Telechargé par chahim67100

polycopié mécanique des fluides

publicité
Mécanique des fluides
De la physique des fluides à l’équation de Bernoulli
Table des matières
1 Dessine moi une particule fluide
1.1 Une bref aperçu de la physique des fluides
1.2 La particule fluide . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Les grandeurs locales et globales . . . . . .
1.4 Bilan de la section . . . . . . . . . . . . .
.
.
.
.
2
2
4
6
7
2 Point de vu Lagrangien et Eulerien
2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 De la variation lagrangienne à la quantification Eulerienne . . . . . . .
2.3 Bilan de la section . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8
8
8
13
3 La dynamique de l’écoulement
3.1 Hypothèse de bases . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 La conservation de la masse . . . . . . . . . .
3.3 Dynamique du fluide . . . . . . . . . . . . . .
3.3.1 La variation de quantité de mouvement
3.3.2 Le bilan des forces . . . . . . . . . . .
3.3.3 Les contraintes . . . . . . . . . . . . .
3.3.4 Bilan de la section . . . . . . . . . . .
14
14
15
18
18
20
21
29
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
4 Conditions limites et vorticité
30
4.1 Les conditions limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
5 Équation de Bernoulli
5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.1.1 Reformulation de l’équation de Navier-Stokes . . .
5.2 L’équation de Bernoulli pour les écoulements stationnaires
5.3 L’équation de Bernoulli pour les écoulements irrotationnels
5.4 fin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
32
32
32
33
34
35
Chapitre 1
Dessine moi une particule fluide
1.1
Une bref aperçu de la physique des fluides
Sous l’appellation ”milieu fluide”, sont regroupés plusieurs états de la matière,
dont les principaux sont : les liquides, les gaz et les plasma (néon ionisé, surface
du soleil). Afin de mieux définir ces milieux fluides, on les oppose aux solides. Dans
ces derniers, les atomes respectent une structure fixe et ordonnée. Leur mobilité se
résume généralement à des oscillations inférieures à la distance inter-atomique autour
de leur position dans la maille, dont les vibrations du réseau sont à l’origine du transfert thermique. La propriété qui est en découle, essentielle pour le mécanicien, est
la conservation des distances entre les différents points d’un objet solide. La dynamique de cet objet, traitée par la mécanique du solide, se réduit alors à la dynamique
d’un seul point, pouvant être le centre de masse ; la dynamique des autres points se
déduisant du précédent grâce aux lois de composition des vitesses. Or pour les fluides,
cette propriétés disparait et toute la mécanique doit être refondée. Aussi, émerge aux
18-19ième siècles une nouvelle disciple, la mécanique des milieux continus, qui décrit la
dynamique des corps déformables.
Revenons à nos fluides, dont les particules (atomes, molécules) ont une grande
mobilité. Ces particules peuvent se déplacer sur plusieurs distances inter-particulaires,
avec une différence notable de comportement entre les liquides et les gaz. Ces fluides
n’ont donc pas de structure fixe et ordonnée. Le milieu peut alors se déformer sous
l’effet des forces externes (gravité, frottement) ou internes (pression, contrainte visqueuse). La mécanique des milieux continus, dont la mécanique des fluides constitue un
sous-ensemble, a pour objectif de relier ces forces exprimées sous la forme de champs
continus, aux déformations du corps. Pour la mécanique des fluides, on s’intéressera
plus spécifiquement aux écoulements, qu’on caractérisera par des champs de vitesse.
Les liquides sont caractérisés par des interactions à distance attractives entre particules, dont les amplitudes, bien que moins fortes que dans un solide, sont nonnégligeables. Les distances inter-atomiques étant plus faibles, les liquides ont ainsi
une densité volumique généralement plus grande que les gaz. Ces forces induisent la
présence d’une enthalpie de vaporisation lors du passage du liquide au gaz résultant
du surplus d’énergie nécessaire pour ”briser” ces interactions. Autre propriété due
aux interactions, les liquides non-miscibles (type eau-huile) ou les liquides au contact
d’un gaz (eau-air) ont une interface distincte séparant les deux fluides. Les particules
2
à l’interface subissent une dissymétrie dans les forces attractives des deux fluides. Ce
phénomène est associé à une énergie concentrée dans l’épaisseur de l’interface, qui est à
l’origine des phénomènes capillaires. Ainsi, un accroissement infinitésimal de la surface
dS implique un accroissement de l’enthalpie dH = σdS avec σ la tension superficielle
de surface. Autre fait remarquable, leur viscosité diminue avec la température, alors
qu’un comportement inverse est observé pour les gaz. L’explication provient encore
une fois des interactions qui produisent un entrainement des particules entre-elles.
Lorsque la température augmente, ces interactions sont écrantées par l’agitation thermique, diminuant ainsi l’efficacité de cet entrainement et donc de la viscosité pour les
liquides.
Pour les gaz, les particules sont faiblement influencées par les interactions à distance. Dans un grand nombre d’applications, le modèle du gaz parfait, qui ne prend
pas en compte ces interactions, est suffisant pour décrire la relation entre les grandeurs
intensives du gaz (pression et température) et celles extensives (nombre de moles et
volume). Les gaz peuvent donc être facilement comprimés, impliquant une variation de
la densité molaire ou massique au sein du fluide, alors que la compression d’un liquide
nécessite de très fortes pressions. Si ces interactions deviennent non-négligeables, du
fait d’une densité ou de pression élevées, le modèle du gaz parfait est corrigé par
celui de Van Der Waals. L’agitation particulaire de nature entropique est à l’origine de la forte dispersion des gaz. Pourquoi entropique ? Car l’augmentation de la
température s’accompagne d’une augmentation de l’agitation microscopique, en accord avec la théorie cinétique des gaz. La quantité de mouvement se transmet dans
le fluide de manière balistique sans collision, ou pour les gaz plus denses, par une
dynamique collisionnelle. Dans un gaz, la viscosité, qui caractérise l’efficacité de la
diffusion de la quantité de mouvement, est une fonction croissante de la température.
Il en est de même pour la plupart des phénomènes de diffusion dans les gaz. Ainsi,
les gaz se mélangent généralement bien ensemble, car l’agitation combinée aux faibles
interactions augmentent le libre parcours moyen des particules. Fort heureusement,
car sans cette propriété, nous ne pourrions respirer sans nous étouffer dans le CO2 que
nous rejetons.
Les plasmas appartiennent aussi à la catégorie des milieux fluides. Bien que présent
le plus souvent sous forme artificielle dans notre quotidien (néon, décharge électrique),
cet état représente 99% de la matière existante et connue dans l’univers. Le plasma
est analogue à un gaz, à la différence près que l’agitation particulaire est telle que
la neutralité électronique de la particule n’est plus respectée. Les électrons sont ainsi
libres, et le fluide devient alors un conducteur d’électricité.
Dans le cadre de ce cours, nous ne considérerons que les gaz et les liquides, qui
ne se distingueront que par leur propriétés physiques (viscosité et densité massique).
Nous ne considérerons que les fluides dont la masse volumique ne varient pas : ce sont
les écoulements incompressibles.
Bien entendu, il existe des états jouant les troubles faits en étant à la frontière
des états fluides et solides. L’état vitreux (verre, gel...) a un comportement mécanique
analogue à un solide, alors qu’il s’écoule sur des échelles de temps long à l’instar d’un
liquide. De même, tous les liquides dont la viscosité est très grande (bitume, lave,
glacier) ont un comportement solide ou liquide, selon l’échelle de temps d’observation.
Les milieux granulaires, comme le sable, ont aussi des propriétés à mi-chemin entre
3
les solides et les fluides. Au sein même de la famille des fluides, certains matériaux
partagent les propriétés de certains états (liquide, gaz, plasma). L’état supercritique
sur le diagramme de transition des fluides est un état intermédiaire entre le liquide
et le gaz. Les métaux liquides (mercure, métal fondu..etc) se comportent comme des
liquides, mais peuvent aussi conduire des courants à l’instar des plasma grâce à leur
nature métallique.
1.2
La particule fluide
Maintenant que nous avons identifié l’objet de notre étude, se pose la question du
passage du microscopique au macroscopique. En mécanique du point, il est possible
de réduire un solide ayant une extension 3D à un simple point, le centre de masse
de dimension nulle. Ce passage du complexe (un grand nombre d’atomes) au simple
(un seul point représentant le solide) est possible car, pour rappel, un objet solide est
caractérisé par des distances constantes entre tous les points du solide. Le mouvement
de chaque particule, dont sa distance au centre de masse est connue, se déduit alors
de la dynamique du centre de masse.
Or cette propriété disparait pour les fluides, du fait de l’absence de structure ordonnée et fixe. Aussi, notre objectif vise à réduire la complexité du milieu pour décrire
sa dynamique. Sans cette simplification, il est inenvisageable de décrire le mouvement du fluide. Pour s’en convaincre, nous considérerons un volume d’eau de 1L, dont
la masse molaire est de 18 g/mol. Nous avons donc n = 1000/18 = 55.5mol soit
N = 3.3 ∧ 1025 particules ; le chantier semble compliqué. Par ailleurs, la complexité
des interactions augmente factoriellement. La première particule a N − 1 interactions
possibles avec ses congénères. Passons à la seconde. Ayant déjà compté celle qu’elle a
avec la première, nous avons N − 2 interactions possibles avec les autres particules.
Ainsi de suite, ce qui, par le jeu des permutations, donne un nombre de configurations
(N − 1)!. Fin de chantier. La prochaine fois que vous vous verserez un verre, je vous
conseille de réfléchir à la complexité en (N − 1)! avec N ≃ 1025 de cet écoulement (la
1
25
limite de N ! pour N grand est de l’ordre de N ! ∼ N N + 2 ), qui est de (1025 )10 .
Il faut donc réduire localement la complexité microscopique, à l’instar de la mécanique du point, à un objet englobant plusieurs particules. Le but est de réduire les
propriétés physiques locales du fluide (masse, viscosité..etc) et cinématique (vitesse,
énergie cinétique) à un objet physique homogène, tout en restant très petit à l’échelle
macroscopique afin de l’assimiler à un point pour un observateur humain. La dimension de ce nouvel objet physique est respectivement grande ou petite, si on l’observe du
point de vu de la particule ou de l’observateur humain. Cet objet se nomme la particule fluide et est la brique élémentaire sur laquelle repose les concepts de la mécanique
des fluides. Cette particule est construite artificiellement à partir d’un point localisé
par la position ⃗x (on suppose la présence d’un repère Galiléen) autour duquel, dans un
volume de contrôle V, on définit les propriétés moyennes comme la masse volumique
ou la vitesse moyenne des particules. En notant mp et ⃗vp , la masse et la vitesse d’une
particule, la masse volumique ρ(⃗x) et la vitesse ⃗u(⃗x) de la particule fluide sont définies
par la moyenne des masses et des vitesses des particules dans le volume de contrôle
4
N (V)
1 X
mp ,
ρ(x) =
V p=1
N (V)
1 X
⃗u(⃗x) =
⃗vp
N (V) p=1
(1.1)
avec N (V), le nombre de particules comprises dans le volume de contrôle V.
Cette particule est donc définie à une échelle intermédiaire entre le microscopique
et le macroscopique, qu’on nomme mésoscopique. Les particules fluides vont nous
permettre de paver l’espace, pour qu’à chaque point ⃗x, on puisse associer une vitesse
locale moyenne des particules environnantes. Il est ainsi possible de définir un champ
de vitesse ⃗u(⃗x) continu, qui caractérise la vitesse moyenne des particules. Cette particule fluide se déplace-t-elle comme une grosse particule solide ? Oui et non. Comme
la vitesse de la particule fluide est la vitesse moyenne des particules élémentaires, la
plupart suive la trajectoire de la particule fluide sur des temps courts. Néanmoins,
certaines particules peuvent sortir de la particule fluide, car leur vitesse peut significativement différer du mouvement moyen (à l’équilibre, la distribution des vitesses
autour de la valeur moyenne peut-être considérée comme gaussienne avec un écarttype variant comme la raciné carrée de la température). Réciproquement, de nouvelles
particules appartenant précédemment aux particules fluides avoisinantes peuvent aussi
rentrer dans le volume de contrôle de la particule fluide considérée. La particule fluide
étant fictive, elle ne contraint pas le mouvement des particules microscopiques. Ce qui
compte, c’est que les grandeurs moyennées soient continues dans l’espace et dans le
temps. Pour cela, il faut que le volume de contrôle V soit assez grand pour ne pas être
impacté par la dynamique de quelques particules. Le choix du volume et les passages
à la limite sont du ressort de la physique statistique hors-équilibre et ne serons pas
abordés ici. Nous verrons plus tard que le mouvement aléatoire des particules réelles
est pris en compte par les phénomènes diffusifs.
Qu’a-t-on gagner en introduisant la particule fluide ? En effet, bien que le nombre
de particules physiques soit très grands, elles étaient néanmoins dénombrables. Les
particules fluides pavant continument l’espace sont quant à elles indénombrables. La
réponse est qu’en passant du discret au continu, nous pouvons alors utiliser le calcul
différentiel. Par exemple, la variation de densité de quantité de mouvement d ρ⃗u(⃗x)
entre les abscisses x et x + dx est donnée par
∂ρ⃗u
dx
(1.2)
d (ρ⃗u(⃗x)) =
∂x
Ainsi, il est possible de faire des bilans locaux, autour d’un point ⃗x, et globaux, dans
un grand volume, à partir de ces quantités infinitésimales grâce aux outils de l’analyse
vectorielle. L’étude de la mécanique des fluides consiste donc à étudier les champs de
vitesse du fluide ⃗u(⃗x, t), soit par l’analyse de ses propriétés spatiales (cinématique) ou
temporelles (dynamique). Derrière ces champs se cache donc la particule fluide, qui
nous permet de faire l’économie de la complexité de la dynamique particulaire, et de ne
se soucier que du mouvement moyen des particules physiques (atomes et molécules),
mouvement moyen qu’on identifie à celui du fluide.
Dans la suite, on distinguera les vitesses V⃗ et ⃗u, qui sont respectivement les vitesse Lagrangiennes et Euleriennes. Cette distinction sera expliquée dans le prochain
chapitre.
5
Figure 1.1 –
1.3
Les grandeurs locales et globales
En mécanique Newtonienne, on utilise les grandeurs extensives que sont la masse
M en kg, la quantité de mouvement M V⃗ (t) en kg.m/s et l’énergie cinétique 21 M |V⃗ |2 en
Joule ou kg.m2 .s−2 . Ces grandeurs doivent respecter des lois de conservation, comme
la conservation de la masse ou des théorèmes de Noether. Il est donc essentiel de
trouver l’homologue de ces invariants pour la particule fluide. Par exemple, on peut se
demander comment établir la conservation de quantité de mouvement, à l’origine du
mouvement rectiligne uniforme des objets soumis à aucune force, pour une particule
fluide et comment l’écrire pour des champs de vitesse.
Aussi, comme nous considérerons dorénavant des particules fluides de volume infinitésimal δV, on associera à chaque particule fluide une densité de masse ρ en kg.m−3 ,
une densité de quantité de mouvement ρ⃗u en kg.m−2 .s−1 , et une densité d’énergie
cinétique 21 ρ|u|2 en kg.m−1 .s−2 .
Ces grandeurs sont dites locales car elles caractérisent les propriétés du fluides
autour d’un point ⃗x. Si l’on considère un volume V engloblant plusieurs particules
fluides, on retrouve alors des quantités globales à partir des grandeurs locales via les
relations suivantes



