdivision de Menaka 46. Ioulimidden, Ibogholliten. 47. Ioulimidden, Kel Telatey. 48. Kel essouq. Les points ont été reportés sur la carte à rendroit où résidait l'informateur au moment où nous l'avons interrogé, c'est-à-dire pendant la saison sèche ceci explique la concentration vers le fleuve. N.-B. L'ORGANISATION COUTUMIÈRE (Sociale et Politique) de la Conectivité Leboue de Dakar par CLAunz MICHEL Administrateur des Colonies Administrateur de la banlieue de Dakar I. –.ORIGÏNE DES LÉBOUS DE DAKAR La presqu'île du Cap-Vert était occupée, à l'origine, par des Sossés et des Sérères. Des Ouoloffs du Oualo, du Cayor et du Djoloff, chassés par des guerres malheureuses, ou recherchant des pâturages pour leurs troupeaux, ont conquis la presqu'île de haute lutte. Des croisements se sont produits avec les Serères. Les Lébous actuels sont un mélange de ouoloffs et de séréres. Le type physique, les mœurs, le mode de tenure des terres, la langue en témoignent. D'aucuns, parmi les indigènes âgés et cultivés et dont l'opinion ne doit pas être négligée, affirment que les Lébous seraient originaires du Foufa-Toro, où ils auraient formé des ilots ethniques particuliers. Ils seraient venus peu à peu vers la mer, constituant, notamment, à une époque indéterminée, des groupements importants dans le Cayor et dans le Diander, fondant divers villages dont le principal: TjMouroMme, serait le point de départ de tous les villages lébous qui se rencontrent au Sénégal et sur le Territoire de Dakar, depuis Cayar jusqu'à Yen, Niangob et M'Bour. Quoi qu'il en soit, aux Lébous originels, s'ils ont existé, se sont mêlés des éléments ouoloffs et séréres, ces derniers pour des apports considérables. Il en est résulté une race aux caractères propres, gardant certes des amnités marquées avec les races mères, mais qui représente une population absolument à part dans le damier africain. II. HABITAT Les seuls Lébous de Dakar, devant être étudiés ici, il est nécessaire de définir leur habitat. Et d'abord que signifie Dakar? Pourquoi cette appellation? Il est généralement admis que le pays tient ce nom du tamarinier. Il y a beaucoup de villages dénommés Dakar en pays ouoloff et en pays sérére à cause du tamarinier qui abrite les réunions des anciens. On en rencontre notamment dans le Sine-Saloum. Pour le Dakar qui nous occupe, une légende qui a peut-être le mérite de l'originalité, veut que deux individus, chassés de l'intérieur des terres, fuyant devant des ennemis cruels, aient pu franchir le marigot de Dogoup' Yakhar derrière lequel ils se sont trouvés à l'abri. Ils logent dans un baobab, mettent en culture quelques champs. L'eau est proche, la terre fertile. Des mois passent. Deux parentes des fugitifs, sachant qu'ils ont échappé aux poursuites, les recherchent et les trouvent. Leur étonnement est grand devant la richesse des cultures qui s'étendent abondantes et variées. Elles demandent le nom du pays. N'Dcc~c' Raw, le pays qui sauve, leur est-il répondu Dakar, que les Lébous appellent JV'DoAorou serait une déformation de N'Dec~e 'Raw. Prononcés à la manière ouoloff, les deux mots sont quasi identiques. Avant notre installation effective dans la presqu'île du Cap Vert (1857), nos Lébous l'occupaient depuis l'Anse Bernard jusques et y compris le village actuel de Youmbel, mais à l'exclusion du village de M'Bao. Le marigot de Dogoup' Yakhar (la rivière qui coupe) l'actuel marigot de Hann-Thiaroye a longtemps servi de frontière orientale. 1 Les villages de Youmbel et de Thiaroye sur mer, situés plus à t'Est, sont de création relativement récente. Le plus ancien village lébou de la Presqu'île qui existe encore est YoS, d'où les habitants ont peu à peu essaimé vers N'Gor, Ouakam, le Dakar actuel alors composé de onze villages (1) et enfin Youmbel, puis Thiaroye sur mer. L'installation à Yoff a été elle-même précédée par un important groupement de villages du nom de M'Bolchère situé dans la région de notre Point B. Une sévère épidémie aurait fait abandonner l'emplacement. Il n'a malheureusement pas été possible de réunir d'autres précisions sur les motifs de cette migration qu'on serait tenté d'expliquer par les constatations faites depuis deux ans, par les services médicaux, sur le point de départ de presque toutes les épizooties murines du plateau de Ouakam. III. ORGANISATION SOCIALE On ne pourra pas entrer ici dans le détail. La question mériterait à elle seule une longue étude. Il faut noter, cependant, que le Lébou a toujours été et reste attaché à la conservation de la race. Les femmes repoussent toute mésalliance. Les parents d'ailleurs n'en tolèrent pas. '(= Les Lébous de Dakar distinguent entre eux diverses branches qui tiennent 10 A la région de la Presqu'île primitivement habitée. 2° A l'origine de la famille, (ancêtre utérin et descendance par la ligne maternelle seulement). T (1) Santiaba, TMétigne, Hoch, Khayes-Findiouw, N'Garaff, GouyeSalane, TMédeme, M'both, M'bakanda, Diéko, Yakhadieuf. Depuis lors un douzième quartier s'est crée Kayes-Ousmane-Diène. Les villages de l'époque sont devenus tes quartiers indigènes dans la ville de Dakar et à Médma. Deux grandes classes tiennent au premier habitat dans la Presqu'île a) Les Soumbadiounes ou Soumboudiounes qui habitaient et cultivaient la partie occidentale de la Presqu'île. b) Les Bègues ou Bignes qui habitaient ou cultivaient la partie orientale de la Presqu'île. Soumbadioune de 5oum&<t: introduction, passage, traversée et de Dioum diiticile, signifie région, point de traversée difficile. C'est le nom d'un village situé au centre de l'emplacement du village actuel de Médina. L'un des baobabs encore existant de la cour de la Résidence de Médina marque le Pintche (lieu de réunion) de ce village. Bègne signifie sable propre. C'est le nom d'un village situé dans les dunes, entre le cimetière actuel de BelAir et les réservoirs à mazout. Le nom de Bègne ou Bigne ou Ben se retrouve fréquemment dans les notes des voyageurs ou des Commandants de Gorée aux xvm<' et xixe siècles et dans les traités ou conventions passés avec les Lébous. Soumbadiounes et Bègues se subdivisent d'après l'origine de la famille Khonkobop, a) Pour les Soumbadiounes Wanère, en ( Diasirato. Soumbares, Khaghanes, Doumbour, &) Pour les Bègnes en Tëton, r Your, Khaye. La qualité de Khonkobop, Wanère, etc. s'acquiert uniquement par la mère. Une Khaghane peut épouser un Lébou de n'importe quelle autre branche, voire même un étranger s'îl est de bonne souche ouoloff. Ses enfants seront des Khaghanes. Ils porteront le de nom leur père. Le principe de la dévolution du nom de famille est chez les Lébous identique au nôtre. Mais on ajoutera parfois le nom de la mère pour attester formellement l'origine. Les dénominations qui précèdent ont un sens emblématique. Des légendes parfois s'y attachent. Khonkobop littéralement < &Me rouge o et par déformation, fomentateur de difficulté, agitateur. W<mère ou Wanire: nonchalant, astucieux. Dtastre~o ceux qui finissent le combat, nettoyeurs de champ de bataille. ~oum~are: de Soumba, commencer. Ceux qui sont toujours les premiers. On verra plus loin le rôle capital de cette famille dans l'organisation politique des Lébous. jKTMtg~ane: du nom d'un Maure, Makha Khaba. 'Khaghane signifie charge de chameau. La légende veut que Makha Khaba, venu, avec sa caravane, dans le Oualo s'y soit marié et fixé, qu'il en ait été chassé avec la famille de sa femme et soit venu vers Dakar où il a fait souche. Dom&oMr les Domboré du Cayor Candide, Virginal, r~o// aucun renseignement n'a pu être recueilli. froideur, individu froid, distant. Yow ~Aa~e méchant, féroce, famille de souche plus particulièrement sérère. IV. – ORGANISATION POLITIQUE Les Lébous ont vécu longtemps dans l'anarchie. Après avoir été islamisés, après avoir vaincu, vers la fin du xvme siècle, le Damel du Cayor, ils adoptèrent une organisation composée des éléments ci-après Le Serigne N'Dakarou Serigne de Dakar à l'origine chef religieux et chef de guerre et en partie « maître de la terre ». Le NDege Dji Rew: littéralement, la mère du pays à'l'origine le représentant de la population « le chef des hommes ». Le N'Deye Diambour, la mère, le chef des notables. Les Borom-dec~-t ou borom Pinlch'i: maîtres, chefs de village ou de Pintch (Pintch, mot lébou, veut dire quartier, village). Les Dt<un&our'~ Notables. Le ou les Dtora/~ lieutenant, représentant. Le ou les 5cM~u<S! Second du Diaraff. L'Iman de la Gr<M~ Mosquée; à la fois grand prêtre et juge supérieur. Le Fereigne N'Dakarou. Cette énumération ne représente pas un ordre hiérarchique formellement établi ni une chronologie bien nette dans l'ordre de l'institution de ces chefs. Comme toutes les organisations politiques, celle des Lébous a varié avec les circonstances et avec les hommes au pouvoir. Le Diaraff, le N'Deye Dji Rew, les Borom deck'i et les Diambours ont certainement existé avant le Serigne, dans des attributions d'ailleurs fort éloignées de celles qui devront leur être confiées, une fois l'organisation qui va être étudiée, bien établie. Le Diaraff, que le Commandant de Gorée appelle Guera~e dans une lettre du 23 avril 1830, était au temps de la domination des Damels, le représentant de celui-ci dans les mêmes conditions que, de nos jours, tous les chefs des cantons du Cayor ont des « Diaraffs » dans les principaux villages de leur circonscription. Le N'Deye Dji Rew a dû être une manière de chef de village supérieur, sans attribution bien définie, homme sage auquel on demandait volontiers conseil ou qu'on chargeait d'intervenir dans des situations difficiles. Les Diambours ont existé de tout temps, au même titre que les « Notables ». les « Anciens » de toutes les collectivités noires. Les Borom N'Decki également. Dès que plusieurs familles se sont constituées en village, un chef a été désigné. Vers le milieu du xvin<' siècle, un nommé Massamba Diop, venu de Coki (Djoloff), pénètre dans la Presqu'île. Il est d'abord assez mal vu, mais sa science coranique, son humilité, sa sagesse retiennent l'attention de Tagoullé Khari MBengue, chef de Thiédème, qui le prend sous sa protection. Au bout de quelques mois il lui donne en mariage sa fille N'Goné M'Bengue. De cette union naîtra Dial Diop. L'enfant étudie « Le Livre » avec son père, va dans le Cayor et dans le Fouta compléter ses études, sait regarder, voit le système de retranchement pratiqué par certains villages contre les pillards, revient à Dakar où sa science religieuse, comme ses connaissances dans l'art de la guerre, font grande impression. On lui confie la charge de diriger les fidèles et, en cas d'attaque du Damel, d'organiser la défense. Il fait construire les premiers « Tatas » dont des vestiges existent encore. Il vaincra le Damel. Il sera le premier Serigne N'Dakarou. Mode de désignation des Chefs Le Serigne N'Dakarou, Le N'Deye Dji Rew, Le N'Deye Diambour, sont choisis dans des conditions identiques d'abord par une assemblée de Diambours à la convocation du N'Deye Dji Rew ou du N'Deye Diambour, ensuite par une assemblée de Diambours et de Borom Deck'i. Ceux qui nomment peuvent révoquer. En principe, les fonctions sont dévolues à vie et le principe a été longtemps respecté. Le Serigne N'DaAaroM est intronisé dans des conditions très particulières. Quand sa désignation est acquise, le chef de la branche Soumbare garde le Serigne chez lui pendant huit jours hors de tout contact avec la population. Cette coutume porte le nom de Bo// qui signifie couver, Les huit jours écoulés, le Serigne est conduit en grande pompe à N' Gadié, partie de la plage située entre les deux Madeleines. Le N'Deye Dji Rew, après divers rites et diverses formules sacramentelles, appose le coran sur la tête du Serigne en prononçant qu'il est le « quatrième après Allah, le Prophète et le Livre ». Le Serigne est ensuite conduit chez lui en grande pompe. aura comme voisin Durant tout « son règne plus rapproché, un immédiat habitant le « carré membre de la famille Soumbare, chargé, en principe, de le surveiller. ille Le Serigne, n'est que très rarement un Lébou intégral. Il est de descendance léboue par sa mère, mais a presque toujours une ascendance paternelle étrangère. On verra que les Serignes ont été des Diop et des Dial. Les Diop viennent de Coki (Djoloff). Les Diol sont des Kane venant du village de Diol, dans le Fouta Toro. La fonction n'est héréditaire qu'en partie seulement. Le choix reste libre entre tous ceux qui peuvent prétendre à l'honneur d'être retenus. On assiste très fréquemment dans la conception léboue à ce compromis entre les droits de la naissance et ceux des notables, de désigner entre plusieurs. C'est la cause de dimcultés fréquentes. Des clans se forment en faveur des candidats. Les minorités acceptent mal un choix qui leur déplait. La bataille de Pikin a été l'aboutissement d'un conflit aigu entre deux prétendants au titre de Serigne, compliqué d'une question de dévastation de champs par des troupeaux. Il existe pourtant une règle léboue qui veut qu'on ne prenne pas le cadet quand l'aîné est apte à être choisi. Celui qui est écarté l'est pour inaptitude. Le ~V'De~e D~t Rew et le N'Deye Diambour, quand ils ont été désignés, sont conduits, entourés des autres chefs et notables, chez le Serigne N'Dakrou. Ils lui sont présentés. Le Serigne ne peut s'opposer à cette désignation. En droit comme en fait, le Serigne est le prisonnier du N'Deye Dji Rew et du N'Deye Diambour. C'est le principe, dans la réalité c'est une question de personnalité. Le ou les Diaraf fs. L'Iman Cadi. Le ou les Salues, sont nommés directement et personnellement par le Serigne, ce sont ses représentants, ses adjoints. La question du mode de désignation de ces trois derniers chefs est parfois très controversée et des tendances se manifestent de leur appliquer le système partiellement électif pratiqué pour le Serigne. C'est une évolution bien caractéristique de la mentalité léboue. C'est encore un témoignage de la prédominance des notables qui admettent de moins en moins que rien se fasse dans la collectivité en dehors de leur intervention effective et écoutée. Les Borom N'Deck'i sont désignés par les Diambour'i Pintch'i. C'est purement une affaire de village et de quartier. La fonction est en partie héréditaire, comme toutes celles d'ailleurs des autres chefs. Mais en partie seulement. Les droits s'acquièrent ici de descendance par les mâles. Les Borom Deck'i de Santiaba et de N'Garaff doivent être des Diagne, ceux de Thiédème des Bengue, ceux de Hock des Gueye, etc. Le Feret~ne N'Dakarou, encore dénommé N'Dhitel Fereigne N'Dakarou celui qui est (devant) le président des jeunes gens de Dakar, est nommé par les jeunes Lébous, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas assez âgés, assez sages, assez expérimentés pour être Notables (Diambour'i). L'institution est de création relativement récente (1880 environ). Elle correspond au besoin d'association très marquée chez les Lébous. Les Diambours sont divisés en deux catégories a) N'Diambour'i N'Dakarou, Notables de l'ensemble de Dakar, qui sont appelés à délibérer sur les aHaires de l'ensemble de la Collectivité. b) N'Diambour'i ftn~c/t't. Notables de quartier ou de villages, dont l'action se limite au village (Deck) ou à un quartier (Pintch). Il y a par Pintch 1° Un ou deux Diambour'i N'Dakarou, encore appelés, dans certains cas « Kilifat ». Ce sont les plus expérimentés, les plus écoutés, les arbitres les plus réputés du quartier ou du village. Ils doivent être de race léboue pure. 2° Autant de Diambour'i Pintch'i que de chefs de carré, expérimentés, écoutés dans le quartier et de race léboue pnre. Il est très rare que l'on puisse être Diambour de l'une ou de l'autre catégorie avant 45 ou 50 ans. L'expérience et la sagesse s'acquièrent chez les Lébous comme ailleurs par l'âge. Mais il y a des exceptions. Ceux que les lébous dénomment « Kilifat », déformant à peine un mot arabe dans sa prononciation mais lui enlevant complètement son sens étranger, sont des manières de Diambours supérieurs qui pourraient être des chefs, qui en ont décliné la charge, ou se sont vus, pour diverses raisons, empêchés de l'occuper et qui, dominant de haut les autres Diambours, ont, à côté des chefs en fonction, une influence considérable. Il y a actuellement à Dakar trois ou quatre Kilifats qui sont entourés du respect unanime. Pour préciser, autant qu'on puisse le faire en pareil domaine, il faut consigner qu'il n'y a pas plus de deux Diambour'i N'Dakarou par quartier ou village. Par contre, le nombre de Diambour'i Pintch'i est très variable d'un quartier, ou d'un village, à l'autre. ATTRIBUTIONS DES CHEFS Le Serigne N'Da&arou, comme déjà dit, nomme le Diaraff le Saltigué, l'Iman de la Grande Mosquée. A l'origine, le Serigne centralisait entre ses propres mains les pouvoirs de chef religieux, chef de la Terre, chef de Guerre. Il s'est déchargé sur l'Iman de ses fonctions religieuses, sur le Diaraff de ses attributions en matière de répartition et d'exploitation des terres, sur le Saltigué, dans certaines circonstances, de sa qualité de chef de guerre. Son rôle est ainsi devenu assez semblable à celui du Président d'une République dont le premier ministre serait seul responsable et aurait seul le droit d'engager la population et le pays. Les Lébous, une fois qu'ils ont été débarrassés des menaces des Damels, se sont presque toujours arrangés pour choisir un Serigne incapable de dominer, qui puisse être tenu en laisse. Les Serignes de Dakar se sont succédé dans l'ordre suivant ~Dial Diop 1er; Matar Diop Dial Diop II, dit Thierno Diop Elimane Diol Demba Fal! Diop Massamba Coki Diop; Alpha Diol Abdou Cogna Diop El Hadj Ibrahiina Youssoupha Diop. Le N'Déye Dii Rew pourrait être assimilé, en serrant d'assez près la réalité, au premier ministre d'une République moderne ou d'une monarchie constitutionnelle. C'est le représentant de la population. Il en est le seul porte-parole accrédité. Le N'Dèye Dji Rew serait le maMfe des hommes par opposition au Serigne qui serait le maitre de la terre. C'est lui qui discute et signe le premier les traités. Signent ou contractent obligatoirement avec lui l'Iman et le chef de la Branche Soumbare. C'est lui qui inaugure les luttes coutumières annuelles, sortes de luttes à main plate qui sont la grande distraction des Lébous. Aucun quartier ne peut commencer ces « Luttes» avant que le N'Dèye Dji Rew n'ait épuisé la série de celles qu'il doit offrir à la population. Le N'Dèye Dji Rew peut convoquer chez lui le Serigne. La réciproque est vraie. Le N'Déye Dji Rew peut seul interpeller le Serigne au nom de la population et s'il en a reçu mandant du N'Dèye Diambour parlant lui-même au nom des Diambour'i N'Dakarou. Les N'Dèye Dji Rew dont la liste a pu être reconstituée ont été successivement les suivants Birahima 3. Birama ou Birahima Diagne ou encore Doumbé Diagne. C'est le signataire du traité du 22 avril 1830. 4. Masserine Diene 5. Mour Diagne dit Mouri Madjiguen Diagne 6. Biriga Samba 7. M'Baye Diagne NGaraff, père de Guibril M'Baye Diagne, actuel Cadi Tafsir 8. N'Doré M'Baye 9. Moussé Awa M'Baye 10. Mousséësse Diagne (1) père de M'Bor Diagne. le N'Dèye Dji Rew actuel; 11. Degaye Diagne; 12. M'Baye Diagne 13. M'Bor Diagne. Le N'Dèye Dji Rew actuel. Le N'Deye Diambour représenterait assez bien le président d'un corps législatif. L'institution est de création relativement récente. Elle remonterait au début du « règne » d'Alpha Diol, lors de sa désignation en qualité de Serigne N'Dakarou. De vives compétitions se manifestaient entre Alpha Diol et Abdoulaye Diop. Le conflit devenait aigu. Pour le résoudre, Abdoulaye Diop s'est vu offrir et a accepté, la présidence du Conseil des « en compensation », Notables, qui appartenait jusqu'alors au N'Dèye eye Dji i Rew. L'Iman de la Grande Moquée, est à la fois chef religieux et juge supérieur. Il détient ce pouvoir, exorbitant, d'être appelé dans certains cas, à juger le Serigne. N'est-il pas étrange que, nommé par le Serigne, il puisse le condamner ? Le Borom N'Decki ou &orom pintch, assume assez sensiblement le rôle de maire d'une commune ou d'adjoint spécial dans une section de commune. Il a de plus, avec les notables, le rôle de Juge de Paix. C'est lui qui attribuera les emplacements sur lesquels doivent être construites les maisons (keur). Rien ne se passe dans le quartier ou le village sans son agrément. Il n'agit jamais seul. S'il y a un « Kilifat » dans le quartier, il ne décidera rien sans être entièrement d'accord avec lui. S'il n'y en a pas, il lui faudra être d'accord avec au moins deux Diambour'i Pintch'i. Le DtOM// est le délégué du Serigne pour les questions domaniales et pour la haute police. Il a un rôle qui tient beaucoup de celui des Lahmanes chez les Sérères. En principe, le Serigne peut avoir plusieurs Diarafïs un à Dakar, d'autres dans des villages de la périphérie. En fait, il n'y a jamais eu de Diaraff qu'à Dakar, les villages extérieurs ne s'étant soumis que pour lutter contre les Damels, à d'autres chefs qu'à ceux du village même. A Dakar, les attributions de DiaraN ont varié pour grandir. On a déjà vu qu'on discutait au Serigne le droit de le nommer. Il est même advenu que certain Diaraff ait convoqué chez lui les autres chefs de Dakar et les notables pour destituer le Serigne. Après quoi ce même Diaraff s'est donné le titre du Chef de la Collectivité Léboue. Cette tentative d'émancipation a avorté. On a pu reconstituer comme suit la liste de quelques Diaraffs Falla Latyr; Falla Fourou Eïssa Diagne Paye Mouri M'Bao M'Bao N'Doye (oncle de Gorgui Diop Kilifat de Sontiaba Falla N'Dième Paye (Pér6 de Assane Paye) Birama Codou M'Bengue M'Baye Wore Paye; Meissa Dieye; Farba Paye (mort le 22 octobre 1933). Le Saltigue est un second du Diaraff, surtout chargé des questions culturales (protection des champs contre les maraudeurs et contre les dévastations des animaux). Il est aussi, dans certains cas, chef de Guerre. Il peut exister plusieurs Saltigues. A l'imitation du Diaraff, et avec le même insuccès, le Saltigue a tenté de dépasser son rôle et a cru pouvoir parler au nom de la Collectivité Léboue, usurpant ainsi des attributions qui appartiennent au seul N'Dèye Dji Rew. Voici les noms de quelques Saltigues qui se sont succédés à Dakar Matia Gondia Thiaw; Dongo Diagne I; Matar Diagne; Abdou Diagne; Dongo DiagneII. Les Diambour'i N'Dakarou et N'Diambour'i Pintch'i participent au choix des chefs. Ils ont un rôle permanent de conseillers. Ils forment les assemblées délibérantes, sont très écoutés et sont, en fait, les maîtres de la Collectivité. Ils font et défont les chefs. Leurs avis sont toujours sollicités et presque toujours suivis. Les Diambour'i. Le Fercigne N'Der~ttfoH est le porte-parole des jeunes lébous auprès des autres chefs (Serigne excepté) et des notables. On est « jeune Lébou » tant qu'on n'est pas notable. C'est le Fereigne N'Dakarou qui, à la demande du Diaraff, et du Saltigué, appelle les « jeunes travaux aux des champs, et, en général aux divers travaux à effectuer en commun. C'est lui qui fixe le taux des compensations pécuniaires imposées à ceux qui ne répondent pas à son appel. Ces ressources vont à une caisse de secours mutuel. · Une organisation similaire, groupant les jeunes gens, existe dans presque tous les villages de la Presqu'île, mais absolument indépendante de celle de Dakar. Elle est très active à N'Gor et à Thiaroye sur mer. Dans ce dernier village, elle porte le nom d'AM~o~ne. Une caisse commune est constituée qui est alimentée par le produit d'une ou deux journées de pêche par semaine et par les compensations pécuniaires, souvent très fortes, exigées des membres défaillants. Les fonds rassemblés servent en rtie au paiement des impôts. Tout ceci est forcément schématique. Ces indications représentent cependant assez com- plètement l'organisation des Lébous de la Presqu'île du Cap-Vert jusqu'à notre installation effective à Dakar, il y a 75 ans, et en esquissent l'évolution. L'organisation initiale a longtemps subsisté intégralement, puis s'est peu à peu modifiée. Actuellement les titres demeurent, certes, et les Lébous ne sont pas près de les laisser disparaître. Mais ils gardent surtout un sens honorifique. Ceux qui les portent conservent une grande influence. Ils sont presque toujours chefs d'un quartier. Leur prestige tient beaucoup plus de cette fonction, de la naissance, des qualités propres du titulaire que d'attributions, qui sont devenues à ces échelons de la hiérarchie léboue, assez imprécises. Il en va de même pour le Saltigué. Si la Société léboue, comme son organisation coutumiére évoluent avec le temps et à notre contact, il serait vain de redire toute l'importance que les occupants de la Presqu'île du Cap-Vert attachent à une tradition dont ils sont fiers. C'est pour eux le sujet favori des palabres du soir, sur le Pintch, que de rappeler un passé qui n'est pas sans gloire. Croyances et Coutumes religieuses chez les Guerres et les Manons de ta Guinée Française par le Capitaine DUFFNER « Les Nègres africains offrent ce spectacle doute unique au monde, de toute « une race n'ayant jamais eu à compter f< que sur elle-même pour progresser et « n'ayant rien reçu de l'extérieur, ou en « ayant reçu autant de ferments de régresf sion que d'éléments de progrès, sinon plus. Aurions-nous fait mieux qu'eux si nous nous étions trouvés dans la [< même situation ? xn (Maurice DELAFOSSE, Les Noirs ct'WgtM). « sans t< t< INTRODUCTION s'applique encore avec opportunité aux Noirs Africains de la forêt dont « l'isolement dans lequel des barrières naturelles ont enfermé trop longtemps l'habitat, a fait, par rapport aux Européens plus favorisés, des arriérés ou plus exactement des attardés a. (Maurice DELApossE, même ouvrage) Autant f( attardées » que puissent paraître aux yeux de l'Européen les coutumes indigènes, il n'aura garde d'oublier qu'elles sont, de religieuses et rituelles au début, devenues insensiblement la véritable expression d'un milieu social parce que ce milieu, trop longtemps isolé, n'a pu compter que sur lui-même, en léguant de génération en génération le fruit de l'expérience des générations disparues. Et c'est en remontant, jusqu'à leur source même, Ce jugement le courant des coutumes religieuses et rituelles que l'on pourra retrouver, dans le fond social, original, la véritable expression de la race. Dans cet esprit est conçu l'essai suivant sur les coutumes des Guerzés et des Manons, peuplades primitives autochtones de la région forestière guinéenne. Il étudie très objectivement La croyance Ceux qui la transmettent en l'entretenant Ses manifestations; Un cas particulier des coutumes rituelles l'initiation en forêt qui déborde du cadre de la croyance pour influencer l'organisation sociale Et, enfin, la puissance actuelle de la croyance, le sens à donner à notre action éducatrice pour, qu'insensiblement, elle soit modificatrice. Puisse cette étude ne pas paraître trop vaine, si elle permet d'approfondir les mobiles réels de nombreux agissements de l'indigène dans les domaines politique–social–privé, en les situant dans le cadre de sa société primitive de forêt. CHAPITRE PREMIER La Croyance. Le Culte. Leurs Sucoe<!anes Pas de Dieu. Quelques rares traces de déisme non explicables d'ailleurs. Guerzés et Manons sont animistes. Ils croient à une survie en tous points semblable à la vie terrestre. L'esprit détaché du corps après la mort quitte le milieu où a vécu le défunt et se rend dans un autre monde, non situé, où il reprend une vie semblable à sa vie terrestre précédente. Cet esprit, détaché du corps, s'appelle « Nyoma &. Il vit dans le « Nyomata » (1). La croyance guerzé ou manon, admet La réincarnation un nyoma peut revenir dans une personne humaine, à la naissance de cette personne, dans l'intention de récompenser la famille. Les revenants les nyoma, non encore parvenus au nyomata, reviennent errer sur terre. Personne ne voit les revenants, mais les sorciers leur parlent. Un mot sur le nyomata ce séjour n'est ni enfer, ni paradis. Y revivant leur vie terrestre, les esprits retrouvent dans le nyomata les mêmes joies, souffrances, punitions, chagrins, récompenses qu'ils ont éprouvés sur terre. Ils y retrouvent aussi les mêmes haines, les mêmes désirs, les mêmes passions. Le nyomata offre un point de commun avec les religions anciennes le marigot (ruisseau) que l'esprit doit franchir avant d'entrer dans le nyomata où il ne parvient pas aussitôt après la mort (2). Ainsi les croyances guerzé et manon sont uniquement basées sur le souvenir des esprits des morts ou nyoma. L'origine de cette croyance n'est pas explicable. Elle semble toutefois avoir quelques tenants avec la façon dont Guerzés et Manons expliquent leur origine. Voici la tradition que j'ai recueillie de vieillards des deux races Le premier Guerzé connu s'appelait Niama (vraisemblablement esprit.) Descendu du ciel, il s'est trouvé dans le Nord de ce qui est actuellement le Cercle de N'Zerekore, au sud-est de Boola. Un jour, étant parti à la chasse, il rencontra une femme nommée Gama. qui était vêtue de peaux de bêtes. Cette femme le conduisit dans sa tribu, les N'Gueres, pense-t-on, qui occupaient la région Est du Cercle actuel, voisine de la Côte d'Ivoire. Après y être resté quelque temps, il repartit vers le Nord, emmenant sa femme et ses enfants. Ce serait là l'origine de la race Guerzé qui, il y a trois siècles, effectua un exode l'amenant, en lutte contre les Tomas à l'Ouest et les Manons au Sud, à occuper l'énorme territoire qu'elle détient actuellement. Guerzés, les Manons prétendent venir « Comme les du ciel. Le premier Manon connu serait tombé du ciel, au sud de Boola, sur la montagne appelée Sango. Les points de chute du premier Guerzé et du premier Manon voisinent donc. Le créateur de la race s'appelait Bame on ne sait pas comment, ni d'où la femme est venue. Lorsque la famille fut assez forte, elle descendit vers le Sud. Jusqu'au Mani, la pays était désert. Elle l'occupa. Comme on le voit, les origines Guerzé et Manon sont communes, très certainement. Il est même fort probable que le Manon est la race autochtone, bien que les dialectes diffèrent. Le terme Manon, employé par nous, n'est d'ailleurs que la déformation du nom véritable de la tribu Malou qui signifie « médecin, sorcier Guerzés et Manons admettent donc le principe d'un être supérieur dont découlerait la race par suite de mariage avec une race ou une tribu étrangère. Les fondateurs et leurs fils, ayant lutté et appris, ont transmis leurs connaissances à leurs enfants. De là, serait venue « la vénération pour les ancêtres, connus seulement par leurs esprits retournés dans le lieu d'origine du premier de la race, Niama », venu sur terre pour fonder la soit tradition, la par dans confusion Soit par race. besoin normal de vénérer les « premiers dont l'expérience leur ait profité, soit également pour pouvoir expliquer ce qui restait caché à leur connaissance, les descendants ont vénéré les premiers esprits et, par la suite en général, les esprits des morts. Cette interprétation me semble logique. Je la laisse à l'appréciation. Toujours est-il que la croyance repose sur les « nyoma » ou esprits des morts et que le culte en découlant, religion de l'affection au début, est devenu une véritable religion de la peur, ne laissant qu'une très petite part à l'affection. Il a pour but essentiel de protéger le vivant contre le mal que peuvent lui faire les esprits auxquels tout est rapporté, ou, ce qui revient au même, de se concilier leurs bonnes grâces. Tous les esprits de tous les morts sont craints. Le culte n'est rendu qu'aux morts de sa propre famille, sauf dans certaines occasions communes et déterminées. Les autels bien primitifs du culte sont Le fétiche, soit individuel, soit de famille, soit de village. En général, c'est un arbre d'espèce indifférente, mais ayant une caractéristique spéciale malfaçon de nature, excroissances, énormes racines, ou situé dans un endroit remarquable, retiré ou sauvage, au milieu de rochers ou dans un marigot. Cet arbrefétiche est toujours désigné par le sorcier. Le gri-gri fétiche, fétiche portatif. à la fois gri-gri et fétiche, sur lequel se fait le sacrifice à la noix de kola, mâchée et crachée sur le fétiche. Il en existe de nombreux et variés. La forme la plus secrète est le masque, représentation de figure humaine, matérialisant l'esprit. Ce masque est de petite taille. Il existe de très nombreux et variés autres gris-gris-fétiches. Ces autels auront pour compagnons, les représentants des inévitables superstitions exploitées avec art par les sorciers. Les plus courants sont etc. Les gris-gris, objets de toute nature et forme, portés sur l'individu, sont achetés'au sorcier-fabricant. Les uns protègent pour tout, les autres pour une destination définie. Il y a des gris-gris pour obtenir des enfants, se protéger de la maladie, obtenir de belles récoltes, réussir en affaires, acquérir du renom, pour se protéger des sorts, des voleurs, etc. Il en existe même pour porter chance aux voleurs. Les sorts, jetés par un sorcier. Ils exercent un maléSce enlevant à l'homme un organe vital quelconque (en général le cœur). Le sorcier, qui a jeté le sort, est censé manger l'organe enlevé par le sort: d'où mort. En réalité, la mort est très souvent amenée par un poison administré adroitement par le sorcier. Au nombre des sorts, on peut compter la très curieuse malédiction que jette à sa femme adultère un mari qu'elle a quitté pour aller vivre sous forme de mariage plus ou moins régulier chez un autre homme. L'effet de la malédiction est que la femme n'aura jamais du nouvel homme un enfant restant en vie. Le fait se produit réellement. J'ai, personnellement, réglé une affaire semblable dans laquelle une femme avait déjà perdu deux enfants de trois à six mois. Je n'ai pu en trouver la cause, ni faire la preuve de poison administré. Toujours est-il que la malédiction ne peut prendre fin que si son auteur accorde le pardon accompagné d'une cérémonie au cours de laquelle il jette de l'eau sur les jambes et les cuisses de la femme en prononçant les paroles qui annulent la malédiction. On se protège contre les sorts par les gris-gris ou par les sacrifices. La divination, réalisée par les sorciers-devins auxquels on s'adresse pour n'importe quoi. Les devins rapportent toujours leur réponse à une demande d'esprit irrité ou insatisfait auquel il faut offrir un sacrifice. Tels sont rapidement indiqués la croyance (esprits) et sa'matérialisation (fétiches), auxquelles s'a joutent des succédanés (gris-gris, sorts, divination). Ces derniers, superstition pour nous, sont chez l'indigène des inséparables de la croyance. Il leur fait autant confiance qu'à la croyance elle-même. CHAPITRE II LesSorc!ers La croyance fétichiste n~est pas enseignée. Vivant dès sa naissance dans cette croyance, l'indigène la contracte parce que celle du milieu où il évolue. ne l'abandonnera plus qu'il soit islamisé ou christianisé, il garde au fond du cœur la trace profonde de sa croyance primitive, dont il continue souvent les pratiques. Si le fétichisme n'est pas enseigné, il est tout au moins indiqué et entretenu par les sorciers. Ceux-ci ont un nom différent suivant leur occupation Devins Touloupouemou, divinateur par l'huile bouillante Nian Pouemou, divinateur par le sable. Féticheurs Zogonou homme qui est Zogo. Zogonean, femme qui est Zogo. Danseurs Niamou, homme qui danse (danser nian, nia). Que sont ces différentes « professions », en réalité « exploitations ? » 10 Devin. Personnage important dans la vie indigène. Est censé causer avec les morts. Le devin est consulté pour tout événement. Il indique les sacrifices à faire pour apaiser les esprits. Quelquefois, le devin connaît quelques soins. 