Telechargé par pierrealberthayen

DIRIGER UNE FONDATION MOTIVEE PAR LES VALEURS ET L'ETHIQUE - MAGAZINE HEART2HEART

DIRIGER UNE FONDATION
MOTIVÉE PAR LES VALEURS ET L’ÉTHIQUE
Après avoir travaillé dans un certain domaine pendant plus de trente ans, on confia des
responsabilités dans un tout nouveau domaine à l’auteur qui souhaite rester anonyme. Avec très
peu d’expérience dans les affaires, il se retrouva codirecteur d’une fondation caritative de
plusieurs millions de dollars. L’autre codirecteur n’avait également pratiquement aucune
expérience antérieure dans les affaires. L’auteur et son associé se retrouvèrent dans un monde
entièrement nouveau où ils devaient superviser les deux gestionnaires de fonds d’un gros
portefeuille d’actions, les dons généreux octroyés à des associations caritatives, contrôler les
programmes financés par la fondation, vérifier l’adhésion des associations caritatives aux clauses
d’attribution des subventions, diriger l’équipe juridique ayant constitué la fondation, garantir
l’observation de toutes les lois pertinentes, superviser le comptable et gérer les opérations
quotidiennes de la fondation. Et à côté de ces tout nouveaux rôles, tous les deux devaient
conserver leurs professions respectives.
A présent, l’auteur partage avec nous comment il a géré la multiplicité de ces tâches et comment il
a surfé sur les marchés financiers versatiles en essayant de s’accrocher solidement aux valeurs
spirituelles qui le stimulaient de l’intérieur.
Peut-on actuellement réussir sur les marchés financiers sans faire de compromis moral ? Les
affaires et l’altruisme peuvent-ils être gérés sur la pierre de touche du même ensemble de valeurs ?
La pensée même de viabilité financière spirituellement garantie est-elle un oxymore ?
Tout en apportant un éclairage sur quelques-unes de ces questions sensibles, l’auteur est prompt à
signaler qu’il ne se considère pas comme un ‘’héros de la conscience’’, mais plutôt comme
quelqu’un qui s’efforce de faire de son mieux pour vivre les valeurs mises en avant par Swami
dans tous les secteurs de sa vie. Il veut qu’il soit clair qu’il y a eu beaucoup d’échecs en cours de
route, comme il y a eu beaucoup de succès, mais il estime que tout ceci est un processus
d’apprentissage mis en place par Swami. C’est ainsi qu’il partage ici deux histoires, l’une que l’on
pourrait considérer comme un exemple des valeurs en action et l’autre comme un exemple de
lacune dans le fait de vivre en conformité avec les valeurs.
L’auteur entendit pour la première fois parler de Bhagavan Sri Sathya Sai Baba en 1969, mais ce
n’est que 27 ans plus tard, en 1996, qu’il lui rendit visite pour la première fois.
Avec ma nomination comme codirecteur de cette grosse fondation caritative, je réalisai vite que
j’avais beaucoup à apprendre dans des matières dont je n’avais pratiquement aucune
compréhension ni aucune expérience. Il devint clair que non seulement je devais connaître ces
matières, mais que je devrais les connaître dans les plus brefs délais.
Un des premiers domaines qu’il fallait aborder était l’apprentissage des actions, des obligations et
des investissements en général. Comme novice, je décidai que je devais lire et étudier la meilleure
documentation disponible.
Conformément aux conseils de Swami prodigués aux étudiants de maîtrise de gestion de son
université qui sont repris dans Man Management, je décidai aussi d’apprendre directement
auprès de ceux qui étaient dans ce business. Par bonheur, l’équipe des investissements que notre
fondateur avait utilisée pendant de nombreuses années se rendit disponible et fut très heureuse de
m’apprendre.
Je passai de longues heures au téléphone avec eux et bien que leurs bureaux étaient situés dans
une autre ville, je m’y rendis pour les rencontrer, pour voir le site des transactions et pour avoir
un enseignement plus ‘’personnalisé’’. Eux aussi vinrent dans les bureaux de la fondation pour
une formation complémentaire.
Une partie de l’apprentissage impliquait de savoir déterminer ce qui constituait un investissement
sûr et sain qui promettait aussi un bon rendement pour que nous puissions distribuer plus aux
associations caritatives que nous soutenons. Parce que je pensais que c’était vraiment la fondation
de Swami, je voulais être certain que tous nos investissements s’alignent sur les valeurs qu’il
enseigne. Par conséquent, je ne me focalisai pas seulement sur le potentiel de croissance à long
terme de chaque investissement, mais j’évaluai aussi chacun d’eux avec à l’esprit ces valeurs. Je
posai des questions, comme :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Le produit ou le service fourni était-il de la plus haute qualité ?