M=
ρ(⃗x, t)dx3



V





M V⃗ (t) =
ρ(⃗x, t)⃗u(x, t)dx3
(1.3)

V







1
1

 M |V⃗ |2 =
ρ(⃗x, t)|⃗u|2 dx3
2
2
V
6
1.4
Bilan de la section
— Le terme générique ”fluide” regroupe trois états principaux de la matière :
les liquides, les gaz et les plasma. Ils n’ont pas de structures ordonnées
et fixes car les particules (atomes ou molécules) peuvent se déplacer sur
plusieurs distances inter-particulaires.
— Les liquides sont caractérisés par des interactions attractives relativement fortes entre les particules. En résulte des phénomènes qui leur sont
propres : densité volumique importante, présence d’interface, tension de
surface et viscosité décroissante avec la température.
— Les gaz sont caractérisés par une très forte mobilité des particules. Ils sont
très dispersifs, de densité faible et leur viscosité croit avec la température.
— La particule fluide est un objet fictif à l’échelle mésoscopique, grand du
point de vu microscopique et infiniment petit du point de vu macroscopique. La particule fluide est définie par les propriétés moyennes des
particules microscopiques autour d’un point ⃗x donné.
— La particule fluide permet de passer d’une approche mécanique discrète
à une approche continue grâce à des champs spatio-temporel de vitesses
et de densité volumiques.
7
Chapitre 2
Point de vu Lagrangien et Eulerien
2.1
Introduction
Le but de ce chapitre est de faire la bascule de la formulation lagrangienne, propre
à la dynamique des solides, à la formulation Eulerienne, plus adaptée à l’étude des
écoulements. Nous aborderons dans ce chapitre les différences mathématiques et conceptuelles entre ces deux approches.
Durant votre scolarité, vous avez implicitement adopté un point de vu lagrangien.
En dynamique du point et du solide, il consiste à suivre l’objet de masse M durant
sa trajectoire balistique. La vitesse V⃗ (t) au temps t est ainsi estimée à la position
⃗
⃗
⃗x = X(t),
avec X(t)
sa trajectoire. Notez qu’on distingue la position ⃗x, une variable
⃗
spatiale indépendante du temps, et la trajectoire X(t),
une fonction paramétrée par le
temps. Dans l’approche lagrangienne, à chaque instant t, on effectue un bilan local de
quantité de mouvement, le principe fondamental de la dynamique, estimé à la position
⃗
X(t).
Ce bilan pouvant s’effectuer soit dans un repère Galiléen soit dans le repère
même du mobile.
Or, le passage du discret au continu avec l’approche lagrangienne nécessiterait alors
de suivre une infinité de trajectoires. Fort heureusement, l’introduction de la particule
fluide nous permet d’analyser les champs de vitesse ⃗u(⃗x, t) grâce à l’analyse vectorielle.
Le bilan de quantité de mouvement ou d’énergie peut ainsi s’effectuer autour d’une
position ⃗x donnée. On ne considère plus l’évolution de grandeurs associée à une seule
particule fluide le long de sa trajectoire, mais plutôt la variation locale de ces grandeurs
où passent plusieurs particules fluides, un peu à l’instar d’un péage. Le passage de la
formulation lagrangienne à eulerienne consiste donc à exprimer l’équivalence entre les
⃗
grandeurs physiques variant le long de trajectoires X(t)
à la vitesse V⃗ (t), et ces mêmes
grandeurs estimées localement à des positions spatiales ⃗x et au temps t.
2.2
De la variation lagrangienne à la quantification
Eulerienne
Afin de rester à un niveau général, nous considérons une grandeur locale a(⃗x, t)
définissant un champ continu et différentiable correspondant à une densité volumique
locale (masse, quantité de mouvement...etc). Par exemple, en prenant a = ρ, on ob8
tient le champ de densité massique. De même, pour a = ρux , on obtient la composante
selon x de la quantité de mouvement, et ainsi de suite. Pour évaluer l’évolution spatiotemporelle de cette grandeur locale, nous introduisons la différentielle d(a), qui quantifie l’accroissement infinitésimal de la grandeur locale associée à la particule fluide,
lorsque qu’elle passe de la position ⃗x au temps t, à la position ⃗x + d⃗x au temps t + dt.
Mathématiquement, cette variation se définit par la limite suivante
d(a) =
lim
dt→0,d⃗
x→⃗0
a(t + dt, ⃗x + d⃗x) − a(t, ⃗x)
(2.1)
Il est ainsi possible d’exprimer cette différentielle en fonction d’une variation temporelle dt et spatiale d⃗x grâce à la règle de dérivation en chaı̂ne
d(a) =
∂
∂
∂
∂
(a)dt +
(a)dx +
(a)dy + (a)dz
∂t
∂x
∂y
∂z
(2.2)
On remarque que les trois derniers termes du membre de droite peuvent se mettre
sous une forme vectorielle contractée
∂
∂
∂
⃗
(a)dx +
(a)dy + (a)dz = d⃗x · ∇(a)
∂x
∂y
∂z
(2.3)
⃗ (a) le gradient spatial de la fonction a(⃗x, t). Le terme de droite peut s’interpréter
avec ∇
de deux manières différentes. Il est tout d’abord le produit scalaire entre d⃗x et le
⃗
gradient de a(⃗x, t). Mais on peut aussi l’interpréter comme un nouvel opérateur d⃗x · ∇
s’appliquant sur la fonction a(⃗x, t) avec
∂
∂x
 