20 Fe~eAgur. Par abréviation, zogo. Celui-là est redouté, Maître. de la croyance que ses ancêtres ont créée, car le titre de sorcier est héréditaire de père en fils. Il peut aussi s'acheter (assez rarement). Les zogomous sont guérisseurs, tatoueurs et initia- teurs. Ils président la circoncision et le tatouage, pour lesquels ils ont des aides et se contentent de soigner les plaies. Leur domaine est la /or~ sacrée, Ils sont sous la dépendance du chef du pays (chef de canton ou de village) auquel ils obéissent, mais qui les craint. La zogo-néan, zogo-femme, a des attributions semblables à celles du zogomou. Elle est également très crainte. Zogo-néan n'est pas un état héréditaire. Si un zogomou peut avoir pour femme une zogo-néan, cas très rare, la zogo-néan est toujours mariée à un homme quelconque. Zogonou et Zogo-néan n'ont ni habillement spécial ni masque. Quelquefois la zogo-néan porte une baguette. Zogomou et zogonéan sont connus à l'intérieur du village. Il n'y a que leurs opérateurs qui ne soient connus que des 3° Danseurs. Niamous. Ils sont de plusieurs sortes; sur échasses ou non. Tous portent le masque rituel, soit en bois, soit en fibres de palmier tressées. Ils effectuent les danses rituelles qui ne devraient être dansées qu'à la mort d'un chef, d'un zogomou influent ou après une guerre. A l'heure actuelle, ce sont des baladins qui parcourent le pays, paraissant aux fêtes pour y gagner. Autrefois, les indigènes croyaient que c'étaient des diables venant d'une montagne sacrée~ Aujourd'hui, tous savent que ce sont des hommes déguisés. Toutefois, les niamous impressionnent encore, tout en amusant. Une particularité les niamous sur échasses parlent d'une voix stridente qui a pour objet d'imiter le bêlement du mouton. Il faut y voir l'appel au sacrifice ou à la générosité publique, les niamous symbolisant des esprits et le sacrifice se faisant le plus couramment en immolant un mouton. Le métier de niamou s'apprend en forêt sacrée chez le zogomou. Après ce stage, le niamou est indépendant, mais il fait de fréquentes cadeaux au zogomou qui reste, en somme, son régisseur. Le niamou dépend, comme le zogomou, du chef du pays. Devins, zogomous et niamous sont, comme je l'ai précédemment écrit, des exploiteurs de la crédulité publique à des titres difFérents Le devin est un farceur sans danger qui procure des clients au zogomou. Le niamou est un baladin à surveiller, car il a la connaissance des poisons appris du zogomou. Le zogomou est un homme dangereux, détenteur de secrets et de poisons redoutés. CHAPITRE m Les Manifestations des Croyances En dehors des pratiques de sorcellerie (devins, grisgris et sorts), il existe un culte rudimentaire rendu aux esprits ou à leur matérialisation (fétiches) sous la forme 'de sacri fices. Le sacrifice consiste dans l'offrande de vivres cuits, tels que riz, de fruits (kolas) ou de bêtes égorgées (bœuf, mouton, chèvre, poulet) faite à un ou plusieurs esprits avec une intention. Le sacrifice humain (captifs de guerre) se faisait sur la montagne-fétiche où le village situe ses morts, ou dans une rivière ou un lac-fétiche. Les captifs étaient attachés, puis précipités ou noyés, jamais égorgés. On peut estimer à quarante ans environ le laps de temps depuis lequel les sacrifices humains se pratiquent plus. Les sacrifices humains ont été confondus avec les crimes commis sous couvert de r[<ua~me qui, eux, avaient pour mobiles reefs: l'anthropophagie ou. la vengeance. A l'appui de cette déclaration, je peux citer le fait suivant existe en Libéria, depuis très longtemps, une Société secrète. A l'origine, cette société était composée de membres pratiquant l'anthropophagie. Comme signe de reconnaissance, les membres possédaient une sorte de gri-gri appelé Bogui. La société a dégénéré et est devenue une association de voleurs. Le signe de reconnaissance subsiste. II est devenu Bogui, gri-gri pour voleurs. Cette association a des ramifications depuis une quinzaine d'années en territoire français. « II Et cet autre fait tiré de la tradition Manon manquèManons d'une les Un jour, guerre, cours au « rent de vivres. Ils eurent ridée de manger un de leurs prisonniers. Ayant trouvé bonne la chair humaine, ils continuèrent et, par la suite, mangèrent leurs morts. Ils déclarent que c'est à leur contact que les N'&uere de Côte d'Ivoire devinrent anthropophages. Ils se défendent actuellement de manger leurs morts. Bogui, signe de reconnaissance d'une Société d'anthropophages, n'est pas plus rituel que la pratique, aujourd'hui éteinte, des Manons de manger leurs morts. L'anthropophagie n'existe plus depuis une vingtaine d'années. En revanche, rien ne permet d'affirmer que le crime commis sous prétexte rituel, pour servir une vengeance, ait disparu. Notre administration l'a rendu très rare. Il convient d'ajouter que si un sorcier (Zogo) commet un crime rituel, personne ne le dénoncera, alors que tous le savent. Ce n'est que beaucoup plus tard, 4 à 5 ans après au minimum, et au hasard d'une enquête quelconque, qu'un bavardage fera surgir le fait ou bien une dénonciation qui vise une personne autre que le sorcier (souvent le chef du pays devenu impopulaire). Le sacrifice se pratique En commun, lors de mauvaises récoltes, d'épidémies, de tous événements atteignant la communauté. Il a lieu à la rivière, à la montagne ou au lac-fétiche, ou encore dans la case-fétiche du village (cette dernière est celle où est enterré un mort renommé ou, à défaut de son corps, son meilleur gri-gri). Pour le sacrifice, le sorcier égorge soit un mouton, soit une chèvre. Quelques parties molles, comme le foie, sont jetées sur le fétiche. Puis la viande est cuite avec du riz. L'on vient jeter sur le fétiche quelques poignées de riz contenant la viande cuite. Le village mange le reste. Dans la vie de l'individu, à l'occasion de certaines circonstances déterminées et, dans tous autres cas, détermi~ l'indication du devin. sur Les circonstances nées sont Avant le mariage, pour que l'entente règne dans le futur ménage. Le jeune homme fait un sacrifice lorsqu'il est agréé la jeune fille le fait lorsqu'elle est de- mandée. Pendant la grossesse, pour que la femme ait un bon accouchement. Après l'accouchement, pour que la femme ait de bonnes relevailles. A la mort, après trois jours de deuil (temps pendant lequel l'esprit du défunt erre avant de pouvoir entrer au nyomata), le sacrifice se fait sur la tombe du défunt. Il ne comprend que riz et huile de palme jetés sur la tombe. Ces vivres sont supposés utiles à l'esprit du défunt pour lui permettre de franchir le marigot qui sépare le nyomata du monde extérieur (Voir note sur les funérailles en fin du présent chapitre.) A titre d'exemple, voici une circonstance non fixe de la vie où se fait le sacrifice rêvé d'un parent défunt, c'est signe que « Si l'on a son esprit pense à sa famille et que sa famille l'oublie. On se rend chez le devin lui dire le rêve et lui demander de l'expliquer. Le devin repasse avec le consultant les différentes circonstances ayant trait au mort dont l'esprit s'est manifesté pendant le sommeil. En conclusion, il conseille un sacrifice dont le but votif est à l'intention de l'esprit et dont l'accomplissement et le profit reviennent à son compère le sorcier zogomou. » Le sacrifice comprend toujours une partie offerte à l'esprit la plus petite. L'autre partie est mangée par la famille ou l'individu. Lorsque le sacrifice est pratiqué par toute la famille, on invite souvent les meilleurs amis du mort auquel est destinée l'intention. Ainsi, malgré l'inévitable source de profit qu'elle représente pour le sorcier, cette pratique prend son point de départ d'une idée pieuse et touchante elle représente en fait une sorte de communion matérielle et de souvenir avec les morts. Enfin, il existe des coutumes rituelles dénommées circoncision (hommes) et excision (femmes), initiation (hommes et femmes) avec tatouage (hommes). L'application de ces coutumes a lieu dans les toréts sacrées avec sacrifices préliminaires et postérieurs, ce qui les rattache directement à la croyance. L'ensemble est traité dans la deuxième partie de la présente étude en un exposé détaillé, observation directe des coutumes les plus importantes de la vie du Guerzé et du Manon, coutumes qui régissent en fait leur société primitive de forêt. Ayant précédemment établi sur quel fonds repose la croyance indigène de forêt, je chercherai à démontrer comment, subordonné par avance à l'accomplissement des rites sacrés, l'indigène devient un élément constitutif de l'organisation primitive dont il ne cessera, toute sa vie durant, de dépendre étroitement. NOTE SPÉCIALE SUR LA MORT ET SES RITES Dès la mort survenue, la cérémonie des pleurs est obligatoire, principalement pour le décès des femmes. La famille et les femmes du village y Décès. prennent part. Quelques rites spéciaux ont place entre la mort et les funérailles, pour les hommes. Le guerrier. Le corps est gardé de 1 à 3 ans enterré dans la case du défunt il est placé sur un tara et déposé dans une fosse creusée dans le sol de la case, puis la fosse est remplie de terre. Du feu est fait sur l'emplacement pendant tout le temps où le corps reste ainsi. Il est défendu d'annoncer le décès qui n'est pas pleuré, 11 est seulement dit que le guerrier est malade. Pendant toute cette période, les neveux du défunt le veillent, étant les seuls à pénétrer dans la case.'Les neveux sont exclusivement ceux de la branche femme sœurs du défunt. Les femmes font la cuisine et envoient des aliments aux neveux pour leur mari malade. Les obsèques ont lieu l'année où le chef de famille fait une bonne récolte, c'est-à-dire où il a toutes les provisions pour les sacrifices,' la poudre pour donner aux guerriers qui viendront mimer la guerre, etc. Le chef. Même processus que pour le guerrier. Le Sorcier. Personne ne vient toucher le corp3 On attend la venue d'un autre sorcier, appelé pour la circonstance, qui lavera le corps, décidera de quel fétiche est mort son confrère et aspergera la case avec de l'eau jetée au moyen d'un goupillon fait de branches de plantes spéciales. Cette aspersion a pour but de chasser ou bien les mauvais esprits, ou bien la puissance du défunt. Après on procéde aux funérailles. D'abord, les condoléances famille et Obsèques. amis viennent Oh, les femmes pleurent, criant «ma mère (en guerzé « é ké né »). Chacun, femmes ou proches parents, parle au mort. Puis il est enterré (après avoir été déterré dans le cas susvisé d'un chef ou d'un guerrier). Enroulé dans une couverture, le corps est attaché dans la position accroupie, puis entouré de nattes. Il est ainsi placé dans la fosse dans la position assise. Les tombes sont, en général, situées sur le bord des routes. Les notables et les chefs sont souvent enterrés au milieu de leur carré dans leur village. Cette tombe est entourée de gros cailloux plats. Les hommes viennent par la suite s'y assoir pour causer en buvant du bangui' dont ils versent quelques gouttes sur la tombe. Les hommes sont enterrés par les hommes, les femmes par les femmes, les enfants des deux sexes par les hommes, sauf dans le cas d'avortement, où l'inhumation est faite par de vieilles femmes. Suivant la fortune des héritiers, on tue bœufs, moutons, volailles, en sacrifices. Les bêtes sont ensuite mangées en festin par les parents et les amis. Le mort a sa part sous forme du sang des victimes versé sur sa tombe et de poignées de riz contenant quelques morceaux de viande jetés sur la tombe. Pour les chefs et les guerriers, la fête se poursuit par des coups de fusil et des danses guerrières, le tout accompagné de bangui. Elle se termine en gaieté et en beuverie en l'honneur du défunt. .F<Mes suivant les obsèques. Suivi plutôt comme défense contre l'esprit du mort. Ses parents proches, sur conseils du sorcier, font de nombreux sacrifices offrandes, riz, poulets, objets usuels, tels que cuvette, seau, canon de fusil, etc., placés sur la tombe à l'endroit de la tête. Le but est de s'attirer la bienveillance du mort et d'éviter qu'il ne vous poursuive, soit dans le sommeil (rêves), soit dans la vie courante (maladies, accidents, mauvaises récoltes). Un usage très curieux de ce culte Très souvent, il m'a été donné de remarquer des kolatiers plantés sur des lieux d'inhumation. Après renseignements pris, j'appris que le fait était voulu un accident arrive dans une famille, les aifaires ne vont pas, un membre de la famille rêve d'un défunt récent. Le sorcier consulté décide que l'esprit du mort est insatisfait parce que l'on n'a pas fait de sacrifices suflisants pour ses funérailles ou bien par ce que 1 on ne lui en a plus fait par la suite. En sacrifice expiatoire est plantée une noix de kola sur la tombe à l'endroit de la tête. L'esprit du mort est satisfait. Il en résultera du bonheur pour la famille Culte des morts. CHAPITRE IV Les Forêts sacrées En forêts sacrées s'effectuent deux stages importants de la vie de l'indigène a) Circoncision, qu'il sait être une césure d'hygiène. Excision, dont il ne connaît pas ou n'avoue pas le but. b) Initiation pour hommes ou femmes. L'initiation des hommes revêt le caractère d'une formation dans tous les domaines, excepté celui des croyances. Moins importante pour les femmes, elle revêt également le même caractère. I. CIRCONCISION ET EXCISION Pour l'une comme pour l'autre, il n'y a pas d'âge fixe. Un père peut faire circoncire son fils dès la naistrès rarement, et chez les Manons seulement, sance on trouve des hommes non circoncis. Pour les nouveaunés, seulement, la circoncision a lieu dans la case. Pour les femmes, il y a chez les Manons encore, et seulement depuis notre occupation, un certain nombre de non excisées. En revanche, elles seront impitoyablement excisées après leur premier accouchement, sitôt que la matrone-accoucheuse aura constaté que la femme n'est pas excisée. Qu'il me soit permis d'insister en spécifiant que l'opération a lieu dans la case et sitôt après l'accouchement. En dehors de ces cas d'exception, se pratiquent en foet sacrée La circoncision de l'âge de 4 à 10 ans. L'excision de l'âge de 7 à 15 ans. Pour l'une comme pour l'autre, la chose est décidée entre les chefs de famille, puis soumise au chef de village et au chef de canton pour approbation. Lorsque le chef de canton a sanctionné la demande, le village fait choix du sorcier (Zogo) pour la circoncision et de la sorcière (Zogonean) pour l'excision. Dans le cas où le village n'en posséderait pas, il est fait appel aux offices des sorciers d'un autre village. L'emplacement de la forêt sacrée a été désigné par le chef du pays (chef de canton) sur proposition du chef de village. Tous ces détails arrêtés, les cérémonies ont lieu. Elles diffèrent pour l'un et l'autre cas Circoncision Au jour convenu, les enfants sont conduits en forêt par le zogo qui prend à partir de ce moment le nom de enfants peuvent assis« niamou ». Femmes, hommes et ter au départ qui a lieu de très bon matin. L'emplacement de circoncision a été choisi (en foret), en général assez près du village (à 100 mètres). Les enfants y sont circoncis dès leur arrivée. Le sorcier n'opère pas, ayant pour ce travail un aide dressé (forgeron, homme adroit) il vérifie l'opération et soigne en versant sur les plaies le jus d'une décoction cicatrisante de plantes de forêt, préparée par lui à l'avance. Le sang cesse de couler au bout d'un quart d'heure à une heure. Chez certains sujets, l'hémorragie peut durer une journée. En tout cas, personne ne s'occupe de l'arrêter sauf le sorcier, qui reverse de sa décoction, s'il le juge utile. 7! est le seul maître des sotns. Après la circoncision, les enfants restent en forêt toute la journée. Ils en sortent le soir pour regagner le village et leurs familles où ils resteront désormais. Revenons-en au village. Celui-ci est en fête depuis la veille au soir: grand tam-tam, coups de fusil jusqu'à une heure avancée de la nuit. A partir du moment où les enfants sont entrés en forêt, chaque famille fait un grand repas auquel sont conviés les amis des villages voisins. Toute la journée, coups de fusil et nombreuses danses. Au sortir des enfants de la forêt, le rassemblement a lieu sur la place du village où le zogo et ses surveillants les font s'asseoir en lignes sur plusieurs rangs, chaque enfant ayant pris place sur une natte neuve. Ils reçoivent à ce moment Les cadeaux de leurs parents et amis qui sont venus les prendre à la sortie de la forêt avec tams-tams, chants, danses, coups de fusil. Les cadeaux ne sont pas destinés aux enfants, mais au zogo à qui ils sont remis par ses aides. Le zogo ne se tient pas près des enfants. Mais à l'écart de tout le monde. Les cadeaux consistent en nattes, kolas, boubous, argent (assez peu) et beaucoup de riz. Quand la cérémonie des cadeaux est finie, chaque enfant est conduit à sa famille par le surveillant qui lui a été désigné par ses parents. La fête est terminée. Elle peut continuer pour ceux qui le désirent. En tout cas, elle est obligatoire depuis la veille au soir'jusqu'au moment ou les enfants sont remis à leurs parents. Le sorcier ne s'occupe plus des circoncis, même pas pour le rite du lavage qui a lieu le huitième jour. Ce jour-là, chaque enfant est conduit au marigot par son surveillant qui lave la plaie couverte d'un caillot de sang depuis la circoncision. Le premier lavage est seul rituel; les autres se font à la volonté des parents. La plaie est cicatrisée au bout de 15 à 20 jours. Il n'est fait appel au sorcier que dans le cas où une plaie tarde à se cicatriser ou s'infecte. Quelques détails supplémentaires Habillés de boubous ordinaires, lorsEnfants. qu'ils entrent en forêt, ils passent la journée nus. Au sortir de la forêt, ils revêtent leurs plus beaux habits et se couvrent de bracelets ou de colliers que les femmes de leur famille ou des amis leur prêtent. Surveillant. Un par enfant ou par plusieurs enfants, choisi par la famille accompagne l'enfant en forêt et le tient.pendant l'opération. Ensuite il lui sert de commissionnaire avec la famille dans le courant de la journée passée en forêt. Il remet au sorcier les cadeaux faits par la famille et les amis; il en reçoit une petite part (du sorcier). Les parents lui font un cadeau spécial. Pendant huit jours, il rend visite à l'enfant dont il rituel. ne s'occupe plus après le lavage Tous les circoncis peuvent assister à la Famille. circoncision. N'y sont pas admis les non-circoncis et les femmes. En général, la circoncision donne de l'anxiété de réussite la sacrifices des font qui pour familles aux l'opération, à partir du moment où l'opération a été décidée, puis la veille et même encore dans la journée lorsque le circoncis est sujet à hémorragie prolongée. Les sacrifices se font aux esprits des morts et, naturellement, sur intervention du devin. La famille fait porter à manger à l'enfant en forêt par l'intermédiaire du surveillant. les A la responsabilité de l'opération Sorcier. hommes de la famille y assistent en général et surveillent les soins donnés. Il lui est assez facile de se défendre d'une maladresse en attribuant l'insuccès soit à des sacrifices mal faits par la famille, soit à l'oubli de tel mort ou tel fétiche, soit à de mauvaises pensées, soit à une mauvaise conduite de l'enfant, etc. L'instrument est une lame tranchante affectant la forme d'une lame de rasoir droit. L'enfant est accroupi jambes écartées, les mains tenues serrées aux genoux par son surveillant qui se place derrière lui. Aucune stérilisation, aucune désinfection la même lame sert à la file. Soins uniques aspersion de la plaie par la décoction cicatrisante et lavage à partir du huitième jour. Opération. Excision Il est assez dimcile de fournir des détails sur l'opération elle-même. Les femmes et même les toutes jeunes enfants excisées n'en causent pas, par peur de la vengeance de la sorcière-matrone, future accoucheuse. Les hommes n'assistent pas à l'excision d'une femme nouvellement accouchée, pas plus qu'ils n'assistent à l'accouchement. On suppose que l'opération et les soins se font exactement comme pour la circoncision. Le lavage a lieu également le huitième jour. Quant aux instruments, contrairement aux hommes de qui on peut en voir et en acheter, les femmes-matrones les cachent soigneusement. Il y a des surveillants à l'excision comme il y a des surveillants à la circoncision. La fête commence dans le village la veille au soir et se poursuit dans la journée, comme pour la circoncision. Les enfants sont conduites en forêt (située près du village également de très bonne heure le matin, afin que les hommes ne les voient pas. C'est absolument d~e~du. Un homme qui aurait vu serait supprimé poison ou autre. Afin d'empêcher les méprises, le convoi est accompagné de vieilles femmes qui chantent, en secouant un instrument formé d'une courge remplie de noyaux ou de petites graines. Dès l'entrée en forêt a lieu l'excision. Tout ce que je puis affirmer de certain, c'est que l'opération est faite dans de réelles conditions de sauvagerie (elle est cependant assez douloureuse en elle-même), sans insensibilisation, à tel point que des filles s'échappent de la forêt pour ne pas la subir. Elles sont d'ailleurs rattrapées par les matrones auxquelles personne ne peut s'opposer et ramenées ligotées en forêt. Pendant l'excision, les matrones chantent, afin que ne soient pas entendus les cris des patientes. Les enfants restent toute la journée en forêt. Comme les garçons, elles sont entrées en forêt vêtues de leurs pagnes et boubous habituels. Très tard dans la soirée, alors qu'il fait nuit, elles sont conduites dans le village où elles couchent dans une ou plusieurs cases, spécialement réservées à côté de celle de la sorcière. Les surveillantes couchent avec elles. Contrairement à ce qui se passe pour les garçons, le village ne vient pas au-devant d'elles pour les recevoir. En effet, à partir du moment où elles sont excisées, les filles rentrent en initiation, alors que pour les garçons l'initiation est un stage séparé de la circoncision. Le fait est normal, une fille étant réputée mariable à partir du moment où elle est excisée. La fête de sortie est reportée à l'expiration du stage d'initiation. Les excisées passeront ainsi chaque nuit au village pour rentrer chaque matin en forêt y passer la journée. Les mêmes précautions continuent à être prises pour chaque départ et chaque rentrée. Elles n'empêchent pas toujours les grandes d'aller retrouver leur amant la nuit (complicité de la surveillante). Une différence avec la circonsision la sorcière continue donc de s'occuper des soins des opérées qui, pendant tout le stage, gardent leurs surveillantes. Ces dernières vont fréquemment les voir en forêt. On conçoit donc aisément que l'excision initiation soit très coûteuse pour les familles. Se reporter au paragraphe « Initiation-femmes ». II. L'INITIATION Stage de formation effectué en forêt séparément par hommes et femmes, il durait autrefois 5 à 7 ans pour les hommes. 4 à 5 ans pour les femmes. Depuis que les conditions économiques de vie ont changé, depuis que les recrutements ont pris des jeunes gens, le stage a été diminué de durée, afin de permettre aux villages de récupérer des travailleurs. Il est actuellement de 2 à 3 ans pour les hommes. 1 à 2 ans pour les femmes. L'âge de rentrée en initiation est de 12 à 20 ans pour les hommes. 7 à 15 ans pour les femmes. Les mêmes formalités précèdent la fixation de l'époque d'initiation et le choix de la forêt comme pour la circoncision. Pour les femmes, ainsi que nous l'avons vu, les mêmes sorcières pratiquent excision et initiation. Pour les hommes, les sorciers d'initiation peuvent différer des sorciers de circoncision. La forêt d'initiation est, pour les femmes, celle de leur excision. Pour les hommes, elle diffère de la forêt de circoncision. A. INITIATION DES HOMMES La veille du jour où commence l'initiation, le village fait exactement la même fête que pour la circoncision. En revanche, elle peut durer jusqu'à une semaine. Le jour de rentrée en forêt, les jeunes gens, de très bonne heure, quatre heures et demie, ou cinq heures, sont conduits au lieu sacré en forèt sacrée par le zogomou et ses aides (1). Les aides sont les « musiciens sacrés», à la solde du sorcier, hommes travestis qui passent pour des esprits familiers du sorcier, chargés de l'accompagner. Ces musiciens sacrés, ou « hognon x, jouent soit d'un sifllet à un son (sorte de corne de biche taillée en biseau), soit d'une sorte de canari en terre dont le son ressemble à un mugissement de bœuf. Tous ces bruits sont destinés à avertir les non initiés, afin qu'ils ne se trouvent pas sur le passage du cortège. Une femme qui verrait un « hognon )) serait immédiatement supprimée par un poison violent qu'on lui ferait prendre de force. Dès la rentrée en forêt commence l'initiation, qui est déclarée autorisée par le Zogomou (sorcier guérisseur ou empoisonneur). Elle comprend le tatouage et l'initiation proprement dite. La forêt sacrée Examinons le lieu choisie d'un commun accord entre le village et le chef de canton, elle débute à proximité du village (200 à 300 mètres) et s'étale sur une énorme bande de terrain, le plus souvent large de 2 à 3 kilomètres sur 6 kilomètres de profondeur. Il n'y a qu'une entrée, celle qui se trouve à proximité du village. La forêt sacrée y est indiquée par une sorte de haie en raphia tressé, plus ou moins ornementée, dans laquelle sont aménagées deux entrées cachées. Elle comporte plusieurs débouchés indiqués (en général 3) qui servent aux sorties en promenade des jeunes gens et qui sont réservés aux habitants de la forêt sacrée. Ne peuvent entrer que les initiés. Un non-initié peut venir se présenter pour être initié. Sur tout le pourtour de la forêt est réservée une zone interdite aux non-initiés d'environ 1 kilomètre de large. Tout non-initié pris dans cette zone est immédiatement mis à l'initiation. D'ailleurs les sorciers ont coutume de placer des postes de guet (composés de jeunes gens en stage) sur les points de passage situés dans la bande interdite, afin d'y capturer les non-initiés. Cette coutume s'appelle la « chasse des niamous M. Autrefois, elle était poussée beaucoup plus loin, la chasse étant effectuée sur n'importe quel terrain (sauf les villages). Elle est actuellement limitée à la zone interdite, laquelle, ainsi que les limites de la forêt sacrée, a été « criée » dans les villages avant ouverture de la forêt. Lorsque les jeunes gens sont rentrés en forêt sacrée, ils sont dits « dans le ventre du niamou ». Ils ne ressortent du ventre du niamou qu'à leur sortie de forêt, d'où la nécessité que les non-initiés ne les voient pas, et par voie de conséquence: suppression de la femme, mise immédiate en forêt de tout non-initié. Le tatouaqe Est pratiqué dès le premier jour afin d'empêcher les réfractaires de se sauver. C'est une opération excessivement douloureuse qui consiste à couvrir, suivant la volonté exprimée par les parents, le patient d'une quantité de petites cicatrices linéaires de 1/2 à 1 centimètre de longueur. L'ensemble forme des dessins de la base du cou au nombril, entourant la pointe des seins et couvrant le torse ainsi que le dos, de la nuque jusqu'aux reins, de chaque côté de l'épine dorsale. Le tatouage peut d'ailleurs être réduit à 2 cicatrices sur la nuque. Les zogomous ne tatouent pas. Dans tous les villages, il y a des gens adroits, sorte d'artistes primitifs. C'est à eux qu'a recours le zogomou à l'inverse du zogomou, qui est connu de tous, les maîtres-tatoueurs sont tenus cachés, n'étant connus que des initiés. Ils dressent des apprentis, qui tatouent également sous la surveillance du maître-tatoueur. L'opération se passe de la façon suivante les dessins sont tracés sur la peau à l'aide d'un baton pointu qui, par frottement prononcé, laisse une marque blanche. En suivant le tracé, le tatoueur, tous les centimètres environ, soulève la peau avec une sorte d'hameçon et fait une entaille à la base du soulèvement ainsi fait et d'un seul côté seulement. La cicatrice résultant formera le croissant allongé qui, multiplié suivant les dessins, donne le tatouage. Après le tatouage, les parents du tatoué règlent l'opérateur par un pagne ou une somme de dix francs. L'apprenti tatoueur touche environ 2 fr. 50. Le zogomou n'a pas de part dans ce paiement. En revanche, les tatoueurs lui montrent tout ce qu'ils perçoivent. Lorsque le tatouage est terminé, le zogomou le fait savoir, puis il monte au village vers les dix heures, suivi des hommes initiés venus en foule le chercher et qui crient Kani Kokoe » (équivalent de tout s'est bien passé). Les femmes et enfants se joignent à eux en criant également <t Kani Kokoe ». Puis, les femmes jettent des noix de kola sur la tête du zogomou, en signe de remerciement. De nombreux cadeaux sont faits au zogomou, sous forme de kolas, poulets, argent, nattes Le sorcier ramasse, ainsi, beaucoup plus que les tatoueurs. Ceux-ci ne se plaignent pas, leur métier étant un honneur. Ils sont par ailleurs sûrs de n'être jamais oubliés par les jeunes gens et même d'être par la suite, en cas de besoin, secourus par eux ou par leurs parents initiés. Après l'annonce au village, le zogomou retourne dite. proprement l'initiation s'ouvre forêt, où en Quelques considérations sur le tatouage Sur 22 cantons, Guerzés et Manons, 3 ou 4 ne pratiquent plus le tatouage depuis une vingtaine d'années. Il faut y voir l'influence des malinkés (ces cantons étant assez fortement mélangés de Malinkés). En revanche, un Malinké résidant et travaillant en pays guerzé ou manon n'hésitera pas à se faire tatouer suivant la forme réduite: deux points sur la nuque, sur le sein ou sous l'aisselle. Contre argent, il obtiendra cette formalité du zogomou, chez qui elle aura lieu vers les dix heures de la nuit, dans la petite case en retrait du village et très souvent entourée d'une tapade, que possède tout zogomou. Quelle que soit la grandeur du tatouage, le patient n'est plus abandonné avant que l'opération soit finie. Si l'on considère que certains tatouages comportent deux mille cicatrices et plus, l'on admettra aisément que cette coutume est une sorte d'école d'endurance. Aussi, les tatoués sont-ils fiers de montrer qu'ils ont témoigné de résistance à la douleur. Une chose, en tout cas, est certaine le tatouage est une véritable carte d'identité de l'individu, établissant qu'il fait partie de telle ou telle race ou tribu. Des preuves Les différentes races se reconnaissent au tatouage. Ce dernier varie même pour une même race suivant les régions. La reconnaissance se fait soit par la forme des dessins, soit par l'endroit du corps où ils sont situés. Un chef non initié est très souvent en butte à la désobéissance, bien que soutenu par nous. Ce fait n'est d'ailleurs qu'un corollaire de la demande fréquente, lors du choix d'un chef, adressée par les notables: « Donne-nous un initié ». Dans ce qui précède, le rôle du sorcier dans le tatouage n'a pas été abordé parce qu'il ne vient qu'après l'opération et au début de l'initiation proprement dite. Je vais l'exposer avant d'aborder cette dernière. C'est au sorcier qu'incombe le soin des cicatrices produites par le tatouage. Le processus en semble assez complet, bien que les médicaments soient primitifs Badigeonnage des plaies à l'huile de palme pendant sept jours. Badigeonnage pendant les sept jours suivants avec de l'huile de palmiste, pour provoquer des croûtes sur les plaies en vue des cicatrices à obtenir. Dès le premier jour, pour couper les fièvres fortes (causées par l'opération) il fait une bouillie cuite de quelques plantes et feuilles choisies par lui. Au moment des repas un jeune homme, désigné par le sorcier (ce jeune homme est un apprenti zogo) mélange quelque peu de cette bouillie aux aliments de chacun des jeunes gens en initiation. Enfin il fait absorber aux jeunes gens des cendres des mêmes feuilles et plants, mélangées dans de l'huile de palme. L'initiation proprement dite commence dès le tatouage, dont les plaies mettent environ une semaine à se fermer sous forme de croûtes. Dès ce moment, les jeunes gens sont placés dans le cadre de la société indigène ils se sont construit des cases en branchages, ils ont reçu un chef et deux souschefs pris parmi eux. Le chef est le fils du chef de village ou d'un notable influent, les sous-chefs sont fils de notables. Organisation. Le chef est responsable de la discipline vis-à-vis du sorcier et il dirige le travail de ses congénères. En revanche, si un jeune homme en initiation est de parents pauvres et ne reçoit pas suffisamment pour sa nourriture, le nécessaire sera fait par la famille du jeune homme chef des initiés. A titre d'exemple un jeune homme en initiation manque de respect au sorcier, ou à ses surveillants. C'est le chef des jeùnes gens en initiation qui lui infligera la punition corporelle ou l'amende destinée à celui envers qui il a fauté. Tous les jeunes gens iront se coucher à terre devant la personne lésée pour lui demander pardon. Les sous-chefs ont des attributions semblables à 'celles du chef, qu'ils aident. Pour tout l'ensemble, existe un surMtHani général, homme de confiance du zogo, lequel ne vit pas constamment avec les stagiaires, tandis que ce surveillant vit constamment avec eux et est leur réel moniteur en tout. Suivant le nombre des jeunes gens, le surveillant général est aidé par un ou plusieurs surveillants, moniteurs-adjoints. Une caractéristique de cette organisation: après leur stage en forêt, les jeunes gens n'oublieront pas celui qui y a été leur chef. Ils lui doivent obéissance et respect, et, très souvent, ils vont cultiver dans ses lougans. Pendant l'initiation, les jeunes gens ne peuvent sortir de la forêt pendant près d'un an, d'une façon rigide. Au bout de ce temps, ils obtiennent de leur surveillant (en se cachant du zogo à qui rapportent ces autorisations qu'il n'ignore pas) de pouvoir se rendre au village causer avec leurs parents. En revanche, le zogo leur inflige amende et coups s'il les surprend. A l'intérieur de la forêt, la vie est commune. Les aliments sont envoyés tout préparés par les familles. Les jeunes gens sont menés deux fois par jour (matin et soir) à la promenade en dehors de la forêt sacrée, dans la bande interdite réservée autour de la forêt. Les soins de propreté et d'hygiène sont laissés à la volonté de chacun. En cas de maladie, c'est le zogo qui soigne, très attentivement d'ailleurs, afin de ne pas nuire à Règlement. sa renommée. L'obéissance est la règle absolue. Pas de récompenses, mais de nombreuses punitions toute l'échelle des peines indigènes est appliquée. Ce sont l'amende payée par les jeunes gens eux-mêmes en travail ou en bêtes tuées les coups. la mise à la barre (souvent toute une journée) le bain prolongé, le patient étant ligoté dans l'eau froide pendant plusieurs heures. Enseignement, Le premier de tous est la défense absolue, sous peine de mort, de ne rien révéler aux femmes et aux non-initiés des choses de la /orë< sacrée. Le sorcier commence par montrer aux stagiaires un gri-gri, représentation de l'Esprit, appelé Yalo Wo Mo, ce qui veut dire f Dieu ne l'a pas dit le nom de cette chose ». Puis, suivent des exercices d'assouplissement de la volonté en vue de la règle précédemment exprimée. Le sorcier prend une noix de kola et en demande le nom à un jeune homme. Si celui-ci en donne le nom, il est insulté copieusement « Tu n'es pas un homme de cœur, tu es capable de « dire aux femmes le nom de celui qui t'a tatoué. Une femme excisée dans sa forêt garde mieux les secrets « que toi ». Il est menacé de coups. Si à l'essai suivant il commet la même faute, le sorcier le menace d'un malheur causé par l'Esprit du Niamou. L'exercice se répète tous les trois ou quatre mois, temps pendant lequel le stagiaire peut avoir oublié et commettra la même erreur à nouveau. A nouveau, elle sera redressée. « Enseignement moraL Ne pas tromper, ne pas voler la communauté, etc., celle du village bien entendu. Ne pas se laisser faire. Répondre et se défendre si on est attaqué. Respect des parents et des gens plus âgés, des chefs et des sorciers. Type de leçon donnée « Si vous n'obéissez pas à vos parents, vous me « ferez honte à moi, qui suis votre Zogo. Obéissez aux « chefs, respectez-les et ne leur faites jamais honte « devant un autre pays ». Comme on le voit, enseignement très rudimentaire, recherchant le développement de l'instinct combattif, défendant le vol dans le village, mais permettant le débrouillage, respect des anciens et des gens à craindre, obéissance absolue et passive. Pas un mot pour la conduite à tenir dans la vie à l'égard de la femme et de l'enfant. Néant. Enseignement religieux. Rien. Le langage de Enseignement de la langue. la forêt usité dans d'autres par trompe, sifflet ou cris n'existe pas chez le Guerzé et le Manon. Ne rien faire dans Enseignement politique, social. 