CHAPITRE 1. STRUCTURES MÈRES 3
Introduction
Jean Piaget
La méthode axiomatique permet, lorsqu’on a affaire à des êtres ma-
thématiques complexes, d’en dissocier les propriétés et de les regrouper
autour d’un petit nombre de notions, c’est-à-dire [...] de les classer suivant
les structures auxquelles elles appartiennent[...] ; pour définir une struc-
ture, on se donne une ou plusieurs relations, où interviennent ces éléments
[...] ; on postule ensuite que la ou les relations données satisfont à certaines
conditions (qu’on énumère) et qui sont les axiomes de la structure envisa-
gée. Faire la théorie axiomatique d’une structure donnée, c’est déduire les
conséquences logiques des axiomes de la structure, en s’interdisant toute
autre hypothèse sur les éléments considérés (en particulier, toute hypothèse
sur leur « nature » propre).
– N. Bourbaki
C’est le groupe de mathématiciens publiant sous le pseudonyme de N. Bourbaki
qui a développé pour la première fois la théorie des structures de manière explicite et
rigoureuse dans ses Éléments de mathématique à partir des années 1930.
La notion de structure dérive de la méthode axiomatique adoptée par Bourbaki.
Cette axiomatique permet de mettre au jour une unité profonde entre diverses branches
des mathématiques, considérées comme distinctes dans la classification traditionnelle
des disciplines mathématiques (arithmétique, algèbre, analyse, géométrie) :
Nous croyons que l’évolution interne de la science mathématique a, malgré les ap-
parences, resserré plus que jamais l’unité de ses diverses parties, et y a créé une sorte
de noyau central plus cohérent qu’il n’a jamais été. L’essentiel de cette évolution a
consisté en une systématisation des relations existant entre les diverses théories ma-
thématiques, et se résume en une tendance qui est généralement connue sous le nom
de « méthode axiomatique ».
Bourbaki observe : « Dans cette nouvelle conception, les structures mathématiques
deviennent, à proprement parler, les seuls « objets » de la mathématique. » et distingue
principalement trois types de « structures-mères » : la structure algébrique, dont les
relations sont des lois de composition, la structure d’ordre, et la structure topologique.
Ce terme est à l’origine de ce que l’on a appelé le structuralisme mathématique.
Cette façon de penser a intéressé notamment les psychanalystes (Jacques Lacan), les
anthropologues (Claude Levi-Strauss), les psychologues (Jean Piaget). Le structu-
ralisme est né avec le cercle (linguistique) de Prague, en se fondant sur des travaux de
linguistique (notamment de Ferdinand de Saussure).
Attention ! Ce principe d’exposition est en fait artificiel. Bourbaki avoue trois
inconvénients de cette théorie des structures : « elle est à la fois schématique, idéalisée
et figée. » Schématique, car dans le détail il existe « d’inattendus retours en arrière »,
comme l’intervention des nombres réels pour fonder la topologie. Idéalisée, car « dans
certaines théories (par exemple en théorie des nombres), il subsiste de très nombreux
résultats isolés qu’on ne sait jusqu’ici classer ni relier de façon satisfaisante à des
structures connues » et figée, car les structures ne sont pas « immuables », et peuvent
se prêter à des inventions ou reformulations futures.
François Sauvageot - Lycée Lesage - Vannes - cbna - 2022-2023