Bénéficiait-il à autrui ?
Y avait-il des impacts négatifs sur l’environnement ?
Le personnel était-il traité équitablement ?
Les sociétés étaient-elles financièrement responsables et fiscalement saines ?
Adhéraient-elles à de bonnes pratiques éthiques ?
Faisaient-elles preuve d’une bonne moralité, d’une bonne éthique et de bonnes pratiques
commerciales ?
ÉVALUATION DE LA VALEUR RÉELLE
Je décidai de passer en revue chacune des sociétés dont nous détenions des actions et je fus
satisfait de constater que la majorité d’entre elles répondaient aux critères des valeurs, cela étant
dû en grande partie à nos gestionnaires de fonds qui sont également des personnes d’une grande
éthique et d’une grande moralité. Il y avait toutefois quelques problèmes et les actions qui ne
répondaient pas à nos critères furent retirées de notre portefeuille. Il y avait un cas notable dont
j’aimerais vous faire part. Il impliquait une société au développement rapide qui nous offrait un
taux de rendement très élevé sur notre investissement et qui en surface paraissait répondre à tous
les critères mis en exergue.
ANNHIHILER L’INCOHÉRENCE ENTRE LES VALEURS ET LES
PRATIQUES COMMERCIALES
Cette société particulière avait comme filiale une grosse exploitation laitière en Amérique du Sud.
En examinant les données concernant cette entreprise, les vaches semblaient être bien traitées et
on ne leur injectait pas d’hormones pour forcer des niveaux de production de lait anormaux, une
pratique en vogue dans beaucoup d’exploitations laitières.
Mais si on lisait tous les petits détails, il était brièvement fait mention d’un ‘’recyclage’’ des vaches.
Je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait et je pris contact avec notre conseiller en
investissement pour lui demander de vérifier auprès de l’entreprise.
Il s’avéra que l’entreprise était copropriétaire d’un abattoir et que lorsque les vaches ne
produisaient plus de lait, on les y amenait pour être ‘’recyclées’’. Même si je ne me sens pas le
droit de dire à qui que ce soit de ne pas manger de la viande (en fait, ni mon codirecteur, ni aucun
membre de l’équipe d’investissement ne sont végétariens), je réagissais viscéralement à l’idée
d’être impliqué dans des affaires avec une entreprise commerciale qui était copropriétaire d’un
abattoir.
Je discutai avec l’autre codirecteur et lui fis part de mes sentiments et il accepta de me laisser faire
comme je l’entendais dans cette situation. Je pris ensuite contact avec notre équipe
d’investissement pour lui signaler que je voulais vendre. Celle-ci ne fut pas favorable à ma
décision et insista sur le fait que l’action rapportait beaucoup et qu’elle avait un potentiel énorme
de croissance et de rendement. Elle me recommanda vivement de ne pas vendre ou tout au
moins d’attendre jusqu’à ce qu’elle stoppe sa forte augmentation en valeur qui était en cours (cela
se passait à une époque où le marché boursier se portait plutôt bien et où la valeur de cette action
augmentait tous les jours de manière importante).
Même si je comprenais son point de vue et si c’était son job de maximiser notre rendement, je ne
pouvais pas accepter sa recommandation et lui enjoignis de vendre immédiatement l’action, ce
qu’elle fit. Nous investîmes l’argent dans une autre entreprise qui répondait à toutes nos
exigences et qui démontrait aussi un bon potentiel (même si on pensait que sa réalisation ne serait
pas aussi rapide qu’avec la première action).
NOTRE PORTEFEUILLE BASÉ SUR LES VALEURS FAIT MIEUX
QUE LE MARCHÉ
L’épilogue de cette expérience fut que les conseillers avaient raison, à court terme. L’action que
nous avons vendue augmenta bien pendant un moment, mais pour une raison que je ne
comprends toujours pas, elle baissa fortement (ceci s’est passé longtemps avant la baisse générale
du marché.) Ceci dit entre parenthèses, la seconde action poursuivit sa lente croissance et puis
brusquement, pour une raison aussi inconnue, sa valeur augmenta fortement.