4 le village. Quand il y a à décider d'une guerre, d'une amende à fixer, d'une affaire de justice à trancher, d'une question politique à envisager, toute réunion doit se faire dans la forêt qui est là pour cela et non dans le village, qui doit rester dans l'ignorance de ces choses. La pêche, la chasse et Enseignement des métiers. le piégeage sont appris. Aucune culture n'est pratiquée en forêt quelques occupations usuelles, récolte de noix de palme, récolte du bangui, assez rarement tissage du coton. La danse est largement pratiquée elle est apprise. Ceux qui le veulent apprennent à jouer du tam-tam. Tous apprennent les danses rituelles par obligation. A ce moment, le zogo forme ses danseurs-niamous qui, plus tard, parcourront les fêtes (Voir chapitre II, paragraphe "3e. Danseurs niamous). Donc, un enseignement très réduit, basé sur des habitudes, recherche la personnalité, mais en la développant au profit du village et sous la loi rigide de la coutume, avec la crainte perpétuelle des Esprits (Niamou). En résumé, l'initiation Habitue l'indigène à l'obéissance passive chef. au Lui inculque la crainte de la sanction. Le moule dans le cadre du village. Le dote d'une carte d'identité. Le consacre homme. A la sortie de forêt, lorsque les jeunes sont « gens rendus par le niamou », a lieu une grande fête plus J pompeuse que celle qui a lieu à la sortie de circoncision. ornais exactement du même genre. Elle dure une semaine – < environ. A partir de ce moment, le jeune homme prend entièrement part à la vie des hommes. Nom de forêt un indigène guerzé ou manon a la plupart du temps deux noms celui qu'il reçoit de ses parents et son nom de forêt. Ce dernier lui est donné pendant le stage en forêt, soit par ses camarades, soit par les surveillants. Certains se choisissent eux-mêmes un sobriquet. Le nom de forêt devient une accoutumance telle que beaucoup, à leur sortie de forêt, abandonnent le nom reçu de leurs parents, afin de ne plus être connus que sous leur nom de forêt. Il est d'ailleurs de règle absolue qu'une fois revenus au village les jeunes gens d'une même initiation n'appellent plus que de son nom de forêt celui qui fut leur chef pendant l'initiation. L'initiation n'est plus absolue dans toute sa durée, ni dans le tatouage. Toutefois, la coutume est observée tributaires Nombre d'indigènes, soit générale. règle en d'administration ou autres, soit tirailleurs, ne sont pas. initiés. En fin de services, à leur retour dans leurs villages, ils sont dispensés de l'initiation, sous condition qu'ils se « fassent laver la figure » en période d'initiation. Cela consiste à payer la forte somme au sorcierpour être tatoué d'un ou plusieurs points sur un endroit quelconque du corps. L'expression « laver la figure ') voudrait exprimer qu'à partir du moment où le noninitié est tatoué sommairement « il voit clair comme les. autres et n'est plus l'aveugle qu'il était auparavant ». Cette pratique, qui ne fait que sauver les apparences, atteste cependant de l'importance que ~indigène attache à l'initiation. B. INITIATION DES FEMMES Nous avons laissé les filles après le premier jour, au moment où elles entrent en initiation, juste après l'excision. Sur l'initiation, peu de choses sont connues couchant au village, mais dans une ou plusieurs cases situées près de celle de la zogonean et sous la garde de. surveillantes, elles sont chaque jour conduites en forêt sacrée, où elles passent la journée et reviennent chaque soir coucher au village, toujours entourées d'un appareil de précautions (déjà décrit), nul homme ne devant les voir. Cette règle perd de sa rigidité au fur et mesure qu'avance le stage il y a des jeunes filles mises enceintes par leur amant pendant l'initiation. Les choses se règlent par une amende payée à la sorcière par l'amant (en principe, le futur mari). Dans les premiers temps de séjour en forêt, tant que la plaie d'excision n'est pas cicatrisée, les jeunes filles vivent nues; elles ne reprennent leurs habits que pour rentrer le soir au village. La forêt sacrée a, comme pour les jeunes gens, un petit village de cabanes, servant dans la journée à mettre les jeunes filles à l'abri des intempéries. A noter que ces cabanes sont construites avant l'excision par les hommes du village. La justification de ce travail réside dans le fait que ce sont les hommes qui construisent l'habitation dans la vie courante. Comme enseignement pendant l'initiation, les stagiaires reçoivent des conseils d'obéissance au mari, de travail dans le ménage, de dignité de vie (ne pas tromper leur mari). Elles apprennent la danse et la coquetterie indigène. A leur sortie de forêt, a lieu une fête semblable à celle qui a lieu pour la sortie de forêt des hommes. Pour conclure, l'initiation revêt un caractère certain pour les hommes il n'en est pas de même pour les femmes, chez qui elle semble une tradition non comprise. Dans les deux cas, le séjour en forêt sacrée est encore trop long, bien qu'ayant été réduit. Il m'apparaît comme certain cette durée n'a pour que but que de donner de l'importance à l'initiation et à ceux qui en tirent profit: les sorciers. Y a-t-il lieu et possibilité d'agir actuellement? Les considérations qui vont suivre et leur développement au chapitre V donneront réponse à cette question, qui vient tout naturellement à l'esprit. 111. CONTRÔLE DE CES COUTUMES A première vue, il apparaît que les sorciers puissent posséder des droits absolus et tout puissants. En application c'est presque vrai, le sorcier devant posséder l'art de déformer les événements pour les affubler d'un surnaturel qui lui profite. Peur et superstition sont ses deux leviers d'action. En coutume, et pratiquement, il n'en est pas ainsi. Les sorciers sont tenus par des règles déûnies à l'application desquelles notre commandement se doit de veiller. L'ouverture de la forêt sacrée ne peut se faire que sur approbation du Chef de Canton, réputé chef du pays. Il peut y avoir plusieurs forêts sacrées dans un même canton. Mais elles ne sont ouvertes que lorsque le village coutumier a ouvert la sienne ou à condition qu'une redevance soit payée à ce village. Le village coutumier est celui qui est connu comme étant le premier possesseur d'une forêt sacrée. Dans le cas où nul village coutumier n'existe dans un canton, la pratique rituelle dépend du village coutumier d'un canton voisin ayant fait partie autrefois de la même région. Chaque village a cependant sa forêt sacrée, même s'il n'a pas d'enfants à initier. Ne faut-il pas, en effet, un coin réservé pour les conciliabules secrets et pour permettre aux « hognons :) et « niamous » de se travestir ? Le contrôle et la responsabilité de la forêt sacrée reviennent au chef de village, sous le haut contrôle du chef de canton. Le chef de village est réputé en coupropriétaire du village, alors que le chef de cantume ton est réputé possesseur de l'ensemble: personnes, biens, région. Lorsque le chef de village n'est pas descendant de la'famille fondatrice du village, c'est le notable chef de cette famille qui est propriétaire des terrains. Dans ce cas, il y a entente entre le chef de village et lui. Par conséquent, pour quelqu'incident que ce soit, c'est à l'autorité du chef de canton que l'on a recours. Le responsable devient le chef de village (ou le notable) qui emploie les sorciers parce que les ayant demandés. Les parents ont un certain droit de contrôle Les pères peuvent aller voir leurs fils; Les mères peuvent aller voir leurs filles, ce qu'elles font souvent; Les familles sont représentées par des surveillants. Les accidents mortels n'existent le plus souvent que par mort naturelle. Les sorciers se montrent très soucieux de ne pas détruire leur renom. Un sorcier fera du mal à une autre forêt que celle où il opère, et par jalousie de son confrère. Bien qu'il soit sûr d'une impunité résultant de la terreur, il ne s'avisera d'ailleurs pas actuellement de le faire, étant peu soucieux d'avoir à répondre tôt ou tard en justice d'un meurtre qui finit par se connaître. Je dois à cet égard rendre hommage au loyalisme de nos chefs de canton, ayant eu l'occasion répétée de faire mettre fin à des brutalités exercées contre de jeunes stagiaires, et ce, grâce à la vigilance des chefs de canton intéressés. J'irai même plus loin en ne craignant pas d'affirmer que la plupart des crimes qui ont pu se produire en forêt sacrée est due à des vengeances de chefs jaloux de telle ou telle famille qui prenait trop d'influence à leur gré, et que, si le sorcier est un homme à surveiller, il y a lieu de reléguer dans l'oubli la plupart des légendes dont on l'affuble encore, légendes qu'il entretient soigneusement afin de conserver une influence qu'il sent diminuer de jour en jour. Enfin, l'autorité du Commandant de cercle est reconnue de plus en plus. Bien qu'étranger aux coutumes, il est reconnu comme le plus grand chef de guerre. Son action sera donc puissante, s'il connaît la coutume et s'il agit prudemment et avec bon sens en considérant la croyance et ses rites comme une chose intrinsèque du pays. Sous cet angle, il n'y verra plus coutume une primitive et barbare. Sans qu'il puisse toujours les approfondir, lui apparaîtront les motifs de telle ou telle action qui semble Incohérente à un examen rapide. A partir de ce moment, il s'apercevra que préconiser la suppres- sion de la forêt sacrée est un non-sens dangereux et qu'il est à tous égards préférable de témoigner ouvertement de la bienveillance aux rites, tout en ne manquant jamais de spécifier que sera inexorablement sanctionnée toute atteinte à la liberté ou à la sécurité. L'indigène, se sentant compris et protégé, souscrira à cette action et sera le premier à lui donner de l'extension. Quelle est l'action possible? Le Commandant de Cercle ne peut pas empêcher l'initiation. Mais il peut réduire la durée du stage, s'opposer à l'installation de la forêt sacrée sur tel ou tel endroit, renvoyer l'initiation à une date ultérieure, tous actes possibles avant que la forêt ne soit ouverte. Si elle a été ouverte malgré sa défense ou avant qu'il n'en ait été pressenti, il peut infliger une forte amende au village, de 500 à 1.000 francs. Il peut même rentrer en forêt sacrée, à condition qu'il soit seul de sa race. Il existe des punitions contre les sorciers (bien entendu, au point de vue coutumier) Remontrances infligées en public par le Chef de Canton; Dans le cas où le sorcier est un étranger, il est chassé. Ces sanctions sont d'apparence assez anodine, Mais, il convient de ne jamais oublier que, bien que craints par ceux qui les emploient, les sorciers sont très souvent employés par des ambitieux (chefs rivaux ou notables) et que, par conséquent, la meilleure atteinte portée au crédit du sorcier consistera à punir également sans faiblesse son employeur. CHAPITRE V Etat actuel des croyances Leur action sur la société indigène Obstacles qu'elles peuvent opposer à notre influence Les croyances et coutumes religieuses et rituelles, encore très vives chez l'indigène, Ne semblent pas devoir disparaître d'ici longtemps. Il est indéniable qu'elles découlent du besoin ressenti par le primitif de donner une explication aux forces naturelles incompréhensibles pour lui et une interprétation du surnaturel, Il est également indéniable qu'elles sont savamment exploitées par les sorciers. Mais, en revanche, une coutume comme l'initiation a un sens profond et traditionnel. L'indigène y tient, sachant pleinement qu'il possède là un code primitif d'organisation légué par ses pères. Cependant, il n'a jamais tenté de compléter ce code en le modifiant. L'essai précédent basé sur l'observation directe, en arrive à cette conclusion. En suite logique, l'on peut donc se demander si ces coutumes ne créent pas d'obstacles à notre administration et si elles ne sont pas susceptibles de modification. Quelle est donc leur action Quels sont les obstacles possibles ?`t Croyances religieuses pures néant, Pratiques relatives à ces croyances et leurs exploitants en fait, rien de gênant. Il reste bon de surveiller les sorciers et les devins, nos opposés naturels, parce qu'ils savent que notre civilisation plus large ruine peu à peu le crédit que leur accorde le troupeau social indigène non éduqué. L'initiation, que je sépare des pratiques rituelles, peut être un obstacle à notre adaptation progressive de l'indigène, étant donné le fonds de son organisation et la place prépondérante qu'y occupent sorciers et chefs. C'est de ces derniers que pourrait résulter une gêne, et c'est pourquoi est précieuse la connaissance de cette coutume. Un chef indigène ouvre la forêt sacrée. Il choisit les sorciers qui peuvent sur ses ordres faire la <t fameuse chasse des niamous ». Que sa forêt sacrée soit renommée, que ses sorciers soient craints, et voilà l'élément indigène peureux venu en foule à la forêt par peur du chef ou des sorciers. Qu'en résulte-t-il ? Les jeunes gens, ainsi mis en forêt, sont perdus pour le village pendant 2 ou 3 ans, alors que ce village eût préféré garder ses travailleurs. Etant donnée l'éducation disciplinaire reçue en forêt, les jeunes gens, à leur sortie d'initiation, seront tout acquis aux idées du chef, si ce n'est volontairement, du moins du fait de leur initiation. Ils iront grossir le troupeau des fidèles et des serviteurs du chef. Que ces agissements durent pendant une dizaine d'années maître moralement de toute une population, le Chef sera fondé à émettre des prétentions sur la possession de cette région. Ce cas est basé sur un chef de canton ayant des inten-. tions sur un territoire voisin du sien. Il est tout aussi exact pour un notable qui veut s'imposer comme chef. Cela, dans le domaine politique. La gêne est aussi sensible dans le domaine « adaptation ». L'initiation constitue une éducation pour le travail selon les vieilles habitudes ancestrales. Elles n'ont jamais été modifiées. L'indigène n'ose pas s'en affranchir et continue à travailler dans le cadre du troupeau social, suivant les ordres des ancêtres, avec, toujours présente, la crainte de leurs esprits. Cela n/explique-t-il pas La répugnance manifeste à élire un Chef autre que le chef issu de la famille coutumale, bien que l'indigène n'ignore pas que mieux vaudrait l'autre candidat? Et les difficultés que peut rencontrer ce dernier ? La répugnance marquée à adopter les nouvelles méthodes de travail, de cultures, de justice que nous conseillons et cette réponse trop souvent entendue Nos pères ne faisaient pas cela ». Cette réponse au « lieu de l'inertie à laquelle on l'impute souvent (le Guerzé, en particulier, est un excellent travailleur) ne proviendrait-elle pas de l'application rigide d'une coutume non évoluée? Et ces autres exemples pris parmi les tirailleurs Dans le courant de cette étude, j'ai signalé que la durée du stage d'initiation avait été réduite du fait du recrutement. D'assez nombreux jeunes gens partent tirailleurs sans être initiés. Plusieurs cas se présentent a) Le tirailleur fait 15 ans de services. Il revient au village. Rendu sceptique quant aux coutumes de son milieu, parce que connaissant la force et le valeur de notre civilisation, il ne se fait pas initier. En général, il ne vivra plus dans son village qu'à l'écart des gens et tenu par eux à l'écart. Qu'on ne croie pas que c'est parce qu'il a abandonné le pays, parce qu'il est craint pour avoir appris beaucoup de choses au contact du Blanc. Non pas, il est devenu presque un étranger, pour avoir abandonné la loi commune. Au contraire, beaucoup d'ex-tirailleurs initiés, et qui n'en font pas fi, sont d'excellents guides et de très bons chefs pour leurs villages. b) Le tirailleur accomplit son engagement ou ses 3 ans. Il est bien noté. Il serait facilement rengagé. Il quitte le service. On lui demande pourquoi « Ah je veux retourner dans ma famille ». C'est la vérité; la famille, qui profite cependant de l'argent envoyé par le tirailleur, le presse de rentrer pour qu'il se soumette à l'inexorable coutume. Il part, se fait initier; il est perdu pour nous et la trop courte formation qu'il a reçue ne lui servira de rien. Le cas se présente de tirailleurs, permissionnaires dans leur village à un retour de service à l'extérieur, venant demander au Commandant de Cercle de les autoriser à rentrer en forêt sacrée pour se faire initier. c) De constatation presque générale, le tirailleur de 3 à 7 ans de services, revenu civil au village, est un poids mort qui gène et la population et le Commandant de Cercle. Pourquoi ?2 Revenu au pays, initié, il est repris par le milieu, par l'organisation de la vie indigène. Il se détache de nous, il oublie le français appris. Mais, vis-à-vis de son congénère, il se pare du titre d'avoir voyagé, d'avoir appris, d'être un débrouillard, de connaître le Blanc. Il ne veut plus travailler, il se laisse vivre sur la communauté (quand il ne la force pas à le nourrir). Et quand intervient le Commandant de Cercle, il s'essaie à l'esprit l'homme qui a le contact du Blanc et qui sait lui parler. Quels sont les moyens propres à pallier à ces inconvénients ?2 Je ne pense pas qu'ils puissent résider dans la suppression des pratiques rituelles, même si elles sont contraires à la loi naturelle. Une modification brusque blesserait les sentiments intimes des indigènes. Au contraire, les modifications nombreuses et sûres (la diminution de la durée du stage d'initiation en est une preuve) viendront de l'influence progressive des relations entre indigènes et européens. Je n'hésite pas à estimer que la suppression radicale des forêts sacrées, préconisée par certains, serait une grave erreur, peut-être lourde de conséquences, et en tout cas, contraire à notre large politique de tolérance sous le contrôle des lois et coutumes. D'ailleurs les moyens de répression et d'action existent Droits du Commandant de Cercle précédemment signalés; droits de justicier; droit d'arbitrage des contestations; droit d'opposition dans l'intérêt général enfin, droit de regard dont il est bon de n'user que modérément et en cas de force majeure. Action sur le vieil indigène Lui expliquer longuement ce qu'il faut et ne faut pas, le convaincre que, sans toucher au fond des coutumes, il peut y être apporté des modifications dans Intérêt général (les exemples abondent dans la vie courante et Guerzés et Manons, se montrent compréhensifs). Action sur le sorcier Prudente, mais elle doit être effective. Le sorcier doit obéissance au chef du pays. Il n'écoutera, n'obéira pas la plupart du temps, mais sera impressionné 'parce qu'il saura qu'on a l'oeil sur lui. Le sorcier Zogomou commence d'ailleurs à se mettre en confiance et répond toujours aux convocations du Commandant de Cercle auquel il lui arrive même de dévoiler son identité. S'appuyer sur le vieux tirailleur, en choisissant bien le sujet. Se méfier des ex-tirailleurs de 3 à 7 ans de services qui mangent à deux rateliers, les surveiller. Comme de nombreux indigènes initiés ils se font, en effet, appeler par leur nom de forêt et non par leur nom familial qu'ils ont déclaré en entrant au service. Le médecin de l'A. M. I. indigène de la race. Il serait intéressant d'avoir un médecin initié 'qui pénétrerait dans la forêt sacrée des garçons et y donnerait des conseils pour les soins et l'hygiène, conseils que le sorcier est tout prêt à écouter et à suivrechez'lui, mais qu'il ne veut pas venir entendre au poste, dont il se méfie. De même pour une sage-femme à l'égard des matrones. _Le médecin et la sage-femme seraient, dans ce domaine comme dans d'autres, des auxiliaires précieux du Commandant de Cercle. Respect des coutumes, Mise en confiance de V indigène, Surveillance discrète et continue des exploiteurs, Action lente de conviction, doivent être les facteurs qui amèneront l'influence sûre dont l'indigène subira les effets bienfaisants dans le sens généreux de notre colonisation.T Septembre 1932. Avril 1933 Une Circoncision chez les Markas du Soudan par BOUILLAGUI FADIGA Ce travail n'a pas la prétention d'être un ouvrage littéraire, mais un essai de documentation historique. La forme adoptée n'intervient qu'à seule fin de pouvoir faire parler, le plus souvent possible, les pères, les mères et les enfants sur cette maîtresse coutume qu'est la circoncision, rite religieux à l'origine, dont l'usage populaire a lait une œuvre d'éducation, une école de gaieté, de courage et de civisme. Notre travail se restreint aux seuls Markas du Soudan et, en particulier, à ceux de Ouagadou, berceau du royaume de Ghana, l'aînée des sociéiés noires Ouest Africaines. Le sujet est traité dans sa conception et dans sa forme anciennes. Ainsi ne projette-t-il pas un peu de lumière sur le Vieux-Soudan qui, en dépit de la guerre qui le torturait, s'agitait déjà vers un idéal `?? Bouillagui FADIGA. Koutiala, le 8 juin 1933. A l'horizon empourpré, le soleil apparaissait au couchant entre le feuillage des arbres quand Maoula Diabi, riche propriétaire Marka, revenant de voyage, rejoignait son domicile à Banamba. En rentrant chez lui, le Propriétaire, ainsi qu'on a coutume de l'appeler par respect, va droit à son appartement privé. Ses épouses l'y rejoignent aussitôt pour lui présenter leurs devoirs. Puis, c'est la visite des autres parents, des voisins et des familiers du Propriétaire accourus à la nouvelle de son retour, son frère Younkoulé, son fils aîné M'Patokora, Almoustafa, son marabout vieux ami, le grand son griot Diely Diatourou, le forgeron Faran Tangara et la foule nombreuse des voisins et des connaissances. Avec tous Maoula causa quelques instants et quand la nuit vint, il voulut se reposer complètement. Mais, quitte la compacomme d'habitude, le Propriétaire ne gnie des personnes que pour celle plus accaparante encore des pensées et des soucis. Dans le silence de la nuit, étreint par une profonde inquiétude, il songe à la libération des esclaves qui vient de bouleverser la vie dans leur canton du Dougou-Wolo-Wila. Mais, ainsi qu'un proverbe bambara le dit, quand le vent souffle, chacun met sa main sur sa charge. Maoula pense à son fils aîné M'Patokora dont le temps de la circoncision est venu. Dès les premières lueurs du jour, le Propriétaire se lève. Il va prier à la mosquée du village et en sort avec à la bouche la louange du Bon et Tout Puissant Allah qui fait les douces et paisibles aurores après les nuits agitées. La poussière des ruelles est encore fraîche. Une brume légère enveloppe le village. Au levant, dans la cendre du ciel scintille une belle étoile souriante. Maoula reconnaît l'étoile de la circoncision et dans l'éclat si vif, cette année, de l'astre, le signe propitiatoire pour l'exécution de la maîtresse coutume. Dans la journée, Maoula a fait part de son observation à son marabout Almoustafa. Celui-ci répond « En effet, l'étoile est bonne cette année. Il suffit maintenant de choisir un bon jour.» et, après quelque petit calcul, on retient le jeudi, douzième jour du prochain mois lunaire. Ainsi est fixée la date de la circoncision de M'Patokora, le fils aîné de Maoula Diabi. La décision prise est annoncée à toute la maisonnée d'abord, à tous les parents ensuite et l'écho en retentit dans tous le pays. Oh la circoncision d'un enfant! Elle éveille de bien doux sentiments dans le cœur des parents. Elle est, selon l'adage des vieux Markas, l'un des trois événements essentiels des trois âges de la jeunesse le baptême pour l'enfance, la circoncision pour l'adolescent et le mariage qui ferme la période d'insouciance. Aussi, chaque soir, préludant à la fête, on se réjouit devant la case de Maoula. Danse discrète, langoureuse, rythmée sur un chant mélancolique Etoile!t L'étoile de la circoncision a paru, Va le dire à ton père, Lorsque parait l'étoile de la circoncision. La mère de l'enfant unique est inquiète, Va le dire à ton père. Et le cœur des parents tressaille en entendant dans la nuit claire cette brève chanson qui, en «pays marka, est comme le refrain de la saison de la circoncision. En effet les parents sont inquiets, quand paraît l'étoile de la circoncision, de n'être pas assez fortunés pour donner à la fête de leur fils tout l'éclat qu'ils désirent. Aussi, nombreux sont les pères de famille qui renvoient cet événement d'année en année, au point que leurs fils, crevant de dépit, s'opèrent eux-mêmes, à la dérobée, n'importe comment. L'exemple de Maoula semble être contagieux, car, l'un après l'autre, tous les pères d'un enfant parvenus à l'âge de la circoncision, de douze à dix-huit ans, se décident à le faire purifier. Ils vont, désormais, agir de concert avec Maoula. A grands frais, ils apprêtent le trousseau de circoncision se composant d'une longue chemise sans manche, fermée sur les côtés et d'un bonnet en forme d'ellipse, le tout teint en jaune dans un bain de feuilles de « n'kalama » puis un second trousseau de parade tout brodé de soie ou galonné de rubans multicolores et, enfin, des armes diverses. On fait fête au fils prêt à être purifié, à « prendre le pantalon d'homme », et en vue de le préparer à l'épreuve exigée pour cette nouvelle qualité, on exalte son courage. Les parentes accourues de partout lui attribuent toutes les qualités et l'exhortent « Brave aîné ou brave cadet, sois comme tes pères » Le fils, choyé répond par cette formule « Fer, fer Beaucoup d'hom- braver! savent te mais supporter, peu te savent mes Quant à moi, jeudi matin, non content de te supporter je te broierai avec mes dents et j'absorberai ton suc ». » Fanfaronnades d'enfants consacrées par l'usage. Mais les parents, eux, pour les mettre à l'épreuve, chargent les adolescents de porter nuitamment des messages dans les villages voisins ou d'exécuter de pénibles travaux. Mais l'on est déjà à l'avant-veille du jour fixé pour l'opération. La nouvelle est à nouveau proclamée et «quinconque dont les pieds peuvent le porter est invité à assister à la fête. Les pères de famille se concertent enfin, pour désigner, selon la coutume, un mandataire qui parlera et agira pour eux. Tous les suffrages vont à Maoula Diabi qui s'empresse d'accepter le parrainage des cent vingt-sept jeunes gens à circoncire. Oh l'heureuse coïncidence qui va lustrer, une fois de plus, la réputation du grand Marka La veille du jour de la circoncision, dès le matin, les jeunes gens sont retenus dans les cases familiales. A plusieurs reprises, ils sont frottés et lavés à grande eau pour les débarrasser de Il la crasse de l'impureté ». Le village s'emplit déjà des youyous qui acclament cette première purification de ceux qui vont, désormais, être strictement astreints aux ablutions et au salam. Le soir, chez Maoula, le parrain de la circoncision, les pères discutent pour déterminer l'ordre dans lequel les jeunes gens seront circoncis. Discussion animée, fielleuse, où les moindres avantages sont considérés, où sont évalués méticuleusement les noms et les origines de chaque famille scène chatouilleuse où, abstraction faite des moyens actuels, la noblesse pauvre entre en conflit avec la médiocrité fortunée, mais où les avantages positifs finissent par l'emporter sur les privilèges évanouis; protocole où la superstition intervient pour offrir la première place à un enfant de caste d'éluder une revanche du sort si dédaigneuxendevue la grandeurl 1 Tant bien que mal, l'ordre est déterminé et quand le cendrillon de toute cette génération est désigné, un gros rire sort des poitrines par manière de huée. C'est dans cette hilarité que la foule se précipite dans les ruelles pour aller dresser le hangar où les circoncis vont vivre pendant trois semaines. L'emplacement choisi se trouve en bordure du village, entre une mare et un arbre sacrés. Que de générations ont reçu la purification dans ce parage protégé par les bons et invisibles génies qui le hantent! Le travail s'exécute joyeux au son des tambourins. Au même moment, chez Maoula, règne une grande animation. La presque totalité des femmes du village sont venues assister les marraines de la circoncision, les épouses de Maoula. Avec un entrain qui n'a d'égal que leur piété pour une telle besogne, dans un tapage assourdissant, elles pilent des quantités incroyables de mil, cuisent des monceaux des viande et préparent des plats monstrueux de couscous. Dans un coin de la même concession, voici réunis, sous la surveillance du « Vabo », le sorcier gardien et protecteur, maître de la circoncision, les cent vingt-sept garçons qui vont recevoir demain la purification. Maoula a dépêché prés d'eux, pour les égayer de sa mandoline et durant toute la nuit, un maître griot. Le répertoire du musicien ne comporte, ce soir, que les morceaux qui expriment la geste marka le Talengué, évocateur des prouesses des Markas guerriers, disciples de Daman-Guilé; le Moukke, adulateur des Markas voyageurs, cadets de Samba et de Djime le Nora, qui chante la vertu des riches Markas aussi prodigues que le vent, aussi généreux que la première pluie de l'hivernage le Yougui, apologie du petit âne sobre et patient, artisan de la fortune des Markas, pèlerin des clairières et des fourrés, prospecteur des pays du Kallolodougou et du Diakalodougou, etc. A ces chants, le cœur des jeunes gens vibre et leur courage s'enflamme. La nuit est complète. La foule des invités s'est lentement amassée sur la place du village où doit se donner le « Solossi », réjouis- foule î épaisse Quelle circoncision. la de d'honneur sance On dirait que tous les habitants et tous les diables du terminé, la danse commencet pays sont là. Le festinjusqu'à l'aurore. Autour de l'orElle doit se prolonger chestre s'installent, de droit, les pères des jeunes gens, que la foule entoure. La nuit est radieuse et, sous les flots d'argent que la lune miroitante déverse, les crânes nus brillent comme l'antimoine. Maoula préside la cérémonie. Il est assis tout près des musiciens et se fait remarquer par la somptuosité de sa mise. Par la voix de son griot, Diely Diatourou, pétillant de joie en ce jour de générosité, il remercie les invités d'être venus si nombreux et les convie à la réjouissance d'honneur de la circoncision de son fils. de ses fils. de leurs fils à eux tous. Son discours est salué d'acclamations enthousiastes. Les tam-tam résonnent lourdement et emplissent l'espace d'une rumeur bourdonnante et les parents joyeux entrent tour à tour dans la danse. Lentement, en mesure, ils font plusieurs fois le tour du cercle, brandissent les bras, balancent le haut du corps, se trémoussent, les pieds glissant sur le sol. De temps à autre, le tam-tam s'interrompt et le griot profite de ce court répit pour annoncer les cadeaux que l'un des assistants vient de faire. Le donateur ne manque pas d'être applaudi et la danse reprend dans la proclamation de son nom et de sa généalogie qui prennent, en cette occasion, toute leur signification. Quand ce fut à son tour de danser, Maoula se dressa au milieu du cercle, dégainant son immense sabre qu'il fit miroiter en le promenant devant sa face. Ayant dépouillé ce jour-là toute grandeur, tout à sa joie d'heureux père, soumis, respectueux de la coutume intransigeante, le Propriétaire danse le « Solossi » de son fils aîné. La foule, à la fois amusée et respectueuse, lance des acclamations effrénées: Diabi. Diabi. Diabi Karinté. Diabi Gassama 1. Maoula, le riche Marka, par la bouche du griot Diely Diatourou, qui brode sa parole en cette occasion de toutes les épithètes et de toutes les ressources de son sens comique, fait ses dons. Aux griots et aux griottes, aux forgerons à la main noire, aux cordonniers mangeurs de peaux, aux captifs de case impudiques, aux « guessérés » braillards vont les poignées d'or et d'argent, les pièces de Guinée, les sacs de cauris, les paniers de colas, les lourds rouleaux de cotonnades. Les ovations déferlent. et quand elles cessent, Diatourou est égosillé tant il a hurlé les mérites de son éminent maître. « Providence, lui dit-il, arrête-toi, si tu ne veux rendre jaloux le ciel ou ressusciter les morts. Il n'est ni homme, ni diable qui ne te rende hommage en cette nuit. » Mais la nuit avance et la lune elle-même, inspiratrice subtile de toute cette excitation, se dérobe par moments. La foule, lasse, s'assoupit; le tam-tam languit. Mais la coutume l'exige il faut tenir jusqu'au matin. Alors, on recourt aux victuailles, au tabac, aux colas et la danse reprend. Ainsi que deux bonnes fées, deux vieilles femmes viennent ranimer les réjouissances. Sommairement vêtues, elles prennent la tête de la ronde. De leur voix caverneuse, éraillée par l'âge, se détachent cependant tous les accents de la tendresse avec des inflexions traînantes qui gonflent les cœurs des parents Etoile! L'étoile de la circoncision a paru, Va le dire à ton père Quand l'étoile de la circoncision paraît La mère de l'enfant unique est inquiète. Va dire cela à ta mère. Au couchant, la boule de beurre céleste semble fondre au milieu des flocons de crème qu'elle répand. tandis qu'au levant la buée flamboyante de l'incendie matinal répand ses lueurs pâles. Les muezzins crient, les chiens aboient, les coqs chantent. 