 
dx
 
⃗ = dy  ·  ∂  = dx ∂ + dy ∂ + dz ∂
(2.4)
d⃗x · ∇
 ∂y 
∂x
∂y
∂z
 
dz
∂
∂z
Finalement, on obtient la forme différentielle suivante distinguant l’accroissement
temporel et spatial de la fonction a(⃗x, t)
∂
⃗
(a)dt + d⃗x · ∇(a)
(2.5)
∂t
Maintenant posons-nous la question suivante : est-ce que la variation spatiale d⃗x
est indépendante de la variation temporelle dt lorsqu’on suit une trajectoire d’une
particule fluide ? La réponse est non, car le mouvement de la particule fluide étant
déterministe, la variation spatiale d⃗x n’est pas arbitraire. Mais nous ne pouvons pas
rigoureusement calculer cette relation entre dt et d⃗x sans traı̂ter la cinématique des
particules fluides.
Revenons donc à la distinction entre approche lagrangienne et eulerienne. Dans les
lois de newton, il est d’usage d’utiliser la dérivée droite temporelle d/dt qui s’applique
⃗
sur la fonction paramétrique du temps t associée à une trajectoire X(t).
Dans l’équation
précédente, on a fait apparaitre la dérivée partielle ∂/∂t, qui s’applique sur un champ
spatio-temporel a(⃗x, t), et qui consiste à dérivée cette fonction pour une position ⃗x
donnée. On distingue alors deux types de variations
d(a) =
9
— Les variables lagrangienne quantifiant l’évolution temporelle d’une grandeur
d’une particule fluide le long de sa trajectoire
— Les variables euleriennes quantifiant l’évolution temporelle d’un champ à une
position ⃗x donnée,
Pour bien distinguer ces deux grandeurs, nous devons repartir de la cinématique
avec les vitesses lagrangienne V⃗ (t) et eulerienne ⃗u(⃗x, t). Quelle est le lien entre ces
deux grandeurs ? Partons d’une particule fluide, dont la position initiale est donnée
⃗ ⃗x0 ) dépendant du
par ⃗x0 , et dont la trajectoire est paramétrée par la fonction X(t,
temps et de la position initiale. La vitesse lagrangienne V⃗ (x0 , t) de la particule partie
du point ⃗x0 s’identifie alors au champ de vitesse ⃗u(⃗x, t) à l’instant t et à la position
⃗
⃗x = X(t).
On peut alors écrire les identités suivantes
⃗ ⃗x0 )
dX(t,
⃗ x0 , t), t
= V⃗ (⃗x0 , t) = ⃗u X(⃗
dt
(2.6)
Ainsi, les fonctions V⃗ (x0 , t) et ⃗u(⃗x, t) coı̈ncident lorsque la particule de trajectoire
⃗ x0 , t) passe au point ⃗x à l’instant t. Pour bien distinguer les deux vitesses, on
X(⃗
remarque que
— La vitesse lagrangienne V⃗ (⃗x0 , t) dépend du temps et de sa position initiale ⃗x0 ,
à l’instar d’une vitesse balistique.
— La vitesse eulérienne ⃗u(⃗x, t) dépend du temps et d’un point de l’espace ⃗x.
⃗
Figure 2.1 – Illustration d’une trajectoire particule X(t)
et de la relation entre
vitesse eulérienne et lagrangienne.
En généralisant, on peut écrire l’équivalence entre un champ eulerien a(⃗x, t) et sa
grandeur lagrangienne associée A(⃗x0 , t)
⃗ x0 , t), t
A(⃗x0 , t) = a X(⃗
(2.7)
⃗
On a ici effectué le changement de variable ⃗x 7→ X(t)
pour que le champ a ne
dépende plus que du temps t. Dérivons cette fonction par rapport au temps pour
obtenir
10
dA
da ⃗
(⃗x0 , t) =
X(⃗x0 , t), t
(2.8)
dt
dt
Noter qu’on peut appliquer la dérivée droite sur le champ a si et seulement si on a
effectuer le changement de variable précédent. On peut alors étudier la correspondance
entre les variables lagrangienne A(⃗x0 , t) et eulerienne a(⃗x, t) grace authèorème de
⃗ x0 , t), t
dérivation des fonctions composées, qui permet de dériver la fonction a X(⃗
∂a dX1 ∂a dX2 ∂a dX3 ∂a
dA
=
+
+
+
dt
∂t
dt ∂x
dt ∂y
dt ∂z
(2.9)
⃗ On voit donc apparaitre les dérivées partielles du
avec Xi la i-ième composante de X.
champ a introduites au début de la section. Selon l’équation 2.6, le terme dXi /dt est
égal à la vitesse lagrangienne V⃗ (⃗x0 , t), mais aussi à la variable Eulerienne estimée au
⃗
⃗
point X(t)
avec ⃗u(⃗x = X(t),
t). On obtient donc
∂a
∂a
∂a
∂a
dA
=
+ ux
+ uy
+ uz ,
dt
∂t
∂x
∂y
∂z
(2.10)
que l’on peut écrire
dA
∂a
⃗
=
+ ⃗u · ∇a
(2.11)
dt
∂t
On a donc établi la correspondance entre la variation temporelle lagrangienne
(à gauche) et eulerienne (à droite). Cette correspondance peut s’écrire sous forme
contractée grace à l’opérateur D/Dt s’appliquant sur un champ spatio-temporel a(⃗x, t),
tel que
Da(⃗x, t)
dA
=
dt
Dt
Par identification, cet opérateur s’écrit
(2.12)
D
∂
⃗
=
+ ⃗u · ∇
(2.13)
Dt
∂t
Cet opératuer se nomme la dérivée particulaire. Pourquoi un nouvel opérateur ?
Car la dérivée droite d/dt ne s’applique que pour les fonctions d’une seule variable
comme la vitesse lagrangienne V⃗ (⃗x0 , t). Il correspond donc à la variation temporelle
de la grandeur a le long d’une trajectoire d’une particule fluide au point ⃗x et au temps
t donné.
Maintenant, repartons de la différentielle de a mentionnée dans l’équation 2.5
∂
⃗
(a)dt + d⃗x · ∇(a)
(2.14)
∂t
Comme nous cherchons la variation de a le long de la trajectoire de la particule
fluide (et dans la limite dt → 0), on peut exprimer le lien entre la variation spatiale
d⃗x et temporelle dt avec
d(a) =
11
⃗
d⃗x = dX(t)
(2.15)
= ⃗u(⃗x, t)dt + o(dt)
Dans la dernière ligne, nous avons posé que la variation spatiale est due au mouvement de particule fluide au point ⃗x. En introduisant ces deux expressions dans la
forme différentielle, et en factorisant par dt, on obtient
∂
(a) + ⃗u · ∇(a) dt
(2.16)
d(a) =
∂t
On reconnait la dérivé particulaire, telle que
D
(a)dt
(2.17)
Dt
D
Cette dernière expression permet de montrer que la dérivée particulaire Dt
(a) de
a est le taux d’accroissement de la grandeur a durant un temps dt. Cette dérivée
particulaire se décompose comme la somme d’une dérivée partielle par rapport au
temps plus un terme dit convectif, l’opérateur ⃗u · ∇, qui est associé au transport de
la quantité a par un champ de vitesse ⃗u(⃗x, t). C’est aussi la dérivée directionnelle
spatiale avec comme direction ⃗u, c’est à dire le sens de l’écoulement. On nomme ainsi
convection ou advection, le phénomène associé au transport d’une grandeur par un
champ de vitesse.
Ce résultat peut ainsi s’appliquer à n’importe quelle quantité transportée par un
champ de vitesse. Ainsi, le même raisonnement pour la variation lagrangienne de la
masse dm = ρdV , dont l’évolution de la masse volumique est donnée par
d(a) =
∂
D
⃗
ρ = ρ + ⃗u · ∇ρ
(2.18)
Dt
∂t
On peut même utiliser cet opérateur sur des champs vectoriels, comme le champ
de vitesse ⃗u avec
D
∂
⃗u
⃗u = ⃗u + ⃗u · ∇⃗
(2.19)
Dt
∂t
Pour obtenir cette équation, il suffit d’appliquer la dérivée particulaire composante
par composante. Or, on observe que le second terme du membre de droite est quadratique en vitesse. Cette non-linéarité est due à la convection du champ de vitesse par
lui même.
La dérivée particulaire va maintenant nous permettre de décrire l’évolution de la
masse ou de la quantité de mouvement le long d’une trajectoire en utilisant des champs
vectoriels (point de vu eulerien).
12
2.3
Bilan de la section
— Les variables lagrangiennes quantifient l’évolution d’une grandeur physique d’une particule fluide le long de sa trajectoire X(⃗x0 , t). Une variable
lagragienne A(⃗x0 , t) dépend donc d’une position initiale ⃗x0 et du temps
t.
— Les variables euleriennes quantifient l’évolution temporelle d’un champ
à une position ⃗x donnée. Un champ eulerien a(⃗x, t) dépend donc d’une
position ⃗x et du temps t.
— Ces deux variables sont reliées par
⃗ x0 , t), t
A(⃗x0 , t) = a ⃗x = X(⃗
(2.20)
— La relation entre la dérivée temporelle des variables lagrangienne et Eulerienne est donnée par
Da
∂a
dA
⃗
=
=
+ ⃗u · ∇a
(2.21)
dt
Dt
∂t
D
la dérivée particulaire.
avec ⃗u le champ de vitesse du fluide et Dt
13
Chapitre 3
La dynamique de l’écoulement
3.1
Hypothèse de bases
L’objectif de ce chapitre est de décrire l’évolution du champ de vitesse ⃗u(x, t) en
chaque point ⃗x et à tout temps t. Le défi consiste à appliquer le principe fondamental
de la dynamique (PFD) pour un fluide. Une approche naı̈ve consisterait à utiliser les
particules fluides pour en faire un macro-fluide et utiliser le PFD avec un nombre
de particules mésoscopiques réduit. On obtiendrait alors un billard à grande échelle.
Non seulement cette approche est coûteuse en terme de temps de calcul, et ne profite
pas du passage du discret au continu, mais surtout, elle ne donnera pas les résultats
attendu en mécanique des fluides. Par exemple, une particule solide peut rouler sur
une paroi, alors qu’une particule fluide est immobile sur une paroi, condition dite
d’adhérence (cf. section). Il existe ainsi des propriétés émergentes propres aux fluides,
c’est à dire que la dynamique de l’ensemble des particules ne se résume pas à la somme
des comportements individuels.
Les équations maı̂tresses de la dynamique des fluides sont au nombre de deux et
assure la conservation de la masse (on s’assure que l’on ne perd pas des particules
en chemin) et de la quantité de mouvement, chère à Isaac Newton. Dans la suite de
ce cours, nous considérons des fluides homogènes, c’est à dire constitués du même
fluide et nous ne considérons par les mélanges de différents fluides. Ces deux équations
reposent sur les deux hypothèses suivantes sur la nature du fluide (qu’on expliquera
par la suite)
— Le fluide est incompressible : la densité massique ρ(⃗x, t) d’une particule fluide
ne varie pas dans le temps. De plus, on supposera que les particules fluides ont
la même masse volumique. Ainsi, le champs de masse volumique est stationnaire
et homogène spatialement.
— La rhéologie du fluide est newtonienne : le transfert de quantité de mouvement
au sein du fluide, donnant naissance au concept de contrainte visqueuse, dépend
LINEAIREMENT du gradient de quantité de mouvement.
Les équations de Navier-Stokes sous leur forme condensée sont ainsi
14