Et elle continue de bien se porter, même dans le marché actuel. En fait, l’ensemble de notre
portefeuille basé sur les valeurs continue de se montrer nettement plus performant que le marché,
même avec la récession actuelle. Un autre fait intéressant, c’est que mon codirecteur et l’un des
gestionnaires de fonds s’intéressent maintenant à Swami et qu’ils projettent de visiter Prasanthi
Nilayam dans un proche avenir.
Je ne veux certainement pas laisser l’impression à quiconque que je réussis toujours à suivre les
enseignements de Swami. En fait, je remarque beaucoup plus mes échecs que mes succès. Il
arrive que je trébuche et que mon ego tente de diriger le show. Cela devient plus mes projets et ce
que je désire en termes d’objectif plutôt qu’adhérer aux valeurs. Je souhaite vous faire part d’un
exemple de manque d’adhésion aux valeurs où je me suis trop focalisé sur le but.
RAPPROCHER DEUX ASSOCIATIONS CARITATIVES
Cette expérience concerne deux associations caritatives que la fondation soutient. La première est
une clinique caritative bien établie qui fournit des services médicaux, dentaires et psychiatriques à
une population à faibles revenus et sans abri d’une grande agglomération. Elle propose des
examens, des tests, des traitements et des médicaments à des prix très bas ou gratuits. Son unique
règle est de ne pas traiter les gens qui bénéficient d’une couverture, puisque ces gens peuvent
recevoir ailleurs les mêmes traitements.
La seconde association caritative fournit des services à des jeunes sans abri qui ont entre 13 et 22
ans. Elle possède un centre où les jeunes peuvent recevoir de la nourriture, des vêtements, des
conseils et d’autres services utiles. Cette association caritative n’est pas aussi bien établie et la
fondation pour laquelle j’œuvre est leur principale source de financement. Je m’étais
personnellement investi dans cette association caritative durant de nombreuses années et je l’avais
présentée au fondateur de la fondation.
Pour comprendre ce qui s’est passé, le lecteur doit savoir qu’il y a certaines limites légales en ce
qui concerne les montants que la fondation peut offrir aux associations caritatives. Grâce à un
heureux concours de circonstances, nous avons pu multiplier par 2,5 les subventions allouées en
2009, par rapport à celles de 2008.
Pour l’association caritative qui s’occupe des jeunes sans abri, cela signifiait que ses programmes
actuels seraient complètement financés et qu’elle pourrait développer de nouveaux services utiles
à cette population. La clinique, elle, se retrouverait avec un surplus. J’ai pensé que l’occasion était
belle de les rapprocher et de voir si la clinique pourrait étendre ses services pour traiter cette
population de jeunes sans abri nonobstant la grande distance sur le plan géographique qui
rendrait les choses beaucoup plus difficiles pour la clinique.
J’ai senti que ce serait un programme important, car les ados âgés entre 13 et 17 ans se trouvaient
dans un no man’s land spécial. Pour être soignés par n’importe quel autre hôpital, ils avaient
besoin d’une autorisation parentale. Etant donné que ces enfants vivaient dans la rue sans
parents, il leur était pratiquement impossible d’être soignés, sauf en cas d’urgence et même alors,
les services locaux de la protection de l’enfance devaient être contactés et c’était quelque chose
que ces enfants voulaient à tout prix éviter, car la majorité d’entre eux avaient déjà eu de
mauvaises expériences avec le système de placement en foyers d’accueil et ne voulaient pas y
retourner. Le programme proposé semblait être la solution parfaite pour un grave problème.
J’ai demandé à la directrice de la clinique combien cela coûterait de mettre en place un tel
programme et après quelques recherches, elle est revenue avec un chiffre qui paraissait tout à fait
raisonnable.
UNE PROPOSITION D’AIDE CONDITIONNELLE ?
Je lui ai dit que nous allions augmenter notre subvention à la clinique et que nous voulions qu’ils
adoptent ce projet (qui revenait à environ 33 % de l’augmentation et à plus ou moins 20 % du
total de la subvention et elle s’est empressée d’accepter. Puis, j’ai parlé à la directrice du projet
pour les ados et je lui ai demandé si elle aimait cette idée et elle était ravie et enthousiaste, car
souvent elle s’était sentie impuissante pour ce qui était de satisfaire les besoins médicaux des
ados. Nous avons organisé une réunion avec les deux directrices et nous avons lancé la procédure
pour que tout puisse être mis en route au début 2009.
HONNÊTETÉ ET TRANSPARENCE REQUISES, MÊME À UN
NIVEAU SUBCONSCIENT
Jusque-là, tout semblait parfait. Entre alors mon codirecteur qui est un homme très bien, éthique
et honnête. Il s’est intéressé au programme et en examinant le projet, il a posé une question
importante : ‘’Avais-je dit à la directrice de la clinique gratuite qu’elle recevrait le même montant,
qu’elle adopte ou non le nouveau programme ?’’ Non !