1 crie le « Babo e, c'est l'heure » Et comme « Haïwa mus par un ressort, les jeunes gens se lèvent tous ensemble. Le « Babo » les compte puis, pour figer et épargner leur sang, il les abreuve d'eau où a trempé, durant la nuit entière, une abondante ferraille. Il les conduit, ensuite, au lieu choisi pour l'opération. Les tam-tam du « solossi » les accompagnent jusqu'à la sortie du village feux petits de la Dans campagne, installent. s'y et brûlent, posés sur des tas de sable et là-haut, au ciel, l'étoile de la circoncision, la fameuse Vénus, à laquelle de sang, assiste impaschair et de tant sacrifier va on sible à son apothéose. Le forgeron, avec ses couteaux, est là, caché quelque part, afin de surprendre les jeunes gens. Ces derniers fouillent les buissons et avancent à pas pressés. Soudain, le forgeron Fatan Tangara surgit d'un fourré, le visage barbouillé de cendre, coiffé d'un haut bonnet garni de cornes d'animaux et d'amulettes miroitantes. Il roule ses yeux comme un démon. Il veut effrayer les jeunes gens; mais l'enfant de caste, préalablement désigné, selon la coutume, pour être opéré le premier, se précipite à sa rencontre, sa longue chemise retroussée jusqu'aux aisselles. Il s'asseoit, les jambes tendues, très droites, très écartées et, entre le billot de bois et le couteau, le forgeron sectionne la*bague de chair. Le « massa » est circoncis. Un coup de fusil part. Le tam-tam bat. Sanglant, mais courageux, le mutilé se lève, se saisit du billot de torture et, face à ses camarades, leur crie en La séance est finie moi seul serais opéré cette riant année vous autres, vous resterez impurs ». Mais un sang épais ruisselle sur ses jambes et macule les bords de sa chemise. On le conduit plus loin pour enfouir son bassin dans du sable chaud. La deuxième place, celle d'honneur, est réservée à M'Patokora. Dès qu'il le voit sortir du groupe compact de parents qui l'assistent, le forgeron lance son couteau en l'air et le rattrape en disant « Au tour du deuxième qui, lui, doit être écorché ». Mais M'Patokora croque des kolas et semble ne rien percevoir de cette menace. Il s'approche placidement, reçoit la purification et aussitôt crache à la figure de l'opérateur toute sa bouchée de kolas et, méprisant, s'écrie « Va en faire autant à ton père ». Un large coup de fusil annonce la circoncision de M'Patokora. Le tam-tam bat très fort les youyoutcments montent vers le ciel pendant l'aîné de que Maoula est écarté pour recevoir, lui également, les soins (c nécessaires. Ainsi de suite, l'opération continue, entrecoupée de coups de fusil, de tam-tam et d'applaudissements. Les jeunes gens rivalisent de courage. Les uns giflent le forgeron; d'autres, après le prépuce, lui présentent les doigts à couper; d'autres, enfin, esquissent un pas de danse. Mais, bien que le forgeron change fréquemment de couteau, les lames des instruments s'émoussent et déchirent la chair plutôt qu'elles ne la sectionnent. Les dents des derniers circoncis se crispent sur les lèvres pour maîtriser les cris. Alors, les pères, inquiets, braquent les fusils sur la nuque de leurs enfants afin de les obliger à supporter l'épreuve sans défaillance. Tant bien que mal, l'opération s'achève et, dans la campagne ensoleillée, apparaît un chapelet de jeunes gens couchés dans le sable chaud qui absorbe leur sang et cautérise leur plaie* On procède ensuite au nettoyage des plaies à l'aide de baguettes de chaume, on les saupoudre de crottins de chèvre pulvérisés qui hâtent la suppuration, puis on engage l'organe mutilé dans des coussinets de chiffons maintenus en place par des ceintures. C'est fini. Les chemises retombent sur les jambes et les circoncis sont réunis pour prendre en commun le déjeuner d'honneur, pâte de mil diluée dans du lait, qui ramène un peu de vie dans leur corps crevant de douleurs et d'émotions. La circoncision est terminée. Les invités vont rendre une dernière visite à Maoula, lui expriment leurs vœux et vantent bien haut la largesse des parents et le courage des enfants. Une troupe d'esclaves ou de gens de castes se met alors en quête auprès des parents en souhaitant que le « vent épargne leurs fils ou leur serve de remède ». % Pour, les circoncis commence alors ce qu'on appelle la vie de hangar ». Elle dure trois semaines, pendant lesquelles les jeunes gens relèvent uniquement de l'autorité du « Babo » qui, secondé de quelques aides tous plus ou moins aguerris aux sortilèges, saura protéger leur âme frissonnante et leur corps endolori. « Le Babo et ses aides réunissent les circoncis sous le hangar dressé à cet effet la veille, vérifient leur mise, puis les conduisent dans l'épaisse brousse où, durant toute la période, ils passeront les longues journées. Sur l'ordre du « Babo », on s'installe sous un figuier sauvage réputé neutre parmi les arbres, on y creuse des tranchées où les circoncis prennent les poses les plus favorables à leur blessure on édifie la rôtisserie où seront cuites les grillades dont les jeunes gens se repaissent le jour et qu'ils débitent avec leurs ongles et leurs dents, comme les fauves. A ceux qui ne souffrent pas trop, il est permis de se promener dans la brousse, de chasser les petits animaux, de cueillir des fruits, etc. Toute la journée se passe soit à dormir, soit à s'égayer. Mais dès que l'ombre du soir s'allonge, les circoncis quittent la brousse pour revenir au hangar. Drapés dans leurs longues chemises, coiffés de bonnets hauts d'une coudée qu'un roseau tient raides sur la tête, au son des castagnettes formées de rondelles de calebasses, encadrés du « Babo » et de ses aides, les circoncis vont saluer le Chef de village et le mettent à contribution ainsi que la coutume le veut. Le Chef de village les reçoit avec force distinction. Il sait que les circoncis sont les guerriers de demain, l'espoir des vieux. Il les félicite de leur courage, leur exprime ses vœux, leur fait présent d'un taureau et leur octroie le droit de piller le village. Alors, avant de revenir au hangar, les circoncis vont faire leur première razzia au village, dont ils envoient les produits à Maoula Diabi, leur parrain poulets étranglés par la lanière du fouet, moutons et chèvres assommés à coups de matraque, denrées, condiments, fagots de bois enlevés aux marchands. Tout le village et son contenu sont à leur discrétion. Au crépuscule, les circoncis rentrent au hangar où, jusqu'à leur sortie définitive, Maoula Diabi assurera leur nourriture. Le hangar a ses lois indiscutables. Il est, tout d'abord, comme un sanctuaire dont l'accès et même l'approche sont interdits à toute femme. On n'y rentre et n'en on sort que sur l'ordre du « Babo » et selon des mots d'ordre rappelant les cris d'un couple d'animaux. A part les privilèges reconnus au premier circoncis qui peut, à son gré, se faire porter, masser, éventer par ses camarades, l'égalité la plus parfaite y règne, Le coucher, le manger, le lever, tous les mouvements d'ensemble s'exécutent dans l'ordre initial de la circoncision. Quant au dernier circoncis, il est en quelque sorte le serviteur de la troupe. C'est lui qui rassemble les plats, les lave, va puîSer l'eau, porter les fruits récoltés, les objets offerts ou confisqués, etc. Les incartades, les négligences, les fautes sont punies par une longue exposition au soleil ou par quelques coups de fouet appliqués par le dernier de la bande. Et cela continue ainsi jusqu'au dernier jour. Les repas très copieux sont pris, accompagnés parfois de coups de bâton distribués aux malingres et aux chétifs. Dans l'air vivifiant de la nuit, les circoncis forment un grand cercle. Castagnettes en mains, ils chantent en chœur, et en tournant sans cesse, les chansons de la circoncision. Répertoire presque sacré, en toute autre circonstance interdit, sous peine d'être assailli par les sorciers. Quelle diversité dans ces chansons exprimant tour à tour la joie et la douleur, l'inquiétude ou la satisfaction, d'où s'échappent parfois des saillies satiriques. D'abord accompagnés par des aînés, puis seuls, chaque soir, tous les soirs, les circoncis chantent Lame, lame Io, lame de fer, Io, que la lame est cuisante •. Mon père et ma mère ont dit Que je sois circoncis avec lame de fer, Io, que la lame est cuisante. Ils se recommandent au « Babo » Nous voici circoncis, Babo, Nous voici purifiés Mais il y a dans le village Des sorciers. Et dans l'air Des démons. Veille, Babo, veille sur nous Sinon tu perdras ton nom Et, déjà ironiques, ils apostrophent leur gardien Cette année t'est favorable Io Babo Cette année t'est favorable Ton ventre est bleu comme celui d'une chèvre Qui s'est gavée d'un bain d'indigo Io Babo Cette année t'est favorable. Et cependant, le Babo veille nuit et jour, s'alarmant pour un ver luisant, une chatte noire, un oiseau lugubre où s'incarnent les sorciers et les tourbillons d'air dont les diables s'enveloppent pour venir camper près des circoncis. Aussi s'incitent-ils à la prudence quand un besoin pressant les oblige à quitter le cercle bénin Si tu vas, petit, Ne va pas par le chemin du puits Si tu reviens, petit Ne reviens pas par le chemin du puits. Au chemin du puits Un diable est là, dans le caïlcédra, Qui te menace. Mais non Rien n'y fait. La douleur maîtresse remet en bouche sa complainte Que le couteau est cuisant, Que le couteau de Père Faran est cuisant, Yo. Ya. Un seul coup de couteau Et nous sommes morts. Pour renaitre, Yo. Ya. Et dire qu'une autre épreuve Nous attend, Yo. Ya. En effet, le sixième jour après la circoncision marque une seconde épreuve que le Babo sait prévenir par une grande réjouissance à laquelle participe le village tout entier. Les circoncis sont gorgés d'aliments fortement pimentés. On procède alors au premier lavage des plaies sur lesquelles on applique ensuite la poudre de l'arbre à tanin poudre caustique qui brûle jusqu'aux entrailles, mais qui est d'une merveilleuse efficacité. La vie de hangar continue. Trois semaines durant, ce sont les mêmes réveils au petit jour, les mêmes promenades à travers la brousse, les mêmes régalades, les mêmes mutineries dans le village complaisant et les mêmes rondes nocturnes au son des castagnettes. Avec la dernière semaine, des améliorations sensibles s'accomplissent dans l'état des jeunes gens. La vie de hangar touche à sa lin. Guéris ou non, les circoncis vont sortir. Le soir du dernier jour, le hangar est démoli par ses hôtes mêmes. La nuit se passe à la belle étoile. Dès les premières lueurs du jour un grand feu s'allume avec les débris du hangar et les nattes des circoncis. Un à un, toujours dans l'ordre inviolable de la circoncision, les jeunes gens doivent sauter ce feu pour regagner leur case. Gare à ceux qui y tombent ils n'achèveront pas l'année ou ne traîneront qu'une misérable existence Les parents, prévenus, les reçoivent à l'entrée du village pour les conduire dans les cases. Dans leur famille, les jeunes gens gardent la plus grande sagesse. Chaque soir, ils vont coucher chez le « Babo », qui les panse chaque matin jusqu'à ce que le dernier soit guéri. Le Babo prévient alors Maoula qui avise, à son tour, tous les parents intéressés et, un beau matin, les circoncis sont libérés. Taré (bonheur) disent les parents qui, maintenant, sont très heureux de manier tout le trésor lentement amassé pour la joie de leurs fils. Ceux-ci, d'ailleurs, prennent, selon la coutume, une autre figure et un autre habillement. Plus de chenilles de cheveux sur la tête, ni de cadenettes, mais des turbans blancs sur un crâne rasé net; puis, ce sont les boubous brodés, teints à la première salive de l'indigo, les écharpes frangées, les bottes reluisantes et enfin les attributs essentiels des nouveaux circoncis le fusil et le couteau. A tous ces effets assez profanes, quoique riches, quelques parents avisés en joignent d'autres provenant de l'arsenal mystérieux des marabouts ou des charlatans: grisgris, amulettes contre tous les maux et tous les dangers possibles. Les circoncis sont sortis 1 Dans une tenue pimpante, ils se promènent par tout le village où ils sont accueillis par des compliments et des vœux de toutes sortes. La promenade se termine devant la case de Maoula qui, en présence des pères de famille intéressés, adresse à ses filleuls ses derniers conseils pour la vie qu'ils vont mener maintenant dans toute son âpretê l' soit de fer vie Que votre « âmes à la loi d'Allah « Soumettez-vous et vouez vos et à celle de son prophète Mahomet. la gloire de vos pères en suivant leurs belles « Soyez traditions. « Exercez-vous au tir, à l'équitation, organisez des battues où s'épanchera le trop plein de votre énergie en attendant un beau jour de péril où vous achèverez d'être ce que la circoncision a fait de vous des hommes ». Nouvel essai de Monographie du pays Senoufo par M. Marie-Joseph VENDEIX Administrateur de 1" classe des Colonies A MONSIEUR LE GOUVERNEUR RESTE RESPECTUEUX ET AFFECTUEUX HOMMAGES V. AVANT-PROPOS S'il est difficile d'écrire l'histoire d'un peuple possédant une écriture et par conséquent des manuscrits anciens susceptibles de guider l'historien, il est encore plus malaisé de retracer les récits d'événements anciens touchant les peuplades primitives dont les dialectes se résument à quelques sons et l'histoire à des transmissions orales souvent erronées, toujours amputées ou amplifiées suivant les besoins de la cause et la mémoire des gardiens de traditions. Chaque génération arrange et embellit à sa façon son histoire et ses origines. La majorité des peuplades africaines se trouve dans ce cas. A travers les siècles la vie, les habitudes et les coutumes des tribus furent transmis par des récits, des fables, des contes, ayant abouti à des légendes aussi fantaisistes que variées. Il ne pouvait en être autrement pour la grande famille Senoufo dont je vais essayer de résumer l'historique, l'origine, les caractères, les mœurs, les coutumes, la religion et la vie économique. Les lignes qui vont suivre ne sont, à tout prendre, qu'un essai d'étude, fruit d'une vieille expérience et d'une compilation de textes de quelques auteurs. C'est un modeste travail destiné à mieux faire connaître une race réellement intéressante et méritante à plusieurs points de vue. 1. GÉOLOGIE DU PAYS SENOUFO Des rives du Bani et du Banifing, aux bords de la Léraba ou Comoé du haut Bandama aux sources de la Bagoué, le pays aperçu pour la première fois semble monotone tant l'ensemble est pareil et uniforme. Cependant, de temps à autre, le paysage est agrémenté ici, de pitons rocheux et noirs; là, de vertes collines ou quelques arbres se sont hissés plus loin, une petite chaîne de montagnettes bleues barre l'horizon. Et puis, se déroulent à l'infini jusqu'à l'horizon lointain les immenses savanes dont les ondulations sont cachées par une végétation maigre et souffreteuse que les feux annuels rendent encore plus chétive. Si, venant du Sud où la végétation est plus dense, où les essences plus variées et mieux irriguées, les arbres plus majestueux, plus ombreux et élevés, on se dirige vers le Nord, peu à peu les graminées s'écourtent et se durcissent, les beaux arbres font place à des arbustes aux troncs tordus et rabougris jusqu'à ce que, arrivé près du Bani, principal affluent du Niger, les épineux, les buissons courts et trapus aux feuilles luisantes et coriaces, une herbe courte et rare aient remplacé les végétations variées aperçues le long du chemin. Semés, çà et là, quelques peuplements de kapokiers de baobabs ou de ficus forment des taches sombres dans cet immense tapis aux verts variés et changeant des buissons épais et ombreux de jasmins, de lianes gohines flanqués de dattiers sauvages semblent autant de petits oasis dans ces terres calcinées de longs et sinueux rubans vert-sombre zigzaguent parmi les immenses prairies indiquant les cours des torrents, des ruisseaux ou des rivières dont l'eau permet aux arbres et aux plantes, bordant les rives, de conserver éternellement vert leur feuillage épais. Le sol de toute cette région est pauvre, ingrat, durci par le soleil ou inondé par des pluies. Composé tantôt d'argile rouge et de latérite, tantôt de schistes cristallins d'où émergent des affleurements de grès siliceux parmi lesquels on trouve des blocs isolés de quartz, il se couvre en certains endroits de collines dont la maigre végétation dissimule mal de grands massifs de grés que les intempéries désagrègent chaque année formant des dalles plus ou moins larges et épaisses. Quelques vieilles roches éruptives formées de granit bleu-noir émergent çà et là. Toutes les dépressions, les fonds de vallées sont encombrés de sables alluvionnaires formés des désagrégations de quartz, de silice, de gneis où brillent de multiples parcelles de mica. Sur les rives des marigots ou dans les bas-fonds, on trouve des gisements d'argile blanche mêlée à des débris de granit et de mica semblables à du kaolin. Certains plateaux sont entièrement formés par de vastes tables latéritiques d'où émergent de gros blocs ferrugineux employés par les nombreux forgerons Senoufo. Un humus maigre et peu profond recouvre le sol presque partout imperméable. Celui-ci est formé d'une argile rouge et compacte à laquelle sont mêlés des grains latéritiques. C'est ce qui explique l'aridité de la terre durcie par les rayons solaires. Le régime des eaux se ressent de cette imperméabilité. Les Senoufos sont obligés de déplacer tous les trois ans leurs plantations afin de permettre au sol épuisé et pauvre en calcaire de se reposer. Ceci explique les raisons pour lesquelles certains champs sont éloignés de 8 à 10 kilomètres des agglomérations. Les points d'eau sont donc rares. En dehors des villages bâtis sur les bords d'un fleuve ou d'une rivière, presque toutes les agglomérations possèdent des puits dont la profondeur varie suivant la composition du terrain. Cette description imparfaite du pays fera comprendre les efforts longs et pénibles que sont obligés de faire les cultivateurs de cette terre qui aurait un besoin extrême d'engrais pour obtenir de belles récoltes, récompenses méritées des paysans Senoufo. IL ORIGINE DES SENOUFO Tous les auteurs ayant traité de l'origine des Senoufo sont d'accord pour écrire que cette importante tribu est composée d'indigènes autochtones installés depuis des siècles dans les régions qu'ils habitent. Cette thèse est appuyée sur des faits lui donnant toute l'apparence de vérité. Cette famille, comme la nomme si justement M. Maurice Delafosse, dans son remarquable ouvrage sur le Haut Sénégal-Niger, comprend plusieurs groupes qui, au cours des âges, sans trop s'éloigner de leur pays d'origine, se sont essaimés dans différentes régions faisant partie aujourd'hui de deux Colonies du Groupe de l'A. O. F. 1° Les Senoufo appelés Minienka, peuplant les cercles de Koutiala et San, au Soudan français 2° Les Senoufo du Cercle de Sikasso, au Soudan français et de la Subdivision de Banfora, Cercle de Bobo-Dioulasso (Côte d'Ivoire); 3° Les Senoufo ou Sienamana, formant la population du Cercle de Kong (Côte d'Ivoire). Géographiquement, la famille Senoufo occupe les vastes régions allant des rives du Bani (affluent du Niger) au Nord jusqu'au 8° parallèle Sud marqué par une ligne jalonnée par Katiola-Mana-Kono et Seguela, en Côte d'Ivoire. A l'Est, par le cercle de Bobo-Dioulasso, sauf l'enclave de la Subdivision de Banfora et par la Leraba ou Comoé; à l'Ouest, par le Cercle d'Odienné qui, lui-même, comprend quelques éléments Senoufo. Tous ces territoires qui sont, en quelque sorte, d'un seul tenant, ont une superficie d'environ 90.000 kilomètres carrés, peuplés de plus de 700.000 âmes appartenant toutes à la race qui nous occupe. Ce qui donne un pourcentage de 6 habitants au kilomètres carré. Avant les bouleversements profonds provoqués par ]es nombreuses invasions qui se produisirent au cours des derniers siècles dans ces différents empires ou royaumes africains, les Senoufo étaient moins dispersés et occupaient des terres moins étendues. Mais bousculés et ballottés de l'Ouest à l'Est, du Nord au Sud, ils furent à différentes reprises envahis. Chassés, repoussés par leurs vainqueurs qui occupèrent les régions conquises, leur prirent une bonne partie de leurs terres et ils furent séparés en trois tronçons Koutiala-San Sikasso-Banfora cercle de Kong. D'où viennent les Senoufo ? Les versions varient suivant les groupes. Ceux du Nord Koutiala-San et Sikasso prétendent que leurs ancêtres ont toujours habité les rives du Bani et du Banifing. Ils eurent à lutter contre les attaques des rois de Ségou au Nord, et au Sud contre celles des Tyranneaux de Sikasso Thieba et Babemba. Ils reçurent le sobriquet de « Minianka ou Manienké » justement en raison de leur « autochtonie » (?) parce que les Bambara qui trouvèrent les « Senoufo » installés dirent d'eux « Amena-ké », ce qui signifie ils sont là depuis longtemps. Ceux du Sud Banfora, région Kong ne se souviennent plus exactement de leur origine, mais croient aussi. que, venus du Nord, ils furent refoulés vers Banfora où quelques-uns demeurèrent et de là sur la rive droite de la Léraba ou Comoé d'où il furents chassés par les Mandingues venant de Djenné qui fondèrent la ville de Kpon ou Kong, au xie siècle, suivant M. Binger. Les gens de Kong repoussèrent vers l'Ouest les Senoufo qui, depuis, occupent les mêmes régions entre les deux fleuves principaux le Bandama et la Bagoué. Le premier allant se perdre dans le golfe de Guinée à Lahou le second, affluent du Bani, lui-même tributaire du Niger. Surcesoriginesàpeuprès certaines, différentes légendes viennent se greffer. Tantôt les Senoufo se réclament du domaine divin, tantôt, pleins de naïveté, ils forgent de toutes pièces ces traditions où la puérilité le dispute à l'invraisemblable. Tous ces récits sont entremêlés de contradictions telles qu'il est impossible de s'y arrêter. Contentons-nous d'être à peu près certains que la famille Senoufo est la plus ancienne de la région dont les limites sont indiquées plus haut. On constatera, en jetant un coup d'œil sur la carte, que le pays Senoufo fut un véritable champ clos où se rencontrèrent, hélas trop souvent toutes les hordes des tyranneaux de Ségou, de Sikasso, sans oublier celle du sanguinaire Samory. Il fut, au surplus, un vaste réservoir de captifs où puisaient largement les vainqueurs pour se ravitailler 1 en femmes, en guerriers, en esclaves. Si depuis ces époques troublées les régions dont il s'agit se sont relevées de leurs ruines, il n'en reste pas moins vrai que les « Senoufo » ont conservé une mentalité spéciale, une inintelligence marquée, une certaine déficience intellectuelle que le temps, il faut l'espérer, finira par dissiper. Ce sujet sera développé plus longuement au chapitre traitant du caractère Senoufo. III. HISTORIQUE DE LA GRANDE FAMILLE SENOUFO On doit diviser en plusieurs phases l'historique des Senoufo en raison de leurs déplacements, et de leur fixa- tion en trois régions différentes appartenant à deux colonies et à quatre circonscriptions indépendantes. Chronologiquement, ce sont les Senoufo ou Sienamana de Korhogo qui, chassés par les Mandingues» venus de Djenné, quittent les premiers les terres qu'ils occupaient et, après s'être fixés vers Kong, en sont expulsés, toujours par les Mandingues, et vont enfin s'installer dans la région où nos troupes les trouvèrent lorsqu'elles conquirent le pays. Il est malaisé d'émettre la moindre hypothèse sur les faits qui ont dû se passer entre la première émigration des Senoufo et leur installation définitive dans les territoires qu'ils occupent. Contentons-nousde supposer, sans trop nous tromper, que cette grande famille fut en proie aux nombreuses incursions de leurs ennemis jaloux de constater que, par son travail, elle réparait ses ruines et devenait vite prospère. Nous arrivons ainsi au moment où les fameux Thieba, roi de Sikasso, puis son frère Babemba et le non moins célèbre Samory vident leurs querelles au détriment, bien entendu, des pauvres Senoufo. Ceux-ci sont obligés de fournir aux tyranneaux: des vivres, -des armes, des hommes et des esclaves. Bien heureux encore lorsque les villages ne sont pas brûlés et la population mâle égorgée. Nous sommes en 1887. Samory, que les colonnes du colonel Galliéni avait pourchassé, se sentant libre, part lui-même à la tête de ses troupes pour s'emparer de Sikasso, fondé au xixe siècle par les Traoré venus de Kong. Le roi de Sikasso, Thiéba, va au-devant des troupes de l'almamy (Samory) jusqu'aux rives de la Bagoué, le bat et rentre dans sa capitale. En mars 1887, Samory met le siège devant Sikasso qu'il croyait prendre rapidement. En mai de la même année, il n'a fait aucun progrès, malgré ses 5.000 hommes Sikasso se défend et tient avec 3.000 guerriers. D'ailleurs, la ville est imprenable sans artillerie. Au mois de juillet 1888, après quinze mois de présence, menacé par la famine, Samory, la rage au cœur, lève le siège. Thiéba le poursuit et défait à deux reprises son arrière-garde commandée par son lieutenant Maninké Mamady. Vers ce même temps, le lieutenant Binger, dans sa mission du Niger au Golfe de Guinée, avait traversé la région et s'était arrêté dans le camp de Samory assiégeant Sikasso. Celui-ci, espérant que la présence d'un officier français dans son camp intimiderait son ennemi, voulait garder Binger qui eut toutes les peines du monde à continuer son voyage vers Kong. C'est alors que le capitaine Monteil, à la suite d'une mission topographique, attirait l'attention de ses chefs sur les Etats de Thiéba. Le lieutenant Quiquandon, détaché de la colonne Vallière opérant contre Samory, fut envoyé à Sikasso. Il accompagna Thiéba qui se proclamait notre allié, dans une colonne au Nord de la région. Puis, voulant réduire le fama de Kinian, il marche sur cette ville avec Quiquandon. Ils sont rejoints par le lieutenant Sputzer, commandant le Cercle de Ségou. Malgré une pièce de quatre, Kinian tient bon pendant quatre mois. Quiquandon ayant quitté Sikasso, Thiéba continue de guerroyer contre ses voisins. Il rentre à Sikasso pour recevoir le lieutenant Marchand, qui venait d'y arriver. Celui-ci l'aide à s'emparer de Tiérè, puis regagne Ségou, tandis que Thiéba revient dans le Nanergué, marche sur Bama où il meurt avant d'avoir pris le village. Babemba prit la succession de son frère Thiéba. Il fut, comme lui, aidé par le lieutenant Quiquandon de retour à Sikasso. Puis, de nouveau, la lutte reprend entre Babemba et Samory. Quelques incidents font alors concevoir des doutes sur la sincérité de Babemba. Il refortifie sa ville et augmente le périmètre de défense dont les murailles atteignent 9 kilomètres. Samory ayant pris Kong, marchait sur Bobo-Dioulasso. Babemba refuse d'appuyer notre offensive. Protitant de notre soi-disant alliance, il triomphe des Etats voisins qu'il pille et dévaste. Se croyant à l'abri derrière les remparts de Sikasso, il ne tient aucun compte de nos observations et continue ses déprédations. Dans son entourage, notre politique paraît hésitante et on dit ouvertement que les Français, qui n'ont pu vaincre Samory, ne parviendront jamais à s'emparer de Sikasso, dont les fortifications font l'admiration des populations noires notre prestige disparaît. Babemba est arrivé à faire piller un de nos villages par ses sofas. Il refuse de payer le faible tribut annuel qu'il s'était engagé à nous verser. Il était difficile de. supporter plus longtemps l'audace et l'insolence de ce tyranneau. En janvier 1898, le colonel Audéoud, voulant faire une dernière tentative de paix, envoie le capitaine Morisson. Babemba reçoit très mal notre envoyé qui doit se retirer sans avoir obtenu le moindre résultat. A M'Pedegou, les sofas tendent une embuscade au capitaine Morisson en lui enlevant ses bagages et ses munitions. Ce guet-apens détermina le gouvernement à châtier Babemba et la marche vers Sikasso fut décidée. PRISE DE Sikasso Les archives militaires de Sikasso relatant la prise de cette ville ayant été enlevées, on est réduit à se reporter au récit publié sur l'almanach du Marsouin de 1899, sans fournir aucun détail. Le lieutenant-colonel Audéoud, lieutenant gouverneur du Soudan, prit le commandement de la colonne, avec le commandant Pineau comme chef d'état-major. La colonne arriva devant Sikasso le 15 avril 1898. Après plusieurs combats de jour et de nuit où nos tirailleurs indigènes firent des prodiges de valeur, Sikasso fut brillamment enlevée d'assaut le 1er mai 1898. Cette glorieuse opération nous coûtait 150 blessés et 53 tués parmi les indigènes; 4 officiers et 4 sous-officiers européens blessés, 2 officiers tués les lieutenants Gallet et Loury. Ce succès eut un retentissement considérable dans tout le Soudan et nous permit d'assurer notre autorité sur tout le pays Senoufo. Le capitaine Coiffé, qui commandait une des colonnes d'assaut lors de la prise de Sikasso, fut chargé d'administrer le nouveau cercle formé, outre du royaume de Kénédougou, des territoires Senoufo de Kignan, Sanondougou, Bougoula, Kaboïla, Folona, etc. En ce qui concerne les Senoufo-Minianka restés surr les rives du Bani et du Banifing, ils furent, eux aussi, la proie des rois de Ségou, tantôt s'alliant avec eux, tantôt luttant contre. Vivant séparés les uns des autres, ils furent sans défense et subirent passivement toutes les incursions, se décimant entr'eux, pillant, massacrant en attendant d'être, à leur tour, volés, tués ou vendus comme captifs. C'est le 22 mars 1893 qu'un détachement de la colonne Archinard, commandé par un capitaine, pénétra pour la première fois dans le pays Senoufo-Minianka. Il bombarda les villages de Bla (embranchement des routes San-Koutiala) et Pesoba (où se trouve la ferme du service des textiles) qui aussitôt se rendirent, sans aucune résistance. Le poste de Ségou, déjà créé sur le Niger, était trop