LA GRÂCE DE LA CRISE CARDIAQUE ET DU CANCER - ADYASHANTI

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LA GRÂCE DE LA CRISE CARDIAQUE ET DU CANCER
ADYASHANTI
Extrait de ‘’The most important thing : Discovering truth at the heart of life’’
La difficulté nous ouvre à ces instants de grâce pendant lesquels on se rappelle la grande vitalité qu’il
y a sous la surface des choses - sous l’apparence des choses. Lorsque nous évoquons même la grâce
ou tout type de percée au sein d’un plus grand sens de la réalité dont nous faisons partie et que nous
sommes, nous y songeons comme à quelque chose d'extraordinairement agréable ou du moins plus
agréable que l'environnement dans lequel nous nous trouvons. Nous croyons que si nous pouvions
nous détacher de nos difficultés, si nous ne pouvions pas être autant interpellés par ce qui se passe
au jour le jour, nous aurions une meilleure opportunité pour que des moments de grâce se
produisent ; nous serions plus à même de nous ouvrir à un sens plus vaste de la réalité et de ce que
nous sommes. Il est intéressant que nous entretenions de telles idées par rapport à ce qui est propice
à la grâce, à la révélation spirituelle, puisqu’elles contredisent en fait les moments où la grâce se
manifeste.
Certes, parfois, nous avons des moments de grâce et de compréhension plus profonde, quand nous
nous trouvons dans un environnement serein, confortable et sûr. La grâce peut survenir, quand nous
nous promenons dans la forêt par une journée tranquille où rien ne nous dérange, et lorsque nous
sommes saisis par le grand Silence et portés par ce sens de la nature qui nous permet de nous
détendre dans la plus vaste réalité de ce que nous sommes. Néanmoins, après plus de deux décennies
d'enseignement, j'ai constaté que la grâce survient plus souvent à travers de grands défis : lorsque
nous nous heurtons à une limite dans notre vie, lorsque nous ignorons comment gérer une situation,
ou lorsque nos moyens habituels de faire face à une situation ne sont pas utiles et que nous nous
trouvons en terrain inconnu. Le défi pourrait être la perte d'un être cher ou d'un emploi ; il pourrait
s'agir d'une maladie grave ou de toute autre chose qui ne nous laisse pas d'autre choix que de puiser
en nous des ressources auxquelles nous ne saurions peut-être pas accéder autrement.
Nous le voyons dans les récits provenant de toutes les grandes traditions religieuses. Le Bouddha en
est un bon exemple. Il voulait savoir s'il existait une réponse au dilemme existentiel de l'homme, à
savoir les faits inévitables que sont la naissance, la vie, la mort et la souffrance. Il était motivé par la
constatation d'un fait que nous reconnaissons tous à un moment ou à un autre : la vie comporte une
grande part de souffrance. À son époque, si vous vouliez entreprendre une quête spirituelle sérieuse,
il était courant de devenir un renonçant. Il a donc quitté son foyer, sa femme et ses enfants, ainsi que
son aisance et sa richesse princières pour chercher des réponses. Après six années de pratiques
spirituelles ardues et de disciplines, telles que le jeûne et l'automortification, après avoir maîtrisé les
enseignements religieux et de nombreux styles de méditation, il a réalisé qu'il devait se rendre à
l'évidence : il n'avait pas trouvé la réponse qu'il cherchait.
Ce fut un moment charnière pour le Bouddha, une période de grand désespoir pour lui. Imaginez que
vous ayez tout abandonné dans votre vie pour vous lancer dans une quête, que vous ayez travaillé
dur, que vous ayez pratiqué et étudié avec les grands maîtres de l'époque, mais qu'après des années
de recherche, vous vous rendiez compte que vous n'avez pas trouvé ce que vous cherchiez. Quelle
déception ! En plus de cela, le Bouddha mourait de faim, car ses pratiques ascétiques avaient épuisé
son corps - il ressemblait à un squelette. Nous connaissons l'image du Bouddha assis sous l'arbre de
la bodhi, mais nous oublions souvent que ce qui l'a poussé sous l'arbre de la bodhi, c'est la douleur de
rencontrer ses propres limites, d'être amené dans un lieu quelque part en lui-même qu'il ignorait
comment transcender. Dans ces moments difficiles, il ne savait pas qu'il s'approchait de cette lueur
de grâce mystérieuse et puissante qui ouvrirait une nouvelle dimension de réalisation - de connexion
avec la vie.