⃗

 ∇ · ⃗u = 0
 ∂⃗u

⃗
⃗ + f⃗p + ρν∆⃗u
ρ
+ ρ ⃗u · ∇ ⃗u = −∇p
∂t
(3.1)
avec
— ⃗u(⃗x, t) le champ de vitesse,
— ∇ · ⃗u la divergence du champ de vitesse,
— la dérivée advective ⃗u · ∇,
— p le champ de pression,
⃗ le gradient du champ de pression,
— ∇p
— f⃗p des forces volumiques (la pesanteur, les forces de Lorentz..)
— ν la viscosité cinématique et µ = ρν la viscosité dynamique,
— ∆⃗u le Laplacien
Pour les fans de la version cartésienne, la voici

∂ux ∂uy ∂uz


+
+
=0


∂x
∂y
∂z





2



∂ux
∂p
∂ ux ∂ 2 ux ∂ 2 ux
∂ux
∂ux
∂ux


ρ
+ ux
+ uy
+ uz
=−
+ fx + ρν
+
+


∂t
∂x
∂y
∂z
∂x
∂x2
∂y 2
∂z 2

2


∂uy
∂uy
∂uy
∂p
∂ uy ∂ 2 uy ∂ 2 uy
∂uy


+ ux
+ uy
+ uz
=−
+ fy + ρν
+
+
ρ


∂t
∂x
∂y
∂z
∂y
∂x2
∂y 2
∂z 2






2


∂uz
∂uz
∂uz
∂uz
∂p
∂ uz ∂ 2 uz ∂ 2 uz


+ ux
+ uy
+ uz
= − + fz + ρν
+
+
 ρ
∂t
∂x
∂y
∂z
∂z
∂x2
∂y 2
∂z 2
(3.2)
L’objectif du cours n’est pas de redémontrer ces équations (objectif qui nécessiterait
un cours plus long), mais de les expliquer afin de comprendre l’origine des phénomènes
physiques. Les sections suivantes traiteront de ces différents termes.
Mais avant ça, quelques points sur ces équations. Tout d’abord, les équations de
Navier-Stokes (N-S) sont des équations aux dérivées partielles à 4 dimensions (une temporelle, trois spatiales). Elles sont non-linéaires et peuvent générer du chaos temporel
et spatial (la turbulence), ce qui rend leur résolution analytique la plupart du temps
impossible sans hypothèses simplificatrices. Aussi, ces équations sont généralement
résolues numériquement.
3.2
La conservation de la masse
⃗ · ⃗u = 0, qui est une condition dite cinématique
Nous voulons établir la relation ∇
satisfaite à tout temps t. Considérons un volume de contrôle V renfermant une masse
M . La masse volumique ρ se définit alors comme la limite du rapport de la masse
δM comprise dans un volume δV tendant vers 0 (c’est à dire la taille d’une particule
fluide)
15
δM (δV )
δV →0
δV
On peut alors écrire la masse V comme étant égale à
ρ(⃗x, t) = lim
(3.3)
M=
ρdV
(3.4)
V
Il y a deux possibilité pour l’évolution d’une quantité dans ce volume
— Un apport extérieur : il existe un flux Φ à travers la surface englobant le volume
V (avec Φ > 0 si le flux est sortant et Φ < 0 s’il est rentrant),
— Un apport interne : il existe une source ou un puits de cette quantité P au sein
du volume,
La variation de M est ainsi donnée par l’équation de conservation globale
d
ρdV + Φq = P
(3.5)
dt
V
Figure 3.1 – Illustration d’un bilan de masse
Or la quantité conservée étant la masse, il n’existe pas de source ou de puits de
matière, comme le disait Antoine Lavoisier :”rien ne se perd, rien ne se crée, tout se
transforme”. Le fluide étant homogène, nous ne considérons que des flux advectifs,
c’est à dire un transport de la masse par le mouvement moyen des particules telle que
⃗q · ⃗ndS
Φp =
(3.6)
S
avec ⃗n la normale à la surface dirigée vers l’extérieur, et la densité de flux donnée par
⃗q = ρ⃗u
(3.7)
On remarque que si la vitesse se dirige vers l’intérieur du volume alors le produit
scalaire est négatif avec ⃗q ·⃗n < 0, en accord avec la convection de signe des flux entrants
(et réciproquement pour les flux sortants). L’équation de conservation globale devient
donc
∂
ρ(⃗x, t)dV +
ρ⃗u · ⃗ndS = 0
(3.8)
V ∂t
S
16
La dérivée temporelle et l’intégrale ont été interverties car le domaine d’intégration
ne dépend pas du temps. On souhaite mettre tous ces termes sous une forme intégrale
volumique, c’est à dire transformer l’intégrale surfacique en une intégrale volumique.
Cette transformation est possible grâce au théorème de Green-Ostrogradski en se basant sur un volume dont la surface est fermée. Ainsi, en utilisant l’opérateur divergence
⃗ · (−), on obtient
∇
ρ⃗u · ⃗ndS =
S
⃗ · (ρ⃗u)dV
∇
(3.9)
V
L’équation globale devient alors
∂
⃗ · (ρ⃗u) dV = 0
ρ(⃗x, t) + ∇
∂t
V
(3.10)
Cette équation étant vraie pour tout volume de contrôle dans le domaine de
l’écoulement, c’est à dire pour n’importe quel volume fermé, le terme dans l’intégrale
doit être identiquement nul. On pourrait aussi rendre le volume infiniment petit, avec
V → 0, tel que l’intégrale portant sur une particule fluide de volume δV donne
V →δV
∂
∂
⃗ · (ρ⃗u) δV (⃗x)
ρ(⃗x, t) + ∇ · (ρ⃗u) dV ≃
ρ(⃗x, t) + ∇
∂t
∂t
(3.11)
Le volume, bien que petit, n’étant pas nul, les termes entre parenthèses doivent
s’annuler. Noter qu’on a abusivement confondu la notion de volume et de domaine du
volume, les mathématiciens zélés nous le pardonneront. Ainsi, on obtient l’équation de
continuité ou de conservation locale de la masse
∂
⃗ · (ρ⃗u) = 0
ρ+∇
(3.12)
∂t
⃗ · (ρ⃗u) (à faire à titre d’exercice), que
On remarque en développant le terme ∇
l’équation peut se réécrire sous la forme suivante
∂
⃗ + ρ∇
⃗ · ⃗u = 0
ρ + ⃗u · ∇ρ
(3.13)
∂t
Les deux termes de gauche forment la dérivée convective ou lagrangienne, vue
dans la précédente section, et correspondent à la variation de la masse volumique
d’une particule le long d’une trajectoire. Aussi, on peut écrire
D
⃗ · ⃗u
ρ = −ρ∇
(3.14)
Dt
Cette équation permet d’interpréter la variation de la masse d’une particule fluide,
δM ≃ ρδV , le long d’une trajectoire. En effet, la densité augmente localement (Dρ/Dt >
⃗ u < 0, ce qui correspond à une contraction
0) si la divergence est localement négative ∇·⃗
locale de l’écoulement. Réciproquement, la densité diminue localement (Dρ/Dt < 0)
⃗ · ⃗u < 0, ce qui correspond à une divergence
si la divergence est localement positive ∇
locale de l’écoulement.
17
Reprenons notre hypothèse d’incompressibilité : la masse volumique d’une particule ne varie pas. Dans ce cas, la masse est constante le long de toutes les trajectoires et la dérivée particulaire s’annule, soit
∂
⃗ =0
ρ + ⃗u · ∇ρ
(3.15)
∂t
∂
Noter que l’on pourrait aussi utiliser l’hypothèse de stationnarité du champ ρ ( ∂t
ρ),
⃗ = ⃗0). En utilisant l’équation 3.13 ou
et son invariance spatiale (ou homogénéité) (∇ρ
3.14, on en déduit alors une propriété importante du champs de vitesse ⃗u s’appliquant
aux fluides dit incompressibles, qui implique que la divergence du champ de vitesse
est identiquement nulle
⃗ · ⃗u = 0
∇
(3.16)
Cette équation est importante car la conservation de la masse impose une contrainte
sur le champ de vitesse, et ceci à tout temps t. On parle de contrainte cinématique
(qui ne dépend que de l’espace), alors que les contraintes dynamiques sur le champ de
vitesse proviennent du principe fondamental de la dynamique appliquée à une particule
fluide, thème traité dans la prochaine section.
3.3
Dynamique du fluide
Nous souhaitons dans cette section retrouver l’équivalent du principe fondamental
de la dynamique (PFD) qui peut s’écrire sous la forme suivante pour un objet solide
de masse M
d ⃗ X ⃗
F
(3.17)
MV =
dt
Le terme de gauche correspond à la conservation de la quantité de mouvement
⃗
M V , qui ne varie que sous l’effet de forces externes correspondant aux termes de
droite. Nous allons donc établir successivement :
— L’évolution de la densité volumique de quantité de mouvement ρ⃗u dans un
fluide (terme de gauche),
— La somme des forces externes s’exerçant sur une particule fluide (termes de
droite).
A partir du PFD, on sait qu’un changement de quantité de mouvement d’une
particule ne peut provenir que de l’action des forces s’exerçant sur la particule. Nous
allons donc aussi faire l’étude des forces s’exerçant sur une particule fluide de volume
δV dans cette section.
3.3.1
La variation de quantité de mouvement
Tout d’abord, nous avons démontré dans la section 2 que la variation temporelle
d’une densité volumique d’une grandeur, ici la quantité de mouvement, fait intervenir
la dérivée particulaire D/Dt. Cette dérivée particulaire permet de rendre compte de
la variation temporelle d’une quantité transportée par un écoulement, c’est à dire une
18
variable lagrangienne, du point de vu Eulerien. Or le terme de variation de quantité
de mouvement dans l’équation 3.17 du PFD étant une variable lagrangienne, la variation temporelle du champ de quantité de mouvement ρ⃗u pour un volume de contrôle
constant est donc
D
∂
d ⃗
⃗
MV →
(ρ⃗u)dV =
(ρ⃗u) + ⃗u · ∇(ρ⃗u) dV
(3.18)
dt
δV Dt
δV ∂t
On reconnaitra dans le dernier terme de droite, le développement de la dérivée
particulaire D/Dt qui contient un terme instationnaire du à la variation temporelle
