connaissances relatives au son pour une meilleure compréhension des phénomènes
lumineux encore inexpliqués. Young y suggère donc d’envisager la propagation de la lumière
sur le modèle d’une onde longitudinale se propageant dans un milieu matériel, de manière
analogue à celle du son.
La reconnaissance de ses talents par la communauté scientifique londonienne de l’époque
se manifeste par sa nomination comme tout premier professeur de philosophie naturelle à
la naissante Royal Institution
, où il donnera de 1801 à 1803 un cours de physique générale
portant sur une série de sujets aussi vaste
que la mécanique (allant des lois de la statique et
du mouvement, à l’élasticité des solides, l’ingénierie, ou l’architecture), l’hydrodynamique
(dans laquelle il inclue l’étude des liquides statiques ou en mouvement, mais aussi des sons
et, de manière significative, de la lumière) et les sciences de la nature (où il traite
d’astronomie, autant que de météorologie, d’électricité ou de chaleur). Cours foisonnant
donc, dont le contenu sera publié
postérieurement à la lecture de la Théorie de la Lumière
et des Couleurs.
L’estime que la communauté scientifique britannique lui porte se traduit aussi par
l’obtention à trois reprises au tournant du siècle de la médaille bakerienne
de la Royal
Society. Thomas Young est en effet mandaté une première fois en 1800 pour donner une
conférence bakerienne Sur le Mécanisme de l’œil
. Cette conférence est l’occasion pour lui
de revenir sur sa découverte du rôle du cristallin dans l’accommodation qu’il avait présentée
en 1793, mais qui avait été si vigoureusement contestée dans l’intervalle qu’il avait dû la
rétracter. De nouvelles expériences, appuyées par une série de calculs basés sur des
modèles simples de l’œil et du cristallin, et menées dans le cadre d’une conception
corpusculaire de la lumière, lui permettent de confirmer la valeur et l’originalité de ses
premières découvertes, ainsi que de découvrir et interpréter pour la première fois le
potentiel défaut d’astigmatisme de l’œil humain.
Et d’être à nouveau distingué par ce prix l’année suivante, où il expose enfin la Théorie de la
lumière et des couleurs
présentée ici. Il ne sera donc pas surprenant de voir se développer
au fil de ce texte une interprétation des phénomènes de la lumière et des couleurs
Geoffrey N. Cantor, Thomas Young’s lectures at the Royal Institution, Notes and Records of the Royal Society
of London, vol. 25, n° 1, 1970, 87-112.
Au-delà de sa maîtrise de tous les champs de la physique de son époque, Thomas Young est un véritable génie
polymathe : on a déjà évoqué son doctorat en médecine et ses travaux fondamentaux sur le fonctionnement
de l’œil ou de la voix humaine. Mais pour être complet il faudrait aussi signaler ses travaux originaux en
mathématiques, en ingénierie, en langues anciennes (son article « Languages » dans l’Encyclopedia Britannica
compare et classe les grammaires de plus de 400 langues, il a travaillé à la restauration de papyrus extraits à
Herculanum et fut le premier à déchiffrer les cartouches présents sur la pierre de Rosette), sa production
d’almanach nautiques pour le Bureau des Longitudes, sa rédaction de soixante-et-un articles ou biographies
pour l’Encyclopedia Britannica, ou ses nombreux calculs relatifs aux assurances vie. Pour plus d’information sur
ces sujets, voir Alexander Wood, Thomas Young Natural Philosopher, Cambridge University Press, 1954.
Thomas Young, Syllabus of a course of Lectures on Natural and Experimental Philosophy, Royal Institution,
London, Art. 289, 1802. Et Thomas Young, A Course of Lectures in Natural Philosophy and Mechanical Arts, vol.
I et II, London, 1807.
Henry Baker (1698-1774) fonde à sa mort le prix et le cycle des conférences portant son nom en léguant une
dotation de £100 par an à la Royal Society pour la mise en place d’une conférence annuelle donnée par un
membre de la Royal Society sur quelque sujet d’histoire naturelle ou de philosophie expérimentale que la
société jugera d’importance majeure.
Thomas Young, On the Mechanism of the Eye, Philosophical Transactions of the Royal Society of London, vol.
91, 1801, 23–88.
Thomas Young, On the Theory of Light and Colours, Philosophical Transactions of the Royal Society of
London, vol. 92, 1802, 12-48.