éloigné (175 km.) pour avoir une autorité quelconque Dans le à elles-mêmes. abandonnées contrées des sur Sud, les « Sofa » de Babemba incursionnaient jusqu'au delà' du Banifing, prélevant des hommes enrôlés d'office dans les troupes du roi de Sikasso. Ils réquisitionnaient également des vivres et des captifs qui servaient, comme alors dans tout le pays noir, de monnaie d'échange contre les fusils de traite et la poudre que nos excellents amis anglais vendaient dans le but de contrecarrer notre marche vers la Volta. Ce ne fut qu'après la prise de Sikasso par la colonne Audéoud (lei mai 1898) que le pays put retrouver le calme nécessaire à sa réorganisation. Comme le disait si justement un chef de Konseguela (cercle de Koutiala) au capitaine Pelletier alors en tournée dans cette région, en 1900 il était temps que des troupes françaises viennent mettre fin aux pillages des hordes de El Hadj Omar de Ségou et celles de Babemba de Sikasso, sans quoi elles n'auraient trouvé qu'un pays habité par les singes et les oiseaux. En novembre 1898, le capitaine Coiffé (décédé et enterré à Sikasso), secondé par le lieutenant Monier, fait une reconnaissance dans le sud du cercle. Le ler juin 1899, le chef-lieu du cercle est installé à Koutiala, en plein pays Senoufo. Pour en terminer avec cet historique, le premier poste créé en pays Senoufo fut installé par nos troupes à Loango, sur la rive gauche du Bandama, en face Tiemou. La circonscription prit le nom du haut Bandama. En 1902, le chef-lieu du cercle fut transféré à Korhogo où il se trouve actuellement. Les Senoufo n'opposèrent aucune résistance à notre occupation. Je puis dire qu'ils furent contents de notre arrivée qui mettait fin à toutes les misères, les ruines, les calamités endurées sous Samory, Thiéba et Babemba. Seule, la tribu Pallaka, qui occupait et occupe encore les environs immédiats de Ferkessédougou, opposa quelque résistance à nos soldats. Vite mise à la raison, les Pallaka firent leur soumission après que nous eûmes Pris, jugé et fusillé leur chef « Kolobo » qui, ayant résisté victorieusement aux hordes de Samory, pensait qu'il pouvait en faire autant avec nous. Cet exemple ramena le calme dans tout le pays où, depuis, la paix n'a cessé de régner. IV. DU CARACTÈRE « SENOUFO » Est-ce en raison des nombreuses invasions qu'ils eurent à subir pendant des siècles, alors que leur pays servait de champ clos à toutes les hordes de tyranneaux qui avaient des querelles à vider entr'eux que les Senoufo ont conservé un esprit timoré, inquiet, soupçonneux et renfermé ? Toujours est-il qu'on est frappé de lire sur leur physionomie une grande lassitude, des regards ternes et éteints, un air de bête traquée, de sauvagerie. Plus que tous les autres noirs, ils ont conservé leur mentalité primitive faite de puérilité, de naïveté, de dissimulation, de crainte, de ruse. Rebelles à la compréhension, ils sont lents à saisir une idée quelconque. Quel travail mystérieux se fait dans ces cerveaux primitifs où l'apathie le dispute à la passivité. Sur les visages, peu ou pas de réflexes; dans les regards, rarement une flamme indique la joie ou le mécontentement. Quels sentiments se cachent derrière ces fronts bas ou plats, dans ces têtes taillées à coup de hache ? Que de détours, de patience, de ruse ne faut-il pas pour le connaître ? Et encore, la restriction mentale, qui forme la base de tout cerveau noir, ne permet pas de tout dévoiler. Les soucis comme les joies n'impressionnent-ils pas ces cœurs meurtris ? Leurs sentiments pétrifiés semblent ne plus pouvoir se faire jour. Et cependant, quelle bonne pâte le Senoufo. Pacifique jusqu'à la passivité poussée à l'extrême, il a toujours préféré fuir devant la lutte que de résister. Si mal commandé parce que ne voulant pas reconnaître de chef, comment aurait-il pu être vainqueur ? Il a toujours subi son destin avec un fatalisme outré. Ce fut un vaincu de la vie. Peuple doux, facile à mener à condition d'être guidé, soutenu, encouragé et bien commandé. Livré à luimême, le Senoufo tombe dans son anarchie primitive dans laquelle ont vécu si longtemps ses ancêtres. Constamment penché sur la terre ingrate, qu'il travaille et remue toute l'année, c'est un rude paysan, laborieux, rustique, dur à la lâche et économe. Encore que les nouvelles générations semblent avoir quelque peu évolué, les Senoufo ont conservé leur caractère, leur mentalité, leurs mœurs et leur religion. Seule, la sécurité que notre présence leur a apportée, a ouvert leurs esprits, et leurs âmes, autrefois si farouches, tendent à jouir enfin d'une paix qu'ils ont bien méritée. C'est un peuple qui revient lentement à la vie. LA CIVILISATION Si par civilisation on entend l'état de culture sociale, morale et matérielle auquel sont arrivées les grandes nations de l'Europe et de l'Amérique, il est bien certain que l'on est forcé de considérer les indigènes du Soudan comme ne faisant pas partie de ce qu'on appelle communément le monde civilisé. Mais si l'on attribue au mot civilisation son sens véritable, c'est-à-dire si l'on entend par ce mot l'état actuel de culture de n'importe quelle société ou nation, si, en d'autres termes on parle, de civilisation et non de la civilisation, la nôtre, on est bien obligé d'admettre que, pour avoir une culture et un état social fort différents des nôtre, les Senoufo » n'en ont pas moins, eux aussi, une civilisation qui vaille la peine d'être étudiée ou décrite (1). Les Senoufo, quoique primitifs, ont une forme de société bien organisée, avec sa hiérarchie, ses chefs, sa justice, ses droits, ses devoirs, ses coutumes et ses mœurs. C'est ce que je vais essayer d'exposer dans les chapitres qui vont suivre. LA FAMILLE ORGANISATION DE LA FAMILLE Primitivement et jusqu'à notre occupation, la société Senoufo avait conservé une organisation que des peuples civilisés n'admettent plus, mais que beaucoup ont toléré jusqu'au milieu du xixe siècle. Je veux parler de l'esclavage, très en honneur chez tous les peuples africains. En dehors de cette tare sociale entachant l'organisation de la famille on peut dire que, chez les Senoufo, la famille était et est encore organisée sur les principes admis par beaucoup de peuples civilisés. Cette organisation se rapproche de celle des orientaux et des tribus de l'Afrique du Nord tant en raison de la polygamie qui est de règle qu'à cause de certaines coutumes qui nous sembleraient arriérées, mais toujours admises chez les Senoufo. À la différence des peuples civilisés modernes, les anciens tiennent une place prépondérante et conser- vent toute leur autorité. La femme, dans la famille Senoufo, n'a aucune considération. Elle est chargée de toutes les besognes sans oublier la maternité qui est sa principale fonction. DÉFINITION DE LA PARENTÉ Si, chez les Senoufo, la parenté comprend, comme dans toutes les civilisations, les père et mère, les enfants, les frères et sœurs, oncles et neveux, tantes et nièces et tous les membres consanguins et utérins, elle observe certaines restrictions vis-à-vis des membres par alliance de la famille, ou pour mieux dire les parents de ou des femmes, n'ont qu'une place très restreinte dans une famille Senoufo. S'ÉTABLIT-ELLE PAR TIGE PATERNELLE, DEUX? PAR TIGE MATERNELLE OU PAR LES La parenté s'établit uniquement par tige paternelle. Comme il est décrit plus haut, les parents par alliance dire pas. ainsi comptent pour ne DE L'ALLIANCE Des degrés de parenté et d'alliance au point de vue de leurs effets notamment en ce qui concerne 10 les droits de tutelle et, en particulier, les apports d'oncle à neveu 20 les empêchements au mariage. Les degrés de parenté s'établissent de la façon suivante en ce qui concerne les droits de tutelle 1° Oncle paternel 2° Neveux paternels; 3° Cousins paternels. Il va sans dire que les oncles, neveux, cousins maternels ne sont pas considérés comme étant parents, par conséquent éliminés des droits de tutelle. Cependant, il arrive qu'à défaut de parents de tige paternelle les enfants seront recueillis par ses parents maternels. Cette adoption ne concède aucun droit à la tu telle qui, en ce cas, est donnée au chef de village, ni à l'héritage. Les EMPÊCHEMENTS AU MARIAGE Les empêchements au mariage sont les suivants: Entre oncle et nièce Entre tante et neveu Entre enfants utérins Entre cousins germains (ces unions peuvent exister mais rarement). II existe en plus, au point de vue physique. des em- pêchements au mariage. La stérilité dûment constatée, l'impuissance, la folie, l'envoûtement, la sorcellerie. ORGANISATION COLLECTIVE Comme l'écrit si justement M. le Gouverneur Delafosse dans le Tome III de son ouvrage sur le Hautl Sénégal-Niger, il y a lieu de spécifier qu'il existe deux sortes de famille la famille proprement dite telle que nous la concevons dans notre état social et la famille globale ou collectivité. La famille privée comprend le père, la mère ou les nièces, les enfants, les oncles, tantes, neveux, nièces, cousins de paternels parfois, les enfants adoptifs, et autrefois les affranchis, les serfs, les esclaves. La famille collective ou groupe sous l'autorité d'ini ancien (patriarche) comprend plusieurs familles privées ayant les mêmes intérêts, les mêmes souches, les mêmes diamou correspondant à notre nom patronymique, le même «tana ». Cette famille peut comprendre des étrangers établis depuis longtemps, ayant fait souche ou s'étant alliés à l'une des familles privées, et s'étant engagés à reconnaître l'autorité du chef de groupe ou patriarche. Le clan existe, mais ne correspond pas entièrement à ce qu'il désignait chez les romains et dans notre ancienne formation sociale. Il est plus fantaisiste, pouvant comprendre des membres de plusieurs familles ne se connaissant pas, ayant parfois un patois spécial. Le clan, chez les « Senoufo » aurait plutôt des origines se rattachant à certaines superstititons, le totem, par exemple, et aussi un caractère religieux par suite d'affinités des mêmes idoles, de mêmes divinités invoquées. En résumé, il est difficile à définir en raison de son caractère impondérable. DROITS ET DEVOIRS DES MEMBRES DE LA collectivité Dans la famille privée, le père est le chef incontesté. Tous les membres lui doivent le respect et l'obéissance. Par contre, le chef de famille doit assistance à tous les membres, l'entretien, la nourriture, le logement et l'établissement. Il est, au surplus, responsable civilement de la famille au point de vue criminel et correctionnel, il n'est responsable que des membres mineurs. Avant notre occupation, il avait droit de vie et de mort sur tous les membres de la famille dont il usait rarement. Cependant, lorsqu'un de ses enfants avait commis une trop grande faute, le chef et les membres de la famille étaient rendus responsables. Le chef était, alors, en droit de vendre des captifs s'il en avait pour racheter la faute et payer les dettes contractées. Il en était de même dans la famille collective. Le •patriarche avait les mêmes droits, les mêmes devoirs parfois plus étendus, puisqu'il n'hésitait pas à faire mettre à mort un membre indigène. Par contre, ses devoirs étaient beaucoup plus lourds en raison du nombre des membres de la collectivité. ORGANISATION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE Chez les Senoufo, l'organisation politique et administrative est restée primitive. Elle comprend A la base le chef de famille privée, le chef de famille collective, le chef des groupes, le chef de village. En sus de cette hiérarchie, il existe d'autres chefs comme celui de la terre distributeur des parcelles et considéré comme le descendant des premiers occupants. Le féticheur ou chef de religion, le chef des jeunes gens ou animateur des travaux des champs, dès jeux et des danses. Enfin, il y a quelques castes qui, autrefois, étaient mises de côté, mais aujourd'hui confondues avec la société. La caste des forgerons, des tisserands, des teinturiers. Seule la caste des forgerons a gardé sa formation et ses coutumes. Chacun en son domaine avait ses devoirs et ses droits. Mais le chef de famille collective l'emportait en autorité sur les autres, surtout s'il s'agissait de gens riches. Chaque groupe vivait, un peu en dehors l'un de l'autre, dans une sorte d'anarchie tempérée par l'autorité des chefs de famille qui s'unissaient au moment du danger. Les Senoufo eurent ceci de particulier qu'ils ne formèrent jamais une nation homogène. Il n'y eut jamais un roi ni un grand chef pouvant se flatter d'avoir groupéé sous son autorité la grande famille Senoufo. Les villages vivaient isolément. Parfois, un ou deux groupements s'unissaient pour résister aux envahisseurs. Le danger passé» chacun reprenait son indépendance. ETAT ACTUEL L'organisation politique et administrative de la société Senoufo n'a guère changé depuis notre occupation. Nous avons toujours affaire à des petits groupements, anciens villages désagrégés ou à des villages isolés, auxquels nous avons donné le titre de Cantons. Toutes ces agglomérations de un ou plusieurs villages ayant gardé leur ancienne formation sont placées sous le commandement de chefs dont l'autorité, il faut l'avouer, n'est pas grande. C'est ce que l'on peut appeler de la poussière de chefs disséminée çà et là et insuffisamment agglomérée pour obtenir l'obéissance des sujets. Dans toutes ces divisions, dans ces morcellements d'autorité, les raisons sont multiples et complexes. Elles sont fournies par des discussions d'ordre privé aussi bien que par des questions d'héritage, ou de femmes. Mais le facteur principal est la mentalité des Senoufo, toujours aussi fantaisistes et qui, malgré leur caractère pacifiste, tiennent à leur anarchie première dans laquelle ils vivaient avant notre occupation. EVOLUTIONS EN COURS MODIFICATIONS A APPORTER En faisant une certaine pression morale, nous sommes arrivés à grouper certains villages indépendants avec les cantons plus voisins. Cette modification admi- nistrative ne vaut que pour certaines circonstances:i impôt, recensement, prestations, société de prévoyance, conseil notable. Le village reste, au point de vue de la société indigène, toujours indépendant. Le temps seul nous permettra d'apporter des modifications à l'organisation politique et administrative des Senoufo dont la mentalité, je l'ai déjà écrit, sera longue à évoluer. DU MARIAGE MONOGAMIE La monogamie existe sans aucun doute. Elle est cependant exceptionnelle, ne se rencontrant que parmi les sujets sans fortune. Elle est très rare. Polygamie La polygamie est de règle, possédant le caractère légal, chez les Senoufo. Elle est devenue une institution légale pour diverses raisons se rapportant aux coutumes Senoufo et, en général, à tous les peuples africains. Pendant les six derniers mois de la grossesse d'une femme, le mari ne doit pas avoir de rapport avec elle, afin d'éviter de « casser le ventre » suivant l'expression pittoresque des noirs. Il s'en va donc chercher des consolations autre part et se remarie. Il en va de même pendant l'allaitement de l'enfant qui, parfois, dure deux ou trois ans. Le Senoufo mâle, comme d'ailleurs tous les noirs d'Afrique, ne pouvant observer une continence aussi longue, se voit dans l'obligation de prendre une seconde femme, une troisième épouse, parfois plus. Sa première femme est en complet accord avec lui. Il arrive même que ce soit elle qui prenne soin de choisir une camarade sur laquelle elle pourra garder de l'ascendance et de la sympathie. D'autre part, les nombreuses familles ont toujours été considérées chez les peuplades africaines comme un signe de richesse, tant en raison de la main-d'œuvre gratuite qu'elles procurent (femmes et enfants) qu'à cause de nombreux sujets pouvant être, en cas de malheur, mis en garantie des dettes contractées. Et aussi, quelle domesticité Chez les Senoufo, la femme est considérée comme un instrument de travail et de fabrication d'enfants. Ces coutumes, un peu relâchées à notre point (le vue moral, en ont amené une autre d'un genre un peu spécial et que l'on retrouve aussi bien chez les peuplades de la côte que chez celles du centre africain. La possession de plusieurs femmes, dont une était l'épouse. dite légitime et les autres les concubines, était une source de revenus parfois très élevés. Certains roitelets, chefs de tribus, de groupes et de famille globale, n'hésitaient pas à prostituer leurs concubines dans un but lucratif. Ce trafic avait lieu de la façon suivante Un roi, un chef, voire un patriarche, bien qu'âgé et surtout âgé, épousait une ou plusieurs jeunes filles grâce à sa richesse et à sa situation. Si ses moyens d'achat étaient illimités, ses moyens virils étaient, au contraire, très restreints; ne pouvant satisfaire ses épouses, celles-ci avaient facilité d'aller et de venir, de se rendre dans telle région ou même de rester dans leurs villages d'origine. Bien que ne cohabitant pas avec leur mari, elles étaient entretenues et nourries par lui. Cela ne satisfaisait ni leur tempérament ni leurs ardeurs. Et il arrivait ce qui devait arriver. Ces jeunes femmes, étant livrées à elles-mêmes, se donnaient un amant, puis se prostituaient au plus offrant. Les amants de passage étaient, tout de suite, dénoncés au mari et arrêtés aussitôt par des sbires spécialement affectés à cette surveillance. Les coupables étaient mis à mort ou vendus comme esclaves. Leurs biens étaient vendus ou la famille, pour lui sauver la vie, devait payer de lourdes amendes. Parfois, des familles entières étaient ainsi ruinées et obligées de se mettre en garantie pour acquitter les sommes réclamées par le mari, qui en un rien de temps s'enrichissaitpar cette prostitution organisée. Lesfemmesallumeuses, si l'on peut dire, non seulement se prêtaient, avec complaisance, à ces exercices, mais réclamaient souvent leur part en se faisant remettre par leur mari complaisant par impuissance, un mouton, une chèvre, un chien ou le prix de ces bêtes destinés à honorer, par un pieux sacrifice, les génies bienveillants qui avaient eu la bonté de lui procurer des amants et des victimes fortunées. Certains vieillards, épousant des jeunes filles, vont même jusqu'à leur procurer un amant de leur choix afin d'être certains d'avoir des enfants qui seront légalement les siens. En raison de notre présence, la pratique de ces coutumes s'est fortement atténuée. Mais il arrive que les tribunaux aient à connaître de délits d'adultères provoqués par des maris vieux et impuissants qui portent plainte, non pas en raison du délit en lui-même, mais parce que l'amant de rencontre a oublié de verser la redevance prévue ou de désintéresser le propriétaire de la femme par un cadeau entretenant les amitiés (1). CONSÉQUENCE DE LA POLYGAMIE relativement A LA CONDITION DE LA FEMME La polygamie, c'est incontestable, a eu pour résultat de diminuer la condition sociale de la femme chez les Senoufo. Comment en serait-il autrement puisque la possession de plusieurs épouses n'était fonction d'aucun sentiment, mais constituait une sorte de richesse en transiormant des jeunes filles en servantes chargées de toutes les besognes ménagères sans préjudice de leurs fonctions naturelles de mères. Chez les Senoufo, comme d'ailleurs chez tous les peuples africains, la femme représente donc une fortune, une main-d'œuvre gratuite et une fabrique d'enfants. Elle est, par conséquent, dans un état nettement inférieur. Elle ne s'en aperçoit pas, en raison de l'habitude prise, des coutumes ancestrales et aussi à cause d'une certaine inconscience lui permettant de subir sa condition. DES FIANÇAILLES OU PROMESSES DE MARIAGE Chez les Senoufo, les fiançailles ou promesses de mariage sont réglementées et sanctionnées. Les fiançailles ont lieu très longtemps avant le mariage, surtout s'il s'agit d'hommes riches recherchant épouse ou concubine. Elles peuvent avoir lieu après l'excision qui se pratique vers la dixième année. Parfois, au cours d'une conversation entre amis ou voisins, l'un d'eux, ayant aperçu la grossesse d'une femme, dit « Je retiens la jeune fille (si c'en est une) et voici déjà son cadeau de fiançailles. Si les parents acceptent, les accordailles sont faites. D'une façon générale, les fiançailles ont lieu alors que la jeune fille est très jeune, de 1 à 10 ans. Bien entendu, cette dernière n'est nullement consultée. Elle apprend ses fiançailles soit parla rumeur publique, soit en voyant son futur époux effectuer chez ses parents les travaux de cultures prévus par les coutumes. Pendant toute la durée des fiançailles, le futur époux se doit d'aider ses futurs beaux-parents dans les travaux des champs. Il laboure, pioche, ensemence, désherbe les plantations. Il va couper du bois pour les provisions ménagères, exécute différentes corvées afin de se bien faire voir de sa future famille et aflirmer ainsi ses fiançailles. Lorsqu'il y a lieu de consulter les fétiches, le rebouteux ou la matrone connaissant les remèdes et les simples, c'est le fiancé qui paie les menues dépenses. Bref, il n'a pas de cesse jusqu'au jour du mariage, de s'occuper de sa fiancée et surtout de sa future bellemère dont dépend la réussite de ses projets. De leur côté, les parents de la fiancée s'engagent tacitement en acceptant les cadeaux, les services du jeune homme ou de l'homme mûr, à lui réserver intacte leur fille; sauf empêchement majeur. Lorsque les fiançailles sont rompues du fait du fiancé, tous les cadeaux, les présents, toutes les sommes données par lui sont acquis aux parents de la jeune fille, sans qu'il soit admis à réclamer quoique ce soit. Dans le cas contraire, les parents de la fiancée doivent rembourser tout ce qui a été donné à eux et à la jeune fille. Seuls les travaux effectués sont abandonnés comme temps perdu (1). CONDITIONS REQUISES CHEZ L'HOMME ET LA FEMME POUR POUVOIR CONTRACTER MARIAGE Il suffit, pour l'homme, du consentement des parents de la jeune fille d'avoir versé les cadeaux d'usage et la dot; rempli les obligations attachées à l'état de fiancé; être sain d'esprit. Chez les Senoufo, il existe dans certains villages une coutume permettant à l'homme peu fortuné d'échanger une de ses sœurs, ou à défaut l'une de ses cousines contre la femme qu'il convoite. Cet échange en cas de rupture, doit être rétabli dans l'état existant avant le mariage. Pour la femme, il faut qu'elle soit nubile et en état de donner des enfants au mari. POLYANDRIE La polyandrie est inconnue chez les Senoufo. INCESTE Il m'a semblé utile, pour compléter l'étude des mœurs de la famille Senoufo, de citer une coutume qui, je dois l'ajouter, n'est répandue que dans un canton et dans certains villages du cercle de Koutiala. Cette même coutume existe aussi dans quelques villages du cercle de San. Elle était en honneur chez les autres Senoufo de la région de Kong, mais elle a à peu près disparu. A vrai dire, ce ne sont pas des Senoufo proprement dits, mais des Markas, mâtinés de Senoufo, qui pratiquent l'inceste. Les autres indigènes du pays appellent ces invertis sociaux d'un sobriquet: les Marka-Bani. En dialecte indigène, cela se traduit par les sauvages, les gens sans pudeur, inconscients. Avant notre arrivée dans le pays, tous les habitants des villages du Cercle de Koutiala, de Pé-Sangansou, Bogoni, Djebé, Bogola, Sangansou, Mougoula, Kassiansou, Samboro s'unissaient entre parents sans aucune restriction. Le père avec la fille, la mère avec le fils, les frères avec les sœurs et inversement. Aujourd'hui, ces mœurs se sont très atténuées. Mais j'ai appris que les indigènes continuaient clandestinement à s'accoupler au petit bonheur. MARIAGE La distinction établie par l'ensemble des législations positives entre les empêchements absolus et les empêchements relatifs se remarque-t-elle dans la coutume indigène ?R Empêchements absolus: 10 parenté en ligne directe entre ascendants et descendants en ligne collatérale entre frères, sœurs, oncle et petite nièce 20 la stérilité dûment constatée. Empêchements relatifs. Le vol, la folie, l'incontinence d'urine. Autrefois entre femme libre et captif; femme envoûtée par un quelconque fétiche. La profession de forgeron était autrefois un empêchement absolu devenu relatif depuis notre installation dans le pays. Quid des empêchements résultant des différences de races et de collectivités des conjoints ? Des empêchements résultant des différences de castes, de races, voire de clan ou collectivité ont dû exister autrefois. Chaque membre d'une famille se mariant dans son clan ou dans son groupement. Actuellement, ces empêchements n'existent plus. A quelle catégorie de nullités se rattachent l'impuberté et le défaut de consentement de l'un des époux ? L'impuberté se rattache chez les Senoufo à un empêchement absolu en ce qui concerne la célébration du – mariage. Même si les jeunes filles impubères considérées comme telles ont eu des relations avec des jeunes gens ou des hommes, on doit feindre de l'ignorer. Le défaut de consentement chez l'homme est un empêchement absolu. Tandis que ce même défaut chez la femme n'en est pas un. Dans tout mariage, la jeune fille n'est jamais consultée et son consentement n'est même pas demandé. Enumération des divers cas d'empêchement;t Absolus: la parenté en ligne directe, ascendants et descendants en ligne collatérale entre frères et la stérilité le soeurs oncle et nièce tante et neveu défaut de consentement du futur. Relatifs le vol, la folie, l'incontinence d'urine, autrefois (entre femme libre et captif), l'envoûtement par fétiche, mésalliance de caste. MODE D'OBTENTION DE LA femme Le mariage a-t-il lieu par achat ou par enlèvement ? Autrefois, avant notre occupation, l'enlèvement de la femme était courant. Au cours des pillages, des rapts, une femme se faisait enlever et devenait l'épouse de son ravisseur. Actuellement, il existe deux façons d'obtenir une femme chez les Senoufo. 1° Par dot, sorte d'achat déguisé ou encore par dons en nature et argent; 2° Par échange, sorte de troc ou une femme est échangée contre une autre de la même valeur. Il n'y a plus d'enlèvement. DANS QUELLES CONDITIONS ?Î Lorsqu'un homme ou un jeune homme désire contracter mariage, généralement il a choisi parfois depuis longtemps la jeune fille qu'il veut épouser. Celle-ci reste sa fiancée, non sans le consentement de ses parents, jusqu'au mariage. Sauf rupture pour une raison majeure. On a vu plus haut, au chapitre des fiançailles, de quelle façon le futur obtenait la jeune fille choisie et dans quelles conditions. S'il n'y a pas eu rupture entre temps dès que la jeune fille est pubère, elle est livrée au mari sans autre apparat que la conduite de ses parents. Parfois, quelques amis et amies accompagnent la future épouse jusqu'au domicile de l'époux. Si ce dernier est riche, un repas copieux, composé de viande est servi aux intimes. Ce festin est suivi des libations accoutumées de bière de mil. Si le mari est pauvre, la cérémonie est simple. Une calebasse de « dolo » entre lui et son beau-père sanctionne la remise de la jeune fille à son futur époux. Je ne parle pas, bien entendu, des cérémonies intimes à laquelle procède la fiancée, qui sacrifie suivant ses ressources ou celles de ses parents, un poulet, une chèvre, un chien sur l'autel des dieux domestiques. En toute entreprise, les génies sont invoqués. EST-CE L'HOMME OU LA femme QUI APPORTE LA dot ?'? Lorsqu'il y a versement de dot, ce qui se produit chez les Senoufo du Sud, ceux du Nord étant plutôt échangistes, c'est l'homme qui apporte la dot consistant surtout en cadeaux de toutes sortes, proportionnés à la richesse du futur. QUEL EN EST LE montant ?`~ Avant notre arrivée, le système du versement d'une dot n'existait pas, on échangeait deux femmes entre deux familles. Le frère donnait sa sœur ou sa cousine, ou le beau-frère devait également remettre une de ses parentes proches. Actuellement, les coutumes ayant évolué, la dot, lorsque l'homme est riche, est fixée en cauries d'une valeur égale à 250 francs, une chèvre pour le fétiche afin d'attirer les bénédictions des dieux domestiques sur les époux, un mouton ou un bouc. Lorsqu'il s'agit d'un jeune homme peu fortuné, il n'y a ni dot, ni cadeau, simplement échange comme il est dit plus haut. Formalités DE LA CÉLÉBRATION DU MARIAGE LES présents DONNENT-ILS LIEU A UNE réglementation SPÉCIALE Aucune cérémonie ne préside au mariage, par conséquent aucune formalité n'est prescrite. La jeune fille est conduite au domicile de son futur par le père ou à défaut par le chef de famille. Si le mari est riche, il donne à boire et à manger aux parents, amis, voisins. La cérémonie prend fin à l'entrée de la jeune fille sous le toit conjugal. QUI PRONONCE LES UNIONS ?2 Personne. D'un consentement mutuel, le père de la jeune fille ou son chef de famille et le mari décident (lu joui" du mariage. DES DROITS ET OBLIGATIONS NÉS DU MARIAGE. DETTES ALIMENTAIRES. DEVOIRS DE FIDÉLITÉ. SECOURS ET ASSISTANCE. sous peine de divorce il doit accomplir ses devoirs conjugaux, même s'il possède plusieurs femmes. C'est d'ailleurs l'un des motifs provoquant une assez grande quantité de demandes en divorce de la part des femmes. La fidélité est, en principe, requise aussi bien pour l'homme que pour la femme. En fait, elle a moins d'importance chez le premier qui, étant maître, ayant versé dot et cadeaux, se croit permis d'avoir une fidélité plus élastique que celle de sa compagne pour laquelle c'est une obligation absolue. Pour comprendre cette différence, il faut connaître la mentalité primitive des indigènes en même temps que la conception de l'état social de la femme. Enfin, De l'homme la femme est un instrument de travail, chargée au surplus de donner le plus d'enfants possible à son mari. Il est vrai que ce dernier est chargé de toutes les dettes, charges, assistance, protection, dépenses, secours, dommages, délit, etc., etc., de la communauté. La femme se désintéresse de tous ces détails. De la femme la fidélité, l'obéissance, les soins ménagers. La préparation des aliments et une prolifi cation sans limite. Tous les autres devoirs incombent au mari. L'ADULTÈRE DE l'homme OU DE LA FEMME entraineT-IL, EN RÈGLE GÉNÉRALE, LA RUPTURE DE L'UNION OU SE RÉSOUT-IL PAR UNE PEINE PÉCUNIAIRE ? Le sens de l'adultère n'a pas la même signification chez l'homme que chez la femme, en vertu de ce principe admis chez les populations à civilisation primitive que le mari, le chef de famille est le maître absolu. Le mari commet-il un adultère ? sa ou ses femmes fermeront les yeux par force ou admettront le fait. Quelques-unes, plus hardies, profitant de l'absence du mari, iront administrer une correction à la maîtresse de leur époux» lui déchireront ses pagnes et la mettront toute nue. Elle sera ainsi la risée du village. J'en ai vu qui se battaient entre elles et se faisaient parfois d'horribles blessures morsures, arrachement de seins, jet de piment dans les yeux. L'homme fera semblant d'ignorer l'incident. S'il tient à sa maîtresse, il morigénera ses compagnes, les battra ou imposera sa nouvelle concubine qui, si elle n'est pas mariée, deviendra une épouse complémentaire et ira au gynécée partager les droits et devoirs des autres femmes. Souvent, il y a conciliation. Deux voisins ou amis sont chargés d'arranger l'affaire moyennant le verse- ment d'un cadeau. L'homme est pardonné à condition qu'il remette un chien, une chèvre ou un mouton ou encore leur valeur à l'épouse outragée. Celle-ci sacrifiera l'animal et invoquera la protection des génies bienveillants. Parfois, je l'ai constaté à maintes reprises, la femme (ou les femmes) trompée, cherche à punir sa rivale par envoûtement. Elle va trouver le sorcier et lui demande conseil. Celui-ci fournit ce que l'on veut à condition d'y mettre le prix. Généralement, l'envoûtement consiste à placer sur le passage de la rivale ou sur le seuil de la maison une noix de colas rouge traversée d'une fléchette de bois. On trace aussiun demi-cercle a utourde l'entrée de la case avec de la poudre fournie par le sorcier et composée d'écorce pilée d'un arbre sacré, de la poudre de charbon et des débris d'animaux. Chez la femme, l'adultère est plus grave, bien que paifois très atténué. La première fois que la femme a faute, le mari lui inflige une correction. S'il y a récidive, la femme est répudiée et rendue à sa famille. Cette dernière f*st mise dans l'obligation de restituer la dot, les cadeaux ou la femme ayant servi d'échange. Il existait, peut-être cxistc-t-il encore, une coutume ayant force de loi chez les Senoufo. Lorsqu'une femme commettait le délit d'adultère, afin de ne pas perdre sa femme, et éviter des changements, le mari soumettait le cas à un tribunal familial composé de parents et d'amis. On faisait comparaître la coupable qui, naturellement, niait avoir un amant. Les juges décidaient de soumettre la prévenue au jugement de Dieu, consistant à faire passer sur la langue de la femme un fer préalablement rougi. Si la patiente sortait indemne de cette épreuve, c'est qu'elle disait la vérité. Elle était déclarée non coupable. Dans le cas contraire, elle subissait la correction prévue et était chassée ou vendue (1). Actuellement, l'adultère se résout par une conciliation et une amende, le cas échéant. Très rarement, la peine de prison est appliquée. L'amende se paie en cauries, ou en nature chèvres, chiens, poulets, bénéfices nets des féticheurs toujours à l'affût de ces incidents que, parfois, ils provoquent, surtout lorsque le casucl est en baisse. La pénalité infligée à l'adultère est-elle uniforme ou varie-t-elle suivant la condition des époux et des complices ?) On a vu, au paragraphe précédent, que l'adultère du mari était faute vénielle et sanctionnée seulement et indirectement au préjudice de sa maîtresse. Si l'adultère cependant est commis de complicité avec une femme mariée, le mari outragé peut se venger sur son rival. Avant notre occupation, le mari trompé avait le droit de tuer l'amant