locale du champ et un terme dit advectif qui provient du transport du champs par le
champs de vitesse.
Cette équation fut déjà identifiée par Euler, dont le papier est disponible dans le lien
suivant Principes généraux du mouvement des fluides (je conseille au lecteur/lectrice
de garder du paracétamol à proximité durant la lecture du papier, à titre préventif).
De plus, si l’on considère la densité ρ constante, la conservation de la quantité de
mouvement locale en l’absence de force se lit
∂
⃗ u = ⃗0
⃗u + ⃗u · ∇⃗
(3.19)
ρ
∂t
Plusieurs remarques peuvent être faites sur ces termes et plus spécialement sur le
⃗u
terme advectif ⃗u · ∇⃗
⃗ u est non-linéaire, ce qui implique que la plupart des
1. Le terme advectif ⃗u · ∇⃗
théorèmes sur les équations différentielles partielles (EDPs) linéaires ne peuvent
être appliqués, pas même celle assurant l’existence ou l’unicité des solutions.
⃗ u peut être interprété comme une composante inertielle
2. Le terme advectif ⃗u · ∇⃗
de l’accélération analogue à celle découlant de l’accélération dans un repère en
mouvement. Ce terme contient donc (entre autre choses) des effets analogues
aux accélerations centrifuges et de Coriolios.
⃗ u peut se mettre
3. Grâce à une identité vectorielle, on montre que le terme ⃗u · ∇⃗
sous la forme
⃗ u|2 + (∇
⃗ ∧ ⃗u) ∧ ⃗u
⃗ u = 1 ∇|⃗
(3.20)
⃗u · ∇⃗
2
Cette identité est éclairante sur l’effet des termes advectifs, comme nous le verrons dans la remarque suivante ou dans la section sur l’équation de Bernoulli.
Le premier terme dérive du gradient de la densité d’énergie cinétique. Dérivant
d’un gradient, il est conservatif. Le second terme fait intervenir le rotationnel
du champ de vitesse, qu’on nomme aussi la force du tourbillon. La puissance
développée par ce terme est identiquement nul car le produit scalaire avec le
champ de vitesse ⃗u est nulle (produit mixte avec deux fois le même vecteur) :
ce terme ne change pas le bilan d’énergie. Sachant que la première force inertielle est conservative et que la seconde ne travaille pas, on peut les interpréter
respectivement comme des accélérations centrifuges et de Coriolis. Attention,
dans certains cas, les effets non-linéaires peuvent avoir des interprétations plus
complexes.
19
4. Pour illustrer la remarque précédente, posons un champ de vitesse avec un taux
de rotation constant Ω, tel que le champ de vitesse en coordonnées cylindriques
⃗ × ⃗u = 2Ω⃗ez . Un calcul
s’écrit ⃗u = rΩ⃗eθ . Le rotationnel est constant et vaut ∇
simple (à faire à la maison) montre que l’équation 3.20 peut se mettre sous la
forme
2
⃗ u = uθ ⃗er + (2Ω⃗ez ) ∧ (uθ⃗eθ )
(3.21)
⃗u · ∇⃗
r
On reconnait bien la force centrifuge pour le premier terme du membre de droite
provenant du gradient de densité d’énergie cinétique, et la force de Coriolis pour
le second terme qui provient de la force du tourbillon.
3.3.2
Le bilan des forces
Ayant décrit l’évolution de la quantité de mouvement, son accroissement ou sa
diminution provient des forces s’exerçant sur la particule fluide. Il nous reste donc à
formuler le terme de droite dans l’équation 3.17 du PFD. On peut alors écrire ce bilan
sous forme intégrale de la manière suivante
X
F⃗ →
f⃗S dS +
f⃗V dV
(3.22)
δV
δS
On a distingué ici les forces f⃗S agissants sur la surface du volume de contrôle de
la particule fluide et celle agissant dans le volume f⃗V . Dans les forces de volume, on
compte par exemple la force de pesanteur, quant aux forces de surface, on considérera
par exemple les forces de pression.
Permettons-nous un petit aparté sur la nature physique des forces de surface et volumique. Il est difficile de trouver dans la littérature une définition a priori qui permettrait de distinguer les forces volumiques et celles inertielles. On pourrait en première
approche distinguer ces deux forces comme étant des forces d’attraction/répulsion à
distance pour les forces de volume, ces interactions à distance étant proportionnelles
à une densité de masse ou de charge, alors que les forces de surface étant des forces de
contact, qui rendent compte de l’échange de quantité de mouvement aux interfaces.
Cette distinction est sans doute discutable mais elle permet d’avoir une première
distinction. Pour distinguer ces deux forces, on peut alors utiliser un tour de passepasse, qui consiste à prendre un volume (de géométrie cylindrique par exemple ou
rectangulaire), et de faire tendre vers zéro son épaisseur tout en maintenant constantes
les autres grandeurs (type la section du cylindre), de sorte que le volume converge vers
zéro, alors que la surface reste constante ou évolue vers une valeur non nulle (pour le
cylindre, seule la surface latérale tend vers 0). Ainsi, ne restent dans le bilan des forces
que les forces de surface, ce qui nous permettrait d’identifier les forces surfaciques en
les distinguant des forces volumiques.
Exemple : pour une feuille de papier dont l’épaisseur est quasiment nulle, sa masse
et donc la force de pesanteur peuvent être négligées car son volume tend vers zéro,
mais les forces de frottement exercées sur le recto et le verso ne peuvent être négligées.
De même, on peut décrire un fluide comme une stratification de couches de fluide
d’épaisseur infinitésimale, analogue à une ramette de feuilles de papier. Dans ce cas,
20
à l’ordre dominant, l’entrainement des couches de fluide, c’est à dire le transfert de
quantité de mouvement, entre elles se fait par des forces de surface. Il y a donc des
mécanismes internes qui permettent de transférer de la quantité de mouvement dans
le fluide. Ces forces surfacique se nomment les contraintes (mécaniques). Dans les
fluides, on verra qu’elles se décomposent comme la contribution des forces de pression
et des contraintes visqueuses.
Avant de détailler la nature de ces contraintes, intéressons nous à la force la plus
simple : la force de pesanteur. On sait qu’elle s’exprime sous la forme m⃗g avec ⃗g =
−g⃗ez et g la constante d’accélération de gravité. Comme le volume infinitésimal d’une
particule fluide est δm = ρδV , la force de pesanteur s’exerçant sur d’un volume de
contrôle V est donnée par
F⃗f =
f⃗g dV =
V
−ρg⃗ez ddV
(3.23)
V
Cette force volumique est généralement la seule considérée dans la plupart des
applications industrielles, et nous n’explorerons pas dans le cadre de cours les autres
forces volumiques plus exotiques (forces de Laplace/Lorentz pour un plasma...etc).
3.3.3
Les contraintes
Dans la section précédente, nous avons identifié des forces de surface agissant sur
les particules fluides que nous avons nommé les contraintes. Pour évaluer ces forces
¯ (⃗x, t). Le terme tenseur (d’ordre
de contact, on introduit le tenseur des contraintes σ̄
2) désigne une matrice 3 × 3 permettant de calculer la densité des forces de surface
en un point ⃗x de la surface. Cette force de surface s’exprime à partir du vecteur ⃗n
localement normal à la surface via
¯⃗n
f⃗S = σ̄
(3.24)
Cette formulation découle d’un équilibre des forces sur un tétraèdre. Par ailleurs,
on montre aussi que ce tenseur est symétrique. Ces démonstrations étant techniques,
elles ne sont pas reportées dans le cadre de ce cours, et le lecteur(-trice) intéressé(e)
les trouvera dans un bon bouquin de mécanique des milieux continus. Sa formulation
cartésienne est

 
 
(fS )x
σxx σxy σxz
nx
(fS )y  = σyx σyy σyz  ny 
(3.25)
(fS )z
σzx σzx σzz
nz
¯ = σ̄
¯ T soit
De plus, on peut montrer que ce tenseur doit être symétrique tel que σ̄
composante par composante : σij = σji .
L’équation 3.24 va nous être très utile, car elle permet d’exprimer notre bilan local
sous la forme suivante
f⃗S dS =
S
¯⃗ndS
σ̄
S
21
(3.26)
⃗ = ⃗ndS nécessaire à l’apOn a ici fait apparaitre la notion de surface orientée dS
plication du théorème de Green-Ostrogradski. Ainsi, on peut transformer l’intégrale
surfacique en une intégrale volumique via
f⃗S dS =
δS
¯⃗ndS =
σ̄
δS
¯ dV
∇σ̄
(3.27)
δV
avec la divergence d’une matrice définie par (en cartésien)
∂
σ
∂x xx
+

∂
⃗ σ̄
¯=
∇
 ∂x σyx +

∂
σ +
∂x zx
∂
σ
∂y xy
∂
σ
∂y yy
+

∂
σ
∂z xz
+
∂
σ 
∂z yz ,


(3.28)

∂
σ
∂y zx
+
∂
σ
∂z zz
une opération qui consiste à prendre la divergence des vecteurs lignes. En effet, en
prenant un vecteur ⃗n = (1, 0, 0), on obtient comme vecteur
 
