branché nous isole de la terre et même du sentiment de ce qui est naturel. Et
il nous masque le coût élevé de ce mode de vie résolument égocentrique, le
laissant à la charge des autres peuples, des autres espèces et de la Terre
dans son ensemble. Nous vivons aux antipodes du fait que nous ne sommes
ici que temporairement, que nous allons vieillir et puis mourir. Non seulement
nous ne respectons pas notre hôte, et nous ne reconnaissons pas la
générosité et la beauté produite par la Terre, nous nous en détournons
systématiquement par tous les moyens possibles. Et si on nous contraint à le
remarquer, nous nous persuadons que le tsunami croissant de dommages
que nous laissons dans notre sillage est entièrement involontaire et qu'il n'est
pas sous notre contrôle.
Ne pas nuire à la planète est une préoccupation mineure pour un monde
intensément industrialisé vorace en énergie. Sept milliards d'entre nous sont
aujourd'hui fascinés par la promesse impossible d'obtenir tous les avantages
matériels et à la pointe de la technologie dont bénéficient actuellement les
habitants du monde industrialisé. Les formes denses d'énergie, extraites
d'abord du charbon puis du pétrole ont élevé la vie matérielle d'un nombre
croissant d'entre nous à des niveaux d'aisance physique inimaginables pour
les générations précédentes, et cela s'est produit si rapidement qu'il a été
ardu d'appréhender les graves répercussions, qui sont certainement en train
de nous rattraper.
Si jamais les êtres humains ont eu un jour le "droit" de faire un tel usage à
court terme de la Terre, il s'ensuit que tous ont également droit au rêve
alimenté par le carbone d'une prospérité illimitée, dont seul l'Occident a pu
profiter. Le paradigme de la croissance économique continue insiste sur le
fait que ceci est réalisable et bon, et qu'en fait, tout le bien-être humain
dépend de l'élargissement illimité du marché.
Le problème est que le prix de cet élargissement illimité s'avère être la perte
de conditions climatiques hospitalières pour notre espèce. Et bien sûr, pas
seulement pour notre espèce. Le gros pic d'extinction que nous connaissons
actuellement, et qui pourrait bien nous englober, est en train de ravager les
écologies de la terre, qui sont intimement liées les unes aux autres, et c’est
considéré comme de simples dommages collatéraux par rapport à la
poursuite d'une idée fixe et nombriliste. Dommage qu'il soit en train de
supprimer tout droit à la vie pour des centaines de formes de vie terrestres,
chaque jour, pendant que nous continuons à introduire plus de 220 nouvelles
vies humaines sur la planète à chaque seconde, soit plus de 200 000 par jour.
A partir d'une position de confort habituel, il est difficile de concevoir un mode
de vie qui réclamerait davantage de compétences, d'efforts et de diligence
personnels pour satisfaire les besoins de la vie. Il est apparemment
impossible d'envisager de rompre notre dépendance à l'égard du pétrole, qui
a montré des signes de plafonnement et qui a amorcé un déclin inexorable, au
moment même où il est devenu partie intégrante de chaque détail de notre
mode de vie. Cependant, n'importe quel enfant peut voir clairement la pensée
magique et l'égoïsme qui sous-tendent les impératifs économiques d'une