Pour être honnête, une partie de la raison pouvait être attribuée à l’enthousiasme et à une certaine
négligence, mais une partie de la raison quelque peu inconsciente, c’était que je voulais mettre en
route ce programme et que j’avais des appréhensions par rapport au fait que la clinique soit
désireuse d’utiliser notre financement dans cette optique, si elle avait le choix. En me remémorant
les discussions que j’avais eues avec la directrice de la clinique, il est devenu clair que j’avais laissé
sous-entendre que l’argent supplémentaire dépendait de l’acceptation du programme. J’avais été
malhonnête.
Je savais que ce n’était pas éthique et que cela ne cadrait pas avec les valeurs que Swami enseigne
et qu’il attend de la part de ses fidèles. Non seulement je m’étais montré indigne des normes que
je m’étais fixées pour moi-même et que j’attendais de la part des autres, mais j’avais laissé tomber
Swami.
DÉCLARER PUREMENT TOUTE LA VÉRITÉ
Soutenu par mon partenaire, j’ai immédiatement organisé une réunion avec la directrice de la
clinique et je lui ai présenté directement mes excuses pour ma malhonnêteté et je lui ai dit que le
financement n’était pas basé sur son acceptation du nouveau programme avec les ados et que le
financement de la clinique ne serait affecté ni maintenant, ni dans le futur par sa décision et sa
réponse a été vraiment réconfortante.
Quoiqu’elle admettait volontiers que le programme nécessiterait de sa part des efforts
supplémentaires, elle a dit qu’elle s’engageait à le suivre, non pas pendant juste un an, mais
pendant deux ans, si nous continuions à le financer au même niveau. Elle voulait travailler avec la
directrice du programme pour les ados et elle sentait qu’elles en profiteraient mutuellement.
Elle avait aussi rencontré certains des enfants et elle savait combien le programme était
important. En réalité, elle espérait mettre sur pied un programme similaire dans l'agglomération
où la clinique est située. Elle a gracieusement accepté mes excuses et la relation de travail entre
nous n’a cessé de se consolider.
Ensuite, j’ai rencontré l’autre directrice du programme, je lui ai avoué ma malhonnêteté et j’’ai
demandé son pardon. J’ai évoqué la réaction et le soutien gracieux de la directrice de la clinique.
Elle aussi a accepté mes excuses et nous explorons actuellement d’autres pistes pour financer la
partie médicale du programme après cette période de deux ans.
Lorsque je réfléchis à cet incident, je me sens plus qu’un peu gêné par la manière dont j’ai laissé
l’objectif devenir plus important que les valeurs. Swami nous a répété à maintes reprises que la
manière dont nous faisons une chose est plus importante que le résultat. Comme l’enseigne la
Bhagavad Gita, c’est à nous de faire de notre mieux, puis de nous détacher du reste. Et faire de
notre mieux signifie œuvrer à partir d’une orientation sur les valeurs et non sur un objectif.
Même si je sais que je pourrais rechuter, je ressens un engagement renouvelé et accru à être
honnête dans tous les aspects de ma vie. L’éthique en fonction des situations n’est pas une chose
avec laquelle un fidèle de Swami peut vivre, puis dire qu’il est un fidèle.
Nous voulons que le socle de la fondation soit le caractère et les valeurs et cela aide d’avoir un
modèle aussi impeccable que Swami et son œuvre avec toutes les entreprises qu’il dirige, comme
les hôpitaux, les écoles, les projets d’eau potable, etc. A l’origine, Swami avait béni et approuvé la
création de la fondation.
Maintenant, j’ai une nouvelle manière de considérer mon poste, une nouvelle façon de voir et
d’évaluer l’accomplissement de mon travail. Je travaille pour Baba. C’est lui le directeur, le
président, le PDG de la fondation. C’est lui le patron ! Cela m’aide vraiment, si je songe à la
manière dont ‘’le patron’’ voudrait que je gère les situations auxquelles je suis confronté, à ce que
ressentirait le patron par rapport à la manière dont j’ai dirigé les affaires de la fondation
aujourd’hui. En bref, me suis-je montré à la hauteur de ce que ‘’le patron’’ attendait de moi
aujourd’hui ?
Référence : Magazine Heart2Heart de Radio Sai Global Harmony /Février 2009