σxx

¯⃗n = σxy 
σ̄
(3.29)
σxz
¯ (et ainsi de suite
et dont la divergence donne la première composante du vecteur ∇σ̄
pour les autres composantes).
Les contraintes de pression
Nous nous intéressons ensuite aux forces de surface avec la force de pression et les
forces visqueuses (prochaine section). La pression mécanique p se définit comme une
force F s’exerçant par unité de surface S avec
F
(3.30)
S
La dimension de la pression est donc naturellement le Newton par mètre carré en
[N/m2 ]. Les mécaniciens des fluides utilisent plutôt le Pascal [P a] dont 1P a = 1N/m2 .
Néanmoins, les pressions dans les fluides peuvent atteindre des valeurs importantes de
l’ordre de 104 ou 105 . On utilise parfois le bar tel que 1bar = 105 P a.
Considérons maintenant une surface fermée de surface S (on confondra encore la
surface et le domaine) et un champ de pression p(⃗x) définit en tout point du fluide.
Pour chaque point ⃗x ∈ S, la force infinitésimale exercée sur une surface infinitésimale
dS de normale ⃗n est donnée par
p=
dF⃗p = f⃗p dS = −p(⃗x)⃗n(⃗x)dS
(3.31)
avec f⃗p la densité de force surfacique contribuant aux forces de surface f⃗s . Le signe
moins s’explique par le fait que la normale est dirigée de l’intérieur vers l’extérieur
(par convention, cf. cours de mathématiques pour la physique). Pour que la pression
de fluide s’exerce de l’extérieur vers l’intérieur du volume de contrôle, c’est à dire du
fluide environnant vers la surface de la particule fluide, la densité de force est donc
orientée dans le sens opposée à la normale à la surface.
22
La force totale de pression F⃗ s’exerçant sur un volume de contrôle
F⃗p =
f⃗p dS =
S
−p(⃗x)⃗n(⃗x)dS
(3.32)
S
La force totale est bien la somme des contributions infinitésimales. Comme la force
totale s’exprime comme une intégrale surfacique sur une surface fermée englobant un
volume, on peut alors utiliser une variante du théorème de Green-Ostrograsky, nommée
le théorème du gradient, qui donne
−p(⃗x)⃗n(⃗x)dS =
S
⃗ x)dV
−∇p(⃗
(3.33)
V
Noter que cette force est cohérente avec le tenseur des contraintes. En effet, la
composante du tenseur des contraintes associée aux forces de pression s’écrit
¯p = −p(t, ⃗x)I3
σ̄
(3.34)
¯⃗n
avec I3 la matrice identité en 3D. Ainsi, la force de pression s’écrit bien f⃗p = σ̄
grâce à la relation précédente. On dit que la pression est une force isotrope, du fait de
la matrice identité, car l’amplitude de la contrainte ne dépend pas de l’orientation de
la surface.
Par ailleurs, on montre que le bilan intégrale des forces avec uniquement les forces
de pression est
δV
D
(ρ⃗u)dV =
Dt
⃗ x)dV,
−∇p(⃗
(3.35)
V
ce qui à l’échelle d’une particule fluide, nous donne
D
⃗ x)
(ρ⃗u) = −∇p(⃗
(3.36)
Dt
Cette équation se nomme l’équation d’Euler. Une particule fluide avec une densité
de quantité ρ⃗u accélère sous l’effet du gradient de pression. Intuitivement, on comprend
bien que si la pression est uniforme dans un fluide sans pesanteur, alors aucune force
ne s’exerce sur la particule fluide. Il faut que localement la pression pousse plus d’un
coté que de l’autre pour que la particule accélère. A l’échelle de la particule fluide,
ce bilan local s’exprime sous la forme de l’opposée du gradient de pression. Le signe
moins est important car il signifie que la force s’exerce des zones de forte pression vers
les zones de faible pression : la force est bien opposée au gradient local de pression.
Quelques remarques sur le champ de pression, qui dépassent le cadre de ce cours :
1. Premièrement, considérons un fluide soumis à la pesanteur ⃗g à l’équilibre, c’est
à dire ⃗u = ⃗0 partout (à une translation galiléenne près). Cette équilibre impose
que les forces de pression contre-balancent la force de pesanteur, soit à l’échelle
locale
⃗ − ρg⃗ez = ⃗0
− ∇p
(3.37)
Cette équation se nomme l’équilibre hydrostatique. La solution de cette équation
pour le champ de pression p(⃗x) est simple et est donnée par
23
p(⃗x) = −ρg(z − za ) + Pa
(3.38)
avec Pa la pression de référence à l’altitude za . La pression est une fonction
décroisante de z, plus on plonge plus la pression augmente. Ce phénomène n’a
sans doute pas échappé aux plongeurs confirmés qui liront cette remarque
2. En introduction, nous avons fait exprès de parler de pression mécanique qui se
définit comme une densité surfacique de force. En thermodynamique, la pression
(grandeur intensive) se définit comme la variation d’énergie interne U relativement à une variation de volume à entropie S constante
∂U
(3.39)
p=−
∂V S
Cette définition différente caractérise la pression thermodynamique. Pressions
thermodynamique et mécanique dans un fluide sont généralement identiques,
tant que le fluide est assez dense pour que la grandeur mécanique converge
statistiquement vers la grandeur thermodynamique.
3. Finissons par une remarque plus technique sur la nature du champ de pression
pour les écoulements incompressibles. Un écoulement incompressible doit sa⃗ · ⃗u = 0 (la divergence du champ de
tisfaire la condition d’incompressibilité ∇
vitesse est nulle), et ceci à tout temps t (condition cinématique). Or l’équation
d’Euler peut briser cette condition. En effet, on peut supposer qu’un champ de
force f⃗, aussi bien que des forces centrifuges, tendent à compresser ou dilater
localement l’écoulement. Partons donc de l’équation d’Euler
∂
⃗ u = −∇p
⃗ + f⃗
⃗u + ⃗u · ∇⃗
(3.40)
ρ
∂t
où les termes de dérivée particulaire sont explicités et la densité massique ρ
est considérée comme constante par hypothèse. On applique alors l’opérateur
divergence sur cette équation pour évaluer l’évolution de la divergence
h
i
∂ ⃗
⃗
⃗
⃗ · f⃗
ρ
(∇ · ⃗u) + ∇ · ⃗u · ∇⃗u = −∇2 p + ∇
(3.41)
∂t
avec ∇2 = ∆ le laplacien (divergence du gradient). Supposons qu’au temps t,
⃗ · ⃗u) = 0 soit vraie. Pour que cette condition soit aussi vraie au
la condition (∇
∂ ⃗
temps t + dt, il faut que ∂t
(∇ · ⃗u) = 0. On alors une relation entre le champ de
pression, les forces et le champs de vitesse (qui ne fait pas intervenir de dérivées
temporelles)
h
i
2
⃗
⃗
⃗
⃗
− ∇ p + ∇ · f − ρ∇ · ⃗u · ∇⃗u = 0
(3.42)
Comme cette équation est vraie pour tout champs ⃗u et f⃗, la pression p est la
variable d’ajustement qui permet à l’écoulement de toujours vérifier la condition
d’incompressibilité. La pression p est donc un champ scalaire qui satisfait une
équation dite de Poisson pour que la divergence de l’écoulement soit tout le
temps nulle.
24
4. Il existe cependant des applications concrètes qui démontrent que cette équation
de Poisson ne peut être satisfaite. Faites couler l’eau d’un robinet. Comme ce
fluide est incompressible ou difficilement compressible, l’eau qui sort du robinet
est directement pompée à la source qu’on supposera être celle d’un château
d’eau. Lorsque que vous coupez ce robinet, c’est à dire un flux nul d’eau en
sortie, l’hypothèse d’incompressibilité impose que le flux soit aussi nul à la
source, c’est à dire au château d’eau, sinon de la masse d’eau s’accumule dans
la canalisation. Ce phénomène doit être instantané, c’est à dire qu’il faut que
l’information physique (le robinet est coupé) parcourt toute la canalisation à
une vitesse infinie. On dit que la pression dans les écoulements incompressibles
est un champ non-local car il assure le transfert d’information instantanément
dans le fluide.
Or, cette instantanéité est impossible en pratique. L’information physique ne
peut pas se transmettre immédiatement entre deux points éloignés. Dans les
vieilles ou précaires canalisations, la fermeture du robinet entraine un bruit, un
”tchonk” bien reconnaissable. Ce bruit est une onde de pression acoustique qui
parcourt la canalisation. Le fluide en amont (vers la source) n’est pas ”au courant” que le robinet est fermé, ce qui provoque une compression du fluide en aval.
Cette surpression entraine une onde acoustique qui va se propager vers l’amont
et s’atténuer progressivement. Ceci démontre aussi que l’information physique
est transmise par une onde acoustique, c’est à dire par la compressibilité du
fluide. Ce phénomène se nomme le ”coup de Bélier” et est donc la signature de
la limite du modèle du fluide incompressible. Attention, cet exemple ne veut
pas dire que le modèle du fluide incompressible est complètement faux. Il faut
juste s’assurer que les phénomènes ne soient pas brusques ou sur de trop longues
distances (comme la coupure du robinet) pour pouvoir utiliser cette hypothèse.
Les contraintes visqueuses
Jusqu’au 18ième siècle, l’équation d’Euler était l’équation maitresse de la mécanique
des fluides. Or elle ne pouvait pas rendre compte de certains phénomènes physiques
pourtant évidents pour les observateurs de l’époque :
— L’équation d’Euler conserve l’énergie, et ne peut expliquer l’amortissement des
écoulements du à des effets dissipatifs internes aux fluides.
— L’entrainement tangentiel du fluide, bien connu des amateurs de miel ou de pâte
à tartiner. En effet, en étalant ces liquides visqueux, on constate qu’il existe une
friction entrainant les différentes couches de fluides à partir de l’accélération de
la couche superficielle par le couteau. Or la force de pression ne peut pas rendre
compte de ces effets d’entrainement, car elle n’agit que normalement à la surface
et non tangentiellement.
— un corps dans un écoulement sans frottement ne subit aucune force, phénomène
connu sous le nom de Paradoxe de d’Alembert. On montre par exemple que le
champs de pression autour d’un cylindre de section circulaire est parfaitement
symétrique par rapport à son centre. Le champ de pression peut être nonuniforme autour du cylindre, in fine, la résultante des forces de pression est
toujours nulle.
25
Au 19ième siècle, on observe que les symétries de l’écoulement et du champ
de pression disparaissent lorsque des tourbillons ou des circulations (trajectoires fermées sur elles-même du fluide) apparaissent dans l’écoulement. Or ces
phénomènes tourbillonaires ne peuvent être engendrés par les forces de pression,
car le rotationnel de la force de pression est identiquement nul.
Du premier point, on en déduit qu’il existe une force additionnelle de nature dissipative, s’opposant à l’inertie du fluide. Du second, on en conclut que cette force
transmet dans l’épaisseur du fluide, un mouvement tangentiel à la tartine, et perpendiculaire à l’épaisseur du fluide. Finalement, à partir du dernier point, cette force est à
l’origine du phénomène tourbillonnaire qui explique les forces s’exerçant sur les objets
se déplaçant dans un fluide (avion, bateau, ...etc).
En récapitulant, cette force, qu’on nommera f⃗ν , cumule les propriétés suivantes
1. elle est dissipative ;
2. c’est une force de surface qui peut transmettre de la quantité de mouvement
tangentiellement (mais pas que), lorsqu’il existe un gradient de vitesse ;
3. elle peut générer des phénomènes tourbillonaires : sa contribution au PFD a un
rotationnel non nul.
Ces phénomènes sont décrits par une nouvelle force nommée visqueuse, dont les
propriétés mathématiques sont décrites dans la suite de cette section.
On introduit ainsi le tenseur des contraintes visqueuse τ̄¯, tel que le tenseur des
¯ s’écrit comme la somme de la contrainte due à la pression (vue dans la
contraintes σ̄
section précédente) plus cette nouvelle contribution dite visqueuse avec
¯ = −pI3 + τ̄¯
σ̄
(3.43)
¯ et la matrice I3 sont symétriques, il
avec I3 la matrice identité. Comme le tenseur σ̄
vient que le tenseur des contraintes visqueuses est lui aussi symétrique.
On supposera que la réponse visqueuse du fluide est linéaire par rapport aux gradient de champs de vitesse ⃗u (cette hypothèse peut être démontrée mais dépasse le
cadre de ce cours), telle que le tenseur varie linéairement avec le gradient du champs
de vitesse, et plus spécifiquement sa composante symétrique. Le gradient de vitesse se
définit comme
⃗   ∂
u
∇ux
∂x x
∂
⃗