L'arbre de la bodhi est un symbole mythique. Larbre représente l'arbre de vie, à l’instar de l'arbre de
l'immortalité dans le Coran ou de l'arbre de la connaissance dans le livre de la Genèse, dans la Bible.
Adam et Eve ont cueilli les fruits de l'arbre. Le Bouddha n'a rien pris de l'arbre de la bodhi, mais s'est
assis sous l'arbre. Il s'est assis avec la dure réalité de la vie. Il s'est engagé dans la vie, mais pas de la
façon dont nous pensons généralement à nous engager - en la pressant pour en tirer toute la vitalité
possible.
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En lieu et place, il s'est assis à la racine de l'existence et il a essayé de trouver la solution au
fait inévitable de l'existence humaine, et il s'est éveillé. C'est pourquoi l'image du Bouddha sous
l'arbre de la bodhi est un enseignement en soi. Lorsque nous nous heurtons à un grand obstacle,
lorsque nous détectons un domaine en nous que nous ne savons pas comment dépasser, lorsque nous
vivons une expérience douloureuse que nous ne pouvons pas éviter, nous devons nous asseoir là - à la
racine de l’expérience, à la racine de l'arbre de vie - et stopper. Il ne s’agit pas d’un enseignement
facile, mais c'est un grand enseignement : stopper au cœur de la difficulté et se rendre disponible à
tout ce qui se passe alors.
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On peut tout de même faire remarquer que pendant sa vie de prince, il avait plutôt ‘’bien’’ vécu, ce qui lui avait permis de mesurer tout
ce que l’abondance matérielle pouvait offrir et ne pas offrir, NDT. (La formule est assez simple : plus vous acquérez du discernement et plus
le détachement est facile. Et pour l’homme ou la femme moderne, le détachement intérieur prime toujours par rapport à un détachement
extérieur qui ne serait que factice, ce qui est le cas pour de nombreux ‘’religieux’’…)
Stopper n'est pas un acte d'immobilité physique et ne consiste pas à faire taire le mental, mais il
s'agit d'être disponible à tout ce qui se passe à chaque instant. Quand nous sommes totalement
ouverts - même si c'est difficile - nous avons cessé de lutter contre la vie, nous avons cessé de nous
opposer à toute situation dans laquelle nous nous trouvons, et il y a une possibilité de découverte.
C'est là qu'un grand mouvement de grâce peut se produire. Nous arrêtons d'essayer de fuir ce qui est
et nous nous asseyons au cœur de cela - même si c'est inconnu pour parvenir à un lieu de
compréhension plus profond.
Il faut beaucoup de foi pour s'asseoir ainsi au cœur de l’existence. Ce n'est pas la même chose que la
"foi" qu'une doctrine, un enseignement ou un maître est la vérité. Il s'agit en fait d'une croyance, qui
nous dit comment interpréter la vie et y trouver du confort et la sécurité. Une croyance est un moyen
de nous isoler de la vraie foi, de la vraie confiance. La foi, dans son sens le plus vrai, c’est quelque
chose de différent. La foi nous permet de nous départir de la croyance, de la façon dont nous
traduisons généralement chaque moment de notre expérience en un modèle conceptuel qui semble le
rendre plus facile à comprendre, qui semble nous donner un certain contrôle et qui atténue le
sentiment d'insécurité que nous avons chaque fois que nous nous trouvons à bout, qu’il s’agisse d'un
défi professionnel ou relationnel, d'une maladie, de la mort d'un être cher ou même de votre propre
mort imminente, ou encore d'un sentiment d’oppression face à la grande souffrance du monde.
Beaucoup de choses peuvent vous donner l'impression d'être à bout et de ne pas savoir quoi faire.
C'est ce qui est arrivé à Jésus dans les évangiles. Il a vécu une vie engagée et dynamique. Ce n'était
pas un renonçant, ce n'était pas un Bouddha, il n'a pas cherché à entrer dans un ordre monastique -
c'était un homme du monde - mais même lui avait des moments où il avait besoin d'être seul. Au
début de l'histoire, lorsqu'il se trouve au bord du Jourdain et qu'il est baptisé par Jean le Baptiste, le
texte dit que les cieux se sont ouverts et que l'Esprit de Dieu est descendu sur Jésus comme une
colombe. Ce fut le moment d'une grande inspiration spirituelle d’un Eveil. La première chose qu'il a
faite après cela a été de se rendre dans le désert, parce qu'il se sentait poussé à se retrouver dans la
solitude. Il a peut-être eu l'idée d'aller dans le désert pour baigner dans la gloire de l'Esprit qui était
descendu sur lui et pour s'en imprégner, mais quelque chose de différent s'est produit. Jésus s'est
retrouvé sur le fil du rasoir, il a été mis au défi. Dans l'histoire de la vie de Jésus, ce défi est
représenté par le diable.