de sa femme. Toutefois, il n'usait de ce droit que si ce dernier était impécunieux. Dans le cas contraire, l'affaire s'arrangeait par le versement de 10.000 à 40.000 cauries, suivant la gravité de la faute. Le coupable, outre l'amende, donnait chèvres, chiens, poulets pour remercier les fétiches d'être intervenus en sa faveur. On tuait, au surplus, un mouton pour effacer la faute et purifier la femme. Celle-ci rentrait au bercail conjugal lavée de son adultère. Des libations entre rivaux et amis terminaient ce différend, vite oublié de part et d'autre. La femme, on l'a vu plus haut, était corrigée par son mari, fustigée par les femmes de son amant ou rendue à sa famille en cas de récidive. Il y a lieu d'ajouter que l'adultère, chez les Senoufo, n'a pas cette gravité qui désunit une famille de notre civilisation. La polygamie en s'implantant dans les mœurs a engendré une sorte d'adultère très atténué. Dans la faute commise, le noir voit moins une question de sentimentalité qu'un attentat à sa propriété. Il est rare que la passion joue le moindre rôle. La preuve, c'est que dès qu'un Senoufo est désintéressé, il oublie son infortune, tout en redoublant de surveillance vis-à-vis de la femme coupable. Le fait, pour un homme, de posséder une quantité de femmes, variant suivant son rang et sa fortune, lui a créé des devoirs conjugaux souvent au-dessus de ses forces physiques. D'autant mieux que le plus souvent ce sont des hommes âgés qui prennent pour femmes de toutes jeunes filles. Il est écrit plus haut que le non accomplissement du devoir conjugal pour un homme peut causer le divorce. Or, il faut bien admettre que, si chez les Senoufo, les forces génésiques sont plus développées que chez la race blanche, elles ont au moins des limites naturelles qu'il est difficile à un homme ordinaire de dépasser. Cette carence conjugale devait fatalement amener les coutumes qui ont pris force de loi chez les Senoufo l'adultère tacite et toléré. Afin de conserver sa femme (ou ses femmes), les enfants issus de celle-ci, de ne pas perdre le bénéfice des travaux effectués pendant de longues années et les cadeaux distribués, éviter le ridicule attaché à l'impuissance d'un mâle, le mari ferme souvent les yeux avec d'autant plus d'indulgence qu'en sa jeunesse il icn a fait autant. Il tolérera donc les infidélités de sa ou ses femmes à condition que le scandale ne soit pas trop voyant. A la réflexion, il a pensé aussi que ces infidélités pouvaient être monnayées. Et c'est ainsi que, peu à peu, s'est créée la coutume de la prostitution organisée. Les rois et les chefs donnèrent, les premiers, l'exemple. La tradition continua. Il n'est pas rare de voir certains vieillards désigner eux-mêmes les amants que devront prendre leurs jeunes épouses inassouvies. Ce coadjuteur marital a libre pratique et ne reçoit aucune paie, ni aucun émolument. Mais les enfants issus de ces coutumes extra-conjugales, appartiennent au mari. C'est pourquoi, je le répète, l'adultère chez les Senoufo, j'allais dire chez presque tous les Noirs, est d'une relativité très étendue. DANS LE CAS DE PEINE PÉCUNIAIRE, QUI VERSE L'AMENDE, QUI L'INFLIGE ET QUEL EN EST LE MONTANT ? L'amende, en cas de peine pécuniaire, est versée toujours par l'amant, jamais par la femme coupable qui, au contraire, réclame une légère rétribution en nature ou en monnaie pour son dieu domestique. Le montant est basé sur la fortune du délinquant. -La peine est infligée par le mari outragé. Ou, s'il y a contestation, par le chef du village, assisté de notables formant tribunal de conciliation. DES DEVOIRS PARTICULIERS A CHAQUE ÉPOUX En dehors des devoirs de la communauté énumérés plus haut, .chaque conjoint a des devoirs particuliers consistant 1° Pour l'homme débroussement, préparation des terres à ensemencer, travail de labours, désherbage, pêche, chasse, tissage des étoffes, vente des produits, construction des cases, fabrication des outils et objets ménagers, nattes, tara, etc., dépenses de la famille, responsabilité de tous les membres de la famille, acquittement de toutes dettes, paiement de l'impôt, acquittement des prestations; 2° Pour la femme maternité, élevage des enfants jusqu'à 3 ans, préparation des aliments, soins intérieurs du ménage, entretien de la case, coupe de bois mort pour cuisson des aliments, constitution de la réserve quotidienne d'eau, lavage et blanchissage des linges, l'égrenage et filage du coton, désherbage des champs, ramassage des récoltes, cueillette des noix de karité, préparation du beurre de karité, de l'huile d'arachides, cueillette des simples et autres médicaments. DE LA DISSOLUTION DU MARtAGE DIVORCE, SES CAUSES, SES EFFETS De même que l'adultère a un sens délictueux très atténué chez les Senoufo, de même le divorce est un acte sans gravité. Le mariage s'est effectué sans aucune cérémonie, la dissolution n'entraîne aucune scène passionnelle, mais simplement quelques complications pécuniaires. Rarement le divorce est prononcé aux torts du mari. Aussi rarement le mari réclame-t-il le divorce. Les motifs invoqués par la femme dans une demande en divorce sont de deux sortes d'ordre normal (folie. intempérance, brutalité coutumière, vol, non versement de la dot ou non remise de la femme-échange) et d'ordre physique (membre viril exagérément développé ou, au contraire, impuissance tare des parties sexuelles, incontinence d'urine). Généralement, le mari fait opposition. Il va jusqu'à accepter, nous l'avons vu plus haut, un jeune auxiliaire afin de ne pas perdre sa femme et les enfants qu'elle pourra avoir. Ce jeune coadjuteur joue le rôle de pacificateur dans la mésentente. En ce cas, la femme est libre de choisir son partenaire. Au contraire, quand le mari réclame le divorce, il a droit d'invoquer de nombreuses raisons toujours meilleures les unes que les autres. Le divorce peut être prononcé aux torts de la femme pour les motifs suivants refus de consommer le mariage, récidive d'adultère, refus de s'acquitter des soins du ménage, de préparer les aliments, de soigner les enfants, stérilité dûment constatée de la femme, incontinence d'urine, envoûtement par fétiche. Les effets du divorce n'affectent le mari qu'autant qu'il renonce à certains de ses droits. Sauf, bien entendu, dans le cas où la dot n'a pas été versée ou que la promesse d'échange n'a pas été tenue. Dans ce cas seulement, le divorce est prononcé aux torts du mari qui, d'ailleurs, conserve les biens acquis même parfois par le travail personnel de la femme. Cette dernière n'a rien à réclamer comme dommage. Elle a cependant le droit de prendre les filles qu'elle a eues de cette union si le mari n'a pas entièrement versé la dot. Elle ne peut réclamer ni indemnités, ni pension alimentaire. Les enfants sont toujours remis au père quels que soient ses torts, sauf dans le cas précité. Si le père vient à mourir, les enfants sont coniiés aux parents paternels jusqu'à extinction. Pendant l'allaitement et jusqu'au jour du sevrage (5 ans environ) la mère est autorisée à garder son enfant. JURIDICTION QUI PRONONCE LE DIVORCE Le divorce est prononcé par le chef de famille lorsqu'il s'agit d'un membre de la famille collective. Par le chef de village assisté de deux anciens quand c'est un chef de famille. Le cas est-il compliqué et les parties ne sont-elles pas d'accord sur certains points ? on a recours à la juridiction du chef de canton qui juge, comme chef de village, en conciliation. Actuellement, si l'affaire après conciliation du chef de village ou de canton n'est pas résolue et que la décision ne soit pas acceptée par les parties ou l'une d'elles, celles-ci n'étant pas liées par un jugement définitif, portent leurs différends devant le tribunal de 1~ degré qui prononce le jugement suivant les coutumes du pays. DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL Le divorce par consentement mutuel n'existe pas, en raison des frais occasionnés par les cadeaux offerts au moment des iiançailles et épousailles. RESTITUTION DE LA DOT ET DES PRÉSENTS S'il y a eu versement de dot, la restitution est obligatoire, même si le mari a tous les torts. Dans le cas où le mari demande le divorce, les cadeaux, présents et tous frais ayant accompagné la célébration du mariage sont exigibles. A QUI SONT CONFIÉS LES ENFANTS ? Les enfants sont confiés au père, même le divorce étant prononcé à ses torts. En cas de décès, ils sont remis aux parents paternels. Jamais à leurs parents maternels. DE LA RÉPUDIATION, SES CONSÉQUENCES AU REGARD DE LA DOT ET DES ENFANTS En cas de répudiation, extrêmement rare chez les Senoufo, le remboursement de la dot ni la restitution de la femme-échange ne peuvent être exigées par le mari qui, cependant, garde les enfants. D'ailleurs, le mari a trop d'intérêts pour répudier sa femme. Il préfère le divorce lui offrrant tous les avantages. DE LA FILIATION DES DIVERSES SORTES DE FILIATION A mœurs primitives, législation simple. Les mœurs des Senoufo n'admettent pas différentes sortes de filiation. Un enfant est une richesse, sans plus. Peu importe son origine légitime ou non. Ce sont là subtilités dont ces peuplades ne s'embarrassent pas. L'adultère, comme on l'a vu, étant acte arrangeable soit par versement d'argent, de cadeaux ou restitution de personne, ses conséquences sont réduites d'autant. Les enfants issus de relations coupables sont considérés comme les autres, sans aucune différence. H n'existe donc pas, comme dans notre législation, des enfants légitimes ou illégitimes, reconnus ou naturels. Il n'y a que des enfants bienvenus. LA COUTUME INDIGÈNE CONSACRE-T-ELLE LA DESTRUCTION DE NOTRE DROIT CIVIL ENTRE LA FILIATION LÉGITIME NATURELLE, SIMPLE. ADULTÉRINE OU INCESTUEUSE ? Comme il est écrit précédemment, la coutume Senoufo ne fait pas de différence entre les naissances des enfants. Ils sont, au point de vue social, placés sur le même rang. Toutefois, en raison de la polygamie et certaines coutumes décrites plus haut, il existe certaines préférences entre enfants issus de la première femme ou d'une favorite et des autres concubines ou maîtresses. II arrive que le père favorise tel ou tel enfant au détriment des autres, dans certaines donations, dans l'exercice de certaines charges publiques. Mais, au point de vue social, ce régime privé et préférentiel n'a aucune valeur. En ce qui concerne les enfants nés d'unions incestueuses, ils sont reconnus par leurs parents dans les villages où cette inversion se produit. Dans les autres villages, les incestes sont considérés comme fous, chassés de la communauté. DES EFFETS DU LIEN DE PARENTÉ EN CE QUI REGARDE LES DROITS ET DEVOIRS 3° DES ENFANTS. 1° DU PÈRE 2° DE LA MÈRE Les liens de parenté engendrent les obligations suivantes 10 Pour le père devoir de soutien, de protection, d'assistance, d'entretien, de nourriture, de soins et d'établissement envers sa femme et ses enfants. Il est, en outre, responsable des dettes, des dommages, des délits contractés ou causés par sa femme et ses enfants jusqu'à la majorité de ceux-ci. En ce qui concerne les droits, il les avait tous avant notre occupation, y compris celui de vie et de mort. Depuis notre arrivée, il conserve tous ses droits, sauf celui de mort. 20 Pour la mère devoir de fidélité, de soumission, d'obéissance, obligation d'effectuer les travaux ménagers, agricoles, procréation, soins à donner aux enfants. Les droits, assistance, protection, entretien, alimentation, correction envers les enfants, obtention du devoir conjugal du mari. 3" Pour les enfants: devoir d'obéissance, de soumission, de respect, d'aide, de soutien dans la vieillesse. Droits: assistance, entretien, alimentation, établissement, aide, protection, paiement des dettes même après la majorité. DROIT DE GARDE DE SURVEILLANCE OU DE CORRECTION Le père ou le chef de famille étant responsable de tous les délits, dettes, dommages ou vols commis ou contractés par ses enfants, a droit de correction envers eux. Avant notre occupation, il arrivait que certains chefs de famille enfermaient leurs enfants, les mettaient aux fers, même à mort. Mais on avait recours à ces extrémités que dans des circonstances très graves trahison, empoisonnement, adultère avec l'une de ses femmes ou concubines. Il existait d'ailleurs une coutume consistant à échanger deux enfants. Deux chefs de familles parents ou non, afin d'éviter d'être empoisonnés par leurs enfants échangeaientleurs fils qui restaient ainsi éloignés jusqu'à leur majorité, parfois plus longtemps. LE PÈRE OU LA MÈRE PEUT-IL DONNER SES ENFANTS EN GAGE OU EN FAIRE DES CAPTIFS TEMPORAIRES ?`~ Oui, avant notre arrivée, le père de famille (jamais la mère) avait le droit de mettre ses enfants en garantie (captifs temporaires). Actuellement, cette mise en garantie existe toujours, mais devient rare. On ne voit plus des familles entières abandonnant leurs villages pour se rendre â la merci d'un preneur qui devenait leur maître. C'est plutôt une location d'enfant, ainsi qu'elle existe dans beaucoup de nos campagnes. La louée, en France, n'est qu'une location déguisée puisque les parents placent leurs enfants mineurs moyennant une somme fixée entre eux et l'employeur qui, obligatoirement, leur remet l'ar.~eut;. Or, si des pères et mères en Europe louent leurs enfants, c'est; en raison de leur indigence, pour leur assurer une nourriture plus abondante, leur apprendre un métier. Chez les indigènes, ce n'est qu'en cas de gêne, de dettes, de misère que les chefs de famille se décident à mettre leurs enfants et femmes en garantie. Ceux-ci sont bien traités et aussi bien soignés que s'ils étaient chez eux. DANS QUELLES CONDITIONS ET JUSQU'A QUEL AGE '? Le père ou chef de famille ayant eu un malheur qui mis dans l'obligation de payer une forte somme ou de contracter un emprunt impossible à rembourser, emprunte à son tour une somme et donne en garantie deux ou trois enfants, parfois sa femme. Le contrat passé, la somme remboursée, les membres de la famille rentrent chez eux. Les enfants ou les femmes sont traités comme membre de la nouvelle famille. Ils sont employés aux travaux des champs si le prêteur est un cultivateur ou à toute autre besogne suivant le métier du nouveau maître. Ils ont droit à la nourriture, à l'entretien. Autrefois, rarement maintenant, le chef de famille était dans l'obligation de mettre sa ou ses femmes en garantie. Parfois, lui-même partait avec toute sa famille. Le prêteur, pendant toute la durée de la garantie, avait le droit de faire partager sa couche par la ou les femmes mises en garantie. Ces prérogatives donnaient lieu à des contestations interminables durant plusieurs générations. Les dettes payées, toute la famille regagnait le village d'origine. Il arrivait qu'au cours de la garantie le chef de famille mourait. Les femmes et les enfants demeuraient chez le prêteur qui les considérait comme membres de sa famille. Des villages entiers furent ainsi abandonnés sans que personne n'en connut les raisons. DÉCHÉANCE DE LA PUISSANCE PATERNELLE Jamais la puissance paternelle, chez les Senoufo, ne subit de déchéance. PARENTÉ ARTIFICIELLE Il n'existe pas de parenté artificielle. DE L'ADOPTION, SES CONDITIONS, SES FORMES ET SES CONSÉQUENCES L'adoption est si rare qu'elle représente l'exception. Les enfants ne sont jamais remis et trouvent toujours un père ou une mère, un oncle ou une tante, pour être recueillis. Ils ne restent jamais sans foyer. DE LA TUTELLE DE L'ÉMANC!PATION ET DE L'INTERDICTION lo La tutelle des survivants, des pères et mères; 2° la tutelle testamentaire conférée par le dernier mourant des pères et mères 3" la tutelle des ascendants attribué à celui le plus proche 4° la tutelle dative déférée par le conseil de famille. Ces divers modes se retrouvent-ils dans la coutume indigène ? Chez les Senoufo, la tutelle n'est pas comprise de la même façon que dans la législation française pour plusieurs raisons dont la principale est que l'état social est tout différent et surtout moins compliqué. Les mineurs ne restent jamais à l'abandon trouvant toujours un tuteur soit bénévole~ soit naturel, parmi les parents ou voisins du groupement. Au surplus, généralement, le défunt ne laissant rien ou presque à ses descendants, la gérance des biens de mineurs est de ce fait résolue. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un enfant mâle mineur susceptible d'hériter de biens, d'une charge ou d'un commandement d'un village ou d'un groupe, il est pourvu d'un tuteur afin d'éviter une spoliation et des malentendus. C'est le frère cadet du défunt ou, à défaut, le frère aîné qui devient tuteur. Si le décujus n'avait pas de frère, la tutelle est confiée à un oncle ou à un cousin toujours de tige paternelle, à condition que ceux-ci aient l'âge raisonnable pour remplir leur mission. Parfois, le père, avant de mourir, n'étant pas très bien avec ses frères, oncles, cousins, n'ayant aucune confiance en eux ou étant brouillé, désigne lui-même le tuteur de son héritier. Il choisit un ami sûr ou, à défaut, le chef de village. S'il n'y a aucun parent du côté paternel, c'est le chef de village qui est chargé de gérer les biens du mineur. En aucun cas, la tutelle est confiée à la mère. Les attributions du tuteur sont exactement les mêmes que celles du père, avec la différence qu'il ne peut se servir de l'argent du mineur, le faire fructifier ou même acheter avec quoi que ce soit, faire acte commercial sans qu'il ait deux témoins dont le chef de village ayant assisté à toutes ces opérations. Au cas où le tuteur se rendrait indigne de son mandat, il est destitué et remplacé par le parent le plus proche du côté paternel ou, à défaut, par le chef de village. L'émancipation a lieu lors du mariage du mineur. Ce jour-là, le tuteur doit rendre compte de sa gestion devant témoins et en présence du chef de village. Au cas où le mineur, pour une raison ou pour une autre ne se marierait pas (chose rare), il demande son émancipation vers 18 ou 20 ans et, en même temps, les comptes de la tutelle. L'interdiction est très rare. Dans ee cas, l'administration des biens de la famille est confiée au cadet de la famille. DE LA PROPRIÉTÉ A des êtres primitifs, il découle de source qu'il faille des coutumes simples, sans complication aucune. La propriété existe chez les Senoufo. Elle est simplifiée par le fait que, s'agissant d'une société primitive où la richesse n'est pas développée, elle est toute rela- tive. II y a lieu de distinguer deux sortes de propriétés chez les Senoufo. La propriété individuelle réduite souvent à sa plus simple expression la propriété collective, qui est de beaucoup la plus importante. La propriété individuelle comprend les biens acquis soit par achat, soit par héritage, soit par le travail. Exemple les meubles et objets mobiliers, les vêtements, la maison, l'outillage, les animaux domestiques, les récoltes, les arbres fruitiers découverts, les esclaves achetés, les sommes d'argent représentées en « cauries » ou en objets d'échange. Cette propriété est toute personnelle. Le propriétaire a le droit d'en disposer s'il est chef de famille ou sous le contrôle de ce dernier s'il n'est que membre de la famille. La propriété collective ou communale découle de plusieurs propriétés privées qui, en cas de danger (nécessité de s'unir), est mise en commun afin d'en assurer la garde. La terre, premier bien foncier procurant la majeure partie des richesses individuelles, fut, à l'origine, une propriété privée. Le premier occupant était naturellement propriétaire du sol ou de la parcelle qu'il occupait. Cette origine de propriété a conservé force de loi chez les Senoufo. Et, cependant, la terre est devenue bien communal. On appelle encore chefs de la terre les descendants de ceux qui occupèrent les premiers le pays Senoufo; Douon le nomme encore « Kouloufo » en Senoufo « goutigui » en Bambara. Puis, au cours des âges, il y eut sans doute comme parLout, changements de propriétaires soit par legs, soit par héritage, soit encore par rapt ou autrement. Le titre de chef de la terre a subsisté et se transmet presque comme un droit divin. A l'usure, les indigènes ont considéré les chefs de la terre comme étant d'origine supérieure puisque très ancienne. Ceux-ci, pour les besoins de la cause, se sont pourlaplupart transformés en féticheurs afin de donner plus de prix à leur prérogative et surtout dans le but d'accroître leur casuel. En effet, aucun « Senoufo » ne doiL prendre possession de terre nouvelle sans l'arroser du sang d'une victime expiatoire: chèvre, mouton, chien, bceuf, destinée à attirer les bénédictions des génies bienfaisants sur les futurs labours et éloigner les maléfices des esprits malins répandus dans l'air. De ce fait, le chef de la terre est devenu un grand personnage devant lequel s'inclinent les chefs de villages, de groupes et de cantons. A tous changements de chefs, il reçoit le tribut dû au premier occupant proportionné à l'importance des terres du canton ou du village. Ainsi que l'écrivait si justement M. le Gouverneur Delafosse dans un de ses nombreux ouvrages sur nos protégés africains, il n'y a pas un pouce de terrain en Afrique qui n'ait un propriétaire. Et qui plus est, les chefs de terre connaissent admirablement les bornes et limites de leur domaine. Outre la terre, la propriété collective comprend la chasse, la pêche, la cueillette des fruits d'arbres (kariéé, néré, indigo, caoutchouc), la faculté de placer des ruches dans les arbres les coupes de bois l'extraction du minerai la coupe du chaume; le droit de pacage. Dès que l'un des membres d'une collectivité autorisé à chasser, à pêcher, à cueillir, à couper, à labourer, semer et récolter, s'est emparé par ruse, par force, par son travail du gibier, du poisson, des fruits, du mil, du minerai, des récoltes, tout cela devient sa propriété privée dont nul ne peut se saisir sous peine de dol. Certaines coutumes réclamaient des chasseurs ayant tué un éléphant qu'une des pointes d'ivoire de la bête revint au chef de canton en signe de soumission. La propriété est donc à la fois collective et privée, selon la nature des biens et certaines circonstances. Est-elle domaine éminent du chef, du souverain ? Comme il est écrit plus haut, la propriété n'est pas domaine éminent du chef puisque le chef de la terre, dans chaque village ou chaque groupe en dispose. Il est arrivé cependant, au cours des siècles, que certains chefs ou tyranneaux s'emparant, par force, de villages ou de groupements devenaient, par suppression des .propriétaires, maîtres de la terre. Mais, par peur de représailles, le même chef s'empressait de nommer l'un de ses grands féticheurs, chef de la terre, afin de satisfaire et à la coutume et à la superstition. Y a-t-il une distinction entre les biens mobiliers et les biens immobiliers ?2 Biens mobiliers, individuels et indivis 10 les meubles et objets mobiliers, les articles de ménage, ustensiles de cuisine 2° Les boeufs, vaches, chevaux, troupeau, moutons, chiens, chèvres, poulets; 3° Les fruits de cueillette, les céréales, produits alimentaires, récoltes. Les biens mobiliers allant aux héritiers directs ne sont pas indivis l'habillement, objets de la terre, la case et ses dépendances, armes, outils d'artisan. Biens immobiliers indivis toutes les terres de cultures destinées à la subsistance de la famille et aux paiements de taxes. Le droit de propriété comporte-t-il les facultés d'user de la chose, d'en disposer- comme il les confère dans 1 ancienne Rome et dans les législations actuelles ? L'individu a le droit d'user des biens lui appartenant en propre et qu'il a acquis personnellement par son commerce, son travail ou par son don. Le chef de famille, au contraire, ne peut disposer ni de la terre qui ne lui est que prêtée, ni des biens provenant de la communauté et ne rapportant aucun usufruit. Par contre, le même chef de famille a le droit de vendre les animaux du troupeau et, si nécessaire est, donner des garanties sur les biens de la communauté lorsqu'il s'agit de la collective. En d'autres termes, il peut hypothéquer les biens de la collectivité. Il doit des comptes aux intéressés à cause des héritiers. De cette façon, il ne perd jamais de vue qu'il gère les intérêts de la communauté dont il est le représentant s'il agit ainsi c'est plutôt pour avoir un conseil, ou se faire une opinion, car tout compte fait, la décision lui appartenant, il est le seul maître de la prendre. DES SERVITUDES PERSONNELLES OU DROIT D'USUFRUIT, D'USAGE OU D'HABITATION. COMMENT ET SUR QUELS BIENS D'USUFRUIT PEUT-IL ÊTRE ÉTABLI ? Il existait, avant notre arrivée dans le pays Senoufo, des servitudes personnelles et droit d'usufruit que devaient les occupants de telle ou telle terre. Le premier occupant « Kouloufolo propriétaire de la terre percevait certaines redevances en nature et basées sur le rendement des récoltes. Cet usage, très atténué, s'est conservé. Le féticheur, chef de la terre, perçoit certains droits sous forme d'offrandes aux génies protecteurs des champs. En plus du chef de la terre, le chef de canton, de groupe avait établi certaines prestations ressemblant étran- gement aux tailles dont les anciens seigneurs du temps de notre féodalité accablaient les vilains. Les chefs de familles et individus, mariés pouvaient jouir de la terre, des récoltes, des cueillettes de fruits, de la coupe de bois, de la pêche, de la chasse moyennant une dîme variant suivant la fantaisie des chefs. Ils étaient, par contre, astreints de labourer, ensemencer une grande parcelle de terrain. La récolte provenant de ces prestations était réservée au chef et placée dans des greniers spéciaux. Il en était de même pour la construction, l'entretien, les réparations des bâtiments du chef et de sa suite. Les paysans pouvaient jouir de l'usufruit, de la propriété prêtée moyennant l'accomplissement de toutes ces corvées. Certains de ces usages n'ont pas disparu. Si les chefs, sous notre contrôle et surtout à cause de notre contrôle, sont moins exigeants, ils n'en demeure pas moins que certaines prestations subsistent et sont difficilement supprimables, si nous tenons à conserver le respect des traditions et l'autorité du chef. Les servitudes imposées aux usufruitiers des terrains distribués sont la libre pratique des sentiers pistes traversant les champs, la liberté aux troupeaux de la communauté de paître dans lés terrains momentanément en friche, le droit de chasser quand les récoltes sont ramassées. L'usufruit prend fin quand une terre est épuisée et abandonnée pour une autre, généralement tous les quatre ou cinq ans, suivant la fertilité du terrain. Le service foncier n'existe pas chez les indigènes en dehors des servitudes et usages cités plus haut. Aucun indigène ne cherche à acquérir la propriété foncière d'un terrain pour différentes raisons, dont les principales 10 se considérant comme propriétaire provisoire du terrain que lui a désigné le chef de la terre, il n'éprouve aucunement le besoin de posséder un titre qui n'ajouterait rien à la jouissance de la parcelle; 2~ dès que le terrain devient stérile ou inutilisable au bout du cycle cultural de quatre ou cinq ans chez les Senoufo, il ne saurait, passé ce temps, retirer de ces terres usées et lassées, la moindre récolte sans un apport important d'engrais. Or, le « Senoufo », comme beaucoup d'indigènes d'ailleurs, se refuse à fumer ses terres en raison de sa grande apathie, d'absence d'engrais et surtout de la routine séculaire. Il sera donc difficile, de longtemps, d'introduire dans les mœurs « Senoufo » les titres de propriété foncière. NOTE SUR LE DOMAINE PUBLIC LES CONCEPTIONS INDIGÈNES Si l'on admet qu'il n'y ait, chez les Senoufo, aucune parcelle de terrain sans propriétaire, il est difficile de trouver un pouce de terre appartenant au domaine public. De son droit souverain du fait du prince, l'Administration représentant l'Etat, peut désigner tel ou tel endroit comme propriété du domaine public. Toutefois, il y a lieu de considérer que le droit des indigènes est réservé. En fait, les terrains sont assez étendus en dehors des alentours habités pour que la main-mise sur une parcelle même vaste ne gêne, en aucune façon, les propriétaires naturels. A condition que leurs droits séculaires chasse, pêche, coupe de bois, puise d'eau, pacage, prélèvement de minerai lui soient conservés dans le cadre des règlements. Le Senoufo, je le répète, ne saurait faire un effort pour comprendre notre façon d'envisager le :domaine public. Il suit ses coutumes ancestrales et s'en remet à son chef de canton, seul qualifié pour avoir des relations avec les « Blancs e, maîtres du pays. ExiSTE-T-IL, CHEZ LES SENOUFO, DES BIENS APPARTENANT EN COMMUN AU VILLAGE, A LA TRIBU OU A DES GROUPEMENTS PLUS IMPORTANTS ?`~ Oui, comme il est écrit plus haut, la terre, les arbres fruitiers, les arbres de coupe, le droit de pêche et de chasse, de navigation, de pacage, d'irrigation appar- tiennent en commun au village ou à un groupement important. Ces biens ne peuvent pas être aliénés. DES DIVERSES DÉPENDANCES DU DOMAINE PUBLIC Toute parcelle de terrain inoccupée dont la prise de possession ne lèse en aucune façon les droits des indigènes peuvent être considérés, après enquête et décision de l'autorité, comme dépendance du domaine public. DES SUCCESSIONS, DONATIONS ET TESTAMENTS De même qu'il existe deux sortes de biens individuel et collectif chez les Senoufo, de même il y a deux sortes de successions 10 Dans la succession des biens privés, l'héritage comprend la ou les femmes du défunt, son bétail, ses plantations, ses récoltes, ses effets, ses objets mobiliers et ustensiles, domestiques, la case, l'argent économisé et lui appartenant. Dans la succession des biens collectifs, le chef de famille hérite de toutes les femmes et filles de son prédécesseur, du trésor familial et commun s'il existe, des effets d'apparat, des armes, des plantations et récoltes réservées au chef, des prérogatives attachées à la chefferie, des fétiches. 2<* DE L'OUVERTURE DES SUCCESSIONS. DE LA SAISIE OU INVESTITURE. DES BIENS HÉRÉDITAIRES AU PROFIT DE L'HÉRITIER. DES QUALITÉS REQUISES POUR SUCCÉDER. DES DIVERS ORDRES DE SUCCESSIONS. QUI HÉRITE ?