⃗
∇(⃗u) = ∇uy = ∂x uy
∂
⃗ z
u
∇u
∂x z
∂
u
∂y x
∂
u
∂y y
∂
u
∂y z

∂
u
∂z x
∂
u 
∂z y
∂
u
∂z z
(3.44)
où chaque ligne correspond au gradient d’une des composante de la quantité de mouvement.On dit alors que le fluide est Newtonien si le tenseur des contraintes visqueuses
vérifie la relation dans un fluide incompressible
τ̄¯ = µ ∇(⃗u) + (∇(⃗u))T
(3.45)
avec µ > 0 la viscosité dynamique qui dépend des propriétés du fluide, (·)T l’opération
qui transpose la matrice ou le tenseur. Noter que le tenseur de vitesse n’étant pas
symétrique, en sommant ce tenseur et son transposé, on obtient bien un nouveau
26
tenseur qui est symétrique, respectant ainsi la symétrie du tenseur τ̄¯. Composante par
composante, on obtient
∂ui ∂uj
+
(3.46)
τ̄¯ij = µ
∂xj
∂xi
Ainsi, on obtient


∂uy
∂ux
∂ux
∂uz
x
+
+
2 ∂u
∂x
∂y
∂x
∂z
∂x
 ∂u
∂uy
∂uy
∂uz 
x
2
+
τ̄¯ = µ  ∂xy + ∂u
(3.47)
∂y
∂y
∂z
∂y 
∂uy
∂uz
∂ux
∂uz
∂uz
+ ∂z
+ ∂z
2 ∂z
∂x
∂y
Ainsi la force surfacique visqueuse s’exerçant sur une surface dS de normale ⃗n est
donnée par
f⃗ν = µτ̄¯⃗n
(3.48)
Pour illustrer cette équation, prenons un écoulement tangentiel au plan x0y, tel que
le champ de vitesse s’écrit ⃗u = ux (z)⃗ex . L’écoulement ne dépend que de la distance au
plan x0y, et il est unidirectionnel selon ⃗ex (uniquement à titre d’exemple). Le tenseur
des contraintes visqueuses s’écrit