Le Bouddha et Jésus se sont retrouvés mis au défi et ils ont dû se dépasser pour pouvoir les relever.
En d'autres termes, ils ont trouvé la grâce au milieu de grandes perturbations. Jésus a été confronté à
ces défis et ces perturbations à plusieurs reprises jusqu'à la fin de sa vie. Même quand il se trouvait
dans le jardin de Gethsémani, quelques jours avant d'être crucifié, il savait ce qui allait se passer, et il
a éclaté en sanglots et il a supplié Dieu "d'éloigner cette coupe de mes lèvres". C'est une façon
poétique de dire : "Comment est-ce que je peux m'en sortir ?" C'est une réaction humaine, lorsque
nous sommes mis au défi ou accablés, de demander ou d'espérer que l'obstacle soit enlevé, mais les
enseignements spirituels nous indiquent comment faire face à ces moments et de quoi nous inspirer.
L'un des thèmes courants est la volonté de ne pas fuir ou de tenter de s'échapper. Même si Jésus a
demandé à Dieu s'il pouvait se sortir de sa situation, juste après avoir prononcé ces paroles, il a
rétabli son équilibre intérieur et il a dit : "Que ta volonté soit faite." C'est comme s'il avait puisé dans
son Être plus profond et accepté son destin, même si celui-ci était terrifiant. Pensez-y : la crucifixion
est l'une des façons les plus terribles de mourir, et il savait que cela arriverait.
Dans les histoires de Jésus et du Bouddha, de nombreuses images sont dramatisées et amplifiées,
mais c'est pour que nous ne manquions pas l'essentiel. Ces enseignements transmettent quelque
chose d'important sur la façon de trouver la grâce dans nos défis. Les moments les plus difficiles de la
vie nous donnent un point d'accès, une possibilité de nous ouvrir à la grâce qui dépasse notre
aptitude à le créer ou à le fabriquer. En d'autres termes, nous pouvons répondre à ce moment par un
oui, ou nous pouvons dire non, hésiter, nous plaindre ou avoir peur, parce que nous ne pouvons pas
dépasser notre insécurité. Si nous pouvons dire oui à ces expériences, si nous n'essayons pas de les
éviter ni de les rationaliser, quelque chose de plus profond jaillira dans cet espace où nous nous
ouvrons à nos limites. C'est la grâce.
J'ai fait l'expérience de cette grâce chez mon père. Au cours des cinq dernières années de sa vie, il a
eu une crise cardiaque, un AVC, puis un cancer avancé qui l'a emporté quelques mois après avoir été
diagnostiqué. Alors quil se remettait de son AVC, mon père m'a dit qu'il avait vécu une expérience de
mort imminente qui lui avait enlevé la peur de la mort, et que c'était donc une grande grâce dans ce
sens. Pourtant, cet AVC a constitué un défi, car il a perdu pas mal de fonctions pendant un certain
temps. Une bonne partie de ses fonctions sont revenues avec le temps, mais pas tout, car il n'a jamais
retrouvé l'usage d'un bras et d'une main. Néanmoins, il a pu dire : "Mon AVC m'a sauvé la vie". C'était
là une manière merveilleuse de communiquer ce qu'il avait vécu. Grâce au défi que représentait cet
AVC, il est devenu vivant d'une manière nouvelle. Il a trouvé quelque chose qu'il avait toujours
cherché, à savoir une véritable expérience de l'amour - pas un amour extérieur, mais quelque chose de
profond, à l’intérieur. Pendant les dernières années de sa vie, vous ne pouviez jamais entrer dans une
pièce où il se trouvait sans qu'il ne vous dise à quel point il vous aimait. Il disait cela à tout le monde. Il
a eu ses moments de difficulté, lorsqu’il était déprimé par sa situation, lorsqu’il devait composer avec
un corps qui ne fonctionnait plus comme avant et un esprit qui n'était plus aussi vif qu'avant.
Pourtant, il exsudait un sentiment d’acceptation malgré tout cela, ainsi qu’une reconnaissance qu'il ne
tardait pas à partager avec son entourage.
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