`I L'ouverture d'une succession a lieu au décès d'un chef, d'un membre mâle de la famille. A la mort d'un chef, le plus ancien du village ou le chef de village devient gardien des biens de la chefferie et de la collectivité jusqu'à l'investiture de l'héritier désigné. II pose, en quelque sorte, des scellés moraux sur tous les biens meubles devant être remis au succes- seur. L'héritier est connu généralement longtemps avant le décès du prédécesseur. Néanmoins, il doit être désigné officiellement et accepté par un conseil de famille présidé par le chef de village ou de groupe. Cette investiture ne vaut que pour les chefs de famille ou de groupe. Au décès d'un individu quelconque, son héritier s'empare, aussitôt les obsèques terminées, de toute la succession sans autre cérémonie que la prise de possession. Il conserve les femmes du défunt s'il le veut. Celles-ci deviennent ipso facto ses épouses. Souvent, iorsqu'i! est pourvu d'un harem suffisant, H distribue les veuves à ses frères, neveux, cousins ou encore si elles sont vieilles, les laisse libres tout en pourvoyant à leurs besoins. Dans ce dernier cas, les femmes restent attachées à la case ou, très rarement, rejoignent leurs villages d'origine. Pour hériter, il faut être majeur, sain d'esprit et n'avoir pas été expulsé de la communauté. Les mâles seuls héritent. DES DIVERS ORDRES DE SUCCESSION Successions collectives 1° Le frère cadet 20 Le frère jeune 3" Le frère aîné 40 Le neveu ) aîné 5" Le fils 6" Cousins et tige paternelle 1° Le fils ou les fils 2° Frères 3° Neveux j 4° Cousin tige germain paternelle 6° Nièce 7o Ascendants~ Les femmes héritent-elles ? Si oui, dans quelles conditions ? Chez les Senoufo, la femme n'hérite jamais puisqu'aussi bien elle-même est considérée comme faisant partie des biens de la succession. Il lui est permis, toutefois, de conserver ses quelques objets strictement personnels et au besoin un petit Pécule fruit de son travail. DES NEVEUX DU DÉFUNT Les neveux (tige paternelle) héritent dans l'ordre des successions inscrit plus haut, c'est-à-dire lorsque le défunt ne laisse pas de frère dans les successions collectives, ni d'enfant dans les successions privées. Du CONJOINT La femme, ne pouvant hériter, faisant partie de la succession, en cas de décès le mari n'a pas à se préoccuper des biens que laisse la défunte puisqu'elle ne possède rien. DES DROITS DE LA COLLECTIVITÉ VILLAGES OU TRIBU SUR LES BIENS DU DÉFUNT. FORME D'ACCEPTATION NOTAMMENT AU POINT DE VUE DETTE. CONSÉQUENCE DE LA RENONCIATION. Du PARTAGE DES SUCCESSIONS. DES RAPPORTS L'HÉRITIER PEUT-IL CUMULER SA PART HÉRÉDITAIRE AVEC LE MONTANT DES DONATIONS REÇUES DU « DÉCUJUS )) ? Les villages, tribus, cantons n'ont aucun droit sur les successions particulières ou privées. Dans le cas, absolument rare, d'absence d'héritier, tous les biens sont remis au chef de village qui en use comme bon lui semble. Aucun héritier n'a le droit de renonciation à une succession, même lorsque le passif dépasse l'actif. Il n'existé aucun partage de succession. L'héritier est unique. Celui-ci peut recevoir l'héritage en même temps que les donations qu'aurait pu lui faire le défunt avant ou après sa mort. Etant seul bénéficiaire de toute la succession, il ne peut y avoir de contestation. COUTUMES FUNÉRAIRES Les coutumes funéraires sont soumises à un protocole très compliqué variant dans chaque région du pays Senoufo et que les anciens, gardiens des traditions, agrémentent de détails inspirés par des idées religieuses ou la superstition a la plus grande part. Seuls ont droit aux cérémonies funéraires, détaillées ci-après, les hommes et femmes mariés, à l'exclusion (les jeunes gens, jeunes filles et enfants enterrés sans aucune formalité. Dès qu'un Senoufo est mort, il est indispensable, avant tout, de connaître le motif du décès. Que celui-ci soit dû à une maladie, à un accident ou à la vieillesse, la cause en est attribué à un maléfice, à un sort jeté par les ennemis du défunt. Il importe d'en connaître les raisons. Pendant que des amis et voisins dévoués sont partis annoncer la fatale nouvelle aux amis et parents des villages lointains, la famille se réunit et consulte un féticheur afinde connaître les motifs du décès. Lesorcier n'a garde de donner une réponse évasive. Il est toujours affirmatif, connaissant tous les gens du village et des environs. Après des invocations aux génies et consultations de ses idoles, il rend son oracle en désignant une personne quelconque, un fétiche de quelqu'un ou l'idole d'un foyer comme auteur certain de la mort ayant mis le village en deuil. L'individu ou le propriétaire du fétiche ou de l'idole désigné ne nie pas puisque les fétiches l'accusent. Etant mis dans l'obligation de payer une amende de 5.000 cauries et de sacrifier une chèvre, un chien ou un mouton pour faire amende honorable et demander pardon aux mânes du défunt, il s'exécute sans tarder. Cette question réglée, on procède à la toilette mortuaire. Des hommes, si le défunt est un homme, des femmes si c'est une femme, lavent le corps avec de l'eau spécialement puisée par les épouses du défunt ou de ses parents. Chacune d'elles doit apporter une calebasse d'eau qui est tiède avant de servir à la toilette. Puis, on recouvre le corps de ses plus beaux pagnes et de multiples couvertures apportées par les parents et amis accourus à la nouvelle du décès. Parfois, il y a plus de 30 ou 40 pagnes-couvertures recouvrant le corps. « M Les meilleurs amis, les voisins étant arrivés, on prépare la cérémonie. Parfois, on attend huit et dix jours avant d'enterrer le corps afin de permettre aux plus éloignés d'assister à l'inhumation. Tous les parents, amis, voisins entourent la couche funèbre dans une pose consternée. On se lamente, on pleure, les femmes poussent des cris, tous les assistants font d'amères reproches au défunt qui les a quittés pour le royaume des ombres. Les sons heurtés des tam-tams et les notes claires du « Bala fon » retentissent lugubrement. La nuit se passe en pleurs. Le jour de l'inhumation, le corps est transporté tumultueusement sur la place du village. On le place la tête adossée à un arbre. Chacun défile ou tourne en rond en hurlant ou poussant le plus de cris possible. Les tam-tams battent en cadence, scandant le son des « bala fon » qui jouent sans arrêt. Parents, amis, voisins dansent, crient en l'honneur du défunt. De copieuses libations viennent aviver la douleur de chacun et approvisionner les glandes lacrymatoires. Des sacrifices sont faits chèvres, chiens, bœufs et le sang des victimes est bu par les joueurs d'instruments et les forgerons chargés de creuser la fosse. Puis, la procession ultime se forme accompagnant le corps à sa dernière demeure. Les forgerons, maîtres du fer et de la terre, ouvrent la marche. Les tam-tams et bala fon » suivent. Vient ensuite le fils ou neveu du défunt portant les instruments de travail de son père ou oncle « Daba », houe, si c'était un cultivateur, le métier pour un tisserand, le fusil et accessoires pour un chasseur, le marteau, les pinces et la masse si c'était un forgeron. Le corps est porté par les amis intimes du défunt qui, dans certaines régions « Senoufo )', à Nafara (Korhogo), le promène autour des cases du village afin de rechercher le motif et l'auteur de la mort. Le reste des assistants suit sans aucun ordre que leur fantaisie. Dèvant la fosse, préalablement creusée par les forgerons, on dépose le corps placé sur une civière faite de branchage. Le trou a les dimensions suivantes 1 m. 50 de profondeur, 1 mètre de large, 2 mètres de long. Au fond de la fosse a été creusée une petite niche où le corps sera déposé incliné vers la droite, la tête tournée vers t'Est. Le fils du défunt découvre la figure du mort. On ferme la niche avec des pierres et recouvre la fosse de terre. L'inhumation est terminée. Les plats en terre cuite ayant servi au défunt sont brisés sur la tombe. Dans certains groupements, on porte à manger au mort. Quelques-uns enfouissent les aliments dans un trou creusé au-dessus de la tête du mort. C'est son dernier repas. D'autres, plus pratiques, préparent les plats que le défunt aimait. Ceux-ci sont vidés par les amis du décédé qui mangent en souvenir de leur compagnon disparu. Le deuil dure sept jours, pendant lesquels les veuves restent enfermées. Leurs cheveux coupés ont été enfouis dans un trou caché. Leurs têtes sont entourées, chez les Minianka et les Solona d'une bande d'étoffé noire, chez les Senoufo de Sikasso d'une bande d'étoffé blanche. Elles ne peuvent se remarier qu'après le deuil de dix jours à trois mois, suivant les régions et surtout les liens d'affection les unissant à feu leur époux. Ces cérémonies n'ont lieu que lorsque le défunt est riche et puissant. Quand il s'agit d'un Senoufo » de basse extraction, le protocole est moins compliqué et les frais d'inhuumation moins élevés. On l'enterre sans grande pompe. Mais cependant, le défunt déshérité profite des fastes et cérémonies du premier enterrement suivant le sien. A l'intention du pauvre, parti sans cortège et sans bruit, on tue quelques animaux supplémentaires. On invoque le souvenir du pauvre « Senoufo ». De cette façon, le riche défunt aura, en l'autre monde, un compagnon dévoué et, qui sait, un ami sûr, qui l'accompagnera dans tous ses déplacements au royaume des ombres. La caste du « Noumou » forgerons qui tient une place spéciale dans la grande famille Senoufo, prétend avoir le privilège, si toutefois c'en est un, de posséder les fosses les mieux creusées. Lorsque l'un d'eux meurt, tous ses compagnons de travail vont creuser une fosse circulaire très vaste. Au fond de ce trou, vers l'Est, une niche rectangulaire est aménagée où l'on place le corps du forK geron défunt. Sur le cadavre sont placés les outils de l'artisan parti pour un monde inconnu. Dans certaines régions « Senoufo », les funérailles de chef n'ont lieu que plusieurs mois après le décès. Le corps est placé sur une claie installée dans la fosse où il se momifie peu à peu. La liquidation de la succession a lieu aussitôt les funérailles terminées. Le deuil n'est pris que par les femmes du défunt et celles ayant coutume d'habiter la case où est mort le chef de famille. Il dure sept jours. Les femmes se rasent la tête. Dans certains endroits, les Minianka, les cheveux coupés sont placés près du mort. Pour en terminer avec les cérémonies funéraires, lorsqu'un homme ou une femme convaincu d'inceste meurt, son corps est placé assez loin dans la brousse, recouvert de broussailles et abandonné aux bêtes fauves qui le font disparaître rapidement. DES DOTATIONS ENTRE VIFS ET DES TESTAMENTS Le testament n'existe pas chez les Senoufo, puisqu'aussi bien l'héritier unique est connu d'avance. En cas de décès de celui-ci, l'héritage est remis au suivant. II arrive que certain chef de famille ou de groupe est désireux de donner une part de ses biens personnels à l'un de ses parents plutôt qu'à l'héritier désigné; il doit en faire la déclaration verbale à des amis ou au chef de village en présente des témoins. Le cas est très rare. Dans ces circonstances ce sont des donations entre vifs qui sont faites. CAPACITÉ DE DISPOSER OU DE RECEVOIR PAR DONATION OU TESTAMENT Il suffit d'être sain d'esprit pour disposer ou recevoir des biens par donation ou héritage. La matière de la quotité disponible est-elle règlementée ? La question ne se pose pas puisque les biens de suc- cession ou d'héritage ne sont pas divisés et reviennent entièrement au successeur ou à l'héritier. Formes et effets de la donation entre vifs. Est-elle révocable ? La donation effectuée, nul ne peut la faire annuler, surtout que le plus souvent elle a été effectuée devant témoins. Elle n'est donc pas révocable. Des règles de forme des testaments. Legs universels, legs à titre universel et legs particuliers. Des exécutions testamentaires. De la révocation et de la caducité des testaments. Le 'testament n'existant pas, aucune de ces formes de donation ne sont connues chez les Senoufo. DES CONTRATS QUELS SONT CEUX USITES DANS LE PAYS ?`~ Il n'existe, naturellement, chez les Senoufo que des contrats verbaux, sortes de conventions naissant des obligations attachées, aux ventes diverses, à des dépôts accep tés, à des garanties (cautionnement, nantissement, etc.). Ces sortes de contrat sont généralement passés devant témoins qui, en cas de décès, font leur déposition à leurs héritiers ou successeurs en présence d'autres témoins qui peuvent être entendus en cas de contestations. Actuellement, beaucoup d'indigènes ont recours aux conventions écrites prévues et réglementées par le décret de 1906. COMMENT NAISSENT LES CONTRATS ?Î Par le besoin de l'une des parties de vendre ou acheter, contracter emprunt et la volonté de la seconde acceptant librement les conventions proposées. Sont-ils l'objet de formes solennelles spéciales ?`t Aucune solennité ne préside aux conventions passées entre parties. Il suffit à celles-ci que leurs engagements réciproques soient déclarés devant témoins et le plus souvent en présence du chef de village. Toutefois, quelques parties croient devoir jurer sur le fétiche de remplir certaines obligations. En là circonstance, le féticheur recueille la meilleure part des bénéfices de cette petite cérémonie. CAUSES ESSENTIELLES A LEUR VALIDITÉ. DE L'EFFET DES OBLIGATIONS. COMMENT ELLES S'ÉTEIGNENT. MODES DE PREUVES. La validité des contrats réside dans le consentement des parties contractantes, la capacité de contracter, l'existence effective de l'objet pour lequel le contrat est passé, la présence effective de deux témoins dont l'un présenté par la partie donnante et l'autre par la partie prenante. Les obligations auxquelles s'engagent les parties contractantes tiennent lieu de loi. Elles ne peuvent être révoquées ou dénoncées que par elles seules et le contractant survivant. Les modes de preuves « chez les Senoufo » sont la déposition des deux témoins de l'une et l'autre partie ayant assisté à la discussion et à l'approbation des clauses du contrat entre les deux parties. Il existe aussi, en cas de contestations, de disparition de témoin, le serment sur un fétiche spécial. Cette preuve varie suivant les régions. Les serments font l'objet de cérémonies particulières longues et compliquées. L'une de ces cérémonies consiste à se rendre sur la tombe du défunt contractant. La partie survivante invoque le mort et l'adjure de le faire mourir dans un délai d'un mois s'il ne dit pas la vérité. Le mois écoulé, si celui qui a juré n'est pas malade, ni mort, la preuve est faite qu'il est de bonne foi. En d'autres régions, on a recours aux bons onices des sorciers, des charlatans qui obligent les parties à certaines cérémonies aussi compliquées que coûteuses. Ce .qui prouve qu'en n'importe quel pays du monde les procès sont toujours ruineux. DE LA VENTE. DE L'ÉCHANGE ET DU LOUAGE. NATURE ET FORME DE LA VENTE. Qui PEUT ACHETER OU VENDRE ? La vente est une entente tacite entre deux personnes dont l'une possédant des marchandises, des objets, des produits alimentaires ou tout autre chose vendable et désirant s'en débarrasser contre de la monnaie, ou tout objet d'échange, l'autre offrant un certain prix en monnaie ou objet d'échange contre les dites marchandises, etc., etc. C'est le jeu de l'offre et de la demande qui règle les ventes. Il arrive que certains indigènes échangent des marchandises contre des denrées ou objet de nécessité. D'une façon générale, on se sert de la monnaie courante du pays cauries au cours des transactions commerciales. La promesse de vente n'existant pas, la partie offrante ne peut être liée. La vente sous conditions existe. Le vendeur peut livrer la marchandise sans être immédiatement soldé. Le vendeur accorde un délai pour le paiement. Chez les indigènes, ce genre de vente se pratique beaucoup plus particulièrement chez les employés, les domestiques, les artisans qui, payés au mois, ne possèdent plus un centime vers le deuxième ou troisième jour du mois suivant. C'est dans ces conditions qu'il est possible aux boutiquiers, aux bouchers, aux tailleurs, marchands de boissons de faire des affaires sur crédit. Autrement, ils n'auraient guère de clients. Il arrive aussi que certains vendeurs ayant confiance en un individu lui confie une certaine somme ou un lot de marchandises à revendre. Ils ne sont payés qu'un an, parfois plus, après. La remise a lieu devant témoins. Dans la communauté, seul le chef de famille a le droit de vente et d'achat. Chez l'individu, lorsqu'il s'agit de vente de petits objets, d'achats minimes, la vente et l'achat sont autorisés à condition qu'elle n'engage pas les intérêts de la famille. QUELLES CHOSES PEUVENT ÊTRE VENDUES ?`~ Toutes marchandises, tous objets, tous produits alimentaires, tous fruits, tous animaux domestiques, tous produits de chasse ou de pêche appartenant au vendeur. Avant notre arrivée, des captifs pouvaient être vendus. Le vendeur s'oblige à remettre contre le prix fixé ou l'objet d'échange choisi les marchandises, les objets, les produits que l'acheteur désire acquérir. H ne doit pas y avoir substitution, sans quoi la vente est considérée comme nulle. De son côté, l'acheteur ayant choisi et enlevé les marchandises et objets qu'il a désignés ne peut se faire rembourser. La forme habituelle des transactions n'est-elle pas l'échange ? Non. Depuis fort longtemps, sans doute, les Senoufo emploient une monnaie qui, malgré la nôtre, a encore cours. C'est un coquillage provenant des rives de l'Océan Indien appelé cauries. Cette monnaie est répandue dans tout le Soudan. Elle a subi, comme les autres monnaies, la dépréciation universelle. Cependant, il arrive, au cours de certaines transactions chez les Senoufo, que ceux-ci échangent des marchandises contre d'autres. Dans un pays de tisserands comme le sont les Senoufo, il est certain qu'une des plus anciennes monnaies d'échange, le Fata, existait. C'est une sorte de chasuble (Boubou) Fantégué, brodée au tour du col et sur la poitrine, possédant une poche sur le côté gauche. Certainement, ce furent les peuples du Nord qui durent emporter cette monnaie. L'usage de la monnaie, intermédiaire des échanges est-il connu ? Oui, ainsi qu'il est dit au précédent paragraphe. QUELLE EST LA MONNAIE UStTËE ? Le caurie, coquillage provenant de l'Océan Indien. Le cours du caurie varie suivant la saison et les paiements à effectuer. Il varie dans l'année de 800 à 2.000 cauries pour 5 francs. La coutume indigène admet-elle le louage des personnes comme celui des choses ?',? Oui, la coutume admet le louage des personnes. Il y a le louage volontaire un Senoufo ayant besoin d'une somme quelconque pour se marier, pour acquérir quelque chose, il va offrir ses services à un chef de famille réputé riche moyennant une somme de 5.000 à 8.000 cauries par an, nourri et logé. Il se loue pour la saison des cultures en qualité de berger, ou de travailleur des champs. Le second louage a rapport aux enfants que certains parents louent pour une saison moyennant un salaire ou, plus souvent, une somme prêtée au père. L'esclavage volontaire et l'esclavage pour dettes existent-ils ? Oui, l'esclavage volontaire existait avant notre arrivée. Les motifs provenaient de dettes contractées. Depuis, il n'existe que la mise en garantie pratiquée par beaucoup de Senoufo. Voici en quoi elle consiste Un chef de famille ayant contracté une dette et désireux d'emprunter une somme destinée à la payer, va trouver un ami, parfois un parent. Ce dernier consent à lui avancer l'argent moyennant quoi il donnera en garantie son fils, sa fille ou ses neveux, parfois sa femme. Ceux-ci sont considérés par le prêteur comme faisant partie de la famille et traités comme tels. A l'époque fixée, l'emprunteur rend l'argent et reprend sa famille. MOYENS D'ASSURER PROGRESSIVEMENT L'ABANDON DE CETTE COUTUME Enrichir le plus possible le paysan Senoufo, surveiller les féticheurs qui, à eux seuls, empochent la majeure partie de l'argent ou des biens que peut acquérir l'in- digène, la création de société de prévoyance permettant le prêt agricole et la disparition de ces coutumes. DOMESTIQUES ET DIVERSES CATÉGORIES DE SALARIÉS Comme il est écrit plus haut, au paragraphe de louage, il existe des individus allant se louer chez des particuliers ou des chefs de famille dans le but de se constituer une dot ou un pécule. Il existe une seconde catégorie de domestiques attachés à la personne d'un chef de case, de village ou de canton. Le plus souvent, ce sont des enfants de parents éloignés et des jeunes gens vaguement apparentés. Ces domestiques qui doivent vaquer aux travaux journaliers sont palefreniers, chasseurs ou travailleurs de champs. Ils sont nourris, logés et habillés. Le maître se charge lorsqu'il est content d'eux de leur établissement et leur procure une femme en leur facilitant le versement d'une dot. Enfin, il existe une coutume consistant à échanger entre frères, parents ou chefs, des jeunes gens. Ceux-ci sont au service de leurs parents, mais considérés comme enfants de la maison tout en travaillant, bien entendu. DES BAUX ET EN PARTICULIER DU BAIL A CHEPTEL Le bail, à proprement parler, n'existe pas dans le pays. Parfois, le Senoufo pratique le bail à cheptel importé par les quelques peulhs habitant le pays. Il consiste en ceci plusieurs propriétaires remettent à un individu la garde de leur troupeau de bovidés. Celui-ci doit en prendre soin, les garder, les surveiller, les faire paître, moyennant quoi il lui est remis une redevance annuelle consistant en une ou deux jeunes bêtes nées dans l'année et le surplus en lait des vaches gardées non consommé par les veaux. Du PRÊT DE CONSOMMATION SIMPLE Le Senoufo ignore le prét d'intérêt. Seul, le prêt à usage est admis. Lorsqu'un indigène emprunte une somme, un objet, une marchandise, il doit remettre la même somme, le même objet, la même marchandise ou équivalent. Faute de quoi, il doit rembourser le prix de la chose prêtée. CONTRAT DE MANDAT Cette sorte de contrat n'existe pas chez les Senoufo. Du DÉPÔT ET DES OBJETS LIVRÉS EN GARANTIE DE DETTES. RÈGLES GÉNÉRALES ET RÉGISSANT LA MATIÈRE. PARTICULIÈRES Le dépôt proprement dit est un contrat essentielle- ment gratuit, bien qu'il soit possible de stipuler un salaire pour les dépositaires. H peut avoir pour objet aussi bien les choses mobilières qu'immobilières et, dans ce dernier cas, le dépositaire a droit aux fruits. Le dépositaire est tenu d'apporter dans la garde de la chose confiée, les mêmes soins que si elle lui appartenait. Il ne peut s'en servir sans l'autorisation du déposant. Il n'est pas responsable de la perte du dépôt survenue par cas fortuit ou de force majeure. II doit le rendre dans l'état où il se trouve. Cependant. s'il a fait quelque dépense pour sa conservation, il peut se faire rembourser par le déposant. Le dépôt doit être rendu au déposant par le dépositaire, même quand celui-ci a reçu la chose d'autrui à son insu. Seulement, dans ce cas, il doit faire prévenir te véritable propriétaire dès que son nom est porté à sa connaissance. Toute chose mise en dépôt doit être connue du déposant et du dépositaire. Le premier doit bien faire constater au second, au moment où se forme la convention, la nature de la chose déposée et l'état dans lequel elle se trouve. L'héritier du dépositaire qui a vendu le dépôt de bonne foi, le croyant au decujus, doit en restituer le prix au déposant. Les mêmes règles s'appliquent aux objets mis en garantie des dettes avec cette différence que le créancier impayé peut garder ou vendre le dépôt, le délai imparti pour la liquidation de la dette une fois expiré. En pays Senoufo, les deux formes de nantissement et Fantichrèse sont pratiqués. SANCTIONS OBLIGATOIRES L'inexécution des obligations se résout par une indemnité et des dommages-intérêts. Dans le cas d'insolvabilité de la part du débiteur, la contrainte par corps lui est appliquée. II devient captif de son créancier qui peut le garder chez lui ou le vendre. Actuellement, seule la mise en garantie subsiste. DE LA PRESCRIPTION La prescription est inconnue chez les Senoufo. Une dette quelconque se transmet de génération en génération sans qu'elle s'éteigne RESPONSABILITÉ CIVILE De la responsabilité civile. Quelles sont les dispositions de la coutume relatives à la responsabilité civile, c'est-à-dire à la réparation du dommage causé, d'une manière générale par la faute et particulièrement par les infractions de caractère pénal ? Tout Senoufo mâle et majeur est responsable de ses actes à moins qu'il ne soit fou. Toutefois, comme tout individu fait partie d'une famille ou d'un groupe, ce groupe ou cette famille devient responsable au point de vue civil en la personne de son chef. Qu'il s'agisse d'un accident de chasse, ou autre, de bris, de coups et blessures, homicide par imprudence, la peine infligée est subie par l'auteur du délit. Mais la collectivité à laquelle appartient le délinquant en la personne de son chef est responsable des dommages causés. Il existait autrefois une coutume disparue actuellement. Les Senoufo admettaient la responsabilité des villages dans le cas de crime ou de correction ayant entraîné la mort. Si l'auteur du délit ne désintéressait pas les parents de la victime, le village auquel appartenait celui-ci, prélevait un otage ou, dans les cas graves, pillait et brûlait le groupement auquel appartenait le criminel. DROIT CRIMINEL Chez les Senoufo, les crimes et les délits peuvent toujours être rachetés moyennant argent, ou dédommagement. Cependant, ils appliquaient, avant notre arrivée, certaines peines aux criminels, aux incendiaires, aux rebelles, aux voleurs, aux faux témoins, aux adultères, aux captifs fugitifs, aux sorciers. Les peines appliquées étaient les suivantes, appropriées aux délits commis La peine de mort, la mise aux fers, la captivité, la séquestration, les coups, la mise en garantie, l'amende et les dommages-intérêts. Actuellement, les Senoufo s'accommodent parfaitement des peines appliquées par nos tribunaux des sentences desquels ils ne se contentent pas. RELIGION DES SENOUFO chapitre demanderait à être traité non pas en quelques lignes, mais en plusieurs volumes. Ne voulant pas alourdir ce nouvel essai de monographie déjà un peu long, je me contenterai d'exposer très succinctement la religion pratiquée par les Senoufo. Certains auteurs ont engagé de multiples controverses dans le but de savoir si les peuplades d'Afrique, communément connues sous le qualificatif de fétichistes, étaient naturistes ou animistes. Ce A l'examen, on s'aperçoit que le caractère fantaisiste du Noir et plus particulièrement des Senoufo s'adapte parfaitement à ces trois formes de religion et l'on peut dire que les Senoufo sont en même temps fétichistes, animistes et naturistes. Ils sont fétichistes ayant un culte marqué pour les idoles qu'ils fabriquent afin d'avoir devant leurs yeux l'image de certains dieux protecteurs. Ils attachent également certaines vertus à des objets susceptibles de les protéger. N'y a-t-il pas, parmi les civilisés, des objets, fétiches auxquels nous attribuons certains pouvoirs ? Ils sont animistes, croyant à l'esprit des morts qui. selon eux, habitent une vague région où ils ont le repos, pas de travail et peuvent se livrer à des libations sans fin d'hydromel et de bière de mil. L'âme des défunts erre parmi les vivants, les protégeant et les avertissant de certains malheurs. Quelques esprits de morts sont possédés du démon et ne cherchent qu'à jouer de mauvais tours aux gens du village. D'aucun croit à la métempsycose, qui est une forme de l'animisme. Ils sont naturistes, obéissant aux forces de la nature, qu'ils craignent, adorant celles-ci sous les formes variées où elles se présentent à eux. Le ciel, la terre, le feu, l'eau, le vent, la foudre, les montagnes, les rochers, le minéral, les arbres, les animaux. A ces formes de religion, il y a lieu d'ajouter les innombrables superstitions en honneur chez les Senoufo, comme d'ailleurs chez tous les peuples de la terre. A tout prendre, n'est-ce pas la survivance des croyances vraies ou fausses en certaines choses que les anciens attachaient à tous les gestes ou actes de la vie ? Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. En résumé, les Senoufo possédant des âmes de primitifs mystiques et puériles, il est normal qu'ils aient une religion s'adaptant à leur mentalité. La grande famille Senoufo, malgré vents et marées, malgré les vagues puissantes du prosélytisme musulman, a conservé sa religion restant rebelle à l'Islamisme. LE BOIS SAGRÉ Ce chapitre ne serait pas complet si j'omettais de parler du bois sacré. L'Européen qui parcourt le pays Senoufo, à plus forte raison celui qui l'habite, peut remarquer aux environs immédiats de chaque village la présence d'un boqueteau plus ou moins étendu suivant l'importance de l'agglomération. Une ombre épaisse et mystérieuse règne dans ces lieux. C'est le bois sacré entretenu et conservé par la piété des habitants. C'est l'endroit où les ancêtres fondateurs du village sont venus se poser pour la première fois. C'est là qu'ils discutèrent de l'emplacement des habitations. Puis, ils décidèrent que la place serait sacrée et servirait de lieu de réunions à leurs descendants. Il y a une trentaine d'années, le bois sacré était difficilement accessible. Il était meublé de statues ou d'effigies en argile rouge représentant tous les « totem » de la famille bufles, panthères, lions, caïmans, serpents, antilopes, formaient un peuple fantastique propre à frapper l'imagination. Dans certains bois, le serpent python était gardé et vénéré. On lui portait à manger pour le rendre propice. Certains boqueteaux cachaient des mares, où caïmans et poissons sacrés vivaient des jours heureux, entretenus et nourris par la piété des fidèles. Aujourd'hui, les bois sacrés sont moins mystérieux. Chacun peut y pénétrer sans avoir peur de faire de mauvaises rencontres, ni de se heurter à des figures apocalyptiques. Néanmoins, les Senoufo tiennent à leur bois sacré, hanté par les âmes des ancêtres qui ont toujours plaisir à y venir, s'y reposer comme autrefois lorsqu'ils étaient de ce monde. Une sorte de religion, comme celle de nos défunts, s'est créée et s'est perpétuée par des cérémonies destinées à conserver dans les coeurs des vivants le culte des morts. Tout Senoufo mâle, la femme ne comptant pas, est tenu, sous peine de déconsidération totale, de s'initier au culte du bois sacré (Sinzang en Senoufo). L'initiation comprend deux phases le noviciat qui a une durée de 8 à 10 mois la consécration qui permet d'assister et de figurer aux cérémonies périodiques et nocturnes. Les jeunes novices de 15 à 20 ans doivent faire partie de la confrérie « nefiré » pendant deux mois de là, ils deviennent « niyo » pendant six mois enfin, ils demeurent « koya » pendant huit jours et sont reçus dans la confrérie de « Tioolo » et introduits dans le « Sinzang » ou bois sacré. Ces différentes cérémonies initiatrices comportent des danses rituelles assez compliquées. Les danseurs sont costumés suivant la fantaisie du village. Tandis que les uns ont des casques en cauries surmontés de pancartes comme des hommes de t Sandwich », les autres ont de grands capuchons de coton, caparaçonnés de cauries dont les dessins semblent imiter certains oiseaux. Plusieurs ont des masques énormes en bois de fromage représentant des animaux de toutes sortes et certains attributs virils, le tout vétuste, sale et parfois repoussant. Toutes ces danses rituelles ont lieu la nuit, soit au clair de lune, soit à la lueur de feux de bois et sont accompagnées d'instruments de musique aux sons funèbres et monotones tam-tams, trompes, fifres ou flûtes. La consécration et l'initiation définitive permettent l'entrée des novices dans la confrérie du « Lo-don » (danse du Lo). Dans certaines régions, cette même danse se nomme Koma ou Do. Qui n'a pas entendu, dans la savane endormie dans le grand silence de la nuit, les sons sourds heurtés et rythmés d'un tam-tam qu'accompagnent des chants tristes ressemblant à des hymnes funéraires ? Dans une langue inconnue, des non initiés, les membres du « Lo-don H célèbrent au fond du bois sacré le culte des ancêtres, exaltent les âmes de leurs aïeux, leur demandant de veiller sur les pauvres vivants et de les protéger. Ces sortes de bacchanales où les danseurs s'excitent par les cris, les gestes et le bruit des tam-tams et des trompes, se terminent tard dans la nuit, parfois au petit jour. Mystérieusement, les membres cachent soigneusement leurs attributs, leurs costumes et instruments de musique, car les femmes ne doivent pas voir ni les danses ni les danseurs tant que ceux-ci sont revêtus de leurs costumes. Malheur à celle qui aurait la curiosité ou l'imprudence d'assister à ces mystérieuses cérémonies. Elle resterait stérile à moins que le courroux des âmes la fasse périr en peu de temps. Seules, les vieilles qui ne sont plus dangereuses,sont immuniséeset peuvent voir sans danger le « Lo don ». Le jour venu, le bois sacré reprend son aspect reposante son ombre accueillante. Et l'on peut apercevoir, assis sur les troncs d'arbres servant de siège, quelque vieillard venant chercher sans doute le calme et la paix, peut-être rêver à ses défunts en songeant que son ombre viendra plus tard errer parmi les frondaisons du bois sacré. L'HABITATION CHEZ LES SENOUFO Elle varie suivant les régions et peut-être aussi en raison des dinicultés à se procurer le chaume nécessaire de la couverture des cases. Il est fort possible également que les Senoufo aient été, au cours des siècles, influencés par la façon de construire de leurs voisins ou de leurs maîtres. L'habitation des Senoufo du cercle de Koutiala, du Nord de Sikasso et de Banfora est de forme à peu près carrée de dimensions variables, construite en briques crues fabriquées avec de la terre prise dans un trou proche à laquelle on mélange de la paille hachée ou des herbes du marais. La toiture est composée de rondins de bois dur supportés, dans le milieu de la pièce, par une grande poutre reposant sur les murs. Ces rondins sont recouverts d'un amalgame de terre battue et tapée formant terrasse. Celle-ci a la forme d'une cuvette munie, dans la plus grande déclivité, de gargouilles en bois pour l'écoulement rapide des eaux de pluie. Il n'existe qu'une ouverture à ces habitations la porte, ayant 1 m. 60 à 1 m. 70 de hauteur sur 0 m. 80 de large. Il y fait sombre~ Les murs intérieurs sont crépis avec un amalgame de boue et de bouse de vaches répandant une forte odeur alcaline. L'habitation des Senoufo du cercle de Kong est de forme ovoïde et composée de deux ou trois pièces venant s'accoler l'une contre l'autre, sans autre ouverture qu'un trou ovale de grandeur d'homme ménagée dans la première pièce servant d'antichambre. Elle est construite avec des briques ovoïdes et plates fabriquées avec de la terre desséchée mélangée de paille hachée. La couverture, en chaume, épouse la forme ovoïde de la case, semblant un vaste chapeau très enfoncé sur le derrière de la tête et reposant à peine sur le front. Chaque chef de famille construit plusieurs cases semblables suivant le nombre des membres existants. Ces habitations sont reliées entre elles par des murs extérieurs ou « tata » construits en terre battue. Les unes servent de chambres à coucher, les autres de cuisine ou de salle de repos, ou encore d'antichambre. Les intervalles sont occupés par les greniers à mil ou à maïs et par les animaux domestiques. Généralement, plusieurs familles construisent leurs cases dans le même endroit formant un groupement appelé Sokala en Bambara, Diassa par les Dioula et Kaï par les Senoufo. Ces groupements sont constitués suivant la distribution des terres cultivables par le chef de la terre. Dans ce cas, l'ensemble des habitations (Kaï) est enclos de murs aussi hauts que les cases. On ne réserve que deux ouvertures pour rentrer ou sortir de ces fortifications une porte à l'Est percée dans une grande antichambre servant de salle de réunion une porte dérobée à l'Ouest destinée à fuir en cas de danger. Les chefs se sont fait construire de grandes cases à étage et à terrasse dans le genre de celles de Djenné ou des mosquées aperçues dans tout le Soudan. Ce sont là des exceptions, des bâtisses plus originales que confortables, l'extérieur payant plus de mine que l'intérieur obscur, sale et enfumé. QUESTIONS ÉCONOMIQUES AGRICULTURE, ELEVAGE, COMMERCE, ARTISANAT, INDUSTRIE Agriculture Les Senoufo sont des agriculteurs nés. Sans doute, !a nécessité de s'alimenter les force-t-elle à se livrer aux travaux agricoles indispensables. Mais, à l'encontre des autres races, les paysans Senoufo aiment leur terre, malgré son aridité et la peine qu'elle donne. Nulle autre part on aperçoit autant de superficies de terres labourées. Dans toute la Côte d'Ivoire et je puis dire dans tout le Soudan, aucune peuplade ne possède d'aussi vastes plantations que les Senoufo. Sans doute, les cultures auxquelles se livrent ceux-ci demandent-elles de larges espaces. Néanmoins, il est incontestable que tout le pays Senoufo est région essentiellement agricole. Qui n'a vu les villages enfouis parmi les hautes tiges de mil, de sorgho ou de mais ? Quand ces graminées sont récoltées, elles font place aux plants de tabac faisant l'objet d'un commerce actif et régional. Parfois, les cases de certains petits villages disparaissent sous le feuillage des calebassiers aux fleurs jaunes, aux fruits luisants qui, à maturité, fourniront la vaisselle familiale. Dans le Nord et plus spécialement sur les bords du Bani, les