∂
0
0 ∂z
ux
⃗ u) + ∇(⃗
⃗ u)T = µ  0
0
0 
µ ∇(⃗
(3.49)
∂
u 0
0
∂z x
Une seule composante est non nulle. Ainsi, la densité de force sur le plan x0y (avec
x > 0) de normale ⃗n = ⃗ez s’écrit
∂ux
⃗ex
(3.50)
f⃗ν = µ
∂z
L’existence d’un gradient d’un champ de vitesse normal à la surface provoque
une force tangentielle sur le plan x0y. De plus, la force augmente avec l’intensité du
gradient. De cet exemple, on en conclut que les termes hors diagonaux du tenseur
sont à l’origine de forces tangentielles. Réciproquement, les termes diagonaux rendent
compte des forces normales à la surface.
En utilisant la propriétés du tenseur des forces, on montre que la composante
visqueuse peut se mettre sous une forme volumique telle que
f⃗ν dS =
S
τ̄¯⃗ndS =
S
∇ · τ̄¯dV
(3.51)
V
Calculons donc la divergence du tenseur τ̄¯. On a donc
∇ · τ̄¯ = ∇ · τ̄¯
h
⃗ u + µ(∇⃗
⃗ u )T
= ∇ · µ∇⃗
i
(3.52)
⃗ · (∇⃗
⃗ u) + µ ∇
⃗ · (∇⃗
⃗ u)T
=µ ∇
27
⃗ · (∇⃗
⃗ u), on obtient un terme proportionnel à la diverPour le premier terme ∇
gence d’un gradient, c’est à dire un laplacien. Pour le second, on montre que ce terme
est identiquement nulle du fait de la divergence nulle du champ ⃗u. En effet, pour la
⃗ u)T , on a
première ligne de (∇⃗
h
i
∂ T
T
⃗
⃗u
(3.53)
(∇⃗u)
=
∂x
x
avec ⃗uT = (ux , uy , uz ) le vecteur vitesse ligne. Ainsi, en appliquant la divergence, on
obtient
h
i
∂ 2 ux
∂ 2 uz
∂ ⃗
∂ 2 ux
T
⃗
⃗
∇ · (∇⃗u)
=
+
=
+
∇ · ⃗u
2
∂x
∂x∂y ∂x∂y
∂x
x
(3.54)
⃗ u = 0, on aboutit à la conclusion
Or le champ de vitesse étant
nulle ∇·⃗
à divergence
⃗ · (∇⃗
⃗ u)T est nulle.
que chaque ligne du terme ∇
Ainsi, on obtient
f⃗ν dS =
S
µ∆⃗udV
(3.55)
V
Il vient que l’équation de la dynamique devient
∂
⃗ u = −∇p
⃗ + µ∆⃗u
⃗u + ⃗u · ∇⃗
ρ
∂t
(3.56)
Les deux termes de droites dérivent des contraintes internes dans le fluide : la
pression et la contrainte visqueuse.
Quelques remarques
— Reprenons l’exemple de l’écoulement tangent au plan x0y avec ⃗u = ux (z)⃗ez
dans le demi-espace z > 0. On remarque que si uz = 0 et que l’écoulement ne
⃗ u et
dépend que de la coordonnée verticale, alors les termes d’advection ⃗u · ∇⃗
⃗
de pression −∇p sont identiquement nul (à faire à la maison). L’équation 3.57
devient alors
∂2
∂
ux = µ 2 ux
(3.57)
∂t
∂z
On reconnait une équation de diffusion de la quantité de mouvement avec un
coefficient de diffusion ν = µ/ρ appelé la viscosité cinématique.
— Les frottements visqueux émergent ainsi d’un processus diffusif issu du chaos
de la dynamique particulaire microscopique (cf. cours).
ρ
28
3.3.4
Bilan de la section
— La conservation de la masse montre que l’évolution du champs de densité
massique ρ(t, ⃗x) est donnée par
∂
⃗ + ρ∇
⃗ · ⃗u = 0
ρ + ⃗u · ∇ρ
∂t
(3.58)
— En se basant sur l’hypothèse du fluide incompressible, la dérivée particulaire de la densité massique D/Dtρ est nulle et donc le champ de vitesse
doit toujours satisfaire la condition
⃗ · ⃗u = 0
∇
(3.59)
— La conservation de la quantité de mouvement est donné par sa dérivée
particulaire
∂
⃗
+ ⃗u · ∇ ρ⃗u = ⃗0
(3.60)
∂t
— Au sein du fluide, les particules fluides sont soumis à des forces de surfaces,
nommées contraintes, qu’on peut mettre sous la forme telles qu
¯⃗n
f⃗S = σ̄
(3.61)
avec le tenseur des contraintes composé des forces de pression et du tenseur des contraintes visqueuses
¯ = −pI3 + µ∇⃗u
σ̄
(3.62)
— L’évolution de la quantité de mouvement dans le fluide est donné par
∂
⃗
⃗ σ̄
⃗ + µ∆⃗u
¯ = −∇p
+ ⃗u · ∇ ρ⃗u = ∇
(3.63)
∂t
29
Chapitre 4
Conditions limites et vorticité
in progress
4.1
Les conditions limites
Nous avons établi les équations de Navier-Stokes, équations uniquement valide
dans le fluide. Il nous faut déterminer les conditions limites entre un fluide et les bords
de son domaine. Ces conditions sont généralement des interfaces fluide-solide. Nous
supposerons ici que le solide est au repos et que sa vitesse est identiquement nulle
(on pourra toujours utiliser une transformation galiléenne pour considérer des vitesses
non-nulles du solide). Il existe deux types de conditions limites entre un fluide et un
solide
— la condition de non-pénétration. En supposant que le fluide ne peut pas
rentrer dans le solide, le flux de masse de fluide à travers le solide doit donc être
nul en tout point de la surface dont le domaine sera noté ∂Ω. Ainsi, le champ
de vitesse satisfait la condition suivante
⃗u(⃗x ∈ ∂Ω) · ⃗n = 0
(4.1)
avec ⃗n la normale locale à la surface.
— la condition de non-glissement. On a vu dans le chapitre précédent que
les fluides réels avaient une viscosité à l’origine d’un phénomène de contraintes
visqueuses. Le phénomène visqueux impose une continuité du champ de vitesse
à l’interface, c’est à dire que le fluide ne peut glisser sur la surface du solide. Dans
le cas contraire, il existerait alors un saut de vitesse à l’interface fluide-solide.
Ici, le tenseur des contraintes visqueuses doit ainsi diverger car le gradient de
la vitesse est infini en présence d’un discontinuité. Au contraire, la continuité
fluide-solide assure que les forces de frottement restent bornées. Cette continuité
implique donc que non seulement la vitesse normale s’annule, mais aussi que la
composante tangentielle reste nulle avec
⃗u(⃗x ∈ ∂Ω) · ⃗t = 0
avec ⃗t n’importe quel vecteur tangent localement à la surface.
30
(4.2)
En conclusion, si les composantes normales et tangentielles s’annulent, alors la
vitesse du fluide doit être identiquement nulle, soit
⃗u(⃗x ∈ ∂Ω) = ⃗0
(4.3)
On dit que le fluide adhère à la surface du solide. Une couche de fluide d’épaisseur
infinitésimale reste alors attachée au solide, qu’importe le mouvement du solide dans
le fluide.
Quelques remarques
⃗ S (⃗x) la vitesse de l’interface solide,
— Si la vitesse du solide est non-nulle avec U
alors les conditions deviennent
⃗ s · ⃗n = ⃗0
⃗u − U
(4.4)
— Le fluide peut être au contact d’un autre fluide, qu’on supposera immiscible
(qui ne se mélange pas, type eau-huile). Dans ce cas, on a raccordement des
vitesses comme un fluide, mais on a aussi continuité des contraintes à travers
la surface.
31
Chapitre 5
Équation de Bernoulli
5.1
Introduction
Nous avons établi les équations de Navier-Stokes décrivant l’évolution de la densité
massique ρ et de la densité de quantité de mouvement ρ⃗u dans un écoulement. A
ces équations s’ajoutent les conditions limites et initiales qui déterminent ainsi les
solutions. Ce problème n’admet malheureusement que peu de solutions analytiques, et
ils n’existent pas de théorème en général nous prouvant l’unicité de ces solutions. Deux
alternatives s’offrent à nous. La première consiste à résoudre des solutions approchées
de ces équations via des outils numériques, une méthode généralement coûteuse en
temps de calcul. La seconde qui sera présentée ici, consiste à simplifier ces équations
pour pouvoir appliquer des outils d’analyse classique. Dans le domaine de l’ingénierie,
l’équation de Bernoulli est une des formes simplifiées des équations de Navier-Stokes
permettant des calculs de coin de table avec des résultats généralement cohérent avec
les mesures in-situ.
Il existe plusieurs façon de démontrer l’équation de Bernoulli et nous en présenterons
deux. Une troisième consisterait à analyser d’un point de vue thermodynamique la
conservation de l’énergie. Nous considérons dans tous les cas un écoulement incompressible dont la masse volumique est une constante du mouvement.
5.1.1
Reformulation de l’équation de Navier-Stokes
Dans la suite, nous utiliserons l’identité vectorielle suivante
2
|⃗u|
⃗
⃗
+ω
⃗ ∧ ⃗u
⃗u · ∇⃗u = ∇
2
(5.1)
Cette équation permet d’écrire le terme d’advection comme la somme d’un terme
dérivant d’un gradient de l’énergie cinétique et du produit vectoriel de la vorticité et
du champ de vitesse. Ces deux termes sont respecivement les analogues de la forces
d’inertie et de Coriolis, car le premier terme dérive d’un gradient de l’énergie cinétique,
alors que le second est un terme qui ne travaille pas car formé via le produit vectoriel
du champ de vitesse. Il est possible de la démontrer en utilisant l’identité vectorielle
permettant le développement de ∇ · (⃗u · ⃗u). Cette identité se trouve facilement sur
32
internet (voir page wikipedia sur les identités vectorielles), et ne sera pas détaillé ici
pour raison de concision. Ainsi l’équation pour la quantité de mouvement s’écrit
∂⃗u ⃗ ρ|⃗u|2
⃗ − ∇V
⃗ + ρν∆⃗u
+∇
+ ρ⃗ω ∧ ⃗u = −∇p
(5.2)
ρ
∂t
2
Notez aussi la présence d’une force dérivant d’un potentiel V. On pourra prendre
V = ρgz
(5.3)
pour prendre en compte la gravité dans la dynamique.
Ainsi dans l’équation de Navier-Stokes, plusieurs termes se présentant sous la forme
d’un gradient peuvent se factoriser sous la forme
∂⃗u ⃗ ρ|⃗u|2
+∇
+ p + V + ρ⃗ω ∧ ⃗u = ρν∆⃗u
(5.4)
ρ
∂t
2
Ces termes entre parenthèses ont tous la dimension d’une densité volumique d’énergie.
On nomme la charge H, la somme de ces différent termes
ρ|⃗u|2
+p+V
(5.5)
2
L’équation de Bernoulli est une équation décrivant la conservation de cette charge.
Le but des démonstrations à venir consiste donc à supprimer les autres termes dans
l’équation, et ceci grâce à différentes hypothèses.
H=
5.2
L’équation de Bernoulli pour les écoulements
stationnaires
Pour simplifier les équations de Navier-Stokes, nous allons supposer que
1. la densité massique ρ est constante dans l’écoulement (spatialement et temporellement)
2. Le champ de vitesse ⃗u et le champ de pression sont des constantes du mouve∂
ment. Ainsi toutes les dérivées temporelles Euleriennes sont nulles, soit ∂t
(·) = 0
3. La viscosité du fluide est supposée nulle ν = 0
Ainsi, l’équation de Navier-Stokes devient
2
ρ|⃗
u
|
⃗
+ p + V + ρ⃗ω ∧ ⃗u = 0
∇
2
(5.6)
Le gradient de la charge est ici contrebalancé par le terme de Coriolis. Pour supprimer ce dernier, multiplions cette équation par ⃗u·
ρ|⃗u|2
⃗
⃗u · ∇
+ p + V + ρ⃗u · (⃗ω ∧ ⃗u) = 0
(5.7)
2
Or le dernier terme est identiquement nul, soit
33
⃗u · (⃗ω ∧ ⃗u) = 0
(5.8)
Cette égalité est juste une vérification que les forces de Coriolis produisent une
densité volumique de puissance P = ⃗u · f⃗ nulle. Il vient de l’équation suivante
ρ|⃗u|2
⃗ =0
⃗
+ p + V = ⃗u · ∇H
(5.9)
⃗u · ∇
2
⃗ (·) de dérivée advective pour un champ stationnaire.
On reconnait l’opérateur ⃗u · ∇
Ainsi, l’équation précédente démontre que la variation totale par l’écoulement de la
charge est nulle, donc la charge est constante. Néanmoins, la charge n’est constante
que dans une direction privilégiée. En effet, on peut remarquer que pour un scalaire,
on peut écrire
⃗ = (⃗u) · ∇H
⃗
(⃗u·) ∇H
(5.10)
Le dernier terme de droite montre que le gradient de H est toujours orthogonal au
champ de vitesse. Comme le champ de vitesse est supposé stationnaire, la trajectoire
d’une particule fluide est constante et suit tangentiellement le champ de vitesse : ce sont
⃗ · ⃗u est nul, c’est à dire la dérivée directionnelle
les les lignes de courant. Ainsi si ∇H
le long des lignes de courant, cela implique que H ne varie pas le long d’une ligne de
courant.
Ainsi, la charge est conservée le long des lignes de courant, ce qui s’exprime sous
la forme suivante
ρ|⃗u|2
+ p + ρgz = constante le long d’une ligne de courant
(5.11)
2
Cette propriété est forte, car l’écoulement peut comporter des tourbillons, c’est à
dire une vorticité non-nulle. Malheureusement, cette propriété nécessite de connaı̂tre la
forme des lignes de courant, ce qui en pratique est impossible à déterminer uniquement
avec l’équation de Bernoulli. On verra qu’en l’absence de tourbillons, on pourra se
passer de cette condition très/trop restrictive.
5.3
L’équation de Bernoulli pour les écoulements
irrotationnels
⃗ ∧ ⃗u,
Supposons maintenant que le rotationnel de ⃗u, c’est à la vorticité ω
⃗ = ∇
est identiquement nul partout dans l’écoulement. Il vient que le terme de force de
tourbillon est nul en l’absence de tourbillon, soit
ω
⃗ ∧ ⃗u = ⃗0
(5.12)
De plus, on remarque que pour les écoulements incompressible, le laplacien du
terme diffusif peut se mettre sous la forme du rotationel du rotationel de la vitesse
avec
⃗ ∧ ∇
⃗ ∧ ⃗u = −∇
⃗ ∧ω
∆⃗u = −∇
⃗
(5.13)
34
Or si ω
⃗ = ⃗0, la diffusion de la quantité de mouvement par la viscosité est identiquement nulle. Ainsi, l’équation de Navier-Stokes devient en l’absence de vorticité
∂⃗u ⃗ ρ|⃗u|2
+∇
+ p + V = ⃗0
(5.14)
ρ
∂t
2
On pourrait utiliser la stationnarité du champ pour aboutir à la conservation de la
charge, mais on peut aussi intégrer les effets instationnaires dans la charge. Comme le
rotationnel du champ de vitesse est nul, on peut poser que la vitesse ⃗u dérive d’une
⃗ Ce champ est donc toujours irrotationnel. Ainsi,
fonction gradient ϕ, tel que ⃗u = ∇ϕ.
nous obtenons l’équation suivante
⃗
∂ ∇ϕ
⃗
ρ
+∇
∂t
ρ|⃗u|2
+p+V
2
2
⃗ ρ ∂ϕ + ρ|⃗u| + p + V
=∇
∂t
2
(5.15)
Or comme nous l’avons démontré, ce terme est identiquement nul en l’absence de
vorticité, c’est à dire
∂ϕ
⃗
∇ ρ
+ H = ⃗0
(5.16)
∂t
Si le gradient est toujours nul, il vient que le terme dans l’intégrale doit être
constant partout, sans condition sur la direction. En effet, la dérivée directionnelle
est toujours nulle, car le gradient est nul. Finalement, on obtient
ρ
∂ϕ ρ|⃗u|2
+
+ p + ρgz = constante partout dans l’écoulement
∂t
2
(5.17)
A l’instar de la section précédente, on retombe donc sur la constance de la charge
pour un écoulement stationnaire, mais ICI, sans condition sur les lignes de courant.
5.4
fin
35
Téléchargement