Frida Khalo Correspondances d'un amour aussi inconditionnel

Telechargé par Roland Rakotomanga
Correspondances d'un amour aussi inconditionnel que
destructeur
Lettre du 12 septembre 1939
“Ma nuit est comme un grand cœur qui bat. Il est trois heures trente du matin. Ma nuit est sans
lune. Ma nuit a de grands yeux qui regardent fixement une lumière grise filtrer par les
fenêtres. Ma nuit pleure et l’oreiller devient humide et froid. Ma nuit est longue et longue et
longue et semble toujours s’étirer vers une fin incertaine. Ma nuit me précipite dans ton
absence. Je te cherche, je cherche ton corps immense à côté de moi, ton souffle, ton odeur. Ma
nuit me répond : vide ; ma nuit me donne froid et solitude. Je cherche un point de contact : ta
peau. Où es-tu ? Où es-tu ? Je me tourne dans tous les sens, l’oreiller humide, ma joue s’y
colle, mes cheveux mouillés contre mes tempes. Ce n’est pas possible que tu ne sois pas là.
Ma tête erre, mes pensées vont, viennent et s’écrasent, mon corps ne peut pas comprendre.
Mon corps te voudrait. Mon corps, cet aléa mutilé, voudrait un moment s’oublier dans ta
chaleur, mon corps appelle quelques heures de sérénité. Ma nuit est un cœur en serpillère. Ma
nuit sait que j’aimerais te regarder, chaque courbe de ton corps, reconnaître ton visage et le
caresser. Ma nuit m’étouffe du manque de toi. Ma nuit palpite d’amour, celui que j’essaie
d’endiguer mais qui palpite dans la pénombre, dans chacune de mes fibres. Ma nuit voudrait
bien t’appeler mais elle n’a pas de voix. Elle voudrait t’appeler pourtant et te trouver et se
serrer contre toi un moment et oublier ce temps qui massacre. [...] Ma nuit me brûle d’amour.
Il est quatre heures du matin. Ma nuit m’épuise. Elle sait bien que tu me manques et toute son
obscurité ne suffit pas pour cacher cette évidence. Cette évidence brille comme une lame dans
le noir. [...] Ma nuit te cherche sans cesse. Mon corps ne parvient pas à concevoir que
quelques rues ou une quelconque géographie nous séparent. [...] Ma nuit hurle et déchire ses
voiles, ma nuit se cogne à son propre silence, mais ton corps reste introuvable. Tu me
manques tant. Et tes mots. Et ta couleur. Le jour va bientôt se lever.”
Lettre d'avant 1940
“Diego, mon amour, n'oublie pas que dès que tu auras terminé la fresque, nous nous
retrouverons pour toujours, sans disputes ni rien - juste pour nous aimer beaucoup.”
Poème sans date
“Tu mérites un amour décoiffant, qui te pousse à te lever rapidement le matin, et qui éloigne
tous ces démons qui ne te laissent pas dormir. Tu mérites un amour qui te fasse sentir en
sécurité, capable de décrocher la lune lorsqu’il marche à tes côtés, qui pense que tes bras sont
parfaits pour sa peau. Tu mérites un amour qui veuille danser avec toi, qui trouve le paradis
chaque fois qu’il regarde dans tes yeux, qui ne s’ennuie jamais de lire tes expressions. Tu
mérites un amour qui t’écoute quand tu chantes, qui te soutiens lorsque tu es ridicule, qui
respecte ta liberté, qui t’accompagne dans ton vol, qui n’a pas peur de tomber. Tu mérites un
amour qui balaierait les mensonges et t’apporterait le rêve, le café et la poésie.”
Keystone-France / Getty Images
Lettre sans date
“Aujourd’hui j’ai pensé à toi. Bien que tu ne le mérites pas, je dois reconnaître que je t’aime.
Comment oublier ce jour où je t’ai demandé pour la première fois un avis sur mes tableaux ?
Moi, encore jeune folle, toi, grand seigneur au regard lubrique. Tu m’as donné la réponse que
j’attendais, pour ma satisfaction, pour me voir heureuse, sans même me connaître tu m’as
poussé à continuer de peindre. Mon Diego, mon âme s’est souvenue que je t’aimerai toujours
malgré le fait que tu ne sois pas à mes côtés. Dans ma solitude je te dis qu’aimer n’est pas un
péché impardonnable. […] J’ai demandé à mon cœur pourquoi toi et pas un autre.”
Lettre de 1953
“Je t’écris cela depuis une chambre d’hôpital, la salle de préparation au bloc opératoire. Ils
essaient de me presser mais je suis déterminée à achever cette lettre. Je n’aime pas faire les
choses à moitié, et encore moins maintenant que je suis au courant de ce qu’ils planifient : ils
veulent blesser ma fierté en me coupant un pied. Lorsqu’ils m’ont annoncé qu’ils devaient
m’amputer la jambe, cela ne m’a pas affecté comme chacun le croyait. Non, j’étais déjà une
femme incomplète lorsque je l’ai perdu cette autre fois, peut-être la énième, et pourtant j’ai
survécu. Cela n’a pas changé ma douleur et tu le sais, c’est presque une condition immanente
à mon être, bien que j’ai souffert, et beaucoup, la fois, toutes les fois où tu m’as trompée. Pas
seulement avec ma sœur, mais avec tant d’autres femmes. Comment ont-elles pu tomber dans
tes filets ? [...] je n’ai jamais compris, qu’est-ce que tu cherchais, qu’est ce que tu cherches,
qu’est ce qu’elles te donnent et t’ont donné que je ne t’ai pas offert. Parce que, soyons francs
Diego, je t’ai donné tout ce qui était humainement possible et nous le savons. Maintenant tu le
vois, mon morcellement sera visible à la vue de tous, de toi. [...] Je t’écris pour t’annoncer que
je te libère de moi. Je “t’ampute” de moi. Sois heureux et n’essaies plus jamais de me voir. Je
ne veux plus avoir de tes nouvelles ou que tu en aies de moi. […] C’est tout. Je peux enfin
m’en aller et reposer en paix. Celle qui vous aimait d’une impétueuse folie fait ses adieux.”
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