Senoufo se livrent en grand à la culture de ces mêmes cucurbitacées qui, coupées en deux tranches égales, se vendent comme cuvettes, comme plats ou comme fourre-tout. Toute l'année, les Senoufo sont dans leurs plantations. Lorsque la terre a été piochée, défoncée avec les larges et courtes houes qu'on ne voit que dans ce pays, ils forment ces hautes et multiples buttes qui font ressembler certains champs à des plantations d'asperges, Ces monticules recevront l'igname récoltée en septembreoctobre, afin de ne pas perdre de terrain et utiliser la terre arable, sur ces mêmes buttes on sèmera du maïs, du gombo et du piment pour les sauces. Le mil, le sorgho qui, nous l'avons vu plus haut, réclament de la place occupent de vastes espaces puisqu'aussi bien ils forment la base principale de l'alimentation. Quand toutes ces graminées ont atteint le maximum de leur hauteur et sont arrivées à maturité, les grappes lourdes du sorgho et les plumets rouges, blancs ou gris du mil, se balancent lentement à la brise et semblent saluer les passants ou faire signe aux cultivateurs que leur labeur a reçu sa récompense qui se traduira par des greniers pleins, signe de l'abondance. Non loin de là, une petite prairie de' peu d'étendue s'offre aux regards c'est un champ de « fonio ou petit mil, sorte de semoule très prisée des Senoufo. Dans les dépressions des vallonnements se terminant par les lits des ruisseaux, de grandes taches vert tendre cachent les rives des torrents et s'étendent à perte de vue. Ce sont des rizières aménagées dans les endroits inondés afin de conserver l'humidité indispensable à la maturité du riz. Cette culture s'étend chaque année et représente près d'un tiers de l'alimentation des Senoufo, le reste étant vendu sur les marchés ou ex- porté. Des champs de coton plus ou moins florissants, suivant les terrains choisis, bordent les routes, les pistes ou les sentiers, parfois forment une ceinture verte autour de certains villages. Le coton a été de tout temps cultivé par les Senoufo qui emploient la fibre à la confection de tissus avec lequel il s'habille. De nombreuses peuplades en basse ou en moyenne Côte utilisent les cotonnades vendues dans les maisons de commerce. Les Senoufo, ceux du Nord comme du Sud, sont restés hostiles à ces importations. Ils confectionnent eux-mêmes leurs habits consistant, pour les hommes en culottes courtes, sortes de braies, en un boubou ou chasuble plus ou moins grandes; pour les femmes: en une bande ou a bila » cachant le principal. Le reste du tissu est vendu sur les marchés régionaux. Dès que la saison le permet, les Sendufo chargent leurs bourricots ou eux-mêmes de plusieurs rouleaux de bandes de tissu et font jusqu'à 300 kilomètres, soit 600 aller et retour pour placer leur étotïe. Sans doute, le coton qu'ils cultivaient avant notre arrivée ne portait pas de noms barbares ni compliqués. C'était du bon coton rustique et susceptible de fournir des étoffes solides et résistantes. Actuellement, la culture cotonnière comprend trois variétés le Barbadenses, le Punctatum, le Karangani. Il est à souhaiter qu'une seule variété soit cultivée afin d'éviter les hybridations et les complications aux cultivateurs qui ne saisissent pas nos subtilités. Les Senoufo fournissent un important tonnage de fibres de coton à l'exportation. C'est une source de revenus très appréciable. L'arachide est cultivée depuis fort longtemps par les Senoufo. Elle était jusqu'à ce jour destinée à un commerce régional. Cette légumineuse appartient à une excellente variété rivalisant en teneur d'huile avec l'arachide du Sénégal. Mieux adaptée à la terre et au climat, elle a une présentation commerciale supérieure à la Sénégalienne. Il est donc à souhaiter, puisque la culture de l'arachide a été si heureusement intensifiée et doit être améliorée, que seule la variété du pays soit prise comme semence, à l'exclusion de l'arachide du Sénégal réclamant une terre légère et sablonneuse. D'autres produits de cueillette trouvent leur place dans ce chapitre. Le karité, dont le beurre sert à l'alimentation et est aussi exporté. Le caoutchouc, tiré du latex fourni par la liane gohine, qui formait à notre arrivée dans le pays une des principales ressources commerciales. Le kapock, le sisal, dont la culture vient d'être introduite et donne de beaux résultats. Afin de mieux faire ressortir les produits cultivés ou cueillis par les Senoufo, en voici rénumération Produits vivriers mil (2 sortes), sorgho, fonio (petit mil), maïs (3 sortes), riz, ignames, arachides, haricots, patates, piment, gombo, soumbara, pois de terre. cire. Produits d'&fpor~ton arachides, café, caoutchouc, coton, kapock, karité, maïs, piment, riz, sisal, peaux, Produits cueillette e~por~s: karité, soumbara, miel, cire, caoutchouc. Il est aisé de se rendre compte, par les lignes qui précèdent, que l'agriculture est très développée chez les Senoufo qui sont, à coup sûr, les meilleurs et les plus laborieux de tous les cultivateurs indigènes. B!cpa~€ Si les épidémies, les épizooties n'avaient pas, depuis de nombreuses années, décimé le cheptel du pays Senoufo, celui-ci devrait atteindre le chiffre de 250.000 à 300.000 têtes, tandis qu'on ne compte, suivant les derniers recensements, à peine 75.000 bovidés Koutialal. 35.000; Sikasso, 30.000; Korhogo, 10.000. Il faut dire aussi que les Senoufo ne font rien pour améliorer et augmenter leurs troupeaux dont ils ne prennent pas soin. Beaucoup d'entr'eux confient leurs bêtes à des familles peulh sans plus s'en occuper. Les autres laissent errer à l'aventure leurs bêtes qui, livrées à elles-mêmes, couchent n'importe où et subissent ainsi les intempéries qui les prédisposeront à toutes les maladies. Pour supprimer ou tout au moins atténuer ces inconvénients, il serait nécessaire que tout le cheptel soit placé sous la conduite des peulhs, eux-mêmes surveillés et contrôlés par les moniteurs sortant de l'Ecole Zootechnique de Korhogo (1). Ces derniers seraient placés sous la surveillance du vétérinaire chef de la Circonscription de l'élevage constamment en tournée. Ces dispositions s'appliquent aussi bien aux bovidés qu'aux ovidés, aux porcins qu'aux caprins. Si elles pouvaient être mises en pratique, nul doute que le cheptel devienne important en peu de temps et apporte aux paysans un surcroît de ressources qui, avec celles de l'agriculture, assureraient la richesse du pays. Commerce Les Senoufo ont, de tout temps, commercé soit entre eux soit avec leurs voisins. Des marchés forains et régionaux se tenaient dans les centres importants. Les indigènes y échangeaient, outre les produits vivr'ers, les bandes d'étoffé de coton, le tabac, les calebasses, le soumbara ou néré, les houes, les haches, les mors, les étriers fabriqués par les forgerons, les bracelets en fer et en cuivre, certaines plantes médicinales, les sandales et les amulettes confectionnées par les cordonniers, des perles, des poteries de toutes sortes, etc., etc. Sans doute, y avait-il d'autres échanges en nature, comme par exemple des captifs livrés contre de la poudre et des fusils des animaux contre des produits alimentaires, etc. Presque toutes ces opérations, en dehors du troc pratiqué en grand, étaient payées en cauries, sorte de coquillages provenant des rives de l'Océan Indien, qui avaient une valeur importante. Dès notre arrivée, il fallut compter avec cette monnaie, l'accepter et s'en servir puisqu'aussi bien tout le pays en était inondé et que les Senoufo n'en avaient pas d'autres. Les commerçants européens acceptaient, trafiquaient et échangeaient avec les cauries qui n'ont jamais complètement disparu. Encore maintenant certains échanges se font avec cette monnaie que nous n'avons pu, malgré tout, faire disparaître complètement. Le commerce européen et l'exportation furent alimentés dès les premiers jours de notre occupation par l'ivoire, le caoutchouc, la cire, les peaux, le riz, ce dernier se vendant à la cote. Lors de la débâcle du caoutchouc, il fallut trouver quelques produits pour l'exportation la culture du coton fut considérablement étendue, puis vint le sisal, enfin l'arachide dont la première campagne vient d'avoir lieu. Actuellement, le commerce achète et exporte l'arachide, le caoutchouc (très peu), le coton, le kapok, le karité, le maïs jaune, le piment, le sisal, la cire et les p eaux. Cette dernière nomenclature donnera une idée de ce que l'on peut tirer du pays Senoufo. Si l'on y ajoute l'exportation du bétail, de la volaille, on peut conclure que la région possède des ressources qui, rationnellement exploitées, doivent apporter la richesse chez le paysan Senoufo. L'impôt e< les prestations Les Senoufo ont toujours payé un tribut à un maître. Tantôt à celui-là, tantôt à celui-ci, à un tyranneau vainqueur ou à un roi traversant leur pays. Ils furent les serfs et les vilains payables et corvéables à « mercy ». Les tailles se payaient en nature, en esclaves, en mil, en sorgho, en riz, en maïs, en animaux, en chevaux, en armes ou en prestations. Le plus souvent, l'injustice régnait en maîtresse dans la répartition de ces charges. Finalement, c'était le paysan qui travaillait, peinait et payait. Comme il était difficile alors de fonder une famille sans voir s'abattre sur elle tous les malheurs Notre occupation mit un terme à ces injustices. Après un recensement collectif d'abord, puis nominatif les rôles d'impôt et des prestations furent établis. Dès les premiers jours, les Senoufo, habitués à payer, acquittèrent sans se faire prier les taxes imposées. Depuis, l'impôt est payé sans dimculté et les prestations effectuées sans retard. Dès que l'essor économique de la région le permettra, les Senoufo réclameront d'euxmêmes le rachat de leurs prestations, cela permettra de consacrer ces sommes aux travaux des routes et des ponts, très importants dans le Cercle. 1 Industrie. Ar<tsan<~ En dehors de leurs qualités agricoles, les Senoufo sont forgerons, tisserands, vanniers, potiers, cordonniej's, encore que ce dernier métier soit plus réservé aux dioulas. Les houes, les haches, les pioches, les éperons, les mors, les étriers sont fabriqués de toutes pièces avec le minerai tiré du ferrugineux. Il est très curieux de visiter les fours où se sont fondus les gros blocs de minerai d'où sortirent les outils énumérés ci-dessus. Certaines serrures indigènes, quoique simples, sont originales et curieuses. Ce sont encore les forgerons qui sculptent, taillent et façonnent les plats en bois, les mortiers et les pilons, les portes des cases, les fétiches,etc. Ce sont les mêmes qui forent les puits et creusent les tombes. Les forgerons sont forgerons, charpentiers, sculpteurs, puisatiers. Les tisserands que l'on aperçoit installés à l'ombre des kapokiers ou des ficus, font aller leurs navettes durant plusieurs jours, pour obtenir avec le coton filé par les femmes, ces bandes d'étoffes blanches ou bleues que l'on aperçoit sur tous les marchés régionaux. Tout paysan Senoufo est vannier. Dès la prime jeunesse, il apprend ce métier qui lui est nécessaire pour confectionner les nattes, les « seko » (sorte de store), fes paniers où il transportera sa volaille, les vans pour Je mil. Je maïs ou le riz, les corbeilles évasées qui, enduites de bouse de vache, serviront à transporter toutes les récoltes. C'est encore le vannier" qui tressera la paille des toitures, les chapeaux que l'on aperçoit sur la tête des chefs et des notables. La fabrication de la poterie est dévolue aux femmes. Après avoir pétri, modelé et lissé les jarres, les plats, les marmites, ces objets sont exposés aux rayons solaires pendant un certain temps, puis lissés à nouveau pour faire disparaître les craquelures. Enfin, réunies sous un amas de bois sec de fromage ou d'écorce de certains arbres, des poteries sont laissées sous un feu assez fort jusqu'à cuisson complète. L'art d'accommoder et de tanner les peaux pour les transformer en objets de toutes sortes sandale, coussins, tapis de selle, sacs, guides, brides ou besaces, est réservé, en principe, à des dioulas spécialisés. Toutefois, certains Senoufo sont devenus des cordonniers assez habiles. Cet artisanat encore que réduit est indispensable à la vie des Senoufo. Il leur fournit leur outillage agricole, leurs meubles, la vaisselle familiale, les vêtements et tous les objets employés au' cours de l'existence, car, détail à remarquer, les paysans achètent très peu d'ob- jets européens, se contentant de la fabrication des artisans de chez eux. ALIMENTATION Cette étude ne serait pas complète si on passait sous silence la question la plus importante dans la vie indil'alimentation. gène Les Senoufo s'alimentent-ils d'une façon normale et régulière ? Je répondrai non, en attendant d'en donner les raisons. Les mêmes indigènes éprouvent-ils chaque année ou de temps à autre les affres de la faim ou de la disette alimentaire on peut répondre de nouveau à coup sûr non. Les Senoufo, comme d'ailleurs presque tous les Noirs d'Afrique, s'alimentent d'une façon toute fantaisiste, alternant les franches lippées aux carêmes sévères et prolongés. Les motifs de cette sous-alimentation résident dans la fantaisie des brunes cuisinières chargées de préparer les repas et aussi dans l'apathie native qui est générale chez les Noirs par conséquent chez les Senoufo. Si l'on observe de près la vie de l'indigène, on est en droit de se demander comment il peut résister au régime alimentaire auquel il se soumet lui-même, ou plus exactement, auquel sa paresse le contraint. Les jours d'abondantes récoltes, d'enthousiasmes puérils, de fêtes de funérailles, quelquefois de réception, les femmes daignent prendre la peine de se distinguer, au point de vue culinaire. Elles prépareront des quantités de plats, de sauces, de viandes, le tout très pimenté. Le reste du temps, ou elles ne prennent ni le temps ni la peine, ou cela ne leur dit rien de travailler, ou encore elles sont de mauvaise humeur parce qu'elles se sont disputées avec les maris ou les autres femmes, ou enfin parfois elles n'ont même pas pris la peine de cueillir les ignames, les patates, de faire sécher ou pourrir le manioc, de piler le riz, le mil ou le maïs. C'est que la préparation d'un plat indigène est plus compliquée que celle d'un repas d'Européen. Il faut aller déterrer les ignames ou les quérir aux plantations éloignées de plusieurs kilomètres, les éplucher, les faire bouillir, les piler, les arranger en pain tandis que dans une autre marmite cuit la viande, le bouillon, la sauce qui aideront à manger les légumes. Dans le Nord et plus particulièrement chez les Senoufo, les femmes sont obJUgées de se lever au petit jour pour aller à la provision d'eau, pour piler le riz, le mil ou le maïs qu'il faudra aller laver au marigot ou au puits. Quand ces préparatifs sont terminés, le riz, la farine de mil ou de maïs demandent une cuisson lente et surveillée durant plusieurs heures. Bref, la préparation d'un plat de gâteau de maïs ou de mil, « le tô x, en mandingue, demande un travail long et soigné. Lorsqu'on saura que la femme noire, aussi bien chez les Senoufo que chez les autres peuplades, en dehors de ces fonctions de cuisinière doit vaquer aux travaux des champs, couper du bois, aller à la recherche des ingrédients composant les sauces et les médications, s'occuper des enfants qu'elle allaite parfois pendant trois ans, porter les charges et la batterie de cuisine dans les déplacements, se rendre sur les marchés pour y vendre ou acheter, etc., etc., on aura la liste bien incomplète de ses fonctions. Ces occupations multiples ne sont pas faites pour encourager les femmes Senoufo à mieux soigner les repas familiaux, on comprend aisément, surtout lorsqu'on a observé de près la vie de l'indigène, qu'elles négligent leur alimentation, celle de leurs maris et de leurs enfants, tant elles sont harassées, le soir, en rentrant sous ]e chaume. Ceux-ci, surtout les hommes, réagissent parfois plus particulièrement dans les premiers jours du mariage contre de tels procédés. Mais l'apathie d'une part, le fatalisme de l'autre, viennent vite mettre un frein à ce beau zèle et ce gros appétit. Après avoir à plusieurs reprises rossé leurs cuisinières, ils prennent le parti de se débrouiller ou de jeûner. Un morceau d'igname, de manioc, de patate cuit sous la cendre une poignée d'arachides ou de graines de palmistes, une jarre de dolo ou de vin de palme, une chique ou une pipe de tabac, tromperont l'estomac et le sous-alimenteront en attendant des jours meilleurs. Cette alimentation fantaisiste s'applique à la masse. Car en ce qui concerne les employés, les fonctionnaires, les tirailleurs, les gardes, les manœuvres, parfois quelques chefs, en un mot tous les indigènes appointés ou vivant de notre présence, leur nourriture est plus abondante, plus régulière, moins fantaisiste, partant plus substantielle. Il faut ajouter que toutes les femmes de ces privilégiés ne sont pas astreintes aux durs travaux auxquels est soumise la majorité des femmes noires. Que faire et quelles mesures prendre pour supprimer d'aussi fâcheuses coutumes ? Depuis trente ans que j'observe cette sous-alimentation, j'avoue n'avoir trouvé qu'une solution immédiate et difficilement applicable puisqu'il s'agit de l'obligation. Mais comment obliger Il y aurait un les indigènes à se nourrir normalement autre moyen, ce serait de faire préparer les repas pour une collectivité, comme on le fait dans certaines fermes soviétiques. Mais cette idée collectiviste ne vaut que pour certain pays où la liberté n'est qu'un vain mot. Contentons-nous d'augmenter le bien-être de l'indigène, de diminuer les travaux des champs par l'emploi d'outillages agricoles et de laisser le plus possible la femme noire au foyer afin qu'elle ne s'occupe exclusivement que de ses enfants et de la préparation des repas. Ce ne sera pas pour demain certes, mais avec de la persévérance, nous y arriverons à coup sûr. Ce jour-là, les Senoufo, et les Noirs en général, étant rationnellement alimentés, seront à l'abri de nombreuses maladies et épidémies et pourront ainsi prospérer dans la paix des champs et se multiplier. Korhogo, décembre 1934. SUR UN INDICE DE SÉCHERESSE dans les régions tropicales forestières INDICES EN COTE D'IVOIRE par ROLAND PORTÈRES Ingénieur Agricole îngén!ear d'Agronomie Coloniale I. LA RECHERCHE D'UNE FORMULE GÉNÉRALE Emm. DE MARTONNE (1) a proposé une formule qui permet grossièrement de connaître la vocation végétale d'une région donnée, uniquement par la connaissance des hauteurs d'eau enregistrées et de la température moyenne annuelle Pluviométrie totale annuelle en m/m. Indice d'aridité d aridité = =––:–-–––––––––––––-– Température moyenne annuelle en do C.) + 10. Classant ces vocations d'après l'indice obtenu, il obtient Déserts. sèches. Steppes Prairies Forêt prédominante.. Forêt seulement. Indice. –– 5 10 20 30 40 H. PERRIN (2), reprenant cette formule en cherchant les relations qui peuvent exister entre les divers types de végétation forestière et les valeurs annuelles des indices d'aridité, lui fait subir quelques modifications et constate des corrélations frappantes entre les indices et les divers types de forêt. Cet auteur s'attache non seulement aux moyennes annuelles mais aussi aux moyennes mensuelles rendues par le coenicient 12, comparables aux moyennes de Em. DE MARTONNE. Toutefois, la pluviométrie et la température moyenne annuelle n'interviennent pas seules. Il est nécessaire de tenir compte du rapport entre les précipitations et l'évaporation (~). L'évaporation est en relation avec la température et l'hygrométrie et celle-ci reste encore sous la dépendance de la pluviométrie (mis à part les rivages). Cette recherche d'indice reste toujours dans le domaine empirique et il ne peut être question que de connaître sous une forme, en apparence mathématique, un ensemble de causes déterminant l'aspect d'une contrée plus ou moins étendue. C. W. THORNTHWAiTE (3), pour les climats d'altitude du nord-est des Etats-Unis, tient compte seulement des rapports précipitations et température en degrés F évaporation évaporation Pour la région côtière, il a établi une formule qui permet de connaître l'évaporation en partant des précipitations et de la température. 10 E (évaporation) = 0.87 (T-10) P" dans laquelle T est donné en degrés Farenheit et P représente les précipitations. Les formules de cet auteur sont assez complexes, peu rapides à développer et en tous cas très peu lisibles. Récemment, le professeur Wilheim ScHMiDT, de l'Institut Central de Météorologie de Vienne (4), a décrit un nouveau procédé de figuration de la répartition des fréquences des périodes de sécheresse. Chaque jour- qui suit une précipitation est greffé ordinalement d'un indice correspondant au rang qu'il occupe. Ainsi, le quatrième jour qui suit une pluie portera l'indice 4, le cinquième portera l'indice 5, etc. Graphiquement, les indices sont portés en ordonnée, et le temps compté par jour, en abscisse. Le jour d'une pluie marque 0 en ordonnée. D'où suit une courbe curieuse caractérisée par de petites dents si la période de sécheresse est souvent interrompue par des jours de pluie ou composée de dents nombreuses mais grandes si les interruptions sont rares. Cette figuration des périodes sèches commence à serrer le problème d'assez près, mais nous ne pouvons être d'accord avec l'auteur lorsqu'il déclare qu'elle offre une importance pour l'agriculteur. Nous doutons même qu'elle puisse rendre des services au météorologiste ou au géographe. W. ScHMïDT pense que « chaque jour sans précipita<tons doit certainement être considéré comme de/aMM'aNe e/ <er€ beaucoup suivant à la végétation, mais son qu'il se trouve intercalé entre deux jours de pluie (auquel cas il est presque sans importance) ou bien, au contraire, placé après deux autres jours sans pluie ». Nous faisons remarquer d'abord que cet auteur ne tient pas compte de la quantité d'eau précipitée à chaque fois. Il est certain que le quatrième jour après une pluie de 15 mm. n'est pas aussi sec que le quatrième jour après une pluie de 4 mm. D'autre part, il n'est pas prouvé qu'un jour sans précipitation soit défavorable à la végétation. On pourrait citer aussi maints exemples de pluies défavorables. ANGOT (5) détermine le coe~Cten~ pluviométrique d'un mois quelconque de la façon suivante Hauteur totale annuelle 365 X nombre de jours du mois considéré Hauteur totale observée pendant le mois considéré. On peut se servir de cette formule pour déterminer les périodes sèches, lesquelles constituent l'élément géographique le plus important du climat dans les régions équatoriales, tropicales et méditerranéennes. Formule <f .An </o< modt~ee D'après cette méthode nous avions recherché, au début de 1930, dans la région de Man (Côte d'Ivoire), la durée de la grande saison sèche, en utilisant les données fournies par les carnets pluviométriques des postes météorologiques de Man, Duékué, Daloa et Gagnoa. Nous avions serré le problème d'assez près en modifiant empiriquement la formule d'ANGOT Une période donnée est considérée comme sèche lorsque au delà de quinze jours après la dernière pluie la moyenne journalière des précipitations est tn~erteuf'e à Moyenne des sommes annuelles 365 x 2 Le calcul effectué sur la période allant de 1923 à 1929 nous avait montré que cette moyenne avoisinait le nombre 2 et que la détermination de la longueur de la période sèche apportait des valeurs à peu près correctes. Mais le procédé était par trop empirique. En tant qu'agronome et botaniste, il nous a paru clair que seule la plante était capable de fournir en partie l'essentiel de la solution du problème posé. La recherche d'une formule locale Ce qui importe avant tout pour le géographe, le météo- rologiste, c'est de connaître l'état de sécheresse d'une région soit dans une portion de l'année, soit pour l'année entière, soit pour un groupe d'années, cet état constituant une des données du climat moyen. Ce qui intéresse l'agriculteur, le botaniste, l'écologiste, c'est avant tout l'action que peut avoir la sécheresse sur la vie végétale. Toutes conditions de végétation et de climat atmosphérique étant les mêmes à un moment donné, un sol très perméable sera porteur d'une végétation en souffrance par manque d'eau, alors qu'un terrain moins perméable supportera une végétation en sève. Cette question de la perméabilité du terrain ne sem- ble pas avoir beaucoup attiré l'attention des auteurs géographes qui se sont occupés de l'approvisionnement de la plante en eau. D'autre part, les groupements végétaux, soit par leurs espèces, soit par leur densité, offrent des résistances plus ou moins grandes à la sécheresse. Sans nous étendre spécialement sur ces deux problèsol et végétation, dont le principal est connu au mes point de vue eau, nous entrevoyons l'impossibilité pratique de déterminer localement et d'une façon précise, en tenant compte seulement des données fournies par les météorologistes, le moment où une plante ou un groupe de plantes tend à puiser dans le sol plus d'eau qu'elle n'en peut trouver. Nous pensons, en principe, qu'à chaque pluie, le stock d'eau accumulé par un sol dans une zone où les plantes peuvent en prélever une partie est plus ou moins considérable et qu'il ne peut être proportionnei à la quantité d'eau tombée. Il est d'autant plus important que les éléments suivants sont plus grands hauteur d'eau tombée, moindre évaporation, moindre perméabilité, moindre remontée d'eau par voie capillaire dans le sol. Il est très difficile de déterminer dans une région quelconque la variation apportée dans le stock d'eau par la nature du terrain. Le seul réactif que nous possédions est /a plante Pour chaque plante, pour chaque groupement végétal, pour chaque sol, pour chaque exposition, le moment où, après une pluie quelconque, la sécheresse se fait sentir, est des plus variables. Il y a donc plusieurs seuils de sécheresse à rechercher. Cette recherche ne peut être faite qu'empiriquement et c'est l'aspect que présente une plante ou un groupe de plantes qui nous fait connaître ce seuil. Dès qu'un végétal possédera l'aspect caractéristique d'une plante qui souffre par manque d'eau, nous dirons que nous sommes au seuil de la sécheresse pour cette plante. Ce seuil est uniquement donné par Eau apporiée-eau disparue Nous pourrons remplacer cette quantité par l'épaisseur d'une couche d'eau. Sur une plante ou sur un ensemble végétal A, tombe une pluie de 25 mm. à un moment où le groupement A commence à présenter les symptômes de manque d'eau. Huit jours plus tard, sans qu'une autre pluie ait été enregistrée, A présente à nouveau les symptômes de sécheresse. Supposons que la courbe de disparition de l'eau soit une ligne droite. 25 ô~ Nous appellerons seuil de sécheresse le quotient i~- soit 3,1 ou 3. Ceci est notre indice de sécheresse. Indice de sécheresse = Hauteur d'eau en mm. au moment où nous percevrons sur A le seuil de sécheresse. Cet indice est bien de nature physiologique. Pratiquement l'unité ou la demi -unité est seule valable dans l'indice si nous conservons le cas d'un groupement végétal. L'indice de sécheresse représente en quelque sorte la hauteur d'eau exprimée en millimètres qui disparaît journellement et c'est lorsque cette hauteur devient nulle que nous sommes au seuil de sécheresse. L'indice agricole de sécheresse Un champ, un verger, une plantation posséderont des indices différents. Une plantation (caféiers par exemple) à des âges différents possédera des indices différents. L'indice variera avec la variété, avec l'ombrage, la couverture, etc. Une plantation ombragée reçoit une insolation moindre. Si, pendant la saison sèche, les travaux aratoires superficiels sont effectués, l'indice diminuera. En principe, dans les régions où l'on peut craindre les'effets néfastes de la saison sèche, il faudra tendre à diminuer l'indice de sécheresse. Cette diminution sera limitée par le compromis à maintenir entre la vigueur et la fertilité de la plante. L'ind ice agricole de sécheresse de la région de Man (Côte d'Ivoire) L'indice que nous avons obtenu n'est Le milieu. valable que pour les clairières, champs de plantes vivrières, plantation de caféiers, etc., en un mot pour l'ensemble des ouvertures effectuées par la main de l'homme dans la forêt de la contrée de Man. Les sols sont argilo-graveleux, le gravier étant constitué par des rognons latéritiques de la grosseur d'une noisette (type Bien-Hoa). Dans un rayon de 50 kilomètres autour de Man, ces formations sont dominantes. Une de leurs caractéristiques est donnée par la présence à une profondeur variant de 15 à 30 centimètres d'un banc compact argilo-graveleux formant soubassement d'un premier plan d'eau. La détermination de l'indice agricole de sécheresse Les observations ont été faites d'octobre 1930 à février 1932, soit pendant 17 mois. Chaque seuil de sécheresse nous a fourni à chaque fois l'indice 2. Pendant la saison sèche 1931-1932, l'indice est descendu une fois à 1,5 (Harmattan violent). Pendant la petite saison sèche de 1931, l'indice est monté une fois à 2,8 (période de brouillards). Notons en passant que, pendant la grande saison sèche, les plantes limitent leur évaporation par différents moyens et en particulier par sommeil végétatif. A la petite saison sèche qui correspond en vérité à une moindre pluviométrie la plante est adaptée à une grosse consommation d'eau, ce qui tend à relever légèrement l'indice. Mais nous pourrions presque dire grossièrement que la plante s'adapte à l'indice de sécheresse, lequel tend à rester constant. Application de l'indice agricole de sécheresse Détermination de la durée de la saison sèche Possédant la valeur de l'indice d'une région, il devient facile de déterminer la durée d'une saison sèche par simple relevé des carnets pluviométriques. Les valeurs fournies donnant une longueur exacte des saisons sèches. Avec l'indice de sécheresse la saison sèche débute N jours après une pluie de X millimètres. N = X (en mm.) Valeur de l'indice Soit pour la région qui nous occupe N = X. 2. Si la première pluie est de 15 millimètres N devient 15mm. = 7,5 7 5 = 88.jours et c'est au neuvième jour que – = – À débutera une nouvelle période sèche. Durée de la grande saison sèche de la région de Man PÉRIODE NOMBRE DE JOURSS Total sécher, 1er décembre 1922 à 19 février 1923 1er décembre 1923 à 13 février 1924 22 novembre 1924 à ler mars 1925 22 novembre 1925 à 1er mars 1926 15 octobre 1926 à ler mars 1" novembre 1927 à 5 mars 1928 15 octobre 1928 à 20 février 26 novembre 1929 à 1er mars 1930 1» novembre 1930 à 28 février 1931 15 décembre 1931 à 28 février 1932 1927. 1929. Moyenne 80 75 98 98 136 124 128 94 118 73 80 75 98 98 105 95 95 94 118 73 106 96 humid. 0 0 0 0 31 29 33 0 0 0 9 La saison sèche dure donc en moyenne trois mois dans la région de Man. Elle débute généralement entre le 15 octobre et le 1 er décembre pour se terminer entre le 20 février et le 5 mars (a). Indice agricole de sécheresse de la région de Bingerville (Côte d'Ivoire) La région de Bingerville est couverte par des formations arables arénacées reposant sur des grès ferrugineux tertiaires. Les terres y sont sèches, poreuses elles s'échauffent très vite et sont soumises à une évaporation considérable. Ces sols emmagasinent difficilement les eaux de pluie ce ne sont pas des sols-réservoirs et il fallait s'attendre tout d'abord à un indice de sécheresse élevé puis, surtout à une assez grande variation de cet indice au cours de l'année. C'est bien ce que nous avons pu constater pendant l'année 1934, de janvier à novembre. Nous avons obtenu l'indice 3 en janvier et février, l'indice 4 en mars. l'indice 6 de mai à novembre. Le premier indice correspond à la saison sèche. Comparaison entre les régions de Man et de Bingerville Autrement dit, suivant la saison, les sols de Bingerville perdent, par ruissellement + drainage + évaporation + transpiration de la couverture vivante, de 3 à 6 millimètres d'eau par journée de vingt-quatre heures. Nous avons vu que, pourMan, cette perte était de 2 millimètres et variait très légèrement au cours de l'année. Les connaissances agricoles que nous possédons sur ces deux régions dans chacune desquelles nous avons séjourné deux années nous permettent d'interpréter avec facilité les indices de sécheresse obtenus. La région de Man (indice 2) est constituée par des terrains argilo-graveleux. Les plantes cultivées n'y souffrent jamais de la sécheresse (sauf pour les plantes arbustives pendant la grande saison sèche). On y plante les caféiers et les colatiers de mars à juin et pendant le mois de septembre avec chances de bonne reprise. La région de Bingerville, malgré une pluviométrie similaire (1.800 mm.) et une meilleure répartition des pluies, se prête peu, avec des sols très perméables, à toute culture « coloniale ». Si la climatologie y est dans l'ensemble plus régulière d'une année à l'autre, les précipitations ne suffisent pas à assurer un bon approvisionnement régulier en eau des plantes cultivées. Les méthodes indigènes de culture ressemblent par beaucoup de détails à celles des pays non forestés et plus secs des savanes arbustives du nord de la Côte d'Ivoire. Dans les plantations européennes, l'utilisation des plantes de couverture y est fortement critiquée, alors que très appréciée dans la région de Man. Quelques planteurs, plus ou moins empiriquement, reconnaissent déjà l'utilité des labours et des façons superficielles, ce que ne reconnaissent pas encore les planteurs des zones argileuses et argilo-graveleuses plus favorables de l'intérieur. L'entraînement dans le sous-sol des éléments minéraux apportés ou naturellement libérés dans les fermentations organiques, le lessivage rapide des bases et le départ en profondeur des particules argileuses du milieu humifère acide de l'horizon superficiel, sont autant de facteurs naturels qui gê